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AccueilNuméros33Un héritage en témoignages« Je partirais d’une phrase... »

Un héritage en témoignages

« Je partirais d’une phrase... »

Irène Kaufer
p. 131-137

Texte intégral

1Philosophe à la pensée complexe, Françoise Collin possédait aussi un extraordinaire sens de la formule : en quelques mots simples, elle synthétisait une analyse, posait les termes d’un débat ou lançait une idée provocatrice.

  • 1 F. Collin, Je partirais d’un mot : le champ symbolique, Villenave d’Ornon, Editions Fus-Art, 1999.
  • 2 F. Collin, I. Kaufer, Parcours féministe, Bruxelles, Labor, 2005, nouvelle édition revue et augment (...)

2Paraphrasant l’un de ses ouvrages, Je partirais d’un mot1, cet article propose de reprendre certaines de ces formules tirées du Parcours féministe2 que j’ai eu la chance de faire à ses côtés. A défaut d’apporter les « bonnes réponses », elles nous aident au moins à poser « les bonnes questions », précieuses dans la réflexion, les débats mais aussi l’action, le militantisme quotidien. Car cette philosophe savait aussi rester très accessible, en proposant des outils à toutes celles qui se battent pour leur liberté.

3Il a fallu faire des choix difficiles en choisissant, parmi beaucoup d’autres possibles, certains thèmes qui m’ont paru les plus pertinents, soit parce que controversés, soit parce que très actuels, soit parce que la réflexion de Françoise Collin apporte un éclairage particulièrement original.

Qu’est-ce que le féminisme ?

4Le féminisme : un mouvement social et politique qui concerne la moitié de l’humanité mais qui n’a ni fondateur ou fondatrice, ni doctrine référentielle, ni orthodoxie, ni représentant.e.s autorisé.e.s, ni parti, ni membres authentifié.e.s par quelque carte, ni stratégies prédéterminées, ni territoire, ni représentation consensuelle (...).

5Un mouvement qui (...) fait bouger les rapports privés et sociaux, impose des lois, change des vies, bouleverse les chambres politiques et les chambres à coucher.

  • 3 Toutes les citations sont tirées de Parcours féministe, voir supra note 2.

6Une révolution permanente (...) qui ne repose pas sur la représentation de sa fin ou sur une doctrine préalable : elle se pense et s’invente à chaque pas3 (p. 21).

7En quelques mots, l’essentiel est dit de ce qui distingue le féminisme d’autres mouvements d’émancipation.

8Tout d’abord, la proximité avec le dominant, et même l’intimité pour les femmes hétérosexuelles. « Bouleverser les chambres à coucher » semble autrement plus délicat que de « bouleverser les chambres politiques » ou les salons feutrés de l’économie. Ce que d’autres ont exprimé plus crûment : le féminisme est le seul mouvement d’émancipation où l’ennemi est dans son propre lit.

9Deuxième particularité, l’absence de point d’arrivée, d’illusions sur une société future parfaite, sans domination. Je ne crois pas à l’incarnation de l’idéal, ni à la fin de l’histoire, mais à un agir obstiné – agir de la résistance – sans lequel le pire devient sûr. On ne connaît pas exactement la destination, mais on sait qu’il faut marcher. Ce qui rejoint en quelque sorte le crédo de la Marche mondiale des femmes : « Nous marcherons tant que toutes les femmes ne seront pas libres ». Avec une nuance de taille : pour Françoise Collin, il n’y a pas de futur « idéal » à atteindre, mais une révolution permanente, un chemin à réinventer à chaque pas. Autrement dit, les femmes n’en finiront jamais de marcher.

Pourquoi être féministe ?

10Je ne suis pas féministe parce que les femmes sont bonnes, mais parce qu’elles sont injustement traitées (p. 60).

11Le combat pour une représentation plus équilibrée des femmes aux postes de responsabilité, notamment politique, se heurte invariablement à cet argument : on choisit les personnes pour leur compétence, ou leurs opinions, pas sur la base de leur sexe. Et de brandir l’un de ces « épouvantails » censés discréditer toute exigence de parité : dans les années quatre-vingt, c’était Margaret Thatcher ; aujourd’hui, ce serait Angela Merkel. Quand elles ne sont pas incompétentes, les femmes de pouvoir seraient impitoyables. Songerait-on à écarter les hommes des postes de pouvoir en invoquant Pinochet, Franco ou Bachar el-Assad ?

12A l’inverse d’une « incompétence » supposée des femmes ou de la brutalité de certaines d’entre elles, arrivées au pouvoir, un autre argument est aujourd’hui en vogue, plus pernicieux encore sous son air de plaidoyer pour l’égalité : les femmes seraient « meilleures », plus aptes aux compromis indispensables dans notre société complexe ; d’ailleurs les entreprises qui leur accordent une meilleure place seraient plus rentables... Ce qui revient à remplacer une « égalité de justice » par une sorte d’« égalité au mérite ».

13Il n’est donc pas question de nier qu’il existe des femmes incompétentes, stupides, cruelles, tortionnaires, racistes... ou peu « rentables », comme des hommes. Il faut leur laisser la possibilité de faire leurs preuves, quitte à les combattre ensuite. Comme des hommes.

Faut-il parler « du » ou « des » féminismes(s) ?

14La notion du féminisme – au singulier – est pertinente, car elle définit un espace de pensée et d’action centré sur la transformation des rapports entre les sexes, sur laquelle se concentrent les énergies diverses : c’est là le point de jonction, le point de référence. Il s’agit de transformer un monde défini par un seul sexe en un monde défini par les uns et les autres. Mais le féminisme est pluriel en ce que, depuis le début, il est nourri de positions diverses, tant quant à la définition même de la différence des sexes et de son statut que quant aux stratégies politiques à adopter pour transformer l’état de fait, et au monde visé (p. 33).

15Savoir si l’on peut encore évoquer le féminisme, au singulier, n’est pas seulement une question théorique, en un temps où des mouvements très différents accolent eux-mêmes un adjectif à leur propre définition : on sent l’écart qu’il peut y avoir, par exemple, entre les « féministes musulmanes » et les « féministes pro-sexe », tout comme entre un féminisme « différentialiste » et « universaliste » ou « matérialiste »... Il faut donc se demander ce qui unit tout de même ces sous-catégories pour mener un combat commun, au-delà de leurs divergences et de leurs priorités différentes, ou encore des terrains sur lesquels elles interviennent. Françoise Collin nous indique ici ce « point de référence commun » : la transformation du monde pour qu’il ne soit plus défini par les hommes seuls.

L’oppression des femmes est-elle universelle ?

16La « domination masculine » plus évidente dans certaines autres cultures ne doit pas nous masquer celle qui se joue dans la nôtre et ne peut constituer un alibi. Ainsi a-t-on vu récemment se dresser en France de nombreux défenseurs passionnés de la libération des femmes quand il s’agissait de « dévoiler » les immigrées musulmanes au nom des valeurs de la République, alors qu’ils ne manifestent pas la même ferveur quand il s’agit des pratiques discriminatoires que celle-ci entretient (p. 29).

17En Belgique non plus, on ne manque pas de ces défenseurs des femmes « d’ailleurs », et surtout musulmanes, ces tout nouveaux champions de l’égalité hommes/femmes qui ont dénigré et ridiculisé le combat féministe et continuent parfois à le faire ; les mêmes qui n’hésitent pas, une fois au pouvoir, à prendre des mesures (anti)sociales (chômage, pension...) qui creusent encore le fossé entre les hommes et les femmes en matière de revenus.

18L’interdiction du port du foulard est devenue emblématique de cette hypocrisie. Certes, la situation n’est pas la même en Belgique, où il n’existe pas d’interdiction générale du foulard à l’école mais où chaque établissement peut introduire ce point dans son règlement intérieur. Le résultat est pourtant très proche, puisqu’une proportion écrasante d’écoles a opté pour l’interdiction, ce qui a pour effet de renforcer la ghettoïsation des écoles qui l’acceptent encore, allant tout à fait à l’encontre de la volonté affichée de mixité sociale. En France, Françoise Collin avait pris une position minoritaire :

19A la différence de nombreuses féministes, j’étais opposée à l’idée d’une loi en la matière. Non que je défende le voile ou le statut des femmes dans la religion islamique (tel qu’il fut d’ailleurs longtemps dans la religion catholique), mais parce que je pense, d’une part, que le port du voile a une signification polysémique et peut autant attester d’une affirmation identitaire bafouée par les survivances du colonialisme et par la suffisance occidentale, que d’une soumission au diktat religieux ou paternel ; il peut aussi permettre une certaine réserve face à l’appropriation du regard masculin dans la conjoncture difficile des banlieues. D’autre part, et surtout, parce que je pense que la libération ne peut se faire sous la contrainte (...).

20Les jeunes filles qui refusaient de céder ont été exclues ou se retrouvent soit dans des lycées catholiques, soit en attente d’écoles coraniques, soit chez elles. Beaucoup apparemment se sont soumises, avec plus ou moins de bonne grâce. La « menace islamiste » en a-t-elle pour autant été réduite ? Rien n’est moins sûr. Les jeunes errent toujours, sans emploi et sans but dans leurs banlieues, proies faciles pour n’importe quelle propagande (p. 90-91).

21On ne saurait mieux dire, à l’heure où la radicalisation de certains jeunes (y compris de plus en plus de jeunes femmes) pose à nos sociétés des questions auxquelles elles n’arrivent pas à trouver de réponses satisfaisantes.

Mais alors, quelles solidarités avec ces « autres féminismes » ?

22Il me semble que nous devons tout à la fois être vigilantes et lutter dans la conjoncture particulière qui est la nôtre, ici et maintenant, sur laquelle nous pouvons avoir un impact direct, en nous articulant en même temps à celle des autres, au niveau mondial. (...) Le risque de l’attitude des Occidentales serait de se transformer en donneuses de leçons, mais il serait aussi scandaleux de ne pas intervenir sous prétexte de respect des coutumes locales. Il faut en effet tout à la fois faire bénéficier les femmes des autres pays, des autres classes et des autres cultures de nos avancées, et ne pas fortifier pour autant l’occidentalocentrisme, voire l’impérialisme. La libération des femmes, où que ce soit, dépend d’abord de leur volonté de se libérer, par les moyens dont elles disposent et qu’elles jugent opportuns. Au moins pouvons-nous, devons-nous en soutenir le mouvement (p. 196).

23Voilà qui exige un équilibre délicat, mais indispensable pour mener des luttes communes.

Quelle place pour les hommes ?

24L’homme féministe n’est pas (...) celui qui intervient dans les groupes féministes ou qui se fait le porte-parole de la libération des femmes – ce rôle est très délicat et rarement heureux – mais celui qui reconnaît avoir quelque chose à attendre du mouvement des femmes, qui le soutient de son attention, de sa pensée et de son action, et qui en relaie les enjeux dans ses comportements et ses décisions (p. 177).

  • 4 P. Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998.

25C’est en effet ce qui semble le plus difficile pour nos amis masculins : ne pas intervenir, s’abstenir de donner des leçons, reconnaître une dette intellectuelle envers les femmes. Une difficulté que l’on retrouve jusque chez ceux qui se veulent des alliés, comme Pierre Bourdieu dans son livre sur la « domination masculine »4, où il se réfère très peu à des penseures féministes, confirmant ainsi indirectement ce qu’il prétend dénoncer.

26Voilà qui rejoint la question de la mixité des combats féministes : aujourd’hui encore, une manifestation non mixte, une réunion réservée aux femmes, provoque l’indignation de bien des amis qui nous veulent du bien (avec ou sans notre consentement).

27La sécession des femmes (...) a paradoxalement substitué à la fausse mixité du monde existant – qui était en fait un monde « homosexué », ou homosocial, c’est-à-dire fondé sur le rapport des hommes entre eux – les chances d’une véritable mixité à venir. (...) Il ne s’agit pas d’exclure les hommes, mais de commencer par rompre avec l’état social où les femmes n’arrivaient pas à s’affirmer, à être « initiative », autrement que sous caution – sous la condition du savoir et de l’autorité masculines – et ceci indépendamment même de la (bonne ou mauvaise) volonté des hommes en tant qu’individus (p. 36).

28(...) Le regroupement des femmes en vue d’une initiative quelconque apparaît encore comme une transgression, alors que le regroupement des hommes – que ce soit pour jouer à la pétanque ou débattre de questions politiques dans une émission télévisée – paraît normal (p. 179).

Et qu’en est-il des mouvements homosexuels (principalement gays) ?

29On peut penser que l’homosocialité traditionnelle ne s’accommode finalement pas trop mal de l’homosexualité masculine, qui étend ses usages de rapports entre « mêmes » à la sexualité. Toute l’histoire des sociétés est une histoire d’hommes entre eux, c’est-à-dire d’homosocialité, laquelle peut aujourd’hui s’accomplir jusque dans l’homosexualité masculine. Je pense que c’est un des éléments qui font que l’homosexualité masculine et l’homosexualité féminine se dissocient progressivement dans leur réception sociale. On peut se demander en effet s’il n’est pas plus facile pour une société « fratriarcale », sinon patriarcale, de reconnaître l’homosexualité masculine que de reconnaître les femmes, quelle que soit leur sexualité : c’est pourquoi aujourd’hui le mouvement gay approprie ou évince le mouvement féministe (p. 182-183).

30Cette affirmation quant à une meilleure acceptation de l’homosexualité masculine peut surprendre, dans la mesure où dans les pays les plus répressifs, c’est bien elle qui est principalement visée par les interdictions ou même la pénalisation. Les lesbiennes, elles, sont surtout menacées par l’invisibilité, y compris celle des violences dont elles sont les victimes spécifiques (comme le viol correctif). Mais dans nos pays occidentaux, l’ouverture à l’homosexualité concerne surtout les « frères ». On vient d’en avoir une illustration saisissante en mai 2015, lorsqu’un référendum ouvrait le mariage aux personnes de même sexe (revendication principalement gay) en Irlande, pays où l’avortement, lui, reste interdit.

31Autre illustration, trois votes récents au Parlement européen. Alors que le texte d’Ulrike Lunacek sur les droits des gays et lesbiennes a pu obtenir une majorité malgré les pressions des conservateurs, deux rapports portant sur les droits des femmes ont été rejetés : la résolution d’Edite Estrela sur les droits sexuels et reproductifs, et le rapport de Cristina Zuber sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

32Françoise Collin aurait sans doute été surprise en revanche par les débordements de la Manif pour Tous en France, elle qui pensait que :

33En réclamant leur normalisation, les gays volent en quelque sorte au secours de la société et plus précisément de l’homosocialité dominante, qui d’ailleurs, après un temps d’hésitation, ne s’y trompe pas : le peu de résistance que rencontre aujourd’hui cette revendication transgressive en atteste (p. 181).

34Mais on peut penser que cette résistance, bien plus forte et violente qu’elle ne l’aurait pensé, concerne surtout les enfants.

35Sur cette question de parenté, elle disait :

36J’avoue que j’ai ratifié plus spontanément la parenté de deux femmes que de deux hommes. Ma réserve principale (...) devant la parenté de deux hommes, c’est qu’elle instrumentalise nécessairement le corps d’une femme (p. 75).

37Aujourd’hui, en France comme chez nous, la revendication d’une légalisation de la gpa refait surface (gestation pour autrui, terme « neutralisant » pour les mères porteuses). On peut penser légitimement qu’elle se serait retrouvée parmi les opposant.e.s à une telle légalisation, qui repose soit sur une marchandisation du corps des femmes, soit, dans les cas de « gpa altruiste », sur cette « qualité » d’altruisme désintéressé qu’on attend de manière si classique des femmes...

Du côté des femmes créatrices

38Toute œuvre de femmes est féministe (p. 135).

39Le thème de la création des femmes tenait particulièrement à cœur à Françoise Collin. Sa formule a de quoi surprendre, ou même choquer, lorsque l’on sait que bien des femmes artistes ont tenu à se démarquer explicitement du féminisme. Une attitude qu’elle comprenait d’ailleurs, tant l’accès des femmes à la création et à la diffusion de leurs œuvres rencontre des obstacles.

40L’apport séculaire des femmes n’est pas ignoré seulement par un processus conscient de discrimination, il l’est parce que sa matière et ses formes ne font pas partie des critères de recevabilité élaborés. Un peu comme un créateur peut rester totalement méconnu en son temps parce qu’il ne répond pas au prérequis dominant de sa culture (p. 119). (...) Les œuvres d’hommes ont en effet bénéficié traditionnellement de « discriminations positives » non avouées comme telles (p. 152).

41Que l’on songe à toutes les expositions d’œuvres uniquement masculines ne se revendiquant pas comme telles, ou aux festivals de cinéma d’où les réalisatrices sont quasi totalement absentes (voir le festival de Cannes, champion en la matière).

42Dès lors, le seul fait de créer est un acte féministe, du seul fait de participer de la « vie des formes », de la constitution de l’espace symbolique commun. Ce qui définit aussi une responsabilité des féministes :

43L’attitude féministe face à la création consiste d’abord à surmonter ces obstacles, plutôt que de sélectionner parmi les œuvres ce qui a ou non un contenu féministe.

44Si l’apport des femmes artistes commence à être mieux reconnu, Françoise Collin insiste sur la nécessité de s’intéresser aux créatrices d’aujourd’hui.

45Malheureusement, le travail universitaire porte généralement sur le passé, considéré comme seul digne de « science ». Il s’attache à ressusciter les mortes mais laisse souvent mourir les vivantes (p. 145).

En guise de conclusion : l’égalité oui, mais à quoi ?

46Le féminisme est-il le « devenir-homme » des femmes, ou le devenir-autre des hommes et des femmes ? (p. 30).

47Voilà sans doute la question fondamentale, même si Françoise Collin prenait soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’une opposition excluante, mais plutôt d’une complémentarité entre un féminisme purement « égalitaire » ou institutionnel, et un autre, plus subversif.

48Pour le dire plus concrètement : l’émancipation des femmes consiste-t-elle à s’aligner sans plus sur les valeurs construites comme masculines, comme la compétition, le pouvoir, le travail ? Ou bien certaines valeurs construites comme féminines devraient-elle être développées pour les hommes comme pour les femmes : le souci des autres, la capacité à exprimer ses émotions ?

49Substituer aux rapports hiérarchiques des sexes des rapports d’égalité est son objectif. Mais l’égalité à quoi ? S’agit-il pour les femmes de s’aligner sur le monde tel qu’il a été défini séculairement par les hommes, de devenir « des hommes comme les autres », ou s’agit-il de promouvoir un autre monde, redéfini en de nouveaux termes ? S’agit-il d’un processus d’assimilation, d’ailleurs impossible, aux valeurs établies, ou d’un mouvement de transformation de celles-ci, qui entraîne d’ailleurs une redéfinition de la division sexuée elle-même, une redéfinition des sexes et des sexualités ? (p. 34-35).

50(...) On peut se poser la même question sur l’immigration, qui peut être approchée de deux manières : ou bien les immigrés sont voués à devenir des citoyens comme les autres, à s’aligner sur la définition préalable du monde commun, comme on l’exige d’eux – et beaucoup, dans ce processus, sont marginalisés ; ou bien ils contribuent à une redéfinition de ce monde commun. Les nouveaux venus sont-ils seulement des objets d’assimilation, ou sont-ils des porteurs d’innovation ? (p. 55-56).

51(...) De la part des dominé.e.s c’est rendre un curieux hommage aux dominants que de les prendre pour modèles (p. 133).

52C’est, on le sait, l’une des questions cruciales pour ce « vivre ensemble » devenu l’un des enjeux centraux de nos sociétés. Le féminisme, décidément, ne cesse de poser des questions universelles.

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Notes

1 F. Collin, Je partirais d’un mot : le champ symbolique, Villenave d’Ornon, Editions Fus-Art, 1999.

2 F. Collin, I. Kaufer, Parcours féministe, Bruxelles, Labor, 2005, nouvelle édition revue et augmentée avec des contributions de Rosi Braidotti et Mara Montanaro, iXe, 2014.

3 Toutes les citations sont tirées de Parcours féministe, voir supra note 2.

4 P. Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998.

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Pour citer cet article

Référence papier

Irène Kaufer, « « Je partirais d’une phrase... » »Sextant, 33 | 2016, 131-137.

Référence électronique

Irène Kaufer, « « Je partirais d’une phrase... » »Sextant [En ligne], 33 | 2016, mis en ligne le 23 mai 2016, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/675 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.675

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Auteur

Irène Kaufer

Née en Pologne, Irène Kaufer est arrivée en Belgique avec l’Exposition universelle de 1958. Militante féministe et syndicale, elle a participé dans les années soixante-dix à l’aventure de l’hebdomadaire Pour, auquel elle a consacré un premier roman sous forme de polar (Fausses pistes, Luc Pire, 1995). Après de longues années dans une grande entreprise de commerce culturel, elle a terminé sa carrière professionnelle à l’asbl Garance, association de prévention des violences basées sur le genre. Elle est membre de la rédaction de la revue Politique et collabore régulièrement au magazine Axelle, ainsi qu’occasionnellement à d’autres publications. En 2005, elle a publié un livre d’entretiens avec Françoise Collin, Parcours féministe (chez Labor, réédition chez iXe en 2014) et en 2015, un recueil de nouvelles, Déserteuses (Editions Academia-L’Harmattan).

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