Etre humain à l’ère de l’hyperconnectivité. Arendt mise en lumière par Collin
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Les opinions développées dans cet article sont celles de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement la position de la Commission européenne.
Texte intégral
Collin, passeuse d’Arendt
- 2 V. Woolf, Une chambre à soi, Paris, Editions Denoël, 1977, p. 113.
- 3 Sur une approche non dramatique de la différence, voir N. Dewandre, « Penser la différence des sexe (...)
- 4 N. Dewandre, « The Sustainability Concept : Can We Stand Between Catastrophism And Denial ? », in C (...)
- 5 http://ec.europa.eu/digital-agenda/en/onlife-initiative.
- 6 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983.
1La lecture d’Une chambre à soi de Virginia Woolf au début des années 2000 m’a convaincue que les femmes avaient besoin de se nourrir à la pensée des autres femmes. En écrivant que « le poids, la démarche, l’allure d’un esprit masculin, sont par trop différents du poids, de la démarche, de l’allure de l’esprit d’une femme pour qu’elle puisse y prendre quelque chose de substantiel »2, Virginia Woolf m’a donné la permission qui me manquait, en ce début de xxie siècle, de faire droit au fait que la pensée des femmes pouvait différer de celle des hommes, et qu’à tout le moins, on pouvait faire cette hypothèse de façon légère, c’est-à-dire sans s’enfermer dans un essentialisme béat3 et sans jeter aux orties les acquis de la lutte politique pour l’égalité. Grâce à cette permission de Virginia Woolf, je suis retournée vers Hannah Arendt en me plongeant corps et âme dans son œuvre, en mesurant à quel point la pensée d’une autre femme peut faire peau et fournir les concepts indispensables tant à l’engagement qu’à l’expérience de la liberté, à tout le moins pour les femmes. Le rapport que j’ai développé avec l’œuvre d’Arendt est à la fois sauvage et intime. Je ne pourrais pas vivre si je n’avais lu son œuvre. Elle forme mon regard sur le monde. C’est armée par elle que j’exerce mon métier de fonctionnaire à la Commission européenne. Quand j’ai travaillé sur le développement durable, j’ai compris avec Arendt pourquoi il fallait se tenir entre le déni et le catastrophisme. Politiquement, le catastrophisme est intenable et croire que l’on va contrer le déni par le catastrophisme, c’est dresser l’absolu contre l’inconscience et manquer l’entre-deux de la condition humaine4. Lorsque j’ai rejoint la direction générale « Société de l’information et médias », en 2011, j’ai pu réunir un groupe de philosophes, d’anthropologues et de sociologues, pour explorer, à la lumière de l’œuvre de Hannah Arendt, les changements profonds dont nous sommes les témoins du fait des technologies de l’information, et leurs conséquences sur la nature de l’espace public et sur les attentes vis-à-vis de la politique. Cette initiative Onlife5, qui consistait à repenser la condition humaine à l’ère de l’hyperconnectivité, a été ancrée dans la Condition de l’homme moderne6.
- 7 N. Dewandre, Critique de la raison administrative, pour une Europe ironiste, Paris, Le Seuil, 2002.
2C’est dans ce contexte très pratique, et au contact quotidien de la réalité administrative7, que ma lecture d’Arendt s’est enrichie de façon décisive de la lecture d’Arendt par Françoise Collin. J’y ai trouvé trois gestes géniaux que je vais mettre en évidence dans cette contribution : (i) celui de voir dans l’œuvre d’Arendt l’esquisse d’une approche « postmoderne » de la politique, même si Arendt n’a jamais utilisé ce mot, (ii) celui de montrer qu’Arendt propose une façon de penser l’humain au-delà de la figure du sujet, et (iii) celui d’éclairer la distinction privé-public d’une lumière féconde, alors que les débats autour du respect de la vie privée font rage. En conclusion, j’inviterai les femmes à penser pour elles-mêmes la question de la vie privée.
Hannah Arendt en politique postmoderne
3Pour Arendt, le totalitarisme est à la fois l’aboutissement et l’échec de la Modernité. Et, donc, plus que le totalitarisme, c’est bien la Modernité qu’Arendt critique le plus férocement. Ainsi, là où d’autres voient encore dans la Modernité la voie de sortie de l’obscurantisme et craignent qu’en la quittant, on ne retourne au Moyen Age, Hannah Arendt montre au contraire qu’en y restant, on prend le risque de revivre les totalitarismes.
- 8 F. Collin, « N’être », in Colloque Hannah Arendt, Politique et pensée, Paris, Payot, 2004, p. 183.
- 9 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ? Hannah Arendt, Paris, Editions Odile Jacob, 1999, p. 29 (...)
4Françoise Collin met en garde contre l’interprétation réductrice de l’œuvre d’Arendt qui se confinerait à son analyse du phénomène totalitaire et elle voit dans l’œuvre d’Arendt le déploiement des conditions d’une approche postmoderne de la politique. Elle a le génie d’utiliser cet adjectif « postmoderne » dans un sens inédit, en s’appuyant sur la critique arendtienne de la Modernité : « Ce que tente Arendt, à l’encontre de la tradition de la philosophie politique, c’est de dégager la spécificité du politique à partir de lui-même… Elle détermine ainsi les conditions de possibilité d’une vie politique et d’une démocratie que je nommerais ici postmoderne – le terme n’est pas le sien – d’après l’époque moderne qui y prétendit sans pouvoir l’accomplir et dont la débâcle est exhibée par la catastrophe totalitaire »8. Françoise Collin ouvre ainsi le postmoderne à un après qu’il faut penser politiquement puisqu’il s’agit d’y vivre, un après qui ne se suffit pas de la répétition permanente d’un geste déconstructeur. Elle écrit à propos d’Arendt : « Sa distance prise par rapport à la métaphysique (...) ne se suffit pas du moment négatif de la déconstruction. Il faudrait plutôt parler pour elle de constructions aléatoires, mais de constructions cependant »9.
- 10 M. Weiser, « The Computer For The 21st Century », Scientific American, 265, 1991, p. 94.
- 11 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ?..., op. cit., p. 295.
- 12 F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 203.
5Collin note qu’Arendt est postmoderne par réalisme, en quelque sorte, et pas dans le but de relever de l’avant-garde. Si l’éclairage de Françoise Collin est si fécond aujourd’hui, c’est précisément parce que la Modernité se meurt sous les derniers coups de boutoir portés par l’avènement de l’informatique ubiquitaire10. Les technologies de l’information et de la communication se miniaturisent et se fondent littéralement dans la réalité, au point de devenir invisibles et omniprésentes. Avec l’accès à l’internet mobile à haut débit, ainsi que la connectivité des objets et avec la multiplication des interfaces, nous voyons advenir une nature hyperconnectée, que l’on pourrait presque considérer comme une « nouvelle nature » remplaçant la « nature vierge ». Les relations que nous allons développer avec cette nouvelle forme de nature ainsi qu’entre les humains vont évoluer de façon radicale. Les relations humaines, qui par défaut étaient évanescentes, vont devenir par défaut « collantes ». Pour le rapport à la nature, il faudra (continuer d’) apprivoiser l’absence du grand Autre. Françoise Collin rappelle souvent qu’aux yeux d’Arendt, l’héritage politique des Lumières consiste principalement dans le « penser par soi-même », qui remonte d’ailleurs à Socrate, plutôt que dans la « croyance en une Raison historique éclairée par le Progrès »11. Cette apologie de la Raison « n’est qu’une version laïcisée de la théologie »12 et une manière de la positionner en nouveau grand Autre, à la place de Dieu.
- 13 Ibid., p. 172.
- 14 Ibid., p. 175.
- 15 H. Arendt, Vies politiques, Paris, Gallimard, 1974, p. 319, cité par F. Collin, « N’être », loc. ci (...)
6La nature hyperconnectée invite concrètement à la dissolution du grand Autre. Il ne s’agit plus, bien sûr, de croire que Dieu a créé la Nature. L’impact de l’action humaine sur la nature est perceptible et, partout, on retrouve ses effets. Aujourd’hui, c’est une autre croyance qui est mise à mal : celle que la Raison peut rendre l’Homme maître de cette nature. Cette nature, évidemment et éminemment impactée par l’action humaine, reste incontrôlable. Elle change seulement de… nature ! Et pas plus que la Raison n’a pu remplacer Dieu, le « leader providentiel et tout-puissant » (en positif) ou « Big Brother » (en négatif) ne remplacera la Raison, comme grand Autre. Plutôt que la recherche perpétuelle d’un grand Autre, le défi de la postmodernité est de vivre, de penser et de connaître, en apprivoisant l’absence de dernier recours et en comprenant que c’est la pluralité qui sauve, et non l’Unum Verum. Collin se joue de la langue française pour mettre en lumière cet autre rapport au monde et à l’action. Elle écrit : « d’où l’insistance de Arendt sur le co-naître, plutôt que sur le connaître : le N’être est naissance »13. Co-naître, plutôt que connaître. En effet, pour Arendt, l’action politique consiste à agir, à interagir, de façon responsable, avec la responsabilité arrimée à la notion de liberté et de signification, plus qu’à celle de contrôle et d’anticipation. Pour Arendt, la politique se loge précisément dans cette interaction entre égaux, qui fait advenir une situation qui devient elle-même la base à partir de laquelle les générations suivantes vont continuer d’agir, puisque si le monde est durable, c’est précisément parce que de nouveaux êtres humains viennent au monde, sans cesse, en naissant. Ainsi, c’est dans le flux de nouveaux commencements, le co-naître, que s’ancrent nos libertés. Quant au « N’être est naissance », il se rit de Heidegger pour qui la vie est la manifestation de l’Etre. Françoise Collin épouse l’ironie de la servante de Thrace pour montrer comment Heidegger s’est fourvoyé de façon systémique et non accidentelle. « Berger de l’Etre, il descend de sa montagne en chargé de mission »14 et cite Arendt, plus féroce encore : « Qui, outre Heidegger, en est venu à l’idée de voir dans le national-socialisme la rencontre de la technique planétairement déterminée et de l’homme des Temps modernes à moins d’avoir lu, au lieu de Mein Kampf de Hitler, quelques écrits des futuristes italiens ? »15. Collin positionne Heidegger et Eichmann de façon symétrique, comme deux extrêmes dans leur rapport à la pensée : Heidegger manque la pensée par excès, en faisant de la réalité le simple fruit de la pensée, tandis qu’Eichmann manque la pensée par défaut, en se réfugiant derrière une notion dévoyée de loyauté et en se déresponsabilisant en tant que simple exécutant. La politique postmoderne se déploie entre ces deux écueils, celui de la pensée par excès qui manque la réalité et celui de la pensée par défaut qui manque l’humanité des agents.
7Avec l’hyperconnectivité, nous sommes réellement au crépuscule de la Modernité. Nous changeons définitivement d’époque, et le rapport à la connaissance indexé sur le pouvoir de prédire et de contrôler se dérobe sous nos pieds. Pourtant, alors que la réalité échappe définitivement à la grille conceptuelle de la Modernité, nous continuons à l’utiliser pour aborder la politique. On continue d’y raisonner comme si plus de connaissances apportait plus de contrôle ; comme si on pouvait anticiper et calculer l’avenir, pourvu qu’on ait les connaissances pour le faire ; comme si tous les problèmes auxquels on a affaire étaient formulables en termes de manque de quelque chose (manque de connaissance, manque de volonté, manque de courage, manque de justice, manque d’égalité, manque de croissance, etc.) en sorte que toute solution se formule en « plus de » (plus de connaissances, plus de courage, plus de volonté, plus de courage, plus de justice, plus d’égalité, plus de croissance, etc.). Comme si, à la limite, une connaissance totale ou un contrôle absolu pouvait conférer un pouvoir total. Je propose de nommer cette utopie/dystopie, qui sous-tend l’époque moderne, le mythe de l’omniscience-omnipotence. La boîte à outils de la Modernité se complète avec l’identification du pouvoir à une force physique qui s’applique sur les agents aussi sûrement que les forces sur des entités, en mécanique classique. La relation de causalité ou de domination sont deux formes privilégiées dans l’approche moderne des interactions. Celle-ci est excessivement asymétrique et simplificatrice : on y postule un sujet et un objet, ou un dominant et un dominé. En bref, un actif et un inerte, sur le mode de l’Homme seul, supposé actif, face à la nature, supposée inerte.
8Comme l’Antiquité et le Moyen Age, la Modernité est désormais une époque qui a vécu. La réalité, comme elle est devenue, rend définitivement obsolète cette grille conceptuelle moderne, qui ne permet plus de saisir les significations et les enjeux auxquels nous avons affaire. Comme si le déploiement des technologies de l’information nous faisait entrer de plain-pied dans ce qui a été anticipé par les philosophes, fabriqué par les ingénieurs, produit par les producteurs et consommé par les consommateurs, mais pas encore acté par les hommes et les femmes, dans leur dimension politique. Cette naissance-là, celle d’une époque plutôt que celles des nouveaux êtres humains, relève d’un changement de regard sur une réalité qui se laisse lire de multiples manières, plutôt que sur un changement de la réalité elle-même. Ce changement de regard passe aussi par des changements de vocabulaire, tant la façon de penser et de parler ont partie liée. Il s’agit, notamment, d’abandonner le terme de « postmodernité » qui nous projette hors de la Modernité tout en ne s’en détachant pas. Oser doter cette nouvelle époque qui naît sous nos yeux d’un nom qui lui est propre est un geste politique et épistémologique essentiel, qui conditionne notre capacité à nous y engager. Je propose de l’appeler « Hyperconnectivité ».
Le soi relationnel ou l’être humain au-delà du sujet
- 16 F. Collin, « Du privé et du public », Les Cahiers du grif, 33, 1986, p. 58.
- 17 Ibid.
- 18 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ?..., op. cit., p. 291.
- 19 F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 184.
- 20 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ?..., op. cit., p. 287.
9Corollairement à cette reconnaissance de la pertinence postmoderne de la pensée politique d’Hannah Arendt, Françoise Collin met en évidence un autre fil rouge dans l’œuvre arendtienne : celui d’une autre approche de l’être humain. De la même façon qu’elle relève que Hannah Arendt prend acte du démantèlement de la métaphysique sans tomber dans son exact opposé qu’est le nihilisme, Françoise Collin met en lumière le fait que Hannah Arendt critique la figure du sujet rationnel moderne sans pour autant tomber dans son exact opposé, à savoir la dissolution du sujet. Pour Collin, Hannah Arendt « ne peut (…) faire élégamment son deuil de toute position de sujet, ne sachant que trop combien, pour certains, ce désintéressement mène tout droit à la position d’objet, sinon de victime »16. Collin poursuit : « Sa pensée trouve donc une voie propre entre les écueils du sujet moderne et son effacement ou pseudo-effacement dans la pensée contemporaine »17. Cette troisième voie ouvre sur une autre façon de penser l’humain, hors de l’alternative sujet/non-sujet. Pour Françoise Collin, la figure humaine chez Arendt est celle d’un « qui », d’un « quelqu’un » parmi d’autres. « Son sujet à elle n’est pas un sujet, mais c’est cependant « quelqu’un », non pas un agent mais un acteur pris dans un processus que son intervention articulée à la pluralité interrompt et déroute : facteur de nouveau et de ce point de vue même d’imprévisible »18. Ce quelqu’un n’a de sens « qu’articulé à la pluralité ». « La pluralité des humains dans le monde qu’ils constituent en commun n’est pas assimilable à l’unité homogène du genre humain »19. On ne peut parler des hommes et des femmes qu’au pluriel. La politique et la liberté s’ancrent dans cette pluralité. L’agir, à la différence de la fabrication, est cette interaction de plusieurs « qui » dont l’issue n’est pas anticipable. Ni souverain, ni victime, ni simple rouage, l’homme ou la femme, en tant que « qui », est doté de ce pouvoir de commencer du moment qu’il ou elle a le privilège d’apparaître au milieu de ses pairs et d’agir avec eux. « Il est vrai que l’agir, qui constitue pour elle [ndlr : ha] la catégorie fondamentale de l’humain échappe à la maîtrise : il comporte de l’irreprésentable, et son « sujet », – le « quelqu’un », le « qui » comme elle le nomme – est en ce sens étranger au sujet-maître. C’est un sujet non souverain, un sujet barré, acteur de son acte, lequel demeure sans auteur »20. Ce sujet barré, qui interrompt les processus, est la meilleure garantie contre le totalitarisme, qui est pour Arendt, rappelons-le, l’aboutissement d’un système trop bien huilé, où les hommes et les femmes sont effacés et/ou s’effacent eux-mêmes, au nom d’une Idée supérieure et de son soi-disant accomplissement.
- 21 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 231-314.
10Ce « sujet non souverain, ou sujet barré », comme le nomme Françoise Collin, je propose de le saisir avec l’expression « soi relationnel ». Cette expression permet de rendre compte de ce « qui » ou de ce « quelqu’un », de l’être humain, en ce qu’il est ancré dans la pluralité. Dans la Condition de l’homme moderne, Hannah Arendt pose que la pluralité est au cœur de la condition humaine et définit la pluralité comme la co-existence de trois caractéristiques des êtres humains : l’égalité, l’unicité, et la réflectivité21.
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L’égalité : politiquement, entrer dans une relation humaine, c’est reconnaître l’autre comme son égal.
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L’unicité : les êtres humains partagent toutes et tous le fait d’être uniques et distincts les uns des autres. Cette unicité ou cette distinction fait partie intégrante de leur humanité. S’ils étaient réductibles à leurs attributs, ils ne seraient plus humains en tant que tels.
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La réflectivité : ils n’accèdent à leur identité que parce qu’ils sont reconnus par leurs pairs. L’identité se révèle par la parole et l’action. Elle est dotée de ce daemon-character qui fait qu’elle nous échappe en partie et que nous n’y accédons que par l’intermédiaire de l’apparition parmi nos pairs.
- 22 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 51.
11Dans ce concept de pluralité, Hannah Arendt fait tenir ensemble des caractéristiques qui, dans la grille conceptuelle moderne, sont antinomiques. L’acception moderne de l’égalité, qui postule une égalité observable de l’extérieur plutôt qu’une égalité conférée mutuellement, ne s’accommode pas facilement de la différence, puisqu’elle en est l’exact opposé. Françoise Collin écrit : « L’égalité moderne, (...) affirmant dans son généreux élan que l’homme égale l’homme, ou qu’il n’y a que l’Homme, risque, en gommant les différences, de couvrir ou même de provoquer les intolérances à tout ce qui demeure étranger. (...) L’affirmation généreuse mais abstraite des Droits de l’Homme peut se retourner en exclusion de la différence si elle ne se concrétise pas pour chacun en des droits politiques déterminés »22. En termes modernes, l’égalité et l’unicité sont incompatibles, alors qu’ils se combinent dans la notion de pluralité, qui, elle, permet d’être dans l’au-delà de la Modernité que je nomme Hyperconnectivité. De la même façon, la réflectivité, troisième composante de la pluralité, permet de dépasser les apories d’une approche moderne de l’identité. En effet, l’approche moderne de l’identité consiste à la décliner sur le mode de la propriété, comme si le sujet possédait et contrôlait son identité et avait le choix de la mettre en jeu ou pas. Cette approche moderne, qui est dans le déni total de la dimension toujours déjà relationnelle de l’identité, devient absolument intenable dans le contexte de l’hyperconnectivité. En effet, avec l’avènement de l’informatique ubiquitaire, notre relation avec les autres et avec l’environnement sera encore plus manifeste et matérialisée qu’elle ne l’était précédemment. La conscience de cette densité accrue de connectivité fait de plus en plus partie de l’expérience courante. En quelque sorte, elle rend la dimension relationnelle de la nature humaine concrète et palpable, en sorte que la fiction moderne d’un sujet rationnel, déconnecté et en contrôle de son environnement perd toute effectivité, et ce par ses deux extrémités : l’extrémité divine et l’extrémité instrumentale. Par extrémité divine, j’entends celle qui fait tendre le sujet rationnel vers un être omniscient et omnipotent. La surabondance d’information et des moyens d’y accéder projette en pleine lumière l’impossibilité de la posture omnisciente et omnipotente et invite à relativiser la place du contrôle dans l’expérience humaine. Par extrémité instrumentale, j’entends celle qui fait tendre le sujet rationnel vers un être purement fonctionnel. Quand j’assiste à des débats animés où l’on se demande à partir de quand les machines seront humaines, j’aime faire remarquer que cette question entretient un suspense à bon marché puisque nous avons franchi cette étape – celle où les machines se confondent avec les humains – depuis le jour où nous avons commencé à penser aux gens comme s’ils étaient des machines ou des instruments. En effet, ce n’est que parce que nous représentons les êtres humains de façon réductionniste ou comme des êtres fonctionnels que la question de savoir quand les robots seront humains a un sens.
12Si la figure d’un sujet rationnel a pu être effective quand il s’agissait de distinguer l’Homme du reste de la nature, elle cesse de l’être aujourd’hui, parce qu’il s’agit de distinguer les humains, non pas seulement du reste de la nature, mais aussi des artefacts. Et si la raison peut se comprendre de beaucoup de façons différentes, elle est proche, dans le langage courant et le sens commun, de ce que l’on entend par programme ou algorithme. Ainsi, les robots sont, d’une certaine façon, la réalisation de l’extrémité instrumentale du sujet rationnel. Donc, si l’on continue de se représenter l’être humain comme un sujet rationnel, on approche à une vitesse grand V d’une zone d’affolement où l’on ne pourra effectivement plus distinguer ce qui est humain de ce qui ne l’est pas. Il n’est guère étonnant que l’on ait du mal à appréhender la situation actuelle, caractérisée par une connectivité de plus en plus dense et par un monde qui, à l’évidence, n’est ni sous contrôle ni « donné » puisqu’il est le fruit de nos actions passées. Soit, nous nous complaisons dans cet affolement, soit nous cherchons à reprendre pied, mais, alors, c’est notre représentation de ce qu’est être humain qui doit changer.
- 23 Ibid., p. 54.
13Et c’est par rapport à cette nouvelle représentation que le concept de pluralité tel que proposé par Arendt est remarquablement puissant. Entre sujet et non-sujet, à partir de ce « qui » ou de ce « quelqu’un », on voit émerger un « soi relationnel », qui rend compte des trois éléments de la pluralité et peut succéder au « sujet rationnel » comme proxy de la figure humaine à l’ère de l’hyperconnectivité. Avec le « soi », on prend en compte les deux premières composantes de la pluralité, à savoir l’égalité et l’unicité : nous sommes égaux en ce que nous sommes uniques. La dualité égalité/unicité fait barrage tant à la domination qu’à l’instrumentalisation. Avec le « relationnel », on prend en compte la première et la troisième composante de la pluralité, à savoir l’égalité et la réflectivité, soit la conscience réflexive que l’identité est un facteur dynamique qui ne se soutient pas de lui-même mais qui se révèle et requiert la présence et la reconnaissance des autres, parce que le « qui dépend toujours de la relation à l’autre, quelle que soit la modalité de la relation, qu’il n’y a pas d’être soi qui se suffise de sa seule intériorité, de sa seule conscience »23. La dualité égalité/réflectivité fait barrage à l’illusion d’omniscience et d’omnipotence et invite à l’émerveillement devant la pluralité, plutôt qu’à la recherche de son évitement. Si les êtres humains sont abordés politiquement en tant que sois relationnels, plutôt que comme sujets rationnels, l’interdépendance n’est pas un défaut ou une insuffisance de l’Homme, mais bien une caractéristique des hommes et des femmes. Dans la section suivante, nous aborderons quelques conséquences très pratiques, politiquement parlant, de ce glissement du sujet rationnel vers le soi relationnel.
A l’abri de la distinction public/privé : les besoins, la liberté, la confiance
- 24 F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 179.
14Nous en arrivons au troisième geste génial de Françoise Collin, celui de repérer qu’Arendt a « la passion de la différence et des différences »24, et son application à la différence public/privé. L’œuvre arendtienne consiste effectivement, pour une grande part, dans l’établissement de distinctions binaires ou ternaires : nécessité vs contingence ; connaître vs penser ; la vie active vs la vie de l’esprit ; au sein de la vie active, le travail vs l’œuvre vs l’action ; au sein de la vie de l’esprit, penser vs vouloir vs juger. Quand Arendt distingue, ce n’est jamais pour exclure et prioritiser, mais toujours pour reconnaître la nécessité de combiner et de naviguer entre différents pôles. Son traitement de la distinction privé/public n’échappe pas à la règle. Et, en fait de navigation, Arendt joint le geste à la parole, puisqu’elle aborde cette distinction de façon différente dans différentes parties de son œuvre.
- 25 H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Editions du Seuil, 1995, p. 64.
- 26 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 50.
15Dans son texte « Du privé et du public », Collin propose une interprétation lumineuse des oscillations d’Arendt autour de cette distinction. Quand Arendt dessine son idéal de l’espace politique, elle dévalorise complètement l’espace privé. Elle le présente comme l’espace dédié à la satisfaction des besoins des hommes, qui, une fois dégagés de toute nécessité par les femmes et les esclaves dans l’espace privé, peuvent apparaître dans l’espace public, et, par là, faire l’expérience de la liberté qui se joue tant dans le fait d’être reconnu – et donc d’accéder à son identité – que dans l’action, qui est de facto toujours interaction. Pour Arendt, « le sens de la politique est la liberté »25, et l’espace privé est l’espace où doit rester confinée la satisfaction des besoins, qui relève de la nécessité. Dans ce cas-ci, Arendt superpose la distinction privé/public à la distinction nécessité/liberté : au privé, la nécessité, au public, la liberté. Donc, même dévalorisé, le privé est reconnu par Arendt comme indispensable pour permettre, par contraste, l’émergence d’un espace public. Et la liberté ne peut se concevoir qu’au-delà de la satiété, c’est-à-dire, une fois ses besoins (de base) satisfaits. Ainsi, si Arendt dévalorise le privé, elle ne le combat pas. Simplement, elle dit qu’il n’est pas le lieu de la politique. Ce qu’elle combat, et férocement, c’est le social car il est une déformation dangereuse de la politique. Par social, elle entend « l’extension de la sphère des besoins : l’extrapolation de la maisonnée, le privé porté à la énième puissance »26. Le social défigure le politique en soumettant l’espace public au règne de la nécessité et, par conséquent, en étouffant le sens de la liberté.
- 27 Ibid.
- 28 Ibid.
- 29 The Onlife Initiative, « The Onlife Manifesto », in L. Floridi (éd.), The Onlife Manifesto : being (...)
16Face à l’extension démesurée du socioéconomique – et donc, de ce qu’Arendt nomme le social – dans l’espace public, Collin repère une revalorisation par Arendt du privé « comme poche de résistance à la trivialité du social : richesse de l’intime, du secret, où chacun peut trouver au moins une certaine chaleur dans la connivence mais aussi amorce du propre, dont la propriété (la maison) serait la forme à partir de quoi l’accès au public, l’apparition, devient possible »27. Dans ce retour de balancier, c’est le privé qui devient indispensable pour bloquer l’hégémonie du social, et empêcher l’écrasement de la distinction public/privé, qui est, aux yeux d’Arendt, le moment où le totalitarisme se pointe à l’horizon. Collin conclut : « C’est l’articulation privé/public qui définit l’humanité de l’homme »28 . C’est donc à son bon équilibre qu’il faut veiller, ainsi que nous l’avons rappelé dans le Manifeste Onlife : « Nous croyons que chacun a autant besoin d’être à l’abri des regards que d’apparaître aux autres »29.
- 30 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 54.
- 31 Ceci dit, j’ai beaucoup aimé la maturité de la société belge au moment de l’histoire des sms de Yve (...)
17Or, aujourd’hui la distinction privé/public est mise à mal. Tout d’abord, parce qu’elle est souvent abordée de façon dichotomique et polarisée comme s’il fallait choisir entre l’un et l’autre : soit tout au privé, soit tout au public. Ensuite, dans le domaine de la vie publique, on voit fleurir l’exigence de transparence, tandis que la protection de la vie privée est revendiquée comme le droit de chacun.e à contrôler ce qu’il ou elle laisse apparaître et à cacher le reste. Il est normal et humain de montrer différentes facettes de sa personnalité en public et en privé. Il ne s’agit guère d’un manque de transparence. Dans les mots de Françoise Collin, cela donne : « Le port du masque comme condition de la parole et même de l’apparition n’est assimilable à l’hypocrisie que pour le terroriste de la vie privée ou publique, qui poursuit une transparence illusoire et tente de faire « rendre gorge à chacun », le sommant d’une impossible coïncidence avec soi »30. C’était en 1986. La façon dont, en 2015, on assiste à des hurlements, que ce soit pour exiger la transparence dans la vie publique ou pour revendiquer le droit à la vie privée, chaque fois dans des termes simplistes et exclusifs, tend à montrer que ces enjeux sont bien aujourd’hui dans les mains des « terroristes de la vie privée ou publique » que nous devenons toutes et tous les un.e.s pour les autres31.
18Transparence et contrôle : voilà deux mots qui sont utilisés à tort et à travers. Mettre les exigences de transparence et de contrôle au cœur des interactions humaines, revient à faire fi de caractéristiques essentielles de l’expérience humaine, celle justement de n’être transparent ni pour soi-même ni pour les autres, et de n’accéder à sa propre identité que parce que l’on est reconnu par d’autres, en tant que « soi relationnel » et non parce que l’on serait « en contrôle » de son identité en tant que « sujet rationnel ». Personne n’est en contrôle de son identité. Il faut sortir de l’obsession conjointe de la transparence et du contrôle. Y rester, c’est rester dans la grille conceptuelle moderne dans laquelle la liberté du sujet rationnel consiste dans son autonomie et le contrôle qu’il a sur ses relations et sur son environnement. En nous appuyant sur les notions de transparence et de contrôle, nous nous enfonçons dans l’enfer du soupçon généralisé qui ouvre seulement sur le fait de passer tout son temps à contrôler… qu’on n’est pas contrôlés, ce qui revient à perdre totalement le contact et avec la réalité et avec le sens.
- 32 N. Dewandre, « Rethinking the human condition in a hyperconnected era : why freedom is not about so (...)
- 33 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 56.
19Quand on dit « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres », on pense en termes modernes. Cette liberté-là, celle du sujet rationnel, est une liberté divine tronquée, celle dont disposerait un être seul et sans contraintes, et qui admet, mais en le regrettant, qu’il n’est pas seul au monde et doit donc se contenir pour laisser de la place aux autres, dans un altruisme subi. Cette approche de la liberté humaine, pour laquelle la pluralité est une calamité, s’ancre dans le déni du fait que chaque homme ou femme a besoin des autres, non pas comme un plus, mais dès le départ, et notamment pour faire l’expérience de son identité. La conscience réflexive du fait de la pluralité humaine, qui sous-tend la figure du soi relationnel, permet d’esquisser une autre forme de liberté, mieux adaptée à l’ère de l’hyperconnectivité32. Cette liberté s’ancre dans la pluralité. Mais aussi dans la natalité. La natalité, autre concept central de la pensée d’Arendt, est intimement liée à celui de la pluralité. Pour Collin, le lien subtil entre public et privé repose justement sur le concept de natalité : « Naître, c’est apparaître pour la première fois et tout acte d’apparaître en public – pour faire partie de la collectivité humaine – est remémoration de cet acte originaire »33. Ainsi, la naissance est un évènement qui ressort de la sphère privée, en tant qu’elle est un phénomène biologique. Mais, chaque apparition en public se vit sur le mode de la naissance, c’est-à-dire sur le mode d’un commencement. Pour Arendt, ce qui est déterminant politiquement, ce n’est pas que les hommes et les femmes meurent, mais bien qu’ils naissent. C’est dans la capacité de commencer qu’Arendt place le pouvoir et la liberté, et non dans le contrôle de ce qui nous arrive.
20En plus d’une autre approche de la liberté, un deuxième atout de la substitution du sujet rationnel par le soi relationnel est de comprendre, et donc de faire une place, au besoin de plus en plus ressenti de restaurer les conditions de la confiance. Le sujet rationnel s’est construit sur le doute, le soupçon et le contrôle. Le soi relationnel, parce qu’il garde à l’esprit qu’il est toujours déjà parmi les autres, sait qu’il ne peut vivre seul et que sa qualité de vie dépend éminemment de la qualité de ses relations avec les autres. Le soi relationnel sait que l’accès à son identité, l’orientation dans le monde et l’expérience de la liberté sont intimement liés à la confiance qu’il peut avoir dans les autres. La confiance le constitue, comme le contrôle constitue le sujet rationnel. Or, à côté des revendications de transparence et de contrôle, on voit monter en puissance, de façon intéressante à mon avis, cette question de la confiance. Il s’agit là d’une conséquence concrète de la reconnaissance accrue de la figure du soi relationnel. Les règles de vivre ensemble dans un environnement comprennent la capacité collective et individuelle à s’orienter et, corrélativement, l’interdiction de s’induire mutuellement en erreur. De là, vient d’ailleurs, l’exigence de transparence. Le 1er avril est une licence collective que notre société s’est donnée pour cette unique journée de défoulement, et elle est bien encadrée. Cette interdiction de s’induire mutuellement en erreur doit rester au cœur du contrat social à l’ère de l’hyperconnectivité. Et pour rester effective, elle doit prendre une autre forme que la transparence et le contrôle, qui ne sont que sa défroque moderne. Cette interdiction de s’induire en erreur doit se compléter d’un maintien d’une certaine symétrie : celle de pouvoir détecter si je suis reconnue ou pas. Dans le monde prédigital, nous avons toutes et tous cette capacité de détecter si nous sommes reconnu.e.s ou pas. Cette capacité n’est pas absolue ni infaillible, puisque quelqu’un qui nous reconnaît de dos peut choisir de se manifester ou non, par exemple. Mais, si je me retourne, je peux l’apercevoir. Sur internet, je suis reconnue par les moteurs de recherche, par les sites que je visite, mais je n’ai aucun moyen de savoir quel est l’impact de cette reconnaissance sur ce qui m’est proposé, que ce soit en termes de résultats de recherche, de choix d’option ou de prix. C’est comme si je n’avais plus la possibilité de distinguer si et dans quelle mesure l’environnement dans lequel je suis est un environnement ou un miroir aux alouettes. Plutôt que revendiquer le contrôle et la transparence, je crois qu’il faut s’atteler à sauvegarder la notion d’espace public et d’environnement dans lequel chacun.e peut choisir de se promener anonymement ou pas. Il faut aussi rétablir une symétrie dans les interactions, au niveau de la capacité de reconnaître quand on est reconnu.
- 34 St. Broadbent et Cl. Lobet-Maris, « Towards a grey ecology », in L. Floridi (éd.), The Onlife Manif (...)
21Troisième effet important de l’abandon du sujet rationnel au profit du soi relationnel : la reconnaissance de l’attention comme ressource vulnérable qui requiert protection, et pas seulement optimisation et valorisation. A l’ère de l’hyperconnectivité, c’est l’attention qui devient la ressource rare, alors que dans la Modernité, c’était l’information et la connaissance. Avec l’avènement d’une nature hyperconnectée où presque tout pourrait déclencher un signe pour attirer mon attention, il va falloir faire attention à l’attention, et pourquoi pas, en la reconnaissant comme une des dimensions de l’intégrité, afin de faire relever sa protection de la sphère des droits fondamentaux34.
Conclusion : la vie privée des femmes ?
22Quand Arendt et Collin insistent sur l’importance d’un espace privé pour chacun.e afin de faire droit à son humanité, elles sont loin de la défense du respect de la vie privée comme bouclier contre un grand Autre, qu’il soit l’Etat ou « Big Brother ». Cette approche de la vie privée, qui est dominante aujourd’hui, fait peu de cas du fait que la maison est, pour les femmes, le lieu le plus dangereux qui soit. De plus, les femmes souffrent de ne pas être entendues bien plus que d’être censurées. Je m’interroge sur l’absence de perspective féministe aujourd’hui dans les débats sur la vie privée. En héritières du slogan « le privé est politique », il nous revient, me semble-t-il, de forger un concept de vie privée qui fasse droit à l’humanité des femmes. On ne peut guère reprocher aux hommes d’avoir pensé la vie privée pour eux-mêmes. Mais nous, les femmes, serions coupables de ne pas en faire autant, dans le sillage de Woolf, Arendt, Collin et les autres, et ainsi d’apporter notre pierre à un monde qui pourrait être plus commun.
Notes
2 V. Woolf, Une chambre à soi, Paris, Editions Denoël, 1977, p. 113.
3 Sur une approche non dramatique de la différence, voir N. Dewandre, « Penser la différence des sexes en s’appuyant sur la différence des langues », in Ph. Büttgen, M. Gendreau-Massaloux et Xavier North (dir.), Les pluriels de Barbara Cassin ou le partage des équivoques, Paris, Le Bord de l’Eau, 2014.
4 N. Dewandre, « The Sustainability Concept : Can We Stand Between Catastrophism And Denial ? », in C. C. Jaeger, J. D. Tabara et J. Jaeger (éd.), European Research On Sustainable Development, Heidelberg, Springer, 2011.
5 http://ec.europa.eu/digital-agenda/en/onlife-initiative.
6 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983.
7 N. Dewandre, Critique de la raison administrative, pour une Europe ironiste, Paris, Le Seuil, 2002.
8 F. Collin, « N’être », in Colloque Hannah Arendt, Politique et pensée, Paris, Payot, 2004, p. 183.
9 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ? Hannah Arendt, Paris, Editions Odile Jacob, 1999, p. 291.
10 M. Weiser, « The Computer For The 21st Century », Scientific American, 265, 1991, p. 94.
11 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ?..., op. cit., p. 295.
12 F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 203.
13 Ibid., p. 172.
14 Ibid., p. 175.
15 H. Arendt, Vies politiques, Paris, Gallimard, 1974, p. 319, cité par F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 175.
16 F. Collin, « Du privé et du public », Les Cahiers du grif, 33, 1986, p. 58.
17 Ibid.
18 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ?..., op. cit., p. 291.
19 F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 184.
20 F. Collin, L’homme est-il devenu superflu ?..., op. cit., p. 287.
21 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 231-314.
22 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 51.
23 Ibid., p. 54.
24 F. Collin, « N’être », loc. cit., p. 179.
25 H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Editions du Seuil, 1995, p. 64.
26 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 50.
27 Ibid.
28 Ibid.
29 The Onlife Initiative, « The Onlife Manifesto », in L. Floridi (éd.), The Onlife Manifesto : being human in a hyperconnected era, Heidelberg, Springer, 2015, p. 11. Accessible aussi via https://ec.europa.eu/digital-agenda/sites/digital-agenda/files/Manifesto.pdf.
30 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 54.
31 Ceci dit, j’ai beaucoup aimé la maturité de la société belge au moment de l’histoire des sms de Yves Leterme. En 2011, Yves Leterme, en confondant Twitter et sms, révèle malgré lui (?) des relations extra-conjugales qui sont répercutées par un hebdomadaire néerlandophone. Toute la classe politique, les autres médias et les gens ont dit : « Et alors ? », de sorte que c’est le journal qui croyait faire un scoop qui s’est retrouvé ridicule, et j’en ai même oublié le nom ! C’est un magnifique exemple qui montre que la question du respect de la vie privée a toujours deux « mâchoires » : celle du contrôle de ce qu’on montre ou pas, et celle de la réaction que l’on choisit d’avoir quand quelque chose qui n’aurait pas dû être montré l’a été, soit par erreur, soit par malveillance. L’activation de cette deuxième mâchoire sera de plus en plus importante à l’ère de l’hyperconnectivité, où tous les pôles de la relation seront actifs, et non plus seulement l’un des deux.
32 N. Dewandre, « Rethinking the human condition in a hyperconnected era : why freedom is not about sovereignty but about beginnings », in L. Floridi, (éd.), The Onlife Manifesto, op. cit.
33 F. Collin, « Du privé et du public », loc. cit., p. 56.
34 St. Broadbent et Cl. Lobet-Maris, « Towards a grey ecology », in L. Floridi (éd.), The Onlife Manifesto, op. cit.
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Référence papier
Nicole Dewandre, « Etre humain à l’ère de l’hyperconnectivité. Arendt mise en lumière par Collin », Sextant, 33 | 2016, 111-122.
Référence électronique
Nicole Dewandre, « Etre humain à l’ère de l’hyperconnectivité. Arendt mise en lumière par Collin », Sextant [En ligne], 33 | 2016, mis en ligne le 23 mai 2016, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/655 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.655
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