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Un héritage sans testament

Entre nature et histoire : Françoise Collin, penseuse de l’indéfinitude

Saliha Boussédra
p. 87-97

Texte intégral

1La rencontre avec l’œuvre de Françoise Collin, prend la forme d’une lecture qui ne connaît ni début, ni fin. Cette lecture est un ressassement des phrases colliniennes, un re-commencement, non exempt de joie, et qui, néanmoins, revêt un caractère inaugural. A chaque relecture, le texte s’atteste d’une façon nouvelle et vient nous toucher d’une manière inattendue. C’est dire si écrire sur les traces de Françoise Collin, sur les marques et les traces d’une pensée-artiste, ne peut aucunement prétendre arrêter un sens mais seulement en formuler une proposition.

  • 1 C’est à Toulouse, au sein du Mouvement politique et social « Motivé.e.s » que j’ai rencontré, dans (...)
  • 2 Maurice Blanchot tient une place importante dans la pensée de Françoise Collin. En effet le livre q (...)
  • 3 C’est dans le cadre d’un séjour aux Etats-Unis que Françoise Collin découvre véritablement la pensé (...)

2Ayant rencontré cette œuvre dans le milieu féministe1, nous commencerons d’abord par la situer brièvement dans la pensée féministe avant de tenter d’approcher son espace philosophique pour, enfin, essayer de comprendre comment sa lecture de Maurice Blanchot2 principalement, puis celle de Hannah Arendt3, ont accompagné sa rencontre avec le mouvement social des femmes et sa pensée du féminisme.

L’absence d’origine

3Critique de l’universalisme aussi bien que de l’essentialisme, une lecture rapide des textes de Françoise Collin pourrait conduire à la faire apparaître comme une essentialiste « non avouée ».

  • 4 « Le féminisme français majoritaire, quelles que soient par ailleurs ses pratiques de terrain et so (...)

4La difficulté ici repose sur une certaine conception de l’universalisme qui partant d’un individu abstrait et n’interrogeant pas ses principes peut conduire à envisager toute critique de l’universalisme comme une revendication du particulier, en l’occurrence d’une essence particulière qui serait celle des femmes4. C’est que la pensée de Françoise Collin n’a pourtant eu de cesse de se frayer un chemin sinueux entre ces deux grands courants du féminisme.

5Son œuvre essentiellement fragmentaire semble en effet traquer sans relâche celles, qui, bien que réfutant toute essence féminine, veulent toutefois lui trouver un fondement.

  • 5 Le constructivisme qui se conçoit comme une pensée anti-naturaliste, est travaillé par la question (...)
  • 6 Ce terme de « différance » écrit volontairement avec un « a » est un terme repris à J. Derrida, pen (...)

6La philosophe percevant bien dans cette volonté de retourner au fondement, fût-il nommé « construction » ou « constructiviste », une obsession de l’origine5. Or la pensée de Françoise Collin est une pensée apatride, nomade, une pensée de la « différance »6 avec un « a ». Une pensée qui n’a ni origine ni même mort, une pensée de l’indéfinitude.

7Sans doute Françoise Collin perçoit-elle dans la volonté de trouver un fondement aux femmes, un acte désespéré d’imagination ainsi que le révèle son commentaire de Sartre :

  • 7 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 168-169.

Mais dans la pensée de Sartre, le négatif de l’imagination se mue aussitôt en positivité : l’imagination apparaît, d’une part, comme un acte de la conscience, et d’autre part, comme un acte destiné à opérer médiatement la maîtrise de l’objet représenté, et cela d’une manière plus radicale que dans la perception. Cette dernière, en effet, n’appréhende jamais l’objet que selon un point de vue particulier tandis que l’imagination appréhende l’objet comme tout, de tous les points de vue à la fois. « L’acte d’imagination, nous venons de le voir, est un acte magique. C’est une incantation destinée à faire apparaître l’objet auquel on pense, la chose qu’on désire, de façon qu’on puisse en prendre possession » 7.

8Ainsi, imaginairement, les femmes ont pu vouloir être un peuple, une nation et cet imaginaire trouve sa plus belle expression dans le mythe des Amazones ou celle d’un matriarcat supposé originaire.

  • 8 F. Collin, « Anthologie québécoise, 1977-2000 », textes rassemblés et présentés par M.-B. Tahon, Qu (...)
  • 9 « Originelle » au sens où nous venons bien de quelque part, mais cette « origine » ne peut en aucun (...)
  • 10 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 68.

9Françoise Collin ne condamne certes pas l’imaginaire, elle ne suit pas non plus la voie qui ferait de ce dernier le médiateur ou le moyen de s’appartenir. Car s’il est vrai pour Françoise Collin que les femmes sont impropres, qu’elles souffrent de ne pas s’appartenir, la philosophe considère néanmoins la volonté de s’appartenir, la volonté de se trouver une terre comme une chimère. Car toujours la terre se dérobe : « Sans doute affolées par cette absence inhabituelle de représentation et sommées par la pensée dominante d’en faire preuve pour se légitimer, les féministes ont-elles tenté de désigner un espace, réel ou symbolique, qui pût précisément leur tenir lieu de patrie ou plutôt de matrie. Ces exilées ont pensé leur lutte comme nationalisation. Ainsi ont-elles cherché racine tantôt dans le corps propre, tantôt dans la langue comme langue maternelle, tantôt dans l’hypothèse chimérique d’un matriarcat passé » 8. Si cette terre promise se dérobe toujours sous les pieds des féministes c’est, selon Françoise Collin, parce qu’il n’y a pas d’origine, il n’y pas d’identité à soi. L’origine chez Françoise Collin est toujours l’épreuve d’une dérobade et l’indéfinitude de sa pensée vogue entre cette pure différence originelle9 et un chemin ne menant nulle part et sans représentation de sa fin : « (…) l’origine, comme absence d’origine, est le lieu de la pure différence, qui n’est pas fusion, mais plutôt confusion »10. Pour comprendre cette dernière citation qui peut paraître obscure à bien des égards, il est souhaitable d’avoir à l’esprit que cette origine « comme absence d’origine » n’est pas l’origine au sens d’une origine fondatrice comme la terre peut l’être pour certain.e.s par exemple, mais elle n’est pas non plus un antécédent où la réalité des différences humaines auraient été en « fusion » sans quoi il faudrait reconduire l’idée d’une identité originaire. Il n’y a pas, pour la philosophe, d’identité originaire, car il n’y a pas d’identité à soi, il n’y a pas de moment d’adéquation. Nous pourrions dire que c’est la brisure qui est originaire mais cette idée ne suffirait pas à transcrire la pensée collinienne puisque la brisure, également, reconduirait l’idée d’une identité originaire dont il faudrait recoller les morceaux.

10C’est pourquoi jouant sur les mots, Françoise Collin préfère parler de « confusion ». « Confusion » qui semble ici signifier l’idée d’un sens non arrêté, indéfini. Cette confusion mise en avant par Françoise Collin n’est pas non plus une « opposition » au sens où deux forces en présence s’opposeraient dans le cadre d’une logique dialectique. La pensée de Françoise Collin, si elle ne nie pas les nécessités de la dialectique, décide plutôt de naviguer sur ses frontières. L’idée d’une confusion qui serait l’expression d’une contradiction fondamentale lui demeure étrangère.

  • 11 Ibid.

11En effet, selon elle, la contradiction, notamment et même principalement chez Hegel, se fonde sur l’idée d’une identité originaire et finit par se résoudre dans une identité ou un savoir absolu où la différence n’aura été que l’expression du temps nécessaire à l’appropriation du soi : « L’affirmation hégélienne », dit-elle, « selon laquelle l’Identité est la différence ne fait que retourner le problème, de géniale manière, car cette affirmation implique finalement sa réciproque : que la différence est l’Identité, faisant son jeu »11.

  • 12 Ibid., p. 197.

12Si cette « confusion » collinienne n’appartient pas à la dialectique, elle relève en revanche d’une culture du paradoxe, de ce qui jamais ne s’égale : « La contradiction dit que A égale non-A, le paradoxe dit que A n’égale pas A. Dans la première formulation, un rapport est établi entre deux termes, par lequel s’indique leur réciprocité et leur mouvement vers l’identité. Dans la seconde, chacun est privé par l’autre de sa propre consistance. La contradiction dialectique est un affrontement dans lequel la dualité, surmontée en triade, fonde l’unité ; le paradoxe opère la désintégration de l’un lui-même »12.

  • 13 Ibid.
  • 14 « inadéquation » au sens où, comme nous le disions plus haut, il n’y a pas d’identité à soi. Inadéq (...)
  • 15 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 78.

13Si cette « origine comme absence d’origine »13 atteste chez la penseuse d’une absence d’origine comme fondation ou identité à soi, elle maintient toutefois le terme « origine ». Ce paradoxe tient à ce qu’elle nomme « indéfinitude ». Nous tenterons de nous en expliquer davantage par la suite. Mais d’abord pour éclairer un tant soit peu l’usage et le maintien paradoxal d’une expression telle que « origine comme absence d’origine », il faut pouvoir saisir que la première occurrence du mot « origine » – dans l’expression collinienne que nous venons de citer – désigne un espace mais un espace non circonscrit et qui ne peut être asservi à la mesure. Il est sans commune mesure, proche en un certain sens de la démesure. Cette première occurrence du mot origine est l’espace d’une radicale inadéquation14, d’une séparation originaire, selon l’idée que c’est la différence qui est première et que cette différence ne peut être ni assumée (dans une fusion) ni être le signe d’une aliénation : « elle est autre, elle est l’autre ». Si l’espace de cette origine ne peut être circonscrit, c’est parce qu’il est traversé par le défaut de fermeture et d’unité. L’origine, pour la philosophe commentant Maurice Blanchot, « ne fonde pas mais livre à la dispersion. « Lorsque nous prononçons le mot origine, nous ne faisons pas que rassembler en un mot privilégié tous les traits qui forment énigme dans notre recherche. – Tous ces traits, en effet, convergent peut-être vers ce mot, lequel à son tour est le centre de toute divergence, ou, pour mieux dire, la divergence elle-même comme centre de tout rapport. – Centre qui est dans ce cas l’absence de tout centre puisque c’est là que vient se briser la pointe de toute unité ; en quelque sorte le non-centre de la non-unité » »15.

La loi et le corps impropre

  • 16 Ibid., p. 120 à 159.
  • 17 L’importance de clarifier le rapport de Françoise Collin à la question de la « détermination » tien (...)

14Toutefois, l’absence de détermination, que semble défendre Françoise Collin dans l’une de ses premières œuvres consacrées à Maurice Blanchot, ne doit pas faire songer que cette possibilité de la détermination lui soit impossible. Il semble que la détermination, entendue comme définition et délimitation, s’établit a minima dans la loi (conçue dans une perspective foucaldienne, c’est-à-dire comme immanence), d’une part, et le « corps impropre »16, qui reste toutefois en prise avec une incarnation, d’autre part17.

  • 18 Ibid., p. 144.
  • 19 Afin d’éclairer brièvement le rapport entre loi et finitude tel que Françoise Collin le pense à par (...)

15En effet, selon Françoise Collin, « [d]ans l’œuvre de Blanchot la loi perd ce semblant d’extériorité ; elle est engendrée par celui qui l’éprouve comme étrangère. Tout mouvement d’insurrection qui vise à la briser vient non seulement la confirmer mais l’accomplir »18. C’est dire qu’il n’y a pas de dehors à la loi. Même si celui ou celle qui engendre la loi ne s’identifie pas à la loi, même s’il ou elle lui demeure étranger, il ou elle ne peut toutefois lui échapper. Quoi qu’il ou elle fasse, se soumettre, s’opposer ou même être « indifférent » comme l’est Antigone par rapport aux lois de la Cité, il ou elle reste, en quelque sorte, sous la coupe de la loi. Cette conception de la loi coupe court à toute logique dialectique qui verrait dans l’opposition à la loi le moyen de se raffermir pour finir par la surmonter. Il n’y pas un « au-delà » de la loi. La loi étant contemporaine de celui qui l’engendre, elle fait corps avec lui, bien que de façon inadéquate et non conforme. Cette idée de la loi chez Françoise Collin laisse entrevoir ici que l’indéfinitude de sa pensée ne s’oppose pas à l’idée de finitude. Car dans celui qui désespérément tente d’échapper à la loi s’atteste, s’il en est, l’épreuve même de la finitude19.

  • 20 F. Collin, « Pluralité, Différence, Identité », Revue suisse Présence, 38 (nouvelle série), 1991.
  • 21 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 130.

16Cette finitude se retrouve aussi dans la conception que dégage Françoise Collin d’un « corps impropre », titre d’une des parties du livre qu’elle consacre à Maurice Blanchot dans Maurice Blanchot et la question de l’écriture. Contrairement à l’idée de corps qu’elle déploiera plus tard à l’occasion de sa rencontre avec la philosophe Hannah Arendt, envisageant alors le corps sous la forme d’un donné comme « don »20, elle trace ici l’idée d’un corps ou d’un rapport au corps paradoxal. A la fois propre et impropre, il ne parvient jamais vraiment à se figurer dans son unité fût-elle celle d’un « vécu ». Ce corps impropre n’est ni sain ni malade, il se tient plutôt dans un équilibre instable où la maladie est tout aussi bien une forme de « santé » ; ou bien la santé, dégagée de son désir de pureté, peut tout aussi bien être une forme de maladie. La finitude, ici, se comprend dans l’idée que si ce corps entretient un rapport d’impropriété avec lui-même, il n’en reste pas moins un corps, tout indéfinissable qu’il soit. Il s’agit seulement de comprendre que l’usage de la finitude chez Françoise Collin ne vise pas à restituer au corps l’assurance de ce qui est organisé et logique, bien que fini. En effet, « [c]ette vision du corps ne conteste pas l’organisation de la chair en corps propre, mais en indique l’impuissance. Finalement, et donc dès le départ, le corps n’est pas un corps mien »21.

  • 22 Ibid., p. 200.

17Ici s’éprouve la difficulté à saisir l’idée de finitude et de détermination chez Françoise Collin. La difficulté vient de ce que cette finitude est toujours, déjà, pensée dans l’horizon d’une indéfinitude où la finitude elle-même est privée de fin. C’est que la fin, tout comme la détermination, est toujours privée de consistance. Inconsistance qui tient au fait que la pensée échoue toujours à assumer la mort, que la mort reste étrangère et persiste dans cette étrangeté. Qu’il s’agisse de tenter de l’assumer, dissimulant le négatif sous la négativité comme chez Hegel, ou bien de lui faire place en l’accueillant comme chez Heidegger, la mort reste insaisissable, se réaffirmant toujours dans son étrangeté : « La démarche qui consiste à apprivoiser la sauvagerie de la mort, à la faire entrer dans l’enceinte de la vie qu’elle conditionne, constitue en fait un premier mouvement de fuite devant elle, et une tentative d’en réduire le caractère d’étrangeté »22.

  • 23 « L’homme est cet être dont la finitude consiste précisément à être privé de fin » (ibid., p. 53).

18Nous pourrions dire alors que l’indéfinitude semble être chez Françoise Collin ce mouvement incessant entre une origine qui est absence d’origine, défaut ou manque d’une origine et une « finitude privée de sa fin »23, inconsistante. C’est que, comme nous l’écrivions quelques lignes plus haut, chez Françoise Collin, toujours la terre se dérobe.

« N’essence »

  • 24 « Pensée de la détermination » qui n’est pas une indétermination, mais l’épreuve d’une inconsistanc (...)

19Toutefois cette pensée de la détermination24 chez Françoise Collin, semble s’infléchir quelque peu dans la suite de son œuvre.

20Et ce, nous semble-t-il, à la faveur de sa rencontre avec le mouvement féministe puis avec la pensée de Hannah Arendt.

21Ainsi après avoir commencé à destituer le Sujet dans son travail philosophique, elle se trouve confrontée à une pensée des « dites femmes » à travers un large mouvement social où, comme elle l’a souvent dit, « l’imagination était au pouvoir ». Au moment où les idées derridiennes étaient à leur apogée et où le féminin se voyait désormais crédité d’une valeur toute positive, la philosophe, en témoin et actrice de son temps, perçut l’imperceptible retrait des femmes sous la couverture d’un déploiement en grande pompe du féminin. C’est dans ces circonstances que nous pouvons comprendre son retour au « tragique du sujet ».

  • 25 L’émergence du mouvement social des femmes fait apparaître combien il est difficile, dans le cas de (...)

22En effet, dans ses premiers écrits philosophiques, Françoise Collin a commencé par un travail de critique et de destitution du Sujet. Cependant l’émergence du mouvement social féministe des années soixante-dix confronte la philosophe à celles et ceux qui ne sont même pas sujets, réduit.e.s tout entièr.e.s à une altérité qui ne se distingue que très difficilement d’une aliénation25. C’est pourquoi il nous semble préférable de penser que c’est l’idée d’aliénation qui fait son grand retour dans la pensée collinienne ; l’altération, elle, ne l’ayant jamais quittée.

  • 26 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 234.

23Articulant désormais et plus que jamais l’aliénation à l’altération où « l’Un ne va pas sans l’autre »26, comme elle le dit en conclusion de son livre sur Blanchot, la philosophe semble admettre sa réciproque : l’autre ne va pas sans l’Un. Ayant été en compagnie d’une pensée blanchotienne désœuvrée par un certain « souci » de la mort, la voilà qui, à la faveur de l’avènement des femmes dans l’espace public et de sa rencontre avec la penseuse Hannah Arendt, entrevoit l’irruption de la naissance dans la pensée. Naissance qui est toujours, selon elle, n’essence. Dans cette rencontre improbable et non exempte de joie, il semble que nous puissions constater un certain infléchissement de sa pensée par rapport à la détermination.

  • 27 « La zoê est la vie naturelle, celle qui continue et se répète de manière circulaire : la vie de l’ (...)
  • 28 « Au corps objectif, Merleau-Ponty oppose le corps vécu, et celui-ci se définit aussitôt comme corp (...)
  • 29 F. Collin, « Pluralité, Différence, Identité », loc. cit.
  • 30 Ibid.
  • 31 F. Collin, A-M. de Vilaine, « La même et les différences », Les Cahiers du grif, 28, 1983, p. 7-16.

24En effet, le corps n’est plus seulement envisagé dans son rapport à l’impropriété ou à son unité toujours ratée et faisant défaut, mais semble désormais pouvoir se penser également comme un « don ». Dans un article célèbre intitulé « Pluralité, Différence, Identité », Françoise Collin fait état de sa rencontre philosophique avec le texte arendtien et invite à s’arrêter sur la manière dont Arendt pense la question du « donné ». Ce « donné », traversé par la pensée collinienne, n’est certes pas un retour à la nature s’il faut penser cette dernière comme « identité à soi ». Mais il est cette part irréductible de ce qu’après Arendt, elle nomme la phusei – entrecroisement ou plutôt « confusion » de la zôé et du bios27 – et atteste d’un possible rapport au corps sous la forme d’une positivité ou plutôt d’une affirmation. Cette affirmation du donné, rappelons-le, si elle crédite ce dernier d’une certaine positivité, ne se clôture pas pour autant dans une essence ni n’atteste d’un destin. Cette apparition du donné chez Françoise Collin est plutôt le rappel du corps propre de Merleau-Ponty28 : « pour reprendre une formule existentialiste traditionnelle, il n’y a de sujet qu’incarné et dans la trame de son incarnation »29. Ce donné est aussi ce qui est donné à penser, quand sous l’irruption de l’histoire, il est convoqué en excès pour recouvrir tout ce qui est et n’est pas. Comme le dit Hannah Arendt, reprise par Françoise Collin, sous le nazisme à la question « Qui êtes-vous ? », Arendt ne pouvait répondre que : « Je suis une Juive » sans toutefois se résoudre à cette définition. Car « si la naissance s’enracine aussi dans un certain donné irréductible, un don à partir duquel et avec lequel, dans lequel, s’alimente l’agir »30, cette naissance demeure toujours pour F. Collin n’essence. Cette idée collinienne de l’articulation du donné et de la naissance, comme n’essence, semble se trouver tout entière contenue dans sa formule : « Je suis une femme, mais je n’est pas une femme »31.

  • 32 F. Collin, Je partirais d’un mot, op. cit., p. 38.
  • 33 « L’art n’annonce pas telle époque mais, par sa béance, il interrompt la continuité et prononce le (...)
  • 34 F. Collin, Je partirais d’un mot, op. cit., p. 120.
  • 35 Ibid., p. 38.

25De même, quelques années plus tard, conduite à s’interroger sur l’idée de savoir si on écrit « en tant que femme », Françoise Collin, dans un article intitulé « Le sujet et l’auteur » : « On peut cependant concevoir une autre dimension de la critique féministe qui veille à faire résonner une œuvre de femme parmi les œuvres plutôt que de la faire résonner parmi les femmes, à faire apparaître son caractère révélateur pour tout être parlant plutôt que de la faire apparaître comme expression spécifique. Cette attitude n’implique pas une conception neutre de l’œuvre, mais la conscience de ce que tout texte, fort de ses déterminations particulières, se fait entendre au-delà de ces déterminations quoique à travers elles. Ce n’est pas sa généralité comme appartenance à un genre qui la rend parlante mais son unicité irréductible »32. L’écho de Blanchot retraversé par celui d’Arendt se fait ici pleinement sentir. Le caractère inaugural de l’art comme processus toujours re-commençant, et qui par cette interruption du « re » laisse entrevoir la béance à partir de laquelle une chose incertaine s’amorce33, rejoint la fête de la naissance comme « fondement » d’un naître (N’Etre) permanent : « C’est à la condition naissancielle de l’homme, plutôt qu’à sa condition mortelle méditée par les philosophes, qu’Arendt va s’attarder. Car l’être humain n’est pas seulement le seul à mourir vraiment, il est aussi le seul à naître au sens plein du terme, c’est-à-dire à introduire par sa naissance un élément inaugural, un commencement. Toute nouveauté s’enracine même dans le fait de la naissance par lequel se produit dans la circularité naturelle, et s’arrachant à celle-ci, un événement »34. Et si, d’un côté, cette inauguration ne s’amorce, que dans et par la béance et est le signe d’abord d’un « défaut d’être », elle est, de l’autre côté, chez Arendt un excès, un excès d’être qui toujours excède le donné. C’est ainsi que se retrouve chez Françoise Collin, cette « unicité irréductible » qui est, à la fois, l’ipséité de Blanchot et de Levinas et la singularité arendtienne. Et si l’œuvre, désormais « fort[e] de ses déterminations particulières, se fait entendre au-delà de ces déterminations », ce n’est jamais « qu’à travers elles »35.

Conclusion

  • 36 Les « dites femmes » est une expression que l’on retrouve quelquefois chez la philosophe. Elle vise (...)

26C’est cette tension entre l’Un et l’autre, puis entre masculin et féminin qui traverse toute l’écriture de F. Collin dans sa pensée du féminisme et des « dites femmes »36. Ebranlant les perspectives de l’universalisme tout comme celles de l’essentialisme, l’écriture de la philosophe-écrivaine s’emploie à maintenir vivante la tension entre une pensée naturaliste et celle qu’elle appelle, quelquefois, l’« historico-culturel ». C’est dans ce qui lie la zoê au bios que se déploie la pensée de Françoise Collin. Afin que ni l’Un ni l’autre ne se recouvrent totalement et que disparaisse l’altérité, ou que cette dernière ne se mue pas en essence, elle se consacra à maintenir en vie la tension qui les relie.

  • 37 F. Collin, « Beauvoir et la douleur, Aliénation et altération dans la pensée beauvoirienne », publi (...)
  • 38 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 184.

27En effet, telle une torpille, Françoise Collin n’a cessé de défaire le discours, ou la volonté de discours féministe, en le poussant toujours plus loin dans ses retranchements (comme on retranche quelque chose, en retirant, soustrayant). Plutôt que de le rassembler en posant son dit comme une synthèse de la pensée féministe, elle qui fut témoin et actrice de son temps, n’a cessé de le disperser, de le disjoindre, raison sans doute pour laquelle elle a pu si souvent faire grincer des dents dans le milieu féministe. En empêcheuse de tourner en rond, ses inlassables répétitions de l’opposition des essentialistes et des universalistes, qu’elle ressasse, fendent la possible assurance d’un discours féministe. Cette fente, cette fissure ne cherche pas la fissure pour elle-même, en pure perte, mais plutôt à rappeler que le texte mine et creuse tout discours et empêche, selon elle, la clôture. Et ce, pas du tout avec une morale de censeure mais bien plutôt dans la perspective que c’est à cette condition que la parole d’abord et toujours anonyme et impersonnelle d’une « dite femme » pourra dire quelque chose. Elle ne perçoit que trop combien la volonté féministe qui ne prendrait pas acte de sa part de finitude hâtera le risque de clôturer le cercle du dire et de renvoyer les non-professionnelles du discours à la parole étouffée : « L’œuvre de Beauvoir, relue au-delà du Deuxième sexe, et dans les détours mêmes du Deuxième sexe nous rappelle qu’il n’est de bonne politique que dans la conscience permanente de ce qui l’excède. Faute de quoi le féminisme (et son volet d’études de genre) risque d’être le terrain d’une nouvelle barbarie où seul est reconnu celui/celle qui gagne. Une lutte pour le pouvoir qui ne fait pas place à cet impouvoir constitutif que rappelle de manière lancinante l’œuvre même de Simone de Beauvoir et qui la constitue comme œuvre. Dans l’élaboration fiévreuse et compétitive d’un savoir explicatif et instrumental, il faut parfois « fermer les yeux souverainement » pour accéder à la vérité »37. Cependant, la recherche de Françoise Collin n’est pas d’éviter, ou d’empêcher l’émergence d’un « discours » féministe, mais bien de préserver, de promouvoir la répétition du balbutiement dans lequel, les femmes, en exilées du monde, se sont mises à parler en étrangères dans leur impropre langue. C’est une répétition de ce moment, de cet éternel recommencement où, comme elle l’a souvent dit en parlant de mai 68, « l’imagination était au pouvoir », qu’elle recherche. Recherche non pas tant nostalgique que comme une répétition de la première fois, de ce qui se répète et est tout autant inaugural, en somme comme le moment d’un (re)commencement : « Si l’art est lié au temps répétitif, il est aussi et tout à la fois, inaugural. Dans la mesure où il n’assume pas mais toujours re-commence, lui seul commence »38. Pour une pensée-artiste comme celle de Françoise Collin où ne s’annulent pas les frontières entre le philosophique et l’artistique mais où les démarcations se troublent, elle recherche inlassablement ce qui, au sein du discours, mine le discours et permet d’inaugurer des paroles nouvelles.

  • 39 « [p]ensable » envisagé ici comme « paroles » et « actions » ou « luttes sociales ».

28Cette tension toujours à l’œuvre dans l’écriture collinienne, qui ne se résout jamais dans l’unité, faisant toujours résonner l’autre dans l’Un, peut parfois sans doute paraître aporétique dès lors que toute tentative pour se saisir, toute détermination à se faire sujet-sujette, butte sur son impossibilité et s’éprouve dans le sentiment d’impuissance. A la lecture d’une penseuse telle que Françoise Collin, ce sentiment d’impuissance n’est pas à proprement parler l’impuissance de la résignation, elle est impuissance comme condition du pensable39. C’est sur le fond de cette impuissance que quelque chose comme une pensée, ici une pensée des femmes, pourra se faire jour.

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Notes

1 C’est à Toulouse, au sein du Mouvement politique et social « Motivé.e.s » que j’ai rencontré, dans les années 2000, une partie du mouvement féministe. J’en profite, ici, pour exprimer toute ma gratitude à Maité Débats, penseuse socratique s’il en est, qui en plus de m’avoir rendue heureuse de la rencontrer, m’a fait connaître l’œuvre de Françoise Collin.

2 Maurice Blanchot tient une place importante dans la pensée de Françoise Collin. En effet le livre qu’elle lui consacrera, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, est tiré de sa thèse de doctorat en philosophie. Ce travail sera publié chez Gallimard en 1971 et réédité chez Tel en 1986. En raison de l’importance que Françoise Collin accorde à ce penseur, nous avons choisi de nous concentrer sur ce livre, considérant qu’il est à même d’éclairer la perspective avec laquelle la philosophe pensera la question des femmes.

3 C’est dans le cadre d’un séjour aux Etats-Unis que Françoise Collin découvre véritablement la pensée de Hannah Arendt : « Le numéro Hannah Arendt (1985), que j’avais personnellement initié est un petit événement puisqu’il a introduit cette philosophe sur la scène féministe internationale qui l’ignorait jusque-là. C’est un point sur lequel en tout cas nous avons été pionnières. La rencontre de cette philosophe – un livre sorti d’un rayon d’une librairie américaine en 1983 – a été pour moi déterminante. Bien que non féministe, elle m’a aidée à penser des problèmes internes à mon expérience féministe, à les nouer avec l’ensemble de ma réflexion politique et philosophique. C’est ainsi que j’ai poursuivi avec elle un long chemin, ponctué par des colloques, séminaires, articles, jusqu’à mon livre récent » (F. Rochefort et D. Haase-Dubosc, « Entretien avec Françoise Collin. Philosophe et intellectuelle féministe », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 13, 2001, mis en ligne le 19 juin 2006, consulté le 25 décembre 2015, http://clio.revues.org/1545 ; DOI : 10.4000/clio.1545).

4 « Le féminisme français majoritaire, quelles que soient par ailleurs ses pratiques de terrain et son efficacité, est resté philosophiquement « universaliste », convaincu de ce que la position de l’individu « neutre » ou de l’humain dont les femmes ont été séculairement écartées est celle qu’incarnent les hommes et que la vérité est celle du dominant. Ce faisant, il a généralement ostracisé comme « essentialiste » toute théorie qui pouvait soutenir un « propre des femmes », constitutif ou même factuellement historico-culturel et qui aurait pu produire une alternative au modèle dominant. Simone de Beauvoir n’a-t-elle pas écrit cette phrase qui figure au fronton du panthéon féministe : « on ne naît pas femme on le devient », sans jamais ajouter cependant : « on ne naît pas homme on le devient », comme si la position de l’humain et la position du masculin étaient ontologiquement identiques : non pas un être devenu mais l’être même » (F. Collin, « Le comme un », Revue Mouvements, 38, mars-avril 2005, p. 9).

5 Le constructivisme qui se conçoit comme une pensée anti-naturaliste, est travaillé par la question de l’origine et du fondement. En voulant se faire « histoire » du commencement où l’histoire est opposée à la nature, il se montre fasciné par l’origine et le fondement. N’ébranlant pas l’origine mais cherchant à la fonder historiquement (et non naturellement), il est une passion de l’origine.

6 Ce terme de « différance » écrit volontairement avec un « a » est un terme repris à J. Derrida, penseur avec lequel la philosophe entretenait un rapport ambivalent (voir F. Collin, « Le philosophe travesti ou le féminin sans les femmes », communication présentée dans le cadre du colloque Les formes de l’anti-féminisme contemporain, Centre Georges-Pompidou à Paris en décembre 1991). Le « a » de « différance » signifie : « acte de différer ». Il s’agit de proposer une différence qu’on ne peut ramener au concept d’identité. Cette « différance » est vouée au mouvement permanent, à l’« acte de différer ». Elle a vocation à ne pas se figer à nouveau dans une identité ou une essence (voir F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, Paris, Gallimard, 1986, p. 156).

7 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 168-169.

8 F. Collin, « Anthologie québécoise, 1977-2000 », textes rassemblés et présentés par M.-B. Tahon, Québec, Les Editions du remue-ménage, 2014, p. 112.

9 « Originelle » au sens où nous venons bien de quelque part, mais cette « origine » ne peut en aucun cas constituer un moment « fondateur ».

10 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 68.

11 Ibid.

12 Ibid., p. 197.

13 Ibid.

14 « inadéquation » au sens où, comme nous le disions plus haut, il n’y a pas d’identité à soi. Inadéquation au sens où on ne peut ramener les choses à une identité ou à une unité ; c’est l’inadéquation qui doit, en quelque sorte, être supportée.

15 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 78.

16 Ibid., p. 120 à 159.

17 L’importance de clarifier le rapport de Françoise Collin à la question de la « détermination » tient à ce que, sans cette clarification, la pensée de la philosophe pourrait presque être tirée du côté d’un certain idéalisme où prime la vacuité de l’être. Or si nous affirmons bien que « la terre se dérobe » chez Françoise Collin, cela n’est possible qu’à la condition que la « terre » ou ici le « corps » existe bel et bien ! Seulement cette terre ou ce corps sont privés de la consistance qui permettrait d’en faire une base solide et unifiée, un fondement à partir duquel s’établirait le reste des choses. C’est la solidité et l’identité de ce point de départ qui est réinterrogé par la philosophe. Si ce point de départ est bien ramené à son inconsistance ou à son impuissance, il n’est pas pour autant supprimé.

18 Ibid., p. 144.

19 Afin d’éclairer brièvement le rapport entre loi et finitude tel que Françoise Collin le pense à partir de Blanchot, il convient de rapporter la loi au désir. Comme le désir, la loi circule. En circulant la loi nous échappe, bien qu’il n’y ait pas d’échappatoire à la loi. Elle ne peut ni être abolie (mort), ni être surmontée (transcendance ou extase). Ce rapport à la loi atteste, par conséquent, d’une forme de finitude. Finitude à comprendre dans le sens de quelque chose avec quoi il faut composer.

20 F. Collin, « Pluralité, Différence, Identité », Revue suisse Présence, 38 (nouvelle série), 1991.

21 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 130.

22 Ibid., p. 200.

23 « L’homme est cet être dont la finitude consiste précisément à être privé de fin » (ibid., p. 53).

24 « Pensée de la détermination » qui n’est pas une indétermination, mais l’épreuve d’une inconsistance de la détermination toujours minée par le négatif, qui, selon la philosophe, « l’arrache à la position » – lui préférant, elle-même, la proposition : « Faut-il alors comprendre la pensée blanchotienne, face aux pensées de la détermination, comme une pensée de l’indétermination, indétermination « pure » qui, dans l’ordre du langage et du langage littéraire, conduirait à une valorisation du silence pur et, à la limite, de la page blanche ? Le souci constant de M. Blanchot est d’indiquer, au contraire, le caractère impur du négatif (…), c’est-à-dire le passage nécessaire de l’indétermination par la détermination. (…) C’est dans et par la détermination que se manifeste le négatif, et celui-ci arrache la détermination à la position » (ibid., p. 204-205).

25 L’émergence du mouvement social des femmes fait apparaître combien il est difficile, dans le cas des femmes, de distinguer ce qui relève de l’altérité (ou de la différence) et ce qui relève de l’aliénation. Altération et aliénation se retrouvant inextricablement liées pour la philosophe.

26 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 234.

27 « La zoê est la vie naturelle, celle qui continue et se répète de manière circulaire : la vie de l’espèce. Le bios est la vie de quelqu’un, non pas la vie, mais une vie, qui s’inaugure par la naissance et se termine par la mort, la vie d’un homme. (…) Naître est à l’intersection de zoê et de bios : c’est l’émergence du bios dans la zoê, de la biographie dans la biologie » (F. Collin, Je partirais d’un mot, Paris, Editions Fus-Art, 1999, p. 120).

28 « Au corps objectif, Merleau-Ponty oppose le corps vécu, et celui-ci se définit aussitôt comme corps propre » (F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 121).

29 F. Collin, « Pluralité, Différence, Identité », loc. cit.

30 Ibid.

31 F. Collin, A-M. de Vilaine, « La même et les différences », Les Cahiers du grif, 28, 1983, p. 7-16.

32 F. Collin, Je partirais d’un mot, op. cit., p. 38.

33 « L’art n’annonce pas telle époque mais, par sa béance, il interrompt la continuité et prononce le recommencement » (F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 186).

34 F. Collin, Je partirais d’un mot, op. cit., p. 120.

35 Ibid., p. 38.

36 Les « dites femmes » est une expression que l’on retrouve quelquefois chez la philosophe. Elle vise à désigner un groupe social sans identifier de façon totale et essentielle les individus de ce groupe à la définition du terme « femme ». Néanmoins, cette expression rappelle, si nécessaire, que quelle que soit la dénonciation qui est faite du terme « femme », c’est ainsi que les individus de ce groupe sont nommés en règle générale par la société. A ce titre, la philosophe n’a cessé de rappeler que les catégorie abstraites de « sexe » et de « genre » ou de « féminin » et « masculin », telle qu’elles s’élaborent dans le champ de la recherche universitaire, ne doivent pas oublier leur lien ni se couper de la réalité empirique sur laquelle elles se prélèvent.

37 F. Collin, « Beauvoir et la douleur, Aliénation et altération dans la pensée beauvoirienne », publié le 8 mars 2010 sur le site sens-public, cf. http://www.sens-public.org/spip.php?article731. Cette dernière citation ne va pas sans poser problème : elle pourrait conduire à l’idée d’une disqualification du point de vue scientifique au profit d’un point de vue philosophique. Telle n’est assurément pas la volonté de cet article. En réalité, cette citation mériterait de plus amples développements mais nous ne pouvons le faire ici.

38 F. Collin, Maurice Blanchot et la question de l’écriture, op. cit., p. 184.

39 « [p]ensable » envisagé ici comme « paroles » et « actions » ou « luttes sociales ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Saliha Boussédra, « Entre nature et histoire : Françoise Collin, penseuse de l’indéfinitude »Sextant, 33 | 2016, 87-97.

Référence électronique

Saliha Boussédra, « Entre nature et histoire : Françoise Collin, penseuse de l’indéfinitude »Sextant [En ligne], 33 | 2016, mis en ligne le 23 mai 2016, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/639 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.639

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Auteur

Saliha Boussédra

Saliha Boussédra est titulaire d’un Master ii recherche en philosophie (2008) et d’un Master II professionnel en sociologie « Genre et politiques sociales » de l’université Jean Jaurès de Toulouse (2009) et fut visiting scholar au sein du département de philosophie de l’Université de Columbia à New York (2011-2013). Elle réalise actuellement un doctorat en philosophie sur Karl Marx et la question de la prostitution au sein du Centre de recherche en philosophie allemande et contemporaine (creφac) de l’Université de Strasbourg. Elle est, avec Jean Quétier, co-organisatrice du séminaire doctoral de la Faculté de philosophie de Strasbourg consacré à la lecture du livre i du Capital de Marx, et intervient régulièrement dans les écoles de formation des travailleurs sociaux en Alsace. Elle est par ailleurs auteure et interprète de la pièce de théâtre Une bière à la menthe portant sur l’exil, l’immigration et les femmes.

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