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Les étudiantes de l’Empire des tsars en Europe occidentale : des exilées « politiques » ?

Female Students of the Tsarist Empire in Western Europe : ‘Political’ Exiles ?
Natalia Tikhonov
p. 27-43

Résumés

De nombreuses révolutionnaires, militantes, et actrices des mouvements politiques qui ont secoué l’Europe au tournant du XXe siècle étaient issues du vivier constitué par les étudiantes de l’Empire russe à l’étranger. Quelques décennies plus tard, ce sont plusieurs milliers de jeunes ressortissantes de l’Empire des tsars qui fréquentent les universités des grands pays d’accueil de la jeunesse étudiante. Les établissements français ont accueilli un nombre important de ressortissants de l’Empire russe des deux sexes. Toutefois, la nature des sources disponibles, et notamment l’absence de listes nominatives d’étudiants et de registres d’inscription, rend leur recensement extrêmement difficile. En réalité, c’est surtout sur la Suisse — terre d’accueil de nombreux proscrits et exilés politiques depuis le début du XIXe siècle et pays dont les universités sont à l’avant-garde européenne par leur ouverture aux étrangers et aux femmes —, que déferle la vague de milliers de jeunes sujettes du Tsar, avides de savoir, d’émancipation et de liberté. C’est donc à l’évaluation de l’ampleur de l’exil politique lié à un projet d’études, ainsi qu’aux divers degrés et formes d’engagement des étudiantes exilées, que seront consacrées les pages qui suivent.

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Texte intégral

  • 1 La présence des étudiants originaires de l’Empire russe en Allemagne au début du XXe siècle a fait (...)

1De nombreuses révolutionnaires, militantes et actrices des mouvements politiques qui ont secoué l’Europe au tournant du XXe siècle étaient issues du vivier constitué par les étudiantes de l’Empire russe à l’étranger. Cette migration, qui a vite atteint une ampleur sans précédent, s’amorce modestement à la fin des années 1860 avec quelques inscriptions à la faculté de médecine de Zurich ou de Paris, alors que la jeunesse russe est éprise des idées nihilistes prônant le travail, l’utilité sociale et l’éducation pour guérir les maux de la société. Quelques décennies plus tard, ce sont plusieurs milliers de jeunes ressortissantes de l’Empire des tsars qui fréquentent les universités des grands pays d’accueil de la jeunesse étudiante. Si les universités allemandes se montrent plus réservées à l’égard des femmes, en n’ouvrant leurs portes aux étudiantes régulières qu’à partir de 1900 et même 1909 pour certaines d’entre elles, elles restent fidèles à la tradition de l’accueil et de la formation des étudiants russes, qui remonte au XVIIIe siècle, jusqu’au déclenchement des hostilités en 19141. Les établissements français ont accueilli un nombre important de ressortissants de l’Empire russe des deux sexes, les femmes étant surtout concentrées dans les facultés de la capitale.

  • 2 Malgré le rôle important joué par les étudiantes russes dans la féminisation des universités belges (...)

2Toutefois, la nature des sources disponibles, et notamment l’absence de listes nominatives d’étudiants et de registres d’inscription, rend leur recensement extrêmement difficile. C’est sans doute pour cette raison qu’aucune étude systématique sur la présence des étudiants russes en France n’existe à ce jour. Quant à la Belgique, même si la présence de jeunes femmes russes parmi les étudiantes des trois universités ouvertes aux femmes est relativement importante (au début du XXe siècle, elles en forment plus d’un tiers), elles ne représentent en nombre absolu que quelques centaines d’étudiantes inscrites à Bruxelles, Liège ou Gand entre le début des années 1880 et la Grande Guerre2. Une féminisation relativement faible de l’enseignement supérieur (le seuil de 4% atteint en 1905 reste stable jusqu’en 1914) explique sans doute cet état de choses.

  • 3 L’analyse de la nature et de l’ampleur de ce mouvement migratoire ne faisant pas l’objet de cet art (...)

3En réalité, c’est surtout sur la Suisse – terre d’accueil de nombreux proscrits et exilés politiques depuis le début du XIXe siècle et pays dont les universités sont à l’avant-garde européenne par leur ouverture aux étrangers et aux femmes –, que déferle la vague de milliers de jeunes sujettes du Tsar, avides de savoir, d’émancipation et de liberté3. C’est donc à l’évaluation de l’ampleur de l’exil politique lié à un projet d’études, ainsi qu’aux divers degrés et formes d’engagement des étudiantes exilées, que seront consacrées les pages qui suivent.

Etudiantes « orientales »4 et engagement révolutionnaire : mythe ou réalité ?

  • 4 C’est ainsi qu’à l’époque les autorités universitaires et la population locale désignaient les étud (...)

4En Suisse, la mémoire populaire a retenu l’image de ces jeunes femmes de l’Empire russe, nombreuses sur les bancs des universités du pays avant la Première Guerre mondiale, nihilistes, anarchistes et révolutionnaires, et bien sûr… dévergondées. Cheveux courts, robe courte, sur le nez d’énormes lunettes bleues, cigarette à la bouche, on les trouve attablées dans les tavernes à côté de jeunes hommes en moujiks hirsutes, quand elles ne posent pas des bombes. Les récits de violences qui leur sont imputées abondent, comme celui concernant Tatiana Leontieff, fille d’un général russe et ancienne étudiante de la faculté de médecine de Lausanne, qui abat en septembre 1906 à Interlaken un touriste de nationalité française, le malheureux Muller, au lieu de l’ex-ministre russe de l’intérieur Durnovo qu’elle croyait supprimer pour venger les souffrances des socialistes russes.

  • 5 Ce chiffre résulte d’une base de données que j’ai créée pour recenser toutes les étudiantes origina (...)

5Pourtant, en dehors de quelques terroristes célèbres, le jugement porté sur les jeunes femmes russes tient davantage du préjugé. Et ce préjugé est à la mesure de la hantise de la bourgeoisie suisse devant la montée des mouvements révolutionnaires, dont la Suisse était alors un foyer. Herzen, Lénine, Plekhanov, Bakounine, Lavrov, Kropotkine, Vera Zassoulitch vécurent en Suisse des temps plus ou moins longs pour y préparer la révolution. Or, une analyse détaillée de cette population étudiante révèle que les révolutionnaires convaincues et actives ne forment probablement qu’une infime minorité parmi près de 7 700 femmes de l’Empire tsariste immatriculées dans les universités suisses avant 19145. Ce constat a de quoi surprendre. Développons-le brièvement.

Tatiana Leontieff abattant un touriste français au lieu de l’ex-ministre russe Durnovo (Nebelspalter. Die humoristisch-satirische Schweizer Zeitschrift, 6, 1907).

Tatiana Leontieff abattant un touriste français au lieu de l’ex-ministre russe Durnovo (Nebelspalter. Die humoristisch-satirische Schweizer Zeitschrift, 6, 1907).

6Habituellement, la présence des sujets du tsar dans les universités européennes est associée à l’émigration, voire à l’exil politique. Pendant des décennies, l’historiographie, aussi bien occidentale que soviétique, a mis en avant l’engagement politique des jeunes gens partis s’instruire à l’étranger. Au vu de la conjoncture politique du XXe siècle, il n’est guère étonnant que cette vision ait été adoptée en Occident pour accentuer, voire amplifier, les activités politiques des colonies estudiantines russes à l’étranger. Le nombre élevé d’étudiantes étrangères étant souvent perçu comme une menace, leur amalgame avec les révolutionnaires servait à renforcer cette image négative. En revanche, l’historiographie soviétique fut guidée par des motivations totalement différentes. En mettant les étudiants et les révolutionnaires sous un dénominateur commun, elle cherchait avant tout à souligner l’ampleur du mouvement révolutionnaire et sa popularité parmi la jeunesse de l’époque.

  • 6 Pour ne citer que les principales monographies sur la question dont les auteurs adhèrent à ce point (...)
  • 7 Sur cet aspect : N. Tikhonov, « Les étudiantes étrangères dans les universités occidentales, des di (...)

7Quant aux étudiantes, la plupart des auteurs s’accordent à dire qu’elles vont à l’étranger pour deux raisons principales : acquérir une formation professionnelle inaccessible dans leur pays ou poursuivre une activité politique suspecte chez elles6. Les témoignages contemporains ne sont pas en reste, en créditant volontiers les étudiantes russes d’exotisme, en les affublant d’emblée d’un comportement différent et en les dotant de revendications politiques, comme si en chaque étudiante russe se cachait une révolutionnaire potentielle. La presse helvétique ne parle pratiquement jamais des étudiantes appliquées et sans passion politique, tandis que toute l’attention se braque sur celles que l’on considère, à tort ou à raison, comme nihilistes, populistes, anarchistes ou socialistes. Alimentée par les vagues d’agitation politique qui mobilisent certaines de leurs compatriotes, toute une série de stéréotypes collent à la peau des étudiantes « orientales ». Ces clichés, élaborés dès la fin du XIXe siècle, ont perduré bien au-delà de leur présence sur les bancs universitaires occidentaux, en exerçant une influence considérable sur les travaux historiques postérieurs. Cependant, une analyse plus approfondie de cette population appelle à nuancer ces deux affirmations. Si la première – concernant les minces possibilités de formation professionnelle qui leur étaient réservées en Russie – sort du cadre du présent travail7, la seconde touche de près à la question posée dans son titre : quelle est la part des exilées politiques parmi les étudiantes russes migrantes ?

8S’il ne paraît pas possible de rendre compte de l’importance réelle des ressortissantes de l’Empire russe formées à l’étranger dans les mouvements politiques de l’époque et d’exprimer ce phénomène en chiffres exacts, on peut tout de même, à partir de diverses sources, en brosser un tableau approximatif. Le cas des « politiques » illustre bien les pièges de la documentation, qui est beaucoup plus abondante pour ces étudiantes que pour leurs condisciples ne partageant pas cet engagement. Mais elles étaient selon toute évidence beaucoup moins nombreuses que leur visibilité ne pourrait le laisser croire. Mes analyses fondées sur le dépouillement des sources biographiques (dictionnaires, mémoires, autobiographies, etc.) appuient cette hypothèse, en suggérant que le nombre d’étudiantes activement engagées dans la politique est relativement insignifiant par rapport aux effectifs globaux des ressortissantes de l’Empire des tsars inscrites dans les universités helvétiques.

  • 8 Dejateli revoljucionnogo dviženija v Rossii. Bio-bibliograpfičeskij slovar’ [Les acteurs du mouveme (...)

9Il aurait été sûrement difficile, voire impossible, d’arriver à ce constat sans l’existence du Dictionnaire bio-bibliographique des révolutionnaires russes8. Ce dictionnaire, conçu par une société d’anciens prisonniers politiques de l’époque tsariste (Vsesojuznoe obščestvo političeskih katoržan) et publié au début de l’ère soviétique, offre une vision nettement plus globale des acteurs des mouvements politiques et de leurs itinéraires. En effet, dès les années 1930 et le durcissement du régime, les encyclopédies et autres ouvrages biographiques publiés en URSS sont devenus de plus en plus sélectifs, en ce qui concerne tant le choix des personnages jugés dignes de passer à la postérité que des éléments biographiques à retenir, surtout lorsqu’il s’agit des liens entretenus avec les pays étrangers considérés désormais comme suspects.

10L’un des grands mérites de ce dictionnaire réside dans le parti pris des éditeurs d’y faire figurer, à côté des révolutionnaires confirmés, celles et ceux qui n’apportèrent que quelques contributions, souvent très irrégulières voire même uniques, au mouvement révolutionnaire russe, pris dans un sens très large. Cette option réduit considérablement les risques de passer à côté d’acteurs modestes. Les absents sont, en revanche, les personnes dont l’engagement ne concernait pas directement l’Empire russe, ce qui fut précisément le cas d’un certain nombre d’étudiantes migrantes, engagées dans la vie politique en Suisse ou dans des pays tiers où elles se sont installées après leurs études. Mais le principal désavantage de cette source réside dans son caractère incomplet : commencé au lendemain de la révolution d’Octobre, cet ambitieux projet n’est jamais arrivé à terme et s’arrête en 1933, à la lettre « G » du tome V consacré aux sociaux-démocrates, sans que les tomes suivants ni ceux consacrés aux socialistes-révolutionnaires voient le jour. Les périodes et les mouvements documentés sont donc les années 1860 (tome I), les années 1870 (tomes II et III), les années 1880 (tome IV) et en partie les années 1880-1904 pour les sociaux-démocrates (2 volumes du tome V).

  • 9 Malgré le nombre important de travaux sur la colonie russe de Zurich, étudiée beaucoup plus que les (...)
  • 10 L’Université de Bâle admet ses premières étudiantes en 1890, et celle de Fribourg en 1905. Toutefoi (...)

11Cependant, cette couverture partielle d’un demi-siècle de présence estudiantine russe en Suisse est moins handicapante qu’elle ne paraît à première vue. En effet, le foyer le plus intense de l’activisme politique parmi les sujets du Tsar se trouve sans conteste à Zurich au tournant des années 1870, alors que leur pays natal traverse une période d’agitation politique9. Cette université est aussi la première en Europe à admettre les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes, pas franchi en 1867 avec l’octroi d’un doctorat en médecine à Nadežda Suslova, venue de Saint-Pétersbourg deux ans auparavant pour compléter sa formation médicale. En 1872, le principe de la mixité est adopté par les universités de Berne et de Genève. Les universités de Lausanne et de Neuchâtel sont mixtes dès leur création, respectivement en 1890 et en 1909, alors que la plus ancienne université de pays, celle de Bâle, et la seule université fondée avec l’aide de l’Eglise catholique, celle de Fribourg, se montrent plus réticentes à admettre les femmes et les étrangers10. L’alma mater zurichoise jouit donc pendant longtemps de sa réputation de pionnière, en attirant de nombreuses jeunes femmes étrangères de toute l’Europe et même d’Outre-Atlantique. Quant à celles venant de l’Empire russe, elles sont parmi les premières à occuper ses bancs : le nombre modeste de neuf inscriptions au semestre d’été 1870 passe à cent au semestre d’été 1873. Les étudiantes russes représentent alors près d’un quart de l’ensemble des étudiants inscrits et forment la plus importante colonie estudiantine russe à l’étranger, dont l’ampleur est sans précédent.

  • 11 Le mouvement populiste s’est développé en Russie dans les années 1860-1870. Il préconise le rapproc (...)
  • 12 V. Figner, Studenčeskie gody (1872-1876) [Années étudiantes], Moscou, Golos Truda, 1924, p. 62.

12Cette concentration à Zurich d’étudiants et étudiantes aux tendances révolutionnaires se comprend parfaitement à la lumière du caractère de l’émigration russe dans cette ville. Les représentants de tous les courants politiques anti-tsaristes de l’époque la choisissent comme lieu de résidence ou de refuge : Michel Bakounine, fondateur et théoricien de l’anarchisme, exilé en Europe occidentale à partir de 1861, entouré d’un nombre important de ses partisans, beaucoup de disciples de Pierre Lavrov, célèbre théoricien du populisme11 qui y édite sa revue Vpered et donne des conférences de philosophie, de sociologie et de mathématiques supérieures, ou encore Pierre Tkačev, idéologue du populisme révolutionnaire. Zurich devient alors, selon l’expression de la révolutionnaire Vera Figner qui y étudie la médecine en 1872-1873, « un centre intellectuel de la révolution, passage obligé pour toute personne cultivée russe en séjour à l’étranger »12.

Vera Figner (1852-1942)

Vera Figner (1852-1942)

Eveillée à la politique au cours de ses études de médecine en Suisse, elle rentre en Russie pour participer à un attentat des populistes contre le tsar Alexandre II, ce qui lui vaut vingt années d’emprisonnement (portrait anonyme).

  • 13 Vl. Medem, Ma vie [traduction du yiddish par H. Minczeles et A. Wieviorka], Paris, Honoré Champion, (...)

13Dans ses mémoires, Vladimir Medem, théoricien et acteur du mouvement ouvrier juif, offre un témoignage éloquent, quoique indirect, de la vie des étudiants russes à Zurich et de l’attrait que cette ville exerçait sur la jeunesse entraînée par le climat révolutionnaire de l’époque : « La « colonie » étudiait très peu mais s’occupait beaucoup de politique, ce qui est compréhensible, alors que dans l’ancienne Russie tsariste, tout était interdit, ici, en Suisse, tout était permis. Là-bas, on avait très rarement l’occasion d’obtenir le moindre journal illégal, de voir une brochure imprimée sur du papier fin et passée clandestinement de l’étranger. Une telle brochure était une grande rareté ; on la lisait, se la transmettait jusqu’à ce qu’elle devienne un chiffon usé et déchiré. Ici, en revanche, on pouvait puiser à pleines mains dans la littérature socialiste, assister à des réunions, rencontrer des militants, tout était facile. Il n’est donc pas étonnant que la « colonie » soit totalement imprégnée de politique. L’ensemble des étudiants constituait un réservoir de jeunes forces vives au sein duquel chaque parti et chaque tendance puisaient leur matériel humain. Le combat politique faisait rage. Il était vif et acharné »13.

  • 14 Un auteur russe, S. Dionesov, évalue le nombre d’étudiantes fichées par la police secrète tsariste (...)

14On peut facilement imaginer comment la présence des étudiantes russes à Zurich et leur activisme politique auraient pu évoluer si l’oukase (édit) impérial à l’origine d’une brusque baisse des effectifs féminins et de la dispersion de cette communauté étudiante n’avait pas été promulgué le 4 juin 1873. Craignant une politisation excessive des étudiantes et leur rapprochement avec des révolutionnaires exilés, le tsar Alexandre II décide de mettre fin à la croissance de la communauté russe de Zurich en ordonnant la non-reconnaissance en Russie des diplômes de toutes celles qui n’auraient pas quitté l’Université ou l’Ecole polytechnique de cette ville au 1er janvier 1874. Aux yeux des autorités impériales, le danger de subversion de la jeune génération par les idées et courants se déployant de l’anarchisme bakouniste aux doctrines imprégnées des idées socialistes était patent. Le gouvernement était tout particulièrement préoccupé par une politisation des étudiantes, car certaines d’entre elles s’étaient déjà engagées dans les mouvements révolutionnaires et étaient surveillées par la police secrète russe14, tandis que d’autres étaient prises dans ce tourbillon d’idées subversives sans pour autant posséder des convictions politiques profondes. Résultat de cet oukase : au semestre d’hiver 1873-1874, les étudiantes russes ne sont plus qu’une douzaine à Zurich.

  • 15 Pour une description plus détaillée de ce vivier cosmopolite : L. Mysyrowicz, « Université et Révol (...)

15Une autre ville universitaire où la composante politique du mouvement migratoire estudiantin devient perceptible est Genève. A la fin des années 1870, l’agitation révolutionnaire en Russie et la répression policière entraînent des dizaines de jeunes intellectuels sur les chemins de l’exil et la ville de Calvin devient leur principal refuge. S’y croisent alors des anarchistes, des marxistes ou des socialistes russes, juifs, arméniens, polonais, serbes ou bulgares15. Les activités politiques, telles que la création de maisons d’édition et d’associations, ou la publication de périodiques légaux et illégaux, foisonnent et de nombreux jeunes étudiants deviennent des militants ou des sympathisants de ces mouvements. En 1883 un groupe d’exilés politiques russes, mené par Georges Plekhanov, Vera Zassoulitch et Paul Axelrod, fondent à Genève le premier cercle marxiste russe, Osvoboždenie truda (Libération du travail), considéré comme la tête de la social-démocratie naissante.

16Quelques années plus tard, en 1887, six étudiants arméniens de l’Empire russe, dont une femme (Marie Vartanian, auditrice libre à la faculté des lettres), sont à l’origine du parti social-démocrate arménien Hintchak (La Cloche), qui emprunte son nom à l’une des premières revues anti-tsaristes éditées en exil par Alexandre Herzen dans les années 1860.

17En mettant en relation ma base de données recensant toutes les ressortissantes de l’Empire russe inscrites dans les universités suisses avant 1920 et les notices de ce dictionnaire, j’ai pu constater que seules 107 étudiantes de mon répertoire, comptant près de 7 700 personnes, y figurent. Au vu de la période couverte par ce dictionnaire bio-bibliographique, il n’est guère étonnant de constater que près des trois quarts des étudiantes qui y figurent sont inscrites à l’Université de Zurich au début des années 1870. Les autres se trouvent surtout à Berne et à Genève, puis à partir des années 1900 à Lausanne, alors que les trois autres universités du pays n’accueillent pratiquement pas d’étudiant(e)s politisé(e)s. Même si on ajoute à ce chiffre toutes les femmes qui auraient dû faire partie de la suite de ce dictionnaire ou celles attirées par les mouvements politiques de leur pays d’accueil ou des pays tiers, les étudiantes que l’on pourrait qualifier de « politiques » ne dépasseraient pas le seuil de 10% de cette population, alors que la majorité appréciait le climat de liberté en Suisse et l’esprit libéral de ses universités sans se politiser.

18Cette caractéristique ne saurait donc être déterminante pour la typologie de la migration de jeunes sujettes du tsar vers les universités occidentales. L’engagement strictement « révolutionnaire » ne caractérise pas non plus toutes les étudiantes originaires de l’Empire russe qui militèrent pour une cause. Beaucoup d’entre elles ont vécu un engagement politique au sens plus large, au sein d’organisations sionistes, féministes, du mouvement ouvrier international ou de mouvements de libération nationale.

Divers degrés et formes de l’engagement politique

19L’engagement politique des étudiantes prend également des formes et degrés divers, selon le moment de son apparition, sa durée et son ampleur. L’analyse des étudiantes engagées m’amène à proposer les catégories suivantes : (1) les exilées politiques à proprement parler, c’est-à-dire les étudiantes déjà impliquées dans les activités à caractère politique avant leur arrivée en Suisse et dont la migration scolaire a été essentiellement conditionnée par leur participation à ces activités ; (2) les femmes, les sœurs ou les filles d’exilés politiques, qui deviennent étudiantes à leur arrivée en Suisse ; (3) les étudiantes qui s’engagent dans les activités politiques au cours de leurs études, qu’elles les poursuivent après avoir quitté l’université ou non ; (4) les étudiantes pour qui le séjour en Suisse n’a pas été marqué par une activité politique mais leur a servi de catalyseur pour un engagement ultérieur ; (5) les sympathisantes dont la participation aux activités politiques est demeurée épisodique. Quelques exemples illustrent chacune de ces catégories et aident à mieux les cerner.

Les exilées politiques

20La définition d’« exilée politique » adoptée ici est celle d’une étudiante expatriée qui est déjà impliquée dans le militantisme politique avant son arrivée en Suisse et a été contrainte de quitter son pays en raison de ces activités. Mon corpus ne comporte que peu d’étudiantes de ce type ; elles apparaissent à la fin des années 1880, lorsque la participation des femmes aux mouvements politiques en Russie se généralise. Cependant, il est probable que des engagements politiques et militants de certaines étudiantes, notamment pour la période absente du Dictionnaire bio-bibliographique cité plus haut, restent encore à identifier à l’aide d’un dépouillement minutieux et du croisement de diverses sources biographiques disponibles pour les anciens territoires de l’Empire russe.

  • 16 Vl. Medem, op. cit., p. 167-168.

21Ljubov’ Axelrod (1868-1946), fille d’un rabbin de Vilno (aujourd’hui Vilnius, Lituanie) fait partie de ce premier groupe. Très jeune, elle quitte son milieu familial pour se joindre au groupe local de l’organisation populiste Narodnaja Volja (La volonté du peuple) à Poltava. Elle poursuit cet engagement en Ukraine, à Kharkhov et à Melitopol, avant que sa liberté ne soit mise en danger en 1887. Commence alors une période d’exil politique qui dure jusqu’en 1906 et l’amène en France et en Suisse. En 1893, Ljubov’ Axelrod entreprend des études de philosophie à l’Université de Berne, couronnées par une thèse de doctorat présentée en 1900. Influencée par les idées de Plekhanov, elle continue à pratiquer le militantisme politique : dès 1892, elle est membre de l’Union des sociaux-démocrates russes à l’étranger et du groupe Libération du travail. Le bundiste Vladimir Medem, qui fréquenta l’Université de Berne à la même période, la qualifie dans ses mémoires de « la militante la plus importante de la social-démocratie de la colonie »16. Plus tard, Axelrod rejoint les mencheviks, tout en poursuivant sa carrière d’écrivain et de philosophe. Après la révolution d’Octobre, lorsque les établissements d’enseignement supérieur nouvellement créés sont en quête de professeurs qualifiés, elle est nommée professeure de philosophie à l’Université de Tambov, puis à celle de Moscou, enseigne par la suite dans diverses structures para-universitaires, carrière qu’elle réussit à poursuivre tout au long de sa vie.

  • 17 Anna Kuliscioff fait partie de ces anciennes étudiantes qui occupent une place de choix dans l’hist (...)

22Anna Rozenstein (1854-1925), plus connue sous le pseudonyme d’Anna Kuliscioff, pris au moment de l’exil, appartient également à cette première catégorie17. Si son premier séjour en Suisse en 1871-1873 est surtout motivé par un désir d’étudier les sciences, elle y retourne en qualité d’exilée politique à la fin de cette même décennie. Fille d’un riche marchand juif converti de Simféropol, en Crimée, Anna décide à la sortie du gymnase de partir pour Zurich et s’inscrit à la faculté des sciences. Une année plus tard, elle est parmi les premières femmes à fréquenter la célèbre Ecole polytechnique fédérale. Là elle se familiarise avec quelques révolutionnaires russes en exil, s’intéresse au mouvement anarchiste, rejoint un groupe de socialistes agraires et se lie avec un camarade d’études et compatriote, Piotr Makarevič, qu’elle épouse à la fin de son séjour. Suite à l’oukase de 1873, le couple retourne en Russie et intègre un groupement populiste à Odessa. Les activités politiques du couple leur valent des menaces d’arrestation et en 1877 Anna s’exile définitivement en Occident.

23Arrivée à Paris, elle y retrouve l’anarchiste italien Andrea Costa (1851-1910), qu’elle épouse en secondes noces au début des années 1880. Mais à peine arrivée, elle est condamnée pour avoir organisé une manifestation de rue au mépris des règlements régissant la circulation sur la voie publique, officiellement expulsée elle se réfugie à nouveau en Suisse en 1878. Après quelques années d’activités militantes entre la Suisse et l’Italie, remplies d’affrontements avec les représentants de l’ordre, elle reprend ses études en 1883, cette fois-ci en médecine et à l’Université de Berne. Enfin, en 1885, elle s’installe en Italie, devenue la compagne, puis l’épouse, du dirigeant socialiste Filippo Turati (1857-1932). Elle poursuit son activité militante aux côtés de son troisième conjoint : ensemble ils fondent une revue socialiste, Critica sociale, et sont, en 1892, à l’origine du Parti des travailleurs italiens (dès 1895 Parti socialiste italien) dont Turati sera l’un des principaux leaders. Durant tout le premier quart du XXe siècle, Anna Kuliscioff reste à l’avant-garde du socialisme italien, milite dans le mouvement ouvrier italien et international et s’engage pour les causes féministes. En 1897, elle peut enfin exercer le métier de médecin des pauvres : depuis 1883, elle avait commencé des études de médecine, d’abord en Suisse, puis en Italie, à Pavie, Turin, Milan et Padoue, pour les achever à Naples, un quart de siècle après sa première inscription universitaire.

Anna Rozenstein (1854-1925) alias Kuliscioff

Anna Rozenstein (1854-1925) alias Kuliscioff

Après des études en Suisse (1871-1873), elle y retourne en qualité d’exilée politique en 1873 et mène dès lors une existence d’activisme politique en Suisse, en France et en Italie où elle est co-fondatrice du parti socialiste italien.

Wikimedia Commons, cliché anonyme.

Les femmes d’exilés politiques

24Les épouses d’exilés politiques sont très peu nombreuses parmi les étudiantes, car la plupart d’entre elles arrivent en Suisse célibataires et quittent le pays avant leur mariage. Globalement, la proportion d’étudiantes mariées ne dépasse pas 10% du corpus et parmi celles-ci, plus de la moitié se sont mariées pendant leurs études en Suisse. En revanche, il n’est pas rare que celles qui accompagnent les époux contraints de quitter l’Empire russe en raison de leur militantisme politique partagent leur engagement et puissent à leur tour être qualifiées d’exilées politiques à part entière.

25Rosalie Bograde (1856-1949) appartient à ce dernier groupe. Elle est l’épouse du théoricien du marxisme révolutionnaire russe Georges Plekhanov, mentionné plus haut. Arrivée à Genève avec son mari en 1882, elle s’inscrit aussitôt à la faculté des sciences, puis en médecine et est promue docteur en 1889. Mais son engagement ne date pas de sa rencontre avec Plekhanov : déjà lors de ses études secondaires à Kherson, cette jeune fille originaire d’une famille juive se rapproche des populistes. Entre 1874 et 1877, elle suit les cours médicaux pour femmes de Saint-Pétersbourg et profite de ce séjour dans la capitale pour faire de la propagande révolutionnaire parmi les ouvriers. A la fin des années 1870, cette activité l’amène à rejoindre l’organisation populiste Zemlja i volja (Terre et liberté), dont son futur mari est l’un des fondateurs.

Rosalie Bograde (1856-1949)

Rosalie Bograde (1856-1949)

Exilée politique en Suisse avec son époux Georges Plekhanov, elle mène de pair des études de médecine et une activité politique (Comité pour la mémoire de G.V. Plekhanov (éd.), Le Groupe Libération du Travail, recueil 4, Gosudarstevennoe Izdatel’sto, Moscou, 1926, p. 82).

26A Genève aussi, ses études de médecine vont de pair avec un activisme politique : en 1883, Rosalie Bograde est proche des fondateurs et peut-être partie prenante du groupe marxiste Libération du travail. Son diplôme obtenu, elle partage son temps entre sa famille (ses filles Lydie et Eugénie naissent peu de temps après l’arrivée du couple en Suisse), sa pratique médicale qui la transforme vite en doctoresse attitrée de la colonie russe à Genève, et la poursuite de son engagement marxiste. En 1896, on retrouve Rosalie Bograde-Plekhanov comme déléguée au Congrès de la IIe Internationale à Londres. Après la révolution de février 1917, le couple retourne en Russie dans l’espoir d’y propager les idées sociales-démocrates. Or, peu de temps après, Georges Plekhanov disparaît et sa veuve prend le chemin du retour en Suisse, où elle rassemble et classe ses archives qui seront à l’origine de la Maison Plekhanov à Leningrad. Au milieu des années 1920, elle accepte de retourner en URSS pour en prendre la direction et se consacrer à l’édition des œuvres de son mari. En 1939, Rosalie Bograde-Plekhanov rejoint sa fille Lydia Le Savoureux, qui vit en France, à Châtenay-Malabry, pays où elle passe les dernières années de sa vie.

  • 18 Sur les activités de ce cercle, voir les mémoires de son fondateur Mihail Sažin, « Russkie v Zjurih (...)

27Le parcours de Sofia Lavrova (1842-1916) représente un autre cas de figure, car c’est pour accompagner son mari en exil, le célèbre théoricien du populisme russe Pierre Lavrov, sorti après quatre années de prison et de résidence surveillée, qu’elle arrive à Zurich en 1870. C’est à Saint-Pétersbourg que cette fille adoptive du gouverneur général de la Sibérie orientale, N. Murav’ev-Amourskij, rencontre et épouse le colonel Pierre Lavrov au début des années 1860, tandis que sa sœur cadette Vera se marie avec le prince Alexandre Kropotkine, le frère cadet de l’anarchiste et révolutionnaire Pierre Kropotkine. Sofia s’essaie d’abord à la médecine, avant de choisir les sciences de la nature à l’Ecole polytechnique fédérale, où elle est inscrite entre 1871 et 1873. Dès son arrivée à Zurich, ses intérêts politiques ne se limitent pas aux convictions populistes de son mari et elle rejoint le cercle bakouniste fondé par l’émigré politique russe Mihail Sažin, alias Armand Ross, en prenant une part active au travail de la bibliothèque et de la typographie clandestine de ce cercle18.

D’étudiante à militante

28Pour la plupart des étudiantes activement engagées, la motivation de gagner la Suisse est avant tout liée à l’acquisition de savoirs et à la recherche d’une formation professionnelle. Elles ne commencent à s’intéresser aux activités politiques qu’au cours de leurs études, au contact de condisciples, de compatriotes ou de figures marquantes des divers mouvements. Certaines poursuivent ces activités après leurs études, d’autres quittent les bancs universitaires pour se consacrer pleinement à la cause choisie tandis que pour la majorité d’entre elles, le militantisme n’est qu’une parenthèse avant d’entrer dans la vie active ou d’assumer les tâches familiales.

  • 19 V. Figner, op. cit., p. 59.

29La révolutionnaire Vera Figner (1852-1942), rendue célèbre par sa tentative d’assassinat du tsar Alexandre II, ne rêve que de médecine lorsqu’elle arrive en Suisse au printemps 1872, accompagnée de son mari, Aleksej Filippov, et de sa sœur cadette Lydia. « Je n’avais qu’une idée, à l’arrivée à Zurich », écrit-elle dans ses mémoires des années plus tard, « me consacrer tout entière à l’étude de la médecine. Je franchis avec respect le seuil de l’université. (…) J’avais dix-neuf ans, mais j’étais prête à renoncer à toutes les distractions, jusqu’aux plus innocentes, pour ne pas perdre une minute d’un temps précieux. Je me mis au travail avec un zèle qui ne devait pas faiblir pendant plus de trois ans »19.

30Inspirée par la pionnière des études médicales Nadežda Suslova, dont elle apprend la promotion à Zurich par un article de revue, Vera décide de devenir, elle aussi, utile à la société. A l’âge de dix-sept ans, elle avait fait le désespoir de ses parents, gens aisés d’origine noble et propriétaires terriens dans la région de Kazan, en annonçant sa décision de poursuivre des études supérieures pour ouvrir un hôpital de campagne. Le seul moyen d’échapper à la pression familiale et de partir à l’étranger fut le mariage, conclu en 1871 avec un jeune juge d’instruction du Tribunal de Kazan qui partageait ses idées progressistes.

  • 20 Ce cercle portait le nom du propriétaire de la pension où se réunissaient les membres. Une étude dé (...)

31Son séjour à Zurich ne dure que trois semestres, interrompu par le fameux oukase. Mais en très peu de temps d’autres intérêts commencent à remplir sa vie. Les sœurs Figner ont en effet rejoint un groupe de réflexion, Fritschi20, qui réunit une douzaine d’étudiantes russes désireuses de s’initier aux doctrines socialistes, à l’économie politique et à l’histoire du mouvement ouvrier dans le but de se préparer à l’action militante dans leur patrie. Peu à peu, Vera s’éloigne non seulement de ses ambitions professionnelles mais aussi de son époux, dont elle divorce durant l’été 1873.

  • 21 V. Figner, op. cit., p. 71.

32A la rentrée 1874, elle est encore déterminée à poursuivre sa formation et se rend seule à Berne, où elle étudie pendant deux ans. Cependant, son engagement politique reprend le dessus. Au printemps 1875, plusieurs de ses camarades, parmi lesquels sa sœur Lydia et la plupart des membres du groupe Fritschi, sont arrêtés pour propagande révolutionnaire auprès des ouvriers. Vera prend alors la douloureuse décision de retourner en Russie pour soutenir le mouvement et les prisonniers, sans avoir pu concourir pour le grade de docteur en médecine tant désiré auparavant. « J’allais finir mes études dans un semestre », raconte-t-elle dans ses Mémoires, « je songeais déjà à ma thèse de doctorat. Les espérances de ma mère, de mes parents, de nos amis qui considéraient le doctorat comme une brillante conquête, l’amour-propre, la vanité, je devais détruire tout cela, de mes propres mains, au moment de toucher au but ! Quand j’eus approfondi le pour et le contre, pensé à mes amis qui s’étaient donnés sans réserve à la cause, de toute leur âme (…), je pris la décision de partir, pour mettre mes actes en accord avec mes paroles »21.

  • 22 Ibid., p. 75.
  • 23 Hormis les souvenirs de ses années d’études cités plus haut, Vera Figner a rédigé des mémoires où e (...)

33Désormais, Vera Figner s’engage corps et âme dans le mouvement populiste : « En novembre 1876, toutes mes affaires personnelles étaient réglées. J’avais fait une croix sur tout mon passé. A partir de ma vingt-quatrième année, ma vie se rattache exclusivement aux destinées du parti révolutionnaire », se souvient-elle22. Contacts avec le monde paysan, travail à la campagne, illégalité, adhésion à l’organisation populiste Terre et liberté... Son parcours ne diffère guère de celui de centaines d’autres jeunes gens désireux de changer profondément la société russe. Jusqu’au jour où, déçue par les échecs de son activité propagandiste, elle choisit la voie du terrorisme et adhère au nouveau groupe Narodnaja Vol’ja (Volonté du peuple). La préparation d’un attentat contre le tsar Alexandre II, celui-là même qui par son oukase avait mis fin à ses études à Zurich, lui coûte la liberté. Trahie par un camarade, Vera Figner est arrêtée en février 1883 et incarcérée à la forteresse Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg. La cour militaire la condamne à mort, puis revoit son jugement en commuant cette peine en détention à perpétuité. Suivront vingt longues années à la forteresse de Schlüsselbourg, prison d’Etat pour les criminels jugés particulièrement dangereux, située à une trentaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg. En 1905, alors que la première révolution russe embrase l’Empire tsariste, une amnistie vient apporter un souffle de liberté à la révolutionnaire insoumise. Fidèle à ses convictions, Vera Figner reprend alors son combat en parcourant l’Europe comme conférencière, en prenant la plume et en s’engageant dans le mouvement féministe russe naissant23. Critique envers les socialistes-révolutionnaires, elle le sera envers les bolcheviks après la révolution d’Octobre et le reste de sa longue vie se déroule en retrait de la sphère publique.

Militantes post-universitaires

  • 24 N. Suškova (née Torgaševa), « Tak mužala molodost’ » [Ainsi mûrissait la jeunesse], Z. Bogomazova, (...)

34Pour certaines étudiantes, le séjour en Suisse n’est pas marqué par une activité politique mais sert de catalyseur à un engagement ultérieur, après la fin des études.  Leur socialisation au sein des colonies étudiantes russes et les expériences vécues dans un pays neutre et défendant les idées libérales et démocratiques face aux monarchies environnantes (liberté d’opinion, de presse et de réunion), ont sans doute déterminé leur choix de s’engager politiquement au retour dans leur patrie. Cependant, cette catégorie est la plus difficile à cerner, car ces jeunes femmes n’étant plus étudiantes quand elles sont devenues militantes, elles ne figurent donc plus dans les sources de renseignements habituelles, se dispersent à travers l’immense Empire des tsars et, de plus, changent parfois de nom. Ainsi, c’est au hasard de la lecture d’un ouvrage consacré aux premières femmes ingénieurs russes, que j’ai découvert le témoignage d’une ancienne étudiante de l’Université de Lausanne, dont le parcours pourrait être qualifié de militantisme post-universitaire24.

35Dès l’enfance, Nina Torgaševa semble prédestinée à un engagement politique. Elle naît en effet à Bargousine, en Sibérie, où son père, Pavel Torgašev, descendant d’une famille noble, a été déporté en 1883, lorsque l’organisation révolutionnaire secrète aux tendances terroristes à laquelle il appartenait, Volonté du peuple, est démantelée par la police. Vivre en Russie avec de tels antécédents familiaux n’est pas facile : la famille perd ses titres de noblesse et sa fortune. La participation du frère aîné de Nina au mouvement étudiant de 1899 lui vaut l’exclusion de l’Université de Moscou et la déportation à Arkhangelsk, ville portuaire sur les rives de la mer Blanche. Le jeune homme s’évade et son chemin d’exil l’amène en Suisse, à Lausanne, où il peut poursuivre ses études universitaires.

  • 25 Ibid., p. 66.

36La vague des désordres universitaires, qui dure jusqu’en 1905, est aussi turbulente pour les divers établissements d’enseignement supérieur féminin, qui vivent au rythme des grèves et des fermetures provisoires. Nina, qui vient de terminer le gymnase, est appelée par son frère à le rejoindre à Lausanne, au lieu de commencer des études en Russie. Nina se rend à Lausanne et s’inscrit à la faculté de médecine en 1904. De sa notice autobiographique, il ressort que son séjour en Suisse n’est marqué par aucune manifestation de militantisme politique ni aucun engagement dans un groupe politisé. Cependant, Nina observe, apprend, essaie de se faire une idée sur divers courants politiques présents dans le milieu estudiantin : « En Suisse, j’ai connu de près le monde de l’émigration politique russe. Ici on pouvait rencontrer aussi bien des révolutionnaires débutants que des acteurs chevronnées des mouvements politiques les plus divers, des anarchistes aux sociaux-démocrates. J’écoutais timidement des discussions agitées, comparais les programmes des différents partis et devenais de plus en plus persuadée de la nécessité de participer au mouvement révolutionnaire en Russie »25.

37Forte de ces nouvelles convictions, Nina Torgaševa ne peut s’empêcher de retourner dans son pays natal quand éclate la première révolution en 1905. Elle se met aussitôt au service du parti social-démocrate, et distribue des publications illégales à Moscou. Cette activité lui vaut quelques mois de prison mais à sa sortie elle reprend sa propagande révolutionnaire. Une camarade d’études de Lausanne, A. Felicyna, la rejoint comme courrière clandestine. La réaction qui frappe le pays après l’échec de la révolution rend son engagement de plus en plus risqué. Marquée par les expériences vécues par son père et son frère, Nina se résout à abandonner le parti social-démocrate, quitte Moscou et s’inscrit aux cours polytechniques pour femmes de Saint-Pétersbourg. Devenue ingénieur en hydraulique, son entrée dans la vie active coïncide avec le début de l’époque soviétique, lorsque les femmes sont encouragées à investir les professions traditionnellement masculines.

Les sympathisantes

38Une dernière catégorie – la plus nombreuse – regroupe les étudiantes qui manifestent peu d’intérêt pour la politique et pour l’engagement de leurs condisciples. Les activités politiques de militantes occasionnelles se résument à quelques participations à des réunions clandestines ou aux manifestations, voire à la signature de pétitions. Seule une lecture attentive des sources policières, des documents de l’époque ou des écrits autobiographiques permettent de mettre au jour ces engagements sporadiques et sans lendemain auxquels prédispose tant la vie des colonies estudiantines est-européennes.

  • 26 S. Panteleeva, « Iz Peterburga v Zjurih » [De Pétersbourg à Zurich], L. Panteleev, Vospominanija [M (...)

39La liste des sympathisantes serait beaucoup trop longue à établir. Citons, au hasard, le nom d’une sujette du tsar d’origine polonaise, Augusta Khemelewskaja, étudiante en sciences et en médecine à Genève dans les années 1887-1893. Son dossier n’est établi par la police genevoise qu’en raison de sa participation à une réunion clandestine aux Houches, en Haute-Savoie, et parce qu’elle a voté « une adresse aux étudiants des universités de Russie ». Ou encore celui de Serafima Panteleeva, femme d’un prisonnier politique, qui étudie la médecine à Zurich, entre 1872 et 1875, en attendant qu’il finisse de purger sa peine en Sibérie. Par crainte de nuire à son mari, elle se garde bien de prendre une part active à la vie de la colonie russe. Serafima se consacre donc entièrement à ses études mais épuisée par de longues journées à l’université, elle s’autorise quelques distractions le soir, comme, par exemple, celles d’assister aux conférences d’histoire et de mathématiques données par le célèbre populiste Pierre Lavrov à la bibliothèque russe26.

Conclusions

40Si les exilées politiques ont donc été relativement peu nombreuses, beaucoup plus fréquents en revanche furent les cas d’étudiantes forcées de s’exiler suite à la politique discriminatoire du gouvernement tsariste face aux minorités allogènes (Arméniens, Géorgiens, etc.) et non-orthodoxes (Juifs), suite aux épisodes de persécutions (pogroms anti-juifs) ou en raison de la politique de russification forcée et de la répression des mouvements de libération nationale, comme ce fut le cas des Polonais. Le libéralisme helvétique, combiné à une réputation de tolérance et d’ouverture aux causes transnationales, ainsi qu’un corps de professeurs acquis aux idées libérales (parmi lesquels d’illustres réfugiés des révolutions de 1848), furent autant de facteurs d’attraction pour ces étudiantes étrangères en quête d’une terre d’accueil qui leur permettrait de s’instruire et de s’émanciper. C’est donc davantage dans la fuite face à l’antisémitisme ou aux discriminations basées sur l’appartenance ethnique et religieuse ou le sexe ainsi que dans la recherche d’une émancipation sociale, économique et politique, qu’il faut chercher les raisons de cet exil universitaire de milliers de jeunes femmes.

41Si ces causes peuvent également être considérées comme « politiques » au sens large du terme, le désir de pouvoir s’engager politiquement en toute liberté ne fut la motivation principale de migration que pour une minorité d’étudiantes provenant de l’Empire des tsars.

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Notes

1 La présence des étudiants originaires de l’Empire russe en Allemagne au début du XXe siècle a fait l’objet de nombreux travaux de Claudie Weill, en particulier Etudiants russes en Allemagne 1900-1914. Quand la Russie frappait aux portes de l’Europe, Paris, L’Harmattan, 1996.

2 Malgré le rôle important joué par les étudiantes russes dans la féminisation des universités belges, seuls quelques rares travaux éclairent leur présence. C’est notamment le cas de Vinciane Godfrind qui a publié, à partir de son mémoire de licence, un article : « Les étudiantes comme migrantes ? L’exemple des Russes à l’Université Libre de Bruxelles de 1905 à 1914 », Revue belge d’histoire contemporaine, 3-4, 2007.

3 L’analyse de la nature et de l’ampleur de ce mouvement migratoire ne faisant pas l’objet de cet article, je renvoie le lecteur intéressé à mes travaux sur la question : « Les étudiantes russes dans les universités suisses à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle : les raisons d’un choix », A.-L. Head-König et L. Mottu-Weber, Les femmes dans la société européenne, 8e Congrès des Historiennes suisses, Genève, Société d’histoire et d’archéologie de Genève, 2000 ; « Enseignement supérieur et mixité : la Suisse, une avant-garde ambiguë », R. Rogers, La mixité dans l’éducation. Enjeux passés et présents, Lyon, ENS Editions, 2004.

4 C’est ainsi qu’à l’époque les autorités universitaires et la population locale désignaient les étudiantes est-européennes.

5 Ce chiffre résulte d’une base de données que j’ai créée pour recenser toutes les étudiantes originaires de l’Empire russe immatriculées dans les sept universités suisses entre leur respective ouverture aux femmes et 1920. Ces données sont exploitées dans ma thèse de doctorat, La quête du savoir. Etudiantes de l’Empire russe dans les universités suisses, 1867-1920, soutenue à l’Université de Genève en 2004.

6 Pour ne citer que les principales monographies sur la question dont les auteurs adhèrent à ce point de vue, signalons A. Hibner Koblitz, Science, Women and Revolution in Russia, Amsterdam, Harwood Academic Publishers, 2000 ou D. Neumann, Studentinnen aus dem Russischen Reich in der Schweiz (1867-1914), Zurich, Verlag Hans Rohr, 1987.

7 Sur cet aspect : N. Tikhonov, « Les étudiantes étrangères dans les universités occidentales, des discriminations à l’exil universitaire (1870-1914) », C. Barrera et P. Ferté, Etudiants de l’exil. Universités, refuges et migrations étudiantes (XVIe-XXe siècles), Toulouse, à paraître.

8 Dejateli revoljucionnogo dviženija v Rossii. Bio-bibliograpfičeskij slovar’ [Les acteurs du mouvement révolutionnaire en Russie. Dictionnaire bio-bibliographique], Moscou, Izdatel’stvo Vsesojuznogo obščestva političeskih katoržan, 1928-1931, 5 vol.

9 Malgré le nombre important de travaux sur la colonie russe de Zurich, étudiée beaucoup plus que les colonies estudiantines des autres villes universitaires suisses en raison de sa forte politisation, l’aperçu le plus complet demeure l’ouvrage de J. M. Meijer, Knowledge and Revolution : the Russian colony in Zurich (1870-1873), Assen, Van Gorcum, 1956.

10 L’Université de Bâle admet ses premières étudiantes en 1890, et celle de Fribourg en 1905. Toutefois, ce droit est réservé aux titulaires des diplômes de fin d’études secondaires délivrés par ces cantons, condition qui met d’emblée un frein à l’arrivée des étrangères. Ce règlement n’est assoupli que dans les années 1910.

11 Le mouvement populiste s’est développé en Russie dans les années 1860-1870. Il préconise le rapprochement avec les masses paysannes par le biais de leur éducation. D’une manière générale, cette « marche au peuple » se solde par un échec et les années 1880 ont vu le dépérissement et la dissolution du populisme, qui a néanmoins resurgi dans le socialisme révolutionnaire.

12 V. Figner, Studenčeskie gody (1872-1876) [Années étudiantes], Moscou, Golos Truda, 1924, p. 62.

13 Vl. Medem, Ma vie [traduction du yiddish par H. Minczeles et A. Wieviorka], Paris, Honoré Champion, 1999, p. 169.

14 Un auteur russe, S. Dionesov, évalue le nombre d’étudiantes fichées par la police secrète tsariste à 69 sur un total de 126 inscrites à l’Université de Zurich avant la promulgation de l’oukase. Toutefois je cite ces chiffres avec précaution, n’ayant pu les vérifier directement ou les corroborer par d’autres sources (S. Dionesov, « Stranicy iz istorii ženskogo vračebnogo obrazovanija v Rossii v XIX veke » [Pages de l’histoire de l’instruction médicale des femmes en Russie au XIXe siècle], Sovetskoe zdravoohranenie, 29, 1970, p. 66.

15 Pour une description plus détaillée de ce vivier cosmopolite : L. Mysyrowicz, « Université et Révolution, les étudiants d’Europe orientale à Genève au temps de Plékhanov et de Lénine », Revue suisse d’Histoire, 25, 1975 ; A. Ter-Minassian, « Elites arméniennes en Suisse. Le Rôle de Genève dans la formation des élites arméniennes au début du XXe siècle », H.-L. Kieser, Die armenische Frage und die Schweiz (1896-1923), Zurich, Chronos, 1999 ; A. Vekov, « Ruskata revoljucionna emigracija v Švejcarija i bălgarskite studenti socialdemokrati (1885-1912 g.) » [L’émigration révolutionnaire russe en Suisse et les étudiants sociaux-démocrates bulgares (1885-1912], Istoričeski pregled (Sofija), 19/1, 1963.

16 Vl. Medem, op. cit., p. 167-168.

17 Anna Kuliscioff fait partie de ces anciennes étudiantes qui occupent une place de choix dans l’historiographie grâce à leurs activités militantes, citons notamment M. Addis Saba, Anna Kuliscioff. Vita privata e passione politica, Milano, Arnoldo Mondadori, 1993 ; Cl. Lavigna, Anna Kuliscioff. From Russian populism to Italian socialism, New York, Garland Publishing, 1991; P. Pillitteri, Anna Kuliscioff. Una biografia politica, Venezia, Marsilio, 1986 ainsi que le très stimulant article de Claudie Weill replaçant cette figure aux côtés d’autres femmes qui ont profondément marqué les mouvements de gauche : « Les femmes étrangères dans le socialisme international. Destins croisés de Flora Tristan, Anna Kuliscioff et Rosa Luxemburg », M.‑Cl. Hoock-Demarle, Femmes, nations, Europe. Paris, Publications de l’université Paris 7-Denis Diderot, 1995.

18 Sur les activités de ce cercle, voir les mémoires de son fondateur Mihail Sažin, « Russkie v Zjurihe » [Les Russes à Zurich], Katorga i ssylka, 10, 1932.

19 V. Figner, op. cit., p. 59.

20 Ce cercle portait le nom du propriétaire de la pension où se réunissaient les membres. Une étude détaillée de ses activités dans A. Knight, « The Fritschi : a Study of Female Radicals in the Russian Populist Movement », Canadian-American Slavic Studies, IX/1, 1975.

21 V. Figner, op. cit., p. 71.

22 Ibid., p. 75.

23 Hormis les souvenirs de ses années d’études cités plus haut, Vera Figner a rédigé des mémoires où elle traite de son engagement et de ses convictions politiques (V. Figner, Zapečatlennyj trud [Œuvre scellée], Moscou, Izdatel’stvo Vsesojuznogo obščestva politkatoržan i ssyl’no-poselencev, 1932, 2 vol. Mysl’, 1964). Certains de ses écrits sont traduits en français dans le recueil présenté par Ch. Fauré, Quatre femmes terroristes contre le Tsar : Vera Zassoulitch, Olga Loubatovitch, Elisabeth Kovalskaïa, Vera Figner, Paris, Maspero, 1978.

24 N. Suškova (née Torgaševa), « Tak mužala molodost’ » [Ainsi mûrissait la jeunesse], Z. Bogomazova, Pervye ženščiny inženery [Premières femmes ingénieurs], Leningrad, Lenizdat, 1967, p. 64-71.

25 Ibid., p. 66.

26 S. Panteleeva, « Iz Peterburga v Zjurih » [De Pétersbourg à Zurich], L. Panteleev, Vospominanija [Mémoires], Moscou, Izdatel’stvo Hudožestvennoj literatury, 1958, p. 689.

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Table des illustrations

Titre Tatiana Leontieff abattant un touriste français au lieu de l’ex-ministre russe Durnovo (Nebelspalter. Die humoristisch-satirische Schweizer Zeitschrift, 6, 1907).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/3787/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Titre Vera Figner (1852-1942)
Légende Eveillée à la politique au cours de ses études de médecine en Suisse, elle rentre en Russie pour participer à un attentat des populistes contre le tsar Alexandre II, ce qui lui vaut vingt années d’emprisonnement (portrait anonyme).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/3787/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 16k
Titre Anna Rozenstein (1854-1925) alias Kuliscioff
Légende Après des études en Suisse (1871-1873), elle y retourne en qualité d’exilée politique en 1873 et mène dès lors une existence d’activisme politique en Suisse, en France et en Italie où elle est co-fondatrice du parti socialiste italien.
Crédits Wikimedia Commons, cliché anonyme.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/3787/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 9,6k
Titre Rosalie Bograde (1856-1949)
Légende Exilée politique en Suisse avec son époux Georges Plekhanov, elle mène de pair des études de médecine et une activité politique (Comité pour la mémoire de G.V. Plekhanov (éd.), Le Groupe Libération du Travail, recueil 4, Gosudarstevennoe Izdatel’sto, Moscou, 1926, p. 82).
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Pour citer cet article

Référence papier

Natalia Tikhonov, « Les étudiantes de l’Empire des tsars en Europe occidentale : des exilées « politiques » ? »Sextant, 26 | 2009, 27-43.

Référence électronique

Natalia Tikhonov, « Les étudiantes de l’Empire des tsars en Europe occidentale : des exilées « politiques » ? »Sextant [En ligne], 26 | 2009, mis en ligne le 23 février 2009, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/3787 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.3787

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Auteur

Natalia Tikhonov

Natalia Tikhonov mène des recherches post-doctorales à l’Institut des hautes études européennes de l’Université Robert Schuman à Strasbourg. natalia.tikhonov[at]histec.unige.ch

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Droits d’auteur

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