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Équivoques

Anticléricalisme et genre au XIXe siècle. Le prêtre catholique, principal défi à l’image hégémonique de l’homme

Anticlericalism and Gender in the 19th Century: The Catholic Priest as Main Challenge to the Hegemonic Image of Man
Jan Art et Thomas Buerman
p. 323-337

Résumés

Le rôle que la dimension sexuée a joué dans la polémique entre cléricaux et anticléricaux au XIXe siècle a été maintes fois évoqué. Le fait que le prestige, la confiance et l’autorité dont jouit le prêtre, comme confesseur de leurs épouses, soit insupportable pour les maris a été particulièrement mis en exergue. Nous montrerons dans cet article que le phénomène anticlérical apparaît non seulement à l’international mais également dans les pays catholiques francophones où le discours protestant est moins présent et où la polémique anticléricale est surtout menée par les milieux libéraux et libres penseurs. La diffusion et la violence du reproche d’efféminement permettent de considérer le prêtre catholique comme le défi le plus puissant lancé à l’image hégémonique de l’homme du XIXe siècle. Notons que ce jugement émane presque exclusivement d’hommes à l’adresse des catholiques en général, et des prêtres catholiques romains en particulier. Toutefois, nous évoquerons d’abord le concept de la masculinité hégémonique dans l’historiographie, de manière à en souligner quelques aspects dont la pertinence devrait éclairer la suite de cet exposé.

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Notes de l’auteur

Ce texte s’inscrit dans le projet FWO « A la recherche du bon catholique H/F. Féminisation et masculinité dans le catholicisme en Belgique depuis le début des Temps modernes (env. 1750-1950) ». Voir aussi Art, J. et Buerman, Th., « Is de katholieke man wel een echte vent? Suggesties voor onderzoek naar mannelijkheid, katholicisme en antiklerikalisme », Historica, juin 2007, 2, p. 27-29; Van Osselaer, T. et Buerman, Th., « Feminization Thesis: a Survey of International Historiography and a Probing of Belgian Grounds », Revue d’histoire ecclésiastique, 2008, 2, p. 497-544.

Texte intégral

Introduction

  • 1 Art, J. et Buerman Th., op. cit., p. 27-29 ; Boutry, P., Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars(...)
  • 2 Launay, M., Le bon prêtre : le clergé rural au XIXe siècle, Paris, Aubier, 1986, p. 161 ; Kollar, R (...)
  • 3 Boutry, P., op. cit., p. 433-447 ; Cubitt, G., The Jesuit Myth : Conspiracy Theory and Politics in (...)

1Le rôle que la dimension sexuée a joué dans la polémique entre cléricaux et anticléricaux au XIXe siècle – et probablement aussi au cours des siècles antérieurs – a été maintes fois évoqué1. Le fait que le prestige, la confiance et l’autorité dont jouit le prêtre, comme confesseur de leurs épouses, soit insupportable pour les maris a été particulièrement mis en exergue2. Jules Michelet en livre le texte « primitif » en 1844, dans Du prêtre, de la femme, de la famille3.

  • 4 Baudelaire, Ch., Crepet, J. et Pichois, Cl., Pauvre Belgique, Paris, Conrad, 1951, p. 93-94, 106-11 (...)
  • 5 Healy, R., « Anti-Jesuitism in Imperial Germany : The Jesuit as Androgyne », Smith, H. W., Protesta (...)
  • 6 Vance, N., The Sinews of the Spirit. The Ideal of Christian Manliness in Victorian Literature and R (...)
  • 7 Sous la dénomination de « clergé catholique romain », on comprendra ici – à la suite des écrits ant (...)
  • 8 Tractarianisme : nom donné à une dissidence de l’Eglise d’Angleterre (1833) qui tenta de la rapproc (...)
  • 9 Wheeler, M., op. cit., p. 68.
  • 10 Gross, M. B., The War against Catholicism : Liberalism and the Anti-Catholic Imagination in Ninetee (...)

2Des études récentes sur l’anticatholicisme protestant attirent l’attention sur une autre motivation possible, à l’origine de l’aversion parfois viscérale du « prêtrophobe »4, de l’anticlérical, à l’égard du clergé catholique romain5. Ce clergé transgresserait ou estomperait les limites du comportement « masculin naturel » et mettrait ainsi en danger l’identité de tous les hommes6. De ce point de vue, l’anticléricalisme peut aussi apparaître comme une protection, un rejet de celui qui par des expressions corporelles déterminées et d’autres moyens discursifs représenterait, aux yeux de certains hommes, une menace pour leur identité sexuée. Le prédicateur de l’Eglise d’Angleterre, Charles Kingsley (1819-1875), en est l’un des exemples les plus étudiés. Norman Vance a déjà avancé des preuves probantes du fait que, selon Kingsley, la continence systématique des catholiques romains conduirait à l’effémination7. Toutefois – ce qui est plus important – Kingsley relie à sa propre sexualité la vie conventuelle catholique romaine et le célibat, qu’il dénonce notamment dans ses romans historiques comme Hypathia (1853) et Westward Ho ! (1854). La violence avec laquelle Kingsley combat les tractariens8 autant que les catholiques est rapportée à ses angoisses concernant sa propre sexualité9. D’après Michael B. Gross, les protestants allemands perçoivent eux aussi le catholicisme comme une menace pour leur identité masculine. La personnification féminine de l’Eglise catholique comme la participation d’hommes catholiques à la pratique en public de leur foi contreviennent à la séparation des sphères privée et publique. En effet, la sphère privée couvrant la famille, en ce compris la vie sociale et la sexualité, doit être le fief de la femme, tandis que la sphère publique est réservée à l’homme10.

  • 11 Healy, R., op. cit. ; O’Malley, P.R., op. cit. ; Verhoeven, T., op. cit.

3Ces exemples soulignent l’un des aspects intéressants du phénomène, à savoir son caractère international, énoncé tant dans le discours protestant allemand et anglais qu’américain11. Nous montrerons dans cet article que le phénomène apparaît également dans les pays catholiques francophones où le discours protestant est moins présent et où la polémique anticléricale est surtout menée par les milieux libéraux et libres penseurs. La diffusion et la violence du reproche d’efféminement permettent de considérer le prêtre catholique comme le défi le plus puissant lancé à l’image hégémonique de l’homme du XIXe siècle. Notons que ce jugement émane presque exclusivement d’hommes à l’adresse des catholiques en général, et des prêtres catholiques romains en particulier. Toutefois, nous évoquerons d’abord le concept de la masculinité hégémonique dans l’historiographie, de manière à en souligner quelques aspects dont la pertinence devrait éclairer la suite de cet exposé.

La masculinité hégémonique

  • 12 Mosse, G. L., L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Paris, Ed. Abbeville, 1997 (v (...)
  • 13 Mosse, G. L., op. cit., p. 12-13.

4Notre étude se fonde, en grande partie, sur l’ouvrage de George L. Mosse, L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne12. La thèse centrale de l’auteur est celle de l’existence d’un stéréotype masculin moderne qui englobe la beauté du corps grec, combinée à une panoplie de vertus dont l’honneur et le courage. Non seulement cet idéal s’affirme en termes positifs, mais il se définit aussi par opposition à son contraire ou à des déformations de la masculinité. Selon Mosse, le stéréotype masculin « fut renforcé par l’existence de modèles négatifs [masculins, et non féminins pourrions-nous ajouter] qui, non seulement ne pouvaient atteindre la masculinité idéale, mais en étaient le repoussoir, dans leur âme et dans leur corps »13.

  • 14 Bevernage, B., « Hegemonie in de mannenstudies. De ontwikkeling van een neo-Gramsciaans feministisc (...)

5Robert Connell qualifie cet idéal, par contraste avec d’autres modèles, d’hegemonic masculinity. D’après lui, cette « masculinité hégémonique » constitue le stéréotype idéal de l’homme et est liée à une multiplicité de virilités. Connell réfute l’idée d’une masculinité unique face à un monolithe féminin. L’inexistence d’une virilité universelle est décisive pour lui. Même à l’intérieur d’une culture ou d’une sous-culture, il existe des masculinités plurielles. Mais ces différentes formes de masculinités ont des rapports inégaux entre elles et présentent des différences d’impact évidentes14. Nous partageons pleinement cette insistance sur l’existence de plusieurs formes de masculinités et sur les rapports réciproques qu’elles entretiennent.

  • 15 Monteiro, M., « Mannen Gods : historische perspectieven op clericale identiteit en clericale cultuu (...)

6La « masculinité hégémonique » se caractérise principalement par une activité hétérosexuelle. Examinons donc, en premier lieu, la provocation à l’égard de cette norme masculine que constitue la vision catholique romaine de la sexualité. Les caractéristiques physiques des ecclésiastiques seront ensuite analysées, étant donné que le corps serait le plus apte à exprimer l’homme, tel un tableau vivant de la virilité. Enfin, nous expliquerons comment l’anti-modernisme de l’ordre religieux a contribué à la rupture avec la masculinité hégémonique, explicitement associée au progrès. Dans ce domaine, le rejet de l’idéal clérical s’avère le plus évident car, comme l’a récemment observé Marit Monteiro, les libéraux assimilent le catholicisme à une croyance populaire, en porte-à-faux avec les idées des Lumières intégrées dans le libéralisme. Cette religion risque donc de freiner le progrès social. En tant que dignitaire et incarnation de cette dévotion populaire, le prêtre constitue, dès lors, la cible toute trouvée15.

Célibat et sexualité

  • 16 P[ohier], J. M., « Célibat religieux », Encyclopaedia Universalis, 4, Paris, 1968, p. 12-15.
  • 17 Des Pilliers, P., Le célibat ecclésiastique. Trois conférences données à Bruxelles les 12, 14 et 16 (...)
  • 18 Des Pilliers ajoute que l’évêque dispose ainsi d’une arme redoutable pour garder les prêtres sous s (...)
  • 19 Boutry, P., op. cit., p. 217-236 ; Hilliard, D., « UnEnglish and Unmanly : Anglo-catholicism and Ho (...)
  • 20 Bartier, J., « Les hommes d’église et l’anticléricalisme au XIXe siècle », Cambier, G., Christianis (...)

7Le renoncement à tout acte sexuel comme chemin vers la perfection chrétienne et, plus tard, comme condition sine qua non de l’exercice de la prêtrise, a toujours fait l’objet de débats16. Ceux qui y étaient favorables soulignent, outre les avantages politiques et organisationnels de l’obligation de célibat, que selon la tradition, le Christ lui-même n’était pas marié et que le prêtre, en tant qu’alter Christus, doit l’imiter. Paul est également cité : il prône l’état virginal comme le plus approprié, car il permet d’anticiper l’état spirituel parfait, promis dans l’au-delà au bon chrétien. Symbole ramassé du rejet du « monde », le prêtre, coupé de celui-ci, confirme par là son caractère sacré. L’homme catholique idéal imite le Christ et vit, par conséquent, dans l’abstinence absolue. Ce raisonnement fut résolument contesté par la Réforme. Pour Luther et, après lui, pour tous les anticléricaux, le célibat est considéré comme une source de perversion et même comme le refus du plan divin pour l’humanité. Le célibat catholique, imposé aux religieux et aux prêtres, constitue dès lors l’un des défis les plus puissants lancés à l’image dominante de l’homme du XIXe siècle. Ce statut subira les tirs nourris et récurrents des anticléricaux. Beaucoup dénoncent en premier lieu l’hypocrisie du clergé, car, selon eux, vivre dans l’abstinence serait pratiquement impossible : « L’imposition des mains de l’évêque sur la tête du prêtre, au jour de son ordination, ne saurait enlever à ce dernier sa virilité »17. Ils en déduisent donc que la plupart des (jeunes) prêtres entretiennent une relation secrète et que les évêques le savent mais ferment les yeux aussi longtemps que cette situation n’entraîne pas de scandale public18. De plus, au cas où le célibat est respecté, il s’agit d’une manière de vivre contre nature qui, aux yeux de l’anticlérical du XIXe siècle, peut provoquer des déviances telles que l’homosexualité ou la pédophilie19. Le prêtre transgresse donc par deux fois la norme hégémonique, soit par un comportement homosexuel et/ou pédophile, soit en s’affichant comme abstinent sans l’être. Ajoutons que l’homosexualité des religieux est plus fortement désapprouvée que les relations lesbiennes entre religieuses20. Ceci illustre le poids accordé aux provocations faites à la virilité.

  • 21 Eenens, F., Le célibat des prêtres, Bruxelles, Royer, 1857, p. 9-10 (c’est nous qui mettons en ital (...)
  • 22 Des Pilliers, P., op. cit., p. 9.
  • 23 Boutry, P., op. cit., p. 445, 447 ; Cabanis, J., Michelet, le prêtre et la femme, Paris, Gallimard, (...)
  • 24 Bartier, J., « Anticléricalisme, laïcité et rationalisme en Belgique au XIXe siècle. Orientation bi (...)
  • 25 Horne, J., « Masculinity in Politics and War in the Age of Nation-states and World Wars, 1850-1950  (...)
  • 26 Morelli, A., « Propagande antireligieuse et anticléricalisme dans la presse libérale du XIXe siècle (...)

8L’anticlérical considère donc le prêtre comme un homme incomplet : « Il est temps que cette sacrilège opposition de l’Eglise catholique aux desseins de la Providence ait un terme, et que le prêtre ne soit plus mis hors la loi naturelle, ni frustré du bonheur accordé à ses semblables ; et, quoi qu’on en puisse dire, c’est pour lui un devoir sacré de revendiquer ses droits d’être complet, pour servir Dieu sans cesser d’être homme »21. Et « Qui donc peut demander qu’un homme, uniquement parce qu’il est prêtre ou religieux, ne soit plus homme en réalité, mais un automate, et qu’un être essentiellement producteur annihile ainsi jusqu’à son plus noble pouvoir, celui de la reproduction ? »22. Il s’agit au fond de multiples variations sur l’ouvrage de Michelet Du prêtre, de la femme, de la famille, à propos duquel Boutry observe à juste titre : « Plus que de la confession, plus même que de la famille et la femme, il en va de l’homme. Jean Faury ne craint pas de parler à ce sujet du machismo des anticléricaux tarnais : le prêtre est à leurs yeux à peine digne du nom d’homme, qui « s’habille en femme » ; de même les fidèles mâles, « réunis à l’église, sous l’œil vigilant de leurs femmes auxquelles ils n’ont pas su résister ». (...) La position anticléricale se réclame d’une morale naturelle, qui est aussi une morale de « forts » : bref, une morale d’hommes, responsables, autonomes, propres à se diriger eux-mêmes et à diriger épouses et enfants, voire domestiques, sur leurs traces »23. L’importance attachée par les anticléricaux belges à l’autorité du père de famille est reflétée par l’indignation qu’ils manifestent à l’encontre des membres de cercles libéraux qui envoient leurs enfants dans une école catholique ou à l’université de Louvain. Ceux-ci n’ont aucune chance d’être élus ou réélus par leur base24. En Belgique règne en outre la conviction que les femmes sont l’antithèse du citoyen, car elles sont non seulement irrationnelles mais surtout soumises à l’autorité adverse et paternaliste de l’Eglise catholique. L’homme qui abandonne les décisions familiales à son épouse permet donc à la religion de s’installer sur son propre terrain, il agit par conséquent comme un efféminé manquant de virilité25. Remarquons, toutefois, que les libéraux voient moins d’inconvénients à inscrire leurs filles dans des écoles catholiques26, ce qui prouve une fois de plus que la crainte porte surtout sur les atteintes faites, de l’intérieur, à l’hégémonie masculine.

  • 27 Launay, M., op. cit., p. 162-164.
  • 28 Boutry, P., op. cit., p. 578-582.
  • 29 Eenens, F., Les bals et les prêtres, Bruxelles, Royer, 1857, p. 5-6 (c’est nous qui mettons en ital (...)

9De l’idéalisation de la virginité naît la conviction cléricale que toute sexualité avant le mariage doit être interdite, sous peine de commettre le péché. Ainsi, danser et fréquenter une auberge sont des actes répréhensibles pour autant qu’ils se passent de nuit et mènent à l’abus d’alcool27. L’interdiction de danser, scrupuleusement observée dans les campagnes flamandes, est en revanche ignorée dans les villes et dans certaines contrées francophones, suscitant la répugnance surtout chez les jeunes gens non mariés28. C’est également le cas dans les milieux bourgeois : « S’il était permis aux prêtres de danser, et s’ils étaient hommes en tous points (...) ils s’en formeraient une plus juste idée (...) Tout cela ne prouve-t-il pas que le prêtre, forcé par la règle de son culte, de refouler et de comprimer les sentiments naturels les plus impérieux ; condamné par état, à ne s’occuper que de la nature déchue, du péché et du mal, en voit partout, et est incapable de croire à un plaisir innocent ? »29. La condamnation par l’Eglise de ce qui est perçu par de larges couches de la population comme un comportement « naturel » et « innocent » mène à la conviction qu’un « vrai » homme est anticlérical, au moins jusqu’à un certain point.

  • 30 Boutry, P., op. cit., p. 584-585 ; McLeod, H., op. cit., p. 127.

10Cette position s’exprime soit en restant chez soi pendant l’office dominical, soit en se tenant dans le porche de l’église ou en quittant l’office au moment du sermon et en refusant la confession. Hugh McLeod décrit ces stratégies comme des marques passives de distance par rapport à l’Eglise. Il relève également des réactions actives, telles des moqueries à l’égard de l’épouse, devenant aussi objet de violence, ce qui cadre avec la norme hégémonique. Boutry évoque les mêmes idées : « L’anticléricalisme (...) est une morale de forts, de libres penseurs, « d’hommes et de vrais ». La religion est affaire de femmes. Cette tonalité volontiers « machiste » est sensible dans les outrages d’inspiration sexuelle destinés aux clercs »30.

  • 31 Lalouette, J., La République anticléricale, XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 2002, p. 301-412 ; Lalo (...)
  • 32 Comité de défense du clergé contre la Mauvaise Presse. Rapports, conservés au Kadoc (Documentatie- (...)

11Durant l’âge d’or de l’anticléricalisme français, des pamphlets scabreux et des chansons du même acabit clouent au pilori – outre la cupidité et le complot capitaliste – l’immoralité sexuelle du clergé31. Les rapports annuels publiés dès 1904 par le Comité de défense du clergé contre la Mauvaise Presse montrent que cette dernière se livre à des attaques en règle. Dans ces rapports en effet, un groupe de journalistes catholiques réagit contre les articles et communiqués anticléricaux, provenant du monde entier, et rangés dans des rubriques aux titres éloquents : « Satyres de sacristie », « Acta Sanctorum (la vie des Saints) ou mieux encore, acta porcorum » ou « Monstres en soutane ». Ils mentionnent, principalement, des abus sexuels sur des enfants et des rapports homosexuels entre religieux. Mais ils abordent aussi, de manière récurrente, des thèmes tels l’enfermement et la torture de personnes et la découverte de cadavres d’enfants dans les couvents32.

Politesse et convenances : l’hexis de l’ecclésiastique

  • 33 Cte De Born, Monacologie, Paris, Paulin, 1844 ; cité aussi dans Bartier, J., op. cit., p. 111-112 ; (...)
  • 34 Cte De Born, op. cit, p. 19-21.
  • 35 Ibid., p. 29.
  • 36 Ibid., p.11-12.

12La lecture que l’anticlérical fait du célibat et de sa valeur donne d’emblée une autre coloration à la perception de l’attitude du clergé : le choix non viril (ou plutôt l’obligation) de la chasteté ne peut que se refléter dans tous les comportements de l’ecclésiastique. Cette vision apparaît dans l’ouvrage intitulé Monacologie de 1782, attribué à un certain comte de Born et réédité à Paris en 184433. L’auteur y présente un nouveau type de morphologie humaine : « Je comparai à l’homme différentes espèces anthropomorphes ; et voici que soudain je découvris un genre nouveau qui, établissant la transition entre l’homme, la plus parfaite des créatures, et le singe, le plus ridicule des animaux, (...). C’est le Moine, qui, par sa forme, se rapproche de l’homme, dont, quant au reste, il diffère complètement »34. La description de ce « nouveau genre » illustre l’imaginaire suscité par le physique de l’ecclésiastique : « Corps vertical, bipède ; dos courbé ; tête penchée ; toujours encapuchonné, complètement couvert de vêtements, (...). Du reste, animal avare, puant, immonde, altéré, paresseux, supportant la faim plutôt que le travail »35. L’introduction de 1844 justifie la réédition de l’ouvrage par une comparaison entre religieux et insectes : « Enfin peut-être pourrait-on, (...), s’opposer aux ravages que l’insecte parfait cause dans tous les pays où il se multiplie outre mesure »36.

  • 37 Il s’agit des prescriptions prises par le Concile de Trente, réuni à partir de 1545 par le pape Pau (...)
  • 38 Branchereau, L., Politesse et convenances ecclésiastiques, Paris, Vic et Amat, 1921 (1re éd. : 1872 (...)
  • 39 Reaume, A., op. cit., p. 54. On trouve toutefois déjà au milieu du XVIIIe siècle dans un poème sati (...)
  • 40 Goichot, E. et Heyer, R., Les Examens particuliers de M. Tronson : essai sur la formation du prêtre (...)
  • 41 Reaume, A., op. cit., p. 5.
  • 42 Loc. cit.
  • 43 Goichot, E. et Heyer, R., op. cit., p. 106. Pour la fin de siècle et l’entre-deux-guerres, on lira (...)
  • 44 Reaume, A., op. cit., p. 63.
  • 45 Branchereau, L., op. cit., p. 89.

13Disposant dorénavant d’un code de conduite spécifique, le clergé marque sa différence. Au XIXe siècle, ces préceptes comportementaux sont exposés dans des manuels, tandis que les évêques parviennent à faire observer les prescriptions tridentines37 grâce à l’institution de (petits) séminaires fermés et suite au renforcement de leur autorité sur le clergé paroissial. Le Répertoire du prêtre, le Guide du jeune prêtre ou l’ouvrage de Branchereau, Politesse et convenances ecclésiastiques (fort de 567 pages et maintes fois réédité) décrivent, jusque dans les moindres détails, la manière dont « le bon ecclésiastique » doit se comporter : à domicile, en visite, lors d’un dîner, dans le train ou encore chez le médecin38. Dans son Guide du jeune prêtre (1845), Réaume estime que de telles descriptions étaient jadis superflues, « parce que les riches prébendes attiraient dans le clergé des personnes de haut rang, de familles aisées et par conséquent de bonne éducation »39. Mais aujourd’hui, poursuit l’auteur, l’Eglise recrute surtout dans des milieux plus modestes, « dans les maisons peu fortunées », où les bonnes manières ne sont plus inculquées. Ces manuels du XIXe siècle se fondent, en général, sur des guides de vie dévote du XVIIe siècle, dont les Examens particuliers (1690) du sulpicien Louis Tronson (1622-1700) est alors le plus en vogue40. Ces derniers traitaient surtout de la vie intérieure du prêtre et ne donnaient que peu d’indications sur son comportement dans « le monde » : « Cette partie, qui concerne les bienséances ecclésiastiques (...) a été traitée d’une manière assez superficielle (...) j’oserais même dire qu’on est tombé généralement dans une exagération de principes qui a été plus funeste qu’utile »41. Réaume signifie par là que la conduite recommandée par Tronson valait peut-être pour la société du XVIIe siècle, mais qu’elle n’est plus adaptée à la situation du prêtre séculier au XIXe siècle. Tronson insistait fortement sur « la fuite devant le monde ». A son époque, la foi catholique allait de soi ; elle était soutenue par les autorités et il y avait abondance de prêtres. Mais depuis le Concordat, ces « vertus passives » ne suffisent plus : le prêtre « doit parler et agir ; c’est le soldat de l’Eglise, qui doit pour elle affronter les périls ; c’est le sel de la terre, qui doit se mêler au monde pour l’assaisonner de la foi et de la charité de Jésus Christ »42. En dépit de ce début aux accents modernes, le Guide de Réaume, comme celui de Branchereau que Réaume retranscrit parfois littéralement, ne modifie pas fondamentalement l’image idéale présentée par Tronson. Les vertus sacerdotales principales restent inchangées ; on énonce uniquement la manière dont celles-ci doivent être mises en œuvre dans la vie de tous les jours au XIXe siècle. Ces vertus sont, et resteront jusque loin dans le XXe siècle selon Goichot43, encore et toujours « la piété, la modestie, l’affabilité, la douceur [qui] sont les qualités les plus recherchées dans un ministre de Dieu (...) Le maintien d’un ecclésiastique doit être avant tout modeste, grave et religieux (...) les yeux modestement baissés, ne regarder que devant soi »44. Ou encore : « Il faut que par la gravité douce de ses manières (...) il paraisse un homme, (...) la douceur et l’humilité qui conviennent à son état, doivent reluire en sa personne. Qu’il s’applique donc à être en tout modéré, doux, sage, prudent, réservé, et, s’il fallait incliner vers quelque excès, que ce soit plutôt vers la timidité que vers l’outrecuidance et le ton arrogant »45.

  • 46 Dibie, P., La tribu sacrée : ethnologie des prêtres, Paris, Grasset, 1993.
  • 47 Branchereau, L., op. cit., p. 87.
  • 48 Gunn, S., History and Cultural Theory, Harlow, Pearson Longman, 2006, p. 148.

14De fait, les décisions du Concile de Trente sont répétées, à la seule différence près qu’au XIXe siècle, on explique comment la modestie doit être concrètement mise en œuvre dans le comportement. Car, contrairement à ce que préconisait Tronson, le nouveau prêtre est obligé d’affronter « le monde ». Ces manuels constituent dès lors une mine pour quiconque souhaiterait se risquer à établir une « ethnologie de la tribu des prêtres »46. Là où Réaume parvenait à tout dire en 226 pages, trente ans plus tard, Branchereau en couvre le double. Très conscient de l’importance de l’apparence extérieure, du « paraître » du prêtre, il affirme : « Les poses que nous prenons ont la propriété d’exprimer les dispositions intimes de l’âme, de les rendre en quelque sorte sensibles, et de devenir ainsi un véritable langage, souvent plus intelligible que le langage parlé »47. Cette source de premier choix permet donc d’examiner quel contenu spécifique le prêtre donne à son identité masculine. En effet, l’identité du genre – loin d’être seulement une catégorie de l’entendement ou du discours48 – s’incarne et prend corps à travers les activités, les gestes et les comportements de la chair.

  • 49 Reaume, A., op. cit., p. 131 (c’est nous qui mettons en italique). Voir aussi Corbin, A., cité dans (...)
  • 50 Branchereau, L., op. cit., p. 96-97.
  • 51 Ibid., p. 41-42 ; Oldstone-Moore, C., « The Beard Movement in Victorian Britain », Victorian Studie (...)
  • 52 Branchereau, L., op. cit., p. 44.

15Ce n’est pas le lieu ici de détailler l’ensemble de ces directives, Branchereau allant même jusqu’à expliquer comment consommer un œuf à la coque. La question est de savoir si les comportements spécifiques du clergé peuvent être interprétés comme non masculins, et donc efféminés. Manifestement, les auteurs de ces manuels sont conscients du danger. Réaume prévient ainsi les jeunes prêtres des risques que peut engendrer la fréquentation des femmes : « Le caractère sacerdotal donne au prêtre une pudeur et une réserve, dans le maintien et le langage, qui font d’ordinaire l’ornement des femmes chrétiennes, et dont elles s’autorisent pour apporter moins de précautions, moins de sévère retenue qu’avec les gens du monde »49. Branchereau, pour sa part, considère qu’il est utile de mettre les prêtres en garde à propos de leur démarche : « Eviter de marcher lourdement, comme aussi de marcher avec une élégance affectée. Saint Jérôme parlant des ecclésiastiques qui tombent dans ce dernier travers, dit que, par leur démarche, ils ressemblent plutôt à des fiancés qu’à des clercs : Hos magis sponsos dixeris quam clericos »50. Le prêtre se voit interdire le port de la barbe ou de la moustache, caractères sexuels secondaires de l’homme forts à la mode dès le milieu du XIXe siècle51. Il lui est en outre interdit de fumer – car d’après Branchereau « l’habitude de fumer (...) énerve la volonté, l’amollit et lui ôte cette force virile, ce dégagement des sens sans lesquels on ne peut guère s’élever à une éminente sainteté »52 –, à moins que ce soit pour des questions de santé ! Mais priser reste permis.

  • 53 Dibie, P., op. cit., p. 141.
  • 54 Godin, A., Psychologie de la vocation. Un bilan, Paris, Editions du Cerf, 1975  ; Launay, M., op. c (...)
  • 55 Dibie, P., op. cit., p. 141.

16Parmi les autres caractéristiques supposées féminines du prêtre, Dibie signale « le lien très fort qui unissait le prêtre encore enfant à sa mère, son évidente passion pour les étoffes, son goût entretenu de la lingerie et du drapé (fussent-ils sacrés), mille choses qui peuvent faire de la femme une concurrente douloureuse et perfide »53. Sociologues, psychologues et historiens soulignent tous que la mère joue un rôle important dans l’éveil de la vocation et dans la vie ultérieure du clerc54. Les évêques du XIXe siècle en sont les premiers conscients : « Il n’est pas une lettre pastorale ou un texte de circonstance sur le manque de prêtres qui ne fassent appel aux parents en privilégiant d’ailleurs le rôle de la mère, ce qui est de bonne logique à une époque où se manifeste une féminisation certaine de la pratique »55.

  • 56 Lankewish, V. A., « Love among the Ruins : the Catacombs, the Closet, and the Victorian « Early Chr (...)
  • 57 Wiseman, N. P., Fabiola ou L’église des catacombes, Paris, Garnier frères, [ca. 1900, l’édition ori (...)

17Dans ce contexte, la citation suivante mérite également l’attention. Elle est extraite du roman historique Fabiola ou L’église des catacombes (1895) du cardinal anglais Nicholas Patrick Wiseman (1802-1865), dont les idées ultramontaines et les tentatives d’introduire les pratiques romaines ont été critiquées dans son propre pays. Fabiola est la réponse de Wiseman au roman lapidaire, anticatholique, cité plus haut, Hypathia (1853) de Charles Kingsley56 : « Il y a des mères pieuses qui vouent leur fils, encore au berceau, aux nobles et saintes fonctions du sacerdoce ; elles prient alors, et demandent que son enfance bénie se passe sur le parvis du temple, et que le jeune et pur lévite monte plus tard comme prêtre à l’autel du Très-Haut. La mère s’efforce d’éveiller de saintes aspirations dans l’âme du fils, et porte toutes ses pensées vers le sanctuaire du Dieu vivant. Si cet enfant est un fils unique, cette offrande à Dieu de tout ce qu’on a de plus cher en monde est regardée comme un acte d’héroïsme maternel »57.

  • 58 Pierrard, P., Histoire des curés de campagne de 1789 à nos jours, Paris, Plon, 1986, p. 298.
  • 59 Le recrutement sacerdotal, 1938, p. 135-146 ; Ibid., 1937, p. 137-153.
  • 60 Suaud, C., op. cit., p. 72.
  • 61 Loc. cit.
  • 62 Ibid., p. 121.
  • 63 Duperray, « La dévotion à Marie et les vocations », Le recrutement sacerdotal, 1937, p. 204-222 ; L(...)
  • 64 Pirotte, J., Images des vivants et des morts. La vision du monde propagée par l’imagerie de dévotio (...)

18Durant l’entre-deux-guerres, l’intérêt porté à la mère est plus explicite encore dans Le recrutement sacerdotal, revue préférée de quiconque se souciait d’un problème de vocation58. « La mère, éveilleuse de vocations » de Mgr Villepet ou « L’influence et le zèle des chrétiennes au service des vocations sacerdotales » de Mgr Richard en sont des illustrations59. Suaud note que l’alliage d’une formation en milieu fermé, au (petit) séminaire, et un attachement prononcé à la mère favorise la féminisation du futur clerc : « La prolongation du temps de la formation, ainsi que l’évitement du travail manuel, des rites d’intégration à la classe d’âge, du mariage etc. – ne pouvaient que renforcer l’attachement des séminaristes à leur mère (...), entraînant immanquablement un processus de féminisation de l’habitus. Promis au travail intellectuel et non pas manuel, à la manipulation des hommes et non pas des choses, le petit séminariste apprenait en particulier à puiser sa force dans ce qui, aux yeux des membres de son groupe [d’âge], apparaissait comme faiblesse parce que relevant de qualités socialement constituées comme féminines, à savoir dans le discours, la piété et la docilité »60. Les responsables des séminaires mesurent le danger de ces circonstances susceptibles de provoquer « une féminisation trop poussée de l’habitus sacerdotal »61 et interdisent toute marque, par exemple dans la tenue vestimentaire, qui pourrait en être un symptôme. La virilité du prêtre doit se manifester par des valeurs « socialement reconnues comme masculines, telles que la dureté ou la volonté »62. Quant à l’attachement à la mère, il doit se transformer en une dévotion à Marie63. Des inscriptions similaires se retrouvent sur les images commémoratives distribuées à l’occasion des ordinations sacerdotales : « Pour le prêtre, voué au célibat, l’ardeur de sa dévotion mariale peut se teinter d’une coloration sentimentale »64.

  • 65 Clémenceau à A. Scheurer-Kestner en 1864, cité dans Lalouette, J. et Agulhon, M., op. cit., p. 223.
  • 66 Lalouette, J., op. cit., p. 319-322, 333 ; Despland, M., « A Case of Christians Shifting their Mora (...)
  • 67 Morelli, A., op. cit., p. 176.

19« Pudeur et réserve », entre autres caractères que les prêtres et les chrétiennes auraient en commun, sont également dans le collimateur des anticléricaux. « Il ne parle pas comme un autre, il ne marche pas comme un autre, il a un œil à lui, l’œil du prêtre, son regard flotte ou fuit ; il a un pas à lui, le pas du prêtre, il semble toujours marcher sur une chausse-trappe et sonder le sol du pied »65. La toga talaris noire – symbole aux yeux de Tronson de la rupture du prêtre avec « le monde » – est qualifiée d’un ton railleur de « jupon » par les anticléricaux, et ceux qui la portent sont taxés « d’enjuponnés ». Entre 1880 et 1910, des voix s’élèvent même pour en interdire le port66. Et en Belgique, le Journal belge débute en 1877 par une rubrique intitulée « Des hommes à soutanes folâtres », qui remporte un franc succès67.

  • 68 Wahu, A., « Le célibat ecclésiastique et monacal », Id., Le pape et la société moderne, suivi du cé (...)
  • 69 Ibid., p. 405.
  • 70 Pitrat, J.-C., Americans Warned of Jesuitism, or the Jesuits Unveiled, Boston, Edward W. Hinks & Co (...)

20Eviter le regard ou le contact est également interprété comme une attitude efféminée. Ainsi, Wahu fulmine contre les Sœurs qui disposent pratiquement du monopole de l’enseignement des jeunes filles et apprennent aux futures épouses comment elles peuvent maintenir, plus tard, leurs enfants et leur époux sur le chemin ultramontain68. Il ajoute : « Si elles parlent, c’est avec une certaine componction ; si elles vous regardent, vous ne voyez jamais leurs yeux, car on leur a enseigné (...) [qu’] il fallait ne jamais regarder la personne à qui l’on parle (...). Les moines et les prêtres sont de même, et jamais vous n’obtiendrez d’un prêtre, d’un moine ou d’une religieuse, ni un de ces regards francs et ouverts, qui indiquent la loyauté de l’âme ; ni une de ces bonnes poignées de main qui traduisent si bien le sentiment de la fraternité humaine »69. Dans un livre américain de 1855, un ancien prêtre français attribue les mêmes caractéristiques aux jésuites. Le regard dirigé vers le bas, le parler bas et modeste permet selon lui de reconnaître les jésuites partout, avec leur rire forcé et l’expression sans sincérité de leur visage, leur attitude affectée et leur langage hypocrite70.

  • 71 Pierrard, P., L’Eglise et les ouvriers…, op. cit., passim ; Id., Histoire des curés..., op. cit., p (...)
  • 72 Lefèvre, P., « Catholiques et anticléricaux montois du milieu du XIXe siècle », Despy-Meyer, A. et (...)
  • 73 Morelli, A., op. cit., p. 178-179.

21L’anticléricalisme populaire reproche, depuis toujours, la cupidité combinée à la paresse : le prêtre ne pouvant pas exécuter de travaux manuels lourds, il ne travaille donc pas aux yeux des ouvriers, « qui sont choqués par les mains blanches des prêtres »71. On peut y associer la déclaration faite par quelques ouvriers de Jemappes, suite au pillage d’une maison des Frères de la Doctrine chrétienne en 1857. Les ouvriers « reprochent aux Frères de vivre à leurs crochets sur la base de retenues opérées sur leurs salaires au profit de la Caisse de prévoyance »72. Ces traces d’anticléricalisme populaire indiquent que le contre-type masculin qui était attaché au clergé ne naissait pas seulement de la critique des rationalistes libéraux. Anne Morelli a montré que si le public cible des journaux anticléricaux pouvait être hétérogène, les attaques, critiques et remarques dénigrantes restaient, elles, largement identiques73. L’idéal hégémonique de l’homme et son contraire se propagent à travers toutes les couches de la société.

  • 74 Duviard, F., Ferdinand Fabre (1827-1898), Cahors, Bergon, 1927 et Airiau, P., op. cit.
  • 75 Cité par Duviard, F., op. cit., p. 38-39, p. 40-41.

22Le roman constitue alors l’un des principaux canaux par lequel se diffuse au sein de la population ce stéréotype du prêtre efféminé. On pense ainsi à Ferdinand Fabre, un romancier qui, en tant qu’ancien séminariste, sait de quoi il parle et met souvent en scène dans ses œuvres des personnages de prêtre74. Dans son roman Les Courbezon daté de 1862, il écrit : « On reproche aux prêtres certaines façons de porter la tête, de regarder, de marcher. Leur attitude humble et résignée provoque l’indignation, voire la colère chez beaucoup de gens. On trouve leur air embarrassé, leurs gestes équivoques, leurs paroles timides. On se demande pourquoi les ecclésiastiques, qui sont après tout des hommes, ne marchent pas, ne regardent pas, ne parlent pas comme tout le monde (...) Ceux qui connaissent un peu les ecclésiastiques… savent combien ils se rapprochent en général de la femme par leurs manies cachottières et bavardes »75.

  • 76 Pour une mise en contexte du roman, on verra Guermes, S., « Zola et la question religieuse », Zola, (...)
  • 77 Zola, E., La faute de l’abbé Mouret, 1972 [1875], Paris, Garnier Flammarion, p. 71, p. 139.
  • 78 Loc. cit., p. 65, p. 118.

23La faute de l’abbé Mouret, le roman de Zola qui paraît en 187576, constitue lui aussi une source intéressante : aux cotés du sensible Mouret apparaît le frère Archangias, bourru et misogyne, en quelque sorte son pendant ultra-masculin, qui s’oppose avec force à la sentimentalisation de la foi. Mouret se sent en effet après sa formation au séminaire « différent des autres » : « On avait tué l’homme en lui, il le sentait, il était heureux de se savoir à part, créature châtrée, déviée, marquée de la tonsure ainsi qu’une brebis du Seigneur. (...) Au sortir du séminaire, il avait eu la joie de se voir étranger parmi les autres hommes, de ne plus marcher comme eux, de porter autrement la tête, d’avoir des gestes, des mots, des sentiments d’être à part. Il se sentait féminisé, rapproché de l’ange, lavé de son sexe, de son odeur d’homme »77. Il nourrit alors une dévotion particulièrement forte et affectivement chargée à l’égard de la Vierge. Archangias s’y oppose avec vigueur : « La religion s’en va des campagnes parce qu’on la fait trop bonne femme. Elle a été respectée, tant qu’elle a parlé en maîtresse sans pardon… Je ne sais ce qu’on vous apprend dans les séminaires. Les nouveaux curés pleurent comme des enfants avec leurs paroissiens. Dieu semble tout changé… ». Le romancier ajoute : « Souvent le Frère lui reprochait cette dévotion particulière à la Vierge, qu’il disait être un véritable vol fait à la dévotion de Dieu. Selon lui, cela amollissait les âmes, enjuponnait la religion, créait tout une sensiblerie pieuse indigne des forts »78.

Conclusion

24Cette première exploration de la littérature anticléricale francophone du XIXe siècle montre combien y était récurrent le thème du prêtre catholique romain comme menace pour la masculinité hégémonique. Le fait que ce leitmotiv se retrouve également dans des publications allemandes et anglaises peut être interprété comme l’illustration de la vulnérabilité de l’identité sexuée du citoyen au XIXe siècle. L’ecclésiastique catholique romain apparaît paradoxalement comme l’un des premiers partisans de fait d’une masculinité plurielle, son célibat allant à l’encontre de la vision hégémonique de l’homme hétérosexuel, et l’hexis qui lui est propre incarnant une autre manière d’être un homme. La prêtrise s’avère ainsi l’une des rares voies, au XIXe siècle, à offrir un contenu plus ou moins acceptable socialement à une autre façon d’être un homme.

  • 79 Langlois, Cl., op. cit., p. 254-255.

25Un coup de sonde dans les directives destinées aux séminaristes et aux jeunes prêtres indique que cette représentation anticléricale, si elle généralise et caricature, n’est pas totalement infondée. Dans les milieux ecclésiastiques aussi, des voix s’élèvent durant la seconde moitié du XIXe siècle pour signaler le danger d’une féminisation de l’image du prêtre. Mais le simple fait que l’on mette en garde, au sein même du clergé, contre une telle féminisation, montre qu’au-delà du « prêtre efféminé », de nombreux autres figures, plus fortes, occupent également cette charge. Ces dernières ne sont d’ailleurs pas absentes des écrits anticléricaux, représentant l’ecclésiastique viril ou l’ecclésiastique « de vieille facture ». Il ne semble pas improbable que le souci de « civiliser » les candidats à la prêtrise post-concordataires, le plus souvent issus de milieux ruraux et modestes, ait donné naissance à un nouveau type d’ecclésiastique qui, du point de vue anticlérical, constitue une menace pour l’identité sexuée masculine. Claude Langlois va dans ce sens, lorsqu’il cherche les causes de la survie, jusqu’au XXe siècle, du « modèle (...) « sulpicien » du bon prêtre (...) qui insiste sur la discrétion du comportement et l’intériorisation de l’habitus sacerdotal ». Le Concordat a donné aux évêques les moyens et la liberté de mettre pleinement en application les prescriptions tridentines et a ainsi fait en sorte que la composition sociale du clergé change fortement en comparaison avec ce qu’elle était sous l’Ancien Régime : « Le recrutement du clergé est maintenant largement populaire […[ Une véritable « acculturation » est nécessaire pour faire des prêtres dans ces conditions (...) C’est dans cette perspective qu’il importe aussi de revoir l’importance accordée à la tenue vestimentaire et au dressage du corps (...) Le renforcement de l’habitus sacerdotal devient la contrepartie obligée d’une popularisation durable du recrutement mais aussi d’un lent déclassement social du prêtre dans la société »79.

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Notes

1 Art, J. et Buerman Th., op. cit., p. 27-29 ; Boutry, P., Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars, Paris, Cerf, 1986, p. 440-444 ; Ford, C., Divided House. Religion and Gender in Modern France, Ithaque-Londres, Cornell University Press, 2005, p. 85-86 ; Gibson, R., « Le catholicisme et les femmes en France au XIXe siècle », Revue d’Histoire de l’Eglise de France, 1993, 79, p. 61-93 ; McLeod, H., Secularisation in Western Europe, 1848-1914, Londres, MacMillan Press, 2000, p. 124-136 ; Zeldin, Th., « Conflict of Moralities : Confession, Sin and Pleasure in the Nineteenth Century », Conflicts in French society :Anticlericalism, Education and Morals in the Nineteenth Century : Essays, Londres, Allen & Unwin, 1970, p. 13-50.

2 Launay, M., Le bon prêtre : le clergé rural au XIXe siècle, Paris, Aubier, 1986, p. 161 ; Kollar, R., « Power and Control over Women in Victorian England : Male Opposition to Sacramental Confession in the Anglican Church » Journal of Anglican Studies, 2005, 3, p. 11-31.

3 Boutry, P., op. cit., p. 433-447 ; Cubitt, G., The Jesuit Myth : Conspiracy Theory and Politics in Nineteenth-century France, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 234-249 ; Leroy, M., Le mythe jésuite : de Béranger à Michelet, Paris, PUF, 1992.

4 Baudelaire, Ch., Crepet, J. et Pichois, Cl., Pauvre Belgique, Paris, Conrad, 1951, p. 93-94, 106-116.

5 Healy, R., « Anti-Jesuitism in Imperial Germany : The Jesuit as Androgyne », Smith, H. W., Protestants, Catholics and Jews in Germany, 1800-1914, Oxford, Berg, 2001 ; O’Malley, P. R., Catholicism, Sexual Deviance, and Victorian Gothic Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 ; Verhoeven, T., « Neither Male or Female : Androgyny, Nativism and International Anti-Catholicism », Australasian Journal of American Studies, juillet 2005, 2, p. 5-19 ; Wheeler, M., The Old Enemies : Catholic and Protestant in Nineteenth-century English Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.

6 Vance, N., The Sinews of the Spirit. The Ideal of Christian Manliness in Victorian Literature and Religious Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 38.

7 Sous la dénomination de « clergé catholique romain », on comprendra ici – à la suite des écrits anticléricaux – tant le clergé séculier que les religieux masculins, et donc tous les hommes qui pour des motifs religieux se vouent au célibat. Voir Laurent, F., Lettres sur les jésuites, Paris-Bruxelles, Lacroix-Verboeckhoven & Cie, 1864, et Grevy, J., Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi. Un siècle de guerre de religion en France, Paris, Collin, 2005, p. 37-58.

8 Tractarianisme : nom donné à une dissidence de l’Eglise d’Angleterre (1833) qui tenta de la rapprocher de ses racines catholiques pour former une voie médiane entre catholicisme et protestantisme.

9 Wheeler, M., op. cit., p. 68.

10 Gross, M. B., The War against Catholicism : Liberalism and the Anti-Catholic Imagination in Nineteenth-Century Germany, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 2005, p. 186.

11 Healy, R., op. cit. ; O’Malley, P.R., op. cit. ; Verhoeven, T., op. cit.

12 Mosse, G. L., L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Paris, Ed. Abbeville, 1997 (version originale : The Image of Man. The Creation of Modern Masculinity, Oxford, Oxford University Press, 1996) ; Buerman, Th., « Maten, Makkers, Masculiniteit ! Historisch onderzoek naar mannelijkheid », Bulletin de l’Association d’Histoire contemporaine, 2007, 1, p. 21-26.

13 Mosse, G. L., op. cit., p. 12-13.

14 Bevernage, B., « Hegemonie in de mannenstudies. De ontwikkeling van een neo-Gramsciaans feministisch perspectief », Altena, M. et al., Spiegelbeeld. Reflecties bij 25 jaar vrouwengeschiedenis. Jaarboek voor Vrouwengeschiedenis, Amsterdam, Aksant, 2005, p. 150-151.

15 Monteiro, M., « Mannen Gods : historische perspectieven op clericale identiteit en clericale cultuur », Ackermans, G. et Monteiro, M., Mannen Gods. Clericale identiteit in verandering, Hilversum, Verloren, 2007, p. 15.

16 P[ohier], J. M., « Célibat religieux », Encyclopaedia Universalis, 4, Paris, 1968, p. 12-15.

17 Des Pilliers, P., Le célibat ecclésiastique. Trois conférences données à Bruxelles les 12, 14 et 16 mai 1872, Chambéry, Imprimerie Ménard, 1886, p. 10.

18 Des Pilliers ajoute que l’évêque dispose ainsi d’une arme redoutable pour garder les prêtres sous son autorité : « En effet, les évêques sont omnipotents à retenir le bas clergé sous leur férule, au moyen du célibat presque impossible à garder. N’est-ce pas l’épée de Damoclès continuellement suspendue, à l’aide d’un simple fil, sur la tête à moitié rasée du prêtre ? Et si l’évêque, alors, veut, pour le gouvernement de son diocèse, employer une mesure arbitraire, ou s’il veut exiger de ses curés des choses contraires à leur conscience (...) n’a-t-il pas en mains tout ce qu’il faut pour briser leur résistance ? Est-il difficile à l’évêque (...) d’ourdir une calomnie qui lui permette aussitôt, (...) de sévir contre le prétendu rebelle ? » (p. 54).

19 Boutry, P., op. cit., p. 217-236 ; Hilliard, D., « UnEnglish and Unmanly : Anglo-catholicism and Homosexuality », Victorian Studies, hiver 1982, 25, p. 181-210.

20 Bartier, J., « Les hommes d’église et l’anticléricalisme au XIXe siècle », Cambier, G., Christianisme d’hier et d’aujourd’hui. Hommages à J. Préaux, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1979, p. 114.

21 Eenens, F., Le célibat des prêtres, Bruxelles, Royer, 1857, p. 9-10 (c’est nous qui mettons en italique). Sur Eenens : Erba, A., L’esprit laïque en Belgique sous le gouvernement libéral doctrinaire (1857-1870) d’après les brochures politiques, Louvain, Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique, 1967, p. 399-546.

22 Des Pilliers, P., op. cit., p. 9.

23 Boutry, P., op. cit., p. 445, 447 ; Cabanis, J., Michelet, le prêtre et la femme, Paris, Gallimard, 1978, passim ; Saurer, E., « Donne e preti. Colloqui nel confessionale agli inizi dell’ Ottocento », Ferrange, L. et al., Ragnatele di rapporti. Patronage e reti di relazione nella storia delle donne, Bologna, Rosenberg & Sellier, 1988, p. 163-281.

24 Bartier, J., « Anticléricalisme, laïcité et rationalisme en Belgique au XIXe siècle. Orientation bibliographique », Colloque « Sources de l’histoire religieuse de la Belgique » (Bruxelles, 30 novembre-2 décembre 1967). Cahiers – Bijdragen, CIHC/ICHG 54, Louvain-Paris, Nauwelaerts, 1968, p. 46-63.

25 Horne, J., « Masculinity in Politics and War in the Age of Nation-states and World Wars, 1850-1950 », Dudink, S., Hagemann, K. et Tosh, J., Masculinities in Politics and War : Gendering Modern History, New York et Manchester, Manchester University Press, 2004, p. 24.

26 Morelli, A., « Propagande antireligieuse et anticléricalisme dans la presse libérale du XIXe siècle », Marx J. (éd.), Propagande et contre-propagande religieuses, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1987, p. 175.

27 Launay, M., op. cit., p. 162-164.

28 Boutry, P., op. cit., p. 578-582.

29 Eenens, F., Les bals et les prêtres, Bruxelles, Royer, 1857, p. 5-6 (c’est nous qui mettons en italique).

30 Boutry, P., op. cit., p. 584-585 ; McLeod, H., op. cit., p. 127.

31 Lalouette, J., La République anticléricale, XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 2002, p. 301-412 ; Lalouette, J. et Agulhon, M., La libre pensée en France, 1848-1940, Paris, Albin Michel, 2001, p. 219-258 ; Pierrard, P., L’Eglise et les ouvriers en France, 1840-1940, Paris, Hachette, 1984, passim.

32 Comité de défense du clergé contre la Mauvaise Presse. Rapports, conservés au Kadoc (Documentatie- en Onderzoekscentrum voor Religie, Cultuur en Samenleving) sous la cote KX2.707. Nuançons toutefois le propos concernant la présentation anticléricale des religieux. L’image hégémonique de l’homme se voit défiée par différentes formes de masculinités. D’après John Horne, l’image positive de soi, liée à la masculinité hégémonique, a un pendant décadent, mais aussi un homologue ultra-viril : Horne, J., op. cit., p. 29. La violence excessive à laquelle les religieux sont associés pourrait exprimer un reproche anticlérical à l’encontre des religieux, inspiré par la répugnance d’une virilité excessive.

33 Cte De Born, Monacologie, Paris, Paulin, 1844 ; cité aussi dans Bartier, J., op. cit., p. 111-112 ; voir aussi Leroy, M., op. cit., p. 210-223.

34 Cte De Born, op. cit, p. 19-21.

35 Ibid., p. 29.

36 Ibid., p.11-12.

37 Il s’agit des prescriptions prises par le Concile de Trente, réuni à partir de 1545 par le pape Paul III et qui fut le moteur de la contre-réforme catholique. Boutry, P., op. cit., p. 243 ; Id., « « Vertus d’état » et clergé intellectuel : la crise du modèle sulpicien dans la formation des prêtres français au XIXe siècle », Problèmes d’histoire de l’éducation. Actes des séminaires organisés par l’Ecole française de Rome, 1988, Rome, 1988, p. 207-228 ; Langlois, Cl., « Le temps des séminaires. La formation cléricale en France au XIXe et XXe siècles », Ibid., p. 229-255.

38 Branchereau, L., Politesse et convenances ecclésiastiques, Paris, Vic et Amat, 1921 (1re éd. : 1872) ; Reaume, A., Le guide du jeune prêtre dans une partie de sa vie privée et dans ses rapports avec le monde. Edition revue et appropriée pour la Belgique, Liège, J.-G. Lardinois imprimeur-éditeur, 1845.

39 Reaume, A., op. cit., p. 54. On trouve toutefois déjà au milieu du XVIIIe siècle dans un poème satirique janséniste en latin s’en prenant aux jésuites : « Qui sunt genti sociandi/ linguam, gressum, formam standi/modum quoque salutandi/discunt sicut pueri », avec en note de bas de page cette remarque du rimailleur : « Ceci a principalement lieu dans la province flamande, Flandro-Belgicae : on y dresse les Jésuites comme des chevaux. On leur apprend la marche, la manière de saluer, de tenir le corps, de porter le manteau, de même que le ton de la langue flamande etc., qui est affecté et uniforme parmi tous les jésuites flamands ». Dies irae pour les PP. Jésuites. Les Jésuitiques, enrichies de notes curieuses, manuscrit conservé à la bibliothèque de l’université de Gand, Ms 1000, p. 4 et 26-27.

40 Goichot, E. et Heyer, R., Les Examens particuliers de M. Tronson : essai sur la formation du prêtre classique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2005, p. 25-28, p. 75 ; Airiau, P., « La formation sacerdotale en France au XIXe siècle », Archives de sciences sociales des religions, 2006, 133, p. 27-44.

41 Reaume, A., op. cit., p. 5.

42 Loc. cit.

43 Goichot, E. et Heyer, R., op. cit., p. 106. Pour la fin de siècle et l’entre-deux-guerres, on lira le poignant Journal d’un prêtre de Paul Jury (Paris, Gallimard, 1956), et sur les tensions que cet ouvrage provoqua : Airiau, P., op. cit.

44 Reaume, A., op. cit., p. 63.

45 Branchereau, L., op. cit., p. 89.

46 Dibie, P., La tribu sacrée : ethnologie des prêtres, Paris, Grasset, 1993.

47 Branchereau, L., op. cit., p. 87.

48 Gunn, S., History and Cultural Theory, Harlow, Pearson Longman, 2006, p. 148.

49 Reaume, A., op. cit., p. 131 (c’est nous qui mettons en italique). Voir aussi Corbin, A., cité dans Dibie, P., op. cit., p. 141 : « Obsédé par la femme, dont la robe qu’il [le prêtre] porte et la sensibilité qu’il manifeste attestent qu’il est proche ».

50 Branchereau, L., op. cit., p. 96-97.

51 Ibid., p. 41-42 ; Oldstone-Moore, C., « The Beard Movement in Victorian Britain », Victorian Studies, automne 2005, 49, p. 7-34.

52 Branchereau, L., op. cit., p. 44.

53 Dibie, P., op. cit., p. 141.

54 Godin, A., Psychologie de la vocation. Un bilan, Paris, Editions du Cerf, 1975  ; Launay, M., op. cit., p. 75 ; Rey, K. G., Das Mutterbild des Priesters, Zürich, Benziger, 1969 ; Rulla, L. et al., Structure psychologique et vocation. Motivations d’entrée et de sortie, Rome, Presse de l’Université grégorienne, 1978 ; Suaud, C., La vocation. Conversion et reconversion des prêtres ruraux, Paris, Minuit, 1978 ; Jury, P., op. cit., p. 86 et s.

55 Dibie, P., op. cit., p. 141.

56 Lankewish, V. A., « Love among the Ruins : the Catacombs, the Closet, and the Victorian « Early Christian » Novel », Victorian Literature and Culture, 2000, 2, p. 247-252.

57 Wiseman, N. P., Fabiola ou L’église des catacombes, Paris, Garnier frères, [ca. 1900, l’édition originale anglaise date de 1854], p. 16.

58 Pierrard, P., Histoire des curés de campagne de 1789 à nos jours, Paris, Plon, 1986, p. 298.

59 Le recrutement sacerdotal, 1938, p. 135-146 ; Ibid., 1937, p. 137-153.

60 Suaud, C., op. cit., p. 72.

61 Loc. cit.

62 Ibid., p. 121.

63 Duperray, « La dévotion à Marie et les vocations », Le recrutement sacerdotal, 1937, p. 204-222 ; Larribiere, « Pourquoi invoquons-nous la Sainte Vierge sous le titre de Reine du clergé ? », Ibid., 1936, p. 408-418 ; Charmot, F., « Le prêtre et la très sainte mère de Dieu », Ibid., 1933, p. 121.

64 Pirotte, J., Images des vivants et des morts. La vision du monde propagée par l’imagerie de dévotion dans le Namurois. 1840-1965, Louvain-la-Neuve, UCL, 1987, p. 167.

65 Clémenceau à A. Scheurer-Kestner en 1864, cité dans Lalouette, J. et Agulhon, M., op. cit., p. 223.

66 Lalouette, J., op. cit., p. 319-322, 333 ; Despland, M., « A Case of Christians Shifting their Moral Allegiance : France 1790-1914 », Journal of the American Academy of Religion, 1984, 4, p. 680 : « Note also that in the course of the century French priests abandoned stocking and breeches for the ankle-length Roman cassock, making thereby the last – and the biggest – leap toward the feminization of sacerdotal garb ».

67 Morelli, A., op. cit., p. 176.

68 Wahu, A., « Le célibat ecclésiastique et monacal », Id., Le pape et la société moderne, suivi du célibat ecclésiastique et monacal, Paris, Rouff, 1879, p. 391-437.

69 Ibid., p. 405.

70 Pitrat, J.-C., Americans Warned of Jesuitism, or the Jesuits Unveiled, Boston, Edward W. Hinks & Co., 1855, p. 21. Voir également Leroy, M., op. cit., p. 204-209. L’« attitude affectée » est un thème ancien que l’on retrouve également chez Laurent, F., op. cit., p. 63. Beaucoup d’attention était ainsi accordée à la « regulae modestiae » dans les noviciats jésuites du XIXe siècle : Von Hoensbroech, P., Mein Austritt aus dem Jesuitenorden, Berlin, Walther, 1893 (3e éd.), p. 19-20  ; Id., 14 Jahre Jesuit. Persönliches und Grundsässtliches, Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1912, vol. 1, p. 164-165 (« Regeln der Bescheidenheit »).

71 Pierrard, P., L’Eglise et les ouvriers…, op. cit., passim ; Id., Histoire des curés..., op. cit., p. 283. Voir aussi Zola à propos des mains blanches des prêtres, cité dans Moody, J. N., The Church as Enemy : Anticlericalism in Nineteenth Century French Literature, Washington, Corpus, 1968, p. 163.

72 Lefèvre, P., « Catholiques et anticléricaux montois du milieu du XIXe siècle », Despy-Meyer, A. et Hasquin, H., Libre pensée et pensée libre. Combats et débats, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1996, p. 24.

73 Morelli, A., op. cit., p. 178-179.

74 Duviard, F., Ferdinand Fabre (1827-1898), Cahors, Bergon, 1927 et Airiau, P., op. cit.

75 Cité par Duviard, F., op. cit., p. 38-39, p. 40-41.

76 Pour une mise en contexte du roman, on verra Guermes, S., « Zola et la question religieuse », Zola, E., La faute de l’abbé Mouret, Paris, Flammarion, 1998, p. 7-52 ; Ouvrard, P., Zola et le prêtre, Paris, Beauchesne, 1986 ; Edwards, W., « Straightening Out Serge Mouret : Confession and Conversion in Zola’s La Faute de l’abbé Mouret », Nineteenth Century French Studies, 2005, 1-2, p. 75-88 ; Drewermann, E., Kleriker. Psychogram eines Ideals, Olten, 1989, p. 505 sq.

77 Zola, E., La faute de l’abbé Mouret, 1972 [1875], Paris, Garnier Flammarion, p. 71, p. 139.

78 Loc. cit., p. 65, p. 118.

79 Langlois, Cl., op. cit., p. 254-255.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jan Art et Thomas Buerman, « Anticléricalisme et genre au XIXe siècle. Le prêtre catholique, principal défi à l’image hégémonique de l’homme »Sextant, 27 | 2009, 323-337.

Référence électronique

Jan Art et Thomas Buerman, « Anticléricalisme et genre au XIXe siècle. Le prêtre catholique, principal défi à l’image hégémonique de l’homme »Sextant [En ligne], 27 | 2009, mis en ligne le 10 novembre 2009, consulté le 16 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/3723 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.3723

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Auteurs

Jan Art

Jan Art est professeur ordinaire d’histoire contemporaine à l’Université de Gand. Après avoir consacré sa thèse de doctorat à l’histoire du diocèse de Gand au XIXe siècle, il a publié de nombreuses contributions sur l’histoire religieuse et culturelle à l’époque contemporaine. Il est l’un des promoteurs du projet FWO « In search of the good Catholic M/F. Feminization and masculinity in Belgian Catholicism (c. 1750-1950) ».

Thomas Buerman

Thomas Buerman est attaché au département d’histoire contemporaine de l’Université de Gand, où il prépare, sous la direction de Jan Art, une thèse de doctorat sur la masculinité catholique en Belgique au XIXe siècle. Il a notamment publié « Feminization Thesis : A Survey of International Historiography and a Probing of Belgian Grounds », Revue d’histoire ecclésiastique (2008, avec Tine Van Osselaer) ; et « Maten, makkers, masculiniteit ! Historisch onderzoek naar mannelijkheid », Mededelingenblad van de Belgische Vereniging voor Nieuwste Geschiedenis (2007).

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