Navigation – Plan du site

AccueilNuméros29Similaires simulées. Exit les reg...

Similaires simulées. Exit les regards à la dérobée. Une approche des pratiques transformatives socio-artistiques

Simulated Similarities. Gone are the Surreptitious Glances: An Approach to Transformative Socio-Artistic Practices
Véronique Danneels
p. 88-100

Résumés

En prenant l’histoire de l’art occidental comme angle d’approche, je souhaite, au travers de cet article, approfondir quelques points de ma présentation au colloque Pratiques de l’intime, écrire, filmer, commenter la sexualité au féminin, en évoquant notamment l’art dit intimiste du XIXe siècle pour le confronter à une relecture féministe des textes Visual Pleasure and Narrative Cinema de Linda Mulvey (1975), Vision and Difference. Feminity, feminism and histories of art de Griselda Pollock (1988), et Féminisme et histoire de l’art : une affaire à suivre de Lisa Tickner (1997). Par ailleurs, cet article tente également de répondre aux deux questions suscitées par mon intervention. La première est de comprendre comment les artistes procèdent pour créer une telle facilité d’identification entre les spectatrices et l’œuvre. La seconde porte sur le sens des « similaires simulées ».

Haut de page

Texte intégral

Chaque génération achète la version médiatisée de la précédente.
Suzanne Lacy

L’Histoire est hystérique : elle ne se constitue que si on la regarde – et pour la regarder, il faut en être exclu.
Roland Barthes

Representation follows two laws. It always conveys more than it intends ; and it is never totalizing.
Peggy Phelan

Sophie Langohr, « Sans titre », photographie, 30 x 40 cm, 2006.

Sophie Langohr, « Sans titre », photographie, 30 x 40 cm, 2006.

© Sophie Langohr

1En prenant l’histoire de l’art occidental comme angle d’approche, je souhaite, au travers de cet article, approfondir quelques points de ma présentation au colloque Pratiques de l’intime, écrire, filmer, commenter la sexualité au féminin, en évoquant notamment l’art dit intimiste du XIXe siècle pour le confronter à une relecture féministe. Les textes Visual Pleasure and Narrative Cinema de Linda Mulvey (1975), Vision and Difference. Feminity, feminism and histories of art de Griselda Pollock (1988) et Féminisme et histoire de l’art : une affaire à suivre de Lisa Tickner (1997), ont été publiés à une décennie d’intervalle, mais seront utilisés ici dans un ordre d’interprétation et non de parution. La dimension politique ajoutée par les trois théoriciennes britanniques étudie les relations de pouvoir, déconstruit le cliché féminin et sonde les fins et les formes de l’intime dans des rapports hétérosexuels. Chacune des trois auteures souligne à quel point la participation des femmes à la création plastique, littéraire et cinématographique, mettant la subjectivité féminine en scène, bouleverse les discours établis.

  • 1 A. Jardine, « Notes for an Analysis », in S. Kemp et J. Squires (éd.), Feminisms, Oxford – New York (...)

2De fait, le sujet du colloque et de ce volume traduit l’importation des études féministes et des études de genre dans l’institution universitaire par les femmes qui se sont obstinées à introduire le privé et l’intime de l’« autre » au sein de l’université, bouleversant en conséquence les codes et les canons des sciences humaines. L’Américaine Alice Jardine explique que l’arrivée des femmes dans l’université n’a pas été sans peine mais qu’elle a été de pair avec l’importation des modes psychanalytiques1. En partant du constat que l’espace analytique est devenu un espace de femmes au XXe siècle (il y a un nombre beaucoup plus grand de femmes en analyse), Jardine souligne que celles-ci se sont approprié l’investigation du privé et du subjectif pour transcender leur condition de victimes muselées dans une société qui leur refusait l’accès à la voix et l’écriture publiques. Leur approche critique de la psychanalyse leur font inverser les paramètres qui les traitaient en malades et « autres » démunies, pour révéler des femmes proposant de nouvelles images d’elles-mêmes. Images qui montrent l’autre fantasmatique toute-puissante – qu’elles contenaient en elles – qui les muent en artistes et en agentes du changement.

3Jardine souligne l’originalité de l’importation des femmes et de la psychanalyse dans l’université à partir d’une liste qui caractérise les valeurs de la psychanalyse et de l’institution universitaire. Valeurs qui s’opposent mais s’interpénètrent mutuellement. A savoir que l’examen du privé et de l’intime privilégie le lent sur le rapide, la perte de temps sur le gain de temps, le processus sur le produit, la projection sur le projet, l’irrationnel sur la raison, la gestation sur la gestion, la régression sur la progression, ce que le langage ne sait pas encore comment exprimer sur ce qui a déjà été dit, et le rêve sur la meilleure performance.

4Notons également que l’inauguration de ces nouvelles méthodes discursives s’inscrit dans l’ère où les moyens de communication évoluent constamment. Dès lors, tel un produit de consommation, l’intime devient de plus en plus médiatisé et donc réexporté.

  • 2 Ceci est une présentation généralisante et le contraire peut également être induit, par exemple en (...)

5Par ailleurs, cet article tente également de répondre aux deux questions suscitées par mon intervention. La première, prégnante lors du débat, est de comprendre comment les artistes procèdent pour créer une telle facilité d’identification entre les spectatrices et l’œuvre. Elle est plus particulièrement développée aux points 17 à 21. La seconde, plus amusée et hors débat, porte sur le sens des « similaires simulées ». Annoncées dans le titre, les similaires simulées n’ont pas été développées en tant que concept durant l’exposé. L’expression n’est issue ni du jargon artistique ni du vocabulaire critique, elle ne répond pas non plus à un style, et vu que le cadre de ma recherche s’inscrit dans la tranche historique qui va de la fin des années soixante au milieu des années soixante-dix aux Etats-Unis (époque où l’authenticité, le vécu et le temps réel l’emportent sur les stratégies du simulacre exploitées ensuite au début des années quatre-vingt), l’expression induit même un anachronisme2.

6Disons que d’une part, l’expression se réfère au recours à des méthodes issues de la psychologie, de la phénoménologie, des arts plastiques et des études de genre par des artistes, pour performer une similarité avec des semblables au degré de similarité parfois complètement fictif. L’exemple le plus classique est celui de la performance par laquelle l’artiste simule la vie d’un individu ordinaire avec lequel le public identifie l’artiste ou s’identifie lui-même. D’autre part, l’expression recouvre la transcendance de l’être [femme] par l’artiste lorsqu’elle s’incarne en objet d’art.

  • 3 Les deux représentations que je décris sont visibles sur la toile (voir plus loin).

7Enfin, comme ma conférence se fondait sur la présentation visuelle d’une suite de reproductions d’œuvres formant un lien entre elles et mises en rapport avec des images médiatiques et publicitaires des années 1960-1970 pour lesquelles nous ne possédons pas les droits de reproduction, j’escamote une bonne partie de mon propos3.

81. Aborder l’intime dans un contexte universitaire l’extirpe inévitablement de son cocon protecteur. En dehors de ce refuge – qui à la fois le délimite et le caractérise – l’intime devient un objet, nu, bizarre, aux antipodes de ce qu’il est supposé posséder de douillet, gentil, sans définition fixe. Cet intime-là, encore camouflé, est vécu comme un hors temps, hors pression et hors compétition ; il est doué d’une poésie ou d’une banalité extrême et se dote d’idiolectes aussi singuliers que similaires. Il se pratique dans un territoire clos, fréquenté par des êtres qui se découvrent et se comprennent sans devoir recourir au mode grammatical ou autres structures langagières institutionnalisées.

92. Ce mode de vie dans les entrailles de la sphère privée, au sein d’une atmosphère sans prétention, toute en sollicitude et en harmonie, et où la communication peut être pratiquée en deçà du niveau considéré comme évolué, édifie le caractère féminin de l’intime dans la société occidentale, bourgeoise et patriarcale du XIXe siècle. Société dans laquelle les femmes (bourgeoises) et l’intime sont conventionnellement considérés comme des entités innocentes, inoffensives, passives. Sur le plan pictural, l’intime se convertit aisément en style « intimiste ». Dans ces représentations (photographies, dessins, peintures), la figure humaine est, à quelques exceptions près, de sexe féminin.

  • 4 Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », in A. Jones (éd.), The Feminism and Visual (...)

103. La figure adulte est ostensiblement jeune, absorbée dans une lecture, concentrée sur un ouvrage domestique, accomplissant sa toilette ou celle d’un enfant, ou, contemplant un coin de nature idyllique. Elle est représentée dans un environnement familier, seule ou en compagnie d’une amie, une sœur (des semblables), une servante, un enfant (de l’un ou l’autre sexe). Sa présence se fonde sur un dosage d’évidence et de discrétion : « elle est isolée, élégante, exposée, sexualisée »4. Tout dans la composition tend à susciter le plaisir de qui la regarde, tandis que de son attitude se dégage la complicité sinon le plaisir même d’être observée par autrui. Ce en quoi les compositions intimistes correspondent au type de scopophilie décrite par Freud, lorsque la pulsion scopique atteint un degré de jouissance en faisant fi de l’exposition des zones érogènes.

114. Les figures sont vouées à l’anonymat. Elles incarnent la femme au foyer mais ne représentent personne en particulier, ni une figure historique ou légendaire, ni un modèle hagiographique, ni un symbole ou une allégorie. Leur essence féminine les rend simples, dociles, serviles, adoptables et adaptables, au gré des fantaisies des spectatrices et spectateurs. Soit les figures représentées sont tellement imbriquées dans le réseau familial de l’artiste qu’elles suscitent un commentaire irrémédiablement anecdotique, les rendant familières comme des figures de romans ou de feuilletons.

125. A l’époque, l’ambiance moelleuse et l’atmosphère tamisée l’emportent sur le message psychologique, identitaire ou historique. Ce qui fait qu’aujourd’hui l’art intimiste est décodé comme un symptôme de la modernité en pleine expansion industrielle, mécaniste, coloniale, marxiste, freudienne et féministe. L’air sage des représentations les transforme en agent sécurisant.

136. Si l’art intimiste n’est qu’une catégorie annexe de la peinture de genre, il est aussi l’une des rares catégories artistiques dans laquelle les peintres modernes ont été autorisées d’exceller. Ainsi l’art intimiste représente ce par quoi les femmes sont entrées et ont participé à l’histoire des représentations modernes tout en inaugurant un modèle thématique pour les générations suivantes.

  • 5 Griselda Pollock, Vision and Difference. Feminity, feminism and histories of art, London-New York, (...)
  • 6 L’intimisme se déploie dans chacun de ces styles.

147. En étudiant le cas de Berthe Morisot et de Mary Cassat (qui ne sont pas exclusivement des peintres intimistes), l’historienne de l’art féministe-marxiste Griselda Pollock montre que l’association des artistes à l’intime est due à leur inaccessibilité à tout autre lieu que la maison ou le jardin ; tandis que leurs collègues masculins pouvaient s’approprier tous les lieux publics au cours de leurs dérives ambulatoires5. C’est l’époque où les artistes masculins produisent une peinture réaliste, sociale, impressionniste, pleinairiste ou symboliste6. Œuvres dans lesquelles ils insèrent à l’occasion le caractère féminin opposé à la figure intimiste : la putain, la servante et l’ouvrière buveuses d’absinthe, la femme de cabaret : goulue, autonome, déchue et nue.

15Comme la nudité et l’intime sont étroitement liés, il importe de se souvenir que les peintres féminins n’ont légalement pas accès aux modèles nus à l’époque. En revanche, comme les peintres sont inévitablement issues d’une classe sociale privilégiée (elles sont éduquées) et fortunées (elles peuvent se consacrer à la peinture autrement qu’en tant qu’activité sporadique et occupationnelle), elles créent des ambiances glorifiant l’idéal des femmes rangées et bourgeoises.

  • 7 Lisa Tickner, « Féminisme et histoire de l’art : une affaire à suivre », in Féminisme, art et histo (...)

168. L’historienne de l’art Lisa Tickner relève l’importance de ces dernières en spécifiant qu’elles constituent un public féru d’art à la fin du XIXe siècle. Ce qui amène Tickner à spéculer sur l’importance du public féminin dans les pratiques artistiques : « Il est possible de soutenir que, jusqu’au XIXe siècle, on ne faisait que rarement référence aux femmes en tant que « groupe constitué » (cela n’existait pas). Mais à l’époque victorienne, la diffusion d’une puissante idéologie de la féminité, en même temps que le développement d’une peinture narrative prenant souvent pour thème la sexualité féminine et les récits domestiques, ont offert une place au regard féminin. Une grande partie des tableaux intimistes du milieu du XIXe siècle furent produits par des femmes peintres qui y trouvaient un thème familier correspondant à leur condition et au type de sujet et de sensibilité qu’elles savaient que l’on attendait d’elles. Elles pouvaient désormais espérer satisfaire à la fois la sensibilité féminine et celle de la classe moyenne, ce à quoi les femmes étaient parvenues à s’identifier, ainsi que ce qui reflétait leurs propres préoccupations. (…) Le sentiment qu’il existait une communauté d’intérêt parmi les femmes de la classe moyenne fit naître la notion d’un public féminin possédant ses propres valeurs »7.

179. Au milieu des années 1970, la théoricienne féministe Laura Mulvey élabore la théorie du regard – dont on ne se dépare plus – en investiguant les productions cinématographiques hollywoodiennes des années quarante. Son approche est augmentée d’une grille de lecture politique du discours psychanalytique. Afin d’aborder le travail des artistes contemporaines, nous retenons les prémices suivantes de son texte clé.

  • Dans le cinéma commercial, tout est focalisé sur et élaboré à partir de la forme humaine : les tailles, les espaces, les histoires sont anthropomorphiques.

  • Les structures de fascination cinématographiques sont d’une telle puissance qu’elles effacent temporairement l’égo des spectatrices/ spectateurs, qui oublient qui elles/ils sont, où elles/ils sont.

  • Ces mêmes structures renforcent cependant simultanément l’égo des spectatrices/ spectateurs. Par le biais du processus complexe d’identification et de différenciation avec l’actrice/l’acteur, le public s’imagine incarner les choses les plus ordinaires ou extraordinaires qui se déroulent sur l’écran.

    • 8 Laura Mulvey oppose le cinéma « normal » au cinéma d’art qui se développe à toute allure avec l’int (...)

    Dans le cinéma narratif « classique », la présence d’une femme est un élément indispensable8. Dans les moments où sa présence suscite une contemplation érotique, elle retarde le développement narratif linéaire : elle « gèle » l’action.

    • 9 Mulvey décortique le regard et démontre que les femmes apprennent à regarder comme les hommes.

    Cependant, en termes psychanalytiques – et Mulvey souligne combien la psychanalyse est un produit de la société patriarcale hétérosexuée – la figure féminine cause également un problème, un grave problème : son manque de pénis la transforme en menace de castration. Son statut se déplace alors d’un objet de plaisir visuel vers une sensation de déplaisir, une angoisse9.

  • 10 Rappelons que la production des œuvres à la fin des années soixante et au début des années soixante (...)

1810. Les propositions de Mulvey fonctionnent comme des indices révélant comment la génération d’artistes qui lui est contemporaine – c’est-à-dire, qui a, comme elle, grandi dans les années cinquante et soixante avec la télévision et le cinéma comme vecteurs visuels – explore les registres de l’intime, de la séduction, du corps féminin en rapport avec d’autres corps, d’une manière radicale autant qu’expérimentale10.

1911. Plus particulièrement aux Etats-Unis, c’est aussi la première génération « d’artistes femmes » (au pluriel et non plus en tant qu’entité exceptionnelle, isolée, sans similaire) qui se lance dans l’aventure de l’art en produisant des œuvres abstraites dans un premier temps, pour virer ensuite dans la production d’œuvres exposant leur corps, leur vécu, celui de leurs mères ou sœurs, et celui de leurs fantasmes.

  • 11 L’anthropologue et historienne de l’art féministe américaine Laura Cottingham fait pertinemment rem (...)

2012. Toutes ces artistes sont inspirées et soutenues par les revendications féministes de la deuxième vague qui tordent le cou au cliché du féminin dévoué, sage et propret (la mystique féminine), assument l’hystérie, s’emparent de la subjectivité, boutent le ressenti du manque de pénis, questionnent les valeurs réelles et les dévalorisations nécessaires des tâches domestiques, larguent ou narguent la morale puritaine de leurs communautés juive, protestante, catholique, fument (des cigarettes et des joints11), dansent, seules, entre elles, avec des hommes, des enfants. Ce sont elles qui inaugurent l’ère des naissances optionnelles et non plus fatales, elles qui luttent pour la légalisation de l’avortement, des salaires égaux, du vécu homosexuel au grand jour comme dans les discours et les œuvres. Ce sont elles également qui voyagent, qui débusquent le voyeur et affichent la voyeuse.

2113. Ces artistes n’attendent plus qu’un éventuel galeriste, critique d’art ou mécène inspiré et libéré les repère et les expose ; elles se regroupent en association d’artistes femmes, exposent dans des galeries autogérées, fondent des magazines, créent des réseaux. Une partie de leur force provient de leur jeunesse et de la dynamique de l’époque, une autre partie découle de leur rage par rapport aux inégalités raciales et sexuelles qui gouvernent le monde, tout comme de leur colère contre la guerre du Vietnam.

2214. Leur conviction d’adhérer en nombre toujours plus grand au mouvement émancipateur se développe au cours des séances régulières de « consciousness raising » (éveil de la conscience). Elles y apprennent à parler d’elles et à afficher leurs problèmes pour découvrir qu’ils sont semblables à ceux de toutes les autres femmes. Ces séances les aident à ne plus se considérer comme des échecs en comparaison au cliché féminin – cet espèce d’ange maternant – mais à comprendre qu’elles sont les dupes d’une structure politique qu’elles peuvent changer.

2315. La sexualité est le sujet le plus incendiaire et le plus controversé de ces réunions de femmes luttant pour leur libération au début des années soixante-dix. Après des siècles d’invisibilité, c’est-à-dire d’exclusion de la vie culturelle, les femmes identifient leur différence sexuelle, la revendiquent et l’affichent. Des plasticiennes exposent des représentations de vulves, vagins, clitoris, lèvres, tandis que d’autres produisent des performances et installations se référant aux règles, à l’orgasme, au non-orgasme, au viol, avec redondance. Sur la côte Ouest, Judy Chicago, Miriam Schapiro et leurs étudiantes du Feminist Art Program au CalArt développent le « cunt art ». Les étudiantes pratiquent une imagerie explicite, tandis que leurs aînées maintiennent l’usage d’un langage pictural formel, abstrait et allusif.

  • 12 M. Hobbs Thompson, « Agreeable Objects and Angry Paintings. « Female Imagery » in Art by Hanah Wilk (...)
  • 13 Plusieurs sites hébergent cette vidéo. Benglis la produit au Hunter College, à une époque où elle v (...)

24Les représentations vaginales différencient les femmes des hommes autant qu’elles véhiculent l’infinité de différences entre elles12. Leur message prône le ralliement de toutes les femmes – hétérosexuelles, noires, homosexuelles, blanches, multiethniques, riches, pauvres, vieilles, jeunes, saines, malades… en dépit des inégalités et des conflits que ces différences génèrent – par l’intermédiaire du vagin. Leur débat essentialiste suscite l’engouement d’un nombre toujours plus élevé d’artistes et de critiques, tandis que l’appellation assez crue des Californiennes se transmue en terme générique « central core ». S’ensuivent des débats artistiques qui interrogent avec sérieux l’existence d’une sensibilité féminine [universelle]. Y en a-t-il une ? En quoi consiste-t-elle ? Faut-il y croire ? Quelles en sont les preuves ? Dans le tumulte harcelant de ces questions et affirmations, Lynda Benglis produit la vidéo Female Sensibility13.

  • 14 Le film Kiss (1963) de Warhol (16 mm, noir et blanc) dure 54 minutes. C’est un montage de différent (...)
  • 15 R. Pincus-Witten, « Benglis’ Video : Medium to Media », in Physical and Psychological Moments in Ti (...)

25Le visage de Benglis et celui de son amie et voisine, l’artiste Marilyn Lenkowsky, sont filmés en gros plan. Leur juvénilité les rend similaires. Lenkowsky a les lèvres rouge-noir, Benglis les a bleu-vert. Pendant un quart d’heure elles se touchent, s’embrassent, s’explorent, se caressent14. Le rythme lent, le cadrage serré, l’artificialité renforcée du maquillage et les baisers des deux femmes confèrent une ambiance sophistiquée au film, tandis que la bande son est une émission de radio où s’entremêlent des conversations avec les auditeurs, des infos et des spots publicitaires, mélangeant la réalité, l’artificialité, la vulgarité, l’intimité, l’argot, la bible, des fantaisies, des souvenirs. A l’époque, un critique enthousiasmé par la qualité esthétique de la vidéo suggère qu’elle comporte un message se moquant de l’exclusivité qui régnait dans le milieu féministe allant idéalement jusqu’à la lesbiannisation intégrale du monde féminin15. Trente-cinq ans plus tard, comme au premier jour de sa production, Female Sensibility ne traduit aucune soumission mais affiche ou simule une pulsion homosexuelle dans un monde phallocentrique, matérialisé par l’animateur radio qui domine le plan sonore.

  • 16 La critique française se réfère à la déclaration de Monique Wittig qui, contrairement à toutes les (...)

26En 2009, Elisabeth Lebovici clôt la piste du plaisir que la vidéo produirait à la gent masculine. D’abord parce que Benglis se place en dehors de la catégorie femme-artiste, ou, en dehors de la catégorie « femme » prise dans le sens de celle qui cherche à plaire16. Ensuite, parce que le regard, tel qu’il était analysé par Mulvey – prescrivant aux femmes de regarder les femmes avec le regard des hommes – est déconstruit. Judith Butler nous a appris que chaque personne qui regarde performe autant son genre que la personne (artiste/actrice/modèle) qui s’expose au regard. Que la production autant que la réception d’une œuvre (représentation) est un acte performatif.

2716. Les performances « live » ou de nature médiatique – performances photographiques et vidéo art – réintroduisent la représentation du corps dans les arts visuels. Mais ce retour ne se conçoit comme un retour ni à la figuration ni à la narration. Les performances sont considérées comme des expériences dans le temps et l’espace, dans lesquels le corps est à la fois un instrument de perception, de connaissance, de fabrication, ou comme un témoin, un réflecteur ou un accessoire. Le corps à l’œuvre est l’œuvre.

28Lors des performances en public, les notions de temps et d’espace influent sur les systèmes d’interprétation et jouent sur l’empathie des spectateurs. Le lieu et la durée de l’œuvre incluent le public dans une contemporanéité qui révèle la fragilité des limites entre les sujets regardants et regardés. Les paradigmes d’actif et passif se déplacent, ceux d’objet et sujet s’altèrent. L’artiste accomplit le plus souvent des fonctions corporelles ordinaires. Les lieux de performance sont localisés en dehors du circuit des musées et des galeries : les artistes se produisent de préférence dans l’atelier d’une ou un artiste (dans l’intime de semblables initiés), ou dans la rue (simulant une confondante similarité avec l’anonymat du public non initié).

2917. Ce travail sans affect apparent, comme les expérimentations et les affichages publics du fonctionnement organique sexuel des artistes féministes – le tout accompagné de messages sans fioriture tentant de démasquer l’inconnu et de transcender les interdits afin d’augmenter les prises de conscience individuelles et collectives – contraste radicalement avec la description de l’intime et l’intimisme des générations précédentes. Les artistes féministes l’englobent pourtant dans la question binaire qui les préoccupe autrement : celle de l’opposition du public et du privé (des sphères considérées respectivement comme masculine et féminine). Leurs efforts pour muter le privé vers le public, en contaminant la scène des représentations classiques par « la scène de l’autre » sont en corrélation étroite avec l’écriture et la voix.

3018. L’art narratif est contemporain du déploiement des communications audiovisuelles basées sur la dématérialisation et la transmission à distance en temps réel. Avancées qui procurent aussi bien une illusion d’ubiquité et de ralliement, qu’elles s’accompagnent d’intrusion, d’uniformisation, et pire encore, de surveillance.

  • 17 D’après R. Pincus Witten, « Reviews », Artforum, XIII/5, janvier 1975, p. 60. Pincus Witten ne cite (...)

31Constitué de textes, photographies, dessins, vidéos, articles, installations, (parfois combinés, parfois seuls), l’art narratif développe une esthétique singulière au début des années soixante-dix. La formule narrative la plus explosive s’obtient par la juxtaposition de textes et de photographies. Les artistes, les photographes et les publicistes y recourent massivement. Des historiens et critiques d’art créent la catégorie des « photographes conceptualistes ». Selon Robert Pincus Witten, cette catégorie se fonde sur deux sources. La première est constituée par les artistes qui recourent au texte et à l’image de manière surréaliste ou symboliste (comme Duane Michals), la seconde regroupe les artistes issus de l’abstraction récente qui allient des propositions formelles et des questions linguistiques aux photographies et aux textes, comme Martha Rosler, par exemple17.

  • 18 L. Cottingham, « The Inadequacy of Seeing and Believing : The Art of Martha Rosler », in M. C. De Z (...)
  • 19 Notions de neutralité scientifique remises en question et régulièrement contestées par les féminist (...)

3219. Les artistes de la génération de Rosler cristallisent la première génération d’artistes féministes et la première génération d’artistes vidéo américains. Comme celles/ceux-ci, Rosler (qui fait la navette entre San Diego et New York) filme son propre corps et enregistre sa propre voix dans ses productions « narratives »18. Ce personnage filmé est elle-même ou incarne une autre, autre femme, autre vie, autre histoire, qui, dans les deux cas, incite les spectatrices et spectateurs à interroger leur propre identité, histoire, vie. En parallèle à ses explorations vidéographiques, Martha Rosler produit un corpus de textes théoriques, didactiques et politiques où elle s’exprime à partir d’un point de vue externe, d’observatrice, du type « neutre » ou « scientifique »19. Cette voix efface sa personne pour traduire sa pensée ou son émotion au plus grand nombre. Le texte se lit comme on écoute un récit qui emmène dans une direction prédéterminée. La voix de Rosler est subversive mais généralisante, critique mais institutionnalisante ; à l’instar des voix consensuelles des moyens de communication radiophonique ou télévisuel, qui rapportent les faits les plus banaux ou extrêmement bouleversants de manière identique et distante. Et de même que les porte-parole de l’information, les sujets que Rosler traite ont à voir avec les notions de citoyenneté, de société, d’identité, de collectivité.

  • 20 L’analyse de la société des loisirs entreprise par Martha Rosler est une analyse de la société capi (...)

33A tout moment et à tout niveau de son œuvre, Rosler décortique la manière dont les moyens de télécommunication systématisent une société des loisirs20. Elle observe que la première personne du singulier est l’application favorite et la plus convaincante de ces systèmes :

  • 21 Martha Rosler, « To Argue for a Video Representation. To Argue for a Video against the Mythology of (...)

« One of the basic forms of mass culture, including television, is the narrative especially the first person narrative. (Melodramas, situation comedies, soap operas and so on seem to me to embody a form of first-person narrative into their protagonists.) Narrative is a homey, manageable form of address, but its very virtue, the air of subjectivity and lived experience, is also its fault. The rootedness in the I, which is (predictably) the most seductive encoding of convincingness, suggests an absolute inability to transcend the consciousness of a single individual. And consciousness is the realm of ideology, so that the logic of the first-person narrative, in particular, suggests that there is no appeal from ideology, no metacritique »21.

  • 22 P. Phelan, Unmarked. The Politics of Performance, London-New York, Routledge, 1993, p. 2-5.

3420. Les artistes associant photographies et textes pour créer un récit, articulent la représentation de leur corps à un écrit descriptif superposé à celui d’une voix intérieure. Cette formule autorise les spectateurs à quitter leur rôle de témoin et à venir se projeter dans l’être qui parle et avance dans la narration. Dans Unmarked. The Politics of Peformance, Peggy Phelan analyse ce processus d’identification qui fait littéralement bondir dans la narration visuelle. S’appuyant sur la psychanalyse, elle soutient que pour connaître les enjeux du récit, le processus est tributaire du regard (« seeing as a way of knowing »). Arrivée au moment de confusion entre la réalité (soi) et la représentation (l’œuvre), Phelan se réfère à Judith Butler qui explique que la confusion entre la réalité et la représentation provient du fait que la réalité précède et à la fois suit sa représentation. Butler définit la représentation comme un moment de reproduction et de consolidation du réel. La représentation est lue comme [si elle était] du réel et le réel est lu comme [s’il était] une représentation, poursuit Phelan. Elle sait par ailleurs que pour arriver à ce mimétisme entre la représentation et le réel, l’artiste cherche des pronoms, invente des personnages, enregistre des conversations, examine les mots et les images d’autrui, afin que les spectateurs se projettent en toute confiance dans l’image22.

  • 23 Dorénavant présenté sous l’abréviation utilisée par Piper : MB.

3521. Au milieu des années soixante-dix, Adrian Piper réalise la série The Mythic Being : I Am the Locus. Constituée d’une suite de cinq images, présentées l’une à la suite de l’autre, comme les pages d’un livre, la suite séquentielle retrace le monologue intérieur d’un personnage pris dans une situation urbaine en évolution. Piper rehausse ses photographies noir et blanc aux tirages contrastés de stries au pastel blanc et noir et d’inscriptions. De la première à la dernière image, la prise de vue se rapproche du personnage jusqu’à l’isoler dans la foule. L’effet d’isolement est soutenu par les interventions au pastel. Le rapprochement des plans photographiques comme les rehauts de pastel simulent le déroulement du temps. Dans la première image, l’être annonce qu’il est le lieu de la conscience. Dans les trois séquences suivantes, il partage la sensation d’oppression que la foule anonyme et réelle autour de lui, lui procure. Il (le Mythic Being)/ elle (Adrian Piper) décrit les individus de cette foule comme des objets enrobés de surfaces humides, charnelles et pulsantes. Quelque chose d’absurde et comique prend place quand ce signalement matériel et organique prive « les autres » de toute forme de pensée, d’âme ou de conscience tandis que le Mythic Being vient d’insinuer qu’il les incarne23.

  • 24 A. Piper, « In Support of Meta-Art », Artforum, XII/2, octobre 1973, p. 79-81. Republié dans Out of (...)

36Cependant, dans un de ses textes critiques, « In Support of Meta Art », publié en 1973 dans le magazine Artforum, l’artiste et philosophe Adrian Piper argumente que l’artiste produit du méta-art lorsqu’elle/il se focalise sur elle/lui-même, lorsqu’elle/il s’observe en tant qu’objet pour décortiquer le processus impulsif de création et d’émergence de l’œuvre d’art24. La valeur d’objet varie donc : soit elle est attractive et indispensable à l’auto-analyse de l’artiste, soit elle est abrutissante et empêche le discernement ou la distinction.

  • 25 L’information documentaire reprise dans les livres d’art montre qu’il s’agit de la tenue de circons (...)
  • 26 Toutes les représentations du Mythic Being abordées ici sont visibles sur le site de la galerie Tho (...)

37Piper créé le personnage fictif du MB en 1972. C’est une transformation, un alter ego, mais aussi l’opposé de Piper qui le performe sous une perruque afro, affublée de moustaches postiches, de lunettes noires réflectives, d’un pull à col roulé et d’un pantalon noirs25. Il sort en rue, prend le métro, va au cinéma et au concert26.

  • 27 Si le MB est indiscutablement un caractère masculin, ses pensées révèlent un intérêt ouvert ou impl (...)
  • 28 A. Piper, « Preparatory Notes for the Mythic Being », p. 91-108 (rédigées en 1973 et 1974, non publ (...)

38A partir de 1973, chaque mois et pendant un an, Piper publie le portrait photographique du MB en buste dans la rubrique d’annonces publicitaires de l’hebdomadaire The Village Voice (elle paye l’insertion). De petites phrases écrites à la main s’échappent de sa bouche dans une bulle. De mois en mois le portrait reste identique, le contenu des phylactères varie en revanche à chaque fois. Ils se réfèrent à des extraits du « journal intime » d’Adrian Piper rédigé entre 1961 et 1972. Ces textes écrits à la première personne du singulier n’ont pas de prétention objective, se réfèrent à la vie d’une écolière impressionnée par ses camarades de classe, d’une jeune femme troublée par l’amour, l’amitié, la sexualité et d’une artiste en compétition avec son milieu. Associés au portrait du MB, ils créent une bizarrerie au niveau du genre. On voit l’image d’un être masculin qui pense et s’exprime au féminin27. Collision des perceptions et des comportements, conscience du regard d’autrui : « External consciousness of an object ; internal consciousness of « self ». External public behavior ; internal private mental events »28.

  • 29 Le mot sanskrit pourrait être traduit par « moyen de pensée ». Les mantras se répètent indéfiniment (...)

39Piper traite et utilise les extraits de son journal comme des mantras29. Elle les apprend par cœur et les répète lorsqu’elle performe le MB dans les rues de New York. Les mantras la protègent de manière multiple. D’une part, ils deviennent une protection mentale : en récitant l’histoire d’Adrian, Piper s’empêche de se confondre avec le MB. Ensuite, ils protègent le MB. La récitation ininterrompue du mantra du jour bloque les pensées ou les désirs éventuels du MB (désirs et pensées suscités par le contact avec le monde extérieur). D’autre part, les mantras protègent le couple Piper/MB du public. Ce dernier reste à une certaine distance du MB lorsqu’il l’entend tenir un discours incohérent et/ou incompréhensible.

  • 30 I. Rogoff, « Gossip as Testimony. A postmodern signature », in A. Jones (éd.), The Feminism and Vis (...)

4022. Finalement et en conclusion à ces ramifications multiformes de l’intime et de ses ingrédients (sexualité, regard, confusion, anonymat, symptôme), il importe de revenir sur la notion de l’anecdote et de la rumeur, évidemment soutenues par l’exposition et la circulation des journaux intimes. Irit Rogoff définit la rumeur comme une signature postmoderne, une espèce de parasite, d’excès, d’abondance, qui nous invite à participer à un événement (une représentation) sans même posséder de carte de membre30. D’un point de vue anthropologique, la rumeur est appréhendée comme le discours des « autres » ; qui reste de l’ordre de l’improbable et qu’on s’est empressé de connoter (si pas stigmatiser) de féminin. Rogoff estime néanmoins, qu’au vu de la vaste entreprise actuelle de relocalisation des savoirs, la rumeur mérite d’être considérée sérieusement. Il n’y a pas de raison de chercher à la nettoyer de ses connotations alternatives pour l’adapter aux savoirs académiques classiques. Sa richesse épistémologique provient précisément de ses informations subjectives, exprimant les plaisirs voyeuristes, les désirs, les frustrations et les savoirs anecdotiques. Mais surtout, constate Rogoff, dès que la rumeur est considérée à bon escient, elle permet de questionner ce que cela signifie de posséder des évidences sur les pratiques sexuelles d’autrui. Ce qui nous confronte, en fin de compte, à l’évidence qu’il n’est pas possible d’entamer un savoir des pratiques sexuelles sans recourir aux structures de projection fantasmagoriques.

Haut de page

Notes

1 A. Jardine, « Notes for an Analysis », in S. Kemp et J. Squires (éd.), Feminisms, Oxford – New York, Oxford University Press, 1997, p. 78-85.

2 Ceci est une présentation généralisante et le contraire peut également être induit, par exemple en considérant les vidéos et photographies que Lynda Benglis réalise au début des années soixante-dix, et qui intègrent pour la plupart les codes du simulacre.

3 Les deux représentations que je décris sont visibles sur la toile (voir plus loin).

4 Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », in A. Jones (éd.), The Feminism and Visual Culture Reader, London-New York, Routledge, 2003, p. 44-53. La suite du paragraphe paraphrase Mulvey dans le même texte.

5 Griselda Pollock, Vision and Difference. Feminity, feminism and histories of art, London-New York, Routledge, 1988.

6 L’intimisme se déploie dans chacun de ces styles.

7 Lisa Tickner, « Féminisme et histoire de l’art : une affaire à suivre », in Féminisme, art et histoire de l’art, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 1997, p. 48.

8 Laura Mulvey oppose le cinéma « normal » au cinéma d’art qui se développe à toute allure avec l’introduction commerciale des caméras et films 16 mm qui offrent de nouvelles possibilités de production. Nous étendons son entendu normal à la pensée dominante d’hétéronormal.

9 Mulvey décortique le regard et démontre que les femmes apprennent à regarder comme les hommes.

10 Rappelons que la production des œuvres à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix précède la circulation des théories.

11 L’anthropologue et historienne de l’art féministe américaine Laura Cottingham fait pertinemment remarquer qu’au début des années soixante-dix, les modes et mœurs subversifs circulent plus rapidement à travers l’usage des drogues et l’écoute de musiques qu’à travers les textes théoriques. Considérer l’usage des drogues illégales dans les pratiques artistiques de l’intime ou de leur contemplation changerait l’histoire de l’art telle que nous la pratiquons dans les universités, les musées, les galeries et les magazines. Sans oublier l’assistance des anesthésiants, stimulants, euphorisants, antidépresseurs sur les corps physiques et psychiques. Voir l’approche de Camille Delon dans ce volume.

12 M. Hobbs Thompson, « Agreeable Objects and Angry Paintings. « Female Imagery » in Art by Hanah Wilke and Louise Fishman, 1970-1973 », Genders, 43, 2006. Texte intégral hébergé sur le site http://www.genders.org/g43/g43_margothompson.html#8.

13 Plusieurs sites hébergent cette vidéo. Benglis la produit au Hunter College, à une époque où elle vit et travaille à Los Angeles et New York.

14 Le film Kiss (1963) de Warhol (16 mm, noir et blanc) dure 54 minutes. C’est un montage de différents couples homo- ou hétérosexuels, filmés séparément, en gros plan, qui s’embrassent passionnément pendant trois minutes et demie. Warhol aurait tourné ce film en réaction aux baisers cinématographiques qui ne dépassaient pas les trois secondes à l’époque.

15 R. Pincus-Witten, « Benglis’ Video : Medium to Media », in Physical and Psychological Moments in Time. A first retrospective of the video work of Lynda Benglis, Fine Arts Center Gallery, Suny College at Onteonta. January-February 1975, n.p.

16 La critique française se réfère à la déclaration de Monique Wittig qui, contrairement à toutes les démarches entreprises par les féministes dans le courant des années soixante-dix, affirme en 1979, ne pas être une femme, puisque ce nom est synonyme de dépendance et soumission. « Lynda Benglis brought an element of response in her 1974 video « Female Sensibility », presenting a coded scenography, involving heavy make-up, gestures and gazes towards the camera, of a lesbian relationship destined to satisfy… And therefore, it is specifically destined not to satisfy the male gaze, disappointed because its incorporation in the image is (too) obviously revealed ». E. Lebovici, « Lynda Benglis, All That Matters…», in F. Gautherot, C. Hancock, S. Kim (éd.), Lynda Benglis, Dijon, les Presses du réel, 2009, p. 84.

17 D’après R. Pincus Witten, « Reviews », Artforum, XIII/5, janvier 1975, p. 60. Pincus Witten ne cite pas Martha Rosler en exemple, mais John Baldessari avec qui Rosler collabore à l’époque.

18 L. Cottingham, « The Inadequacy of Seeing and Believing : The Art of Martha Rosler », in M. C. De Zegher (éd.), Inside the Visible. An Elliptical Traverse of 20th Century Art. In, Of, and From the Feminine, London-Cambridge (Ma.), MIT Press, 1996, p. 159.

19 Notions de neutralité scientifique remises en question et régulièrement contestées par les féministes.

20 L’analyse de la société des loisirs entreprise par Martha Rosler est une analyse de la société capitaliste. Sans vouloir le développer plus ici, l’étude de l’intime s’articule comme un autre symptôme de cette même société.

21 Martha Rosler, « To Argue for a Video Representation. To Argue for a Video against the Mythology of Everyday Life », extrait d’un pamphlet accompagnant son exposition New American Filmmakers : Martha Rosler au Whitney Museum of American Art, 1977. Citée dans P. Osborne (éd.), Conceptual Art, London-New York, Phaïdon, 2002, p. 264.

22 P. Phelan, Unmarked. The Politics of Performance, London-New York, Routledge, 1993, p. 2-5.

23 Dorénavant présenté sous l’abréviation utilisée par Piper : MB.

24 A. Piper, « In Support of Meta-Art », Artforum, XII/2, octobre 1973, p. 79-81. Republié dans Out of Order, Out of Sight. Volume II. Selected Writings in Art Criticism, 1967-1972, Cambridge (Mass.)-London, The MIT Press, 1996, p. 17-27.

25 L’information documentaire reprise dans les livres d’art montre qu’il s’agit de la tenue de circonstance pour les hommes de la scène conceptuelle new-yorkaise. Voir par exemple les portraits de Sol LeWitt, Lawrence Wiener, Joseph Kosuth, Douglas Huebler, Robert Barry. La tenue est également de mise sur la scène Pop et Rock de la Factory de Warhol/Reed. Le MB aux allures afro-américaines soutenues de Piper souligne plus l’inconcevabilité que l’étrangeté d’être artiste noir(e) et femme à l’époque.

26 Toutes les représentations du Mythic Being abordées ici sont visibles sur le site de la galerie Thomas Erben : http://www.thomaserben.com/artists/piper/vv_ads.html

27 Si le MB est indiscutablement un caractère masculin, ses pensées révèlent un intérêt ouvert ou implicite, anxieux et émotionnel pour les garçons (annonces 1, 3, 5, 12 et 14), ou pour son régime alimentaire (annonces 4 et 11). En 1973, il ne pouvait y avoir de doute, ces pensées étaient des clichés d’un processus mental féminin. Voir C. Smith, « Re-member the Audience : Adrian Piper’s Mythic Being Advertisements », Art Journal, 66/1, Spring 2007, p. 55.

28 A. Piper, « Preparatory Notes for the Mythic Being », p. 91-108 (rédigées en 1973 et 1974, non publiées), Out of Order, op. cit., p. 101-102.

29 Le mot sanskrit pourrait être traduit par « moyen de pensée ». Les mantras se répètent indéfiniment jusqu’à ce que la personne qui les récite perçoive une métamorphose de la réalité. Selon le Petit Robert (2003), le mantra est « une formule du brahmanisme, une émanation du principe divin ».

30 I. Rogoff, « Gossip as Testimony. A postmodern signature », in A. Jones (éd.), The Feminism and Visual Culture Reader, op. cit., p. 268.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Sophie Langohr, « Sans titre », photographie, 30 x 40 cm, 2006.
Crédits © Sophie Langohr
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/3350/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 48k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Véronique Danneels, « Similaires simulées. Exit les regards à la dérobée. Une approche des pratiques transformatives socio-artistiques »Sextant, 29 | 2012, 88-100.

Référence électronique

Véronique Danneels, « Similaires simulées. Exit les regards à la dérobée. Une approche des pratiques transformatives socio-artistiques »Sextant [En ligne], 29 | 2012, mis en ligne le 31 janvier 2012, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/3350 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.3350

Haut de page

Auteur

Véronique Danneels

Véronique Danneels est historienne de l’art de l’Université de Liège, diplômée des Vrouwenstudies de l’Université d’Anvers. Elle est actuellement doctorante à la Vrije Universiteit Brussel.

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search