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Partie III – Constitution de réseaux queer internationaux

L’émancipation de Colette Willy vue par Antonio de Hoyos y Vinent

The emancipation of Colette Willy as seen by Antonio de Hoyos y Vinent
Flavie Fouchard et Esperanza Hernández Torres

Résumés

En 1910, au début de sa carrière littéraire, le marquis de Hoyos y Vinent choisit de traduire six textes brefs des Vrilles de la Vigne (1908) de Colette Willy pour l’hebdomadaire El Cuento Semanal. Le recueil qui permet à Colette de poursuivre son émancipation de Willy est alors encore inédit en Espagne où l’auteure est pourtant connue, grâce à son mari, aux Claudine, à ses activités de mime et d’actrice ainsi qu’au scandale du Moulin Rouge. Elle incarne, à Paris comme à Madrid, la « Femme moderne » par excellence à un moment où Hoyos y Vinent décide d’incarner le rôle de l’écrivain dandy, à l’homosexualité ouvertement vécue. C’est sa première traduction - il n’en réalisera par ailleurs que trois et fait donc œuvre de « traducteur occasionnel », ce qui nous amène à nous interroger sur la place de cette traduction au sein de sa production. Nous proposons l’hypothèse qu’elle lui permet de revendiquer une posture dissidente sur la scène littéraire, sociale et sexuelle contemporaine grâce à la célébrité de Colette Willy. Pour tenter de le démontrer, nous inscrivons les débuts d’Hoyos y Vinent dans son contexte littéraire ; nous nous penchons ensuite sur la présence médiatique de Colette en Espagne à l’époque de la traduction. Ainsi, nous comparons les trajectoires des deux auteurs et pouvons mettre la traduction et ses paratextes en perspective.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 B. Sáez Martínez, « Vida y literatura a contrapelo : Antonio de Hoyos y Vinent, un dandi decadente  (...)
  • 2 Ibid., p. 143. Évelyne Ricci signale deux emprunts à Lorrain : l’Héliogabale du Vice errant donne s (...)
  • 3 Dans les années 1930, il fait le choix de l’anarchisme et meurt dans les prisons franquistes.
  • 4 B. Sáez Martínez, op. cit., p. 145.

1En 1910, au début de sa carrière littéraire, le marquis de Hoyos y Vinent choisit de traduire six textes brefs des Vrilles de la vigne (1908) de Colette Willy pour l’hebdomadaire El Cuento Semanal. Le recueil qui permet à Colette de poursuivre son émancipation de Willy est alors encore inédit en Espagne, où l’auteure est pourtant connue. Elle incarne, à Paris comme à Madrid, la « femme moderne » par excellence à un moment où Hoyos y Vinent décide d’incarner le rôle de l’écrivain dandy, à l’homosexualité ouvertement vécue. Nommé « l’homme spectacle » par Begoña Sáez Martínez1, le marquis Antonio de Hoyos y Vinent (1884-1940) se caractérise par la multiplicité des masques qu’il a endossés au cours de sa vie et de sa carrière littéraire ainsi que par son inscription dans le courant moderniste espagnol des premières décennies du XXe siècle. Il a longtemps été considéré par la critique, contemporaine et postérieure, comme un épigone sans originalité d’Oscar Wilde et des principaux représentants du courant symboliste et décadent français, notamment Baudelaire, Huysmans et, plus particulièrement, Rachilde et Jean Lorrain, à qui il a souvent été comparé2. Par ailleurs, son homosexualité clairement affichée puis son engagement anarchiste dans les années 19303 ont influencé négativement la réception de son œuvre. Les critiques portaient sur une vie considérée généralement comme artificielle et inauthentique et, en dernière instance, étrangère à l’idiosyncrasie espagnole de l’époque4. Pour tout un secteur conservateur, les représentants et les manifestations de la décadence et du dandysme en Espagne étaient ressentis comme des produits dérivés et frelatés d’un mouvement spécifiquement français et surtout parisien.

  • 5 B. Sáez Martínez, Las sombras del modernismo, Valence, Diputación de Valencia, 2004, p. 306-307.
  • 6 M. Comellas Aguirrezábal, « El novecentismo como encrucijada Antonio de Hoyos y Vinent », Philologi (...)
  • 7 A. Mira, « Modernistas, dandis y pederastas articulaciones de la homosexualidad en la edad de plata (...)

2Or, pour cet aristocrate qui lisait dans le texte les œuvres des auteurs du Mercure de France, qui ne seraient pas traduites, pour la plupart, avant les années 19105, il s’agissait bien de franchir les frontières de l’aristocratie madrilène et de défier l’esprit bourgeois en pleine expansion, grâce à l’adoption d’une esthétique et d’un esprit européens. À ce titre, sur le plan littéraire, Mercedes Comellas propose de comprendre le décadentisme en Espagne comme l’une des manifestations d’un système « large » qui dépasse le champ restreint du décadentisme français et de comprendre l’hybridité de l’œuvre d’Hoyos y Vinent dans cette perspective6. Alberto Mira signale qu’en Espagne, au début du XXe siècle, les différentes identités homosexuelles accessibles pour les hommes se réduisaient pratiquement au dandysme et étaient liées à l’esthétique moderniste, ce qui les ancrait également dans un contexte résolument européen7.

3C’est dans ce cadre que nous voudrions analyser la traduction par Hoyos y Vinent de certains textes brefs des Vrilles de la vigne de Colette, publiée dans le numéro 185 de l’hebdomadaire El Cuento Semanal en 1910, date à laquelle il commence à jouir, tout comme Colette, d’un certain succès en littérature, grâce, en ce qui le concerne, à un changement d’esthétique. Colette, quant à elle, plus connue alors sous le nom de Colette Willy, est très présente dans la presse espagnole sous ses différentes facettes : épouse de Willy, mime, comédienne, auteure reconnue de la série des Claudine puis d’œuvres qu’elle commence à signer seule. Mais surtout, une aura de scandale l’entoure alors qu’elle achève de prendre son indépendance de Willy. 1910 est l’année où elle publie son premier roman sans lui, La Vagabonde, mais aussi l’année de son divorce. Lors de cette année qui marque un tournant pour l’auteure, nous pensons que son image fournit à Hoyos y Vinent une manière de revendiquer une posture dissidente sur la scène littéraire, sociale et sexuelle contemporaine grâce à un processus d’échange de capitaux de célébrité.

  • 8 J. Zapata, « ¿Podemos hablar de una postura del traductor ? », Tropelias : Revista de teoría de la (...)

4En effet, selon lui et nombre de contemporains, Colette incarne « l’âme moderne » – ce terme possédant, selon les points de vue, des connotations négatives ou positives. D’autre part, Hoyos y Vinent n’est l’auteur que de trois traductions. Nous pensons donc qu’il fait œuvre de « traducteur occasionnel »8 et que nous devons alors nous demander pourquoi il choisit de s’initier à cet exercice avec cette œuvre de Colette. Pour tenter d’apporter des réponses à cette question, nous dresserons tout d’abord un bref panorama du contexte littéraire dans lequel il évolue ; nous nous pencherons ensuite sur les débuts de sa carrière puis sur la figure de Colette en Espagne pour étudier la traduction dans son ensemble (titre, textes, paratextes).

El Cuento Semanal et le boom de la littérature érotique

  • 9 J. Ll. Gómez Mompart, « ¿Existió en España prensa de masas ? La prensa en torno a 1900 », in J. T. (...)
  • 10 C. Pujante Segura, « Relatos breves publicados en revistas, otras mediaciones literarias entre Espa (...)
  • 11 A. Sánchez Álvarez-Insúa, « Literary collections », in J. Zamostny et S. Larson (éds), Kiosk Litera (...)
  • 12 Et n’appartenant pas à la culture avec un C majuscule. Maite Zubiaurre cite Jo Labanyi dans Cultura (...)
  • 13 M. Zubiaurre, ibid., p. 345.
  • 14 A. Sánchez Álvarez-Insúa, op. cit., p. 40.

5À partir des années 1907-1908, la presse espagnole connaît un rapide développement sous l’influence des modèles anglais et français9 : les journaux et les revues trouvent un public plus large et plus varié en diversifiant leurs stratégies et l’offre se multiplie10 : la résurgence des genres narratifs brefs contribue en effet à faire de la littérature l’un des divertissements les plus économiques du marché11. Par ailleurs, les illustrations, la publicité mais aussi le recours généralisé à l’érotisme dans des revues et des recueils de nouvelles considérés par la critique comme « populaires »12 mettent en concurrence de nombreux supports. Évoluant en dehors des circuits institutionnels, ils offrent la possibilité de créer un espace de liberté pour l’expression des idées modernistes au sein d’une « Espagne répressive et archaïque »13. Alberto Sánchez Álvarez-Insúa explique que cette « littérature de kiosque », notamment après l’apparition du Cuento Semanal, revue dans laquelle Hoyos y Vinent publie sa traduction, se constitue en « champ de bataille social et politique » où représenter des pratiques échappant à l’hétéronormativité courante14.

  • 15 263 numéros jusque 1912.
  • 16 M. Bouche, « Historia de la revista », in B. Mangien (dir.), Ideología y texto en “El Cuento Semana (...)
  • 17 J. Zamostny, « Tórtola Valencia and Antonio de Hoyos y Vinent : Celebrity and Self-Plagiarism », ML (...)

6En 1907, Eduardo Zamacois, premier directeur de la revue qui a résidé à Paris, crée cet hebdomadaire15 qui donne naissance à un format neuf basé sur des formules éprouvées au XIXe siècle, particulièrement en France. Il maintient son intérêt pour la nouvelle légère et érotique, déjà manifeste dans la ligne éditoriale de son hebdomadaire précédent, Vida Galante (1898-1902). Des auteurs inconnus et d’autres de grand renom, tant espagnols qu’étrangers (souvent rattachés à l’esthétique décadente dans ce cas), s’y côtoient. Il parie également sur l’attraction qu’exerce la culture parisienne en Espagne en insérant des publicités de produits français, des nouvelles de la capitale française ou des articles sur le théâtre et sa vie culturelle16. Le public visé est le lecteur raffiné qui appréciera un hebdomadaire au papier soigné, extrêmement riche en illustrations souvent réalisées par de nombreux artistes reconnus. La revue connaît également un succès conséquent auprès d’un public plus large, notamment grâce à son prix abordable. Cette publication est assez représentative de l’effervescence culturelle et des contrastes du premier tiers du XXe siècle en Espagne. Elle montre « the complex interplay of publicity, celebrity, genre, and aesthetics often to be found in the kiosk novel collections of Silver Age Spain »17. C’est dans ce contexte qu’Antonio de Hoyos y Vinent publie sa première traduction.

Antonio de Hoyos y Vinent, le marquis homosexuel

  • 18 A. Mira, De Sodoma a Chueca, Madrid, Egales, 2012.

7Antonio de Hoyos y Vinent est considéré actuellement comme le précurseur oublié d’une tradition littéraire homosexuelle en Espagne ; or, son homosexualité, connue de tous, ne constitue pas un modèle pour d’autres écrivains espagnols, à la différence de Wilde, Gide, Proust ou encore Genet, notamment en raison du silence qu’ont fait peser sur sa figure la dictature et la critique littéraire dénigrant sa production18.

  • 19 M. C. Alfonso García, Antonio de Hoyos y Vinent, una figura del decadentismo hispánico, Oviedo, Dep (...)
  • 20 Illustré par le sculpteur Julio Antonio (1889-1919) en 1919.
  • 21 P. Cardon et N. G. Albert, Akadémos, Lille, GayKitschCamp, 2022, p. 955.
  • 22 A. Mira, op. cit., p. 70.
  • 23 M. C. Alfonso García, « Decadentismo, dandismo, imagen pública : De cómo y por qué Antonio de Hoyos (...)

8Né en 1884, il est issu d’une famille de Grands d’Espagne et reçoit une éducation cosmopolite à Vienne puis à Oxford et Madrid. Il débute en littérature avec des romans ancrés dans la tradition littéraire du naturalisme et particulièrement dans la satire du monde aristocratique19. C’est seulement à partir de sa publication de Los Emigrantes (« Les Émigrants ») en 1909 qu’il opère sa transition vers l’érotisme et la décadence, lignes qui seront sa marque de fabrique et qu’il confirmera définitivement à partir de la publication, en 1910, du recueil de contes Del huerto del pecado (« Du jardin du péché »)20, dans lequel le décadentisme apparaît comme l’unique option vitale. Dans Los Emigrantes, dont Charles Barthez fait le compte-rendu dans le numéro d’Akademos de juillet 190921, Hoyos y Vinent utilise le personnage secondaire de Julio Calabrés, créé en 1905 dans son roman Frivolidad et qui lui servira d’alter ego jusqu’en 1931 pour mettre en scène son personnage public, pour faire allusion à l’homosexualité. Car, si Hoyos y Vinent vit ouvertement son homosexualité, le thème apparaît souvent de manière voilée dans ses textes22. Dans Los Emigrantes, Julio Calabrés montre, comme l’auteur, une attirance particulière pour les bas-fonds et ceux qui les fréquentent. Il affiche également une certaine indifférence pour le sexe féminin, ce qui suggère, surtout à la fin, qu’il pourrait être homosexuel23.

  • 24 A. Mira, op. cit., p. 10.
  • 25 Ibid., p. 147.

9Sa traduction de Colette intervient donc au moment où il endosse son rôle de marquis encanaillé. Fortement influencé par la littérature finiséculaire européenne, il transpose cette posture esthétique et vitale dans le contexte de la publication populaire qui lui offre une certaine marge de liberté et il cherche à incarner la figure de proue du décadentisme littéraire dans son pays24. Il jouira d’un succès remarquable jusque dans les années 1920-1925 grâce à son écriture sensationnaliste et aux thématiques qu’il aborde, qui peuvent « mener le lecteur vers des recoins ignorés de la réalité »25.

  • 26 J. Zamostny, op. cit., p. 299.
  • 27 A. Mira, op. cit.
  • 28 F. Vázquez García et R. Cleminson, “Los Invisibles” una historia de la homosexualidad masculina en (...)
  • 29 A. Mira, op. cit.
  • 30 Parmi ces compagnons, nous trouvons par exemple l’actrice Tortola Valencia et José Zamora (Pepe o P (...)

10Par ailleurs, le public ne peut ignorer son homosexualité, revendiquée ostensiblement sur la scène publique et littéraire26. Comme ces homosexuels et homosexuelles de la Belle Époque que Colette dépeint rétrospectivement dans Le Pur et l’Impur (1932), il franchit volontiers les barrières de classe sociale et passe des salons les plus en vue de la capitale madrilène aux cafés et aux bouges27, et le fait savoir. Il trouve dans ces lieux des compagnons d’un soir, souvent issus du milieu ouvrier, avec lesquels il peut librement, mais non sans risques, entretenir des rapports sexuels28. Il y recherche également l’inspiration pour ses personnages : danseuses, boxeurs, prostituées, petites frappes, compagnons des marges à qui il s’identifie29, envers et contre son statut d’aristocrate30. Les commérages sur ses mésaventures dans ces milieux défrayent parfois la chronique littéraire et mondaine.

  • 31 A. Mira, op. cit., p. 205.
  • 32 C. de Burgos (Colombine), El Veneno del arte, paru dans le numéro 57 de la revue Los Contemporáneos (...)

11Enfin, comme pour toute une génération, Paris exerce à ses yeux une forte fascination en raison de sa réputation de permissivité pour ceux qui cherchent à vivre différemment31. Nous savons qu’il y effectue plusieurs séjours, mais nous n’avons pas trouvé d’informations plus précises, sauf pour une allusion dans un roman à clé de la romancière Carmen de Burgos, qu’Hoyos y Vinent fréquente, dans lequel son avatar, de retour à Madrid, se lamente et regrette sa vie parisienne, et notamment ses visites de salons où il affirme avoir rencontré, entre autres figures décadentes, « Collete [sic] »32.

Colette en Espagne : le scandale du Moulin rouge avant l’écriture

  • 33 Nous trouvons de nombreuses occurrences de son nom : Collet, Colette, Collette ; ainsi que de celui (...)
  • 34 É. Ricci, conférence « La réception de Colette et de Rachilde en Espagne » lors de la troisième édi (...)
  • 35 J. Schuh, « La construction d’une image de presse », Lendemains, 44, 174/175, 2019, p. 80.

12En 1910, Colette Willy33 est connue dans les milieux littéraires et très présente dans la presse espagnole34, à la fois comme « icône médiatique » et comme « célébrité littéraire » de la Belle Époque parisienne35 : d’abord comme épouse de Willy, représentant de la vie de bohème parisienne ; puis, pendant sa séparation, elle devient, pour le public, actrice (avec toutes les connotations que cette profession possède à l’époque), mime et, enfin, auteure à part entière.

  • 36 A. Baras Escolá, « Madama Collet, Colette y Madame Colline », Anales de la literatura española cont (...)
  • 37 Ibid., p. 12. Notre traduction pour cette citation et toutes les autres, sauf mention contraire.
  • 38 É. Ricci, op. cit.
  • 39 A. Ena Bordonada, « Prólogo », in Ángeles Vicente, Zezé, Madrid, Lengua de Trapo, 2005, p. XIII.

13Les Claudine sont traduits sous le seul nom de Willy dès 1903 par Luis Ruiz Contreras, qui a acheté les droits à l’éditeur Ollendorf36 : « Comme en France, personne en Espagne n’a pu échapper à la mode de Claudine. »37 Toutefois, ce succès semble alors assuré par l’autorité masculine du roman dans un contexte encore très conservateur38. Nous pouvons penser que la participation de Colette est tout aussi peu secrète en Espagne qu’en France, mais seulement dans les milieux qui possèdent une connaissance de première main de la vie culturelle et mondaine parisienne. En effet, l’idéal victorien de l’« ange du foyer » est alors incontournable dans la société espagnole et même les nombreuses auteures qui revendiquent un rôle différent pour les femmes et qui sont elles-mêmes issues en grande partie de la bourgeoisie conservatrice peinent à le contourner39.

  • 40 Quatrième enfant du duc de Morny, frère utérin de Napoléon III. Elle a divorcé du marquis de Belbeu (...)

14Dans l’état de nos recherches, nous n’avons trouvé de mention explicite de la co-autorité de Colette dans les Claudine qu’à partir de 1907, au moment où éclate le scandale du Moulin rouge : Colette monte sur scène avec sa compagne, la marquise Mathilde de Morny, dite Missy40, pour jouer Rêves d’Égypte, une pantomime à la fin de laquelle les deux mimes, incarnant un homme et une femme, s’embrassent. Lors de la première représentation, le 3 janvier 1907, la famille de la marquise et leurs proches prennent violemment à partie les deux femmes et surtout Willy, présent dans la salle. En effet, celui-ci est encore marié à Colette, malgré leur séparation de fait, et sa présence est interprétée comme la preuve publique de sa complaisance envers les liaisons lesbiennes de sa femme. Le spectacle est interrompu puis interdit. Cette fois, Willy est allé trop loin. Colette, elle, réussira à exploiter l’affaire.

  • 41 « Escándalos Teatrales. La batalla de Moulin rouge », La Correspondencia de España, 5 janvier 1907, (...)
  • 42 J. J. Cadenas, « El escándalo de París. Colette, la Marquesa y Willy », El Heraldo de Madrid, 6 jan (...)
  • 43 J. J. Cadenas, « ABC en París. “Una repetition” », ABC, 10 novembre 1907 p. 3.
  • 44 « Diario de París. Entre bastidores », La Correspondencia de España, 13 mars 1909, p. 3.
  • 45 Á. Guerra, « Vida parisiense », La Ilustración artística, 29 mars 1909, p. 6.

15En Espagne, même si la scène finale du baiser est escamotée, le scandale est relayé dès le 5 janvier dans La Correspondencia de España (Madrid)41. Dans l’article de José Juan Cadenas publié dans El Heraldo de Madrid42 du 6 janvier 1907, les photographies à l’appui de l’article montrent ce que les journalistes taisent : que les deux femmes forment un couple dans la vie et sur la scène. Presque un an après, José Juan Cadenas, dans le quotidien ABC43, appelle Missy la « compañera inseparable » (l’« inséparable compagne ») de Colette. En 1909, nous trouvons encore des traces de cet incident dans un article de La Correspondencia de España44, où Missy figure comme un modèle de provocation et de perversion, puis dans un article de La Ilustración artística45, où Missy est encore qualifiée d’« excentrica y pervertida » (« excentrique et pervertie ») par Ángel Guerra.

  • 46 Le roman Camino de perfección (1902) de Pio Baroja et la nouvelle « Carnestoltes » de Català (1905) (...)
  • 47 A. Ena Bordonada, op. cit., p. XXXVIII.
  • 48 Ibid., p. XLVIII. Itziar Rodríguez signale que, dans les romans érotiques du premier tiers du XXe s (...)

16À cette époque, les liaisons lesbiennes n’envahissent pas les lettres espagnoles : le premier roman considéré comme lesbien, écrit par une femme, Ángeles Vicente, et qui aborde le sujet de la sexualité féminine sans tabou, à travers l’initiation à la sexualité d’une jeune fille par l’une de ses camarades de classe, n’est publié qu’en 1909. Avant ce texte, peu d’auteurs « sérieux » ont abordé l’amour entre femmes46. Ceux de la vague érotique le traitent plutôt depuis la perspective qui nous semble être, en partie, celle d’Hoyos y Vinent et s’inscrire dans la lignée de Baudelaire : la figure du couple lesbien leur permet de mettre en scène leur recherche de « l’exotisme, la transgression, la provocation antibourgeoise »47. Quant aux auteures, Ena Bordonada affirme que les écrivaines espagnoles auraient été incapables de vivre leur lesbianisme en Espagne de la même manière qu’à Paris48.

  • 49 Il serait intéressant d’analyser les raisons de ce rejet en le contextualisant plus précisément.
  • 50 Voir à ce sujet l’article qu’il publie en 1911 dans le nº 29 de Prometeo. F. Fouchard, « Colette vu (...)
  • 51 R. Gómez de la Serna, « El concepto de la nueva literatura », Prometeo, 6, 1909.

17En tant qu’étrangère, Colette est relativement épargnée par la presse espagnole, c’est surtout sur Missy que tombe le poids de la condamnation49. Est-ce grâce à sa condition d’auteure dont le talent commence à être reconnu en France ainsi qu’en Espagne que Colette bénéficie de l’indulgence des journalistes ? Sûrement dans une certaine mesure. En 1909, Ramón Gómez de la Serna en fait l’une des représentantes de la « nouvelle littérature », à laquelle aspirent les écrivains de sa génération, dont Hoyos y Vinent, qui collabore à sa revue Prometeo. Ramón Gómez de la Serna vit un temps à Paris ; il connaît les cercles décadents et admire Colette sur scène50. Sa revue joue le rôle d’intermédiaire avec le Mercure de France, qu’il compare dans un article contemporain à Akademos. Pour lui, ces deux publications rejoignent « leurs chimères et leurs révoltes » en réunissant des textes marqués, entre autres, par l’« impératif charnel »51 qui constitue l’une des principales forces émancipatrices de leurs écrits. Caractéristique que nous retrouvons dans la figure de Colette qu’Hoyos y Vinent modèle dans sa traduction d’extraits des Vrilles de la vigne.

Mi alma era cautiva… Confesiones de Colette Willy

  • 52 La mention de la « version directe » apparaît sous la signature de Colette.
  • 53 « Les Vrilles de la vigne » a été publié dans Le Mercure musical du 15 mai 1905.
  • 54 C. Sadoun-Édouard, Le Roman de La Vie parisienne : presse, genre, littérature et mondanité (1863-19 (...)

18En 1910, Hoyos y Vinent publie dans le numéro 185 du Cuento Semanal (15 juillet) une « versión directa del francés » (« version directe du français »)52 de six textes brefs tirés des Vrilles de la vigne, édité en volume en France pour la première fois en 1908 et encore inédit à l’époque en Espagne. Cette première édition rassemble dix-huit récits qui ont été publiés dans différentes revues entre 1905 et 1908, notamment dans La Vie parisienne où cinq des six textes traduits53 ont paru et qui constitue un « lieu essentiel pour l’émancipation littéraire de Colette : elle lui permet de gagner sa vie (au moment où Willy l’a dépossédée de tous ses droits sur les Claudine), de se mettre en scène comme femme et auteure et de se faire connaître au public »54. De plus, à peine un mois après le prononcé du divorce, le 21 juin 1910, Hoyos y Vinent n’utilise pas le titre du recueil de Colette mais en crée un adhoc, accompagné d’un sous-titre : « Mi alma era cautiva... Confesiones de Colette Willy » (« Mon âme était captive... Confessions de Colette Willy ») et oriente le lecteur vers une réception particulière : celle d’un discours autobiographique qui met en scène la libération d’une Colette vivant ostensiblement sans son mari, gagnant sa vie sur scène et partageant son intimité avec une femme. S’il semble se laisser prendre au piège de l’autobiographie féminine que dénonce plus tard Colette dans La Naissance du jour (1928), le fait de traduire une parole minoritaire dans le champ littéraire peut également être interprété comme une stratégie de subversion. Ce que montrent, à notre sens, l’ensemble des paratextes, textes et choix de traduction effectués par le traducteur.

Le paratexte

  • 55 C’est une pratique éditoriale constante dans la revue.

19Deux textes constituent le paratexte disséminé sur deux numéros de la revue : l’un joue le rôle d’annonce publicitaire dans le numéro qui précède (nº 184, 8 juillet 1910)55, l’autre est intitulé « Elogio » (« Éloge ») et paraît dans le numéro 185, où il joue le rôle de préface du traducteur. Les deux textes sont signés Hoyos y Vinent.

20Dans le premier texte, qui occupe une pleine page, sur deux colonnes, Hoyos y Vinent, fasciné par la littérature de Colette, retrace sa carrière depuis les Claudine, « acontecimiento sensacional de la literatura » (« événement sensationnel de la littérature »), et revient sur le dévoilement du secret de la collaboration de Colette avec Willy. Il présente ensuite La Retraite sentimentale comme un exemple de littérature exquise qui marque une rupture avec les anciennes écoles littéraires. Il exalte la figure de la Colette des Vrilles de la vigne et signale son importance au niveau européen. Il termine en rappelant fort à propos la carrière d’actrice mais surtout de mime de Colette, car des photographies de ces activités illustreront la traduction.

  • 56 A. Ena Bordonada, op. cit., p. XXXVI.
  • 57 Voir l’article d’A. Baras Escolá déjà cité.
  • 58 Víctor Cansino Arán cite Claudina Regnier dans « Renglones de una excéntrica : Correspondencia de C (...)

21Dans le deuxième texte, le traducteur insiste sur l’influence qu’a exercée sur lui l’écriture de Colette. Hoyos est sensible à l’intimisme de l’écriture d’une femme qui s’inscrit dans le goût synesthésiste du modernisme espagnol56. Il montre par ailleurs une admiration folle pour cette Claudine qui a envahi les lettres espagnoles. Il est vrai que ce personnage a été à l’origine de nombreux jeux intertextuels57 et même d’une supercherie littéraire d’Alvaro Retana, lui aussi auteur de littérature légère et contemporain d’Hoyos y Vinent. En 1911, il crée de toutes pièces l’écrivaine Claudina Regnier pour assumer l’autorité de certains de ses textes journalistiques qui visent à attaquer la morale bourgeoise. Dans sa lettre de présentation, Claudina Regnier parle à la première personne dans un pastiche de l’incipit de Claudine à l’école58.

  • 59 V. Cansino Arán, ibid., p. 76.
  • 60 J. Zapata, op. cit., p. 96.
  • 61 Traduction personnelle de ce fragment tiré d’Elogio, le texte rédigé par Hoyos y Vinent pour introd (...)

22Contrairement à Retana qui monte une imposture littéraire retentissante grâce à un pseudonyme reconnu pour ses résonances irrévérencieuses, Hoyos y Vinent choisit la créature de chair et d’os en la personne de Colette et non la créature de papier, le mythe qu’elle a créé avec Willy. Retana fait écrire à une jeune fille, Claudina Regnier, ce qu’elle ne peut doxalement pas dire : en Espagne, à cette époque, une jeune fille ne peut tenir les propos anti-bourgeois que Retana lui prête, selon la morale et sa transposition en littérature, la vraisemblance59. Hoyos y Vinent, lui, fonde son attaque de l’esprit bourgeois sur la nouveauté du discours autobiographique féminin sur la scène littéraire espagnole. En faisant œuvre de « traducteur de littérature minoritaire »60, il attaque différemment l’ordre sexuel et symbolique en place. Il cherche à faire découvrir au lecteur une « âme » féminine en lui donnant à lire des textes écrits à la première personne par une femme : « Y esta alma compleja, camaleónica, hecha de risa y llanto, es la que asoma en las páginas encantadoras de los libros de Colette Willy. »61

Illustrations et photographies

  • 62 Agustín López, illustrateur espagnol (1878-1935).

23La couverture de la revue et les illustrations réalisées par Agustín62 rejoignent l’esthétique de la première édition du volume aux éditions de La Vie parisienne : le motif de la vigne court tout au long du numéro. La signature manuscrite du traducteur est reproduite juste après son texte d’introduction, « Elogio », comme dans les autres numéros de la revue où chaque auteur voit sa signature manuscrite reproduite. Celle de Colette, « Colette Willy », ne manque pas et figure après le dernier texte de la traduction, au-dessus d’un portrait photographique de l’auteure. Il permet de mettre en valeur son autorité, placée sur le même plan que celle du traducteur.

Figure 1 : Signature manuscrite et photographie de Colette Willy sur la dernière page de la traduction « Mi alma era cautiva » dans le numéro 185 de El Cuento Semanal

Figure 1 : Signature manuscrite et photographie de Colette Willy sur la dernière page de la traduction « Mi alma era cautiva » dans le numéro 185 de El Cuento Semanal

Légende : sous la signature, on peut lire la mention « Version directe depuis le français Antonio de Hoyos y Vinent »

Source : Fundación Sierra Pambley ; « Colette liberó su alma » https://www.sierrapambley.org/​colette-libero-su-alma

  • 63 Voir sur ce point F. Fouchard, « Premiers éléments pour l’étude de la réception de Colette en Espag (...)
  • 64 Isabel Clúa décrit ce paradoxe de la célébrité des femmes évoluant dans le monde du spectacle au dé (...)

24D’autre part, certains clichés photographiques utilisés ont déjà été reproduits dans des revues parisiennes63 et sur des cartes postales. Ils montrent une Colette mime et célébrité. Sa représentation oscille entre deux pôles. Comme celle des actrices qui utilisent la photographie pour se forger une carrière et une indépendance financière64. Soit Colette adopte la passivité typique des poses lascives réclamées par le voyeurisme masculin – c’est le cas par exemple sur le cliché que nous avons reproduit ci-dessus et qui figure à la fin de « V Noche blanca » (« Nuit blanche ») et clôt la traduction –, soit elle se montre maître de son art de mime et de comédienne, en plein essor émancipateur : la photographie de couverture d’Henri Manuel la montre la tête haute (voir le cliché ci-dessous).

Figure 2 : Couverture du numéro 185 de El Cuento Semanal

Figure 2 : Couverture du numéro 185 de El Cuento Semanal

Légende : en bas à droite figure « Mi alma era cautiva » ; le portrait de Colette est réalisé par Henri Manuel

Source : Fundación Sierra Pambley ; « Colette liberó su alma » https://www.sierrapambley.org/​colette-libero-su-alma

25Grâce aux photographies, et comme dans Les Vrilles de la vigne, l’art de la scène est placé au cœur d’un récit de libération qu’Hoyos y Vinent renforce et réorganise grâce à quelques aspects de sa traduction qui nous semblent significatifs : le nouveau titre du « recueil », ses choix de textes, le nouveau pacte qu’il établit avec les lecteurs.

La traduction

  • 65 Elogio, op. cit. La « perversité » renvoie à l’anomalie que constitue l’homosexualité, recherchée p (...)

26Dans ses choix de traduction, Hoyos y Vinent nous semble fabriquer une nouvelle œuvre et s’approprier ses thèmes, notamment celui de la sensualité et de la « perversidad » (« perversité »)65, en référence aux liaisons saphiques qu’entretiennent Colette et Missy.

  • 66 Colette, Les Vrilles de la vigne, in Colette, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la (...)
  • 67 M. Mercier, « Notice des Vrilles de la vigne », in Colette, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibli (...)
  • 68 Ibid., p. 1537.
  • 69 Ibid., p. 1541.

27Dans Les Vrilles de la vigne, le conte liminaire homonyme introduit l’expression de la sensualité, mais aussi la revendication d’une libération par rapport à celle-ci : « Mais j’ai rompu, d’un sursaut effrayé, tous ces fils tors qui déjà tenaient à ma chair, et j’ai fui... »66 Or, cette libération n’est que partielle pour Colette puisque, selon l’idéal baudelairien, « toute rupture crée aussi et d’abord une solitude »67. Dans le recueil de 1908, c’est l’écriture, le « chant » qui permet à l’auteure de reprendre possession de cette solitude, au-delà de la présence rassurante de Missy qui intervient dans les deux textes suivants qui lui sont dédiés de manière transparente pour tout lecteur averti : « Nuit blanche » et « Jour gris » possèdent en exergue la dédicace « Pour M. »68 Par conséquent, la nouvelle qui clôt le recueil, « Printemps de la Riviera », donne à l’émancipation de Colette des accents qui dépassent clairement la simple découverte d’une volupté « autre » : « Du conte à la chronique, l’évolution des Vrilles de la vigne rend manifeste la conquête d’une discipline intérieure qui, d’une “liberté sans emploi” à un désarroi solitaire, puis d’une sorte de retraite loin du monde au monde retrouvé, accède à ce qui est déjà un art du regard. »69

  • 70 Hoyos y Vinent utilise le terme « atrio » pour désigner l’entrée dans le texte : patio intérieur à (...)
  • 71 M. Mercier, op. cit., p. 974.

28Dans la version d’Hoyos y Vinent, la liaison saphique domine, notamment en raison de l’ordre dans lequel il fait figurer les textes : « Atrio Los filamentos de la Vid » (« Les Vrilles de la vigne »70) ; « I Día gris » (« Jour gris ») ; « II Mi perro Toby habla » (« Mon chien Toby parle »), « III Mi amiga Valentina » (« Belles-de-jour ») ; « IV ¿De qué tendría uno aire? » (« De quoi est-ce qu’on a l’air ? ») ; « V Noche blanca » (« Nuit blanche »). Il commence naturellement par le texte liminaire mais insère ensuite « I Día gris » et donne le rôle de clôture de la sélection à « V Noche blanca ». Il efface alors les tensions entre désir, plaisir et mélancolie qui dominent dans l’agencement de 1908. Dans celui-ci, c’est « Jour gris » qui achève le diptyque du premier ensemble identifié par Michel Mercier : la narratrice y affirme, de nouveau, sa volonté de prendre ses distances avec la volupté, donnée cette fois par l’amie. Elle se tourne vers la reconquête du domaine de l’enfance face à un nouvel échec du plaisir à combler la solitude : « Non, non pas de caresses ! Tes mains magiciennes, et ton accablant regard, et ta bouche, qui dissout le souvenir d’autres bouches, seraient sans force aujourd’hui. Je regrette, aujourd’hui, quelqu’un qui me posséda avant tous, avant toi, avant que je fusse une femme. »71

  • 72 « Mi Perro Tobby habla », Mi alma era cautiva, op. cit.

29En inversant l’ordre des deux textes, Hoyos y Vinent fait triompher la volupté aux mains de la « fiel amiga »72 (« fidèle amie »). Le recueil traduit s’ouvre sur la méfiance envers la volupté, piège associé au mariage, et se termine par le triomphe d’un nouveau type de volupté qui évince les nuances maternelles du texte original :

  • 73 Colette, op. cit., p. 972.
  • 74 « Tu me donneras la volupté en penchant tout ton être sur moi, les yeux pleins d’anxiété, rechercha (...)

« Tu me donneras la volupté, penchée sur moi, les yeux pleins d’une anxiété maternelle, toi qui cherches, à travers ton amie passionnée, l’enfant que tu n’as pas eu… »73

« Me darás la voluptuosidad en una inclinación de todo tu ser sobre mí, tus ojos llenos de ansiedad, buscando en tu amiga apasionada una criatura quimérica y lejana... »74

  • 75 N. Capdevilla, « Prólogo », in E. Fortún, El pensionado de Santa Casilda, Séville, Editorial Renaci (...)

30Il allie chimère et anxiété pour représenter un amour saphique que les décadents considèrent comme incapable de satisfaire les partenaires, un amour « lointain » et irréel. Toutefois, en raison de sa position en clôture du recueil, il n’apparaît nullement comme une parenthèse à l’amour hétérosexuel ou encore comme l’apanage d’un célibat provisoire, traits constitutifs de ce type de liaison dans les récits et nouvelles de la littérature de « kiosque » orientée vers un public supposément masculin75.

31Insérés dans cette structure, les trois autres textes choisis par Hoyos y Vinent sont caractéristiques de la Colette Willy qui expose sa vie dans la presse et critique la société dont elle a été exclue lors de sa séparation : « II Mi perro Toby habla » (« Mon chien Toby parle »), « Mi amiga Valentina » (« Belles-de-jour ») et « ¿De qué tendría uno aire? » (« De quoi est-ce qu’on a l’air ? »).

  • 76 M. Mercier, op. cit., p. 1537.

32Dans le premier, Colette donne la parole aux animaux du personnage « Elle », que tous les lecteurs peuvent identifier, à l’époque, à Colette. Grâce à cette personnification, Colette « dénonce surtout les virils appétits de Willy, vain et vicieux collectionneur de conquêtes féminines – elle y revendique le droit d’exercer avec bonne conscience son nouveau métier, et celui de vivre comme elle l’entend, avec sa “sûre amie” : Missy »76. Dans la version d’Hoyos y Vinent, cette fidèle amie est présente sous le terme de « mi fiel amiga » (« ma fidèle amie »), qui apaise le personnage nommé « Ella/Elle ».

  • 77 Colette et A. Brunet, Mon Amie Valentine, Paris, Fayard, 2004, p. 8.
  • 78 Ibid., p. 8-10.

33Les deux autres textes font intervenir « Mon amie Valentine », personnage que Colette crée quelques mois après sa séparation de Willy77 et qu’elle réutilise fréquemment jusqu’à la Première Guerre mondiale comme repoussoir des idées bourgeoises qui font alors d’elle une déclassée78. Dans « Belles-de-jour » (« Mi amiga Valentina ») commence sa critique de l’inauthenticité des rapports hommes-femmes dans leur réalité de l’époque : les hommes forgent un idéal de la femme et de l’amour qu’elles ne peuvent incarner qu’au prix de transformations radicales qui les éloignent irrémédiablement de leurs compagnons, incapables d’avouer que c’est eux qui exigent de telles « tromperies ».

  • 79 Colette, op. cit., p. 1017.

34Dans « De quoi est-ce qu’on a l’air ? » (« ¿De qué tendría uno aire? »), Colette se moque du train de vie des bourgeoises qui imitent le rythme de vie des courtisanes tant admirées par leurs maris alors qu’elles doivent aussi, et contrairement à celles-ci, gérer leur maison, leurs enfants, leur mari et leur amant et le qu’en dira-t-on. Emprisonnées par les « devoirs » de cette vie, ces bourgeoises représentées par Valentine acquièrent la reconnaissance sociale en échange de leur acceptation des exigences imposées par leur milieu. La narratrice parle depuis les marges auxquelles la renvoient les personnages : au début de l’entretien, elle explique que la femme d’un conseiller municipal « ne [la] connaît plus, depuis qu’une séparation de corps et de biens [l]’a tant changée »79. Ensuite, c’est Valentine elle-même qui la juge libre d’agir comme elle l’entend.

  • 80 G. Sobejano, « Épater le bourgeois », in Forma literaria y sensibilidad social (Mateo Alemán, Galdó (...)
  • 81 A. Casas, op. cit., 2010.

35Ces deux textes servent à revendiquer ce que certains auteurs espagnols contemporains brandissent comme fer de lance de leur art et de leur manière de vivre : la volonté d’« épater le bourgeois »80. En 1913, Hoyos y Vinent publie un conte, Miss Decency, dans lequel il utilise le même ressort que Colette, poussé à l’extrême, en prenant pour personnage principal une Anglaise des plus puritaines pour montrer ce que son apparence lisse et « décente » cache de brutalité perverse. En effet, lors d’une excursion, elle finit par violer le guide en lui faisant subir tout un tas de sévices81. Si l’univers d’Hoyos y Vinent est apparemment plus violent que celui de Colette, la dénonciation de l’hypocrisie les rapproche.

Conclusion

  • 82 M. Mercier, op. cit., p. 1540.

36Pour conclure, nous pouvons dire que les éléments que nous avons analysés dans la traduction d’Hoyos y Vinent (paratextes, illustrations, titres, réagencement, sélection et nouveaux titres) construisent l’idée d’une marginalité partagée. Grâce à la fois au statut de Colette comme auteure et à sa figure publique, à sa liaison avouée avec Missy et à la manière dont elle construit sa situation « à l’écart de la société et de toute mondanité »82. Le fait de terminer par la traduction de « Nuit blanche » nous semble renforcer l’idéal décadent d’Hoyos y Vinent ainsi que son réagencement que nous comprenons comme une volonté d’imprimer une nouvelle logique au recueil. Les différentes narratrices ont été clairement unifiées et identifiées à Colette, dans un geste « autobiographique » assumé par le traducteur grâce à son nouveau titre. Ainsi, l’érotisme lesbien clôt le nouveau recueil sur l’étreinte entre deux femmes dont l’une n’est autre que l’auteure.

  • 83 J. Zamostny, op. cit., p. 302.
  • 84 S. Place, Las frecuentaciones de Mauricio (Costumbres de Londres), Madrid, Biblioteca Hispania, [19 (...)

37Nous avons également pu mettre en valeur une certaine proximité entre les deux auteurs : Hoyos y Vinent emploie, comme ses contemporains et comme le fait Colette, le roman à clé pour jouer la carte du brouillage des frontières entre sphère publique et privée et pour construire une célébrité marquée par le scandale, relayé par la presse83. Nous retrouvons chez Hoyos y Vinent un penchant pour les masques et les avatars ainsi que pour la mise en scène ostentatoire de sa vie privée, à des fins publicitaires et/ou identitaires. Cela le rapproche de la Colette qui émerge sur la scène publique à partir de la publication des Claudine et qui est bien connue du public lettré espagnol en 1910. Grâce à Colette et à certains de ses textes émancipateurs, le traducteur-écrivain adhère à une posture décalée, qui tisse un réseau invisible aux non-initiés et surtout dépasse les cadres littéraires et identitaires nationaux. Ses traductions postérieures confirmeront cette stratégie ainsi que son goût pour l’érotisme et le scandale84.

  • 85 Sa collaboration est annoncée sur les quatrièmes de couverture et la liste des contributeurs mais n (...)

38Finalement, l’étude de cette traduction nous permet de revenir sur les liens qu’a entretenus Colette avec les cercles décadents lors de son étape de formation. Et, même si nous n’avons pas réussi à éclaircir les circonstances qui ont amené Hoyos y Vinent à la connaître ou à la croiser ni celles de sa collaboration annoncée mais jamais matérialisée à Akademos85, nous pouvons affirmer que les réseaux franco-espagnols qui se construisent autour du décadentisme et du modernisme ouvrent des perspectives pour étudier la formation d’une certaine communauté queer européenne qui formule sa différence grâce à des sociabilités littéraires encore difficiles à mettre à jour ainsi qu’à la traduction.

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Bibliographie

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Notes

1 B. Sáez Martínez, « Vida y literatura a contrapelo : Antonio de Hoyos y Vinent, un dandi decadente », Revista Internacional d’Humanitats, 26, 2012, p. 137.

2 Ibid., p. 143. Évelyne Ricci signale deux emprunts à Lorrain : l’Héliogabale du Vice errant donne son nom au texte La Vejez de Heliogábalo (1912) ; la nouvelle d’Hoyos La Mandrágora (1909) emprunte son titre à La Mandragore (1899) ; E. Ricci, « Le vertige de la décadence : Antonio de Hoyos y Vinent face au mal », Hispanística XX, 22, 2005, p. 427.

3 Dans les années 1930, il fait le choix de l’anarchisme et meurt dans les prisons franquistes.

4 B. Sáez Martínez, op. cit., p. 145.

5 B. Sáez Martínez, Las sombras del modernismo, Valence, Diputación de Valencia, 2004, p. 306-307.

6 M. Comellas Aguirrezábal, « El novecentismo como encrucijada Antonio de Hoyos y Vinent », Philologia Hispalensis, 15/1, 2001, p. 80.

7 A. Mira, « Modernistas, dandis y pederastas articulaciones de la homosexualidad en la edad de plata », Journal of Iberian and Latin American Studies, 7/1, 2001, p. 68.

8 J. Zapata, « ¿Podemos hablar de una postura del traductor ? », Tropelias : Revista de teoría de la literatura y literatura comparada, 24, 2015, p. 96.

9 J. Ll. Gómez Mompart, « ¿Existió en España prensa de masas ? La prensa en torno a 1900 », in J. T. Álvarez (éd.), Historia de los medios de comunicación en España. Periodismo, imagen y publicidad (1900-1990), Barcelone, Editorial Ariel, 1989, p. 27.

10 C. Pujante Segura, « Relatos breves publicados en revistas, otras mediaciones literarias entre España y Francia en la primera mitad del siglo XX », Tonos digital : Revista de estudios filológicos, 22, 2012, p. 6.

11 A. Sánchez Álvarez-Insúa, « Literary collections », in J. Zamostny et S. Larson (éds), Kiosk Literature of Silver Age Spain: Modernity and Mass Culture, Bristol/Chicago, Intellect, 2017, p. 33.

12 Et n’appartenant pas à la culture avec un C majuscule. Maite Zubiaurre cite Jo Labanyi dans Culturas del erotismo en España, 1898-1939, Madrid, Cátedra, 2014, p. 337 et 347.

13 M. Zubiaurre, ibid., p. 345.

14 A. Sánchez Álvarez-Insúa, op. cit., p. 40.

15 263 numéros jusque 1912.

16 M. Bouche, « Historia de la revista », in B. Mangien (dir.), Ideología y texto en “El Cuento Semanal (1907-1912), Madrid, Ediciones de la Torre, 1986, p. 24.

17 J. Zamostny, « Tórtola Valencia and Antonio de Hoyos y Vinent : Celebrity and Self-Plagiarism », MLN, 133/2, 2018, p. 315.

18 A. Mira, De Sodoma a Chueca, Madrid, Egales, 2012.

19 M. C. Alfonso García, Antonio de Hoyos y Vinent, una figura del decadentismo hispánico, Oviedo, Departamento de Filología Española de la Universidad de Oviedo, 1998, p. 27.

20 Illustré par le sculpteur Julio Antonio (1889-1919) en 1919.

21 P. Cardon et N. G. Albert, Akadémos, Lille, GayKitschCamp, 2022, p. 955.

22 A. Mira, op. cit., p. 70.

23 M. C. Alfonso García, « Decadentismo, dandismo, imagen pública : De cómo y por qué Antonio de Hoyos y Vinent creó a Julio Calabrés », Archivum : Revista de la Facultad de Filosofía y Letras, 48-49, 1998-1999, p. 36 et 45.

24 A. Mira, op. cit., p. 10.

25 Ibid., p. 147.

26 J. Zamostny, op. cit., p. 299.

27 A. Mira, op. cit.

28 F. Vázquez García et R. Cleminson, “Los Invisibles” una historia de la homosexualidad masculina en España, 1850-1939, Granada, Comares, 2016, p. 267. Et cela comme, entre autres, Jean Lorrain, Verlaine, Gide, Eekhoud. Il faudrait se demander si cette mixité sociale participe de l’aura de scandale associée à la figure d’Hoyos y Vinent en Espagne, comme dans le cas de Wilde en Angleterre, que Laure Murat analyse ainsi : « On hésite, parfois, à identifier le scandale avec précision : relations de même sexe ou de classes différentes ? », dans La Loi du genre. Une histoire culturelle du « troisième sexe », Paris, Fayard, 2006, p. 250.

29 A. Mira, op. cit.

30 Parmi ces compagnons, nous trouvons par exemple l’actrice Tortola Valencia et José Zamora (Pepe o Pepito Zamora), dessinateur qui vit à Paris et travaille pour Paul Poiret et Romain de Tirtoff, dit Erté.

31 A. Mira, op. cit., p. 205.

32 C. de Burgos (Colombine), El Veneno del arte, paru dans le numéro 57 de la revue Los Contemporáneos du 28 janvier 1910, chapitre II. La date nous semble significative car Hoyos y Vinent publie sa traduction en juillet 1910.

33 Nous trouvons de nombreuses occurrences de son nom : Collet, Colette, Collette ; ainsi que de celui de Willy : Vily.

34 É. Ricci, conférence « La réception de Colette et de Rachilde en Espagne » lors de la troisième édition du Colloque internacional genre et intertextualité intitulé à cette occasion « La mujer y el hombre de letras : figuras, representaciones y mitologías » tenu à l’Universidad Pablo de Olavide à Séville, les 27, 28 et 29 octobre 2015. Nous remercions Mme Ricci de nous avoir fourni les références ainsi que les articles en question.

35 J. Schuh, « La construction d’une image de presse », Lendemains, 44, 174/175, 2019, p. 80.

36 A. Baras Escolá, « Madama Collet, Colette y Madame Colline », Anales de la literatura española contemporánea, 35/3, 2010, p. 25-26.

37 Ibid., p. 12. Notre traduction pour cette citation et toutes les autres, sauf mention contraire.

38 É. Ricci, op. cit.

39 A. Ena Bordonada, « Prólogo », in Ángeles Vicente, Zezé, Madrid, Lengua de Trapo, 2005, p. XIII.

40 Quatrième enfant du duc de Morny, frère utérin de Napoléon III. Elle a divorcé du marquis de Belbeuf. Voir à son sujet la biographie de C. Francis et F. Gontier, Mathilde De Morny : la scandaleuse marquise et son temps, Paris, Perrin, 2000.

41 « Escándalos Teatrales. La batalla de Moulin rouge », La Correspondencia de España, 5 janvier 1907, p. 3.

42 J. J. Cadenas, « El escándalo de París. Colette, la Marquesa y Willy », El Heraldo de Madrid, 6 janvier 1907, p. 1.

43 J. J. Cadenas, « ABC en París. “Una repetition” », ABC, 10 novembre 1907 p. 3.

44 « Diario de París. Entre bastidores », La Correspondencia de España, 13 mars 1909, p. 3.

45 Á. Guerra, « Vida parisiense », La Ilustración artística, 29 mars 1909, p. 6.

46 Le roman Camino de perfección (1902) de Pio Baroja et la nouvelle « Carnestoltes » de Català (1905) selon I. Rodríguez de Rivera, « Backward Modernity ? The Masculine Lesbian in Spanish Sicaliptic Literature », in J. Zamostny et S. Larson (éds), Kiosk Literature of Silver Age Spain: Modernity and Mass Culture, Bristol/Chicago, Intellect, 2017, p. 79.

47 A. Ena Bordonada, op. cit., p. XXXVIII.

48 Ibid., p. XLVIII. Itziar Rodríguez signale que, dans les romans érotiques du premier tiers du XXe siècle, Paris constitue l’espace où les personnages de lesbiennes débridées succombent à tous leurs penchants, op. cit., p. 96.

49 Il serait intéressant d’analyser les raisons de ce rejet en le contextualisant plus précisément.

50 Voir à ce sujet l’article qu’il publie en 1911 dans le nº 29 de Prometeo. F. Fouchard, « Colette vue par Ramón Gómez de la Serna », Cahiers Colette, 35, 2014, p. 185.

51 R. Gómez de la Serna, « El concepto de la nueva literatura », Prometeo, 6, 1909.

52 La mention de la « version directe » apparaît sous la signature de Colette.

53 « Les Vrilles de la vigne » a été publié dans Le Mercure musical du 15 mai 1905.

54 C. Sadoun-Édouard, Le Roman de La Vie parisienne : presse, genre, littérature et mondanité (1863-1914), Paris, Honoré Champion, 2018, p. 332.

55 C’est une pratique éditoriale constante dans la revue.

56 A. Ena Bordonada, op. cit., p. XXXVI.

57 Voir l’article d’A. Baras Escolá déjà cité.

58 Víctor Cansino Arán cite Claudina Regnier dans « Renglones de una excéntrica : Correspondencia de Claudina », publié dans El Heraldo de Madrid du 17 mars 1911. V. Cansino Arán, « Escritura travestida : La construcción identitaria de Claudina Regnier », Diablotexto Digital, 10, 2021, p. 75.

59 V. Cansino Arán, ibid., p. 76.

60 J. Zapata, op. cit., p. 96.

61 Traduction personnelle de ce fragment tiré d’Elogio, le texte rédigé par Hoyos y Vinent pour introduire la traduction : « Et cette âme, complexe, versatile, faite de rire et de larmes, est l’âme qui apparaît dans les pages charmantes des ouvrages de Colette Willy. »

62 Agustín López, illustrateur espagnol (1878-1935).

63 Voir sur ce point F. Fouchard, « Premiers éléments pour l’étude de la réception de Colette en Espagne » Cahiers Colette, 32, 2011, p. 155-166.

64 Isabel Clúa décrit ce paradoxe de la célébrité des femmes évoluant dans le monde du spectacle au début du XXe siècle dans Cuerpos de escándalo Celebridad femenina en el fin-de-siècle, Barcelone, Icaria editorial, 2016, p. 37.

65 Elogio, op. cit. La « perversité » renvoie à l’anomalie que constitue l’homosexualité, recherchée par les décadents en quête de subversion de l’ordre sexuel et symbolique bourgeois. Sáez Martínez, op. cit., p. 65.

66 Colette, Les Vrilles de la vigne, in Colette, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, 1991, p. 960.

67 M. Mercier, « Notice des Vrilles de la vigne », in Colette, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, 1991, p. 1539.

68 Ibid., p. 1537.

69 Ibid., p. 1541.

70 Hoyos y Vinent utilise le terme « atrio » pour désigner l’entrée dans le texte : patio intérieur à l’entrée d’une habitation. Les titres entre parenthèses correspondent à ceux du recueil de Colette.

71 M. Mercier, op. cit., p. 974.

72 « Mi Perro Tobby habla », Mi alma era cautiva, op. cit.

73 Colette, op. cit., p. 972.

74 « Tu me donneras la volupté en penchant tout ton être sur moi, les yeux pleins d’anxiété, recherchant en ton amie passionnée une créature chimérique et lointaine. »

75 N. Capdevilla, « Prólogo », in E. Fortún, El pensionado de Santa Casilda, Séville, Editorial Renacimiento, 2022, p. 32-34.

76 M. Mercier, op. cit., p. 1537.

77 Colette et A. Brunet, Mon Amie Valentine, Paris, Fayard, 2004, p. 8.

78 Ibid., p. 8-10.

79 Colette, op. cit., p. 1017.

80 G. Sobejano, « Épater le bourgeois », in Forma literaria y sensibilidad social (Mateo Alemán, Galdós, Clarín, el 98 y Valle Inclán), Madrid, Gredos, 1967, p. 78-223.

81 A. Casas, op. cit., 2010.

82 M. Mercier, op. cit., p. 1540.

83 J. Zamostny, op. cit., p. 302.

84 S. Place, Las frecuentaciones de Mauricio (Costumbres de Londres), Madrid, Biblioteca Hispania, [1917 ?]. Sous ce pseudonyme se cache Xavier-Marcel Boulestin (1877-1943), qui a collaboré avec Willy et est un ami de Colette. Jacques Dupont a réédité le texte aux éditions GayKitschCamp, 2022. L’autre traduction est celle de Manon Lescaut, Madrid, Biblioteca Estrella, [1919 ?]. Informations obtenues dans la thèse de José Antonio Sanz Ramírez, Antonio de Hoyos y Vinent : genealogía y elogio de la pasión, Université Complutense de Madrid, 2010, p. 387.

85 Sa collaboration est annoncée sur les quatrièmes de couverture et la liste des contributeurs mais n’a jamais eu lieu.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Signature manuscrite et photographie de Colette Willy sur la dernière page de la traduction « Mi alma era cautiva » dans le numéro 185 de El Cuento Semanal
Légende Légende : sous la signature, on peut lire la mention « Version directe depuis le français Antonio de Hoyos y Vinent »
Crédits Source : Fundación Sierra Pambley ; « Colette liberó su alma » https://www.sierrapambley.org/​colette-libero-su-alma
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/2214/img-1.png
Fichier image/png, 850k
Titre Figure 2 : Couverture du numéro 185 de El Cuento Semanal
Légende Légende : en bas à droite figure « Mi alma era cautiva » ; le portrait de Colette est réalisé par Henri Manuel
Crédits Source : Fundación Sierra Pambley ; « Colette liberó su alma » https://www.sierrapambley.org/​colette-libero-su-alma
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/2214/img-2.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Flavie Fouchard et Esperanza Hernández Torres, « L’émancipation de Colette Willy vue par Antonio de Hoyos y Vinent »Sextant [En ligne], 40 | 2023, mis en ligne le 26 avril 2024, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/2214 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.2214

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Auteurs

Flavie Fouchard

Flavie Fouchard est maîtresse de conférence à l’Université de Séville où elle enseigne la langue, la culture et la littérature françaises depuis 2010. Elle a contribué au Dictionnaire Colette (dir. Guy Ducrey et Jacques Dupont, 2018) et a publié Colette aux frontières des genres. Relire Le Pur et l’Impur aux éditions des Presses universitaires de Rennes en 2020 (préf. de Francine Dugast-Porte). Ses recherches actuelles portent sur la relation entre Colette et la photographie et la réception des auteures françaises de la Belle Époque en Espagne.

Esperanza Hernández Torres

Esperanza Hernández Torres est doctorante à l’Université de Séville. Après avoir travaillé sur la réception de Renée Vivien dans la presse espagnole entre 1902 et 1936 pour son mémoire de master, elle a élargi son domaine d’étude pour sa thèse qui porte sur la réception de plusieurs auteures françaises des XIXe et XXe siècles dans la presse espagnole.

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Droits d’auteur

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