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Partie II – Sociabilités queer

Sociabilités homosexuelles et photographiques à l’ère de la reproductibilité technique

Illustrations littéraires dans L’Élu d’Achille Essebac (1902)
Homosexual and photographic sociabilities in the age of technical reproducibility: literary illustrations in L’Élu (1902) by Achille Essebac
Nicolas Duriau

Résumés

Paru chez Ambert en 1902, L’Élu d’Achille Essebac est un roman méconnu des dix-neuviémistes, dont l’intérêt n’est pas négligeable en histoire des représentations des homosexualités masculines et de la photographie. Représentant le fonctionnement d’un atelier photographique homoérotique, il illustre non seulement des pratiques artistiques et sexuelles occultées, mais aussi la perception qu’en ont certains écrivains décadents. Dans une approche intermédiatique, entre littérature et photographie, je montrerai combien ces pratiques ont pu s’inscrire dans des dynamiques prostitutionnelles, au point d’attester l’existence d’un proxénétisme photographique homosexuel. Face au photographe, ainsi qu’au client-spectateur, qui l’objectivent tour à tour, le prostitué-modèle est un personnage intéressant pour étudier ces questions de sexe (de classe et de race) à l’époque de la reproductibilité technique et d’un gain de visibilité des homosexualités masculines.

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Texte intégral

  • 1 « Le 9 juillet 1903, Jacques d’Adelswärd est arrêté dans sa garçonnière au 18, avenue Friedland à P (...)
  • 2 Voyez, par exemple, « Messes noires... », Le Matin, 7075, 10 juillet 1903, p. 2 (« Les magistrats s (...)
  • 3 A. Tardieu, Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, Paris, Baillière, 1859 [1857], p. 131.
  • 4 Ibid.
  • 5 « Avec l’époque napoléonienne, on assiste, le 12 février 1810 à la mise en place du nouveau Code pé (...)

1Dans la presse, au tournant du XIXe siècle, de nombreux « scandales », dont l’affaire du baron d’Adelswärd-Fersen1, révèlent l’attrait d’hommes « invertis » pour les « photographies obscènes » ou « pornographiques »2. En 1857, avant les journalistes qui en font mention, ce « goût particulier » est rapporté par Ambroise Tardieu dans son Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, où, parmi les « images licencieuses » recueillies chez un « pédéraste », il mentionne les « portraits de jeunes garçons »3 dont l’homme est détenteur. Aussi décrit-il une « société de pédérastes » accusée d’assassinat, dont le démantèlement l’amène à la découverte « de tableaux obscènes, de photographies représentant les différents affiliés de cette réunion »4. Bien que cette mise en relation entre homosexuels et photographies « pornographiques » facilite la répression des rapports entre hommes (a priori dépénalisés depuis 17915) par le recours à l’« outrage public à la pudeur », un lien réel existe entre écrivains et photographes homosexuels à la Belle Époque.

  • 6 « La littérature cède également à cette mode “éphébophile” avec les romans d’Achille Essebac (né en (...)
  • 7 Je traduis C. Leslie, Wilhelm von Gloeden Photographer. A Brief Introduction to his Life and Work, (...)
  • 8 Fl. Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris, 1919-1939, Paris, Seuil (...)
  • 9 N. Canet, Wilhelm von Gloeden – Wilhelm von Plüschow – Vincenzo Galdi. Beautés siciliennes. Portrai (...)
  • 10 Pour une étude sur l’influence des photographies de von Plüschow et de von Gloeden sur la littératu (...)
  • 11 P. Marcoz, « Le Ganymède incertain d’un militant homosexuel de la première heure : Jacques d’Adelsw (...)
  • 12 L’édition que j’ai consultée (Achille Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, Paris, Ambert, s. (...)
  • 13 « N’est-il pas temps, en somme, de songer à articuler la littérature autour de ses relations à l’es (...)
  • 14 E. Kosofsky Sedgwick, Épistémologie du placard, Paris, Amsterdam, 2008 [1990], p. 36.

2À cet égard, l’œuvre d’Henri-Louis Achille Bécasse, dit Essebac (1868-1936), est éclairant. Dans ses romans Dédé, Luc ou L’Élu, publiés entre 1901 et 1903, que Régis Revenin qualifie d’« éphébophiles » parce qu’ils « présentent les amours homosexuelles chastes entre adolescents âgés de seize à vingt ans environ »6, il décrit de nombreux clichés photographiques artistiques ou « pictorialistes »7. La description de ces clichés – parfois reproduits en page de titre (figure 1) – « [m]ettant en scène de jeunes adolescents siciliens nus »8 accompagne l’« intrigue » amoureuse ; bien plus, elle trahit la connaissance qu’a l’auteur des œuvres de Wilhelm von Plüschow et de son cousin, Wilhelm von Gloeden. Si les photographies de nus masculins des photographes allemands, établis en Italie depuis les années 18709, sont devenues un objet incontournable en histoire des représentations des homosexualités masculines, elles ont rarement été étudiées à travers le prisme de la littérature, et d’autant moins en France10. Or, le rapport entre ces photographies et les « roman[s] d’éphèbes »11 d’Essebac témoigne de la construction de relations inédites entre artistes, écrivains et photographes homosexuels au tournant du siècle. À ce titre, L’Élu, paru chez Ambert en 190212, est le plus intéressant des textes du romancier : représentant le fonctionnement d’un atelier photographique tenu par un certain Peterson, à Rome, il illustre non seulement l’influence de von Plüschow sur l’écriture d’Essebac, mais aussi la perception qu’a l’auteur du photographe et de ses pratiques artistiques. Dans une approche intermédiatique, à laquelle je mêlerai les outils des études de genre et de la « géocritique »13, je montrerai comment l’œuvre essebacien, en particulier L’Élu, atteste l’élaboration de nouvelles identités et d’espaces artistiques homosociaux entre 1890 et 191014.

Figure 1. A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse]

Figure 1. A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse]

Source : Partenza… Vers la beauté !, Paris, Chamerot et Renouard, 1898, n.p.

  • 15 Pour une étude plus approfondie sur les rapports entre littérature et photographie homoérotique dan (...)
  • 16 J.-Cl. Féray, Achille Essebac, romancier du désir, Paris, Quintes-feuilles, 2008, p. 114.

3Déjà dans Partenza… Vers la beauté !, récit de voyage en Italie qu’il publie en 189815, soit quatre ans avant L’Élu, Essebac s’adonne à l’« ekphrasis » d’une série de photographies prises par von Plüschow et von Gloeden. En séjour à Rome, le diariste évoque « la via Sistina, la rue des marchands de photographies, dont la consommation est […] grande […] parce que grand est le besoin d’emporter avec soi le souvenir matérialisé de tout ce qui enchante les yeux ». « Ce sont des études de modèles prises sur nature, un peu partout, particulièrement à Rome, à Naples et à Taormine », précise-t-il. Comme l’explique Jean-Claude Féray, le narrateur a « une très bonne connaissance de ce secteur particulier de l’art en se livrant à une comparaison des mérites respectifs des modèles siciliens – robustes – et des modèles romains ou napolitains – plus fins, plus harmonieux, plus séduisants »16, qu’il décrit avec une admiration particulière (figure 2) :

  • 17 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza... Vers la beauté !, Paris, Chamerot et Renouard, (...)

Les gars de Taormine sont superbes, mais leur nudité a l’aspect un peu rude ; leurs yeux, très beaux, éclairent des visages réguliers, mais fermés, ne laissant deviner aucun frisson de leur être intérieur ; à part quelques jeunes garçons délicats et d’une joliesse plutôt efféminée, les autres ont des allures solides d’étalons et feront, certes, de beaux enfants comme eux, j’allais dire de fort jolies bêtes, car il m’a paru que c’est l’animalité jolie qui domine surtout en eux malgré la forme pure des visages où ne s’égare aucune pensée. Mais ceux de Naples et de Rome ! Quelle exquise finesse dans les yeux, dans la bouche dont la lèvre inférieure fuyante vers le menton termine un profil impeccable ; quelle intense harmonie de formes et de lignes ! c’est l’énergique et presque musicale beauté des chairs lumineuses et veloutées. Entièrement nus ou drapés, avec quel art ! dans la blancheur de vêtements antiques soulevés par de jeunes bras aux gestes d’une grâce absolue, chaussés de sandales de cuir ou de cnémides qui soulignent la perfection des jambes, couronnés de feuillages ou bien les boucles noires des cheveux simplement contenues dans un bandeau de laine blanche, ce sont les types merveilleux d’une race extrêmement élégante, et j’écrirais volontiers divine, tellement, dans tous les purs reliefs de leurs corps, s’épanouit l’inépuisable splendeur des marbres grecs. Les jolies épaules des adolescents, dont la superbe nudité tout entière sourit au grand soleil napolitain, dont toute la sève glorieuse de jeunesse, chez les uns charrie, des pieds délicats aux poitrines tendues, des hanches assouplies aux nuques annelées de soieries brunes, des tiédeurs visibles de vie palpable sous les ondoiements des membres fatigués, d’une lassitude câline, étirés paresseusement en des langueurs félines et énervées de jeunes chats ; tandis que chez les autres, elle gonfle les membres de pleine et robuste santé, elle éclate à fleur de peau, cambre la chair, élève jusqu’aux magnificences immortelles des divinités païennes la virilité plaisante des jeunes hommes17.

Figure 2. W. von Plüschow, Martyr chrétien, Rome, ca 1900

Figure 2. W. von Plüschow, Martyr chrétien, Rome, ca 1900

Source : Galerie David Guiraud, photographie partiellement reproduite par C. Klary, La Photographie du nu, Paris, Klary, 1902, p. 24

  • 18 J.-Cl. Féray, op. cit., 2008, p. 152.

4Dans la description qui précède, « [Essebac] ne nomme pas le photographe de Taormina (le baron von Gloeden) ni celui de Rome (Wilhelm von Plüschow) mais nous ne pouvons douter qu’il les ait connus »18. Dans L’Élu, le rôle narratif que joue le professeur Peterson, en tout point comparable à von Plüschow, appuie l’hypothèse de Jean-Claude Féray, en même temps qu’il est révélateur du rôle qu’a joué la photographie dans le développement d’un commerce artistique et sexuel inédit entre photographes, spectateurs et modèles homoérotiques au tournant du siècle.

Un roman d’artiste et d’éphèbes

  • 19 « Pierre Pélissier n’avait pas, sans remords, quitté Paris, puis Meiras en Savoie, abandonnant au c (...)
  • 20 Ibid., p. 296.
  • 21 Sh. McCutcheon, « Un pédéraste érudit : masculinité et homoérotisme chez Johann Joachim Winckelmann (...)
  • 22 « Pierre et Jean, Pierre surtout, mieux accessible aux frissons de cette beauté qui jamais à ses re (...)
  • 23 Sh. McCutcheon, op. cit., p. 140-146.

5L’Élu se résume à l’intrigue amoureuse entre Pierre Pélissier, céramiste de vingt-deux ans abandonné par sa fiancée, Céline Delhostel, pour un autre homme19, et Luigi De Simone, modèle et mendiant de seize ans. Exaltant les rapports entre hommes et le nu masculin, le récit retrace le voyage à Rome d’un artiste originaire de Paris ayant manqué son mariage avec une femme et l’organisation d’un atelier photographique où posent de jeunes mannequins romains dont Luigi fait partie. Amoureux du ciociario, qu’il a rencontré grâce à l’entremise du professeur Peterson, Pierre lui propose de rentrer en France, à ses côtés, en qualité d’apprenti ; toutefois, en deçà des Alpes, leur idylle ne perdure pas. Après qu’Yves le Hel, qui a épousé l’ex-fiancée de Pierre, lui a adressé une insulte homophobe (« Ah ! ça, qui est-ce qui m’a foutu cette Simone-là dans les jambes ! »20), Luigi prend conscience de son homosexualité et meurt en martyr, dans les bras de son amant. Par son caractère transitoire, sa dimension érotique et leur différence d’âge, la relation entre les deux personnages s’apparente à la pédérastie grecque, « où l’amour masculin s’exprime entre un homme d’âge mûr et un adolescent »21. En défendant la supériorité esthétique de l’« éphèbe » sur la « vierge »22, Essebac est influencé par une conception « winckelmanienne » ou néoclassique de l’art (selon laquelle le « Beau masculin » prime sur le féminin) dont Shawn McCutcheon a montré qu’elle est elle-même héritière du modèle de sociabilité pédérastique23.

  • 24 M. Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 160.
  • 25 Je renvoie, par exemple, à R. Revenin, « Conceptions et théories savantes de l’homosexualité mascul (...)
  • 26 Voyez, par exemple, Ch. Ribeyrol, « Chapitre XII. L’artiste et son modèle », in Étrangeté, passion, (...)
  • 27 B. Vouilloux, « Le roman de l’artiste aux frontières des genres et des représentations », Revue de (...)
  • 28 M. Sartre, « Virilités grecques », in A. Corbin et al. (dir.), Histoire de la virilité. L’invention (...)
  • 29 Je renvoie notamment à B. Vouilloux, op. cit., p. 161-168 et à L. Brogniez, « Figurations de la fem (...)
  • 30 B. Vouilloux, op. cit., p. 162.
  • 31 « L’Operator, c’est le Photographe » (R. Barthes, La Chambre claire : notes sur la photographie, Pa (...)
  • 32 « [L]’adjuvant [...] recouvre deux personnages, le helper [l’auxilliaire] et le donor (= provider) (...)

6Au début du XXe siècle, Essebac ancre son récit dans un discours homoérotique qui se distancie de la « parole autoritaire »24 ou médicolégale, alors homophobe25. Dans son ambition d’« esthétiser » l’homosexualité masculine, comme John Addington Symonds, en Angleterre26, avant lui, l’auteur inscrit son roman dans deux sous-genres romanesques à la mode : ceux du « roman d’éphèbes » et du « roman d’artiste »27. L’« éphébie », qui correspond à l’éducation militaire du jeune homme, âgé de douze à dix-sept ans, dans la Grèce antique, en offrant un cadre institutionnel à la « pédérastie » (soit à l’initiation sexuelle de l’adolescent, passif, par un homme adulte, actif28), est actualisée dans de nombreuses scènes de L’Élu. À plusieurs reprises, dans des descriptions d’œuvres sculpturales ou photographiques, Essebac transmet une image idéalisée de l’éphèbe ; étant donné l’importance qu’il accorde à l’art, à travers l’« esthétisation » du modèle éphébique, son récit participe également du « roman d’artiste ». D’après l’expression de « roman du/de peintre »29, employée par les dix-neuviémistes pour évoquer certains textes d’Honoré Balzac (Le Chef-d’œuvre inconnu, 1831), des frères Goncourt (Manette Salomon, 1867) ou d’Émile Zola (L’Œuvre, 1886), dans lesquelles un peintre est « le ressort central » ou « l’une des composantes »30 de la fiction, je parlerai plus spécifiquement de « roman du photographe » pour qualifier L’Élu. Le photographe ou l’« operator » – écrirait Roland Barthes31 – est en même temps l’opérateur ou l’« adjuvant »32 de la quête amoureuse au fondement du roman d’Essebac.

  • 33 V. Rodriguez, « L’atelier institué en portrait de l’artiste moderne dans la littérature du XIXe siè (...)
  • 34 É. Reverzy, Portrait de l’artiste en fille de joie. La littérature publique, Paris, CNRS, 2016, p.  (...)
  • 35 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 153.
  • 36 G. Dall’Orto, « Istantanea di Wilhelm von Plüschow (1852-1930) », La Gaya scienza, http://www.giova (...)
  • 37 N. Canet, op. cit., p. 127-128.
  • 38 « Dès son retour à Rome il [von Plüschow] continue ses prises de vue avec des garçons, des scènes p (...)

7Bien qu’il ait pour objet les amours entre Pierre et Luigi, dit « Djino », qu’il érige en personnages principaux, le roman d’Essebac confère un intérêt particulier à Peterson ainsi qu’à son atelier photographique. Après avoir quitté la place d’Espagne, à Rome, où il aperçoit pour la première fois le jeune adolescent qui lui vend des fleurs, Pierre retrouve Luigi dans l’intimité du studio du photographe, où le ciociario prend la pose. L’atelier, qui « sert aux rebondissements de l’intrigue amoureuse entre l’artiste et sa compagne »33 dans de nombreux romans d’artiste, au XIXe siècle, ne fait pas exception à la règle dans L’Élu. Toutefois, le « rôle » traditionnellement féminin de « modèle », « muse professionnelle qu’on loue à heure fixe, qu’on peut faire poser durant des heures […] et dont on peut reproduire les traits autant qu’on le désire »34, est joué par un homme. Bien plus qu’en vertu d’une dimension symbolique, qui fait de l’atelier d’artiste un lieu d’idéalisation des amours entre hommes, l’atelier de Peterson est d’autant plus intéressant qu’il exerce une fonction référentielle : au début du XXe siècle, il reflète l’élaboration de réseaux artistiques homosexuels dont il est contemporain. Le studio du professeur est en tout point comparable à l’« atelier photographique romain du genre de celui de Wilhelm von Plüschow »35, affirme Jean-Claude Féray. Le photographe allemand, qui s’installe à Rome dans les années 189036, a vraisemblablement cédé son « grand appartement avec terrasse »37 à Peterson, son alter ego romanesque. Dans L’Élu, de nombreux éphèbes – dont certains, comme Giovanni-Battista, sont « modèles de profession » – défilent chez le photographe comme chez von Plüschow38 :

  • 39 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 56-58.

[S]ur le seuil drapé d’étoffes orientales, venant d’une autre pièce, Giovanni-Battista parut, comme taillé dans le Paros même de l’Apoxyomène. Il n’était pas, ainsi que les autres, ramassé au hasard chanceux des rues. Modèle de profession, et le plus beau des ciociari de Rome, sa perfection tenait de la statuaire plus que de la grâce animée des corps. Pour cela il ne possédait pas ce charme de l’être dont toutes les facultés vitales s’enferment dans l’exquise sensibilité d’une enveloppe rayonnante de délicatesse et susceptible de douleurs autant que de joie. Il avait dix-neuf ans. L’apogée de la perfection pour l’éphèbe antique. Dans tout le parcours admirable de sa jeune charpente pas un détail ne violait les canons précis d’une impeccable anatomie. Il n’était pas jusqu’à l’ultime expression de sa nudité qui ne gardât la discrétion pudique des plus beaux marbres grecs et ne le distinguât des birichini joueurs, en cela souvent plus expansifs dans leur réserve même. Celui-ci savait les attitudes parfaites et, de soi, comme si elles lui eussent été naturelles, en donnait des images sans cesse renouvelées. Les adolescents plus jeunes suspendaient leurs jeux pour le voir, puis se levaient et, près de lui, mesuraient la force de leurs membres duvetés et la grâce charmante de leurs gestes nus. Mais leurs gestes et les formes juvéniles de leurs jeunes corps n’atteignaient que la force souriante et jolie d’Éros, laissant à Giovanni-Battista la perfection sévère dont leurs beaux yeux en fleurs s’émerveillaient dans un sourire. Giovanni était attendu ; il se rhabilla vite de ses frusques archaïques, passa sa culotte de velours amarante cent fois lavée et brûlée par la pluie et le soleil, mit sa chemise de toile écrue, son gilet de velours bleu, sa ceinture d’un ivoire tournant au gris, sa veste d’un vieux rose défait et rouillé, noua, par-dessus des bas bleus un peu courts, les courroies de chaque ciocia autour de ses mollets d’un galbe ravissant ; il jeta son feutre roussi sur ses longs cheveux noirs bouclés et reçut avec adresse, dans la poignée de main familière qu’il donna à Pierre et à Jean, la pièce blanche dont l’argent sonna jusque dans la clarté de ses beaux yeux de jeune faune, un peu tiré sur les tempes39

  • 40 J. Baetens, « Sémiotique et photographie, 1961-2006 », Recherches sémiotiques. Semiotic Inquiry, 28 (...)

8La description des adolescents qui posent face au professeur Peterson témoigne de l’attrait d’Essebac pour la photographie homoérotique, comme art et comme « image-objet »40. Dans L’Élu, les modèles – rémunérés –, qui, s’ils ne sont pas professionnels, sont « ramassé[s] au hasard chanceux des rues », font non seulement l’objet d’une pratique artistique, mais aussi d’un commerce entre artistes, amateurs et collectionneurs de photographies de nu masculin.

Essebac, écrivain-photographe

  • 41 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 13.
  • 42 Ibid., p. 42.
  • 43 Ibid., p. 27.
  • 44 R. Peyrefitte, L’Exilé de Capri, Paris, Flammarion, 1959, p. 61.
  • 45 N. Canet, op. cit., p. 13.
  • 46 M. Rosenfeld, « Essebac, Achille. Biographies des contributeurs à Akademos par ordre alphabétique » (...)

9La vie privée d’Essebac, si elle est marquée par un certain goût pour la photographie homoérotique, est méconnue des historien·nes de l’art et de la littérature actuel·les. « Le peu que nous sachions sur lui »41 est consigné dans une production romanesque aux dimensions plus ou moins autobiographiques et dans les rares évocations qu’en font des écrivain·es dont il est contemporain, comme Rachilde42. Parmi l’œuvre essebacien, Jean-Claude Féray décrit l’« allure très autobiographique » de L’Élu : certains personnages du roman ont en effet pour modèles des proches d’Essebac ou l’auteur lui-même, explique son biographe43. Bien qu’il soit peu comparable à Peterson, photographe professionnel inspiré de von Plüschow, Essebac est un grand amateur de photographies masculines. Dans L’Exilé de Capri (1959), biographie romancée de Jacques d’Adelswärd-Fersen écrite par Roger Peyrefitte, il est présenté comme l’écrivain qui conduit Adelswärd-Fersen à « se procurer les photographies du baron de Taormina »44 (soit von Gloeden, le cousin de von Plüschow, alors établi en Sicile45). La page de titre de Partenza… Vers la beauté !, sur laquelle une photographie de von Gloeden est reproduite, montre qu’Essebac possédait ces clichés artistiques. Collectionneur, il est également photographe amateur46 ; il a photographié de nombreux modèles, qu’il a sans doute exposés dans des salons confidentiels. En exaltant les amours masculines dans ses pratiques littéraires et photographiques, Essebac a non seulement favorisé leur visibilité, mais aussi leur valorisation dans le champ artistique.

Figure 3. A. Essebac [H.-L. A. Bécasse], Album de photographies originales, 20 x 14,5 cm, s.l., ca 1900

Figure 3. A. Essebac [H.-L. A. Bécasse], Album de photographies originales, 20 x 14,5 cm, s.l., ca 1900

Source : Reproduit par A. Caussé et J. Desse, L’Autre Amour. Livres et documents uniques, Paris, Libraires associés, 2014, n.p.

  • 47 Je renvoie à D. Delille, « L’œil inverti. Homoérotisme et culture visuelle dans les revues Der Eige (...)
  • 48 A. Thévenin, « Un adepte du noir et blanc : Ciolkowski », Akademos, décembre 1909, p. 1562-1565, Mo (...)
  • 49 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Album de photographies originales, s.l., ca 1900, n.p., rep (...)
  • 50 A. Caussé et J. Desse (éds), ibid.
  • 51 Pour certaines des photographies attribuées à Essebac, voyez N. Canet, « Achille Essebac », Au Bonh (...)

10Au nombre des preuves qui témoignent du fait qu’Essebac pratique la photographie comme amateur compte sa signature au verso d’un album qu’il adresse au dessinateur et critique Henri Saulnier Ciolkowski47 – qu’André Thévenin, qui collabore à Akademos (1909), première revue homosexuelle française, décrit comme « un adepte du noir et blanc »48. Derrière une des pages de l’album, on peut lire : « à Monsieur Ciolkowski, un pauv’ photographiste[,] Achille Essebac »49 (figure 3). À travers cent cinquante photographies sur lesquelles posent « des adolescents costumés en pages, chevaliers, arlequins, toréadors, etc. », Essebac « recrée un univers idyllique d’érotisme masculin ». Néanmoins, à la différence de von Plüschow et de son cousin, « il est ici principalement inspiré par la chevalerie médiévale et non par l’Antiquité grecque »50, écrit Jacques Desse. Contenues dans un in-octavo de 20 centimètres sur 14,5, ces photographies, de petit format, sont propices à l’échange : elles sont les seules qui soient attribuables à Essebac. D’autres, conservées par Nicole Canet, dont la paternité reste à démontrer, sont plus grandes ; elles mesurent 42 centimètres sur 24 : elles ont bénéficié d’un « agrandissement […] sans doute pour être encadré[es] au mur »51.

  • 52 Ph. Artières et Cl. Thomson, Fières Archives : documents et images autobiographiques d’homosexuels (...)
  • 53 F. Moulinat, « Les Amours grecques : homosexualité et représentations, du Léonidas de Jacques-Louis (...)
  • 54 Ph. Artières et Cl. Thomson, op. cit., p. 20-24.
  • 55 X. Galmiche, William Ritter voyage en Slovaquie (1903-1914). Images d’un pays rêvé, Paris, Eur’Orbe (...)
  • 56 Ibid., p. 118.

11Qu’elles aient été échangées confidentiellement, entre amis et amants, ou qu’elles aient été exposées à un public élargi, les photographies homoérotiques prises par Essebac attestent « l’émergence d’une visibilité du désir unisexuel »52 au tournant du siècle. Si, comme l’explique Francis Moulinat, elles participent à la construction d’« identités et [de] représentations de soi »53, elles ont permis l’élaboration de formes d’« homosocialités » plus larges. Dans les années 1890-1900, de nouveaux espaces intellectuels et artistiques, articulés autour de relations homosociales, voire homosexuelles, entre écrivains, peintres et photographes se développent en France ainsi qu’en Europe. C’est le cas autour de deux auteurs, amateurs d’homoérotisme en photographie, Georges Hérelle en Italie54 et William Ritter en Slovaquie55, qui décrivent leurs expériences culturelles et amoureuses dans leurs carnets de voyage, composés de clichés de leurs amants, en jetant les bases d’une « vraie sociographie »56 homosexuelle. À travers la fiction romanesque, Essebac ne fait pas moins dans ses romans ; dans L’Élu, il transpose l’essor de ces nouvelles sociabilités internationales sous la forme de l’atelier photographique du professeur Peterson.

  • 57 D. Delille, op. cit., 2020.
  • 58 P. Tabet, La Grande Arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, (...)
  • 59 W. Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, Allia, 2003 [1935], (...)
  • 60 N. Canet, op. cit., p. 129.

12Dans l’atelier de Peterson, où des artistes amateurs de photographies homoérotiques se réunissent, comme Pierre et son ami Jean Bérille, peintre à l’Académie de France, « le jeu des regards entre le photographe, le spectateur, le collectionneur et le modèle offre […] des lieux d’intimité inédits : diffusions confidentielles entre hommes, vraisemblance photographique qui relie le visuel et le tactile […] et marchandisation du corps masculin en vue de la rencontre sexuelle »57. Comme le suggère Damien Delille, le commerce du nu homoérotique s’ancre, au tournant du siècle, dans un circuit de « relations économico-sexuelles »58. À supposer, comme Walter Benjamin, que l’industrie cinématographique astreigne l’acteur·rice à se vendre au public en prostituant « [sa] chair et [ses] os »59, comment comparer le « modélisme » autrement qu’à la prostitution ? Si l’atelier de Peterson est le lieu d’une pratique artistique, il est également celui d’une activité prostitutionnelle, où la consommation sexuelle a pour expression métonymique la consommation visuelle – et inversement. Reflet de l’atelier de von Plüschow, l’appartement du professeur Peterson est à la fois un « studio photographique » et un « bordel d’hommes »60.

Du « modélisme » à la prostitution

  • 61 A. Corbin, Les Filles de noce. Misère sexuelle et prostitution, Paris, Flammarion, 2015, p. 485.
  • 62 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 99.
  • 63 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 119.
  • 64 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Dédé, Paris, Ambert, 1901, p. 8.
  • 65 R. Courapied, « Modélisation fictionnelle – Achille Essebac : la misogynie au service de l’amitié i (...)
  • 66 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 88.
  • 67 Je traduis X. Mayne (pseud.) [E. Prime-Stevenson], The Intersexes. A History of Simisexualism as a (...)
  • 68 G. Dall’Orto, op. cit.

13Dans le contexte de la campagne abolitionniste entreprise en France au tournant du siècle61, L’Élu participe à la « condamnation de la prostitution »62, affirme Jean-Claude Féray. Si la prostitution est condamnée par l’auteur, elle est surtout blâmée parce qu’elle est une activité qui contribue à l’asservissement des femmes, « envers qui tout est permis »63 (à moins qu’elles n’obéissent délibérément à la « Luxure et [au] Lucre »64, auquel cas Essebac se garde de prendre leur défense, en affichant une misogynie qu’a décrite Romain Courapied65). Quelles que soient les raisons qui poussent Essebac à dénoncer la « prostitution », sa critique envers l’expression masculine du phénomène est plus discrète. Sous sa plume, les relations prostitutionnelles entre hommes jouissent d’un traitement d’exception : la « romantisation » de la rencontre entre Pierre et Luigi, « dans laquelle [Peterson est] pour une part »66, en jouant l’entremetteur ou le proxénète, en est la preuve. D’ailleurs, le professeur lui-même a pour modèle un photographe accusé de « proxénétisme ordinaire » et de « corruption de mineurs » : Edward Prime-Stevenson a décrit à quel art (« à des études de nu masculin »), à quel marché (« de garçons nus et bien membrés ») et à quelle correspondance (« entre clients du monde entier »67) von Plüschow s’est adonné jusqu’à sa première arrestation, en 1902, puis à la seconde, en 190768, rapportée dans Il Messaggero :

  • 69 Je traduis « L’Arresto d’un fotografo », Il Messaggero, 134, 15 mai 1907, p. 4.

Il y a quelques années, nous évoquions le cas de l’Allemand Wilhelm von Plüschow, domicilié au n333, Corso Umberto 1, 4e étage, à l’occasion d’un vol dont il avait été victime. Des fonctionnaires et des agents du commissariat de Trevi s’étaient alors rendus à son appartement et y avaient trouvé un atelier photographique complet, ainsi qu’une collection assez volumineuse de photographies artistiques, mais audacieusement réalistes. Nous avions alors mentionné ce fait, sans trop insister, par égard pour la victime qui se déclarait (et il l’était) amateur de photographies d’art. Hier soir, vers onze heures et demie, monsieur Plüschow venait de rentrer chez lui lorsqu’il entendit frapper à la porte de son appartement. Après être allé ouvrir, il se trouva devant M. Falqui, commissaire adjoint de Trevi, accompagné de plusieurs agents en civil […]. M. Plüschow protesta contre l’arrestation et répéta qu’il n’avait commis aucun délit, le Code pénal italien ne prévoyant pas ce genre de dilettantisme artistique […]. Le mandat d’arrêt avait été émis par les autorités judiciaires à la suite d’une plainte déposée contre lui par A. M. pour corruption de son fils de 12 ans. Dès sa réception, le commissaire de police Secchi et le commissaire adjoint Falqui, accompagné du brigadier Rotili et de deux agents en civil, se rendirent au domicile de Plüschow et le perquisitionnèrent, saisissant des centaines de photographies de tous formats, la plupart de grande taille, sur lesquelles de nombreux modèles étaient représentés dans leur jeunesse, voire dans leur plus jeune âge, isolés ou en groupe, dans des poses rappelant les conceptions artistiques d’Oscar Wilde. Ils ont également saisi une douzaine de grands albums reliés en cuir, remplis d’autres photographies sans carton : toutes des études photographiques. Chaque photographie portait au dos un numéro de commande correspondant à un carnet d’adresses spécial dans lequel étaient inscrits le nom, le prénom, l’adresse, la qualité et le caractère de chaque modèle, avec le prix qu’il demandait pour poser devant l’appareil photo. Ce carnet d’adresses était très utile pour les amis de M. Plüschow, qui appréciaient, comme lui, ce genre d’études. Un autre carnet d’adresses contenait les noms, prénoms et adresses des amis de M. Plüschow, parmi lesquels se trouvaient plusieurs dignitaires étrangers, ainsi que les clients auxquels il envoyait ses collections photographiques à vendre, notamment des marchands et des collectionneurs de diverses capitales européennes, Rome incluse69.

  • 70 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza… Vers la beauté !, op. cit., p. 113.
  • 71 « Garçon très joli, très polisson » (je traduis, Partenza… Vers la beauté !, Paris, Ambert, 3e éd., (...)
  • 72 « Les entremetteurs se nomment proprement “ruffiani” ; mais quand on veut parler poliment, on les a (...)
  • 73 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 156.
  • 74 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 72, p. 104 et passim.
  • 75 Ibid., p. 201.
  • 76 Ibid., p. 104.
  • 77 Ibid., p. 102.
  • 78 « – Oui, oui, c’est Luigi De Simone. Povero ! Il ne voulait rien dévoiler de lui mais il a eu foi e (...)
  • 79 Ibid., p. 72.

14Le proxénétisme homosexuel est dénoncé par Essebac dans Partenza… Vers la beauté ! Arrivé à Naples, le narrateur relate la présence d’un proxénète, un « courtier » au « profil louche d’homme d’affaires véreuses », qui l’invite à jouir des services sexuels d’un « [ra]gazzo »70 (décrit comme un « bimbo molto bello, molto birichino »71 dans la troisième édition du roman). Si l’on en croit Clive Thomson, le portrait de ce « ruffiano »72 correspond au profil type du « souteneur » qui exerce dans la Campanie du XIXe siècle. Pourtant comparable à ce proxénétisme au sens strict, le « modélisme » illustré dans L’Élu n’écope pas du même jugement : « [l’écrivain] ne voyait rien de répréhensible dans ce défilé de beaux garçons »73, indique Jean-Claude Féray. Toutefois, dans le même texte, Essebac est critique de la « misère » (et plus précisément de la « faim »74), qui impose aux adolescents « toutes les prostitutions »75. C’est pour subvenir à ses besoins (y compris à son « dîner »76) que Djino couche avec la Sanguisuga, une des filles de Paola, sa logeuse, qui consent en échange à diminuer le prix du « taudis »77 qu’elle lui loue. Pour le même motif, il est contraint de « poser nu »78 devant l’objectif de Peterson ; après avoir longtemps exclu cette alternative, il accepte, moyennant rémunération, à la condition sine qua non de se déshabiller devant « un monsieur seulement »79 : Pierre. Un dialogue entre le céramiste et son ami Jean trahit l’inclination de ce milieu photographique à spéculer sur une esthétisation de modèles affamés :

  • 80 Ibid., p. 40-41.

– Luigi qui a fait des manières pour laisser photographier son petit museau de birichino a tout à fait refusé de poser nu. – Refusé de ?... – Peterson n’en revenait pas. Il paraît que le cas se présente environ une fois sur mille. Je me le suis payé ; avec la veine que j’ai, tu comprends. Alors que tous, filles, jeunes garçons ou jeunes hommes acceptent sans aucune espèce d’arrière-pensée… – Lui n’a pas accepté ? dit Pierre comme soulagé d’une excessive appréhension. – Oh ! il n’a pas permis que l’on insistât, même connaissant ma qualité de pensionnaire à l’Académie de France. Encore n’avait-il guère le loisir de refuser pour la tête, au moins ce jour-là, il mourait de faim quand je l’ai abordé. Pauvre petit bonhomme ! Et il avait envie de pleurer !... non ! Du reste, tiens, regarde, c’est visible dans ses beaux yeux mouillés. Ma foi je lui ai donné un bon pourboire, Peterson aussi et nous avons gagné à son gros chagrin cette admirable expression de son visage. – Il mourait de faim ! Et moi qui ne lui ai donné que deux francs80 !

  • 81 « Pierre contint mal son trouble et se reprocha cette émotion qu’il jugeait ridicule, bien que ce p (...)

15Pierre est perplexe face à l’industrie de Peterson (« il lui sembla sacrilège si cet enfant foulait aux pieds sa jeune pudeur pour le seul gain de quelques piécettes qui lui permissent de ne pas mourir de faim »81). Cependant, sa position n’est pas claire, étant donné qu’il est l’un des clients du professeur ; elle est d’autant plus ambiguë quand on sait qu’Essebac est lui-même photographe amateur et collectionneur des photographies de von Plüschow et de son cousin.

  • 82 É. Reverzy, op. cit., p. 25.
  • 83 Ph. Lejeune, « Autobiographie et homosexualité en France au XIXe siècle », Romantisme, 56, 1987, p. (...)
  • 84 « Le souteneur demande cinquante lires, en donne deux au garçon et garde le reste » (je traduis Geo (...)
  • 85 Georges Hérelle, op. cit., p. 123-124.
  • 86 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 112.

16Les raisons financières (voire alimentaires) qui poussent le modèle à vendre son corps au photographe ressemblent à celles qui poussent un auteur à prostituer sa plume à ses lecteurs. En m’inspirant de l’expression « prostitution littéraire »82, théorisée par Éléonore Reverzy dans son étude consacrée au métier d’artiste en régime capitaliste, je parlerai de « prostitution » ou de « proxénétisme photographique » pour référer à ce marché de nus masculins en photographie. Métaphorique, le sens de cette expression n’est pas moins littéral : elle ne réfère pas seulement au commerce d’images qui se substituent au corps masculin, mais aussi à la vente de prostitués-modèles à des hommes amateurs de jeunes garçons. Les carnets de voyage de Georges Hérelle, « archéologue de l’inversion sexuelle “fin de siècle” », témoignent de pratiques analogues. Entre 1890 et 1898, l’historien, lui-même homosexuel83, entreprend plusieurs voyages en Italie, où il étudie la prostitution masculine en interrogeant ses acteurs. En séjour à Naples, il apprend qu’ils participent à des « tableaux vivants […] scènes de débauche » où « le client n’est ordinairement que le spectateur ». « Les prostitués paraissent y jouer un rôle important, et il m’a semblé qu’ils en attendent une partie de leurs ressources. Mais le plus clair du bénéfice reste aux ruffiani. Alfredo m’a dit souvent : “Il ruffiano demanda 50 lire, da due lire al ragazzo et guarda il resto” [sic] »84, rapporte Hérelle dans ses notes. Cette « prostitution photographique » se prolonge à travers la vente de portraits à la sauvette, à laquelle l’historien concourt en achetant des clichés de « jeunes garçons et d’hommes dont la plupart sont nus […] au hasard de ses rencontres dans la rue »85. Dans Partenza… Vers la beauté !, ces images photographiques sont évoquées par le narrateur du récit, qui fuit « les magasins très éclairés où l’on vend toutes sortes de fanfreluches à l’usage des étrangers », dont « des photographies pleines de promesses de celles que l’on ne montre pas »86.

  • 87 Chr. Taraud, « La virilité en situation coloniale, de la fin du XVIIIe siècle à la Grande Guerre », (...)
  • 88 Y. Clavaron, Le Génie de l’Italie. Géographie littéraire de l’Italie à partir des littératures amér (...)
  • 89 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza... Vers la beauté !, op. cit., p. 170.
  • 90 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 71.
  • 91 Ibid., p. 76.
  • 92 Ibid., p. 84.
  • 93 L. Rosier, De l’insulte... aux femmes, Bruxelles, 180 degrés, 2017, p. 76.
  • 94 J. A. Boone, The Homoerotics of Orientalism, New York, Columbia University Press, 2014, p. 223-254.

17La prostitution des modèles italiens décrits par Essebac implique, en outre, leur origine étrangère, source et reflet d’un attrait pour une altérité culturelle ; une telle admiration, naïve et bienveillante, est néanmoins ancrée dans un contexte idéologique favorable à son expression. Les conquêtes coloniales entreprises sous la Troisième République et les théories raciales dont elles sont concomitantes87 alimentant un racisme auquel la fétichisation du modèle, originaire de Rome, de Naples ou de Sicile, est indissociable. Les corps photographiés par von Plüschow et représentés par Essebac, par hypotypose, étendent le « regard colonialiste »88 que les empires nord-occidentaux portent sur l’Italie du Sud à la fin du siècle. L’Orient invoqué par l’auteur, lorsqu’il dépeint certains paysages napolitains (« Naples […] a déjà cette fière indolence et cette beauté des grandes cités orientales assises tranquilles au fond des golfes d’azur »89), le montre. À Rome, le studio du professeur Peterson est présenté comme un « sérail », « que drapaient des étoffes d’Orient aux belles couleurs sévères »90, et ses modèles photographiques, en particulier Djino, sont qualifiés de « merveille[s] semi-arabe[s], semi-chrétienne[s] »91. « Et Pierre l’appelait Gino… Prononcé à l’italienne : dGino, ce diminutif gracieux évoquait les apparitions blondes des légendes : les elfes, les farfadets et les troublants génies des Arabes mêlés au vieux sang de Sicile, les djinns. »92 Stéréotype ethnique et sexuel (ou « ethno-sexotype »93), le modèle italien incarne un désir empreint d’orientalisme : comme le Maghreb, à la même époque94, l’Italie méridionale apparaît aux hommes « invertis » comme un espace où vivre impunément leur homosexualité.

  • 95 « La fortune de l’Italie est inséparable du sort de la Beauté dont elle est mère. Gabriele d’Annunz (...)
  • 96 « 31 avenue de Neuilly. Neuilly-sur-Seine. Monsieur et cher Maître, Avec une courtoisie et un à-pro (...)
  • 97 B. Westphal, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007, p. 235.
  • 98 R. Revenin, op. cit., p. 103.
  • 99 E. Saïd, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Point, 2013 [1978], p. 66.
  • 100 J. K. Puar, Homonationalisme. La politique queer après le 11 septembre, Paris, Amsterdam, 2012 [200 (...)
  • 101 Voyez, par exemple, J. Gleeson White, « The Nude in Photography: with some Studies taken in the Ope (...)
  • 102 J.-Cl. Féray, op. cit., 2008, p. 151.
  • 103 « Le texte ne renvoie pas directement au réel mais à une “expérience du réel” : il ne faut pas oubl (...)

18Outre les références à Gabriele d’Annunzio dans Partenza… Vers la beauté !95, une lettre inédite écrite par Essebac à Maurice Barrès, autre écrivain nationaliste qu’il appelle « [s]on cher Maître »96, témoigne de l’« ethnotypicité », voire du nationalisme de l’écriture essebacienne – à supposer que la « volonté nationaliste […] se sustente d’ethnotypes triés sur le volet »97. Décrire « l’homosexualité comme étant des “mœurs arabes” ou des “mœurs orientales” »98 est courant, sous la Troisième République : ce préjugé raciste participe au projet colonial en réduisant les pays orientaux à des espaces homosexuels convertissables à l’hétérosexualité par l’importation des normes occidentales99. Tandis qu’il exalte les amours entre hommes, Essebac renforce ces représentations en alimentant un « tourisme »100 sexuel avant la lettre. Vers 1900, de nombreux écrivains homosexuels, comme Adelswärd-Fersen, familiers des œuvres de von Plüschow et de son cousin, publiées dans des revues d’art internationales101 et décrites par Essebac, s’exilent en Italie, fuyant l’Europe du Nord102. L’exil de cette élite « invertie » témoigne de la portée « géo-poiétique »103 des photographies allemandes – soit du fait qu’elles aient construit un espace a priori favorable aux relations entre hommes –, au-delà des Alpes, en actualisant une série de stéréotypes applicables au modèle italien, présenté comme à la disposition du client-spectateur.

Conclusion

  • 104 É. Reverzy, op. cit., p. 50.
  • 105 E. Illouz, La Fin de l’amour. Enquête sur un désarroi contemporain, Paris, Seuil, 2020 [2018], p. 2 (...)
  • 106 R. Revenin, op. cit., p. 28.
  • 107 E. Illouz, « Le capitalisme scopique et l’émergence d’une incertitude ontologique », op. cit., p. 1 (...)
  • 108 Ibid., p. 150.

19Espace homosocial au croisement de relations de pouvoir – économiques, sexuelles et raciales –, l’atelier photographique qui figure au centre de L’Élu pose de nouvelles questions à l’histoire des homosexualités. Dans le roman d’Essebac, la photographie n’élève pas seulement le corps et les amours masculines au rang d’« Idéal » artistique, elle est également l’expression métonymique, voire métaphorique de pratiques consuméristes autour desquelles s’articule une sexualité déviante, aux yeux des autorités médicolégales, et qui se légitime en s’inscrivant dans la culture de masse, alors en expansion104. Comme « produits de consommation […] devenus des objets transitionnels permettant de structurer les émotions et les relations »105, les clichés de nu masculin, tels qu’ils sont décrits par Essebac, témoignent à la fois du développement d’une « subculture homosexuelle »106 et d’une forme de « capitalisme scopique »107, au tournant du siècle. Expression théorisée par Eva Illouz, qui fonde son propos sur l’essai L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique de Benjamin, elle réfère à l’industrie de l’image qui s’est développée après 1960 : étudiant la façon dont le marché capitaliste a racheté la liberté sexuelle, la sociologue explique comment le corps est devenu une « unité visuelle prête à la consommation sexuelle »108. Ce capitalisme du regard équivaut, avant l’heure, aux conditions dans lesquelles les garçons qui défilent devant l’objectif du professeur Peterson exercent leurs activités de modèles. Enrôlés dans la rue, parfois affamés, ils sont réduits à des « images-objets » à vendre, à moins qu’ils ne soient, comme de nombreux alter ego réels, de jeunes prostitués au service de clients.

  • 109 M.-Fr. David-de Palacio, Reviviscences romaines. La latinité au miroir de l’esprit fin-de-siècle, B (...)
  • 110 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza... Vers la Beauté, op. cit., p. 182-183.
  • 111 A. Grand d’Esnon, « Lire et interpréter le désir et le (non-)consentement de personnages de fiction (...)
  • 112 « La fin des années trente voit en outre des tentatives assez sérieuses de pénalisation de l’homose (...)

20Dans L’Élu, comme dans les formes de sociabilités homosexuelles et photographiques qu’il reflète, l’objectivation du prostitué-modèle par le client-spectateur induit un problème éthique sur lequel j’ouvrirai ma conclusion. Sous la plume d’Essebac, la relation pédérastique, actualisée par le couple Pierre/Luigi, permet une exaltation de l’homosexualité masculine à travers une esthétique hellénisante appréciée du grand public entre 1870 et 1920109. Néanmoins, historiquement fondée sur l’opposition des positions de l’éphèbe, sexuellement passif, et de l’homme adulte, actif, qui l’initie, la pédérastie se double souvent, dans l’œuvre d’Essebac (ou d’autres écrivains homosexuels qui lui sont contemporains, comme Adelswärd-Fersen), d’une inégalité sociale, voire ethnique. À la différence d’âge entre les deux partenaires – qui pose question quand Essebac érotise certains « jolis gamins » qui ne sont qu’« aux approches de l’adolescence »110 – s’ajoute un rapport de pouvoir économique et culturel, auquel il est peut-être opportun de réfléchir en termes de « consentement »111. Mais la réflexion est d’autant moins simple qu’éviter d’employer la rhétorique homophobe de la police des mœurs, qui a longtemps instrumentalisé l’accusation de « corruption de la jeunesse » afin d’incriminer les rapports entre hommes112, est compliqué. C’est pourquoi relire Essebac, écrivain-photographe homoérotique, est intéressant : au croisement des discours sociaux et des médiums artistiques, son œuvre offre différents niveaux d’interprétation, dont la confrontation remet l’histoire des homosexualités masculines et de leurs représentations littéraires et photographiques (entre autres) en perspective.

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Bibliographie

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Notes

1 « Le 9 juillet 1903, Jacques d’Adelswärd est arrêté dans sa garçonnière au 18, avenue Friedland à Paris par M. Hamard, chef de la Sûreté de la Préfecture de Police de Paris. Il est accusé d’attentats à la pudeur, d’excitation de mineurs à la débauche et soupçonné d’avoir organisé des orgies homosexuelles au cours desquelles des mineurs ont été violés » (M. Rosenfeld, Formes et figures de l’amour entre hommes dans le discours social, les écrits personnels et la littérature en France et en Belgique de 1870 à 1905, thèse de doctorat en lettres, Paris-Louvain, Université Sorbonne nouvelle – Université catholique de Louvain, 2020, p. 397).

2 Voyez, par exemple, « Messes noires... », Le Matin, 7075, 10 juillet 1903, p. 2 (« Les magistrats se transportèrent ensuite aux garçonnières des avenues de Friedland et Mac-Mahon. Le lit en forme d’autel fut saisi, ainsi que les peignoirs dont se servaient les adeptes du singulier rite, les encensoirs et les autres instruments mis à la disposition des amis de MM. d’Ardouzet [d’Adelswärd-Fersen] et de W... [de Warren]. M. de Valles a également emporté des liasses de lettres qu’il sera toujours impossible de reproduire, et des photographies pornographiques ») ou L. Peltier, « Un gros scandale », Gil Blas, 8738, 11 juillet 1903, p. 2 (« M. Hamard a saisi toute la défroque dont s’affublaient ces névrosés : des tuniques de lin, des couronnes de muguet artificiel... Il a emporté aussi tout un lot de photographies obscènes et des lettres de style mystique, mais d’une signification trop précise »).

3 A. Tardieu, Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs, Paris, Baillière, 1859 [1857], p. 131.

4 Ibid.

5 « Avec l’époque napoléonienne, on assiste, le 12 février 1810 à la mise en place du nouveau Code pénal de 1810, remplaçant celui de 1791. À cette occasion, plusieurs délits sont définis comme l’outrage public à la pudeur et l’incitation de mineurs à la débauche, l’outrage aux mœurs par voie de presse. À travers ces notions, l’homosexuel masculin devient susceptible d’être visé en premier lieu » (Th. Pastorello, « L’arsenal juridique en matière d’homosexualité dans la première partie du XIXe siècle : de l’abolition du crime de sodomie à l’outrage aux mœurs », in Sodome à Paris. Fin XVIIIe-milieu XIXe siècle : l’homosexualité masculine en construction, 2011, p. 205-206).

6 « La littérature cède également à cette mode “éphébophile” avec les romans d’Achille Essebac (né en 1868) : Dédé (1901), Luc (1902) ou L’Élu (1903) présentent les amours homosexuelles chastes entre adolescents âgés de seize à vingt ans environ » (R. Revenin, Homosexualité et prostitution masculine à Paris. 1870-1914, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 72).

7 Je traduis C. Leslie, Wilhelm von Gloeden Photographer. A Brief Introduction to his Life and Work, New York, Soho Photographic Publishers, 1977, p. 68.

8 Fl. Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris, 1919-1939, Paris, Seuil, 2000, p. 299.

9 N. Canet, Wilhelm von Gloeden – Wilhelm von Plüschow – Vincenzo Galdi. Beautés siciliennes. Portraits nus, 1880-1915, Paris, Galerie Au Bonheur du Jour, 2014, p. 6.

10 Pour une étude sur l’influence des photographies de von Plüschow et de von Gloeden sur la littérature anglaise, je renvoie notamment à St. Arcara, « Hellenic Transgressions, Homosexual Politics. Wilde, Symonds and Sicily », Studies in Travel Writings, 16, 2012, p. 135-147.

11 P. Marcoz, « Le Ganymède incertain d’un militant homosexuel de la première heure : Jacques d’Adelswärd-Fersen », in V. Gély (dir.), Ganymède ou l’échanson. Rapt, ravissement et ivresse poétique, Nanterre, Presses universitaires de Paris-Nanterre, 2008, p. 217-229.

12 L’édition que j’ai consultée (Achille Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, Paris, Ambert, s.d. [1902]), physiquement présente à la Bibliothèque nationale de France (site de l’Arsenal), n’est ni datée ni numérotée, contrairement aux éditions reproduites en microfiches (sur le site François-Mitterrand), où la mention « seconde édition » figure en page de titre. Alors que le Journal général de l’imprimerie et de la librairie date ce roman de « 1903 » (A.-J.-Q. Beuchot, Journal général de l’imprimerie et de la librairie, Paris, Cercle de la librairie, 1903, p. 118), le Catalogue général de la librairie française indique « 1903 [1902] » (O. Lorenz et D. Jordell, Catalogue général de la librairie française, Paris, Kraus reprint, Nendeln, 1908, v. XVIII, p. 563) : l’édition que j’ai consultée serait l’édition princeps du roman, publiée en 1902 (contrairement à ce qu’indique le catalogue en ligne de la Bibliothèque nationale).

13 « N’est-il pas temps, en somme, de songer à articuler la littérature autour de ses relations à l’espace, de promouvoir une géocritique, poétique dont l’objet serait non pas l’examen des représentations de l’espace en littérature, mais plutôt celui des interactions entre espaces humains et littérature » (B. Westphal, La Géocritique mode d’emploi, Limoges, Presses de l’Université de Limoges, 2000, p. 17).

14 E. Kosofsky Sedgwick, Épistémologie du placard, Paris, Amsterdam, 2008 [1990], p. 36.

15 Pour une étude plus approfondie sur les rapports entre littérature et photographie homoérotique dans Partenza... Vers la beauté !, je renvoie à mon article : N. Duriau, « D’une homosexualité fin-de-siècle : le voyage d’Achille Essebac parmi les clichés de l’Italie. Regards sur Partenza... Vers la beauté ! (1898) d’Achille Essebac », Romantisme, 185, 2019, p. 122-136.

16 J.-Cl. Féray, Achille Essebac, romancier du désir, Paris, Quintes-feuilles, 2008, p. 114.

17 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza... Vers la beauté !, Paris, Chamerot et Renouard, 1898, p. 181-182.

18 J.-Cl. Féray, op. cit., 2008, p. 152.

19 « Pierre Pélissier n’avait pas, sans remords, quitté Paris, puis Meiras en Savoie, abandonnant au château du vieil oncle Anthelme-Gilbert de Meiras sa petite sœur Gilberte ! Il lui avait fallu oublier, dans une radicale transformation de son existence, la peine tenace de n’avoir pas obtenu en mariage celle qu’il désirait, plus qu’il ne l’aimait sincèrement sans doute : Céline Delhostel, la fille du père Delhostel, le richissime entrepreneur de terrassements. Elle avait préféré à sa douceur de presque gamin – à vingt-deux ans Pierre paraissait sortir du collège – la robustesse brutale et fanfaronne d’Yves Le Hel » (A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 8-9).

20 Ibid., p. 296.

21 Sh. McCutcheon, « Un pédéraste érudit : masculinité et homoérotisme chez Johann Joachim Winckelmann », Cahiers d’histoire, 32, 1, 2013, p. 142.

22 « Pierre et Jean, Pierre surtout, mieux accessible aux frissons de cette beauté qui jamais à ses regards ne s’était offerte ainsi, abondante et libre, Pierre voulut chercher de quelles exclamations caressantes son enthousiasme allait envelopper cet éphèbe capable par sa beauté non seulement d’égaler – où le mérite serait médiocre – mais de surpasser même par son visage autant que par les formes de son corps la perfection d’une vierge » (A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 55).

23 Sh. McCutcheon, op. cit., p. 140-146.

24 M. Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 160.

25 Je renvoie, par exemple, à R. Revenin, « Conceptions et théories savantes de l’homosexualité masculine en France, de la Monarchie de Juillet à la Première Guerre mondiale », Revue d’histoire des sciences humaines, 17, 2007, p. 23-45 ou à J. Mazaleigue-Labaste, « Perversions parisiennes. La psychopathologie sexuelle en France, entre 1872 et 1897 », Histoire, médecine et santé, 12, 2017, p. 18-39.

26 Voyez, par exemple, Ch. Ribeyrol, « Chapitre XII. L’artiste et son modèle », in Étrangeté, passion, couleur. L’hellénisme de Swinburne, Pater et Symonds (1865-1880), Grenoble, Université Grenoble Alpes, 2013, p. 201-213.

27 B. Vouilloux, « Le roman de l’artiste aux frontières des genres et des représentations », Revue de littérature comparée, 358, 2016, p. 161-172.

28 M. Sartre, « Virilités grecques », in A. Corbin et al. (dir.), Histoire de la virilité. L’invention de la virilité. De l’Antiquité aux Lumières, Paris, Seuil, 2011, vol. 1, p. 45-55.

29 Je renvoie notamment à B. Vouilloux, op. cit., p. 161-168 et à L. Brogniez, « Figurations de la femme artiste dans le roman belge (1850-1930) : autour de quelques chefs-d’œuvre inconnus », in A. Lebarbier, Fabula Colloques. Les chefs-d’œuvre inconnus au XIXe siècle, 2021. https://www.fabula.org/colloques/document6920.php

30 B. Vouilloux, op. cit., p. 162.

31 « L’Operator, c’est le Photographe » (R. Barthes, La Chambre claire : notes sur la photographie, Paris, Gallimard-Seuil, 1980, p. 22).

32 « [L]’adjuvant [...] recouvre deux personnages, le helper [l’auxilliaire] et le donor (= provider) [le donateur] » (A. J. Greimas, Sémantique structurale, Paris, Presses universitaires de France, 2002 [1966], p. 179).

33 V. Rodriguez, « L’atelier institué en portrait de l’artiste moderne dans la littérature du XIXe siècle », Racar. Revue d’art canadienne. Canadian Art Review, 26, 1999, p. 9.

34 É. Reverzy, Portrait de l’artiste en fille de joie. La littérature publique, Paris, CNRS, 2016, p. 222.

35 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 153.

36 G. Dall’Orto, « Istantanea di Wilhelm von Plüschow (1852-1930) », La Gaya scienza, http://www.giovannidallorto.com/gloeden/pluschow/biopluschow.html (consulté le 4 juillet 2022).

37 N. Canet, op. cit., p. 127-128.

38 « Dès son retour à Rome il [von Plüschow] continue ses prises de vue avec des garçons, des scènes plutôt érotiques, et les amateurs acheteurs de tous milieux et tous pays viennent lui rendre visite. Ils sont aussi attirés par la jeunesse présentée et proposée pour des services sexuels. Son appartement ressemblait alors plus à un “bordel d’hommes” qu’à un studio photographique et il eut des problèmes avec la justice » (ibid., p. 129).

39 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 56-58.

40 J. Baetens, « Sémiotique et photographie, 1961-2006 », Recherches sémiotiques. Semiotic Inquiry, 28, 2008, p. 24.

41 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 13.

42 Ibid., p. 42.

43 Ibid., p. 27.

44 R. Peyrefitte, L’Exilé de Capri, Paris, Flammarion, 1959, p. 61.

45 N. Canet, op. cit., p. 13.

46 M. Rosenfeld, « Essebac, Achille. Biographies des contributeurs à Akademos par ordre alphabétique », in N. Albert et P. Cardon (éds), Akademos, mode d’emploi, Montpellier, GayKitschCamp, 2022, p. 478.

47 Je renvoie à D. Delille, « L’œil inverti. Homoérotisme et culture visuelle dans les revues Der Eigene et Akademos », Images Re-vues, 17, 2020 et à D. Delille, « Les visions artistiques et esthétiques dans la revue Akademos », in N. G. Albert et P. Cardon (éds), Akademos, mode d’emploi, Montpellier, GayKitschCamp, 2022, p. 147-173.

48 A. Thévenin, « Un adepte du noir et blanc : Ciolkowski », Akademos, décembre 1909, p. 1562-1565, Montpellier, GayKitschCamp, 2022.

49 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Album de photographies originales, s.l., ca 1900, n.p., reproduit par A. Caussé et J. Desse (éds), L’Autre Amour. Livres et documents uniques, Paris, Libraires associés, 2014, n.p.

50 A. Caussé et J. Desse (éds), ibid.

51 Pour certaines des photographies attribuées à Essebac, voyez N. Canet, « Achille Essebac », Au Bonheur du Jour, mis en ligne le 15 juillet 2021. https://www.aubonheurdujour.net/achille-essebac/

52 Ph. Artières et Cl. Thomson, Fières Archives : documents et images autobiographiques d’homosexuels « fin-de-siècle », Neuilly, Atlande, 2017, p. 23.

53 F. Moulinat, « Les Amours grecques : homosexualité et représentations, du Léonidas de Jacques-Louis David (1799-1814) au Swimming Hole de Thomas Eakins (1885) », 159, 2013, p. 73.

54 Ph. Artières et Cl. Thomson, op. cit., p. 20-24.

55 X. Galmiche, William Ritter voyage en Slovaquie (1903-1914). Images d’un pays rêvé, Paris, Eur’Orbem, 2019, vol. 1, p. 110-120.

56 Ibid., p. 118.

57 D. Delille, op. cit., 2020.

58 P. Tabet, La Grande Arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 17.

59 W. Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, Allia, 2003 [1935], p. 45.

60 N. Canet, op. cit., p. 129.

61 A. Corbin, Les Filles de noce. Misère sexuelle et prostitution, Paris, Flammarion, 2015, p. 485.

62 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 99.

63 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 119.

64 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Dédé, Paris, Ambert, 1901, p. 8.

65 R. Courapied, « Modélisation fictionnelle – Achille Essebac : la misogynie au service de l’amitié idyllique », in Le Traitement esthétique de l’homosexualité dans les œuvres décadentes face au système médical et légal. Accords et désaccords sur une éthique de la sexualité, thèse en littérature française, Université de Rennes 2, 2014, p. 185-201.

66 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 88.

67 Je traduis X. Mayne (pseud.) [E. Prime-Stevenson], The Intersexes. A History of Simisexualism as a Problem in Social Life, s.l.n.d., p. 485-486. Sous la plume d’E. Prime-Stevenson, il est question d’un photographe appelé « P – » : l’évocation d’un lien familial entre « P – » et un autre artiste installé près de Taormina, dont on peut penser qu’il s’agit de W. von Gloeden, permet d’identifier W. von Plüschow.

68 G. Dall’Orto, op. cit.

69 Je traduis « L’Arresto d’un fotografo », Il Messaggero, 134, 15 mai 1907, p. 4.

70 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza… Vers la beauté !, op. cit., p. 113.

71 « Garçon très joli, très polisson » (je traduis, Partenza… Vers la beauté !, Paris, Ambert, 3e éd., 1903 [1898], p. 115-116).

72 « Les entremetteurs se nomment proprement “ruffiani” ; mais quand on veut parler poliment, on les appelle “commissionieri”. Il ne faut pas confondre le “ruffiano” et celui qui “vive sopra le donne” [sic] comme les nôtres, ils se font entretenir par les femmes publiques, leurs maîtresses, et ne diffèrent guère d’apparence et d’allure de ceux qu’on voit à Paris sur les boulevards extérieurs. Au contraire, l’état de ruffiano est une position ; le ruffiano est un homme correctement habillé, qui a l’air d’un petit marchand ou d’un petit bourgeois ; il sait plusieurs langues, du moins assez pour offrir sa marchandise ; il reconnaît du premier coup d’œil la nationalité des étrangers, et les aborde pour leur faire dans leur langue ses offres de service ; il leur laisse sa carte imprimée, et les prie fort honnêtement de ne pas donner leur clientèle à un concurrent » (G. Hérelle, « Italie, Belgique et Hollande, Russie, Asie, Afrique et Amérique centrale », Fonds Georges Hérelle, ms. 3392, Bibliothèque de Troyes, France, 1890-1891, cité par Cl. Thomson, « Chapitre II. Notes de voyages et enquêtes sur la prostitution masculine en Italie », in Georges Hérelle : archéologue de l’inversion sexuelle « fin de siècle », Paris, Éditions du Félin, 2014, p. 105).

73 J.-Cl. Féray, op. cit., p. 156.

74 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 72, p. 104 et passim.

75 Ibid., p. 201.

76 Ibid., p. 104.

77 Ibid., p. 102.

78 « – Oui, oui, c’est Luigi De Simone. Povero ! Il ne voulait rien dévoiler de lui mais il a eu foi et m’a raconté un peu de sa pauvre existence... S’il voulait poser nu ce serait à coup sûr le plus beau de tous mes modèles. – Il ne veut pas ? ajouta Pierre ensemble rassuré et désappointé. – Non monsieur, dit simplement Peterson, et à voir sa résistance actuelle je ne prévois pas qu’il cède jamais sur ce point. Luigi est un petit jeune homme très distingué qui ne veut pas être confondu avec les birichini » (ibid., p. 51).

79 Ibid., p. 72.

80 Ibid., p. 40-41.

81 « Pierre contint mal son trouble et se reprocha cette émotion qu’il jugeait ridicule, bien que ce petit être qui répondait sans savoir à toutes ses sympathies, fût un type émouvant de grâce et de perfection. En outre, la honte lui apparut de son désir ; il lui sembla sacrilège si cet enfant foulait aux pieds sa jeune pudeur pour le seul gain de quelques piécettes qui lui permissent de ne pas mourir de faim. Pierre allait s’opposer à ce que Luigi se déshabillât. Il ne l’aimait pas pour cette nudité qui ne pouvait rien ajouter à son amour » (ibid., p. 72).

82 É. Reverzy, op. cit., p. 25.

83 Ph. Lejeune, « Autobiographie et homosexualité en France au XIXe siècle », Romantisme, 56, 1987, p. 88-89.

84 « Le souteneur demande cinquante lires, en donne deux au garçon et garde le reste » (je traduis Georges Hérelle, ms. cité, 1890-1891, ff. 1-8, cité par Cl. Thomson, op. cit., p. 107).

85 Georges Hérelle, op. cit., p. 123-124.

86 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 112.

87 Chr. Taraud, « La virilité en situation coloniale, de la fin du XVIIIe siècle à la Grande Guerre », in A. Corbin et al. (dir.), Histoire de la Virilité. Le triomphe la virilité. Le XIXe siècle, Paris, Seuil, 2011, vol. 2, p. 331-347.

88 Y. Clavaron, Le Génie de l’Italie. Géographie littéraire de l’Italie à partir des littératures américaines, britanniques et françaises, 1890-1940, Saint-Denis, Connaissances et savoirs, 2017, p. 11.

89 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza... Vers la beauté !, op. cit., p. 170.

90 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., p. 71.

91 Ibid., p. 76.

92 Ibid., p. 84.

93 L. Rosier, De l’insulte... aux femmes, Bruxelles, 180 degrés, 2017, p. 76.

94 J. A. Boone, The Homoerotics of Orientalism, New York, Columbia University Press, 2014, p. 223-254.

95 « La fortune de l’Italie est inséparable du sort de la Beauté dont elle est mère. Gabriele d’Annunzio » (A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], L’Élu, op. cit., n.p.).

96 « 31 avenue de Neuilly. Neuilly-sur-Seine. Monsieur et cher Maître, Avec une courtoisie et un à-propos charmant, Jules Lemaître rappelait dans “l’Écho de Paris” du 30 septembre les notes émouvantes que vous avez écrites sur la Mort de Venise. De telles pages doivent vous consoler et nous consolent des “barbares” contre lesquels, hélas, aucun signe ne se montre dans le ciel. Tandis que je faisais lire, dans mon entourage, cette “Mort de Venise” pieusement conservée dans les colonnes du “Journal” j’apprenais l’existence d’autres études italiennes de vous, Monsieur, notamment sur les “Jardins de Lombardie”. Mais les libraires – qui sont surtout marchands – ne purent me renseigner sur l’époque où parurent ces dernières pages et les recueils de revues qui les publiaient. Je viens vous prier, Monsieur, de bien vouloir suppléer à l’ignorance des négociants en livres. En vous remerciant mille fois à l’avance, je m’excuse de la liberté grande de cette démarche et vous supplie, d’agréer, Monsieur et cher Maître, l’hommage de mon admiration et de mon respect. Achille Essebac. 3-10-01 » (A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], « Correspondance générale, Eandi-Ézeurra, Essebac », in Correspondances. Lettres reçues par Maurice Barrès, Paris, Bibliothèque nationale de France, 3 octobre 1901, NAF 28210).

97 B. Westphal, La Géocritique : réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007, p. 235.

98 R. Revenin, op. cit., p. 103.

99 E. Saïd, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Point, 2013 [1978], p. 66.

100 J. K. Puar, Homonationalisme. La politique queer après le 11 septembre, Paris, Amsterdam, 2012 [2007], p. 42.

101 Voyez, par exemple, J. Gleeson White, « The Nude in Photography: with some Studies taken in the Open Air », The Studio. An Illustrated Magazine of Fine Arts and Applied Arts, 3, 1893, p. 103-108.

102 J.-Cl. Féray, op. cit., 2008, p. 151.

103 « Le texte ne renvoie pas directement au réel mais à une “expérience du réel” : il ne faut pas oublier que l’espace humain n’existe que dans les modalités de cette expérience qui, devenue discursive, est créatrice du monde (“géo-poiétique”). Toute œuvre, aussi éloignée de la réalité sensible, aussi paradoxale qu’elle paraisse, participe du réel – et, peut-être participe au réel » (B. Westphal, op. cit., 2007, p. 142-143).

104 É. Reverzy, op. cit., p. 50.

105 E. Illouz, La Fin de l’amour. Enquête sur un désarroi contemporain, Paris, Seuil, 2020 [2018], p. 282.

106 R. Revenin, op. cit., p. 28.

107 E. Illouz, « Le capitalisme scopique et l’émergence d’une incertitude ontologique », op. cit., p. 139-199.

108 Ibid., p. 150.

109 M.-Fr. David-de Palacio, Reviviscences romaines. La latinité au miroir de l’esprit fin-de-siècle, Berne, Peter Lang, 2005, p. 7.

110 A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse], Partenza... Vers la Beauté, op. cit., p. 182-183.

111 A. Grand d’Esnon, « Lire et interpréter le désir et le (non-)consentement de personnages de fiction. Le problème de la psychologie des personnages », communication en ligne sur le site du projet Malaises dans la lecture, 14 février 2019. https://malaises.hypotheses.org/546

112 « La fin des années trente voit en outre des tentatives assez sérieuses de pénalisation de l’homosexualité masculine qui n’aboutiront finalement que sous Vichy. De 1942 à 1982, les relations entre personnes de même sexe seront ainsi pénalisées si l’un des participants se trouve avoir moins de 21 ans. Cette législation crée une discrimination de fait entre les sexualités qu’on appelle de plus en plus fréquemment “homosexuelles” et celles qu’on nomme “hétérosexuelles” » (R. Jaouen, L’Inspecteur et l’« inverti ». La police face aux sexualités masculines à Paris, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 23).

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Table des illustrations

Titre Figure 1. A. Essebac (pseud.) [H.-L. A. Bécasse]
Crédits Source : Partenza… Vers la beauté !, Paris, Chamerot et Renouard, 1898, n.p.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/2134/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 967k
Titre Figure 2. W. von Plüschow, Martyr chrétien, Rome, ca 1900
Crédits Source : Galerie David Guiraud, photographie partiellement reproduite par C. Klary, La Photographie du nu, Paris, Klary, 1902, p. 24
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/2134/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 359k
Titre Figure 3. A. Essebac [H.-L. A. Bécasse], Album de photographies originales, 20 x 14,5 cm, s.l., ca 1900
Crédits Source : Reproduit par A. Caussé et J. Desse, L’Autre Amour. Livres et documents uniques, Paris, Libraires associés, 2014, n.p.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/docannexe/image/2134/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 329k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Nicolas Duriau, « Sociabilités homosexuelles et photographiques à l’ère de la reproductibilité technique »Sextant [En ligne], 40 | 2023, mis en ligne le 26 avril 2024, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sextant/2134 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sextant.2134

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Auteur

Nicolas Duriau

Titulaire d’un mandat d’aspirant du Fonds de la recherche scientifique (FRS-FNRS), Nicolas Duriau poursuit ses recherches à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Écrite sous la direction de la professeure Valérie André, sa thèse de doctorat porte sur les représentations des prostitutions masculines dans le roman d’expression française, du roman du libertinage (1783) au roman proustien (1922). Plus généralement, ses centres d’intérêt s’inscrivent dans l’histoire littéraire des XVIIIe et XIXe siècles, étudiée au prisme des questions de genre et de sexualité. Ses deux premiers articles, publiés dans des revues à comité de lecture international (Romantisme, Paris, 2019 ; Études littéraires, Québec, 2021), en témoignent.

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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