Navigation – Plan du site

AccueilNuméros31Introduction au dossierLes enjeux et les leviers de la p...

Introduction au dossier

Les enjeux et les leviers de la participation des familles en protection de l’enfance

The challenges and levers of family participation in child protection
Los retos y resortes de la participación de las familias en la protección de la infancia
Michel Boutanquoi et Carl Lacharité

Texte intégral

Introduction

1La participation fait partie de ces termes qui rencontrent un certain écho tant dans le monde médiatique que dans celui de la recherche ou encore des politiques publiques. Et comme le note Marcel Jaeger, elle fait l’objet de débats du fait de l’indétermination du principe (Jaeger, 2023, p. 18). Catherine Sellenet souligne pour sa part que « le champ sémantique du terme participation est également très vaste, ce qui nous amène à penser que la participation peut prendre bien des visages » comme ceux de l’adhésion, de l’engagement, de la coopération, de l’implication ou de l’association (Sellenet, 2021, p. 155).

2Pour tenter de préciser ce que peut recouvrir l’idée de participation, il nous faut sans doute distinguer trois entrées possibles : une entrée politique et démocratique, une entrée par le cadre légal, une entrée centrée sur la vulnérabilité afin d’aborder la spécificité des services à l’enfance, incluant la protection de l’enfance.

La raison démocratique

3Pour Jaeger, « la participation est consubstantielle aux fondements de la démocratie, en ce qu’elle affirme l’appartenance en droit de tout individu à la société, quelles que soient ses singularités, ses difficultés, voire son étrangeté » (2023, p. 19). Mais affirmer un principe, ce n’est pas donner un contenu, d’autant que, comme le rappelle Zask, « aujourd’hui encore prévaut une conception amenuisée, voire inoffensive, de la participation », ou encore instrumentalisée « en vue de légitimer les dispositifs… et non en vue d’accroître l’individualité des acteurs et l’efficience de la citoyenneté » (Zask, 2021, p. 63). Autrement dit, le monde politique tend à invoquer la démocratie participative dans des cadres qui ne permettent pas réellement de peser sur les choix. En France, la Convention citoyenne pour le climat a montré les limites d’un tel exercice lorsque ceux qui exercent le pouvoir se donnent la possibilité de retenir ou non les propositions formulées.

4Au-delà de l’appartenance, pour Zask (2021), la participation recouvre trois aspects : prendre part, ce qui relève de l’engagement dans une activité commune ; apporter sa part, ce qui signifie contribuer par exemple à un projet associatif ; et recevoir une part, c’est-à-dire obtenir une reconnaissance pour la contribution apportée. Mais l’auteure le souligne, contribuer suppose d’« avoir accès à un certain nombre de ressources, de biens, de compétences » (p. 78), ce qui pose la question de la participation des personnes en situation de vulnérabilité, des personnes fragilisées par la perte de liens sociaux.

5D’un point de vue politique, démocratique, la participation ne peut se réduire à une possibilité socialement construite et valorisée de s’engager, de contribuer à une action aussi essentielle soit-elle. Elle implique de penser la prise de décision quand elle concerne la gouvernementalité, selon le terme employé par Foucault pour désigner « la manière dont on conduit la conduite des hommes » (Foucault, 2004).

6Face à une logique verticale qui relève de l’exercice du pouvoir, face à une crise de la démocratie « caractérisée en grande partie par le sentiment des citoyen·nes d’être mal ou plus du tout représenté·es », l’idée d’une participation citoyenne peut apparaître comme une solution au déficit de légitimité (Landemore et Fourniau, 2022, p. 6). Mais l’essentiel est sans doute de considérer en premier lieu la raison démocratique, de considérer que « la valeur de la démocratie comme procédure de décision collective tient au moins en partie à sa capacité à canaliser l’intelligence collective des citoyens […] et à produire en conséquence de bons résultats » (Landemore, 2022). Pour cette auteure, le premier mécanisme de cette raison démocratique est la délibération (le second étant la règle majoritaire). La délibération relève de l’intelligence collective (celle-ci n’étant pas la somme des intelligences individuelles) qui repose sur la diversité cognitive, « la capacité à voir le monde depuis différents points de vue ». La question n’est pas alors de savoir si des citoyens sont capables de faire la loi (Landemore et Fourniau, 2022) mais bien de reconnaître ce que la délibération rend possible en termes de décisions. Évoquant le cas de conventions citoyennes, Hélène Landemore et Jean-Michel Fourniau rappellent combien « l’écoute et le respect entre participant·es, la sincérité des prises de parole et leur orientation vers le bien commun, le goût pour l’expression du désaccord politique en face à face, qualifient l’expérience délibérative partagée et forment la confiance dans leur capacité collective à produire des propositions efficaces et justes » (ibid., p. 18).

Le cadre légal

7En France, plusieurs textes législatifs évoquent la question de la participation ; Jaeger en situe quelques-uns. Parmi eux, le plus important pour ce qui concerne le champ qui nous intéresse est sans doute la loi no 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, qui contient « une exigence majeure, dont l’enjeu est la réalisation complète des droits des usagers » (Jaeger, 2023, p. 22). La loi a inscrit dans le Code de l’action sociale et des familles un principe essentiel :

« La participation directe de la personne prise en charge à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne. Cette personne bénéficie de l’aide de son représentant légal, s’il s’agit d’un mineur […] » (article L. 311-3.)

8Aux côtés d’un droit individuel est prévu un droit collectif :

« Afin d’associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l’établissement ou du service, il est institué soit un conseil de la vie sociale, soit d’autres formes de participation. » (article L. 311-6.)

9Si ce texte ouvre des perspectives et peut constituer un levier, son application concrète demeure pour le moins inaboutie tant cela suppose un changement de regard sur les personnes, un changement dans les cultures professionnelles (Jaeger, 2023, p. 32) et organisationnelles. Pour ne parler que de la participation des enfants sur le plan collectif, quand le CESE (Conseil économique, social et environnemental) invite « à rendre effective la participation permanente des jeunes concernés par la protection de l’enfance dans les comités départementaux pour la protection de l’enfance (CDPE) en veillant à la diversité de leurs profils » (2024, p. 47), il souligne le chemin qu’il reste à parcourir.

10S’agissant justement de la protection de l’enfance, l’article L. 223-4 du CASF prévoit que « le service examine avec le mineur toute décision le concernant et recueille son avis », ce qui n’est que l’application de l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Dans le cadre de l’élaboration du « projet pour l’enfant », qui selon le CASF « vise à garantir son développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social », il n’est pas prévu que le mineur soit directement associé sauf un an avant sa majorité « pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie ».

11La place des parents reste un objet de débats, d’oscillations entre recherche d’implication et mise à distance, entre recherche du consentement et contrainte (Capelier, 2021, p. 121), entre reconnaissance de droits dans leurs relations avec le service de l’Aide sociale à l’enfance (droit d’être informés, d’être accompagnés par une personne de leur choix, droit à une évaluation qui prenne en compte leur situation…) et surveillance de l’exercice de l’autorité parentale. L’évolution de leur place dans l’élaboration du projet pour l’enfant en est le reflet. Le texte précisait à l’origine :

« Les services départementaux et les titulaires de l’autorité parentale établissent un document intitulé “projet pour l’enfant” qui précise les actions qui seront menées auprès de l’enfant, des parents et de son environnement, le rôle des parents, les objectifs visés et les délais de leur mise en œuvre. » (CASF, article L. 223-1-1.)

12Mais la loi no 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a modifié cette perspective :

« Le président du conseil départemental est le garant du projet pour l’enfant, qu’il établit en concertation avec les titulaires de l’autorité parentale. »

13On note donc une régression puisque l’on passe de l’idée d’une élaboration conjointe à la simple concertation. Comme le note Flore Capelier : « Ainsi, le projet pour l’enfant se présente-t-il désormais comme un document à la main de l’administration établi en concertation avec les titulaires de l’autorité parentale, sans pour autant présenter les parents dans une position égalitaire vis-à-vis des services départementaux de la protection de l’enfance » (Capelier, 2021, p. 122).

14Si la participation à l’élaboration du projet d’accompagnement est un droit, cela n’apparaît pas comme une évidence dans le cadre de la protection de l’enfance. Donner son avis pour un mineur ne signifie nullement que sa voix sera entendue et prise en compte ; la concertation avec les parents ne signifie nullement la possibilité pour eux de peser sur une orientation. Il reste du chemin pour atteindre une participation significative, une participation qui influe sur le processus décisionnel.

15Au Québec, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ, 2021), créée dans la foulée du décès en 2019 d’une jeune fille des suites de sévices de la part de son père et de la conjointe de celui-ci, a produit une vaste analyse du dispositif de prévention de la maltraitance et de protection des enfants. L’une des principales conclusions de cette commission évoque la nécessité de clarifier et de renforcer le rôle de la participation des enfants et de leurs parents à l’intérieur de la loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Un an plus tard, le 1er mai 2022, était adoptée une version révisée de cette loi. Ainsi, l’article 3 garantit à l’enfant le droit de se faire entendre dans toutes les décisions qui le concernent. Cet article souligne que ce dernier a le droit d’être informé et consulté dès qu’une action du dispositif est envisagée. Il met en relief le fait que l’enfant n’est pas un bénéficiaire passif d’une action de protection qui lui est destinée ; il a son mot à dire dans le cadre du processus décisionnel. L’article 4, quant à lui, reconnaît également aux parents le droit de participer activement au processus décisionnel concernant les mesures de protection de leur enfant, que celles-ci soient de nature volontaire ou judiciaire. Cet article souligne que les parents doivent être informés des démarches entreprises par les personnes intervenantes du dispositif de protection de la jeunesse et qu’ils doivent être consultés sur les mesures envisagées, sauf dans les cas où cela pourrait compromettre la sécurité ou le développement de l’enfant. La collaboration entre les parents et les personnes intervenantes est formellement encouragée dans le but de trouver des solutions qui s’inscrivent dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Comme l’avait souligné la CSDEPJ (2021), de telles modifications de la LPJ étaient nécessaires afin de promouvoir un meilleur équilibre entre la protection de l’enfant, la reconnaissance de son autonomie progressive et la participation active de ses parents. De cette manière, la LPJ reconnaît un constat scientifique qui montre que la prise en compte de la voix des enfants et la collaboration avec les parents améliorent l’efficacité des actions du dispositif de protection de l’enfance et favorisent des solutions plus adaptées et pérennes.

16Ces articles de loi qui édictent en principe fondamental la participation de l’enfant et de ses parents sont renforcés par plusieurs autres articles, plus opérationnels ceux-là, qui prévoient des modalités d’application telles qu’une série d’obligations : informer l’enfant et ses parents de leurs droits (incluant celui de contester les décisions), entendre l’enfant lors des audiences du tribunal de la jeunesse et d’autres instances décisionnelles et contribuer à l’élaboration du plan d’intervention qui découle de la mesure adoptée.

17Un an après la promulgation de la révision de la LPJ, dans leur bilan annuel, les directeurs régionaux de la protection de la jeunesse (DPJ) ont fait le point sur la mise en œuvre des articles de la LPJ visant à renforcer la participation des jeunes et de leurs parents (Directeurs de la protection de la jeunesse, 2023). Ainsi, même si certains aspects semblent en voie d’amélioration (participation accrue des jeunes et des parents aux processus décisionnels, plus grande satisfaction d’être écoutés, perception d’une meilleure collaboration avec les personnes intervenantes), d’autres aspects dénotent une mise en œuvre difficile. Il existe notamment des disparités régionales quant au niveau de participation des jeunes et à la qualité de l’accompagnement visant à favoriser l’expression de leur voix. C’est aussi le cas en ce qui concerne les informations administratives et juridiques, qui sont jugées encore peu adaptées au niveau de compréhension des jeunes ou de leurs parents. Cela a pour répercussion de restreindre leur capacité d’exercer pleinement le droit de participation prévu par la loi. De plus, l’équilibre entre la protection de l’enfant et la participation des parents, lorsque ceux-ci sont considérés comme étant directement responsables de la compromission de son développement ou de sa sécurité (il faut noter que c’est le cas de la majorité des situations prises en charge par le dispositif), représente toujours un défi de taille que le nouveau cadre légal ne semble pas avoir réussi à minorer. Enfin, dans les familles qui sont issues de l’immigration de même que dans celles où l’on retrouve des conflits conjugaux, de la violence conjugale ou un fort sentiment de méfiance envers les institutions, la participation des jeunes et des parents s’avère tout aussi difficile qu’avant la révision de la loi. Encore ici, le nouveau cadre légal québécois offre peu de leviers permettant d’améliorer la qualité de la participation des familles dans ces contextes. Certes, le cadre légal produit des avancées pour favoriser cette participation. Cependant, ces constats renforcent l’exploration de pistes de solutions qui ne relèvent pas strictement de ce cadre. C’est dans le champ de l’organisation des services et des pratiques professionnelles qu’il faut entrer pour trouver de telles pistes, d’où la pertinence d’une réflexion portant sur les liens entre vulnérabilité et participation.

La vulnérabilité

18Penser la vulnérabilité oblige à distinguer, comme le fait Garrau (2018), entre vulnérabilité fondamentale et vulnérabilité problématique.

19La vulnérabilité fondamentale caractérise notre condition humaine, elle n’est pas faiblesse, mais la marque de notre humanité, de notre interdépendance aux autres, d’une autonomie dépendante « de relations interpersonnelles de care et de reconnaissance » (Garrau, 2018, p. 133). C’est ce qu’exprime avec force Albert Camus lorsqu’il écrit dans L’homme révolté (1951, p. 371) : « J’ai besoin des autres qui ont besoin de moi et de chacun » ; ou encore Norbert Elias : « chaque individu est par nature fait de telle sorte qu’il a besoin des autres qui étaient là avant lui pour pouvoir grandir » (1991, p. 57).

20La vulnérabilité problématique concerne des individus, des familles dont les capacités d’action sont réduites, dont la voix ne porte pas, n’est pas entendue ou est disqualifiée. Elle est le produit de réalités contextuelles, sociales, historiques, interpersonnelles et intrapsychiques. Il faut d’ailleurs plutôt parler de situations de vulnérabilité afin de ne pas faire de la vulnérabilité problématique un attribut des individus au risque, comme le remarque Marc-Henry Soulet, d’une forme d’essentialisation qui manque à reconnaître que « des individus singuliers sont vulnérables dans certaines conditions et dans celles-ci seulement » (Soulet, 2014, p. 20). De son côté, Judith Butler attire notre attention sur les risques d’une approche en termes de vulnérabilité, en remarquant que le discours sur les groupes vulnérables « reproduit le discours paternaliste et donne une autorité à des organismes de régulation » (2021, p. 205), autorité pour agir, pour intervenir. Elle ajoute : « Nous devons nous demander si, en décrivant des personnes et des communautés qui sont soumises à la violence de façon systématique, nous leur rendons justice, et si, en les réduisant à des vulnérables, nous respectons véritablement la dignité de leur lutte » (2021, p. 207).

21Les familles qui sont en lien avec le dispositif de protection de l’enfance sont la plupart du temps en situation de vulnérabilité du fait de la précarité qui caractérise leurs conditions d’existence. Par manque de ressources personnelles, familiales, sociales, économiques, les parents se retrouvent en difficulté tant dans leur parentalité que pour répondre aux besoins de leurs enfants (Zaouche Gaudron, 2017). Ces familles peuvent relever de ce que Robert Castel (1991) nomme la désaffiliation, le glissement entre une aire d’intégration vers une aire de vulnérabilité, voire d’exclusion, qui renvoie à une fragilisation des liens dans l’emploi et des liens sociaux.

22Du fait de leur situation mais également de l’attention dont elles sont l’objet, les familles qui évoluent à l’intérieur du dispositif de protection de l’enfance connaissent des formes de disqualification sociale que Serge Paugam définit « comme un processus d’affaiblissement ou de rupture des liens sociaux au double sens de perte de la protection et de la reconnaissance sociale » (Paugam, 2023, p. 232). Les familles font l’expérience des liens qui oppressent, c’est-à-dire « qui enferment l’individu dans une représentation négative de lui-même et expriment souvent un rapport de domination en plaçant l’individu dans une position de subordination ou d’infériorité » (Paugam, 2023, p. 213). Cette domination est aussi une perte de pouvoir sur leurs vies et sur leurs mots (Boutanquoi et Lacharité, 2020).

23C’est une certaine expérience du mépris (Honneth, 2000) qu’elles vivent en tant que déni de reconnaissance – ce déni étant un processus d’invisibilisation, comme le souligne Guillaume Le Blanc, qui précise : « Le déni de reconnaissance tend à remettre en question la qualité d’une vie en la soustrayant de la communauté humaine et en la rendant par là potentiellement invisible » (Le Blanc, 2009, p. 99).

24Et de fait, ne pouvoir participer par manque de ressources, être tenu à l’écart de toute participation relève d’un déni de reconnaissance, reconnaissance en termes d’identité, en termes de citoyenneté tant, comme le souligne Joëlle Zask, il existe un lien entre participation sociale et participation politique : « Il ne semble pas que nous puissions devenir des citoyens à part entière si par ailleurs, à l’école, à la maison, sur le lieu de travail, dans les loisirs, à l’hôpital, nous nous trouvons exclus de la possibilité d’influer sur les conditions de vivre ensemble et sur les modalités des groupes auxquels nous sommes liés » (Zask, 2021, p. 64).

25Pour ces familles, ce sont donc plusieurs plans de participation qui sont affectés : la participation directe aux processus et services, la participation institutionnelle dont la finalité est la régulation du dispositif, la participation citoyenne dont la finalité est d’agir sur les politiques publiques qui servent de cadre à ce dispositif et, finalement, la participation sociale au sein de collectifs, qui offre un levier de reconnaissance et de revendication.

La participation dans le cadre de la protection de l’enfance

26En France comme au Québec on peut faire globalement le constat d’un droit à la participation pour les familles dans les services de protection de l’enfance. Mais faire valoir un droit suppose toujours des ressources – connaître ses droits, les moyens de les exercer… – et non de s’en remettre aux bonnes intentions des organisations d’accueil. Or les familles en situation de vulnérabilité ne sont guère en mesure de se placer dans cette logique. On voit ici toute l’importance d’un droit à l’information sur ses droits pour les parents et pour les mineurs.

27Pour autant, mettre l’accent sur la vulnérabilité problématique ne doit pas conduire à une approche compassionnelle ou limitée de la participation. Par exemple, à trop considérer le besoin de protection et l’immaturité de l’enfant (Faisca, 2021), à penser que la vulnérabilité peut affecter les compétences des parents (Korpinen et Pösö, 2021, p. 865), on risque d’en rester à un niveau de participation qui, tout en étant attentif à la parole des uns et des autres, se contente de rechercher l’adhésion, l’engagement ou l’implication, ce qui revient à réduire la participation « à des conduites de conformité attendues des autorités juridiques, administratives et cliniques » (Lacharité, 2015a, p. 5).

28Il nous semble donc essentiel de lier les enjeux de pratique et d’organisation des services autour de la vulnérabilité problématique, le cadre légal de la protection de l’enfance et les leviers sur le plan politique et démocratique.

29Sans reprendre totalement l’apport de l’analyse des conventions citoyennes, car les familles ne sont pas des représentants (élus ou tirés au sort) mais se trouvent dans une situation de contrainte, il semble pertinent de revenir sur l’enjeu de la délibération et plus précisément sur ce que Landemore (2022) nomme la délibération inclusive « qui inclut, directement ou indirectement, tous les membres du groupe ».

30Une démarche participative en protection de l’enfance suppose de renoncer à une approche « expert » qui « centralise le pouvoir dans les mains de l’intervenant qui, avec son regard de professionnel, serait en mesure de déterminer quel est le problème et de quelle manière il doit être résolu » (Lafantaisie et al., 2018, p. 268). Elle suppose donc une logique délibérative qui, d’une part, permet la confrontation des points de vue et donc la reconnaissance de la validité des perspectives des parents et des enfants et qui, d’autre part, vise la recherche d’un consensus sur l’identification et la définition des difficultés et des souffrances ainsi que des moyens d’y faire face. Plus précisément, dès lors que ce qui est devenu central en protection de l’enfance relève de la prise en compte des besoins fondamentaux des enfants et de la responsabilité partagée entre les adultes qui les entourent (leurs parents, les membres de leur entourage, les professionnels), la démarche participative peut se comprendre comme une volonté de dégager une compréhension commune de ces besoins et les voies pour y répondre. Cela n’exclut en rien ni les controverses ni les désaccords entre les acteurs, qui occupent des positions pouvant être antagonistes, mais l’expérience (incluant les savoirs locaux) des enfants et des parents doit pouvoir prendre toute sa place aux côtés des savoirs professionnels. « Ainsi, une approche participative avec les parents vise, en premier lieu, à introduire et intégrer les multiples niveaux de réalité et points de vue qui entrent en jeu dans les décisions et les actions destinées à répondre aux besoins des enfants » (Lacharité, 2015a, p. 7).

31« Il faut se soucier de rendre capacitaires les individus, c’est-à-dire de leur redonner aptitude et souveraineté dans ce qu’ils sont », écrit Cynthia Fleury (2019, p. 7). Son approche du soin nous paraît éminemment transposable à la protection de l’enfance lorsqu’elle affirme qu’il « n’appartient pas à une caste de soignants », qu’il est « une fonction en partage, relevant de l’alliance didactique, créative des soignants et des soignés qui ensemble font éclore une dynamique singulière » (ibid., p. 20).

32Cela implique une attention redoublée à la parole des parents et des enfants, à la possibilité d’une expression qui ne se résume pas à donner un avis mais qui se trouve reconnue comme fondamentale pour faire vivre la délibération. De fait il est d’abord question de se déprendre des logiques de la captation institutionnelle, que Smith définit dans le champ de la recherche comme la nécessité pour les individus de « transposer les aspects de leurs mondes quotidiens sous une forme qui correspond à l’espace assigné à chaque thème par le chercheur » (Smith, 2018, p. 248). « […] la parole des enfants et des parents, sur eux-mêmes et sur les circonstances de leur vie quotidienne, se trouve constamment déplacée à l’intérieur d’univers sémantiques qui se révèlent souvent passablement éloignés des espaces ordinaires d’où elle émerge spontanément », écrit Carl Lacharité (2015b, p. 42). La parole est analysée, retraduite, reconstruite, ce qui conduit à un « processus de transformation, de rétrécissement, de déplacement et de captation de l’expérience et de la conscience individuelle à l’intérieur des institutions » (Lacharité, 2017, p. 12). Cynthia Fleury parle de déverbalisation pour évoquer un processus de perte de la possibilité de penser « ce que d’autres sont capables d’énoncer », une perte « de la conscience de ce qui devrait faire réalité pour soi » (Fleury, 2018 [2015], p. 113) car, ajoute-t-elle, « la déverbalisation vole le vécu plus encore que le langage » (ibid., p. 115). Les témoignages ne manquent pas de ceux et celles qui, dans leurs rapports aux services, ont ressenti ce manque d’attention à leurs paroles ou la spoliation de celles-ci.

33D’une certaine manière, la délibération est une porte vers la création d’un récit commun (Boutanquoi et al., 2016), d’un « penser ensemble » (Serbati, 2017, p. 214) pour agir ensemble. Il s’agit également d’un levier de résistance à la captation institutionnelle en tant que manière d’exister dans l’univers d’un dispositif tel que celui de la protection de l’enfance. La possibilité effective de délibération a manifestement des répercussions non seulement de nature relationnelle (ce que l’on fait l’un avec les autres) mais aussi identitaire (ce que l’on fait avec soi-même).

34Faire advenir une parole pour qu’elle puisse être une voix dans le processus de délibération demande sans doute d’adopter ce que Kathy Weingarten nomme l’écoute radicale, qui suppose le respect, l’acceptation et l’absence de jugement (Weingarten, 1995, p. 17), ou comme l’écrit Carol Gilligan, « une façon de s’accorder à la voix sourde », de substituer « la curiosité au jugement » (Gilligan, 2024, p. 61).

Faire vivre la participation

35Dans une publication récente, l’ONPE (Cerisuela et al., 2023, p. 28) envisage la participation « comme un processus qui se déploie à l’intérieur des pratiques et engage l’ensemble des parties prenantes de l’institution (l’enfant et son entourage familial et social, les professionnels de terrain, les acteurs institutionnels et politiques) ».

  • 1 Le manque de données quant au motif d’admission dans les services de protection de l’enfance est do (...)

36Il existe nombre d’obstacles à la mise en œuvre d’une approche participative, avec au premier rang un certain nombre de représentations qui ont accompagné la construction de la protection de l’enfance et qui mettent en relief la nécessité de sauver l’enfant « des défaillances et des comportements violents des adultes qui s’occupent de lui » (Lacharité et al., 2022, p. 344), et une certaine image de l’enfant maintenu dans une incapacité de l’innocence. L’approche centrée sur la réponse aux besoins de l’enfant mobilisant familles et professionnelles, même si elle se développe, entre en tension avec une vision négative des parents qui peut être alimentée par des expériences sidérantes de la violence impensable subie par des enfants. Si on comprend combien ces situations laissent une marque indélébile aux creux de l’expérience professionnelle, tous les parents qui parfois sont en demande d’aide ou même qui s’y opposent ne sont pas à reléguer dans le champ de la monstruosité. Nous l’avons rappelé ci-dessus, nombre de familles sont avant tout, du fait de leurs histoires, de leurs contextes de vie, en situation de vulnérabilité avant d’être « défaillantes »1.

37Parmi les obstacles on trouve des conditions d’exercice (conditions de travail, réalités institutionnelles…), les positionnements professionnels que nous avons évoqués précédemment. Mais, plutôt que de faire état des freins, n’est-il pas plus intéressant de s’intéresser aux différents leviers pour faire vivre une approche participative ?

38Lacharité et al. (2022) ont proposé un cadre de référence comprenant six axes : les enjeux de communication entre les personnes concernées, la voix des enfants et des parents, les cultures et circonstances familiales, la gouvernance organisationnelle (incluant les politiques publiques), la formation professionnelle et le partenariat intersectoriel.

39La communication est considérée comme le noyau de l’approche car elle sert de liant et de lien entre les personnes appelées à participer à la mise en œuvre de la principale fonction du dispositif de protection de l’enfance, à savoir restaurer la réponse adéquate aux besoins de l’enfant. De manière concrète, la communication ne peut se réduire à une transmission d’informations puisque, en premier lieu, « communiquer signifie produire du commun […] entre des personnes qui occupent des positions distinctes dans l’espace social. » (Lacharité et al., 2022, p. 348).

40La voix et la parole des enfants et des parents forment le socle sur lequel repose une approche participative. Ainsi, répondre aux besoins d’un enfant et bâtir une responsabilité partagée entre les personnes qui s’en occupent (incluant l’enfant lui-même selon son niveau de maturité) sont des actes qui se fondent sur la prise en compte de sa perspective et de celle des figures parentales. Tout déplacement de ce fondement (par exemple, vers un déséquilibre en faveur de la perspective des professionnels) affaiblit la capacité du dispositif de protection de l’enfance à remplir sa fonction sociale. Nous avons développé ci-dessus l’importance de la voix et de la parole pour favoriser la délibération et la construction des projets.

41Les autres axes peuvent être considérés comme des pierres angulaires apportant une solidité à l’édifice que représente le dispositif de protection de l’enfance. Chacune de ces pierres angulaires amène un défi particulier : être sensible aux cultures et circonstances familiales nécessite de se décentrer dans sa propre culture (personnelle autant que professionnelle) pour aller à la rencontre de l’autre ; la gouvernance organisationnelle renvoie à la manière dont sont pensées les organisations – non seulement d’un point de vue formel (administration) mais aussi du point de vue de la place de chaque acteur, des espaces de rencontre et d’élaboration – ainsi qu’à leurs rapports avec les politiques publiques ; le partenariat intersectoriel relève de la manière dont les différents secteurs de services engagés dans la réponse aux besoins d’un enfant coordonnent leurs actions entre eux mais aussi avec les familles et, par conséquent, donnent forme à une responsabilité partagée plutôt qu’à une responsabilité fragmentée ; enfin, la formation professionnelle pose la question : « Comment les personnes sont-elles préparées et soutenues à participer les unes avec les autres ? » (Lacharité et al., 2022, p. 359).

Les bénéfices d’une approche participative

42Les bénéfices d’une approche participative dans les services offerts aux enfants et à leurs parents sont documentés par plusieurs décennies de recherche portant particulièrement sur les familles dont l’enfant présente des difficultés de développement ou qui vivent dans des conditions plaçant à risque son développement (Dunst et al., 2006, 2007, 2008). Il ressort de ces travaux que l’aide efficace aux familles est composée de deux dimensions : une pratique relationnelle et une pratique participative. Chacune de ces pratiques repose sur des conduites, des attitudes, des convictions et des valeurs professionnelles particulières. La pratique relationnelle inclut des éléments tels que la compassion et l’empathie pour ce que le parent vit, l’écoute active et réflexive de son expérience, des habiletés à construire une relation de confiance et une alliance avec le parent, la conviction que tous les parents disposent déjà de certaines forces et de capacités qui sont essentielles à l’exercice de leur rôle, et des valeurs de respect et de dignité de la personne. Quant à elle, la pratique participative inclut des éléments tels que l’habileté à engager activement les parents et les enfants (voire les autres membres de la famille) dans une démarche permettant d’éclairer leurs choix ou leurs prises de décision, l’habileté à reconnaître, à valider et à utiliser les capacités actuelles de ces personnes à répondre à leurs propres besoins, l’habileté à favoriser de nouveaux apprentissages, en particulier en ce qui concerne leur connaissance et leur capacité à identifier et obtenir des ressources, du soutien, des conseils, etc., leur permettant de mieux répondre à leurs besoins (un aspect central du développement de leur pouvoir d’agir), ainsi que la réactivité et la flexibilité afin d’adapter l’aide à la situation particulière de la famille.

43Ces recherches ont montré que lorsqu’une personne professionnelle actualise simultanément ces deux dimensions – relationnelle et participative – dans les actions qu’elle pose auprès d’une famille, une variété de retombées (outcomes) sont observées :

  • pour le parent lui-même (perception de la pertinence de l’aide ou du programme, enrichissement des habiletés parentales, élargissement du soutien social informel et formel) ;

  • pour l’enfant (amélioration des difficultés perçues par le parent) ;

  • pour la famille (amélioration du fonctionnement coparental et familial).

44De plus, de telles retombées sont présentes dans une diversité de cadres d’intervention (par exemple, des programmes d’intervention précoce auprès de familles ayant un enfant souffrant de troubles développementaux, des établissements offrant des services aux familles « à risque », des établissements de protection de l’enfance). Elles sont également présentes avec une variété de personnes professionnelles (par exemple, des éducatrices, des travailleuses sociales ou des psychologues). Enfin, les caractéristiques sociodémographiques de la famille ne semblent pas agir pour atténuer ces retombées. En d’autres termes, la combinaison de pratiques relationnelles et participatives semble efficace dans une large étendue de situations dans lesquelles vivent les parents et leurs enfants. Toutefois, il semble que les composantes de la pratique participative produisent une « valeur ajoutée » (aux composantes de la pratique relationnelle) en regard des retombées pour les familles, en particulier avec celles manifestant des besoins complexes.

Les contributions

45Ce numéro thématique ne saurait bien évidemment prétendre explorer toutes les interrogations que suscite la participation des familles en protection de l’enfance. Il se propose juste d’alimenter la réflexion au travers de différentes contributions de chercheurs qui portent un intérêt particulier à cette question.

46Chacune précise les références d’appui pour parler de participation et situe les contextes dans lesquels a été mise en œuvre la recherche. Elles se répartissent selon trois axes principaux : un premier axe est centré sur la définition et plus précisément sur la perception des acteurs, un deuxième porte sur la parole des mineurs et un troisième se penche sur la formation des intervenants. Toutefois, ce qui relève de la voix des enfants et des parents apparaît au cœur de chaque contribution et plusieurs d’entre elles reviennent sur les questions de gouvernance organisationnelle.

47Dans le cadre du premier axe, Charles Glineur et Justine Balhaut explorent la définition que les intervenants familiaux développent de la participation des familles dans des services d’accompagnement socio-éducatif en Fédération Wallonie-Bruxelles, telle qu’elle apparaît dans des entretiens menés auprès d’eux. Ils soulignent l’importance du lien fait entre participation et adhésion chez ces professionnels. En distinguant ce qui relève d’une aide consentie et d’une aide contrainte, ils donnent à voir comment les intervenants construisent ce lien en s’appuyant sur la question du mandat, d’une certaine idée des problématiques familiales, de la relation avec les parents, et comment il est davantage question d’implication que de coconstruction.

48Claire de Saint Martin et Gilles Monceau poursuivent la réflexion en portant l’interrogation sur le lien avec la notion d’implication et sur la parole des parents. Celle-ci a été recueillie dans le cadre d’une recherche-action au sein d’une association d’Île-de-France et mise en lien avec les réflexions des professionnels. Le point de vue des parents, la perception qu’ils ont des relations avec les travailleurs sociaux et les services, les réalités institutionnelles observées conduisent les auteurs à souligner combien la participation des familles rencontre toujours nombre d’obstacles pour être effective, pour aller au-delà de l’implication. Ils tiennent à souligner les capacités d’analyse des parents qu’il faut prendre en compte pour penser la participation.

49Dans le cadre du deuxième axe, Élodie Faisca s’intéresse à la participation des enfants et plus particulièrement à leurs possibilités d’expression de leur point de vue face aux décisions qui les concernent dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance. Elle rend compte dans son article des observations des pratiques de rencontre entre référent et enfant, du contenu d’entretiens entre ces derniers. En portant le regard sur les conditions d’organisation de ces rencontres, sur les lieux, sur leur déroulé, Élodie Faisca tend à montrer qu’il ne s’agit pas vraiment d’une participation de l’enfant à la construction de son parcours et aux décisions qui organisent sa vie.

50Rosita Vargas Diaz, Anta Niang, Émilie Roy, Ursy Bouendet, Geneviève Caron, Jessica Côte-Guimond et Camille Bourgelas s’intéressent également à la participation des jeunes dans le système de protection de la jeunesse au Québec. La démarche est celle d’une recherche-action participative conduite par six jeunes ex-placés et deux chercheuses. L’attention est portée non seulement sur les aspects individuels (par exemple autour des décisions, de l’élaboration d’un plan d’action) à l’égard desquels s’expriment des sentiments de frustration et d’exclusion, mais aussi sur des aspects collectifs dans le cadre des comités de résidents et d’usagers qui laissent émerger une expérience plus positive. Les auteures se préoccupent également des effets de la participation ou de la non-participation sur le sentiment d’agentivité.

51Gilles Séraphin propose quant à lui d’analyser une réunion qui s’est tenue dans le cadre de la mise en œuvre d’une assemblée citoyenne en protection de l’enfance. C’est donc la dimension collective de la participation qui fait l’objet de son article. Il cherche à mettre au jour les ressorts qui conditionnent une réelle participation. Il plaide au final pour une démarche qui ne cherche pas à encadrer l’expression des enfants mais au contraire qui accepte que celle-ci soit un peu « bordélique ».

52Dans le cadre du troisième axe, l’équipe réunie autour de Vicky Lafantaisie (Rosita Vargas Diaz, Sophie T. Hébert, Isabelle-Ann Leclair Mallette, Alexandra Lachapelle-Ouellette, Geneviève Pagé, Annie Bérubé, Annie Devault et Mélissa David) a cherché à recueillir les besoins en formation des intervenants en protection de l’enfance au Québec et a discuté les priorités identifiées dans les réponses. Elle le fait au regard de la faible présence de contenus en lien avec les droits et la participation des enfants dans les cursus actuels de formation, alors même que les recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse ont appelé à un virage vers une plus grande participation des enfants et des jeunes. Le constat final est plutôt sombre car il apparaît que la formation initiale prépare peu les intervenants à impliquer les enfants dans les décisions, mais aussi parce que la participation n’apparaît pas comme un sujet prioritaire.

53Olivier Laau-Laurin, Sarah Tourigny, Vicky Lafantaisie, Carolane Coulombe et Roxanne Girard prolongent d’une certaine manière l’article précédent en posant une question essentielle : peut-on se former à la démarche participative en protection de l’enfance si la formation elle-même n’est pas inscrite dans une telle dimension ? Se trouvent ainsi questionnés les approches pédagogiques et les modes d’évaluation qui ne favorisent pas l’empowerment des étudiants.

54Ces sept articles ne décrivent pas un monde enchanteur de la participation des familles en protection de l’enfance. L’accent est plutôt mis sur les obstacles et les défis que représente sa mise en œuvre. Les deux derniers articles insistent sur la nécessité d’une formation des intervenants qui intègre les différentes dimensions de la participation. Tous soulignent, chacun à sa manière, combien la prise en compte de la voix des parents et des enfants ne relève pas de l’évidence, non pas que les intervenants ne s’engageraient pas dans une écoute attentive mais parce que les contextes d’exercice, les perceptions ou représentations des problématiques familiales tendent plus à orienter vers la recherche d’une adhésion, d’une implication qu’à instituer une logique de la délibération telle que nous l’avons évoquée dans notre tentative de définition de la participation. Parler des contextes d’exercice revient à affronter directement la question de la gouvernance organisationnelle. Différents rapports, en France ou au Québec, signalent une dégradation des conditions d’exercice : entre la charge de travail, les logiques gestionnaires et procédurales, les défaillances du soutien, les intervenants sont mis à rude épreuve et ce sont les familles qui en dernier ressort en subissent le contrecoup.

55Lors de nos recherches respectives, ou dans le cadre de sessions de formation, nous avons souvent rencontré des professionnels soucieux de faire évoluer leurs pratiques, intéressés par une démarche participative qui porte attention à l’expérience des familles, et cela autorise une forme d’optimisme pour l’avenir.

Haut de page

Bibliographie

Boutanquoi (Michel), Bournel-Bosson (Maryse) et Minary (Jean-Pierre), « La difficulté à élaborer des récits communs entre parents et professionnels », La revue internationale de l’éducation familiale, no 39, 2016, p. 37-57.

Boutanquoi (Michel) et Lacharité (Carl), « Vulnérabilité et protection de l’enfance », dans Boutanquoi (Michel) et Lacharité (Carl) [dir.], Enfants et familles vulnérables en protection de l’enfance, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2020, 260 p.

Butler (Judith), La force de la non-violence, Paris, Fayard, 2021, 256 p.

Camus (Albert), L’homme révolté, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1985 [1951].

Cerisuela (Marion), Genest (Louise) et Picot (Aurélie) [dir.], Écouter pour agir La participation collective des enfants protégé, ONPE, « Sens et repères méthodologiques », 2023, 124 p. En ligne : https://onpe.france-enfance-protegee.fr/document/ecouter-pour-agir-la-participation-collective-des-enfants-proteges-version-integrale/

Capelier (Flore), « Du consentement à la contrainte en protection de l’enfance : accord, adhésion ou avis ? », Vie sociale, no 33, 2021, p. 117-126.

Castel (Robert), « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation », dans Donzelot (Jacques) [dir.], Face à l’exclusion, le modèle français, Paris, Éditions Esprit, 1991, p. 137-168.

CESE, La protection de l’enfance est en danger : les préconisations du CESE, Paris, Éd. du Journa officiel, 2024, 116 p. En ligne : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_15_protection_enfance.pdf

CSDEPJ, Instaurer une société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes, rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse pour le Gouvernement du Québec, avril 2021, 552 p. En ligne : https://www.csdepj.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Rapport_final_3_mai_2021/2021_CSDEPJ_Rapport_version_finale_numerique.pdf

Directeurs de la protection de la jeunesse / directeurs provinciaux, Bilan des DPJ/DP. En équilibre vers l’avenir, Québec, 2023, 26 p. En ligne : https://ciusss-centresudmtl.gouv.qc.ca/sites/ciussscsmtl/files/media/document/2022_2023_BilanDPJ.pdf.

Dunst (Carl J.), Trivette (Carol M.) et Hamby (Deborah W.), Family Support Program Quality and Parent, Family and Child Benefits, Asheville (NC), Winterberry Press, 2006, 134 p.

Dunst (Carl J.), Trivette (Carol M.) et Hamby (Deborah W.), « Meta-analysis of family-centered help-giving practices research », Mental Retardation and Developmental Disabilities Research Reviews, n° 13, 2007, p. 370-378.

Dunst (Carl J.), Trivette (Carol M.) et Hamby (Deborah W.), Research Synthesis and Meta-Analysis of Studies of Family-Centered Practices, Asheville (NC), Winterberry Press, 2008, 74 p.

Elias (Norbert), La société des individus, Paris, Fayard, 1991, 301 p.

Faisca (Élodie), « La participation de l’enfant en protection de l’enfance : Enjeux, conditions et obstacles », Enfances Familles Générations, no 37, 2021. En ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/11675

Fleury (Cynthia), Les irremplaçables, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2018 [2015], 224 p.

Fleury (Cynthia), Le soin est un humanisme, Paris, coll. « Tracts », Gallimard, 2019, 48 p.

Foucault (Michel), Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, EHESS/Gallimard/Seuil, 2004, 368 p.

Garrau (Marie), Politiques de la vulnérabilité, Paris, CNRS Éditions, 2018, 370 p.

Gilligan (Carol), Une voix humaine, l’éthique du care revisitée, Paris, Éd.  Climats, 2024, 175 p.

Honneth (Axel), La lutte pour la reconnaissance, Paris, Éd. du Cerf, 2000, 232 p.

Jaeger (Marcel), « La participation : un principe, des pratiques », Connexions, no 118, 2023, p. 17-32.

Korpinen (Johanna) et Pösö (Tarja), « Social workers’ views about children’s and parents’ competence in child protection decision-making », Journal of Social Work, vol. 21, no 4, 2021, p. 853-870.

Lacharité (Carl), Les cahiers du CEIDEF : Participation des parents et services de protection de l’enfance, no 1, CEIDEF/UQTR, 2015a, 26 p.

Lacharité (Carl), « Les familles et la vulnérabilité : captation institutionnelle de la parole de l’enfant et du parent », dans Lacharité (Carl), Sellenet (Catherine) et Chamberland (Claire) [dir.], La protection de l’enfance : la parole des enfants et des parents, Québec, Presses de l’université du Québec, 2015b, 320 p., p. 37-50.

Lacharité, (Carl), Les cahiers du CEIDEF. L’ethnographie institutionnelle : une approche critique de la recherche sur les rapports entre les personnes et les institutions, no 5, CEIDEF/UQTR, 2017, 29 p.

Lacharité (Carl), Balsells (Maria Angels), Milani (Paola), Ius (Marco) et al., « Protection de l’enfance et participation des familles : cadre pour la transformation des cultures organisationnelles et l’adaptation des pratiques professionnelles », dans St-Laurent (Diane), Dubois-Comtois (Karine) et Cyr (Chantal) [dir.], La maltraitance : perspective développementale et écologique, Québec, Presses de l’université du Québec, 2022, p. 341-364.

Lafantaisie (Vicky), Milot (Tristan) et Lacharité (Carl), « L’ethnographie pour explorer comment les représentations des situations de négligence se construisent à l’intérieur de l’institution de la protection de la jeunesse », dans Lapalme (Mélanie), Tougas (Anne-Marie), Letarte (Marie-José) [dir.], Recherches qualitatives et quantitative en science humaines et sociales, Montréal, JFD éditions, 2018, p. 263-286.

Landemore (Hélène), « La raison démocratique : les mécanismes de l’intelligence collective en politique », Raison publique, 7 juillet 2022. En ligne : https://raison-publique.fr/2952/

Landemore (Hélène) et Fourniau (Jean-Michel), « Les assemblées citoyennes, une nouvelle forme de représentation démocratique ? », Participations, vol. 34, no 3, 2022, p. 5-36.

Le Blanc (Guillaume), L’invisibilité sociale, Paris, Puf, 2009, 197 p.

Paugam (Serge), L’attachement social, Paris, Seuil, 2023, 640 p.

Sellenet (Catherine), « La participation des parents en protection de l’enfance, mythe ou réalité ? », dans Dautigny (Sandrine), Mahier (Jean-Pierre) et Stella (Salvatore) [dir.], Les enjeux de l’inclusion en protection de l’enfance, Toulouse, Érès, 2021, p. 153-173.

Soulet (Marc-Henry), « La vulnérabilité : examen critique d’une notion », dans Soulet (Marc-Henry) [dir.], Vulnérabilité : de la fragilité sociale à l’éthique de la sollicitude, Fribourg, Academic Press Fribourg, 2014, p. 17-37.

Zaouche Gaudron (Chantal), Enfants de la précarité, Toulouse, Érès, 2017, 144 p.

Serbati (Sara), « “You won’t take away my children!” families’ participation in child protection. Lessons since a best practice », Children and Youth Services Review, no 82, 2017, p. 214-222.

Smith (Dorothée), L’ethnographie institutionnelle, une sociologie pour les gens, Paris, Economica, 2018, 298 p.

Weingarten (Kathy), « Radical Listening. Challenging cultural beliefs for and about mothers », Journal of Feminist Family Therapy, vol. 7, no 1-2, 1995, p. 7-22. En ligne : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1300/J086v07n01_02

Zask (Joëlle), « Participer a-t-il encore du sens ? La démocratie en action », dans Gardien (Ève) [dir.], L’accompagnement par les pairs. Enjeux de participation et de professionnalisation, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, 2021, p. 63-78.

Haut de page

Notes

1 Le manque de données quant au motif d’admission dans les services de protection de l’enfance est dommageable de ce point de vue. Cela semble dû en partie à des problèmes de définition (entre violences, maltraitance, négligence, carences…). Cf. sur cette question la revue Vie Sociale : Les négligences intrafamiliales, vol. 44, no 4, 2023.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Boutanquoi et Carl Lacharité, « Les enjeux et les leviers de la participation des familles en protection de l’enfance »Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], 31 | Automne 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sejed/13182

Haut de page

Auteurs

Michel Boutanquoi

Michel Boutanquoi est professeur émérite de psychologie et chercheur au laboratoire de psychologie à l'université Marie et Louis Pasteur (Besançon). Il est membre du Groupe international de recherche enfance familles et vulnérabilité (Girefv) qui réunit des chercheurs québécois, français, italiens, espagnols et suisses autour des questions de vulnérabilité et de participation des familles en protection de l’enfance.

Articles du même auteur

Carl Lacharité

Carl Lacharité est professeur émérite de psychologie de l’enfant et de la famille à l’université du Québec à Trois-Rivières ; il a créé et dirigé le Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF). Il est membre du Groupe international de recherche enfance familles et vulnérabilité (Girefv) qui réunit des chercheurs québécois, français, italiens, espagnols et suisses autour des questions de vulnérabilité et de participation des familles en protection de l’enfance.

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search