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Dossier

Les entretiens enfant / professionnel·le : un espace pour une participation significative en protection de l’enfance ?

Child and practitioner meetings: a space for meaningful participation in child protection?
Entrevistas niño/profesional: ¿un espacio para la participación significativa en la protección de la infancia?
Élodie Faisca

Résumés

La participation de l’enfant est un droit fondamental ; pourtant, de nombreux·ses chercheur·euses mentionnent que, dans le champ de la protection de l’enfance, le niveau de participation des enfants demeure insuffisant et nous savons encore peu de choses sur la manière dont ce droit peut devenir effectif au cours des interventions. Considérant la participation comme un processus dynamique, cet article postule que pour qu’un tel processus s’amorce, l’enfant doit avoir des opportunités d’exprimer son point de vue auprès de celles et ceux qui élaborent les propositions ou décisions qui les concernent. Dans cet article, nous nous intéressons aux contextes et aux contenus des rencontres entre des enfants de 8 à 14 ans et leur référent·e du service de l’Aide sociale à l’enfance. Ces moments d’échanges peuvent constituer des occasions propices à la transmission d’informations, à la création et au maintien d’une relation ainsi qu’à l’implication de l’enfant dans les processus décisionnels. Ces trois dimensions constituent des conditions de la participation. Le cadre de la recherche autour de la participation et des échanges entre les intervenant·es et les enfants ainsi que la méthode utilisée, articulant l’observation des pratiques et des entretiens avec les personnes impliquées, seront d’abord présentés avant de s’intéresser aux résultats qui concernent particulièrement les contextes des rencontres, les modalités et le contenu des échanges, et les formes d’expression des enfants. Cet article propose de répondre aux questions suivantes : Comment s’organisent et se déroulent ces rencontres ? Quels sont les sujets abordés et ceux qui ne le sont pas ? Quelles places occupent les enfants au cours de ces moments et quelles formes d’expression utilisent-ils pour se faire entendre ou être visibles ? Pour conclure, nous montrerons les effets que les contextes et contenus de ces rencontres produisent sur les expériences de participation significative des enfants.

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Texte intégral

Introduction

1Depuis plusieurs années, l’intérêt pour la participation des personnes accompagnées par les services sociaux et médico-sociaux est grandissant. En 1980, les auteurs du rapport public Bianco-Lamy (1980) considéraient déjà les enfants et leurs parents comme les grands absents de la protection de l’enfance. Depuis ce rapport et malgré les lois rénovant ou réformant l’action sociale et médico-sociale et celles réformant la protection de l’enfance, les derniers rapports publics (Défenseur des droits, 2020 ; Arnaud-Melchiorre, 2021; Ramadier et Goulet, 2019) continuent de souligner la faiblesse de la participation des acteurs familiaux aux décisions qui les concernent. Dans la littérature, la référence à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est systématique. Faisant référence à son article 12, qui stipule que l’enfant dispose du droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant et précise que ces opinions doivent être prises en considération, les chercheurs et chercheuses démontrent régulièrement que la traduction et la mise en œuvre des principes énoncés restent difficiles. Parmi les obstacles repérés par les scientifiques, il apparaît que si le concept de participation fait l’objet de nombreuses publications, il est souvent considéré comme une notion complexe qui est utilisée sans être théoriquement et empiriquement explicitée (Skauge et al., 2021). Par ailleurs, d’autres auteur·rices considèrent que les travaux se concentrent encore majoritairement sur l’effectivité de ce droit, privilégiant le résultat de la participation avant le processus. Ceci amène Karen Toros à considérer qu’il est maintenant temps de se concentrer sur les pratiques réelles et sur les facteurs qui facilitent ou entravent la participation des enfants (2021b). C’est dans cette perspective que le présent article s’inscrit, sous-tendu par une recherche doctorale. Dans une première partie, l’article présente les éléments permettant de définir le cadre de la recherche en précisant les contours de la notion et du concept de participation, puis les connaissances existantes sur les rencontres entre les intervenant·es et les enfants, avant de détailler la méthode utilisée, articulant l’observation des pratiques et des entretiens avec les personnes impliquées. La suite de l’article s’intéresse aux résultats, lesquels se concentrent principalement sur le contexte des rencontres entre les intervenant·es et les enfants, le contenu des échanges et les formes d’expression et d’action dont disposent les enfants pour prendre part aux échanges.

Le cadre de la recherche

La participation de l’enfant, les contours d’une notion

  • 1 Recommandation CM/Rec(2012)2 du Comité des ministres aux États membres sur la participation des enf (...)

2Dans les premières recherches portant sur la participation, les scientifiques ont cherché à « accompagner la mise en place d’un champ juridique et social des droits de l’enfant en défendant, sur la base d’arguments de justice sociale et éthiques, le bien-fondé normatif des droits de l’enfant. » (Hanson, 2017, p. 87). En parallèle, plusieurs organisations internationales se sont employées à proposer des définitions de la participation. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies conçoit la participation des enfants comme un « processus continu, qui comprend le partage d’informations et le dialogue entre les enfants et les adultes sur la base du respect mutuel, et dans lequel les enfants peuvent apprendre comment leurs opinions et celles des adultes sont prises en compte et façonner le résultat de ces processus » (Comité des droits de l’enfant, 2009). Dans une recommandation émanant du Conseil de l’Europe, la participation est considérée comme « le fait, pour des particuliers et groupes de particuliers, d’avoir le droit, les moyens, la place, la possibilité et, si nécessaire, le soutien d’exprimer librement leurs opinions, d’être entendus et de contribuer aux prises de décision sur les affaires les concernant, leurs opinions étant dûment prises en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité1 ».

3Au-delà d’une approche centrée sur les droits, il ressort de la littérature internationale un certain consensus quant aux effets de la participation des enfants et a contrario aux conséquences du manque de participation. La participation des enfants comporte une valeur instrumentale et intrinsèque (Bessell, 2011), produisant des effets sur la qualité des décisions et les résultats de l’intervention (Balsells et al., 2017), autant que pour les participants eux-mêmes. Elle impacte le bien-être des enfants (Pastor et al., 2022), l’estime de soi, l’auto-efficacité et la confiance en soi et produit des effets sur le développement des enfants (Skauge et al., 2021). À l’inverse, le manque de participation produit des émotions négatives telles que l’inquiétude, la colère ou l’impuissance, la méfiance et renforce le caractère stressant et effrayant de l’intervention (Toros, 2021a). En résumé, les travaux scientifiques réalisés permettent de considérer que les droits des enfants sont interdépendants (Heimer et al., 2018) et, dans ce sens, la participation devient une condition de la protection d’un enfant.

4Après la production d’échelle et de modèle permettant d’éclairer les niveaux et formes de participation, des chercheurs et chercheuses se sont peu à peu intéressé·es aux conditions de la participation et une série de modèles de participation ont été élaborés. Après le modèle d’Harry Shier (2001), celui proposé par Laura Lundy comprend quatre dimensions interdépendantes : espace, voix, audience et influence (2007). Ce modèle conceptualise les différentes perspectives soutenues par l’article 12 de la CIDE et est aujourd’hui utilisé par des acteur·rices scientifiques et professionnel·les pour analyser et faire évoluer les politiques et les pratiques en matière de participation. Sharon Bessell relie trois dimensions pour conceptualiser la participation : la transmission et le recueil d’informations suffisantes et appropriées pour le processus de prise de décision, la possibilité d’exprimer librement son point de vue et la possibilité que ce point de vue influence la décision (2011). Des dimensions similaires apparaissent s’agissant des conditions d’une « meaningful participation » que nous traduisons par le terme de participation significative telles que repérées par Helen Bouma (2019). Cette notion de participation significative apparaît particulièrement intéressante dans la mesure où l’effectivité de la participation est considérée, pour cette chercheuse, à partir de la perspective de l’enfant qui se sent écouté·e et pris·e au sérieux.

5Une vision plus large de la participation peut être envisagée lorsqu’elle est considérée comme une stratégie centrale visant à améliorer l’écosystème des services. Dans cette perspective, l’approche participative doit imprégner l’ensemble de cet écosystème considéré comme l’espace institutionnel qui façonne autant les relations familiales que les conditions qui permettent une participation active « à la compréhension des réalités qui les affectent, aux décisions qui sont prises, aux actions qui sont posées et à l’appréciation des effets de ces décisions et actions » (Lacharité et al., 2022). L’étude des travaux scientifiques nous amène à considérer la participation en protection de l’enfance comme un processus dynamique, itératif, situationnel et interactionnel au cours duquel tous les acteur·rices impliqué·es dans l’écosystème de protection de l’enfance entrent en dialogue, se sentent écouté·es et pris·es au sérieux à chaque étape de l’intervention.

Les échanges entre les enfants et les référent·es, une condition de la participation

6Diverses recherches ou rapports publics ont indiqué qu’au cours des interventions en protection de l’enfance, l’enfant n’a pas été vu·e assez souvent et les praticiens et praticiennes ne sont pas parvenu·es à s’engager dans une relation leur permettant de connaître ses points de vue et ses sentiments (Ferguson, 2017). Pour comprendre l’une des dimensions qui composent le processus de participation, il est donc intéressant de se concentrer sur la nature, la qualité et le contenu des rencontres communicatives avec les enfants et les familles. Si la participation ne se limite pas au seul recueil de la parole et de l’expression, du point de vue de l’enfant, ces dimensions constituent toutefois des préalables indispensables à la prise en compte de ses perspectives au cours de l’intervention. Pour qu’un tel processus s’amorce, l’enfant doit avoir des opportunités d’exprimer son point de vue auprès de celles et ceux qui élaborent les propositions ou décisions qui les concernent. Cela implique de créer un espace propice à la fois à l’expression spontanée de l’enfant, et à la réception et prise en compte de toutes les formes d’expression dont font partie les silences (Spyrou, 2016). Cette idée rejoint l’un des socles d’une approche participative en protection de l’enfance concernant l’instauration d’espaces de parole dédiés aux enfants et à leur famille (Lacharité et al., 2022).

  • 2 La fonction de référent n’est pas clairement définie dans les textes légaux. L’étude des documents (...)

7En France, des recherches portent sur le contenu des rencontres entre des parents et des professionnel·les en protection de l’enfance (Boutanquoi et al., 2014), mais peu sur celles impliquant la présence d’un enfant. De plus, la place et les rôles spécifiques des référent·es de l’enfant2 sont rarement considérés dans les recherches en protection de l’enfance. Quelques travaux français commencent à intégrer les spécificités du rôle de ces professionnels dans l’analyse des interventions et de leurs effets en protection de l’enfance (Euillet, 2020) et quelques recherches internationales soulignent l’importance de ces acteurs et actrices dans le processus d’intervention ou de participation (Thompson et al., 2017). À partir d’une recherche auprès d’assistants familiaux, de référent·es d’un service d’accueil familial et d’enfants accueilli·es, Séverine Euillet souligne que les principaux leviers de la participation de l’enfant ont été attribués aux référent·es et constate que « le référent serait l’acteur principal de la transmission et de la pondération de la participation de l’enfant, de sa circularité, de son arbitrage » (Euillet, 2020). Les mêmes constats se retrouvent dans des travaux internationaux montrant, comme le rappellent Ganna van Bijleveld et son équipe, que les chances qu’ont les enfants de participer aux services de protection de l’enfance dépendent en grande partie des attitudes et des compétences des « case managers » (2020).

Accéder aux pratiques quotidiennes pour analyser les processus de participation

8Les connaissances sur la manière dont la participation se (dé)construit au fil du temps, à l’intérieur des interventions sont encore rares. Comme Kim Stroumza et ses coauteur·ices, nous considérons que c’est « en (avec la) situation que se construisent des réponses, à chaque fois singulières, dans une attention à ce qui émerge (ou non) en cours d’action, dans un mouvement à la fois d’exploration et de transformation de l’environnement pour que l’activité puisse répondre à l’ensemble de ses prescriptions dans les conditions locales qui sont les siennes » (2021, paragraphe 15). La recherche que nous avons réalisée vise à comprendre comment et de quelle manière, au cours d’une intervention de suppléance familiale en protection de l’enfance, les intervenant·es occupant un rôle de référent·e soutiennent la participation des enfants aux décisions qui les concernent.

9Plusieurs des recherches évoquées plus haut ont permis de saisir ce que Harry Ferguson nomme des « instantanés du travail social » (Ferguson, 2016), mais plus rares sont celles qui étudient la manière dont l’intervention et les relations se construisent et se maintiennent au fil du temps. Dans ce contexte, la démarche choisie pour éclairer les processus de participation s’inscrit dans une approche qualitative longitudinale qui permet de comprendre comment les expériences et les processus évoluent dans le temps. Nous nous sommes largement inspirés de la méthode utilisée par Harry Ferguson et ses collègues, à partir de laquelle il est possible d’avoir accès aux pratiques quotidiennes des intervenant·es, pratiques désignées sous le terme de « pratiques sur le long terme ». Cette approche permet de passer d’une focalisation sur des « instantanés de la pratique » à la production de « quelque chose de plus proche d’un film en connectant les scènes des pratiques de semaine en semaine, de mois en mois, de manière à fournir une compréhension détaillée des complexités des organisations, de la pratique du travail social et des relations à long terme » (Ferguson et al., 2020, p. 1720). Dans ce type de recherche, la dimension temporelle est délibérément intégrée au processus de recherche et considère les changements, au cours des processus, comme des éléments centraux de l’analyse. Ces méthodologies ethnographiques, « mobiles et sensibles peuvent atteindre les formes sous-jacentes d’expérience, de création de sens, de compétence et de prise de décision qui font du travail social ce qu’il est tel qu’il est pratiqué en temps réel » (ibid., p. 1707).

  • 3 À partir de ce passage, le féminin est privilégié pour parler des référentes impliquées dans la rec (...)

10Une méthode associant une phase d’observation et une phase d’entretiens a été élaborée et mise en œuvre afin d’accéder au processus et aux expériences de participation durant l’intervention en cours. Pendant une période de 6 à 18 mois, nous avons observé les pratiques quotidiennes de 7 référentes3 de l’Aide sociale à l’enfance en lien avec une diversité de situations familiales. Pour certains enfants, nous n’avons pu observer qu’un entretien. Pour d’autres (n = 12), rencontré·es plus régulièrement par les intervenantes, les enfants et les parents ont accepté la présence d’une chercheuse à différents moments de l’intervention (entretiens, audiences, sorties), y compris ceux auxquels ils et elles ne sont pas convié·es (synthèses, réunions), ce qui a permis l’étude des « pratiques de long terme » évoquées plus haut. À l’issue de cette phase d’observation, des entretiens de recherche ont été réalisés avec certains des parents rencontrés au cours de la phase d’observation (n = 9), leurs enfants (n = 8), les référentes de l’Aide sociale à l’enfance (n = 7) et d’autres professionnelles impliquées dans les interventions (n = 11). Ces professionnel·les sont des cadres, des psychologues, des intervenant·es d’autres services. L’analyse des données repose sur une première phase de traitement et de quantification des données (Royer et al., 2019). Ensuite, une analyse thématique des observations et des entretiens a été réalisée.

11Au total, les données recueillies puis analysées s’appuient sur 48 entretiens en présence d’au moins un enfant et une référente. Parmi ces entretiens, la moitié se sont déroulés en présence d’au moins un parent (n = 24). Quelques entretiens observés ont eu lieu au sein du lieu d’accueil de l’enfant (n = 4) ou à l’extérieur (n = 5), les autres se sont tenus au sein des locaux de l’Aide sociale à l’enfance. Pour un tiers des entretiens, un·e autre professionnel·le était présent·e. Il pouvait s’agir d’un·e chef·fe de service, d’un·e professionnel·le du lieu d’accueil ou d’un·e psychologue.

12Si la diversité des situations d’entretiens et des modalités discursives des acteur·rices rend impossible toute tentative de catégorisation, les analyses produites permettent de rendre compte de plusieurs des éléments présents dans le socle de l’approche participative en protection de l’enfance, c’est-à-dire « la voix des enfants et des parents » (Lacharité et al., 2022). Dans la suite de l’article, il s’agit de s’intéresser aux contextes de ces rencontres, à leur contenu et aux formes d’expression utilisées par les enfants afin de repérer les éléments qui peuvent constituer des leviers ou des obstacles à la participation de l’enfant.

Des contextes de rencontre maîtrisés par les adultes professionnel·les

13Pour Laura Lundy, la participation suppose de créer un espace sécurisant pour que chaque enfant puisse exprimer son point de vue (2007). Le contenu de cette première partie des résultats s’intéresse spécifiquement aux contextes dans lesquels ces rencontres se déroulent, dans la mesure où les dimensions contextuelles et organisationnelles de ces moments de rencontre ont un impact significatif sur les expériences des travailleur·ses sociaux·ales, des enfants et des familles (Winter et al., 2017).

Des modalités de rencontre ou absences de rencontre imposées aux enfants

14Parmi les 48 entretiens observés, la quasi-totalité d’entre eux est organisée à l’initiative des professionnelles, en concertation avec les lieux d’accueil. Les enfants reçoivent l’invitation par l’intermédiaire d’un·e autre intervenant·e (l’assistante familiale, une éducatrice de foyer) et disposent rarement de la possibilité de refuser une rencontre, de l’organiser selon d’autres modalités ou à un autre moment, ou d’y venir accompagné·es d’une personne de leur choix. L’âge de l’enfant ainsi que la durée d’accueil semblent être deux facteurs qui entrent en jeu dans la manière d’impliquer l’enfant à l’organisation de ces rencontres. La présence prolongée sur le terrain nous permet de constater que les enfants plus âgé·es ou celles et ceux qui connaissent leur référente depuis plusieurs années sont, plus souvent que les autres, en mesure d’être à l’origine d’une demande de rencontre ou de s’y opposer formellement ou indirectement (en ne venant pas, en rendant l’échange impossible). Le fait de disposer d’un moyen de contacter directement sa référente (par téléphone ou SMS, par message électronique) permet à certain·es jeunes de négocier en direct avec les professionnelles. Les intervenantes impliquées dans la recherche disposent toutes d’un téléphone portable professionnel, mais ce n’est pas le cas pour l’ensemble des jeunes qu’elles accompagnent et la transmission de leur numéro aux jeunes n’est pas une pratique systématique. Certaines d’entre elles transmettent toutes leurs coordonnées (e-mail, numéro pour joindre le service, numéro de téléphone portable) et à toutes les parties prenantes, d’autres peuvent choisir de ne transmettre que certaines coordonnées à certaines personnes. Ces éléments rejoignent les constats de l’étude de Jo Dillon et son équipe, lesquels montrent que peu d’enfants disposent des moyens de contacter directement les professionnel·les, ce qui constituerait un obstacle à leur participation (2016).

15En plus de choisir la date des rendez-vous, les professionnelles font également souvent le choix du rythme des rencontres et de la stabilité des personnes rencontrées par les enfants. Selon les professionnelles, la rythmicité des rencontres constitue un élément important dans le processus de participation :

« Ça n’a quand même rien à voir. Des jeunes que tu vois toutes les semaines, tu sors avec eux, tu fais aussi des achats de vêtements, tu vas faire le shopping avec eux, et cetera. Là, la participation, elle est pleinement là. »

  • 4 Ces données ont été obtenues à partir de l’observation des rencontres qui nous a permis de comptabi (...)

16Toutes les professionnelles interrogées s’accordent à considérer la multiplication des occasions de rencontre comme une condition de la participation des enfants. Ces rencontres conditionnent la possibilité de construire et de maintenir une relation avec chaque enfant au fil du temps, mais au-delà de la continuité, il apparaît, au cours des observations et entretiens réalisés, que ce sont également le nombre de professionnel·les impliqué·es ainsi que la stabilité de ces dernier·ères qui entrent en jeu dans les processus relationnels. L’observation des entretiens a permis de quantifier le nombre d’intervenant·es impliqué·es auprès de chaque enfant avant et pendant le placement. En moyenne, les enfants impliqués dans la recherche ont rencontré plus de 16 intervenant·es différent·es au cours de leur parcours de protection4. Conscientes du nombre de personnes impliquées dans la vie de chaque enfant qu’elles accompagnent, les professionnelles interrogent la rythmicité des rencontres et évoquent la nécessité de trouver un équilibre et d’ajuster leur présence auprès de l’enfant. Au début d’un placement, les rencontres sont souvent plus nombreuses et les enfants rencontrent régulièrement leur référente. Puis le rythme change et plusieurs d’entre elles expliquent que lorsque l’enfant « va bien », qu’il ou elle est « posé·e dans un lieu d’accueil » et que son parcours est « stable », elles ne souhaitent pas se montrer trop présentes. Elles expliquent leurs choix par leur souhait de permettre à l’enfant d’avoir « une vie normale d’enfant », de ne pas ajouter un acteur supplémentaire, de les « laisser tranquilles ». La fréquence des rencontres ne fait pas davantage l’objet de discussions ou de négociations avec l’enfant, qui semble devoir se « plier » aux sollicitations des professionnelles sans qu’il ne lui soit indiqué la possibilité de les refuser, ponctuellement ou non. Le rythme des rencontres observées dépend alors, le plus souvent, de la temporalité de l’intervention. En effet, les entretiens sont souvent organisés en amont ou en aval de « moments clés » de l’intervention : une audience, un changement de lieu d’accueil, un changement de modalité de rencontre.

17En sus de la faible marge de manœuvre dont disposent les enfants concernant l’organisation du contenu et du contexte des échanges avec les professionnelles, ils et elles manquent souvent d’informations concernant les motifs. À plusieurs reprises, l’inconfort qu’une telle situation peut générer chez les enfants est perceptible. Les enfants montrent clairement de l’appréhension quant à savoir ce qu’il va se passer ou se dire dès les premières minutes de l’entretien. Pendant les premières minutes d’entretien, les enfants peuvent se montrer silencieux, mal à l’aise, le corps restant assis et immobile jusqu’à ce que la professionnelle annonce la raison de leur rencontre. À ce propos, une référente ASE s’interroge sur la manière de pouvoir préparer les enfants à ces rencontres, de comprendre les objectifs de l’échange à venir :

« Cette jeune n’a plus de portable. Du coup, quand je lui fixe un rendez-vous, je passe par sa mère. Et puis, c’est vrai que je ne peux pas vraiment expliquer à la jeune l’objectif de la rencontre. Je me faisais la réflexion qu’à chaque fois que je la voyais, il y avait toujours le premier quart d’heure très froid, très, voilà, elle me renvoyait quelque chose d’un peu… Et puis, à un moment donné, hop, elle se détend. Et en fait, j’ai commencé à comprendre parce que la dernière fois elle l’a dit de manière très explicite. Et elle me dit : “mais pourquoi, en fait, pourquoi vous voulez me voir, pourquoi on se voit aujourd’hui ?” Et du coup, je lui dis en deux mots… et là, elle se métamorphose et elle peut être dans le lien. Effectivement, je me dis souvent, les enfants, en fait, on leur dit : “on se voit…” souvent, on le dit aux éducs, mais tu vois, après, toi, t’en sais rien, là, tu ne maîtrises pas la manière dont c’est redit derrière ou pas, parce que l’éduc qui a fait la nuit, ce n’est pas celui qui l’accompagne le lendemain. Et je pense que ça peut participer aussi au fait qu’ils ne sont pas toujours ultra à l’aise dans leurs pompes parce que je vais voir mon référent Ase, mais alors, du coup, c’est de quel acabit, je vais me faire taper sur les doigts, c’est pour… On se retrouve un peu dans la difficulté du parent qui ne le voit pas tout le temps, c’est-à-dire que le jeune, tu le vois là ponctuellement, bah ! il faut rattraper, limite le temps perdu et puis… c’est dans quelque chose de pas toujours très spontané parce que tu t’intéresses sincèrement à la réponse de l’enfant, mais ce n’est pas le bon moment pour toi. » (Caroline, référente ASE.)

18Parmi les enfants interrogé·es en entretien, cinq évoquent un sentiment d’être contraint·es de devoir se rendre à ces rencontres et déplorent le fait de ne pas être associé·es au choix des moments les plus opportuns pour eux. À la question « Sur quoi souhaiterais-tu que ta référente te demande ton avis ? », Laura, âgée de 11 ans, répond : « sur les rendez-vous, pour les faire au bon moment ». Les enfants sont souvent reçus pendant les vacances scolaires ou les mercredis, impliquant parfois l’annulation d’activités de loisirs ou de sorties prévues par les enfants et les jeunes. Sami, âgé de 12 ans, explique par exemple qu’il préférerait faire du basket plutôt que de se déplacer dans un lieu dans lequel il ne veut pas se rendre.

Des rencontres qui s’organisent majoritairement sur le territoire des professionnelles

19Les rencontres observées avec les enfants se déroulent majoritairement dans les espaces de travail des professionnelles. Les rencontres sur l’extérieur concernent souvent des situations plus à la marge. Il peut s’agir d’un·e jeune bientôt majeur·e, d’un·e enfant qui a peu de liens avec les membres de sa famille. Par exemple, Marjorie, référente Ase, rencontre plusieurs fois par semaine Amira, hospitalisée depuis plusieurs mois. Marjorie explique qu’au regard de la difficulté pour les parents d’Amira de se déplacer et de lui rendre visite, il est important pour elle de se rendre fréquemment à l’hôpital. C’est également le cas d’Isabelle, qui choisit de rencontrer Noa au domicile de sa grand-mère face à son refus de sortir de chez lui ou encore de Lila qui déjeune tous les mois avec Chloé, 17 ans, pour préparer la fin du placement.

20Le choix du lieu de rencontre avec l’enfant, au service ou à l’extérieur, relève essentiellement d’une préférence de chaque professionnelle, mais également du temps dont elles disposent pour ces rencontres. En effet, si plusieurs professionnelles évoquent une préférence pour des rencontres qui se déroulent en dehors des services, elles expliquent ne pas toujours disposer du temps nécessaire pour se rendre auprès de l’enfant, d’autant que certains lieux d’accueils se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres de leur service. Comme l’explique Sami dans l’extrait suivant, les enfants s’expriment également à ce sujet, expliquant pour certains qu’ils préféreraient que ces échanges se fassent à l’extérieur ou un autre service que celui de l’Aide sociale à l’enfance :

« Au service, y a rien à faire alors qu’au Saf y a un panier, je vais direct là-bas. À l’Ase tu te fais chier, tu t’assois, tu te fais chier… Tu parles dans ta tête, tu te dis qu’est-ce qu’il va se passer. »

21Au sein de chaque terrain de recherche, une seule pièce, souvent plus spacieuse que les autres, est aménagée avec quelques jeux, des fauteuils plus confortables, une table basse faisant office de bureau. Cette pièce est souvent privilégiée par les professionnelles pour organiser les rencontres. Il s’agit souvent d’une pièce désignée comme celle réservée aux rencontres parents/enfants. Les autres espaces disponibles sont appelés des « box », souvent vitrés et aménagés avec un bureau, deux ou trois chaises et un ordinateur. Ces espaces ne sont pas toujours accueillants ni même confortables. De plus, à l’intérieur de ces services, d’autres familles, d’autres jeunes occupent les lieux. Il n’est pas rare d’assister à des scènes de cris, d’agitation voire de violence, ce qui peut largement affecter les échanges en cours dans d’autres espaces.

22Les rencontres se faisant majoritairement dans les bureaux des professionnelles, ce sont alors les enfants qui doivent se déplacer. Ils et elles peuvent être accompagné·es par des professionnel·les présent·es sur leur lieu de vie, mais il arrive fréquemment que ce soient des personnes extérieures qui réalisent ce trajet avec les enfants. Il s’agit d’accompagnateurs ou accompagnatrices ne connaissant pas toujours les enfants avant ce déplacement et qui peuvent être différent·es d’un rendez-vous à l’autre. L’enfant qui se « déplace » ne dispose d’aucune information sur la personne qui effectuera cet accompagnement. Ces pratiques ne sont pas sans conséquence sur le déroulement des entretiens. Plusieurs enfants ont pu exprimer leur lassitude à l’égard des nombreux changements d’accompagnateurs et accompagnatrices. Nathalia comptabilise plus de 20 personnes différentes. Laura quant à elle, expliquera que l’un d’entre eux marchait « tellement vite » qu’elle avait « peur de se perdre ». Nous avons parfois pu percevoir chez certains enfants, à certains moments, un inconfort lorsqu’il fallait repartir avec cette personne souvent inconnue, comme le montrent les notes de terrain ci-dessous.

Notes de terrain

Les « au revoir » entre Laura et ses parents sont très douloureux aujourd’hui, alors même que la rencontre n’a pas semblé si différente que les précédentes. Laura sort de la salle et pleure à chaudes larmes. Toutes les professionnelles présentes semblent associer cela à la séparation. Mais Laura dit quelque chose tout bas : « Je veux que ce soient mes parents qui me ramènent ». Peut-être que cela lui permet d’avoir un peu plus de temps avec ses parents, mais je ne peux m’empêcher de faire le lien avec cet accompagnateur qui est venu l’amener aujourd’hui et qui me donne une impression « bizarre ». Un homme d’une cinquantaine d’années, très bien habillé, avec une valise (qui n’est pas à Laura)… Ces personnes qui ne connaissent pas les enfants et qui ne connaissent que très rarement la protection de l’enfance peuvent-elles accueillir les émotions des enfants avant ou après ces rendez-vous ? Mais aujourd’hui, c’est la première fois que je vois Laura dans cet état et cela me surprend, me touche. Deux jours plus tard, un autre entretien a lieu entre Laura et les professionnelles et de nouveau, c’est un accompagnateur différent qui l’amène. Après l’entretien et au regard de ce qu’il s’est passé mercredi avec l’accompagnateur, Lila, sa référente, décide de la raccompagner elle-même au foyer. Dans le métro, Lila lui évoque l’impression que nous avons eue mercredi en la voyant repartir en pleurant. Laura explique que c’est difficile que ce ne soit jamais la même personne qui l’accompagne et que « celui de mercredi » l’a fait courir et que souvent « ils ne parlent pas ». Laura est beaucoup plus rassurée aujourd’hui, elle est enjouée, elle parle, rigole.

23Ces pratiques d’accompagnement semblent répondre à des difficultés d’ordre organisationnel. Tous les lieux d’accueil (qu’ils s’agissent de service d’accueil familial ou de structures collectives) ne disposent pas des moyens pour réaliser ces accompagnements et les référents expriment leur difficulté de trouver le temps nécessaire pour les réaliser eux-mêmes. Pourtant, pour plusieurs des professionnelles rencontrées, ces moments d’accompagnement constituent des temps informels précieux pour créer ou maintenir un lien avec les enfants. Ces éléments sont évoqués par l’une des psychologues rencontrées à l’issue de la recherche. Ses propos s’appuient sur les situations récurrentes d’enfants en fugue ou exclus brutalement de leur lieu d’accueil.

« Ça me paraît évident que quand tu as plus de temps et ben tu vas physiquement accompagner le môme qui est en rupture de placement ? Évidemment pas tous les soirs, mais de temps en temps quand tu le peux… Bah tu prends ton sac à main, tu n’es pas d’accompagnement, mais tu vas accompagner le môme que tu as en référence sur son lieu d’accueil, ça te fait des temps informels pour discuter avec lui, elles le disent toutes d’ailleurs, quand elles le font, il y a des trucs super intéressants qui émergent évidemment, c’est dans ces moments-là que ça se passe… »

24L’accompagnement de l’enfant est souvent considéré comme un acte « à part », en dehors de la rencontre et de l’intervention ; un acte qui, par manque de temps, disparaît très souvent du quotidien et des pratiques professionnelles. Pourtant, de récentes recherches montrent que les déplacements, en voiture ou à pied, constituent des modalités d’échange parfois plus adaptées à la création d’une relation entre les praticien·nes et les enfants ou à l’évocation de sujets difficiles (Disney et al., 2019 ; Ferguson, 2009, 2016).

Des échanges qui s’organisent majoritairement autour de discussions formelles

25Parmi les 48 entretiens avec des enfants, très peu se sont organisés autour de l’utilisation de supports permettant de proposer à l’enfant une autre forme de communication que l’échange verbal (jeux, livres, dessins…). À quelques occasions, les entretiens se sont déroulés autour d’un repas, d’un goûter. Souvent assis sur une chaise, dans des pièces aménagées pour réaliser des entretiens en face-à-face, les corps des professionnelles, des parents et des enfants apparaissent souvent immobiles. À de rares occasions, les enfants prennent une feuille de papier et se mettent à dessiner, mais ce support n’est pas souvent considéré comme un moyen de soutenir la discussion. Ces contextes et formes de communication verbale et en face-à-face mettent certain·es jeunes dans des situations d’inconfort comme celui exprimé par Nathalia :

« Il parle beaucoup il me demande rarement ce que je veux et aussi quand il me parle à la fin ça me fait mal aux yeux de les regarder j’ai envie de regarder autre part, mais je sais que c’est mal poli… Euh, ce qui me dérange c’est les regarder je voudrais regarder ailleurs… La référente Ase c’est celle qui parle le plus et qui me regarde sérieusement, à la fin je vais finir par loucher. »

26La jeune fille continue d’évoquer le déroulement de ces entretiens, en le comparant au format de l’entretien de recherche, qui se déroule dans un parc, sur une table extérieure et s’appuie sur un choix entre une diversité de supports pour faciliter l’échange (photos, dessins, écrits). Nathalia dit :

« Bah je me sens beaucoup mieux là, avec vous, ici à faire ce genre d’activité. Parce qu’enfin, avec les autres adultes, c’est face à face. Ils me parlent assez sérieusement ».

27S’appuyant sur des travaux issus de la pédagogie sociale, Gillian Ruch et ses collègues parlent de « tiers commun » pour évoquer les activités partagées avec les enfants, ces dernières étant indispensables pour établir et maintenir une relation significative avec l’enfant. À propos de l’absence d’utilisation de ces tiers communs, les chercheurs considèrent que « plutôt que d’y voir un manque de compétences de la part des praticiens individuels, nous pensons qu’il s’agit également d’un reflet de la culture organisationnelle ; le manque de créativité dans la réflexion sur la pratique est également imputable à l’état d’esprit appauvri des organisations dans lesquelles de nombreux praticiens se sont retrouvés » (Ruch et al., 2017, p. 1021).

28Les professionnelles reconnaissent en effet que les entretiens formels ne sont pas toujours adaptés. Comme l’explique Aurélie :

« Moi je suis pas trop, j’aime pas trop ce genre d’entretien, je trouve que ça met le jeune un peu mal à l’aise, on est derrière une table, je préfère autour d’un repas autour d’une activité, on va se balader, dehors même, sans rien payer sans payer une activité ou quoi. Il est quand même plus à l’aise pour pouvoir se livrer qu’un entretien formel, je te convoque aujourd’hui telle heure et tu sais qu’on va parler de tes parents ».

29Pourtant, nombreuses sont celles qui indiquent ne pas avoir reçu de formation particulière et estiment ne pas se sentir compétentes pour interagir avec les enfants ou susciter leur participation, et elles craignent d’évoquer avec eux des sujets souvent difficiles ou douloureux.

30La modalité des rencontres, telle que les enfants la décrivent, passe également par les attitudes des professionnelles. Les enfants interrogé·es sont plusieurs à souligner l’importance des qualités des intervenantes tant sur le plan humain que sur le plan de la communication. Plusieurs enfants ont utilisé des termes tels que « gentille », « méchante », « sévère », « concentrée ». Lou évoque la manière dont certaines des professionnelles lui parlent et compare les attitudes de deux référentes. Elle dira à propos d’une référente sur son lieu d’accueil :

« En fait elle est gentille, mais je ne sais pas, elle a l’air pas très très très très très sympa, elle a une grosse voix. J’aimerais échanger les rôles. Parce que Madame X (la référente ASE) a l’air moins, elle a l’air moins stricte. »

31Pour Emma, l’attitude des professionnelles semble aussi importante. Elle pense que les adultes qu’elle rencontre ne sont pas toujours suffisamment « concentré·es » sur ce qu’elle dit et ne l’écoutent pas. Nathalia évoque également les situations d’entretiens et les attitudes des professionnelles qu’elles trouvent parfois « terrifiantes ». Les jeunes qui en ont fait l’expérience ont apprécié les moments informels partagés avec les professionnelles qui les accompagnent. Se voir à l’extérieur, jouer ensemble, partager un moment convivial, échanger sur des sujets plus « légers » constituent des moyens pour parvenir à la construction d’une relation avec les professionnelles et la possibilité de créer des espaces de communications plus ouverts.

32Les enfants mesurent, chacun·e à leur manière, les qualités des professionnel·les et leur engagement auprès d’eux. Une enfant exprime les différences qu’elle observe entre les deux référentes qui l’accompagnent :

« Vous voyez, Mme T., elle fait juste son travail. Elle fait son travail, elle fait son travail, elle fait son petit truc, elle fait une pause déjeuner, après, elle part. Mme R., ce n’est pas comme ça, ce n’est pas comme ça. Elle me dit, ça va Amira ? Qu’est-ce que tu fais, nana. Mme T., elle pose des questions parce que c’est son truc. Je me rappelle où elle a mal parlé à tata… En fait, elle fait que son travail, elle ne fait pas, elle ne fait pas les attentes que je veux… Mme R., elle est partie profondément. C’est ça. Tata aussi, elle essaie de m’écouter. Mme T., elle m’écoute pour faire son travail. » (Amira.)

33Les éléments relatifs aux contextes des rencontres entre les enfants et les référentes rappellent les résultats d’autre recherche. Karen Winter et ses coauteurs montrent que :

« Si les compétences et les méthodes de communication sont importantes, elles ne le sont que dans la mesure où le contexte de la rencontre réelle entre l’enfant ou le jeune et le travailleur social le permet. De manière significative, les résultats ont démontré que la pratique du travail social avec les enfants et les familles peut se dérouler dans des environnements difficiles et contraignants » (2017, p. 24).

34Les professionnelles ont des possibilités d’agir sur plusieurs dimensions en choisissant les lieux, les sujets, les dates, les personnes présentes. Ces éléments contribuent à renforcer l’asymétrie des positions entre les enfants et les professionnel·les puisque ces dernier·ères disposent déjà d’une position plus favorable. La présence, au cours des rencontres, d’une personne choisie par l’enfant, la diversification des modalités de rencontre ou de communication, la possibilité de joindre facilement un professionnel sont des éléments qui favorisent la création d’un espace sécurisant pour l’enfant, la relation d’entretien et atténuent les émotions négatives vécues par les enfants (Kennan et al., 2018 ; McTavish et al., 2022 ; Moore et al., 2018). Les lieux dans lesquels les enfants rencontrent des professionnel·les devraient être accueillants, confortables, inclusifs, adaptés aux enfants, à leur âge et accessibles aux enfants (Mitchell et al., 2023).

Le contenu des échanges avec les enfants

35L’absence d’enregistrement des entretiens observés rend difficile le repérage de l’ensemble du contenu, et ne permet pas de proposer une analyse du discours. Toutefois, les notes prises au cours des échanges se concentrent sur les thèmes abordés au cours des rencontres et les éléments se réfèrent aux conditions de la participation significative (Bouma et al., 2018). Pour parvenir à analyser ces données, les notes d’entretiens ont été divisées en séquences. Une séquence correspondait à un passage pendant lequel un même thème était évoqué. Chaque changement de thème produisait un changement de séquence. Ainsi, trois thèmes s’imposent largement et font référence à l’« intervention », la « famille » et le « quotidien de l’enfant ». Le premier rassemble l’ensemble des séquences durant lesquelles les échanges portent sur la déclinaison du cadre, des modalités et des processus d’intervention. Le second comporte toutes les séquences au cours desquelles la discussion avec l’enfant se concentre sur l’histoire familiale, les comportements parentaux, le quotidien avant le placement, les relations parents/enfants ou les relations avec l’entourage. Le troisième, un peu moins présent, regroupe les séquences pendant lesquelles sont abordés la vie quotidienne actuelle de l’enfant, ses loisirs, sa scolarité…

Donner des informations, des explications sur le cadre et les processus d’intervention

36Parmi les situations familiales qui composent notre corpus, la majorité concerne des débuts d’intervention. Dans ce contexte, les professionnelles accordent beaucoup d’attention à ces premiers moments d’intervention, souvent émotionnellement chargés pour les enfants. Elles consacrent beaucoup de temps à ces rencontres initiales, dont la fréquence est plus importante au cours des premières semaines d’intervention. Les échanges s’organisent autour de deux thèmes principaux : les motifs de l’intervention et les déclinaisons de l’intervention.

37Au cours des entretiens observés, aucun support écrit ou audio n’est utilisé, ni même disponible parfois, afin de faciliter la transmission d’une quantité très élevée d’informations et d’acronymes : ASE, AF, VM, SAF… La tâche n’est alors pas aisée, car il s’agit pour les professionnelles d’expliquer une organisation complexe, impliquant une diversité d’acteurs aux fonctions distinctes. Le niveau de détail des informations transmises varie alors largement d’une professionnelle à l’autre. Par exemple, certaines professionnelles vont parler du Département, de la composition de leur équipe, de leur métier et d’autres vont se limiter à des informations en lien avec la situation de l’enfant concerné. Toutes les professionnelles ont a minima tenté d’expliquer ce qu’est l’ASE et quelle était la différence entre un « référent ASE » et un « référent de proximité ».

38Une professionnelle explique à l’un des enfants :

« Mon rôle est de coordonner ton placement, notre rôle c’est de faire en sorte que ton placement se passe bien, que tu sois dans un lieu qui te correspond et que tu te développes correctement. Notre travail c’est aussi de dire à la juge ce qu’on pense de ton placement, de dire comment ça se passe de lui dire voilà ce qui se passe bien voilà ce qui ne se passe pas bien ».

39Souvent, les professionnelles expliquent leur rôle à partir du niveau de proximité qu’elles ont avec les parents et/ou l’enfant :

« Moi je suis une éducatrice qui va être un peu plus loin de toi, je suis plutôt éducatrice pour les parents, je m’occupe de toi, mais je vais aussi m’occuper de ta maman. Ma mission première c’est de m’assurer que tu ailles bien que tout se passe bien pour toi pendant ton placement… C’est aussi d’évaluer si tu peux ou si tu ne peux pas rentrer à la maison avec maman et si tu ne peux pas pourquoi, quelles sont les difficultés et comment moi je peux aider ta maman et comment je peux t’aider toi pour que tu puisses ensuite rentrer à la maison‬. »

40Au fil des entretiens, les informations transmises passent d’informations générales sur l’organisation de l’ASE à d’autres, plus spécifiques, en lien avec la déclinaison de l’intervention pour chaque enfant. Ainsi, les professionnelles prennent le temps d’expliquer les démarches qu’elles ont réalisées et celles qu’elles vont prochainement effectuer (rencontrer leurs parents, écrire au juge, contacter des partenaires). Au cours de ces séquences, si les professionnelles accordent de l’importance à clarifier le rôle des différent·es acteur·rices professionnel·les, à décrire leurs actions « au fil de l’eau », nous remarquons que les éléments portant sur les processus et moments décisionnels sont moins présents. Par exemple, les enfants sont très rarement informé·es et leur point de vue est rarement sollicité en amont d’une synthèse, avant l’écriture d’un rapport ou d’une note. L’information est plus souvent transmise une fois l’action réalisée. Il est frappant de constater que les références aux droits des enfants n’apparaissent que dans trois des entretiens observés et, lorsqu’elles existent, elles ne constituent pas réellement une séquence de l’entretien, mais plutôt une phrase isolée « tu as le droit d’écrire au juge », « tu as le droit de dire ce que tu penses », « tu peux donner ton avis ».

Un discours majoritairement rétrospectif et évaluatif du récit familial

41Le contenu des entretiens met au jour la complexité des rôles des référents, qui oscillent entre l’évaluation de la situation, la mise en œuvre d’une décision et l’exercice d’un rôle de soutien à l’égard des parents et des enfants. Dès les premiers entretiens menés avec l’enfant, les professionnelles impulsent un engagement biographique de l’enfant (Robin & Séverac, 2013). Il s’agit de recueillir des informations sur l’histoire familiale, sur la vie quotidienne avant le placement, les comportements parentaux. Pour les professionnelles, ces moments semblent poursuivre plusieurs objectifs. Sans que cela ne soit précisé à l’enfant, il s’agit en premier lieu d’explorer le niveau de compréhension de l’enfant concernant les motifs de placement et d’apprécier, par la même occasion, son degré d’accord avec la décision prise. Ces éléments permettent également aux professionnelles d’obtenir des informations qui seront mobilisées ultérieurement au cours des processus décisionnels. Il s’agit de recueillir une « version de l’histoire » venant compléter celles apportées par les autres acteurs. À l’intérieur de ces séquences, les professionnelles rebondissent sur le récit des enfants de différentes manières. Dans certains entretiens, les rebonds apparaissent minimaux. Les professionnelles adoptent une position d’écoute, sans réagir immédiatement aux propos de l’enfant. Plus souvent, les rebonds permettent aux professionnelles d’ajouter des éléments issus des informations dont elles disposent, soit à partir de l’ordonnance, de précédents écrits professionnels ou des échanges qu’elles ont déjà eus avec d’autres intervenants. Il semble alors que l’objectif principal de ces rebonds soit d’apporter des informations complémentaires à l’enfant, de « faire comprendre » la décision, voire de « convaincre » l’enfant de son bien-fondé, comme le montrent les notes issues d’un entretien entre Nathalia et sa référente ASE.

Notes de terrain

Après avoir présenté l’organisation et les rôles de chaque intervenant, la référente de Nathalia l’amène à parler des motifs de placement et lui demande ce qu’elle en a compris. Nathalia fait le lien entre le départ de son père à l’étranger et le fait que les professionnelles qui intervenaient en milieu ouvert aient considéré qu’elle et sa sœur n’étaient plus en sécurité, ajoutant les éléments énoncés par les professionnelles concernant l’exiguïté du logement. La professionnelle réagit alors en disant : « Si je résume, tu comprends que comme ton père est parti vous n’étiez plus en sécurité et que l’appartement était trop en bazar. C’est un résumé effectivement, mais c’est beaucoup plus compliqué‬ ». S’ensuit un long monologue de plusieurs minutes durant lequel la professionnelle reprend l’ensemble des éléments dont elle a connaissance à partir des échanges qu’elle a eus avec les professionnelles d’AEMO, des écrits produits par ces dernières, ainsi que par sa connaissance de la situation du frère aîné de Nathalia, déjà confié depuis plusieurs mois. Émilie tente visiblement de convaincre Nathalia qui, à plusieurs reprises, exprime verbalement et physiquement son refus de parler de l’histoire familiale. Elle dit : « ça me dérange d’en parler » puis esquive les questions en utilisant le silence. Ce discours autour des motifs de placement, de la perception que les différents services ont de la situation familiale dure plusieurs minutes pendant lesquelles Nathalia continue de montrer son désaccord. Elle répond plusieurs fois « ça me dérange d’en parler » et, constatant que le sujet demeure celui-ci, elle finit par formuler des réponses courtes : « non ça va », « tout va bien »…‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

42Dans ces séquences, il s’agit souvent de déresponsabiliser l’enfant de la décision de placement : « La seule responsable, c’est maman et ce n’est pas pour l’incriminer et la juger… Mon travail, c’est de lui faire comprendre ça. »‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬ Mais, chez plusieurs enfants, cela provoque un sentiment, que leur « version de l’histoire » ne compte pas et les informations transmises ne sont pas toujours celles qu’attendent les enfants. Au cours de l’entretien de recherche, Sacha revient sur le contenu des échanges avec sa référente :‬

« On me dit tout le temps la même chose, on me demande tout le temps la même chose et au bout d’un moment je me demande à quoi ça sert parce que tout ce qu’ils me disent je le sais déjà… Elle m’a demandé des choses sur la situation, mais en fait pas des sujets ou j’avais vraiment besoin de parler. Elle a beaucoup parlé de ce qu’il s’était passé avant et moi je n’avais pas grand-chose à dire, ce n’était pas ça qui m’embêtait. J’aurais vraiment voulu savoir qu’est-ce qu’il pouvait se passer pour que je rentre, ce que moi je pouvais faire. Enfin, ils disent que je peux rien y faire, que c’est les parents, mais si moi on me place et que je peux rien faire, je comprends pas trop pourquoi. J’ai vraiment envie d’aider mes parents à pouvoir rentrer quoi. »

43Ces séquences sont également l’occasion d’échanger avec les enfants autour des relations entretenues avec leur famille pendant le placement. Ainsi, les enfants sont régulièrement invités à s’exprimer sur leur vécu des rencontres avec leurs parents ou d’autres membres de l’entourage de l’enfant, que celles-ci se déroulent à domicile ou au sein des différents services impliqués. Cela permet aux professionnelles d’ajuster le rythme des rencontres et parfois d’organiser des rencontres avec des personnes qui comptent pour un enfant. La fréquence des rencontres avec les membres de la famille constitue un sujet sur lequel le point de vue de l’enfant est largement sollicité et, s’il ne l’est pas, il s’agit d’un sujet que les enfants vont plus spontanément évoquer.

44Les séquences peuvent également contenir des éléments sur l’accompagnement que les professionnelles réalisent avec les différents membres de la famille, principalement les parents. Passant du recueil d’informations à la transmission d’informations, ces passages permettent aux professionnelles de rendre compte du positionnement de ces derniers et des actions qu’ils mènent. Il peut s’agir d’informations visant à rassurer l’enfant lorsque son parent s’absente de l’intervention pendant quelque temps. C’est le cas lorsque Laetitia explique à l’une des jeunes qu’elle accompagne et dont la mère n’honore plus les rencontres avec sa fille depuis un certain temps, qu’elle est parvenue à joindre sa mère au téléphone récemment et que tout va bien.

45L’observation et l’analyse de ces interactions, associées aux récits des enfants interrogé·es, montrent que la forme et le contenu des échanges ne leur permettent pas toujours de se sentir pris en compte dans le déroulement des événements. Par exemple, Nathalia et Sami considèrent que les professionnelles parlent davantage des difficultés qu’elles ne s’intéressent réellement à leur vie, à leurs centres d’intérêt. Lors de l’entretien de recherche, Nathalia est questionnée à propos des sujets sur lesquels elle a l’impression de largement s’exprimer sans avoir le sentiment d’être entendue. Nathalia répondra que s’agissant des relations avec les membres de sa famille, mais également de ses entraînements sportifs, elle a le sentiment que ce n’est pas ce qui intéresse les professionnelles. Elle considère que l’une des conditions de sa participation est de s’intéresser réellement à elle et de la soutenir :

« Il faut qu’on s’intéresse à moi, qu’on me demande, qu’on passe pas à côté de moi, enfin… que je… enfin qu’ils me… moi je pourrais pas exprimer toute seule comme ça, donc les conditions ce serait que, qu’on m’en parle, qu’on me demande parce que moi je peux par le dire toute seule ».

Accéder au quotidien de l’enfant

46Le troisième thème présent dans le contenu des rencontres concerne le quotidien de l’enfant, mais contrairement aux autres thèmes, celui-ci est présent dans une moindre mesure. Les séquences apparaissent plus courtes et suscitent moins de rebonds de la part des professionnelles. Il s’agit d’abord d’échanges autour du quotidien sur le lieu d’accueil. Les enfants sont invité·es à raconter leur quotidien et les relations entretenues avec les adultes et les enfants qui les entourent. Ces échanges sont souvent ceux au cours desquels les enfants sont les plus volubiles. Laura passe un long moment à raconter les jeux vidéo qu’elle possède et toutes les activités qu’elle partage avec sa sœur aînée. Angel raconte, dans le détail, ce qu’il se passe au foyer. Elle nomme chacun·e de ses camarades, des éducateur·rices et évoque les activités du week-end. Dans ces moments, les enfants se montrent plus à l’aise, et ce d’autant plus lorsque les échanges s’organisent en dehors des locaux de l’ASE. Il peut également s’agir d’évoquer des éléments en lien avec la scolarité et le suivi médical des enfants.

47Au-delà de l’analyse du contenu des échanges, l’observation des moments qui précèdent ou suivent les échanges montre que les objectifs des entretiens sont rarement préparés ni même précisés en amont ou au début de l’échange. L’échange se construit principalement en fonction des préoccupations des professionnelles, le plus souvent en lien avec la temporalité de l’intervention ou les événements marquants du moment ou à venir (une audience, un changement de lieu d’accueil, une demande d’un parent…).

Des formes d’expression multiples

48Au cours des entretiens observés, les formes d’expression des enfants ont varié d’un enfant à l’autre, d’un moment à l’autre de l’intervention, d’un sujet à l’autre. Parler, crier, se répéter, se taire, bouger, s’immobiliser, pleurer, se cacher ont été autant de formes d’expression utilisées par les enfants pour parvenir à prendre part à l’échange et parfois aux décisions qui s’élaborent dans des espaces rarement adaptés à leur présence. Ici, nous nous intéressons aux formes d’expression des enfants, considérant qu’elles ne se limitent pas à la « voix » (Spyrou, 2016). Le silence signifie-t-il l’absence d’expression et de point de vue ? Le ton de la voix donne-t-il de la force supplémentaire aux messages transmis ? Comment les enfants font pour s’exprimer ? Lorsqu’ils ne formulent pas verbalement leur avis, peuvent-ils l’exprimer autrement ? Il ne s’agit pas ici de tenter d’interpréter le sens de ces expressions protéiformes. Il est également difficile de savoir pourquoi les enfants ont agi de cette façon, si leurs actions étaient motivées par des sentiments de peur, de méfiance, de désintérêt à l’égard de ce qu’il se passe, se dit ou ne se dit pas. Comme chez Fiona Morrisson et ses coautrices, il est pourtant constaté que les actions des enfants étaient fortes et qu’elles ont produit des effets sur le déroulement des rencontres (Morrison et al., 2019).

49Dans la majorité des échanges, l’immobilité des enfants est frappante. Souvent assis·es, dans des positions similaires aux adultes, sur des fauteuils, ces attitudes renforcent le caractère artificiel de l’interaction en cours. Une manière trouvée par les enfants pour s’exprimer consiste à se détourner de l’échange, en changeant de sujet, en se levant de la chaise pour aller jouer alors que la discussion est en cours. Lors d’une observation, Abou et Amar, âgés de 8 ans, sont reçus par leur référente, la cheffe de service de l’Aide sociale à l’enfance et un éducateur du service d’accueil familial. Lors de cet entretien, il doit leur être annoncé qu’ils ne rentreront pas auprès de leur famille d’accueil. Pendant plus de vingt minutes, Abou et Amar se concentreront sur leur jeu de construction pour créer une tour. La cheffe de service multipliera les tentatives pour les faire revenir s’asseoir dans les fauteuils disponibles dans la pièce. Cela fonctionnera quelques secondes, mais Abou et Amar quittent l’échange d’une autre manière. Ils se regardent en souriant, partent dans un fou rire dont eux seuls connaissent les raisons. Lors d’une autre observation, un enfant s’est soudainement levé de sa chaise pour partir se cacher sous la table. Peut-être pour montrer son envie que l’échange se termine après plus de 30 minutes de discussion, ou peut-être, au contraire, pour qu’il ne s’arrête pas ? Amandine quant à elle ne parviendra pas à rester assise plus de 5 minutes pendant le repas partagé avec sa référente. Elle se lève une première fois pour se servir, puis se lève pour discuter avec les serveurs, se lève pour se resservir et se lève à nouveau pour débarrasser elle-même sa table. Amandine connaît peu Lila qui intervient depuis 2 mois seulement. Mais elle a une expérience de plusieurs années avec les travailleur·ses sociaux·ales et comprend sans doute que les rencontres avec ces dernier·ères, même le temps d’un repas, peuvent être un espace où des sujets déplaisants sont abordés. Lors d’un entretien évoquant une nouvelle fois les relations avec sa mère, nous observons Angel qui commence à s’agiter sur son fauteuil. Elle se balance, se lève, regarde par la fenêtre, joue avec une peluche, ce qui lui permet d’éviter cette discussion qui à ce moment, ne l’intéresse pas malgré les tentatives répétées de sa référente.

50Les enfants sont invité·es à s’exprimer et s’autorisent parfois à le faire spontanément, mais chacun va choisir les modalités qui lui conviennent, au moment où l’échange se déroule. Les fréquences des prises de parole des enfants ont varié tout au long de l’intervention, parfois d’un entretien à l’autre, parfois sur un temps plus long. Il est observé que cette fréquence augmente au fur et à mesure que les rencontres se multiplient entre l’enfant et sa référente, passant d’échanges où les occasions de prises de parole sont impulsées par les professionnelles à des prises de parole plus spontanées. Les enfants s’autorisent peu à peu à déjouer le cours de l’entretien, de l’échange, en impulsant un nouveau sujet. C’est le cas lorsque Angel, au cours d’un échange portant sur l’école, s’exclame subitement : « Qui doit choisir ma religion, car je veux manger des chips à l’église ? »

51Les fréquences peuvent également varier en fonction des expériences de participation, positives ou négatives, de l’enfant. C’est le cas pour Sami qui semble plus distant et silencieux pendant les entretiens qui suivront l’audience, moment au cours duquel il considère que son point de vue n’a pas été pris en compte et que sa référente n’a pas fait preuve de transparence quant aux propositions formulées (propositions dont elle ne lui a pas fait part en amont de l’audience). A contrario, Nathalia devient un peu plus loquace après plusieurs rendez-vous et après s’être sentie entendue et prise en compte dans sa demande concernant le changement d’établissement scolaire.

52Parmi les formes d’expression repérées, la visibilisation des émotions constitue un moyen que trouvent plusieurs enfants pour s’exprimer. Lorsque Emma se met à pleurer au moment où les professionnelles commencent à évoquer l’audience qui s’est tenue quelques semaines auparavant, où lorsque Laura se met à pleurer au moment de quitter le service, quand Sami hausse le ton tout en dénonçant la fréquence trop importante des rendez-vous où lorsque Amandine éclate de joie en retrouvant sa sœur dans une visite, ces enfants ne font pas autre chose qu’exprimer ce qu’ils éprouvent à cet instant. Ce sont certaines de leurs demandes, leurs refus, leurs perspectives qu’ils ou elles expriment de cette façon. Toutefois, ces expressions ne font pas toujours l’objet de la même attention de la part des professionnelles et les émotions ne sont pas toujours perçues comme une forme d’expression d’un point de vue ou d’une demande particulière : augmenter la fréquence des rencontres, ne pas repartir avec un inconnu, modifier les modalités d’intervention, exprimer un désaccord.

Note de terrain

L’entretien entre Isabelle, Lila et Emma se déroule sur le temps du déjeuner, dans les locaux de l’ASE. Au bout de 15 minutes, Isabelle demande à Emma comment elle a vécu l’audience. Emma dit qu’elle a joué avec Laura pendant l’audience et dit ne pas avoir trop écouté. Isabelle lui demande si elle veut qu’on lui explique ce qu’il s’est passé. Emma répond : « Je ne sais pas ». Isabelle dit : « Je trouve que c’est important de savoir, mais c’est peut-être trop compliqué de l’entendre maintenant ». Emma se renferme peu à peu. Lila lui demande ce que la juge a décidé. Emma dit : « Encore un an », puis elle fuit un peu la discussion. Elle baisse la tête, regarde sur le côté, mais les professionnelles continuent. Au moment où Isabelle lui redemande si elle a compris pourquoi la juge a dit encore un an, Emma commence à avoir les larmes qui montent, la voix qui tremble. Les professionnelles remarquent que c’est difficile. Lila s’excuse de la faire pleurer, précisant que ce n’était pas le but. Emma continue de pleurer. Les professionnelles finissent par changer de sujet et parler des activités qu’aime faire Emma au quotidien.

53De même, l’usage de la répétition constitue un autre moyen pour se faire entendre. Les enfants ont plusieurs fois répété ce qu’ils ou elles avaient à dire, faisant même constater à leurs interlocutrices qu’elles ont déjà posé la question. Au cours d’un entretien entre Angel et sa référente, celle-ci explique à Angel qu’elle va demander à la juge le renouvellement du placement. Pendant ce moment-là, Angel tapote la table avec sa main et s’arrête net lorsque Agnès évoque finalement le fait qu’elle va rester au foyer quelques mois. Après avoir évoqué la demande qu’elle va transmettre au juge, elle demande à Angel ce qu’elle souhaiterait. Angel lui répond avec une voix assez ferme et en parlant fort :

« Je l’ai dit à tout le monde ce que je souhaite, de rentrer à la maison ».

54Dans un entretien qui se déroulera quelques semaines plus tard, Angel s’exclame de nouveau :

« Mais je n’arrête pas de le dire, de dire que ma maman me manque. »

55Non seulement les enfants expriment leurs demandes, mais expriment également leur impression de ne pas être entendu·es.

56Quelles que soient leurs formes, leurs intensités, ces modalités d’expression provoquent systématiquement une modification de l’interaction en cours. Elles peuvent être l’occasion pour les enfants d’impulser un changement de sujet ou parfois, d’en éviter un. Il faut parfois plusieurs minutes aux professionnelles pour « décoder » ces expressions et si les praticiennes tentent parfois de garder la maîtrise du contenu de l’échange, les enfants continuent généralement de se taire, de bouger, d’exprimer des émotions comme le montre l’extrait issu de nos notes de terrain.

Notes de terrain

Laura vient à l’instant de quitter ses parents et sa peine est intense aujourd’hui, plus que d’habitude. Elle pleure et, alors que je l’ai souvent vue avec un visage enjoué et qu’elle est habituellement volubile, aujourd’hui nous n’entendons pas sa voix, ni ne voyons son sourire. Au début de l’échange, Alice repère que Laura est très émue. Elle se met de nouveau à pleurer en entrant dans son bureau. L’échange se déroule dans le bureau de la psychologue, bureau qu’elle partage avec sa collègue et qui dispose d’un petit espace pour trois fauteuils. L’objectif de ce temps est d’expliquer à Laura l’intervention d’Alice auprès de sa famille. Impossible de savoir si son émotion est due à la séparation qui vient d’avoir lieu ou au retour sur le foyer qui se fera avec un accompagnateur. Alice et Isabelle lui laissent quelques minutes pour s’apaiser et le début de l’échange porte sur l’école. Alice demande si Laura avait envie d’y aller. Laura répond juste par « non ». Alice lui demande pourquoi elle n’y allait pas. Laura ne répond pas. Alice décide alors de parler de sa rencontre avec ses parents.

« Alice : Des fois il y a des enfants qui ont peur de ce qu’il peut se passer à la maison quand ils ne sont pas là, ça a pu t’arriver ?
Laura : Hum… [Silence]
Alice : Des fois sans le dire, les parents ont pas très envie de se séparer de leurs enfants pour les garder avec eux ?
Laura : Non…
Alice : Toi c’était pas ça, mais des fois ce sont les enfants qui n’ont pas envie de se séparer des parents ?
Laura : …[Silence]
Alice : C’est pour ça que Mme T et Mme L [référentes] ont pensé que ce serait bien de faire des réunions tous ensemble pour essayer de comprendre pourquoi c’est difficile de se séparer pour aller au travail, à l’école… Pour bien grandir il faut pouvoir se séparer de ses parents.
Laura : … [Silence]
Isabelle : Qu’est-ce que tu en penses ?
Laura : …(Silence)
Isabelle : C’est difficile de se séparer de Emma, de ta sœur, de…
Laura fait des signes de tête pour ses parents, pour sa sœur aînée, mais pas pour Emma.
Alice : Peut-être que quand vous arriverez à vous séparer sans trop souffrir peut-être que vous pourrez revivre ensemble, c’est un peu bizarre ce que je te dis, non ?
Laura :… [silence de Laura qui pleure toujours] »

57Dans ce passage, Laura ne souhaite pas prendre part à cet échange qui ne semble pas se dérouler au bon moment et ne pas porter sur un sujet qu’elle souhaite aborder. Le silence est une forme d’expression utilisée fréquemment pas les enfants lors des entretiens et ils sont apparus plus fréquents lorsque les discussions portent sur l’histoire familiale, les motifs de placement et les décisions auxquelles ils s’opposent. Il est possible de repérer ces moments de silence dans de nombreuses interactions entre des enfants et les adultes qui les entourent, qu’ils soient juges, travailleur·ses sociaux·ales, psychologues, cadres.

58La participation est souvent associée à la formulation verbale d’un point de vue, d’un avis. Pourtant les observations réalisées foisonnent de silences qui peuvent être interprétés comme une forme d’expression d’un point de vue. Le silence peut autant signifier leur impossibilité, leur refus de prendre part à l’échange, que le contraire. Se taire devient une forme d’expression. Lorsqu’elle choisit de ne pas répondre aux questions posées par les professionnelles, Laura s’exprime-t-elle sur son refus d’aborder ce sujet ? Sur son refus de s’exprimer verbalement dans cet endroit, à cet instant, face à cette personne ? Sur son impossibilité de contredire ou de valider les hypothèses qui lui sont proposées ? De la même manière, lorsque Emma se met à pleurer au moment où les professionnelles tentent d’aborder l’audience qui s’est tenue quelques jours plus tôt, exprime-t-elle son refus d’en parler, sa peur de s’exprimer, sa tristesse quant à la décision prise ? Exprime-t-elle le fait que le sujet, évoqué au moment où elle prend son repas, a tendance à lui « couper l’appétit » ? Quoi qu’il en soit, son action aura pour effet de mettre fin à la discussion. Si la participation se limite aux mots prononcés par les enfants, les différents acteurs prennent le risque de passer à côté des autres formes d’action, de résistances des enfants (Morrisson et al., 2019).

Conclusion

59Observer ce qu’il se passe au cours des échanges entre les enfants et les référent·es permet d’obtenir des éléments pertinents pour comprendre ce qui, au cours de ces rencontres, peut constituer des leviers ou obstacles à la participation des enfants. Pour qu’un processus de participation s’amorce et se maintienne dans le temps et tout au long des processus décisionnels, la présence des professionnel·les auprès de l’enfant apparaît comme un préalable incontestable. Au cours de la recherche, un seul enfant n’a bénéficié d’aucune rencontre avec une professionnelle pendant la période des 18 mois. Pourtant, les enfants rencontré·es dans cette recherche sont nombreux·ses à considérer ne pas avoir pris part aux décisions prises au cours de l’intervention. Deux enfants retracent, au cours de l’entretien de recherche, une expérience de participation significative.

60Ce contexte est lui-même largement conditionné par des éléments organisationnels, allant de la charge de travail élevée, du roulement du personnel, de la quantité des tâches bureaucratiques ou de la manière dont les lieux d’exercice ont été pensés. Pour Harry Ferguson, la sécurité des enfants dépend de la capacité des travailleur·ses sociaux·ales à faire bouger leur corps pour rester près de l’enfant (Ferguson, 2016). Pourtant, ces mouvements sont souvent limités par des exigences bureaucratiques et des diktats organisationnels. La plupart des enfants ont considéré que les rencontres avec leurs référentes étaient importantes. Pourtant, celles-ci ne se déroulent pas, selon eux, dans des lieux propices à des échanges de qualité, leur fréquence n’est pas toujours adaptée à leurs besoins ou leur envie (trop ou trop peu), le « coût » (en temps, en déplacement) peut sembler trop important et les sujets évoqués sont souvent trop « sérieux » et « désagréables ». L’analyse des contextes de rencontre éclaire deux des quatre dimensions du modèle de participation de Laura Lundy (2007). Les rencontres se déroulent dans des espaces peu accueillants et peu adaptés aux enfants. Par ailleurs, ce sont majoritairement les professionnel·les qui sont à l’initiative de ces rencontres et les enfants ne disposent que de rares occasions d’agir sur les contextes de ces rencontres. Choisir le lieu, le moment, les personnes présentes, les sujets et les supports de discussion sont autant de moyens évoqués par les enfants afin de faciliter les discussions avec les professionnel·les.

61S’agissant du contenu, les échanges visent principalement à recueillir des informations (sur l’histoire familiale, le quotidien), à transmettre des informations, ou à aider l’enfant à élaborer un discours autour de son histoire familiale et de son parcours de protection. Les échanges qui visent à impliquer l’enfant dans la construction des modalités d’intervention et des processus décisionnels apparaissent moins fréquents. Certes, le point de vue de l’enfant est recueilli à plusieurs reprises, mais l’utilisation qui en est faite, dans d’autres instances et à d’autres moments de l’intervention, n’est que très rarement énoncée ou discutée avec l’enfant, en amont ou en aval des espaces dans lesquels il est absent (réunions, synthèses). Ceci n’est pas sans conséquences sur les expériences de participation significative des enfants. Dès le début de l’intervention, les enfants font rapidement l’expérience du fait que les éléments évoqués au cours des entretiens peuvent ensuite être utilisés dans d’autres espaces, à d’autres moments de l’intervention. Le plus souvent, les enfants n’ont pas été informé·es de cette transmission, ni de ses effets sur les décisions en cours. Leurs avis, leurs demandes, leurs refus ont-ils été partagés ? Par qui et auprès de qui ? Comment et à quelles occasions ? Leurs prises de parole ont-elles eu un impact sur la décision ? Lequel ? Quelle décision a été prise et par qui, selon quels critères ? Tous ces éléments sont largement absents des rencontres observées. Au cours de l’audience, Sami découvre la proposition formulée au juge, et réagit vivement à la durée de placement proposée ainsi qu’aux modalités de visites médiatisées proposées. Certes, la professionnelle informe Sami, au cours d’un entretien, de la demande de renouvellement, mais elle ne précisera pas les détails de cette demande : la durée du placement, le rythme des rencontres avec sa famille. Laura considère, quant à elle, qu’elle n’a participé à aucune décision. Pourtant, c’est à partir de ses demandes explicites ou des observations des professionnel·les que ces dernièr·ères interpellent la juge des enfants pour solliciter une augmentation des droits de visite. Dans cette situation, Laura a exprimé son avis, celui-ci a été entendu, mais la jeune fille a ensuite été exclue du reste du processus décisionnel. Le fait d’entendre la demande puis de la relayer ne constitue pas les seules conditions d’une participation significative. Sans y avoir été préparée, Angel quant à elle découvre le jour de sa première audience que tout ce qu’elle a pu dire à sa référente au cours des entretiens peut être transmis à la juge, par écrit et oralement. Au cours de l’audience, Angel montre des signes d’agitation, de peur et de panique. Elle regarde son père, sa mère, sa référente, elle lève la main plusieurs fois pour dire, devant ses deux parents et en réaction aux propos tenus par la professionnelle : « Non je n’ai pas vraiment dit ça, j’ai dit que… », « J’ai pas dit qu’il était plus gentil, j’ai dit qu’il était très gentil ». Les réactions rappellent l’une des conditions énoncées par Helen Bouma et ses co-auteurs (2018) : l’implication des enfants à l’ensemble des étapes du processus décisionnel.

62Au-delà des compétences professionnelles, il importe d’interroger les dimensions institutionnelles et organisationnelles, lesquelles peuvent constituer des obstacles à la participation des enfants. Les relations significatives nécessitent de l’écoute, de la fiabilité, de la réactivité et de la confiance, ce qui constitue plusieurs des dimensions évoquées dans les travaux recensés par Karem Toros à propos de la participation des enfants (2021a, 2021b). Il est vital pour les organisations et les responsables de créer les conditions permettant aux praticiens d’être fiables, en veillant à ce qu’ils disposent du temps, du soutien émotionnel et de l’espace nécessaires pour réfléchir de manière claire et critique à leur travail (Beddoe et al., 2022).

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Notes

1 Recommandation CM/Rec(2012)2 du Comité des ministres aux États membres sur la participation des enfants et des jeunes de moins de 18 ans.

2 La fonction de référent n’est pas clairement définie dans les textes légaux. L’étude des documents institutionnels, comprenant notamment les fiches de poste de plusieurs départements, permet de comprendre que le référent est chargé de coordonner, en lien avec une équipe pluridisciplinaire et ses partenaires, toute action relative à la vie de l’enfant en prenant en compte ses besoins, son intérêt, ses souhaits et d’y apporter des réponses adaptées.

3 À partir de ce passage, le féminin est privilégié pour parler des référentes impliquées dans la recherche car les sept personnes impliquées se définissent en utilisant ce genre.

4 Ces données ont été obtenues à partir de l’observation des rencontres qui nous a permis de comptabiliser les intervenant·es présentes physiquement ou celles et ceux nommés par les enfants au cours des échanges avec les professionnelles ou au cours de l’entretien de recherche.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Élodie Faisca, « Les entretiens enfant / professionnel·le : un espace pour une participation significative en protection de l’enfance ? »Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], 31 | Automne 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sejed/12829

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Auteur

Élodie Faisca

Docteure en sciences de l’éducation et ingénieure de recherche au sein de l’équipe Éducation familiale et interventions sociales auprès des familles du centre de recherche éducation et formation de l’université Paris Nanterre. Ses recherches portent sur les expériences de protection et de participation des enfants.

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