Navigation – Plan du site

AccueilNuméros31Notes de lectureLaurent Solini, Jennifer Yeghiche...

Notes de lecture

Laurent Solini, Jennifer Yeghicheyan et Christine Menesson (dir.), Les déplacés. Portraits de parcours de jeunes sous main de justice

Nîmes, Champ social, coll. « Questions de société », 2022, 288 p.
Hélène Chéronnet
Référence(s) :

Laurent Solini, Jennifer Yeghicheyan et Christine Menesson (dir.), Les déplacés. Portraits de parcours de jeunes sous main de justice, Nîmes, Champ social, coll. « Questions de société », 2022, 288 p.

Texte intégral

1Laurent Solini, Jennifer Yeghicheyan et Christine Menesson dirigent un ouvrage collectif intitulé Les déplacés. Portraits de parcours de jeunes sous main de justice, basé sur les résultats d’une recherche exploratoire menée entre 2018 et 2020, financée par la Mission de recherche Droit et Justice, les directions de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire.

  • 1 Bernard Lahire, Portraits sociologiques, Dispositions et variations individuelles, Paris, Armand Co (...)

2Les auteur·rices inscrivent ici leurs travaux dans la filiation de ceux de Bernard Lahire1 notamment dans le rapprochement qu’il opère entre le concept de configuration et la sociologie de la socialisation (p. 21). Ils s’intéressent à la question du déplacement de jeunes sous main de justice et aux modalités selon lesquelles la discontinuité dans les parcours modèle des socialisations déjà plurielles. Il s’agit de décrire comment les passages d’institution en institution les morcellent et façonnent chez ces jeunes un rapport particulier à soi et aux institutions, allant jusqu’à engendrer chez ces derniers une forme d’« hyper-institutionnalisation » (p. 13). Les premières prises de contact avec Lola, Lucas, Rémi et Jason se déroulent dans un établissement pénitentiaire pour mineurs. Les chercheur·es participent aux activités scolaires, culturelles et sportives, aux ateliers cuisine et bâtiment ainsi qu’à des temps plus informels. L’enquête se poursuit extra-muros notamment par la rencontre avec les différent·es professionnel·les qui émaillent le parcours de ces jeunes (magistrat·es, avocat·es, professionnel·les des structures dans lesquelles ceux-ci ont été placés, professionnel·les des différents établissements à venir…) mais également avec leurs proches.

  • 2 Émilie Potin, Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l’enfance, Toulouse, É (...)
  • 3 Nicolas Sallée, Éduquer sous contrainte. Une sociologie de la justice des mineurs, Paris, EFESS, 20 (...)

3Les auteur·rices précisent le caractère original de leur approche et font brièvement référence aux travaux d’Émilie Potin. Dès 2009, la chercheuse observe les effets des déplacements sur le parcours des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance dans le cadre de sa thèse de doctorat. Elle montre comment la configuration du parcours institutionnel s’organise autour d’un système de règles formelles et informelles, institutionnelles et quotidiennes, légales et pratiques, collectivement partagés (ou non) et propres à certain·es acteur·rices. Outre la façon dont l’enfant qualifie ou non son parcours, la perception institutionnelle du danger, les impératifs de protection conduisent à reconfigurer les parcours amenant les enfants placés à être parfois déplacés et replacés2. Les auteur·rices, en référence aux travaux de Nicolas Sallée3, mettent en perspective les déplacements des jeunes avec les orientations d’une politique de justice pénale des mineurs qui place l’enfermement comme l’une des extrémités d’un continuum punitif, les auteurs considérant, pour leur part, que « faire de l’enfermement “le nouveau cœur” de la stratégie éducative n’est pas sans conséquence » (p. 18).

  • 4 « À la place de ces représentations traditionnelles [d’une société située hors du moi de l’individu (...)
  • 5 Bernard Lahire, Tableaux de familles. Heurs et malheurs en milieux populaires, Paris, Seuil/ Gallim (...)
  • 6 Nathalie Heinich, La sociologie de Norbert Elias, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2010 [1997], (...)
  • 7 Glen H. Elder, Life course Dynamics: Trajectories and Transition, 1968-1980, Cornell University Pre (...)

4L’introduction rend compte de la démarche tant sur la construction de l’objet et de sa difficile appréhension que sur l’entreprise délicate que représente l’écriture de portraits de parcours. Elle précise également les fondements théoriques et méthodologiques de cette recherche : les auteurs se donnent pour projet, à travers quatre portraits de parcours de jeunes incarcérés en établissement pénitentiaire pour mineurs, d’élaborer une sociologie des « configurations judiciaires ». Autrement dit, l’objectif énoncé consiste à penser conjointement « les déplacements qui peuvent être interprétés comme autant d’étapes dans les carrières judiciaires et les effets de ces socialisations successives sur les dispositions des jeunes enquêtés » (p. 20-21). Sans pour autant être développée, la référence à la sociologie de Norbert Elias et à la notion de configuration4 est explicite. Laurent Solini et Christine Mennesson expliquent qu’il s’agit d’approcher les socialisations en reconstruisant les configurations dans lesquelles s’inscrivent les enquêtés. Par exemple, des résultats et des comportements scolaires singuliers ne s’expliqueraient que si l’on tient compte d’une situation d’ensemble5 (p. 22). Ce serait donc bien de la socialisation dont il est question, dans la mesure où la configuration peut être envisagée comme une situation sous la contrainte du temps et de l’espace, produisant des effets sur toutes celles et tous ceux qui y sont impliqué·es. En sachant que ces effets contribuent également, par leurs actions, à modifier cette situation6. Ainsi, l’introduction précise : « Considérer les prises en charge judiciaires comme des processus de socialisation, susceptibles d’ “imprimer”, par intériorisation et incorporation de normes et de valeurs, des changements sur les jeunes déplacés, constitue un premier préalable » (p. 20). Ces socialisations sont étudiées en prenant en compte la question de la temporalité et les liens d’interdépendance : « les passages inter- et intra-institution renouvellent en permanence les configurations, les relations d’interdépendance, les autrui potentiellement significatifs dans des temps potentiellement courts » (p. 25). En cela, on pourrait penser que l’ouvrage s’inscrit dans le corpus de travaux mobilisant le paradigme du life course theory7.

  • 8 Nom du lieu rendu anonyme.

5Sur le plan méthodologique, les données ont été recueillies entre octobre 2018 et novembre 2019. L’approche ethnographique est présentée comme le point fort de cette recherche. Laurent Solini et Jennifer Yeghicheyan ont été présent·es quatre jours par semaine à l’EPM de Rouchant8, les autres membres de l’équipe les ayant rejoint·es plus ponctuellement. Les jeunes enquêté·es se situent au centre de la méthodologie d’enquête : « Les chercheurs n’ont pas explicitement choisi Rémi, Lola, Lucas et Jason. Il s’agit plutôt d’une acceptation réciproque, parfois houleuse, à d’autres moments riche et agréable, le temps d’une enquête. Les chercheurs partagent alors leur quotidien durant les activités ou lors de temps plus informels, dans la limite de ce que permet l’institution » (p. 27). Progressivement, à partir des relations créées avec les jeunes, les chercheur·es ont eu accès à l’entourage institutionnel proche puis à des cercles de plus en plus larges, incluant les déplacements antérieurs ainsi que les configurations traversées intra- et extra-muros (p. 24-25). Ainsi les récits de parcours ont été croisés avec les effets des socialisations fractionnées sur les dispositions de ces jeunes et avec les changements institutionnels à l’œuvre.

6Enfin, les auteur·rices mentionnent la difficulté d’écrire les socialisations dans la mesure où le risque est grand de surestimer les effets socialisateurs des institutions de justice et d’accorder ainsi une trop grande importance aux effets des structures sociales sur les dispositions des jeunes « déplacés » : « […] leur rapport à la justice (des quatre jeunes concernés) est toujours le produit d’un ajustement réciproque fait d’accords, de résistances, le plus souvent de compromissions entre leurs structures mentales et les structures objectives portées par les institutions judiciaires et les personnels (avec leurs variations individuelles) qui les font exister » (p. 22). Ils indiquent également le risque de « réduction biographique », à savoir le fait d’interpréter une somme d’événements comme une défaillance personnelle et comme l’échec de ces jeunes enquêté·es à gérer leur subjectivité pour trouver une place sociale ; les institutions et les dispositifs étant alors déchargé·es de leur responsabilité.

7Le cœur de l’ouvrage s’organise autour des portraits de parcours de quatre jeunes, du plus au moins déplacé·e. L’ambition des auteur·rices est de « faire “descendre” le lecteur au niveau de la construction du rapport à la justice de Lola, Lucas, Rémi et Jason en montrant l’effet de leurs déplacements sur l’évolution de cette relation » (p. 32). Les auteur·rices rendent diversement compte des déplacements et de leurs incidences sur les parcours. Écrits suivant la sensibilité théorique de chacun·e, les portraits s’avèrent « unique[s] selon le mouvement [que l’auteur·rice] donne aux processus d’incorporation des dispositions » (p. 32). Ainsi, l’analyse rétrospective d’une socialisation délinquante met en perspective l’intériorisation chez Rémi d’une disposition à rester serein. Cette dernière s’actualise dans l’art et la manière « d’être correct » qui dissimule une insubordination discrète (p. 152). Rémi connaît les règles du jeu, s’adapte et les professionnel·les ont tendance à l’oublier. Le parcours de Lola, lui, est présenté de manière plus chronologique. Nous suivons les déplacements incessants d’établissements en familles d’accueil et les ruptures fréquentes. Les différentes configurations de socialisation (foyer, assistantes maternelles mais également expérience de la rue, prostitution) amènent la jeune fille à être exposée à des socialisations concurrentes, à commettre des actes de violence. Ces comportements, fruits d’ajustements, d’adaptation, de résistance aux structures objectives de la prise en charge judiciaire, suscitent des réactions institutionnelles qui vont renforcer l’étiquetage de Lola en tant que déviante et contribuer à forger la rupture en mode de vie (p. 58-59).

8La conclusion tente une montée en généralité à partir de l’observation de prises en charge judiciaires parfois heurtées, dé-rythmées, syncopées, par des déplacements-sanctions et le changement de références éducatives (p. 261). Pour les auteur·rices, les parcours de Lola, Lucas, Rémi et Jason ne sont pas représentatifs des jeunes sous main de justice mais permettent de penser un dispositif par ses marges (p. 262). Les déplacements, dans les cas les plus extrêmes, deviendraient une ressource disciplinaire concomitante de l’enfermement (p. 265). Ainsi, Laurent Solini et ses coauteur·rices, souscrivant aux travaux de Nicolas Sallée, qui considère la reconfiguration du dispositif de prise en charge dans un cadre pénal dont l’extrémité maximale devient la détention, pensent les déplacements judiciaires comme l’instrument de contrôle d’une jeunesse dangereuse qu’il faudrait contenir. L’observation ethnographique montre que pour certains jeunes (Lola, Lucas, Rémi), c’est généralement à l’issue d’un ou plusieurs écarts de conduite que les déplacements surviennent. De surcroît, le parcours de Lola met en évidence une logique de tri sélectif des jeunes en fonction de la catégorisation dont ils font l’objet (p. 65) : « En fait, le parcours antérieur de Lola, comme les catégorisations institutionnelles dont elle fait l’objet, participent d’un processus de stigmatisation qui la place dans une situation défavorable pour l’obtention des “meilleurs placements” ou tout du moins des “moins pires” » (p. 66).

  • 9 Claude Dubar et Sandrine Nicourd, Les biographies en sociologie, Paris, La Découverte, coll. « Repè (...)
  • 10 Peter Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Armand Colin, 1997 [ (...)

9Le parcours de Jason est présenté comme celui qui comporte le moins de déplacements. La reconstitution des formes réticulées de socialisation permet à l’auteur de mettre en perspective les modalités de la socialisation familiale qui contrôle et fixe « précocement et fermement les façons de penser, de sentir et d’agir du jeune homme » et limite l’accès à la diversité des mondes sociaux (p. 202). Ces dispositions sont renforcées par l’intériorisation d’une habitude de la confrontation acquise dans le cadre d’une pratique, depuis son plus jeune âge, du rugby à XIII et qui a façonné son rapport au monde. Ces habitudes incorporées s’incarnent dans une inflexible capacité de résistance à l’emprise institutionnelle ; laquelle structure l’ensemble de ses relations dans les différentes sphères de la vie sociale et lui permet d’échapper à ces jeux de placements-replacements (p. 201). Le parcours de Jason est présenté comme le produit d’une socialisation mono-configurationnelle qui lui permet « de produire et de faire perdurer un rapport au monde unifié et borné, empêchant des variations de pratiques susceptibles d’ouvrir des brèches dans le cadre imposé originellement par sa famille » (p. 203). Ainsi, ce parcours est analysé comme le contrepoint de celui de jeunes soumis à un « millefeuille de socialisation », qui les confronte à ce que Sandrine Nicourd et Claude Dubard nomment « un choc biographique9 » engendrant une concurrence des socialisations et pouvant impliquer « différents mondes plutôt que différentes versions d’un même monde » (Berger, Luckmann, 2006, p. 279)10.

  • 11 « C’est-à-dire les imbrications entre les différentes sphères de la vie sociale dans laquelle l’ind (...)

10Outre l’instrument disciplinaire qu’elle représente, la mobilité institutionnelle provoque la rupture de la référence éducative et a des effets sur les relations d’interdépendance11. On pense ici au parcours de Lucas, incarcéré pour la troisième fois à l’EPM deux mois après sa sortie, alors qu’il est en fugue d’un lieu thérapeutique. Il expérimente de manière précoce des refus de prise en charge (nounou, scolarité…) : « Il rencontre ainsi, très tôt et conjointement des formes de ruptures de liens sociaux et de premières catégorisations négatives : “problèmes de comportement”, “enfant difficile” qui sont déterminantes pour la suite de son parcours » (p. 107) Le processus de relégation sature toutes les expériences sociales tant dans ses rapports aux autres que dans ses relations avec les institutions et favorise chez Lucas l’intériorisation de dispositions relatives aux discontinuités et à l’instabilité : les discontinuités des prises en charge institutionnelles façonnent « un millefeuille de socialisations » et Lucas, relevant parfois d’un accompagnement simultané par plusieurs dispositifs, passe et repasse dans les institutions, rencontre des autrui significatifs qui peuvent s’opposer, et se perd dans un parcours qui s’apparente à un labyrinthe. Il se construit en cherchant les limites et ses comportements menacent l’ordre établi. En réaction, les pratiques de jugements institutionnels contribuent à disqualifier le jeune homme qui développe progressivement une disposition à s’autoexclure. Ainsi, cette configuration de socialisation à la rupture et à la violence, particulièrement précoce dans le cadre d’une prise en charge institutionnelle, n’a pas produit les effets escomptés. Pour les auteur·rices, elle a contribué à altérer le rapport de Lucas aux autres, au temps et à lui-même. Il est à la fois question de la grande diversité des lieux de socialisation et de l’importante congruence de leurs effets socialisateurs qui concourt à renforcer des dispositions relatives à la propension de Lucas à menacer l’ordre institutionnel et à se mettre en péril (p. 96).

  • 12 Bernard Lahire, Portraits sociologiques, Dispositions et variations individuelles, 2002, op. cit.

11In fine, l’observation ethnographique permet aux auteur·rices de situer et d’analyser ces parcours comme une articulation entre des processus de disqualifications sociales vécus, et sans doute renforcés par la prise en charge elle-même, et des configurations de socialisation heurtées qui ne sont liées entre elles que par leurs fractures (cassure du temps, de l’espace et de la référence), (p. 262). Ce qui se joue au cœur des configurations de placements judiciaires est analysé comme participant à la formation de dispositions individuelles dans la spécificité des contextes d’action et d’interactions12.

12Les situations, qui amènent à la rupture et aux déplacements, se répètent et finissent par « aller de soi ». Elles sont, selon les auteur·rices, au cœur des configurations judiciaires jusqu’à devenir « les structures intériorisées puis mobilisées comme des choses à faire et des choses à être » (p. 267) ; autrement dit, pour reprendre l’épistémologie de Bernard Lahire, comme des dispositions formées par des contextes d’action dont les différentes fractures agissent comme un principe socialisateur.

  • 13 La démarche développée les auteur·rices, et inspirée des travaux de Bernard Lahire, substitue la no (...)

13En conclusion, si la thèse des déplacements judiciaires en tant qu’instrument de contrôle d’une jeunesse dangereuse qu’il faudrait contenir vient nourrir la réflexion sur les modalités de contrôle social de la déviance, elle n’en reste pas moins ambitieuse, peut-être même un peu trop. Les auteur·rices mentionnent dès l’introduction le caractère en tout point exploratoire de la recherche sur laquelle s’appuie l’ouvrage, provenant lui-même d’un rapport de recherche (p. 14), mais ils et elles nourrissent toutefois le projet d’analyser « par le bas » des politiques judiciaires destinées aux mineur·es. La construction de l’ouvrage ne sert pas tout à fait ce projet. Certes, la notion de portrait de parcours fait écho à celle de « portraits sociologiques », développée par Bernard Lahire, dans la perspective d’une sociologie des dispositions et des contextes d’action. Cependant, il nous semble que les auteur·rices auraient pu davantage expliciter en quoi cette épistémologie permet d’analyser les déplacements comme la résultante de contextes d’action et d’interactions et contribue de ce fait à un processus de socialisation de ces jeunes. Ce, d’autant plus que chaque portrait de parcours est écrit selon la sensibilité théorique des différent·es auteur·rices et, nous le citions supra, « est unique selon le mouvement qu’il donne aux processus d’incorporation des dispositions » (p. 32). On peine alors à identifier les articulations entre le cadre théorique et l’approche ethnographique. Cette dernière est présentée comme un point fort de la recherche mais là encore, dans chacun des quatre portraits de parcours, il n’est pas toujours facile d’identifier comment l’on passe des paroles d’acteurs aux interprétations, comment l’on assigne un·e jeune à des catégories dispositionnelles13.

  • 14 Glen H. Elder, Life course Dynamics: Trajectories and Transition, 1985, op. cit.

14Enfin, si l’on comprend bien l’inscription théorique du concept de portrait, y accoler celui de parcours engendre à notre sens de l’ambiguïté. En effet, tant les configurations que les dynamiques temporelles et les logiques d’interdépendance représentent aussi les piliers d’une approche processuelle dans le cadre de la sociologie des parcours de vie développée par Glen H. Elder14. Pour soutenir la thèse des auteur·rices, peut-être n’aurait-il pas été inutile d’expliciter davantage le cadre théorique pour permettre au lecteur de comprendre en quoi : il se distingue d’une approche par la sociologie des parcours de vie ; il permet d’analyser les effets des déplacements-replacements sur l’intériorisation des dispositions des jeunes sous main de justice jusqu’à constituer un principe socialisateur malgré la diversité des contextes ; et il donne des clés pour passer du spécifique au général et pour contribuer à une sociologie des configurations judiciaires.

Haut de page

Notes

1 Bernard Lahire, Portraits sociologiques, Dispositions et variations individuelles, Paris, Armand Colin, « Essais & Recherches », 2002.

2 Émilie Potin, Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l’enfance, Toulouse, Érès, 2012.

3 Nicolas Sallée, Éduquer sous contrainte. Une sociologie de la justice des mineurs, Paris, EFESS, 2016.

4 « À la place de ces représentations traditionnelles [d’une société située hors du moi de l’individu], apparaît ainsi l’image de nombreux individus, qui, de par leur dépendance réciproque, sont liés entre eux de multiples façons, forment ainsi des associations interdépendantes ou des configurations dans lesquelles l’équilibre des forces est plus ou moins instable (par exemple les familles, les écoles, les villes, les couches sociales ou les États). Chacun de ces hommes constitue, si on veut l’objectiver, un “Ego” ou un “Moi” et nous sommes l’un d’entre eux. » Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, La Tour-d’Aigues, éditions de l’Aube, 1991 [1970 – trad. française 1981].

5 Bernard Lahire, Tableaux de familles. Heurs et malheurs en milieux populaires, Paris, Seuil/ Gallimard, coll. Essais, 2012 [1995].

6 Nathalie Heinich, La sociologie de Norbert Elias, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2010 [1997], p. 91.

7 Glen H. Elder, Life course Dynamics: Trajectories and Transition, 1968-1980, Cornell University Press, 1985.

8 Nom du lieu rendu anonyme.

9 Claude Dubar et Sandrine Nicourd, Les biographies en sociologie, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2017.

10 Peter Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Armand Colin, 1997 [1966 – trad. française 1986].

11 « C’est-à-dire les imbrications entre les différentes sphères de la vie sociale dans laquelle l’individu est impliqué. Les relations d’interdépendance, au niveau méso-social, permettent d’observer sa capacité d’agir en considérant les contextes locaux dans lesquels il est inséré et les ressources mobilisables dans chacun des domaines de la vie sociale. Ces contextes sociaux recèlent des dynamiques relationnelles qui révèlent à la fois comment l’individu agit sous influence mais également comment ces dynamiques représentent les conditions de son action à venir. » Emmanuelle Santelli, « L’analyse des parcours. Saisir la multidimensionnalité du social pour penser l’action sociale », Sociologie, n° 2, vol. 10, 2019, p. 153-171.

12 Bernard Lahire, Portraits sociologiques, Dispositions et variations individuelles, 2002, op. cit.

13 La démarche développée les auteur·rices, et inspirée des travaux de Bernard Lahire, substitue la notion de contexte à celle de champ et se démarque d’une approche qui considère que le champ structure, de manière homogène, des manières de penser et d’agir pour constituer un habitus. Il est au contraire question d’aborder la pluralité des dispositions individuelles, en réduisant l’échelle d’analyse – ici c’est considérer que les jeunes sont au cœur de l’analyse. La notion de disposition ne fait pas l’objet de définition précise ni de critères rigoureux de repérage. On comprend, au fil de la lecture, qu’il s’agit des manières plus ou moins durables, des propensions, inclinations, penchants, habitudes, tendances, à voir, sentir, agir, penser, parler. Ainsi s’explique en partie cette difficulté d’identifier, au fil de l’ouvrage, « comment l’on passe des paroles d’acteurs aux interprétations, comment l’on assigne un·e jeune à des catégories dispositionnelles ». Cette difficulté est renforcée par la diversité des sensibilités théoriques des auteur·rices qui se traduit par une hétérogénéité des méthodologies et par le mouvement que chaque auteur·rice donne au processus d’incorporation des dispositions.

14 Glen H. Elder, Life course Dynamics: Trajectories and Transition, 1985, op. cit.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Hélène Chéronnet, « Laurent Solini, Jennifer Yeghicheyan et Christine Menesson (dir.), Les déplacés. Portraits de parcours de jeunes sous main de justice »Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], 31 | Automne 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sejed/12749

Haut de page

Auteur

Hélène Chéronnet

Hélène Chéronnet est chercheure en sociologie, HDR, à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse et membre du Clersé. Elle est responsable d’un projet de recherche intitulé « “Carrières” déviantes et parcours de jeunes à l’épreuve du code de justice pénale des mineurs ». Elle a dirigé en tant que première autrice, avec Aurélie Fillod-Chabaud, Astrid Hirschelmann et Thomas Léonard, l’ouvrage collectif Jeunesses en situation de délinquance, parcours, désistance (PUR, 2024). Elle a organisé en mai 2024 une journée d’étude consacrée aux parcours de vie et aux dynamiques sociales : « Jeunes vulnérables : déviance et parcours de vie ».

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search