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L’évaluation des mineurs délinquants : une entreprise peu axée sur la limitation de la récidive

The assessment of juvenile offenders: a process little focused on limiting recidivism
La evaluación de los delincuentes juveniles: una tarea poco centrada en evitar la reincidencia
Jessica Filippi

Résumés

L’évaluation a été au cœur des échanges de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive en 2013. Le rapport issu de ces échanges préconisait que « pour être efficace [l’évaluation] devrait s’appuyer sur de nouvelles méthodes de travail qui supposeront un changement dans les pratiques professionnelles » (Conférence de consensus, 2013, p. 35). Deux modèles d’intervention en criminologie, l’un appelé Risque-Besoins-Réceptivité (RBR) et l’autre Good Lives Model (GLM), intègrent à la fois une démarche d’évaluation et des modalités de prise en charge. L’application de ces modèles auprès des personnes ayant commis une infraction présente des résultats intéressants dans la limitation de la récidive. Dernièrement, les textes réglementaires de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et le Code de justice pénale des mineurs (CJPM) avancent que l’intervention éducative doit tendre vers une limitation de la récidive. Cette recherche vise dans un premier temps à comprendre les pratiques évaluatives des éducateurs dans le cadre du recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) et dans un deuxième temps, à analyser dans cette pratique ce qui est le plus ou le moins mobilisé dans les principes des modèles d’intervention en criminologie. Pour ce faire, l’étude envisage de croiser des données quantitatives (250 dossiers de RRSE) avec des données qualitatives (témoignages d’éducateurs sur leurs pratiques (n = 11). Les résultats indiquent, d’une part, que l’activité évaluative n’est pas une activité linéaire en ce qu’elle résulte d’échanges et de jeux de pouvoir entre les différents acteurs de l’évaluation (auteurs de l’infraction, famille, éducateurs, magistrats…), et, d’autre part, que l’analyse des pratiques d’évaluation au regard du RBR et du GLM confirme une mobilisation partielle de ces deux modèles. La question de la transposition complète de ces modèles reste entière.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 La mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE), une des modalités de l’évaluation, est tout (...)
  • 2 Infraction, stade de la procédure judiciaire, proposition éducative, nom et prénom du mineur, âge e (...)

1La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales donne à la prévention de la récidive une place importante dans la prise en charge de la délinquance. Une loi qui ambitionne la mise en œuvre de mesures, de sanctions et de peines adaptées et justes selon les principes d’individualisation. Une dimension réaffirmée en juin 2016 dans le cadre de l’évaluation des situations des mineurs en conflit avec la loi dont l’une des finalités est de « prévenir la réitération d’actes délictueux » (Avenir, 2016, p. 12). Parmi les modalités de l’évaluation1 dans le champ de l’action éducative de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) existe le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE). Nommé « enquête rapide », le RRSE propose une « photographie » de la situation familiale, scolaire et sociale du mineur au démarrage de la procédure pénale. Son fondement juridique à l’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945 annonce que le service de la PJJ « établit, à la demande du procureur de la République, du juge des enfants ou de la juridiction d’instruction, un rapport écrit contenant tous les renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative ». Réalisé dans un cadre contraint et des délais restreints, le rapport est le fruit d’une démarche de recueil d’informations2 aux fins de formuler une proposition éducative et d’éclairer le magistrat dans sa prise de décision.

2Plus récemment, deux circulaires du 13 décembre 2016 (Circulaire du 13 décembre 2016, 2016a, 2016b) resituent la nécessité de l’évaluation dans le cadre du RRSE. La circulaire du 13 décembre 2016 de politique pénale et éducative relative à la justice des mineurs défend la cohérence de la spécialisation des éducateurs et leur capacité à adapter les réponses éducatives à la situation de chaque mineur. À cette fin, la circulaire décline ses orientations, dont celles de l’individualisation de la réponse et de l’effectivité de l’exécution des peines (Circulaire 2016a, p. 5). À la lecture du Code de la justice pénale des mineurs (CJMP), la limitation de la récidive devient le centre de l’intervention éducative, l’article L.11-12 avance que « toute décision prise à l’égard d’un mineur en application des dispositions du présent code tend à assurer son relèvement éducatif et personnel et à prévenir la récidive […] ».

Présentation de la recherche

3Si la grammaire pénale de la PJJ évolue vers une prise en charge souhaitant prévenir la récidive des mineurs délinquants, se pose la question des moyens alloués pour atteindre cet objectif. En France, peu de travaux se sont intéressés à la mobilisation dans les pratiques professionnelles de la PJJ des modèles d’intervention Risque-Besoins-Réceptivité (RBR) et Good Lives Model (GLM) présentant, sur le plan empirique, des résultats sur la limitation de la récidive. Les travaux relatifs à l’évaluation et à l’utilisation d’outils mobilisant les principes d’une intervention efficace (Campbell et al., 2018 ; Young, Greer et Church, 2017) auprès des populations délinquantes sont développés dans les pays anglo-saxons. Des recherches ont été développées en ce sens en France, dans le champ de la pratique des psychologues et psychiatres (Hirschelmann et al., 2013), dans le champ de la probation (Hirschelmann et al., 2016), dans celui des pratiques des magistrats et des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) (Herzog-Evans, 2012a et 2012b), ou alors dans celui des CPIP accompagnant les majeurs auteurs d’infraction (Benbouriche et al., 2012 ; Vanderstukken et Benbouriche, 2014).

4Les travaux développés sur la pratique de l’évaluation des professionnels de la PJJ rendent davantage compte de l’activité d’écriture des éducateurs (Rousseau, 2007), de l’élaboration des écrits professionnels en tant qu’activité éducative (Matuszak, 2011, 2014 ; Delcambre, 2016 ; Delcambre et Matuszak, 2016 ; Matuszak et al., 2018) ou encore de l’élaboration des évaluations dans le champ de la protection de l’enfance (Robin, 2013).

5Dans cet article, il s’agira de comprendre l’activité évaluative des professionnels de la PJJ dans le cadre du RRSE et de comparer cette pratique aux méthodes d’évaluation du RBR et du GLM.

  • 3 Les recherches criminologiques ont permis d’identifier les principaux facteurs statistiquement asso (...)

6Si l’évaluation repose sur une méthodologie séquencée allant du recueil d’informations jusqu’à une prise de décision orientée selon des objectifs (De Ketele et Roegiers, 2015), l’activité évaluative du RRSE semble y répondre. Si les textes d’orientation sur l’évaluation et la prise en charge des mineurs soulignent la nécessité de limiter la récidive, il peut être fait l’hypothèse que l’ensemble des facteurs de risque et de protection (Farrington et al., 2014) ne sont pas considérés dans le processus de l’évaluation3.

7Par le recueil et l’analyse de données issues des RRSE produits en 2016 (au nombre de 250) sur deux juridictions (Laon et Bobigny) et des entretiens semi-directifs (n = 22) menés sur la période de 2017 à 2019 auprès de onze éducateurs, il s’agira, d’une part, de mettre en perspective les informations recueillies dans le cadre du RRSE et de les analyser par famille de facteurs afin d’observer l’existence d’une approche similaire ou éloignée des méthodes RBR et GLM, et, d’autre part, de mettre en perspective l’activité évaluative dans le système de justice pénale des mineurs et de comprendre ce qui s’y « joue ».

Les débuts de l’évaluation des prises en charge

  • 4 Durant cette recherche 231 programmes de réhabilitation mis en œuvre de 1945 à 1967 ont été étudiés (...)
  • 5 « […] with few and isolated exceptions, the rehabilitative efforts that have been reported so far h (...)
  • 6 Dans la traduction de Lalande p. 41. « Do all of these studies lead us irrevocably to the conclusio (...)

8Le « Nothing works » et le « What works » ont été deux moments dans l’intervention correctionnelle qui ont eu des influences sur les politiques pénales en matière de prise en charge des auteurs d’infraction. Dans les années soixante, l’idéal réhabilitatif a connu son apogée avant d’être critiqué dans les années soixante-dix. Pour répondre à ces critiques, Martinson, Wilks et Lipton ont été sollicités afin d’identifier la pertinence de certaines actions réhabilitatives et de dégager des principes et des modèles de prise en charge fondés sur des données probantes4 (Lipton, Martinson, Wilks 1975). Selon Martinson, les efforts réhabilitatifs n’ont pas d’effets significatifs sur la récidive5 (Martinson, 1974). La conclusion de l’article demande si finalement les professionnels savent réhabiliter et réduire la récidive des contrevenants (Lalande, 2006, p. 41 ; Martinson, 1974, p. 48)6. Ses travaux vont être le point de départ de la crise du modèle de la réhabilitation conduisant à son déclin et au développement de politiques pénales axées sur la dissuasion et la neutralisation des populations délinquantes.

9En réaction au phénomène du « Nothing works », des chercheurs ont dénoncé l’état punitif en démontrant que l’emprisonnement massif ne contribuait pas à réduire la récidive et que les sanctions inclusives effectuées dans la société avaient des résultats plus positifs dans la limitation de la récidive (McNeil, 2009). Durant les années quatre-vingt, Gendreau et Ross publient un article démontrant l’efficacité des programmes de réhabilitation sur la réduction de la récidive (Gendreau et Ross, 1987). Le courant du « What works » sera nourri par la construction d’études empiriques menées sur de larges cohortes de participants qui viennent démontrer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. À partir des années quatre-vingt-dix, ce courant a pris une réelle ampleur. Le passage du « Nothing works » au « What works » se traduit par une transformation de l’idéologie des chercheurs (Cullen et Gendreau, 2001). Alors qu’au départ la criminologie s’emploie à l’étude de l’étiologie du phénomène criminel autour du modèle des causes simples et des causes communes, Cullen et Gendreau annoncent que le mouvement « What works » souhaite utiliser la science, les statistiques pour construire une connaissance criminologique qui soit la base d’une intervention plus efficace (ibid.). Bonta et Andrews y contribuent en présentant trois principes d’intervention nommés « the principles of effective intervention » (principes d’une intervention efficace) (Cullen, 2005 ; Andrews, 2001). L’objectif de ce mouvement est d’améliorer les outils de travail, de concevoir des programmes à partir de bases théoriques solides et d’intégrer ces programmes dans une mission et des orientations stratégiques bien définies. Ce revirement en criminologie conduit à la multiplication des outils d’évaluation du risque de récidive et de l’élaboration des programmes de prise en charge. C’est à partir de cette transformation que sont nés différents modèles de prise en charge encore peu connus en francophonie, mais largement utilisés chez les Anglo-saxons : les modèles RBR et le GLM.

L’évaluation et l’évaluation intégrée : le modèle RBR

  • 7 Il s’agit de facteurs qui sont immuables et qui ne se modifient pas au fil du temps. Ils sont athéo (...)
  • 8 Ce sont des facteurs qui touchent la situation actuelle du délinquant et qui peuvent se modifier (a (...)
  • 9 Ces outils ont été élaborés dans les années quatre-vingt et ont été présentés officiellement en 199 (...)

10L’évaluation du risque de récidive s’organise autour de quatre pratiques. Tout d’abord, celle de l’expertise clinique où sur la base d’un jugement professionnel sont identifiés les délinquants pour lesquels une intervention est nécessaire au regard de la potentialité du passage à l’acte. Puis intervient l’évaluation, avec l’avènement des outils d’évaluation de deuxième génération, qui eux, s’intéressent aux facteurs de risques statiques7 (Bonta, 1996 ; Farrington et al., 2014 ; Bourgon et al., 2017). Ces outils s’appuient sur des données actuarielles et sont considérés comme athéoriques, car basés sur des éléments choisis qui semblent être liés à la récidive. Ils considèrent davantage le « danger » que représente un individu plutôt que le risque. Ces outils ne tiennent pas compte de l’évolution des délinquants et laissent entendre que la personne ne changera pas, alors que l’intervention du risque dans le paysage de l’évaluation amène un « principe de précaution, d’anticipation et de gestion » (Castel, 1983). Ensuite, les outils de troisième génération intègrent à la fois les facteurs de risque statiques et les facteurs de risque dynamiques8. Ils permettent de tenir compte des changements qui interviennent dans la situation des délinquants et d’orienter l’intervention vers les facteurs de risque dynamiques. Pour finir, les « outils d’évaluation intégrée » envisagent la prise en charge de l’individu en fonction du risque qu’il représente. Ces outils de la quatrième génération développés par Andrews, Bonta et Wormith sont fondés sur le modèle RBR (Andrews, Bonta et Wormith, 2011)9.

11Le RBR envisage de manière globale l’évaluation de l’individu et, au regard du risque de récidive et de la réceptivité qu’il présente, aménage l’intensité et les modalités de la prise en charge sur les besoins criminogènes. Selon Andrews et Bonta, le principe du risque détermine le risque de récidive d’un délinquant et celui-ci peut être réduit si le niveau des services de l’intervention est proportionnel au risque qu’il commette une nouvelle infraction. L’évaluation du risque de récidive repose sur ce qu’ils nomment les «  central eight  » constituant les facteurs les plus associés à la récidive : 1) les antécédents judiciaires ; 2) les attitudes et les croyances à l’égard du crime (rationalisation de la criminalité, attitudes négatives à l’égard de la loi) ; 3) la personnalité antisociale (impulsivité, agressivité, irritabilité) ; 4) les associations à des pairs délinquants ; 5) la famille/le rôle parental (autorité, supervision, disciplines déficientes, mauvaises relations familiales) ; 6) la scolarité/l’emploi (faible investissement, faibles niveaux de satisfaction) ; 7) les loisirs (absences de participation à des activités récréatives et de loisirs prosociales) ; et pour terminer 8) les addictions (abus d’alcool et de drogue) (Bonta et Andrews, 2007, p. 14). Le principe des besoins propose de centrer la prise en charge sur les facteurs criminogènes (Bonta et Andrews, 2007, p. 14). Ce sont des facteurs de risque dynamiques directement liés au comportement criminel. Les délinquants peuvent avoir de nombreux besoins nécessitant une prise en charge, mais ces besoins n’ont pas tous un lien avec le comportement criminel (besoins non criminogènes) (Andrews, 2001). Pour finir, le principe de réceptivité : il s’agit de la manière dont les interventions sont déployées en tenant compte des habilités cognitives et psychosociales de l’individu placé sous main de justice. Ce principe se réfère au fait que les interventions fondées sur des stratégies cognitives de l’apprentissage social sont les plus efficaces pour enseigner de nouveaux comportements (Cortoni et Lafortune, 2009). Ces stratégies respectent deux principes : le principe de la relation et le principe de structuration (qui contribue à orienter le changement en direction de comportements prosociaux grâce à des interventions utilisant l’apprentissage par l’observation, le renforcement, la résolution de problèmes, etc.).

  • 10 Youth Level of Service/Case Management Inventory : basé sur le modèle du RBR, il est un outil de ge (...)

12Le RBR développé auprès d’adultes (Ward et Maruna, 2007 ; Cortoni et Lafortune, 2009 ; Quirion, 2006) a été adapté pour correspondre à l’approche développementale des jeunes délinquants (voir l’outil d’évaluation YLS/CMI10). Les approches thérapeutiques et les interventions offrant des services répondant à leurs besoins se sont révélées plus efficaces pour réduire la récidive que les mesures de punition et de contrôle de leur comportement (Evans-Chase et Zhou, 2014 ; Chamberlain, Leve et Dagarmo, 2007 ; Matthews et Hubbard, 2007). L’approche et les outils correspondants trouvent une place dans les pratiques des tribunaux américains (Schawlbe, 2008 ; Latessa et Lovins, 2010) et ont un rôle important puisqu’ils contribuent à déterminer les suites de l’affaire judiciaire (Campbell et al., 2015 ; Wilson et Hoge, 2013).

Le modèle GLM développé auprès des mineurs délinquants

13Le RBR critiqué pour son incapacité à impliquer et à motiver les personnes à s’inscrire dans la prise en charge (Ward et Maruna, 2007, p. 12, Ward et al., 2007, 87-107) trouve comme réponse, depuis le milieu des années deux mille, le GLM (Ward et al., 2007 ; Barnett et al., 2013). Dédié au départ aux délinquants sexuels, ce modèle d’intervention s’applique à d’autres populations de délinquants et aux adolescents (Barnao, Robertson et Ward, 2010).

  • 11 Dans ses travaux sur le GLM, Ward identifie onze besoins fondamentaux : la vie, le savoir, l’accomp (...)
  • 12 Il s’agit des moyens à mobiliser pour parvenir à satisfaire les besoins humains fondamentaux.

14Au lieu de contrôler ou de gérer le risque, le GLM propose de construire des « points d’appui » pour accompagner la personne à sortir de la délinquance. Il vise deux objectifs : celui d’inciter à l’acquisition de ressources plutôt qu’à la réduction des déficits et celui de réduire la récidive en tant qu’obstacle à l’accomplissement personnel et non en tant que cible de la prise en charge (McCulloch et Kelly, 2007). La commission d’une infraction est, dans ce modèle, une façon inadaptée de répondre à des besoins humains légitimes. Ainsi, le suivi vise à développer d’autres façons de répondre à ces besoins sans nuire à autrui. Concrètement, ce modèle se traduit par quatre étapes : tout d’abord l’évaluation des besoins primaires par l’identification du poids accordé par le délinquant à chacun de ces derniers (besoins humains fondamentaux11) permettant d’avoir une idée de ce que pourrait être pour lui une vie satisfaisante ; ensuite l’identification des objectifs et des valeurs qui soutiennent la délinquance ; puis, la formulation des besoins secondaires12 (Ward 2004, 2006, 2007) dans un travail conjoint entre le délinquant et l’intervenant afin d’identifier les façons socialement acceptables d’atteindre ses besoins primaires ; et, pour terminer, l’élaboration du plan de vie qui consiste en la formulation d’actions concrètes qui permettront au délinquant d’avoir accès à une vie plus épanouissante selon des modalités non délinquantes. Ce sera aux intervenants d’adapter leurs prises en charge aux besoins des usagers plutôt que d’exiger des usagers qu’ils adaptent leurs besoins aux compétences des intervenants (Levenson et al., 2010). Si ce modèle soulève des réserves quant à son efficacité, les recherches préliminaires confirment les fondements théoriques de ce modèle et ses répercussions positives (motivation, implication accrue de l’intéressé dans la prise en charge, taux d’abandon réduit et progrès dans l’atteinte des objectifs fixés dans la prise en charge) (Hanson et Yates, 2013, p. 348).

15La présente étude souhaite identifier, d’une part, le ou les liens qui existent entre les informations recueillies et la proposition éducative et, d’autre part, les modèles criminologiques mobilisés.

16Si le RRSE consiste, après un recueil d’informations, à proposer une prise en charge éducative, d’autres éléments peuvent être déterminants dans le choix de la solution éducative.

17Par ailleurs, les textes réglementaires et juridiques abordent, dans les modalités d’évaluation et d’intervention des professionnels, la prévention et la limitation de la récidive, la façon dont cela se traduit dans les pratiques de RRSE. Il semble que l’évaluation du risque de récidive selon les modèles d’intervention en criminologie n’existe pas dans les pratiques de la PJJ.

18Si la culture professionnelle de la PJJ ne connaît pas les modèles susmentionnés, il est possible que dans la pratique quelques principes du RBR et/ou GLM soient mobilisés.

Étude quantitative 1

Procédure de recueil

19Les sites de recueil sont le service éducatif auprès du tribunal (SEAT) de Bobigny (n = 200) et l’unité éducative en milieu ouvert de la juridiction (UEMO) de Laon (n = 50). Tous les dossiers de RRSE ont été choisis sur l’année 2016. La juridiction de Bobigny produit en moyenne 1 500 dossiers de RRSE par an, quant à celle du milieu ouvert de Laon, le service élabore environ 250 dossiers par an.

20Ont été analysées les informations recueillies par les professionnels guidés par la trame nationale du RRSE et ce qui s’apparente à des facteurs de risque et de protection. Ainsi, pour chaque élément repéré et renseigné dans le RRSE, figure un chiffre sur le tableau de recherche quantitative. Également, une colonne « Nombre de lignes » a été référencée, il s’agira de compter le nombre de lignes faisant référence aux facteurs de risque. Plus le nombre de lignes est grand, plus le facteur renseigné sera considéré comme important pour l’éducateur. Tous ces éléments seront ensuite encodés afin de quantifier les informations recueillies et de disposer de données descriptives.

Méthodologie

21Ainsi, les informations collectées dans les RRSE ont été regroupées par facteurs : les facteurs statiques individuels : l’âge, le sexe, les antécédents civils et pénaux ; les facteurs dynamiques individuels : l’agréabilité, l’impulsivité, l’agressivité, la capacité de contrôle, la motivation, les convictions/croyances prosociales/antisociales, la capacité à s’exprimer, la santé physique, la santé mentale, la consommation de substances illicites ; les facteurs familiaux : les antécédents familiaux pénaux, la situation professionnelle des parents, les ressources financières des parents, les convictions prosociales ou antisociales des parents/fratrie, la structure familiale, la qualité des relations entre parents, la qualité des relations entre parents et enfants, le fonctionnement et la dynamique familiale, le nombre de frères et sœurs ; et les facteurs environnementaux : la scolarité (formation, investissement dans la scolarité), le quartier (taux de chômage, activités, ressources) les loisirs (activités et investissements), les pairs (fréquentation pairs prosociaux ou antisociaux).

22La présence ou l’absence des facteurs investigués et l’interprétation donnée à ces facteurs selon l’éducateur ont été notées comme suit : (X) facteur non investigué ; (0) facteurs investigués neutres (selon l’éducateur) ; (1) facteurs investigués risque (selon l’éducateur) ; (2) facteurs investigués protection (selon l’éducateur).

23Pour les propositions éducatives, la codification s’échelonne de 0 à 6 : (0) l’éducateur ne propose rien ; (1) l’éducateur propose de ne rien faire ; (2) mesure éducative ; (3) mesure éducative avec éloignement ; (4) mesure coercitive ; (5) alternative à l’incarcération ; (6) détention.

  • 13 ILS : infraction à la législation sur les stupéfiants.

24Pour l’hypothèse relative aux liens entre les éléments recueillis dans le RRSE et la proposition éducative, il a été nécessaire de recueillir différentes données : le stade de la procédure judiciaire (défèrement 0, convocation par officier de police judiciaire (COPJ) 1), le stade de l’infraction commise par le mineur (0 à 15 selon le quantum de la peine et de 1 à 11 selon la catégorie de l’infraction (dégradation, consommation ILS13, vente ILS, outrage, vol, harcèlement, violence, conduite sans permis, agression sexuelle, viol, meurtre) et les facteurs de risque et de protection soulignés dans le RRSE (liste des thématiques observées). Puisque l’analyse des corrélations entre les différents éléments repérés dans le RRSE et la proposition éducative est souhaitée, plusieurs indicateurs ont été rassemblés sous la variable « éléments recueillis ».

Résultats de l’étude quantitative 1

Tableau 1. Taux d’investigation et nombre de lignes par facteurs sur les territoires de Bobigny et de Laon

Rapports RRSE (n = 250)

Service

Facteurs individuels statiques

Facteurs individuels dynamiques

Facteurs familiaux

Facteurs environnementaux

SEAT Bobigny

Taux d’investigation par famille de facteurs (%)

98

28

39

40

Moyenne du nombre de lignes par famille de facteurs

3,31

10,55

17,2

8,16

UEMO Laon

Taux d’investigation par famille de facteurs (%)

54

29

35

43

Moyenne de lignes par famille de facteurs

7,74

14,63

26,8

13,13

25Des comparaisons des taux d’investigation ont été réalisées. Les résultats statistiques du recueil des informations des RRSE permettent d’établir des taux équivalents sur les deux territoires quant aux informations relevées. Parmi les facteurs individuels statiques, les antécédents judiciaires (l’absence étant également référencée) sont davantage référencés sur Bobigny que sur Laon. Ainsi, à Bobigny, dans 98 % des RRSE, le recueil et le report des antécédents judiciaires sont effectués. Concernant Laon, le recueil de ces éléments se fait dans une moins grande proportion, 54 % des RRSE. Également, parmi les facteurs individuels dynamiques référencés par la littérature scientifique, seulement 28 % à Bobigny et 29 % à Laon sont référencés. Les facteurs familiaux (39 % et 35 % des RRSE) et environnementaux (40 et 43 % des RRSE) sont bien plus référencés par rapport aux éléments d’ordre individuel. On observe alors une différence significative dans l’activité évaluative du RRSE entre les éléments individuels et les éléments familiaux et socioculturels du mineur.

26Des comparaisons de moyennes ont été réalisées. Le nombre de lignes moyennes sur les facteurs individuels statiques et dynamiques du mineur permet de constater une différence significative avec les facteurs familiaux. La dimension familiale dans l’évaluation de la situation du mineur occupe une grande partie dans l’établissement des RRSE. On peut supposer alors que la famille, pour les éducateurs, occupe une dimension importante dans le RRSE.

Tableau 2. Croisement des propositions éducatives avec les facteurs investigués par les professionnels sur les territoires de Bobigny et de Laon

(PE)

Taux d’investigation (%)

Nombre moyen de lignes

Facteurs individuels statiques

1

98

3,2131

2

93

3,14

3

90,91

5,5455

4

91,23

4,3509

5

81,48

6,5556

Facteurs individuels dynamiques

1

27,66

2,4262

2

28,75

2,68

3

18,18

1,5455

4

33,77

3,6491

5

44,44

4,3333

Facteurs familiaux

1

36,21

7

2

42

9,23

3

43,8

10,5455

4

40,51

9,1404

5

46,46

9,8889

Facteurs environnementaux

1

42,62

4,5574

2

43,25

4,73

3

34,09

3

4

44,74

5,9123

5

33,33

3,4444

(PE) Proposition éducative : (1) l’éducateur propose de ne rien faire ; (2) mesure éducative ; (3) mesure éducative avec éloignement ; (4) mesure coercitive ; (5) alternative à l’incarcération (CEF).

27Pour finir, l’observation du croisement de l’ensemble des données récoltées des RRSE et de la proposition éducative met en lumière que le référencement plus ou moins marqué de certains facteurs « appelle » une mesure singulière. Nous observons que la considération plus ou moins importante pour un facteur amène le choix d’une mesure.

28Les rapports où les facteurs de risque statiques sont plus référencés sont aussi ceux où la proposition éducative est tournée vers une mesure d’éloignement ou une alternative à l’incarcération (voir partie surlignée, PE = 3, 4, 5). Les facteurs individuels dynamiques sont plus référencés pour une mesure coercitive et une alternative à l’incarcération que pour une mesure éducative ou une mesure d’éloignement. Les facteurs environnementaux sont moins référencés pour les mesures d’éloignement tout comme les alternatives à l’incarcération. Pour les mesures coercitives (PE = 4), l’environnement du mineur est davantage référencé.

Tableau 3. Taux d’investigation des différents facteurs et leurs qualifications en tant que facteur de risque ou de protection (%)

Facteurs individuels

Neutre

Risque

Protection

Non renseignés

Motivation

0,4

0,4

14

85,2

Conviction anti/prosociale

2,4

4,4

18,4

74,8

Expression

9,2

2

10

78,8

Agréabilité

11,2

2

15,2

71,6

Impulsivité/agressivité/capacité de contrôle

2

5

0,8

92

Addiction

33,6

6,4

0,4

59,6

Santé physique

41,2

3,2

1,2

54,4

Santé mentale

39,6

3,6

56,8

Facteurs familiaux

Neutre

Risque

Protection

Non renseignés

Antécédents judiciaires

7,6

3,2

0,4

88,8

Profession

64,8

3,2

4,8

27,2

Ressources économiques

1,2

4,8

4

90

Convictions

2

0,8

11,2

86

Statut marital

65,2

4,4

6,4

24

Relations parents

0.4

9,2

12,4

78

Relations parents-enfants

0,8

10,4

46,8

42

Fonctionnement familial

0,4

8,4

57,6

33,6

Nombre de frères et sœurs

68,4

2,4

5,2

24

Relations entre les enfants

2,4

2,8

10,4

84,4

Facteurs environnementaux

Neutre

Risque

Protection

Non renseignés

Scolarité

2,8

39,6

42,8

14,8

Quartier

1,2

10,8

5,2

82,8

Loisirs

2

11,6

24,8

61,6

Pairs

17,6

4,4

78

29L’évaluation du risque de récidive repose sur les central eight du RBR. Elle comprend notamment l’analyse des facteurs individuels dynamiques. Sur les 250 RRSE analysés, la présence ou l’absence d’impulsivité, d’agressivité, de capacité de contrôle, chez le mineur sont absentes dans près de 92 % des dossiers étudiés. Les attitudes et convictions procriminelles du mineur ne sont également pas renseignées dans 75 % des RRSE. Les dépendances ou non aux produits stupéfiants ne figurent pas dans 60 % des RRSE. Les facteurs individuels non criminogènes tels que la santé mentale et physique ne sont pas renseignés dans 57 % et 54 % des dossiers.

30S’agissant des facteurs familiaux identifiés dans le RBR (la surveillance parentale, la discipline, et les relations familiales – parents-enfants et enfants entre eux) : l’autorité, la discipline et la supervision familiale ne figurent pas dans 33 % des RRSE. Pour les relations familiales (parents/enfants), elles ne sont pas investiguées dans 68 % des dossiers. Pour les facteurs environnementaux, sur la participation ou non à des activités et des loisirs, ils ne sont pas investigués dans 61 % des RRSE. Pour finir, l’environnement social, le soutien social n’est pas mentionné dans 78 % des RRSE.

31De même que dans le modèle GLM, il ressort de l’analyse des éléments investigués que la dimension positive du sujet ressort principalement pour les facteurs familiaux et la scolarité du mineur. Sur l’étude des dix facteurs familiaux, comparativement aux facteurs de risque, sept facteurs positifs se dégagent (profession, conviction, relations et fonctionnement). Quant à la motivation du sujet liée à sa future implication dans la proposition éducative, celle-ci n’est pas renseignée dans près de 82,5 % des dossiers étudiés.

Conclusion sur l’étude quantitative et limites

32Le RRSE s’inscrit dans un processus de recueil d’informations et d’évaluation. D’après les résultats et l’analyse des données quantitatives, les différents domaines de vie du mineur ne sont pas renseignés de manière équitable et équivalente selon les situations. Un « important pouvoir discrétionnaire » (Quirion et D’Addese, 2011, p. 234) conduit donc à des pratiques d’évaluation disparates (Gautron et Dubourg, 2014).

33Si l’activité évaluative met en avant, dans une certaine mesure, les différents facteurs dynamiques, la proposition éducative soumise se centre peu sur ceux-ci. On observe sur le plan quantitatif que plus les antécédents judiciaires sont mentionnés et plus la mesure est tournée vers une mesure d’éloignement voire une mesure coercitive. Inversement, moins les professionnels développent la dimension sociale et environnementale, plus la mesure est tournée vers un éloignement ou une alternative aux poursuites. Si le lien entre le recueil d’informations et la proposition éducative est établi, le recueil d’informations précède en théorie la prise de décision (De Ketele et Roegiers, 2015). Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de grandes différences dans la quantité des informations recueillies sur les 250 RRSE étudiés. La proposition éducative donc ne dépendrait pas seulement des données recueillies, mais aussi d’autres éléments. Dans les situations où un éloignement ou une alternative sont proposés, quelque chose précède l’évaluation et l’élaboration du rapport de RRSE. Il se peut qu’une proposition éducative identifiée en amont précède le recueil d’informations et donc influence le professionnel dans ce travail.

34Sur la mobilisation des modèles d’évaluation et d’intervention en criminologie, le croisement de l’ensemble de ces données avec la méthodologie d’évaluation du RBR, permet d’affirmer que les informations recueillies correspondant aux facteurs de risque et aux facteurs non criminogènes sont référencées, mais non d’une manière systématique (voir taux non renseignés). Il peut s’en déduire, d’une part, que le report systématique des huit principaux facteurs du RBR est absent, et d’autre part, que l’évaluation du risque de récidive selon ce modèle est partielle dans l’activité évaluative du RRSE. Pour conclure, demeure un doute quant à l’interprétation de ces données selon ce modèle.

35Pour le modèle du GLM, les ressources du mineur concernent principalement la famille et l’environnement du mineur. Les données statistiques ne permettent pas une comparaison complète de l’activité évaluative du RRSE avec l’approche du GLM. En effet, la prise en considération des besoins fondamentaux du sujet et l’analyse de son passage à l’acte selon le GLM ne paraissent pas dans l’étude des données quantitatives.

Les limites

36Si le recueil et la quantification des facteurs ont donné une première compréhension de l’activité évaluative et permettent d’avoir un aperçu général des principes mobilisés (RBR/GLM), il n’en demeure pas moins qu’il faut évoquer les limites de cette étude. Une première difficulté quant à la collecte des données et leur transposition dans le tableau statistique est qu’il peut exister un décalage entre les éléments recueillis dans le RRSE et la manipulation de ces données par le chercheur pour les intégrer aux « catégories » de la recherche. La deuxième limite de cette étude est que seules les informations qui figurent dans le RRSE sont recueillies. Le recueil de ces éléments, ne permet pas de disposer de l’analyse et du sens que les professionnels y apposent, ou non, selon les modèles RBR et GLM. L’étude qualitative apportera quelques éléments complémentaires sur la mobilisation de ces modèles.

Étude qualitative 2

Procédure et participants

37La participation des éducateurs à cette recherche a été libre et volontaire, et les entretiens se sont déroulés de 2017 jusqu’à 2019. Lors d’une réunion de service dans les deux unités, le projet de la recherche a été présenté par la chercheure suivie de la distribution des deux questionnaires. Onze éducateurs se sont portés volontaires pour y répondre : six éducateurs sur Bobigny (âge moyen : 32,8) et cinq éducateurs sur Laon (âge moyen : 45,7).

Méthodologie et précaution

38La recherche qualitative se décline en deux volets. Le premier consiste à examiner comment les professionnels éducateurs élaborent le RRSE et la proposition éducative qui en découle. Une première grille d’entretien semi-directif a été élaborée, elle cible l’activité évaluative du RRSE et s’organise selon quatre dimensions : la présentation des professionnels et de leur parcours, les indices et les critères de la situation du mineur qui expliquent le passage à l’acte, la manière dont ils élaborent la proposition éducative et le sens qu’ils mettent dans l’activité évaluative du RRSE et la proposition éducative (en fonction de quoi celle-ci est proposée) (Questionnaire 1). Le deuxième volet envisage une projection de la pratique du RRSE dans la pratique de l’évaluation en criminologie (ce qui peut amener un mineur à passer à l’acte, ce qui est identifié en tant que facteurs de risque et de protection, et les méthodes d’intervention qui selon les professionnels ont des effets sur la limitation de la récidive (Questionnaire 2).

39Pour la recherche qualitative, les entretiens ont été menés dans les locaux du SEAT et de l’UEMO et enregistrés sur un magnétophone. Avant les entretiens, chaque éducateur a pris connaissance du formulaire de consentement à participer à cette recherche, des conditions d’anonymisation et de publication des données et des questionnaires. Ils étaient libres de répondre ou non aux questions soumises. Les entretiens ont duré une à deux heures. Les enregistrements ont été ensuite retranscrits. Toute information obtenue dans le cadre de cette recherche qui pourrait permettre d’identifier les participants est gardée confidentielle.

Résultats de l’étude qualitative 2 et discussion

Un recueil d’informations afin de comprendre le mineur dans son passage à l’acte

40Les professionnels affirment que l’objectif du RRSE est de « transmettre des informations au magistrat sur la situation du mineur » afin de mettre en lumière ses différentes sphères de vie et d’identifier les problématiques qui expliquent le passage à l’acte.

Laon1 « Il faut que j’arrive à comprendre, à ce moment-là, qu’est-ce qui a fait que pour lui, il y a eu ce passage à l’acte. »

Bobigny1 « D’obtenir un maximum d’éléments […] pour essayer de comprendre un parcours, et de pointer des… Des carences, ou des déséquilibres, ou… Ou des dysfonctionnements, des complications, etc. […] une sorte d’analyse de la situation de ce jeune. »

Laon2 « Le recueil des éléments permet d’individualiser au mieux la proposition éducative, cette mesure est éducative et par définition elle doit apporter quelque chose au mineur, l’éduquer. »

Bobigny2 « Moi, je dis toujours que, le RRSE, c’est un arrêt sur image à un instant T. À partir du moment où un jeune a commis un acte de délinquance, à ce moment-là, comment se passent les choses autour de lui  ? Est-ce qu’il vit chez ses parents  ? Est-ce que, à l’école, tout se passe bien  ? Est-ce qu’à ce moment-là, il a eu des difficultés avec des personnes extérieures ? Et ça me permet après de faire des connexions avec les différents items et de me dire : voilà pourquoi ce jeune aujourd’hui, il se retrouve dans un braquage, alors qu’on ne le connaît pas  ? […]. Donc… Et les objectifs, bien sûr, c’est de pouvoir comprendre… De pouvoir comprendre la problématique du jeune. »

Laon3 « C’est de renseigner le magistrat sur la situation familiale de l’adolescent. Donc il faut qu’il ait les informations concernant sa situation familiale, sociale, scolaire, voire s’il a des difficultés psychologiques, de santé, psychiatriques. S’il a un parcours… Un précédent dans la famille. Ça renseigne le magistrat sur autre chose que le délit, et qui peut peut-être l’expliquer. »

41Le recueil et l’analyse de ces informations permettent aux professionnels de comprendre le jeune et sa situation. Puis, d’identifier les facteurs qui expliquent le passage à l’acte pour ensuite proposer une solution éducative.

Un recueil d’informations afin de proposer une prise en charge proche des problématiques du mineur

42Lors des entretiens, les professionnels se sont exprimés sur les éléments qui contribuaient à l’élaboration d’une proposition éducative (réparation, liberté surveillée, préjudicielle et contrôle judiciaire).

Bobigny3 « Quand je fais ma proposition, je reprends mes différents items. […] quand je fais une proposition, je veux que ça englobe toute la problématique du jeune. […] Si je propose une liberté surveillée préjudicielle, je vais dire pourquoi je la propose. Est-ce que c’est, seulement par rapport au passage à l’acte  ? Est-ce que c’est parce que je sens qu’il y a aussi des difficultés au niveau familial  ? Souvent, des difficultés relationnelles. Est-ce que c’est parce que je me dis qu’au niveau de la santé, il y a cette consommation importante d’alcool et de cannabis qu’il va falloir travailler  ? Au niveau de l’insertion, il y a une vraie fragilité, voire une déscolarisation du jeune. »

Bobigny4 « Dans la situation où le jeune est effectivement il est là, mais, bon il est passé à l’acte, mais quand même il a une scolarité qui est tenue. Des parents qui… Même si c’est difficile, posent un cadre. […] Et le gamin qui… Qui a déjà entamé une réflexion par exemple, sur les actes commis en se disant : “Je regrette. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je me suis laissé entraîner. Ou j’ai agi un peu de façon impulsive. Effectivement, j’ai pris conscience.” Là, moi, je vais me dire : peut-être une réparation c’est mieux, plutôt que de l’enfermer dans une mesure longue, qui finalement n’aura pas forcément de bénéfice pour lui. »

Laon4 « Pour les premiers faits, les primo-délinquants, généralement est proposée une mesure de réparation pénale. De plus on propose cela quand on voit que la famille tient la route, qu’il n’y a pas de difficulté majeure. Puis, s’il revient, on va “reproposer” la même chose oui, car bon il se peut que le mineur n’ait pas compris dès la première mesure. »

  • 14 LSP : liberté surveillée préjudicielle.

Laon5 « La LSP14, elle permet pour moi de répondre à plusieurs choses et principalement à la situation du jeune. La LSP elle permet d’accompagner le jeune dans ses fragilités, ses vulnérabilités. Non seulement le jeune, mais aussi sa famille, ses parents et là on peut intervenir à différents niveaux. Après la LSP, ça peut être aussi pour la scolarité, pour éviter le décrochage ou l’accompagner dans la construction d’un projet d’insertion par exemple. Je dirai que les faits pour moi interviennent en dernier lieu… »

43L’élaboration du RRSE répond principalement à l’objectif de recueillir des éléments intéressants la vie du mineur et de donner un sens au passage à l’acte. Pour les professionnels éducateurs, le RRSE permet de donner au magistrat des informations quant à la situation du mineur afin de l’éclairer dans sa décision et de proposer un cadre d’intervention judiciaire et éducatif qui réponde aux besoins (criminogènes) du jeune.

44Si l’interprétation du passage à l’acte semble être le résultat de « fragilités, de vulnérabilités » auxquels il est nécessaire de répondre, les professionnels mobilisent dans une certaine mesure, le deuxième principe du RBR, à savoir une intervention centrée sur les facteurs liés au comportement criminel (Bonta et Andrews, 2007, p. 14). Selon ces mêmes propos, l’évaluation de la situation du mineur n’en passe pas par l’évaluation et la considération de ses « besoins primaires » pour en déduire « les besoins secondaires » (Ward 2004, 2006, 2007) selon le modèle GLM. Le positionnement du mineur par rapport au fait semble être pour l’éducateur important. L’éducateur aménage l’intensité de la prise en charge (plus ou moins contrainte) selon le positionnement du mineur. Ainsi, quant à la mobilisation du principe de la réceptivité, on peut observer que plus un jeune « reconnaît » son agissement et plus l’éducateur propose une mesure éducative (la réparation).

Une proposition éducative sous l’influence des antécédents judiciaires du mineur

45Si le recueil d’informations permet une proposition éducative au plus près des besoins criminogènes du mineur, l’étude quantitative a révélé que des éléments « extérieurs » influençaient le recueil d’informations. Il a donc été demandé si les antécédents judiciaires pouvaient influencer l’élaboration de leur proposition éducative.

Laon6 « Non, c’est moi qui décide de la proposition éducative. En aucun cas, je ne vérifie les antécédents du jeune. […], je privilégie l’analyse que je fais. »

46D’autres professionnels affirment toutefois la nécessité de considérer les antécédents judiciaires du mineur. Les justifications sont diverses. Pour certains, il s’agit d’envisager une nouvelle prise en charge afin d’éviter les effets de répétitions ce qui conduit à un effet source (antécédent judiciaire) dans l’arbitrage de la proposition éducative.

Bobigny5 « Bien entendu, je tiens compte des mesures puisqu’il serait complètement stérile de faire des doublons. »

Laon7 « Je considère l’analyse de la situation du mineur et des mesures qui ont été mises en œuvre. Les mesures sont importantes, il y a des fois trois réparations pénales proposées pour un jeune […] si le jeune a recommencé, cela peut peut-être signifier que ça n’a pas fonctionné. »

Bobigny6 « Je tiens compte de l’effectivité des mesures, parce qu’il ne s’agit pas qu’une réparation soit ordonnée pour qu’elle soit effective […]. Donc on va se renseigner auprès de l’UEMO si la mesure a été attribuée. Si oui, est-ce qu’elle a commencé  ? Sinon, pourquoi  ? Est-ce qu’elle est en liste d’attente  ? Etc. Et tout ça, c’est des informations que je vais relayer au magistrat, parce qu’elles sont primordiales, et qu’elles participent de la compréhension de la situation au jour J. »

Laon8 « Je trouve que ça n’a pas de sens si le gamin a déjà une LSP d’en donner une autre. Enfin, d’en demander une autre. Donc les mesures, elles montrent aussi l’évolution du gamin, enfin positive ou négative. Donc il faut forcément tenir compte de tout ça. »

47La cohérence de la nouvelle proposition éducative va de pair avec la considération des antécédents judiciaires du mineur. L’effectivité de la prise en charge éducative est avancée, non seulement au regard de l’exécution de la mesure, mais aussi au regard de l’évolution du mineur et des effets qu’elle aurait sur lui.

Une proposition éducative sous l’influence d’éléments propres au système judiciaire

48Alors qu’en principe la réquisition du parquet intervient après l’établissement du rapport RRSE, dans les pratiques, le procureur communique sa proposition en amont au service éducatif. Lors des entretiens, l’influence des réquisitions de l’autorité judiciaire sur les professionnels des deux territoires a été interrogée.

  • 15 CEF : centre éducatif fermé.

Bobigny7 « Non. Moi, je suis une tête… Non. Non. Rarement je suis la réquisition… Enfin, je n’aime pas qu’un juge vienne la veille d’un défèrement en disant : voilà. Moi, je veux un CEF15 parce que le gamin, je le connais bien. Enfin voilà. Je dis : on verra, si effectivement il faut un CEF, mais il faut nous laisser évaluer la situation, et voir ce qui paraît adapté au gamin. »

49Dans les propos du professionnel, l’importance est accordée tout d’abord à l’analyse, à la compréhension de la situation du mineur, puis intervient, selon eux, la considération des réquisitions du magistrat. Cette considération reste a priori à titre consultatif, mais dans les propos suivants, les réquisitions semblent influencer voire diriger la proposition éducative des professionnels.

Bobigny8 « Alors le suivi des réquisitions du magistrat, non. Par contre, quand ça s’impose à moi parce que, la loi le prévoit, oui. Par contre, il est écrit que, le juge a le droit de m’imposer de rechercher un placement. Donc je réponds à la loi et à mon cadre d’intervention. […] je répondrai quand même à la commande puisque c’est ma mission, en proposant aussi autre chose, en argumentant. »

  • 16 CPI : centre de placement immédiat.

Laon9 « Alors la spécificité du défèrement actuellement, et de plus en plus depuis dix ans, depuis la fermeture du CPI16 de Laon, c’est de trouver une place. Donc tout le travail de l’éducateur qui est en défèrement n’est pas en fait spécifique à la tâche pour laquelle il est en défèrement, c’est-à-dire un entretien éducatif. Sa principale préoccupation, c’est de trouver une place, comme si on était, je pense, des tour managers en hôtellerie, et qu’on avait pour… Pour but de trouver la place. »

50Les propositions de placement interviennent principalement lorsque le mineur a de nombreux suivis au pénal. Lorsqu’il y a de nombreux antécédents, les professionnels tentent de proposer une mesure coercitive ou une mesure éducative avec éloignement dans l’espoir que les réquisitions du parquet ne soient pas suivies d’effet.

  • 17 JLD : juge des libertés.

Bobigny9 « Je ne tiens pas compte des réquisitions du magistrat. Mais si à un moment donné, si l’incarcération, pointe le nez pour un jeune qui est là toute la semaine, qui passe devant le JLD17 régulièrement, qui a été condamné plusieurs fois. Et que ça (le CEF) me paraît être, je ne veux pas dire une solution, mais en tout cas marquer un coup d’arrêt, et peut-être prendre sens pour le mineur, je le dirai. »

Laon10 « Lorsqu’on sait que le jeune risque d’être placé, cela occupe beaucoup de notre temps dans l’élaboration du RRSE, je grossis un peu le trait, mais, c’est limite si on passe plus de temps à trouver une place pour le jeune qu’à faire le rapport […] vous pouvez défendre effectivement devant le magistrat, une proposition qui est différente de celle du parquetier. »

51Dans les situations où un placement est avancé par le parquetier dans ses réquisitions, l’évaluation semble occuper « moins » de place dans l’activité évaluative des professionnels, selon les propos des éducateurs.

Discussion générale

52Par le croisement de ces analyses, il est avancé que l’activité évaluative ne repose pas sur une méthodologie séquencée, ordonnée et indépendante (Tourmen, 2009, p. 101). Elle n’est pas non plus issue de la seule construction de l’éducateur en lien avec le mineur et sa famille, mais dépend également des interactions du professionnel en charge du rapport avec le système de justice pénale et des tensions qu’il suppose (Delcambre et Matuszak, 2016). Si la mobilisation partielle des modèles d’intervention est constatée, la transposition de tels modèles se questionne quant à leur réelle faisabilité et efficacité.

L’activité évaluative : un processus d’écriture aboutissant à une proposition éducative sous tension

53Le rapport de RRSE, s’il consiste a priori en une photographie de la situation du mineur, n’est pas issu seulement des entretiens entre le professionnel et le mineur et sa famille. L’étude de l’activité évaluative des RRSE au travers des verbatims révèle qu’elle est un processus dynamique fait d’allers et retours entre le recueil, l’investigation, l’analyse et la mise à l’écrit. Le déroulement de l’élaboration du RRSE amène à comprendre que l’activité évaluative est le fruit d’une activité collective construite en lien avec différents professionnels de la justice afin de proposer une solution éducative.

54Si l’activité d’écriture « déborde largement la rédaction d’énoncés suivis organisés » (Delcambre et Matuszak, 2016, p. 14), la proposition éducative semble aussi être influencée par ce système. En effet, la proposition éducative émise à l’issue du RRSE semble dépendre non seulement des éléments investigués concernant la situation du mineur, mais également d’aspects propres à l’organisation judiciaire. En effet, si les données descriptives statistiques soulignent un taux d’investigation et un nombre de lignes moindre pour les facteurs environnementaux (car non retranscrit dans le RRSE) et pour des situations où des mesures d’éloignements sont proposées, il peut être envisagé que les réquisitions du parquet ont un poids dans l’activité évaluative et par conséquent dans l’élaboration de la proposition éducative lorsqu’il s’agit du placement (pour les mineurs multirécidivistes).

55Les résultats de la recherche précédemment référencés sur l’activité d’écriture trouvent un prolongement dans le cadre de cette recherche sur la mise en perspective de l’activité évaluative avec la proposition éducative (Delcambre et Matuszak, 2016, p. 140). L’activité évaluative est une activité de collaboration qui révèle quelques tensions entre éducateurs et autorité judiciaire. Une tension visible dans les situations où les mineurs sont déférés et où des réquisitions de placement interviennent.

56L’activité évaluative et les propositions éducatives qui en découlent sont donc l’objet d’influence et ne dépendent pas seulement des éléments recueillis quant à la situation du mineur. Il est alors envisagé que la proposition éducative ne soit pas réellement centrée sur les problématiques ou les besoins du mineur, mais dépende également des interactions entre les professionnels et l’organisation judiciaire.

L’activité évaluative : une mise en sens du passage à l’acte, une approche de l’individualité entre guillemets

57Si le RRSE tente de mettre « à jour la causalité à l’origine de l’acte grâce à un examen de personnalité qui permettra de prendre la mesure la plus adaptée » (Youf, 2008, p. 84), nous pouvons interroger la réelle individualisation de la proposition éducative (Gautron et Dubourg, 2014).

  • 18 Voir tableau 3.

58En effet, lors des entretiens, les professionnels se détachent des courants de pensée autour de la personnalité délinquante pour se centrer sur l’acte et l’environnement du mineur. C’est donc dans une perspective intégrative que les éléments de personnalité du mineur paraissent dans une faible proportion dans les RRSE (taux d’investigation des éléments de personnalité, 28 % pour Bobigny et 29 % pour Laon18). L’analyse des facteurs individuels en tant que facteur de risque ou de protection confirme que l’individualité, la personnalité du mineur est peu « considérée » (voir tableau 3) conduisant donc à une approche « partielle » et peut être même « sélective » (Ottenhof et Favard, 2001, p. 25) de ces facteurs.

59Si le RRSE souhaite révéler dans une certaine mesure les causalités du passage à l’acte et les envisager dans le cadre d’une prise en charge éducative, pour les profils de mineurs multirécidivistes, la volonté des professionnels de la justice consiste en une mesure éducative d’éloignement du mineur de son environnement social et familial ou encore en une proposition de mesure alternative à l’incarcération. Nous pouvons donc en déduire, que la préoccupation des professionnels pour les multirécidivistes est d’éloigner le mineur de son environnement (décision d’une mise à distance du mineur par rapport au domicile ou son environnement, décision de placement ou d’alternative à l’incarcération). Cette préoccupation peut être interprétée de trois manières : soit elle est la conséquence des enjeux de la procédure judiciaire (besoins d’enquête, de protection des victimes), soit l’éloignement dans son sens général peut être lié à un souci de protection du mineur auteur lui-même ou, pour finir, à des fins de protection de la société.

La délinquance comme symptôme, la proposition éducative comme acte de responsabilisation

60L’analyse du discours des professionnels sur le RRSE a permis d’identifier l’interprétation du passage à l’acte délinquant comme le résultat d’une ou de plusieurs problématiques (problèmes familiaux, échec scolaire, problèmes personnels) chez le mineur et sur lesquelles l’action éducative doit être déclenchée.

61Dans le discours des professionnels, la délinquance comme un symptôme reste majoritairement présente dans l’analyse des situations des mineurs sur les deux juridictions. L’infraction à la fois perçue comme le symptôme d’une situation familiale ou psychologique doit être « réglée » par un apprentissage de la responsabilité du mineur. Pour les professionnels éducateurs, le jeune est un acteur responsable de ses actes, qui doit en rendre compte à la société, mais comme il est mineur, la proposition éducative doit être responsabilisante, éducative. À ce moment, la proposition éducative résulte en une action de la pédagogie de la responsabilisation (Sallée, 2014).

Un double sens dans l’effectivité de la prise en charge des mineurs délinquants

62L’analyse du discours permet d’envisager deux interprétations de l’« effectivité de la prise en charge ». La proposition éducative serait prise dans le paradoxe entre la volonté de l’éducateur d’aider le jeune et la prescription d’une aide à la décision (Rousseau, 2007). Cette effectivité de la prise en charge n’est pas envisagée selon les résultats qu’elle aurait sur le mineur au sens d’une prévention de la récidive.

Une effectivité de la prise en charge au regard de ses possibles effets à l’égard du mineur

63L’interprétation de l’effectivité de la prise en charge consiste à répondre aux problématiques du mineur, de son environnement et à envisager les « effets » possibles de la proposition éducative sur l’évolution du mineur. Cette approche permet donc de répondre dans une certaine mesure à l’individualisation de la « réponse pénale » et aux besoins « criminogènes » du mineur. In fine, la proposition éducative inscrite dans le RRSE résulte en la soumission d’un cadre judiciaire d’intervention (réparation pénale, liberté surveillée préjudicielle, contrôle judiciaire, placement, détention) et en la finalité que cette prise en charge pourrait avoir sur le mineur et sa situation (responsabilisation par rapport aux faits, éloignement du milieu familial à risque pour le mineur/ou sa famille, soutien, accompagnement du jeune/de la famille…).

64L’effectivité de la proposition éducative, si elle s’entend comme le caractère de ce qui peut avoir des conséquences, des effets positifs pour le mineur et sa situation (changements), peut dans une certaine mesure approcher le sens d’une limitation de la récidive.

Une effectivité de la prise en charge au regard des disponibilités du terrain

65La notion de l’effectivité s’entend aussi comme un arbitrage de la proposition éducative consistant en la non-répétition d’une même mesure. La nouvelle proposition serait pour les professionnels effective, car selon eux il serait « [...] complètement stérile de faire des doublons […] ». Derrière la dimension de l’effectivité de la mesure et de son choix s’entend également une proposition qui dépend de sa mise en œuvre immédiate par les institutions judiciaires du terrain. Au travers de ces témoignages, on peut constater que le monde judiciaire n’échange pas ou peu avec le monde éducatif. Il semble que ce soit à la PJJ de savoir ce qui est préconisé, ce qui a été mis en place pour proposer ou non un cadre d’intervention.

66Si l’effectivité de la mesure s’entend comme la mise en œuvre concrète par le service de la PJJ de la décision du magistrat, les services du territoire doivent également faire face à des difficultés dans l’exécution de ces mandats. La réalité de l’équipement joue donc un rôle important dans l’élaboration de la proposition éducative, principalement lorsqu’il s’agit d’un placement. S’il n’y a pas de place sur le territoire, le mineur est renvoyé vers une autre structure d’hébergement ou de placement.

67Il en résulte que la proposition éducative est influencée par les précédentes évaluations effectuées à l’encontre du mineur, qu’elle est dirigée par les réquisitions du parquet et pour finir qu’elle est arbitrée par les disponibilités du terrain.

Une évaluation et une prise en charge suivies d’une mobilisation partielle des modèles RBR et GLM

68Selon le RBR, si l’âge, le sexe et les antécédents judiciaires du mineur sont relevés dans les RRSE, l’analyse de ces dimensions ne s’inscrit pas dans une perspective développementale autour de la règle de la précocité (Carbonneau, 2003) et de l’inscription dans la carrière délinquante (Moffitt, 1993, 2001 ; Morizot et Leblanc, 2000). Selon ces travaux, le phénomène criminel est plus fréquent à certains moments de la vie qu’à d’autres. Ils soulignent que plus tôt le jeune est dans la délinquance et plus tard il risque de persister, de s’y diversifier. La considération des facteurs de risques statiques selon la « persistance, la gradation, l’activation et le polymorphisme » des passages à l’acte permettrait une évaluation des risques de récidive. Les facteurs individuels dynamiques sont également peu référencés dans l’étude des 250 dossiers interrogeant donc l’évaluation selon le sens du principe du risque du RBR (Gautron et Dubourg, 2014 ; Hirschelmann et al., 2013 ; Herzog-Evans, 2012a, 2012b).

69Les facteurs familiaux sont également retranscrits dans une faible proportion. Cependant, dans la majorité des témoignages des professionnels, les éléments intéressants, comme la relation parent-enfant et le fonctionnement familial (la gestion du foyer, les conflits, la séparation des parents, ou les ressources économiques), sont centraux. Dans le discours des professionnels demeure une sorte d’adage important à savoir que la famille représente la loi et le cadre, et l’absence de ceux-ci est associée à un risque de passage à l’acte pour le mineur. Les exemples donnés par les professionnels confirment qu’il n’y a pas réellement de hiérarchisation des facteurs de risque dans l’importance de l’effet qu’ils auraient dans le passage à l’acte.

70Si l’on considère le taux d’investigation des facteurs environnementaux, les données statistiques et les entretiens confirment qu’ils sont peu considérés. Le caractère défavorisé du quartier n’est ni mis en avant dans la rédaction du rapport, quand bien même les professionnels l’auraient à l’esprit, ni exploité par le prisme d’éléments tels que le niveau de revenu des populations, le taux de chômage des adultes, l’hétérogénéité culturelle, la stabilité résidentielle, le pourcentage de la population bénéficiant des aides sociales et le taux de décrochage scolaire… Les professionnels mettent en avant la scolarité des jeunes et les activités qu’ils effectuent durant leur temps libre principalement. La mise en perspective de l’association à des pairs en tant que facteur de risque n’est pas ou peu exploitée dans l’activité évaluative. Si elle est avancée, les pairs sont assimilés comme « cause » dans le passage à l’acte ou la cessation d’activité délinquante. À l’instar du quartier, les pairs et leur influence ont une place dans le discours des professionnels auprès des mineurs et de leur famille. La proposition éducative figurant dans le RRSE cible rarement l’ensemble des facteurs de risque dynamiques et l’intensité de la prise en charge ne considère pas le niveau de risque de récidive du mineur.

71L’évaluation de la situation du mineur permet dans le cadre du RRSE de proposer une solution éducative ciblant le comportement criminel d’une part et de répondre aux besoins criminogènes d’autre part ; il est constaté que l’évaluation de la situation des mineurs intègre aussi les facteurs de protection en tant que levier de la prise en charge. Ainsi les modalités de l’intervention s’inscrivent dans une certaine mesure de l’approche du RBR.

72Nous pouvons également considérer la présence dans l’activité évaluative des professionnels d’une mobilisation partielle du modèle GLM. Pour la constater, ce propos s’articulera autour de quatre dimensions.

73La première, la motivation du mineur à s’inscrire dans une prise en charge ou l’intérêt que le mineur et sa famille perçoivent dans la proposition éducative soumise par l’éducateur. Cet aspect n’est pas ou peu référencé dans le RRSE et dans les verbatims des professionnels.

74La deuxième intéresse la mobilisation des facteurs de protection et des ressources du mineur en tant que levier de la prise en charge. S’il est confirmé que les facteurs ne sont pas référencés de manière systématique, il demeure une inconnue quant à la qualité des facteurs non renseignés (facteurs de protection). Le renseignement des facteurs de protection est dominant dans les domaines familiaux et environnementaux, ce qui confirme un faible intérêt de la part des professionnels sur l’évaluation des facteurs individuels dynamiques.

75La troisième s’intéresse à l’approche du passage à l’acte par les professionnels. Dans cette partie et selon l’analyse des verbatims, l’approche GLM est sous-investie puisque le passage à l’acte est le résultat d’une ou d’un ensemble de problématiques (rejoignant donc l’approche RBR). L’approche et l’intervention des éducateurs tendent dans ce contexte à s’intéresser aux besoins criminogènes et non à identifier les besoins primaires que souhaite atteindre le mineur par le passage à l’acte. Concernant les modalités de l’intervention, ils se rapprochent dans une certaine mesure du GLM via une démarche collaborative entre l’éducateur, le mineur et sa famille, et se veulent pour certains cas participatifs.

76Si l’analyse quantitative et qualitative de l’activité évaluative révèle une mobilisation partielle des modèles RBR et GLM, elle met aussi en perspective certaines contradictions dans l’activité même d’évaluer. En effet, dans la volonté d’individualiser l’évaluation et la prise en charge, l’activité évaluative intègre les tensions produites par le système de justice pénale. Pour finir, alors que l’activité évaluative se veut inscrite dans une approche collaborative et participante de l’éducateur avec le mineur et sa famille, l’approche du parquet intervient de façon prescriptive.

Conclusion

77À l’aube du nouveau CJPM et d’un changement des pratiques professionnelles, il demeure un doute quant à l’utilisation d’outils d’évaluation et des objectifs qu’ils assignent en matière de limitation de la récidive. Si ces outils étaient développés dans les services éducatifs, ils permettraient une structuration du jugement professionnel (Benbouriche, 2012) et une meilleure considération des facteurs individuels et des facteurs de protection. Cependant, les outils d’évaluation ne modifieraient pas le contexte et les conditions de travail qui font partie intégrante de l’activité évaluative. Ainsi, dans le « monde réel », la mise en œuvre effective des principes des modèles d’intervention en criminologie est un défi au regard des conditions de travail qui sont souvent peu propices à leur réalisation (Brogan et al., 2015) (délais restreints, proximité entre les acteurs judiciaires, enjeux de la procédure, disponibilités de terrain, profils de mineurs…).

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Notes

1 La mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE), une des modalités de l’évaluation, est tout comme le RRSE ordonnée par le magistrat. Dans la MJIE, contrairement au RRSE, les éducateurs peuvent être secondés par un assistant social et un psychologue ; la MJIE peut être effectuée sur un temps plus long que le RRSE.

2 Infraction, stade de la procédure judiciaire, proposition éducative, nom et prénom du mineur, âge et sexe du mineur, antécédents au civil et au pénal, adresse, lieu de naissance du mineur, situation maritale et professionnelle des parents, lieu et vie de famille, scolarité, loisirs et le déroulement de l’entretien.

3 Les recherches criminologiques ont permis d’identifier les principaux facteurs statistiquement associés à la délinquance et à la récidive (facteurs de risque), ainsi que ceux qui entrent en jeu dans le processus de sortie de la délinquance (facteurs de protection), voir notes 8 et 9.

4 Durant cette recherche 231 programmes de réhabilitation mis en œuvre de 1945 à 1967 ont été étudiés. Ces programmes recouvraient des thérapies de groupe, des approches éducatives, des formations professionnelles et des interventions médicales.

5 « […] with few and isolated exceptions, the rehabilitative efforts that have been reported so far have had no appreciable effect on recidivism. »

6 Dans la traduction de Lalande p. 41. « Do all of these studies lead us irrevocably to the conclusion that nothing works, that we haven’t the faintest clue about how to rehabilitate offenders and reduce recidivism? » (Martinson, 1974, op. cit., p. 48).

7 Il s’agit de facteurs qui sont immuables et qui ne se modifient pas au fil du temps. Ils sont athéoriques, exemples : âge de la première infraction, antécédents judiciaires, antécédent de toxicomanie.

8 Ce sont des facteurs qui touchent la situation actuelle du délinquant et qui peuvent se modifier (au cours du temps ou avec une intervention) comme par exemple les addictions.

9 Ces outils ont été élaborés dans les années quatre-vingt et ont été présentés officiellement en 1990.

10 Youth Level of Service/Case Management Inventory : basé sur le modèle du RBR, il est un outil de gestion des risques de récidive et d’évaluation des adolescents délinquants. Il est un dérivé du LSI-R (Level service Inventory-Revised) utilisé pour les adultes délinquants.

11 Dans ses travaux sur le GLM, Ward identifie onze besoins fondamentaux : la vie, le savoir, l’accomplissement dans les loisirs, l’accomplissement dans le travail, l’autonomie, l’équilibre émotionnel, l’amitié, la communauté, la spiritualité, le bonheur, la créativité.

12 Il s’agit des moyens à mobiliser pour parvenir à satisfaire les besoins humains fondamentaux.

13 ILS : infraction à la législation sur les stupéfiants.

14 LSP : liberté surveillée préjudicielle.

15 CEF : centre éducatif fermé.

16 CPI : centre de placement immédiat.

17 JLD : juge des libertés.

18 Voir tableau 3.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jessica Filippi, « L’évaluation des mineurs délinquants : une entreprise peu axée sur la limitation de la récidive »Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], 24 | Printemps 2020, mis en ligne le 30 août 2020, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sejed/10522

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Auteur

Jessica Filippi

Chercheure en droit et criminologie à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse, chercheure associée au Centre de la pénalité de la sécurité et des déviances, université libre de Bruxelles.

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Droits d’auteur

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