1Le domaine de l’entraînement sportif pose avec une pertinence spécifique la problématique de l’efficacité des interventions auprès des pratiquants. Ces interventions visent l’optimisation des performances dans une logique sportive, performances révélatrices dans une certaine mesure de l’influence propre et des compétences des entraîneurs. Ces compétences notamment celles des entraîneurs experts, figure emblématique de l’excellence professionnelle, ont suscité un vif intérêt compréhensif.
2Plusieurs auteurs (Malglaive, 1990 ; Le Boterf, 1998) distinguent différentes catégories de connaissances contribuant à la compétence. Une différenciation globale et consensuelle entre les auteurs s’établit entre connaissances théoriques et connaissances pratiques. Dans le domaine de l’entraînement sportif, l’activité des entraîneurs est généralement rationalisée et légitimée en la référant à des connaissances scientifiques. Elle consisterait, selon le modèle de la « rationalité technique » (Schön, 1983) à résoudre des problèmes pratiques grâce à des théories et techniques scientifiques. Ce modèle ne permet cependant pas de rendre compte de la façon selon laquelle les entraîneurs font face au caractère imprévisible, mouvant, énigmatique de leurs situations de travail. Il semble alors pertinent de reconnaître l’expérience pratique des acteurs et de s’intéresser aux connaissances implicites, non encore formalisées, qui s’expriment dans l’action. La recherche présentée porte sur l’activité des entraîneurs experts en gymnastique artistique et vise à comprendre les ressources cognitives à l’œuvre au cours même des situations d’entraînement.
3La volonté constante d’amélioration des performances s’est accompagnée d’un accroissement de la complexité et de la diversité des fonctions des entraîneurs. Conjointement, dans une logique de spécialisation progressive, des intervenants (en préparation physique ou mentale par exemple) s’installent sur les défaillances de l’entraîneur et révèlent un processus de division du travail (Mignon, 2003). L’expertise apparaissant « comme une connaissance hautement spécialisée » (Tochon, 1993), la recherche s’est focalisée sur un aspect particulier de l’activité des entraîneurs qui concerne la transmission des techniques gymniques. L’étude s’est précisément penchée sur la manière dont s’y prennent les entraîneurs experts en gymnastique artistique pour faire apprendre des habiletés aux gymnastes, et plus précisément sur les relations entre leurs observations du mouvement gymnique et leurs prescriptions de transformation. L’observation de séquences d’interactions entraîneur-gymnaste révèle que l’entraîneur intervient de différentes façons : en manipulant corporellement le gymnaste, en lui adressant des consignes verbales, en lui proposant des représentations schématisées à la craie sur des tapis ou des tableaux, des démonstrations du mouvement avec les mains ou le corps, ou à l’aide de vidéos. L’étude visait la compréhension des compétences cognitives notamment perceptives qui sont en arrière‑plan de ces prescriptions.
4Les recherches scientifiques sur l’efficacité des entraîneurs ont déplacé leur centration des comportements manifestes des « entraîneurs à succès » vers ce qui les génère, leurs cognitions. Des travaux, inspirés de la psychologie cognitive, rapportent l’efficacité à la pertinence des opérations cognitives comme la perception par exemple, et aux connaissances stockées. Les études considèrent par exemple les décisions interactives et la modification des plans de séances (Demers et Tousignant, 1998), les éléments d’informations pris en compte dans la décision (Gilbert et al., 1999 ; Tanguay et Tousignant, 1998). L’expertise est envisagée comme efficacité décisionnelle : elle se rapporte à des processus de diagnostics et de prises de décisions de nature algorithmique. Elle repose sur l’idée que le monde est donné, qu’il « confie aux organes des sens des messages qui doivent être portés, puis déchiffrés, de manière à produire en nous le texte original. » (Merleau‑Ponty, 1945).
5Dans ce cadre paradigmatique, un effort de formalisation des connaissances s’est développé afin de fournir aux entraîneurs novices les connaissances nécessaires pour prendre des indices informatifs pertinents. Thomas, Fiard, Soulard et Chautemps (1990) proposent par exemple, une « trame dynamique » comme modèle de compréhension du mouvement gymnique destiné à orienter l’observation et l’analyse des comportements gymniques pour prescrire des transformations aux gymnastes. Pour Pernet (1994), c’est la connaissance parfaite des techniques, en référence à une forme canonique, qui doit permettre à l’entraîneur d’intervenir auprès des gymnastes pour transformer leurs habiletés gymniques. Cette idée s’illustre dans les analyses techniques des habiletés gymniques qu’il propose dans son ouvrage et dans le Mémento des Activités Gymniques (1997) où sont présentées des analyses descriptives, biomécaniques et musculaires précises des habiletés principales à chaque agrès. Selon ce type de modèle, les entraîneurs fonctionneraient selon des algorithmes qui associent de façon relativement rigide des perceptions (de conduites typiques par exemple) avec des prescriptions : le paradigme cognitiviste sous-jacent a en effet pour corrélat un objectivisme strict selon lequel être expert suppose la capacité à établir des correspondances univoques entre le monde extérieur et des représentations. Les recherches effectuées selon cette approche ont mis en évidence les limites des modèles algorithmiques pour comprendre l’activité réelle des entraîneurs, car la définition a priori de « chemins décisionnels » ne permet pas l’accès aux intentions des entraîneurs et la mise à jour du caractère approprié de leurs décisions (Jones et al., 1997).
6D’autres recherches ont émergé dans un paradigme que Dosse (1995) qualifie d’« interprétatif ». Elles reconnaissent que les entraîneurs déploient une activité cruciale de délimitation et d’interprétation des problèmes à résoudre, étroitement liée aux significations qu’ils attribuent aux situations qu’ils vivent in situ. Elles dépassent la conception déterminée et réaliste de l’acte perceptif qui sépare les deux pôles de la perception : le sujet et l’objet. Ces derniers ne sont plus alors posés dans un rapport frontal, en extériorité par rapport à l’autre. Ils font système. L’acteur interagit à chaque instant avec un environnement signifiant à l’émergence duquel il a lui-même contribué. Cette perspective épistémologique déplace l’objet d’étude des recherches d’une compréhension fermée (prédéterminée) des prises de décision à une ouverture compréhensive de l’interprétation des situations par les acteurs. Dans ce cadre, l’objet de l’étude s’est porté sur les connaissances mobilisées dans l’action, finalisées par la transformation des habiletés gymniques et envisagées indissociablement de la construction de significations dans l’action.
7S’agissant de l’étude de compétences en tant qu’elles sont investies dans les situations pratiques, le cadre théorique retenu est celui de l’anthropologie cognitive située. Les théories de l’action et de la cognition situées (Suchman, 1987 ; Hutchins, 1994) envisagent l’activité comme émergeant des circonstances matérielles et sociales, c’est-à-dire de la situation telle qu’elle est vécue par l’entraîneur. Pour comprendre l’activité notamment perceptive des entraîneurs experts, il s’agit alors de la documenter en valorisant leur point de vue de sujet agissant. La description et l’analyse de l’activité s’effectuent avec un matériau constitué à partir de l’observation des entraîneurs en situation écologique la plus ordinaire possible. Le terrain de l’étude est celui de l’entraînement sportif de haut niveau. La recherche, implantée dans un club sportif de niveau national, ainsi que dans deux centres d’entraînement nationaux de la Fédération Française de Gymnastique (FFG), s’est appuyée sur des études de cas. Deux entraîneurs féminins et dix entraîneurs masculins ont été suivis au cours de leur activité professionnelle auprès de gymnastes de 7 à 23 ans. Ils ont tous au minimum dix années d’expérience professionnelle dans le domaine de l’entraînement et ont été retenus comme experts pour l’étude à partir de leur désignation par les membres de la communauté gymnique (entraîneurs, dirigeants de clubs, représentants de la FFG). Ils sont identifiés dans la suite du texte par les initiales de A à L. La méthodologie retenue visait à décrire l’activité de l’entraîneur en croisant des données en première et en troisième personne (Vermersch, 1994). Deux types de matériaux complémentaires ont été élaborés : i) des données d’observation du flux de comportements, c’est-à-dire les comportements observables de l’entraîneur au cours de l’entraînement tels que ses communications verbales, ses placements et déplacements, ses gestes, ses manipulations corporelles des gymnastes – ces données recueillies à l’aide de support papier, audio et vidéo constituent des traces de l’activité, présentées à l’entraîneur, elles lui permettent de se focaliser sur son activité réelle passée afin de l’expliciter – ; ii) des verbalisations réflexives produites par l’entraîneur au cours d’entretiens menés dans un délai très court après une séquence d’entraînement. Les questions invitent l’entraîneur à décrire ce qu’il repère comme particulièrement significatif, à discerner ce qu’il perçoit directement ou par inférence, à préciser ces perceptions et les liens établis avec les prescriptions de transformations qu’il propose au gymnaste.
8Une méthodologie originale a été développée. Elle consiste dans le rapprochement entre la technique de l’instruction au sosie (Oddone et al., 1981) et l’observation participante ; elle peut ainsi être qualifiée d’« instruction au pair ». Celle-ci se caractérise par une situation d’entretien au cours de laquelle l’entraîneur adresse son discours à un pair reconnu (en l’occurrence, le chercheur, qui est aussi un entraîneur-gymnaste reconnu comme tel par l’entraîneur interviewé), pour l’instruire de son savoir. Elle permet l’élaboration de données en deuxième personne (Vermersch, 1994) qui relèvent de ce que peut comprendre, ressentir avec empathie le chercheur de l’expérience subjective de l’entraîneur. Les matériaux recueillis ont fait l’objet d’une analyse qualitative inductive. La méthode comparative continue (Strauss, 1992) a été utilisée afin de produire des résultats théoriques intégrés aux matériaux recueillis.
9Lors de leur activité d’enseignement, les entraîneurs experts repèrent dans les habiletés gymniques globales produites par le gymnaste des éléments discrets. Ces éléments sont nommés par les entraîneurs « phases de placement » ou « phases techniques » et correspondent à des positions particulières du corps c’est‑à-dire à des agencements particuliers des « entités corporelles discrètes » (Cizeron, 2002) à un instant particulier. Ces phases de placement font l’objet d’une attention particulière et d’interventions spécifiques, notamment en période d’acquisition d’une habileté nouvelle. Les interventions sur ces séquences se manifestent par des manipulations corporelles visant à placer le gymnaste dans la position attendue, par des aménagements matériels favorisant une réalisation adéquate, par des prescriptions démonstratives à l’aide du corps ou des mains, par des verbalisations accompagnées parfois de représentations imagées issues de dessins ou de films vidéo montrant le gymnaste dans une position précise à un moment donné. Ces interventions visent à favoriser la réalisation de séquences de formes corporelles qui composent l’habileté gymnique globale.
10Les entraîneurs identifient deux voies de transmission utilisées en fonction des habiletés : i) soit ils font apprendre les phases de placement indépendamment d’une réalisation globale, parfois de manière relativement statique – c’est-à-dire décontextualisée du mouvement –, puis ils font transiter le gymnaste de l’une à l’autre ; ii) soit ils s’appuient sur une réalisation globale de l’habileté gymnique pour y insérer les séquences attendues et modifier, affiner l’aspect de la réalisation. Faire apprendre en gymnastique artistique consisterait pour les entraîneurs à faire transiter le corps du gymnaste de formes en formes créant ainsi une structuration temporelle de phases de placement. Cette structuration est souvent présentée pour les gymnastes comme une succession dans le temps des différentes séquences. L’entraîneur B s’adresse à une gymnaste après sa réalisation d’une habileté gymnique au saut : « Dans un premier temps je repousse, mon regard est droit devant, je regarde ce qui se passe, puis je groupe. T’as posé tes mains et t’as fait ça ; tu les as enlevées. Il te manque la partie redressement et déclenchement. » Si les entraîneurs prescrivent des transformations concernant les phases de placement ou les actions qui permettent de cheminer de l’une à l’autre, ceci ne présage pas de ce qu’ils voient effectivement du mouvement gymnique. L’étude s’est donc penchée sur les éléments signifiants du mouvement leur permettant de prescrire ces transformations.
11Les résultats de l’étude montrent que les entraîneurs experts perçoivent et jugent les réalisations des gymnastes en comparant ce qu’ils voient à un modèle de formes idéales. Ils s’expriment sur ce modèle en le qualifiant de « calque » et soulignent une activité mentale de superposition du modèle aux formes corporelles produites mettant en relief des décalages éventuels. Ils jugent ainsi de ce qu’ils voient en termes de conformité au modèle-calque et interviennent en cherchant à réduire ou gommer les différences qu’ils constatent.
12Les consignes et les représentations schématisées que les entraîneurs adressent aux gymnastes montrent que le modèle-calque est constitué d’une succession chronologique d’images représentant le corps de profil dans une position particulière, caractéristique de ce que les entraîneurs appellent une « phase de placement » (Rolland, 2004). Celles-ci correspondent à des phases transitoires du mouvement gymnique, ainsi séquentialisé en figures géométriques successives. Les formes corporelles figurées sont signifiantes pour les entraîneurs. Les résultats de l’étude montrent qu’elles structurent leur activité perceptive.
13L’enchaînement des phases de placement est pour les entraîneurs sous l’effet d’un ordre logique qui est au fondement de leur compréhension du mouvement gymnique. Les relations logiques qu’ils établissent ont un aspect diachronique et un aspect synchronique. Dans leur aspect diachronique, les phases de placement ordonnent pour les entraîneurs le mouvement gymnique selon une causalité en quelque sorte descendante : l’amont déterminant l’aval. Les explications fournies par l’entraîneur I à un gymnaste lors d’un exercice aux barres parallèles illustrent ce résultat : « Si tu fais une tour et que tu enlèves la base, ça fait quoi ? ça tombe ! C’est quoi ta base dans cet élément ? Le balancé avant. Après tu fais demi-tour, demi‑tour, équilibre dur. Si tu ne fais pas le balancé jusqu’au bout, y’a pas la suite, c’est logique. » Cet exemple montre que l’entraîneur identifie une première phase de placement qui correspond à la fin du « balancé avant », qui constitue pour lui une condition causale de la phase de placement suivante. La connaissance de cet ordre causal leur permet de remonter à tout moment dans la chaine causale et d’expliquer un effet perçu du mouvement gymnique, par la détermination d’une phase antécédente non directement perçue, mais en quelque sorte, logiquement inférée. Pour exemple, l’entraîneur J manipule un gymnaste afin qu’il réalise un double salto arrière groupé et indique au gymnaste sa position au moment de l’impulsion des jambes : « tu es penché en avant ; redresse et tape. » Invité à expliciter la façon dont il voyait cette position « penché vers l’avant », l’entraîneur indique : « en fait, je le sais par rapport à la trajectoire que prend le corps en l’air, là où je suis je ne peux pas le voir. »
14Les entraîneurs établissent également des relations logiques à un niveau synchronique, c’est-à-dire au sein de chaque phase de placement. Les résultats de l’étude montrent que les phases présentent pour eux différentes propriétés : géométriques, topologiques, dynamiques, temporelles. Les propriétés géométriques correspondent au positionnement à un moment de la réalisation des différents segments corporels. Cette forme géométrique présente des propriétés topologiques en fonction de sa position dans l’espace d’évolution, agrès ou d’autres éléments matériels, ainsi que des propriétés temporelles liées à sa durée, son moment de déclenchement, sa structuration rythmique. Les propriétés dynamiques correspondent à l’attitude active du gymnaste (le grandissement du corps par exemple), sa mobilisation musculaire, son état de tonicité. « Différents types de relations causales » émergent des prescriptions adressées aux gymnastes (Cizeron & Gal-Petitfaux, 2005). Les entraîneurs s’appuient sur un modèle empirique de causalité pratique pour transformer les habiletés gymniques : en agissant sur une propriété, ils agissent aussi sur les autres. L’étude révèle que les entraîneurs caractérisent les phases de placement en leur attribuant des propriétés cohérentes entre elles, à partir d’éléments discrets perçus comme la position d’une seule entité corporelle ou sa situation spatiale par rapport à des repères matériels. L’entraîneur I interrogé sur la façon dont il a perçu la prise de vitesse d’un gymnaste (propriété temporelle), indique au chercheur qu’il l’a vue « car ses épaules sont parties en avant » (propriété topologique).
15L’expertise perceptive des entraîneurs repose sur leur capacité de jugement des productions par rapport à un modèle de formes corporelles. L’expérience de l’instruction au pair a montré que les entraîneurs experts s’appuient sur ces formes de manière implicite pour transformer les habiletés gymniques ; en effet, ils ne font pas d’emblée allusion à leur présence pour en faciliter la perception au chercheur. Au cours de l’enseignement d’une sortie en barres parallèles par exemple, l’entraîneur explicitait l’importance qu’il accordait à l’observation du « placement du bassin » du gymnaste juste avant qu’il ne lâche l’agrès. Instruit par cette seule indication, et dirigeant son regard en conséquence sur le « placement du bassin » des gymnastes, le chercheur ne pouvait comprendre le sens des remarques adressées par l’entraîneur au gymnaste, apparemment paradoxales puisque celles-ci portaient sur « la perte de l’appui manuel ». C’est ce défaut de compréhension qui a conduit le chercheur à ne pas se satisfaire du degré d’explicitation spontanément fourni par l’entraîneur et à poursuivre avec lui le processus d’instruction, en soulignant avec lui les paradoxes entre ce qu’il disait regarder et ce qu’il adressait comme remarques au gymnaste. Ceci a permis de mettre en évidence le fait que l’entraîneur centrait l’attention du chercheur sur le « placement du bassin » alors même qu’il ne regardait pas précisément lui-même le bassin, mais une forme globale plus complexe et dynamique au moment où le gymnaste lâchait l’agrès, forme validée par la trajectoire de déplacement du corps après le lâcher. Cette forme dynamique signifiante apparaît comme une sorte de structure d’intelligibilité du savoir-faire gymnique, dans laquelle le « placement du bassin » a un rôle particulier. Elle est apparue au chercheur non pas en modifiant le focus du regard mais en effectuant un effort de compréhension des relations logiques diachroniques et synchroniques permettant d’intervenir. Cet aspect laisse supposer que cette connaissance cinématique empirique et pragmatique ne peut se construire en dehors du contexte d’expérience de l’activité de transmission.
16L’étude a mis en évidence que les compétences des entraîneurs experts pour transformer les habiletés gymniques reposent en partie sur des savoir‑faire perceptifs. A partir de certains éléments discrets du mouvement, ils identifient des formes corporelles transitoires, des totalités signifiantes qui leur permettent de se rendre intelligible le mouvement gymnique. Les formes identifiées synthétisent ainsi des relations logiques complexes : celles qui lient les formes successives entre elles et celles qui lient les propriétés assignées à ces formes. Cette identification est plus précisément une synthèse par détermination réciproque du tout et des parties, la perception étant d’emblée perception d’un ensemble. Ces structures signifiantes pourraient s’apparenter à des gestalts qui sont d’emblée signification et moyen d’action, c’est-à-dire qui prennent sens sur ce qu’il est possible d’en faire pour transformer les habiletés gymniques. Pour les gestaltistes, l’organisation perceptive consiste à établir dans la mosaïque visuelle une discrimination entre des éléments auxquels on accorde le statut de forme ou de figure et d’autres qui constituent le fond ou l’environnement, ce qui revient à distinguer l’objet de l’environnement. L’émergence d’une forme se produit par un processus de « groupement spontané » des stimuli du champ sensoriel qui sont perçus comme des ensembles structurés, à partir de certains mécanismes naturels d’organisation. Les formes perçues par les entraîneurs pourraient alors être qualifiées d’expérientielles dans la mesure où elles sont construites en établissant progressivement des liens logiques entre des prescriptions de transformation et des effets produits.