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La construction d’une expertise : le cas de la prévention du dopage

The building of an expertise: the case of doping prevention
La construcción de un peritaje : el caso de la prevención del dopaje
Olivier Le Noé et Patrick Trabal
p. 136-153

Résumés

En France, à partir des années 1990, l’Etat a commencé à se préoccuper de la prévention du dopage et s’est appuyé sur quelques acteurs qui se sont peu à peu institués comme un groupe d’experts. Cet article s’efforce à un premier niveau de décrire ce processus en analysant les relations entre une administration des sports qui pose peu de contraintes et des « préventologues » (c’est ainsi qu’ils s’auto-désignent) qui s’organisent pour se rendre incontournables. Dans un deuxième moment, nous avons étudié les façons dont ce groupe construit scientifiquement son expertise et les messages qu’il diffuse lors de ces campagnes de prévention. Notre analyse souligne les tensions entre leur difficulté à inscrire ces connaissances dans des disciplines académiques d’une part, et leur propension à rappeler la légitimité scientifique de leur propos par des arguments d’autorité, d’autre part. Enfin, l’étude de leurs relations avec le terrain, c'est-à-dire avec les personnes en contact avec les cibles de la prévention montre une profonde asymétrie. En interrogeant les conditions de pérennisation de ce groupe d’experts, il apparaît que c’est sans doute cette distance avec la réalité des actions de terrain qui constitue à la fois une ressource et une menace pour sa perpétuation.

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Texte intégral

1Le dopage est un objet complexe dans lequel s’entremêlent des dimensions sportives, médiatiques, juridiques, économiques, scientifiques. Cette complexité se caractérise par le fait qu’aucun des points de vue ne peut prétendre imposer un jugement contre les autres. Les connaissances scientifiques et leur statut sont donc à négocier au cours d’épreuves (Chateauraynaud, 1991) qui se déroulent dans des arènes et des moments différents pas toujours prévus par les acteurs. Dans ce texte, nous décrivons un aspect particulier de la lutte contre le dopage : sa prévention.

2Il existe plusieurs enjeux à prendre les activités de prévention pour objet. A un premier niveau, il s’agit de repérer comment historiquement ce travail, au sens que lui donne de la sociologie des professions, s’est constitué, comment il répond à une demande sociale (en particulier politique). Plus précisément, comment ceux qui ont accepté cette mission ont-ils pu s’ériger en experts de la prévention du dopage ? En dehors de ce processus d’institutionnalisation, nous souhaitons décrire le travail des différents protagonistes, c’est-à-dire repérer les compétences mobilisées par les acteurs dans leur activité et en particulier les façons dont des savoirs scientifiques sont convoqués, construits, organisés, transmis, discutés. A un deuxième niveau, c’est donc une sociologie des sciences qui est en jeu, dans une valence peu travaillée : celle qui étudie les façons dont la science se dit. Rares sont les recherches qui prennent pour objet les opérations de vulgarisation, ou pour dire les choses de façon moins péjorative, de transmission ou de formation desdits savoirs scientifiques (Trabal, 1997). Plus précisément, l’un des enjeux de notre objet de recherche revient à travailler l’articulation de deux approches sociologiques : l’une qui pointe une dimension politique engagée par la définition et la stabilisation d’une activité professionnelle au service d’une des missions de l’Etat, l’autre qui renvoie aux modalités d’exercice de cette activité, laquelle engage un rapport qui reste à décrire avec le monde scientifique. Pour mener à bien cet objectif, nous nous appuyons sur plusieurs sources. Notre équipe a mené plusieurs enquêtes au cours desquelles nous avons recueilli des témoignages de sportifs – qui évoquent à la marge la prévention (Trabal et al., 2006 ; Le Noé et Trabal, 2008) – des entretiens des responsables de la lutte antidopage confrontés à un matériau divers – observations de terrain, presse, entretiens avec des détracteurs de la politique menée (Trabal et al., 2009 ; Trabal, 2009) –, des données issues d’une mission confiée par le Ministère chargé des sports qui nous a permis d’observer les activités de responsables de la prévention (Trabal et al., 2008). La diversité de ce matériau nous permet d’envisager de répondre à une série de questions. Dans quelles conditions ce groupe de personnes, (elles se définissent comme des « préventologues »), s’est‑il constitué ? Par quels procédés s’efforce-il de préserver son existence et sa légitimité ? Comment des connaissances scientifiques sont‑elles mobilisées, construites, exhibées et discutées pour cela ? Quelles sont les épreuves qui surgissent, plaçant ainsi ce groupe dans des incertitudes à l’issue desquelles il peut être menacé, modifié, renforcé ou affaibli ?

3Les réponses à ces questions engagent une discussion entre une sociologie qui met à jour des stratégies pour la reconnaissance d’une cause portée par un groupe social et une autre qui s’efforce de décrire des épreuves au cours desquelles les équilibres et les rapports de force, tant institutionnels que scientifiques, se stabilisent ou se reconfigurent. Nous l’organiserons en donnant, dans un premier temps, quelques éléments de l’histoire de la prévention du dopage en France, lesquels nous permettront de comprendre comment une situation s’est installée. Dans un deuxième moment, on pourra alors saisir les modalités de production de savoirs, que nous qualifierons d’hybrides, dans ce contexte marqué par une reconfiguration de la prévention. Ce qui nous conduira à décrire, dans un dernier temps, le travail qui consiste à « durcir des faits » (Latour, 1987), pour assurer une légitimité institutionnelle, à son tour mobilisée pour défendre une série de connaissances. Mais revenons préalablement sur le contexte historique dans lequel s’organise la prévention du dopage.

Genèse d’une catégorie d’intervention publique : la prévention du dopage

  • 1 C’est la Belgique qui se dotera de la première législation en 1965 ; la France l’imitera quelques m (...)

4La définition du dopage comme problème social renvoie à un travail politique réalisé par quelques médecins dans les années 1950 (Brissonneau et Le Noé, 2006) et qui a débouché sur une première série de lois et règlements dans la deuxième partie des années 19601. Les dimensions coercitive et répressive ont dominé ces différents textes législatifs qui visent ainsi à définir ce qui est interdit et ce qui ne l’est pas (Vigarello, 1999, Laure, 2000a, Le Noé, 2000), à repérer les sportifs ayant transgressé ces règles (Trabal et al., 2006) et à les sanctionner (Ozdirekcan, 2002). Les scientifiques sont alors convoqués pour déterminer les procédés et produits à proscrire ainsi que les seuils de tolérance, pour prélever des échantillons d’urine, de sang ou de phanères (les cheveux, les poils, les ongles…) et assurer leurs conditions d’acheminement vers les laboratoires sans qu’ils subissent de détériorations trop gênantes pour l’analyse et, le cas échéant, pour faire la preuve de la culpabilité devant des arènes arbitrales et/ou juridiques. L’ensemble de ces activités est particulièrement médiatisé puisque les résultats sportifs, les valeurs morales et la carrière des champions ainsi que la crédibilité du sport en dépendent (Duret et Trabal, 2001). Dans l’espace public, c’est surtout en cas de crise, c’est‑à-dire dans ces moments particuliers au cours desquels l’importance des pratiques dopantes ou l’inefficacité des contrôles antidopage suscitent indignations, que la prévention du dopage émerge comme une solution alternative avec le double avantage d’apparaître à la fois moins polémique et moins coûteuse.

Un complément récent de l’arsenal de la lutte anti-dopage

  • 2 Le colloque d’Uriage « constate qu’il est urgent et indispensable qu’une instance internationale ét (...)

5La prise en compte de la dimension préventive dans l’arsenal de la lutte antidopage s’observe au moment de la loi de 1989, dite loi Bambuck. Ce texte prévoit la mise en place d’une Commission Nationale de Lutte contre le Dopage (CNLD) ayant pour mission de « prévenir et [à] combattre le dopage ». Le Professeur Escande l’a présidée à partir de 1990, mais sa volonté de « traiter le dopage comme une épidémie » (Néri, 1998) et la radicalité de ses positions le conduiront à démissionner avec éclat, en 1996, en déclarant refuser d’être « le Docteur Garetta du dopage » (L’Humanité, 13 juillet 1996). Dans les faits, la valence préventive était pratiquement inexistante, ce qui n’empêchait pas des initiatives locales de se développer. Alors que Marie-Georges Buffet prépare sa loi (elle sera votée en 1999), éclate le scandale du Tour de France 1998. En sus de la lutte contre les pourvoyeurs qui la caractérise, cette loi crée le Conseil de Prévention et de Lutte contre le Dopage (CPLD) pour remplacer la CNLD qui ne s’était en fait jamais réunie (Auneau, 2001). La nécessité de réagir face à ce « tsunami » qu’a constitué le Tour de France 1998, la volonté politique affichée par le Ministère de s’occuper du dopage et de publiciser son action ont conduit à la multiplication d’initiatives locales portées par quelques personnes pour « faire de la prévention », puis pour l’encadrer et la doter d’outils divers. C’est donc à cette période que la prévention du dopage prend réellement son essor en France et le mouvement olympique se montre, dans cette perspective, particulièrement actif. Au même moment, naît l’Agence Mondiale Antidopage (AMA). Cette institution attendue dès les années 19602 n’émergera que 35 ans plus tard, dans des conditions marquées par la faiblesse du mouvement sportif (Demeslay et Trabal, 2007). Elle édite un Code Mondial Antidopage qui prendra le statut d’un traité international en 2006, contraignant du même coup la France à mettre sa législation en conformité avec ce texte. C’est la loi Lamour (2006) qui accomplira cette opération en créant, sur le modèle de l’AMA, l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD), laquelle remplacera le CPLD et confiera au Ministère chargé des Sports la responsabilité d’organiser la prévention.

6L’état des lieux que l’on peut dresser en matière de prévention du dopage menée par l’Etat à l’orée du xxie siècle est assez succinct. Sous les auspices de la CNLD (issue de la loi de 1989), le dopage n’a donné lieu à aucune action de prévention. Après le vote de la loi Buffet (1999), au CPLD, seule une personne était engagée dans cette mission. La loi Lamour (2006) confie à un bureau du ministère en charge des sports la compétence de coordonner la prévention. Depuis 2007, les ressources à sa disposition n’ont cessé de se contracter. La prévention du dopage s’inscrit donc, en France, dans une histoire récente marquée par un contexte particulier qui a conduit l’Etat à organiser peu à peu la prévention, tandis que déjà des acteurs tentaient, souvent isolément, d’agir. Cette lecture « fonctionnaliste » de la prévention présente assurément des limites sur lesquelles nous reviendrons, mais sa commodité didactique permet d’expliciter la situation dans laquelle un ensemble de personnes se sont retrouvées, avec la charge de « faire de la prévention ». Comment se sont-elles mobilisées sur cette question ? Comment ont-elles construit leurs ressources ? Quels étaient leurs points de repère ?

L’émergence d’un groupe d’experts

7Deux figures contrastées d’expertise (Castel, 1985) peuvent être convoquées pour analyser ces politiques de prévention du dopage. Du côté d’une opposition délibérément durcie, l’expert mandaté est doté d’un ensemble de ressources spécifiques que mobilise l’institution demanderesse. Cette situation d’expertise en fait un professionnel chargé d’établir un bilan à partir de sa compétence spécialisée. L’avis rendu s’inscrit dans une relation de service au sein de laquelle l’expert occupe une position de dispensateur d’informations dont l’institution commanditaire conserve la maîtrise. L’expert n’est pas décideur mais plutôt un transmetteur d’avis. A l’opposé, l’expert instituant est moins celui qui porte du dehors une évaluation neutre de la mesure de prévention expertisée que celui qui constitue du dedans cette action. Dans le premier cas, l’expertise reste une relation de service ; dans le second, elle est relation d’imposition, définissant un cadre légitime d’exercice de la prévention. L’intérêt de cette modélisation est qu’elle offre une piste pour comprendre le processus de construction de la légitimité que peut réaliser l’expertise scientifique, exerçant une sorte de magistère, certes fondé sur un savoir abstrait formant la ressource spécifique du spécialiste, mais qui produit des faits normatifs capables de revêtir un statut uniformisant. Le fruit des expertises instituantes aura en effet pour issue l’accès ou l’interdiction d’accès à une forme de prévention validée par un comité s’appuyant sur des ressources scientifiques. En témoigne le type de production éditoriale issue de ces situations d’expertise comme les guides de « bonnes pratiques » et de bonnes ressources.

8Comment s’opère l’accès à ces positions d’expertise instituante ? Pour pouvoir y prétendre, les intéressés doivent être détenteurs de compétences le plus souvent certifiées par des titres précis : docteur en médecine, psychologue, pharmacien… Autrement dit, les individus, pour être auditionnés, doivent l’être ès qualité justifiant du même coup, la raison de leur contribution. Pour nécessaire qu’elle soit, cette condition n’est pas suffisante. Il faut en effet y ajouter le fait que la parole n’est donnée qu’à ceux qui se sont constitués explicitement pour pouvoir la prendre, le plus souvent au nom de groupes et d’intérêts qu’ils représentent. La recevabilité et la visibilité des experts potentiels tiennent donc à leur participation antérieure au débat. Plus prosaïquement, ceux à qui la parole est donnée s’y attendent parce qu’ils ont tout fait pour y parvenir dans le but de peser sur le débat. Si l’on dépasse cette opposition, il semble que les positions d’expertise instituante permettent par la suite l’obtention de mandats (sous la forme de sollicitations dans des groupes de travail, d’évaluations de projets de recherche). De sorte que ce modèle conduit à distinguer les moments dans lesquels un travail politique et scientifique est nécessaire pour « s’instituer » et un moment où il débouche sur des mandats dont on peut faire valoir la possession.

9Entre les deux types proposés par le modèle de Castel, les experts en prévention du dopage semblent donc figurer une position convergente : il existe bien une institution épisodiquement demanderesse, dans la mesure où l’Etat inscrit la prévention à trois reprises dans ses lois antidopage mais l’administration a renoncé à poser des contraintes de mise en œuvre dans la durée, laissant ainsi aux acteurs mobilisés le loisir de s’instituer et d’organiser cette activité. Cette sollicitation peu contraignante a rendu les propriétés de ces experts et de leurs expertises difficilement saisissables. Les incidences de cette zone d’incertitude entourant les formes de prévention du dopage ont conduit les autorités ministérielles, dans le sillage de la loi Lamour, à tenter de mieux connaître cet univers dont elles avaient favorisé le développement : c’est ainsi que peuvent se comprendre les deux entreprises de totalisation de cette activité (CPLD, 2004 ; MSJS, 2008).

10La force de ces experts tient à la faiblesse des contraintes imposées par l’administration. Les lacunes de l’encadrement public présentent aussi bien des failles dans la cohérence de l’ensemble que dans la délimitation de ses frontières. Pour comprendre ce qui charpente ce groupe, il est nécessaire de décrire l’activité de ses membres.

Une compétence interstitielle amalgame de sciences et d’ingénierie sociale

11Une façon de saisir la construction de cette expertise consiste donc à repérer son contenu. Ce changement de niveau d’analyse est décisif pour articuler une sociologie de l’expertise qui engage les pouvoirs et les organisations dans lesquels ils sont mis à l’épreuve et une sociologie de la connaissance. Le premier moment de ce parcours revient à prolonger notre approche historique pour repérer les ressources disponibles convoquées par les acteurs qui se sont engagés dans la prévention.

L’inscription dans les précédents de la prévention sanitaire

12La question de la prévention s’est déjà posée dans quelques autres domaines de la vie sociale. Ceux qui ont à cœur de prévenir des dangers du dopage ont puisé dans ces expériences. Comme le suggère l’allusion au « Docteur Garetta du dopage », la lutte contre le SIDA et les campagnes de prévention contre les MST ont pu constituer des références. Les différentes actions du Centre Français d’Education à la Santé (CFES), puis de son successeur en 2002 (INPES) peuvent fournir quelques savoir-faire en matière de prévention (Paicheler, 2002). Les travaux d’autres institutions (OMS, Unesco…) sont susceptibles d’être convoqués, mais la spécificité du dopage rend difficilement transposables ces savoirs : il ne s’agit pas de se protéger comme c’est le cas des rapports sexuels avec un dispositif qui limite les risques, mais de ne pas faire quelque chose (se doper) malgré une charge d’entraînement qui fatigue l’organisme.

  • 3 Information obtenue lors de notre enquête ethnographique (cf. infra)

13La lutte contre la toxicomanie peut aussi constituer un champ d’expérience mobilisable, notamment en prenant appui sur des disciplines comme l’addictologie et l’épidémiologie qui permettront d’identifier des facteurs de risques et donc de cibler des actions de prévention. Il reste que la transposition ne va pas de soi. La légitimité de l’addictologie dans ce contexte est mise en cause si l’on considère que les seuls produits auxquels des sportifs éprouvent des difficultés à se défaire sont ceux à base d’amphétamines ; ces spécialistes tenteront alors d’imposer l’idée d’une « addiction au sport ». La question des dangers pour la santé conduira à la convocation de plusieurs disciplines (de l’endocrinologie à la traumatologie en passant par la cardiologie ou la neurologie) et du même coup à des connaissances éclatées et délicates à établir. Il est en effet difficile de mettre en évidence qu’une pathologie puisse être imputée à la prise d’un produit puis de déterminer le mécanisme biologique et, de façon empirique, les seuils à partir desquels le problème surgit. L’apport de l’épidémiologie est également discuté tant en raison du mode de preuve particulier de la discipline qui peine à établir des causalités (De Lignières et Saint-Martin, 1999 ; Chateauraynaud et Torny, 1999), que de la difficulté à obtenir des données. Le temps de suivi des cohortes coïncide mal avec l’évolution rapide de la découverte des molécules et l’impossibilité de mettre en place des expérimentations humaines fragilise la portée des conclusions. Toujours est-il que l’on se questionne encore aujourd’hui sur la nécessité de réaliser une large étude épidémiologique3.

14C’est donc avec des ressources peu nombreuses, fragiles et pas forcément adéquates à la spécificité du dopage que des candidats à cette prévention vont construire leurs savoirs. Comme pour la prévention du SIDA où de nombreuses tentatives ont vu le jour avant d’être abandonnées, car considérées par les acteurs eux-mêmes comme des impasses (Paicheler, 2002), les préventologues du dopage concèdent avoir fait des erreurs tout en étant persuadés que leur approche est actuellement la meilleure et que les savoirs scientifiques et juridiques sont bien ceux à transmettre. Ces pratiques de prévention du dopage sont donc marquées par certaines contingences liées à la relative pénurie des ressources disciplinaires et à la spécificité de l’objet.

La prévention saisie au travers du prisme des messages véhiculés par ses outils

  • 4 Les conditions de cette enquête et ses caractéristiques sont accessibles dans un rapport rendu au M (...)
  • 5 Il est clair que des « outils » comme l’organisation d’improvisations théâtrales sont de fait exclu (...)
  • 6 L’ensemble constitue donc un corpus de 207 textes, lesquels peuvent être aussi bien des contenus de (...)
  • 7 Il s’agit du logiciel Prospéro (cf. prosperologie.org).

15Pour tenter de cerner la nature de ce savoir préventologique, nous avons recueilli un matériau empirique : un questionnaire a été envoyé en 2008 à l’ensemble des acteurs de la prévention identifiés par le Ministère chargé des sports et le mouvement olympique, pour recenser et rassembler les outils de prévention utilisés4. Dans la mesure où cela était possible5, nous avons numérisé le contenu textuel pour travailler sur les messages véhiculés par ces outils6. Ce matériau et ce type d’analyse soulèvent assurément une série de difficultés. La première tient à la réduction d’une action de prévention à son outil. En effet, cela revient à ignorer l’apport de toute la tradition de l’anthropologie des techniques qui montre que c’est la façon dont on utilise l’outil qui est le niveau pertinent de description ; un travail ethnographique visant à recenser ces savoirs non‑inscrits est en cours, mais il n’est pas achevé à ce jour. Une autre difficulté tient à la méthode de traitement. Parce que nous avons voulu analyser systématiquement et rigoureusement le contenu des messages, nous avons utilisé un logiciel d’analyse textuelle7. Il ne traite pas l’iconographie, pourtant décisive, mais il permet de mettre à l’épreuve les interprétations et de faire des expériences sur des textes (Chateauraynaud, 2003) et donc de répondre à une série de nos interrogations. Enfin, notre matériau conduit à repérer le résultat de la construction de ce savoir mais non le processus lui-même. Une partie des modalités par lesquelles ces outils ont été construits, discutés, critiqués, modifiés nous ont été toutefois rapportées grâce à une série d’entretiens menés pour une autre recherche (Trabal et al., 2010). Sur ce matériau, nous avons travaillé trois séries d’interrogation. Les deux premières reviennent à analyser les modalités de présence des deux valences qui définissent le dopage (le danger pour la santé/l’argument moral). Pour la troisième, nous avons étudié les manières de transmettre ces messages à travers la prise en compte de la réalité de la cible de ces actions de prévention. Cette interrogation pointe les façons de mettre en scène des sportifs face au dopage, les manières d’aborder la dimension morale, le travail pour faire exister un danger futur – ce qui renvoie à une approche modale du temps (Chateauraynaud et Torny, 1999).

  • 8 Cette « convocation » ne signifie par pour autant que les chercheurs dans ces disciplines répondent (...)
  • 9 Un préventologue commençait une intervention ainsi : « Mon propos sera centré, tout d’abord, sur l’ (...)

16L’inscription épidémiologique, entamée par le Pr Escande, conduit les préventologues à identifier des populations à risque et à organiser la prévention en « segmentant » les différents publics en « cibles ». La socio-psychologie, la sociologie, les sciences de la communication et de l’éducation figurent donc parmi les disciplines scientifiques convoquées8 pour identifier les populations à risque9, les segmenter afin d’adapter la communication. Le vocabulaire du marketing s’est ainsi imposé et a conduit les acteurs de la prévention à adapter la démonstration de la morbidité des pratiques dopantes en fonction des groupes sociaux destinataires des actions de prévention (les pré-adolescents, les cyclistes en pôles espoirs, les étudiants évoluant en sport universitaire…) et en fonction du type de prévention dont la segmentation (primaire, secondaire ou tertiaire) constitue un apport de l’activité préventive dans d’autres secteurs (MST, toxicomanie). Un point central pour les préventologues revient donc à démontrer la dangerosité du dopage et, à ce titre, il semble intéressant de repérer dans les outils, les modes d’énonciation des savoirs.

17On recense une grande variété de façons de justifier la véracité des propos. La forte présence de médecins permet de comprendre le recours aux modes académiques avec des formules comme « on sait que », « il a été démontré », « a contrario » ou « a fortiori ». Ces expressions s’inscrivent généralement dans des outils sous forme de « quiz » (on en trouve plusieurs dans notre corpus), qui proposent des questions et des réponses qui permettent de déployer le savoir valide. Ce type de « dialogue » instaure une relation particulière qui rappelle celle du professeur et de l’élève et surtout un statut de la connaissance : formatée pour être présentée et enseignée, elle se présente comme indiscutable ou plutôt discutable seulement dans les conditions particulières de l’échange préparé par le responsable de l’action de prévention.

  • 10 Nous avons recherché systématiquement avec le logiciel les nombres précédant des unités de mesure u (...)

18Mais l’analyse des formes de démonstration montre qu’il est plutôt peu question de mesures issues des sciences expérimentales10. Un travail sur les quantificateurs (et surtout sur les grandeurs qu’ils introduisent), sur ce qui est dénombré ou soumis à une logique comptable révèle qu’il s’agit principalement de personnes (on compte des sportifs, des élèves, des cas positifs). Cela pourrait nourrir la thèse d’une forte présence de l’épidémiologie. Mais en analysant les contextes dans lesquels on pratique ce type de dénombrements, on note qu’il s’agit le plus souvent de statistiques sur les contrôles (qui tendent à présenter l’activité de la lutte antidopage), et de données sur des enquêtes concernant les pratiques et les représentations des sportifs sur la question du dopage. L’analyse minutieuse des contenus des messages montre que ceux-ci pointent plus l’histoire du dopage, sa législation, la réalité de la lutte antidopage et l’état de l’opinion publique que les dangers pour la santé ou la dimension éthique. Ce constat appelle plusieurs remarques. D’abord, on peut s’étonner qu’une communauté épistémique tende à accorder autant d’importance à sa propre histoire et à insister sur sa propre activité, car ce peut être le signe d’une fragilité de son savoir ou, en tout cas, la marque d’une quête de légitimité (Berthelot, 1998). Evoquant le modèle de l’épidémiologie d’intervention, F. Buton, N. Machikou, F. Pierru et C. Thiaudière (2006) expliquent ainsi qu’il se signale, entre autres, par l’importance de la rhétorique auto‑justificatrice de ces missions. Ensuite, il apparaît que ce sont les sciences humaines et sociales qui sont donc surtout convoquées par les auteurs des outils dont on s’attache à présenter les résultats. Enfin, les nombreuses références à l’histoire du dopage pointent aussi l’ancienneté du problème. Ainsi, le recours fréquent à l’idée selon laquelle « de tout temps, on s’est dopé » a déjà été repéré dans les productions en sciences sociales (Mignon, 2002) et tend à la fois à souligner l’importance de la question (ce qui peut justifier l’action de prévention en cours) et à fragiliser le propos : pourquoi s’inquiéter de ces pratiques si elles sont ancestrales ?

19Les statistiques sur la lutte antidopage rendent visible l’activité de prévention et permettent ainsi de communiquer quelques renseignements aux autres préventologues – ce qui renforce l’existence de ce groupe. Elles offrent la possibilité de rappeler la façon dont se déroule un contrôle antidopage, et de communiquer des informations juridiques mais surtout de lister les pièces à présenter. C’est souvent à cette occasion que l’on évoque le rôle des ordonnances pour les sportifs munis d’une prescription médicale – donnant ainsi l’opportunité de travailler le rapport entre la santé et le sport. Enfin, on retrouve dans le corpus de nombreuses allusions à des résultats de sondages, à des données d’enquêtes sociologiques et psychosociologiques, ainsi qu’à des dénombrements en tout genre. On fournit des statistiques sur le sport en France – ce qui participe à montrer la légitimité d’actions de prévention – et on recense des consommations diverses (médicaments, compléments alimentaires, stimulants…). Sont également livrées des opinions, des représentations ou des croyances sur le sport et/ou le dopage. Les commentaires de ces chiffres insistent sur l’ampleur du « fléau » lorsque des jeunes affirment leur ambivalence par rapport au dopage, sur la responsabilité collective dans son développement, sur les croyances « erronées », c’est-à-dire celles qui banalisent ces pratiques qualifiées parfois de « conduites dopantes ». Le relatif succès de cette notion – partagée par les préventologues mais presque uniquement par eux – peut s’expliquer par son côté opératoire. En étendant les pratiques problématiques à celles qui reviennent à consommer « certains produits, pour affronter un obstacle réel ou ressenti, afin d’améliorer ses performances » (Laure, 2000b), les acteurs de la prévention peuvent attirer l’attention de ceux qui considèrent que le dopage est complètement étranger à leur univers de vie, et malgré tout affirmer qu’ils n’échappent pas à quelques dangers.

20C’est en effet souvent dans ces conditions que la notion de risque apparaît. On signale généralement que ces consommations sont dangereuses. La liste des maladies est assez longue (toutefois moins de la moitié des textes les évoquent) mais elle pointe aussi des pathologies contre lesquelles le sport permet de lutter en s’opposant à la sédentarité ou encore celles contre lesquels les médicaments, utilisés comme dopants, étaient destinés. Les problèmes médicaux mentionnés sont parfois décrits à l’aide de termes génériques (« cancer », « graves maladies »…) parfois avec un lexique plus médical. L’affirmation de ces dangers n’est guère justifiée dans ce corpus. Les témoignages recueillis mentionnent qu’un levier a été, peu à peu, abandonné dans les messages de prévention : faire peur à un jeune en évoquant des maladies lorsqu’il sera adulte n’a que peu de portée. Les allusions à ces pathologies « à venir » en cas de recours à des produits dopants se confrontent à un autre problème, bien connu de la sociologie des risques : il faut faire exister le danger. A défaut de pouvoir pointer une tangibilité (Chateauraynaud, 2004) et une preuve scientifique à laquelle on pourrait renvoyer sous la forme de références académiques, on convoque l’argument d’autorité ou plus précisément, la caution médicale (« on sait que » ou sous une forme factuelle qui clôt toute controverse).

  • 11 Toutes les expressions entre guillemets sont tirées de notre corpus « outils de prévention ».

21Une autre modalité d’existence du danger renvoie à l’argument moral. Le dopage est assimilé à une maladie (le terme le plus utilisé pour exprimer cette idée est celui de « fléau ») et c’est donc le sport qui est malade. Implicitement, c’est à une sorte de conscience politique que les préventologues font appel lorsqu’ils invitent à combattre le dopage. L’argument de l’anticipation (si nous ne faisons rien aujourd’hui, ce sera trop tard demain) travaillé par les auteurs définissant le concept de « lanceurs d’alerte » (Chateauraynaud et Torny, 1999) vaut comme un slogan rassemblant la communauté des acteurs de la prévention et sonne comme un mot d’ordre dont tous les sportifs devraient pouvoir s’emparer. « Non au dopage », « stop au dopage », « si on ne respecte pas les règles, cela veut dire que l’on ne se respecte pas et que l’on ne respecte pas l’autre » pointent un travail collectif plus mobilisateur que l’argument renvoyant à une psychologisation : « le plus fort n’est pas un tricheur »11.

22Parce que, selon la plupart des préventologues, l’argument moral porte peu, c’est surtout la question sanitaire qu’ils s’appliquent à déployer. Un acteur de la lutte antidopage expliquait avoir eu du mal à convaincre les responsables du sport de se lancer dans des campagnes offensives contre le dopage jusqu’à ce qu’il introduise l’argument sanitaire : « vous avez à protéger la santé des sportifs ». L’association des mots « santé » et « sport » se conjugue selon de nombreuses formes : « le sport, c’est la santé », « ce n’est pas la pratique du sport qui garantit la santé mais la manière dont on le pratique », « Le sport ne favorise pas forcément la santé » sans compter les associations de mots « Sport & Santé », « Sport‑Santé », « Sport, performance et santé »… Armés de ce type de slogans, qui est à la fois un argument critiqué et un programme politique (à ce jour, il existe en France un « Ministère de la Santé et des Sports »), nos acteurs de la prévention peuvent mobiliser l’INPES qui garde la mission d’une « éducation à la santé ». Ainsi, en communiquant avec ce type de message, les préventologues s’attachent à la fois à lutter contre le dopage et à promouvoir conjointement le sport (plus précisément une certaine pratique sportive) et la santé.

23Cet examen des conditions concrètes de construction de l’exercice même de l’activité « experte » telle qu’elle se donne à lire dans le contenu des messages peut être complété par une analyse du pouvoir qui s’y enracine.

Au fondement de la juridiction préventologique : la construction d’une asymétrie d’expertise avec le terrain

  • 12 Nous en avons recueillies lors de nos diverses enquêtes. Les informations les plus significatives d (...)
  • 13 Nous transposons ici au cas du dopage l’analyse que dispense Andrew Abbott au sujet de l’alcoolisme (...)

24Le message de prévention est une traduction à destination des acteurs de terrain dont les experts de la prévention affirment connaître et porter les préoccupations. Préoccupations qu’ils disent appréhender au travers d’une écoute plus ou moins formalisée de leurs bases (présence sur le terrain, courriers, réunions). Ce mode de construction des argumentaires des campagnes retrace la façon dont on passe d’une multitude d’opinions privées (si tant est qu’elles s’expriment réellement12) à l’opinion d’un public. En formulant des messages, les experts de la prévention revendiquent leur capacité à répondre et à traduire les attentes de la prévention de terrain. En outre, ces messages sont destinés à répondre aux éventuels discours concurrents en clôturant l’espace de l’expression pertinente. C’est dans cette position d’interface que les experts délimitent leur juridiction (Abbott, 1988), en définissant les savoirs et compétences à maîtriser pour être aptes au travail de prévention. Ils articulent un savoir abstrait à la résolution de problèmes concrets en trois temps : diagnostic, traitement et inférence13. Dans cette opération se noue la formation d’une division du travail qui consiste à diviser la juridiction en deux parties distinctes opposant le centre et la périphérie des politiques de prévention du dopage.

  • 14 Les relations entre l’administration et les représentants du mouvement sportif sont complexes. Pour (...)

25Les experts produisent plus qu’ils ne portent le message de prévention : les valeurs défendues (ce qu’ils nomment « les bonnes pratiques » pour éviter d’assumer le caractère coercitif de leur position) ne préexistent pas à leur expression ordonnée. Le travail des préventologues se conçoit comme une montée en généralité, une abstraction organisant dans le langage des autres – en l’occurrence celui des pouvoirs publics et du mouvement sportif14 – la multitude des cas individuels transfigurés en objectivation collective. La particularité de cette transfiguration est de ne pas être à recréer à chaque fois, ce qui constitue une économie cognitive. Cette pérennisation est redoublée par un travail d’imprégnation et d’intériorisation réalisé à l’intérieur des groupes représentés dans l’univers de la prévention qui se dépeint autant comme une cause que comme une expertise.

De l’expertise à la cause : pérennisation et institutionnalisation d’un savoir

  • 15 Ce thème de la revendication de juridiction est développé dans son chapitre III par Andrew Abbott ( (...)

26La pérennisation de la juridiction des préventologues prend appui sur la combinaison de trois ressources qui constituent les trois topiques où elle se déploie. Plus précisément, la revendication de leur compétence s’opère à destination de trois arènes de reconnaissance : l’Etat et le système légal, l’opinion publique, le milieu constitué par le public de la prévention de terrain15. Cette démarche de juridiction revendiquée en public (« claim of public jurisdiction », Abbott, 1988) est très proche de celle de la rhétorique professionnelle (Paradeise, 1985).

La consécration institutionnelle de la mission de prévention du dopage : entrer dans l’Etat

27La capacité et la légitimité à agir dans l’espace étatique des spécialistes de la prévention dépendent de la politique institutionnelle que les autorités publiques adoptent à l’égard des représentants des différents groupes impliqués dans ces actions. C’est sur ce plan que se joue leur association aux divers stades de mise en œuvre et d’évaluation des actions de prévention. Comme toute politique publique, la prévention a impliqué l’invention d’une technologie étatique (Thévenot, 1986) adossée au développement d’une bureaucratie, à des découpages d’unités administratives, au maniement d’une vision épidémiologique, et donc pour une partie statistique (Desrosières, 1993), à l’adoption de savoir-faire et de répertoires d’action administratifs routinisés (rédiger une circulaire, constituer un comité de pilotage, réunir un groupe de travail). Ainsi se sont institués et renforcés avec la loi Lamour (2006) au niveau sectoriel de la prévention du dopage comme à un niveau inter‑sectoriel plus général de la prévention pour la santé des commissions, conseils et autres comités destinés à être informés, consultés, voire susceptibles de prendre des décisions contraignantes s’imposant plus ou moins aux pouvoirs publics, illustrant concrètement l’extension générale de ce qui est fréquemment désigné par le terme d’administration consultative (Quermonne, 1991). De sorte que sont institutionnalisées des structures plus ou moins permanentes de décision et de concertation mettant en scène le dialogue entre l’appareil administratif de l’Etat et les dépositaires du terrain de la prévention du dopage, et plus largement sanitaire. Ces arènes sont l’occasion pour les uns et les autres d’y tester des propositions, d’y nouer des alliances, d’y consolider des coalitions susceptibles d’accompagner ou de contrarier l’émergence, la mise en œuvre de décisions publiques (Offerlé, 1994). La participation à ces instances ne constitue toutefois pas seulement un dividende symbolique, elle offre en outre l’opportunité politique aux autorités ministérielles de prendre pied dans un univers qu’elles avaient jusqu’alors délaissé. Le dessein d’entrer dans l’Etat nourri par les dépositaires de la prévention est d’autant moins contrarié qu’il permet à l’administration de s’introduire dans ce milieu. Ainsi, dans l’établissement d’un modus vivendi entre le ministère chargé des sports et les acteurs de la prévention du dopage s’invente la genèse d’un nouveau territoire et d’une nouvelle catégorie d’intervention publique. Au final, l’entrée dans l’Etat d’acteurs porteurs de projets privés a pour corollaire l’impulsion d’une étatisation des activités de prévention dont ils ont initialement eu l’initiative. Cette mise en agenda conjointe de la prévention du dopage n’est pas sans rappeler celle du SIDA (Paicheler, 2002) : comme cette dernière, elle est également redevable de la promotion d’une mobilisation scientifique.

La construction scientifique de la pertinence sociale et de l’opportunité politique

28Faire voir et montrer que l’on a la science avec soi, que l’on peut mobiliser des hommes et des idées reconnues comme scientifiques pour les besoins de la prévention constitue une ressource conjugable à la force du nombre. La construction scientifique du monde de la prévention s’appuie sur la préparation de rapports, de dossiers, d’études impliquant l’utilisation des sciences dites dures et de sciences humaines comme la psychologie. Cela suppose un enrôlement plus ou moins direct associant certains représentants du monde scientifique comme des « compagnons de route » des partisans de la prévention. Ce type d’assemblage permet aux préventologues de diffuser, de vulgariser de la sorte leurs idées à l’occasion de rencontres telles que les colloques.

29Le colloque (Tapia, 1980) est un procédé usité dans l’univers de la prévention pour rassembler en groupe visible les ressources scientifiques sur lesquelles s’appuient la connaissance et la prévention du dopage. L’événement produit un « être ensemble » qui réalise arbitrairement une communauté scientifique reliée, dédiée à la prévention. Ces rassemblements offrent l’opportunité d’associer hypothétiquement des experts scientifiques aux entreprises de prévention (alors que ceux‑ci n’ont parfois entrevu dans ces colloques qu’une possibilité de financer, voire de présenter leurs travaux). Quelle que soit la dénomination qui lui est décernée – journée, rencontre, assises, table ronde, session, conférence, congrès… –, le colloque constitue une forme de mobilisation scientifique qui appartient au répertoire d’action des spécialistes de la prévention, pour peu qu’ils en portent l’initiative. Son contenu oscille entre les activités de recherche et l’expression de savoir-faire sociaux. Le mot et la chose ont fortement servi la construction de la cause de la prévention du dopage. Son histoire est jalonnée de ces formes de manifestation où il s’agit autant de compter les noms que de réunir des noms qui comptent. Organiser un colloque sur la prévention du dopage, c’est en effet l’occasion pour la cause de montrer à la fois sa capacité à intéresser un public techniquement compétent sur la question, mais aussi de tenter d’imposer la question comme digne d’un intérêt scientifique et politique. Le colloque offre la possibilité aux spécialistes de la prévention de conjuguer les ressources du nombre et de l’expertise scientifique.

  • 16 Une manifestation de cette entreprise se donne à lire lorsqu’il s’agit de transmettre des fichiers (...)

30Bien qu’attachés au calibrage scientifique du débat, les entrepreneurs de la prévention visent conjointement l’élargissement – sous le jeu de contraintes décrit précédemment – de leur cause en affirmant la force de leur nombre et de leur structure16, l’importance, la justesse et l’universalité d’une idée éthiquement irréprochable (les conditions d’un sport garant de la santé). A partir de ces constats, l’expertise en matière de prévention peut être considérée comme une sorte de précipité de méthodes visant à obtenir la croyance en leur efficacité par les usages et la maîtrise du dossier et de sa communication, mettant ainsi en évidence l’importance qu’il convient d’attacher à la formation des missionnaires.

L’enrôlement d’une communauté de fidèles : l’essaimage par la formation

31« Pourquoi parler d’enrôlement » (Callon, 1986) au sujet des enjeux de la formation ? Les sessions de formation offrent l’occasion de fixer précisément l’identité des partenaires de la prévention en leur assignant un rôle auquel ils seront tenus de se conformer et des messages à transmettre sans les déformer. Dans Comment prévenir les conduites dopantes ? Guide à l’attention des acteurs, le bureau de la protection du public, de la promotion de la santé et de la prévention du dopage mentionne le « cahier des charges » à respecter dans le contenu des formations (p. 79). Les actions de formation visent la diffusion d’une « culture commune » (ibid.) par la répétition de credos simplifiés consignés en un ensemble de « bonnes pratiques » destinées à rendre compatibles sport et santé. Cette simplification étend virtuellement le vivier de recrutement des diffuseurs des messages de prévention. Rouage essentiel du dispositif de contrôle des activités de prévention, la formation engendre un type de relation pontifiant tant au regard des acteurs de terrain que des publics auxquels s’adressent les messages. Du fait de la conjugaison de la jeunesse et des sports dans les anciennes attributions du ministère, cette typification est largement liée à la cible de ces actions de prévention du dopage : les jeunes sportifs. Mais ces caractéristiques forment aussi la fragilité de cette politique publique.

Des épreuves de faible intensité : une juridiction peu menacée

32Au terme de notre analyse des relations observables entre la prévention du dopage et les connaissances scientifiques sur lesquelles elle entend fonder son intervention, il ressort que la description du travail des préventologues pose plusieurs problèmes à l’analyse sociologique. A un premier niveau, il convient d’analyser la forme d’institutionnalisation de la cause qui mêle accès à l’Etat et la « récupération » de la cause par un Etat initialement absent sur la question. D’un côté, l’accès à l’Etat constitue un gage d’efficacité pour les experts-décideurs prétendant devoir être consultés sur les mesures à prendre ou à ne pas prendre dans le domaine de la prévention. Notamment parce que cet accès confère un label officiel qui leur permet de ne pas avoir à démontrer constamment leur force, leur représentativité et de bénéficier d’avantages substantiels (sièges réservés dans des organismes consultatifs, subventions pour leur fonctionnement ou pour la formation des membres, utilisation de ressources de l’administration pour leurs initiatives). Ces entrées privilégiées constituent en outre une position stratégique pour formater le débat et prévenir les intrusions d’éventuels concurrents. Dans sa forme la plus aboutie, cette entreprise de cadrage des actions publiques permet à certains représentants de groupes d’intérêt de devenir des partenaires automatiques de fractions de l’appareil d’Etat dont les administrateurs peuvent aussi avoir besoin ; l’existence de ces groupes légitimant leur propre existence. D’un autre côté, l’administration publicise ces initiatives avec des effets induits par la mise en œuvre des technologies étatiques. En ouvrant l’agenda public à la cause de la prévention du dopage sous l’impulsion de l’inscription du code mondial antidopage de l’AMA dans le droit français, l’Etat a contribué à une normalisation du problème avec son corollaire de standardisation, de routinisation, voire de bureaucratisation susceptible d’affecter son image dans diverses franges de l’opinion. En analysant la légitimité scientifique de ces experts, nous avons interrogé les façons dont ils mobilisent les différentes sciences. Nous avons montré comment, historiquement, leurs connaissances se sont constituées. La référence à l’épidémiologie et aux approches médicales, le développement d’approches propres à l’addictologie et la convocation des sciences sociales nourrissent la construction d’un savoir syncrétique. Mais la formation des préventologues ne permettant pas de travailler l’articulation des différentes disciplines (dont certaines n’ont pas de représentants dans ce groupe d’experts), le statut scientifique de ces savoirs reste fragile. A un dernier niveau, se pose la question de la mobilisation de la base, c’est‑à-dire des personnes qui sur le terrain s’efforcent d’entrer en relation avec les sportifs ou leurs parents. La sociologie des réseaux qui travaille la notion d’enrôlement permet assurément de saisir la volonté d’afficher un nombre important de personnes impliquées dans la prévention. Il apparaît que l’argument du nombre peut être décisif notamment en raison de la difficulté de rassembler la cible des actions de prévention. Il reste qu’une analyse de l’étendue du réseau occulte l’étude des relations entre ces membres. Nos enquêtes pointent l’existence d’une division du travail dissociant, au centre, experts-décideurs et, à la périphérie, acteurs de la prévention de terrain. Cette asymétrie se nourrit d’une relation professorale des experts envers leurs publics qui laisse peu de place pour le doute et le questionnement.

33L’articulation de ces trois niveaux – politique, scientifique et professionnel – a déjà été travaillée par la sociologie des risques. Il nous semble qu’un bon niveau de description revient à interroger les incertitudes rencontrées par les acteurs et les modalités par lesquelles ils s’efforcent eux-mêmes de lier ces différentes dimensions. Le concept d’épreuve permet à ce titre de souligner quelques propriétés singulières de ce cas dès lors que l’on recense les épreuves que sont susceptibles de rencontrer ces experts et leurs façons de les gérer. L’Etat, nous l’avons vu, met plutôt peu de contraintes et impose peu d’épreuves aux experts. Tout au plus, il reste des incertitudes sur le renouvellement de crédits, sur le statut et la pérennité des missions. La force du groupe pour surmonter ces épreuves repose sur leur faiblesse et leur rareté émanant d’un Etat velléitaire mais aussi sur un sens du jeu collectif aiguisé lors des tentatives d’intrusion dans le groupe. Ces dernières sont peu nombreuses. On trouve peu de « batailles d’experts » qui engagent la légitimité scientifique des protagonistes. L’épreuve des savoirs concurrents reste improbable. D’une part, car celle‑ci supposerait l’existence d’une communauté épistémique extérieure préexistante. D’autre part, les préventologues évoluent dans des arènes ritualisées qu’ils ont formatées et dans lesquelles les scientifiques étrangers au groupe sont, par construction, en minorité. Mais faute d’un instrument de mesure permettant de mesurer les effets des politiques de prévention, on ne peut pas parler de mise à l’épreuve des faits qui arbitrerait un début de controverse.

34A moins que ces « faits » ne pointent les actions de prévention sur le terrain. En l’occurrence, il pourrait exister une épreuve décisive engageant les relations avec le milieu sportif ou précisément avec ceux qui sont en contact régulier avec les cibles de cette prévention. Ces experts dont l’activité revient essentiellement à cadrer le problème et à encadrer des acteurs sur le terrain, se confrontent peu à sa réalité. Nos premières observations soulignent l’existence d’un profond décalage entre l’approche des préventologues et les savoirs en acte de ceux qui « font » la prévention. Souvent disqualifiés, ils mériteraient d’être mieux étudiés.

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Notes

1 C’est la Belgique qui se dotera de la première législation en 1965 ; la France l’imitera quelques mois plus tard. Et le Comité International Olympique (CIO) se dotera d’un premier dispositif en 1967 en créant une « commission médicale ».

2 Le colloque d’Uriage « constate qu’il est urgent et indispensable qu’une instance internationale étudie et normalise les règles sportives dans les différents pays » (Motion adoptée par le colloque d’Uriage-les-Bains, Revue Olympique, n° 82, 1er mai 1963).

3 Information obtenue lors de notre enquête ethnographique (cf. infra)

4 Les conditions de cette enquête et ses caractéristiques sont accessibles dans un rapport rendu au Ministère (Trabal et al., 2008).

5 Il est clair que des « outils » comme l’organisation d’improvisations théâtrales sont de fait exclus de l’analyse.

6 L’ensemble constitue donc un corpus de 207 textes, lesquels peuvent être aussi bien des contenus de jeux de cartes, des affiches, des diaporamas, ou des ressources, comme par exemple des sites institutionnels consultables sur le Web.

7 Il s’agit du logiciel Prospéro (cf. prosperologie.org).

8 Cette « convocation » ne signifie par pour autant que les chercheurs dans ces disciplines répondent dans les termes souhaités (Trabal, 2004).

9 Un préventologue commençait une intervention ainsi : « Mon propos sera centré, tout d’abord, sur l’idée qu’il est possible de lutter contre le phénomène du dopage en agissant soit sur le phénomène lui-même, soit sur ses déterminants ». (Pr. Parquet, au CNOSF, 16-17 mars 2007)

10 Nous avons recherché systématiquement avec le logiciel les nombres précédant des unités de mesure utilisées habituellement en biologie, chimie ou en médecine.

11 Toutes les expressions entre guillemets sont tirées de notre corpus « outils de prévention ».

12 Nous en avons recueillies lors de nos diverses enquêtes. Les informations les plus significatives dans ce domaine proviennent des entretiens réalisés avec les promoteurs d’outils, mais aussi avec les utilisateurs qui ont exprimé assez spontanément leur avis en situation (observations ou dans des questions ouvertes du questionnaire), ou encore lors des critiques exprimées par des militants de la lutte antidopage.

13 Nous transposons ici au cas du dopage l’analyse que dispense Andrew Abbott au sujet de l’alcoolisme pour lequel il signifie l’importance du travail de réinterprétation opéré par chaque groupe (prêtres, médecins, psychiatres, politiques) ayant tenté de le constituer en « problème » ; Abbott, 1988, pp. 37-38.

14 Les relations entre l’administration et les représentants du mouvement sportif sont complexes. Pour en saisir toutes les subtilités, il conviendrait de compléter notre analyse par des monographies d’actions de prévention menées par les fédérations.

15 Ce thème de la revendication de juridiction est développé dans son chapitre III par Andrew Abbott (1988) et condensé en cette formule : « en résumé, la juridiction revendiquée en public est conjointement celle de l’autorité sociale et culturelle » (p. 60).

16 Une manifestation de cette entreprise se donne à lire lorsqu’il s’agit de transmettre des fichiers de « relais », de « conférenciers », de « correspondants ». Ce travail est continu : un groupe de réflexion a été mandaté en 2008 pour élargir la base de Ministère et ainsi « enrôler » (Latour, 1987) des nouveaux membres. Dans ces réseaux, c’est moins la nature des relations qui compte (sauf bien sûr en cas de défaillance, c’est-à-dire lorsque l’on ne parvient pas à mobiliser suffisamment) que leur nombre.

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Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Le Noé et Patrick Trabal, « La construction d’une expertise : le cas de la prévention du dopage »Sciences de la société, 77 | 2009, 136-153.

Référence électronique

Olivier Le Noé et Patrick Trabal, « La construction d’une expertise : le cas de la prévention du dopage »Sciences de la société [En ligne], 77 | 2009, mis en ligne le 06 mars 2020, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/8236 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.8236

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Auteurs

Olivier Le Noé

Maître de conférences et professeur, Centre d’Etudes et de Recherches sur le Sport et le Mouvement, Groupe Sciences sociales et Dopage, Université Paris Ouest Nanterre, olivier.lenoe[at]wanadoo.fr

Patrick Trabal

Maître de conférences et professeur, Centre d’Etudes et de Recherches sur le Sport et le Mouvement, Groupe Sciences sociales et Dopage, Université Paris Ouest Nanterre, Patrick.Trabal[at]u-paris10.fr

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