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Sport et VIH-sida : de l’exclusion des séropositifs à l’accompagnement des « malades »

Sports and HIV-AIDS: from excluding seropositive people to caring for the “ill”
Deporte y VIH-sida : de la exclusión de los seropositivos al acompañamiento de los « enfermos »
Mélanie Perez et Sylvain Ferez
p. 92-111

Résumés

Dans les années 1980, l’épidémie de sida inquiète l’univers sportif. Alors que la plupart des fédérations mettent en place des réglementations et procédures d’hygiène visant à sécuriser l’espace sportif, le mouvement sportif lgbt (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans) dénonce les logiques d’exclusion et tente de créer les conditions de l’inclusion des personnes séropositives dans les événements qu’il organise. Malgré cette volonté inclusive impulsée au plan international par la Fédération des Gay Games (fgg), au niveau national le sport lgbt n’est pas épargné par l’épreuve du sida, et les risques de stigmatisation qu’il sous-tend. Au milieu des années 1990, la découverte de traitements thérapeutiques efficaces change la donne, provoquant une rupture. L’infection au vih est alors requalifiée comme « maladie chronique ». Les politiques de santé publique se saisissent de l’activité physique et sportive, et l’utilisent comme levier d’action. Les associations de lutte contre le vih et d’accompagnement des personnes séropositives prennent alors le devant de la scène pour relayer les incitations à la pratique de l’activité physique ou du « sport-santé ». L’objet de l’article est d’étudier cette bascule conduisant de la mise en visibilité sociale d’une pratique sportive fondée sur le désir de lutter contre la stigmatisation d’une communauté, à l’essor d’une activité physique visant l’accompagnement socio-sanitaire d’individus faiblement dotés en ressources sociales, économiques et matérielles, ou qui ne sont pas disposés à les utiliser.

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Texte intégral

  • 1 G. Thomas, 2001, « Définir pour compter », Monstre, n° 3, 38-42.
  • 2 Lesbiennes, Gays, Bi et Trans.

1Au début des années 1980, une pathologie mortelle inconnue est associée à l’homosexualité. On ne la nomme pas encore « sida ». La promiscuité urbaine, les styles de vie associés ou encore la « dispersion » relationnelle homosexuelle sont autant d’arguments venant appuyer l’hypothèse d’une maladie qui serait le résultat de dérèglements et désordres sociaux engendrés notamment par les transformations des années 1970 (Pollak, 1988 ; Gaissad, Pézeril, 2011 ; Patton, 2012 ; Edelman, 2013 ; Gaissad, 2013). Appuyé par des données épidémiologiques, le sida acquiert très tôt « un profil gay quasi exclusif »1, renforçant le stigmate homosexuel. Cependant, la perspective d’un « cancer gay » ou d’une « peste homosexuelle » permet au plus grand nombre de maintenir le sentiment d’être à l’abri de la menace qui rôde (Sontag, 2009, 192). L’illusion ne dure toutefois qu’un temps. La découverte de l’agent infectieux (le vih) et des modes de transmission contribue rapidement à répandre la peur de la contamination qui était autrefois associée aux vieilles épidémies. L’univers sportif – parce qu’il engage dans des corps à corps exposant à la sueur mais aussi potentiellement au sang de l’autre – devient un monde à risques qu’il convient de sécuriser. Les controverses américaines sur l’exclusion des personnes séropositives des terrains conduisent à la mobilisation de l’expertise biomédicale pour mettre en place des règles d’hygiène et de sécurité dans les pratiques fédérales. À la même époque, seul le mouvement sportif lgbt2, initié par la Fédération des Gay Games (fgg), adopte un discours critiquant les logiques d’exclusion à l’œuvre dans le monde sportif traditionnel et tente de créer les conditions de l’inclusion des personnes séropositives dans les pratiques et événements qu’il organise (Liotard, Ferez, 2007).

2Partant d’une étude de cette première période où l’action collective en faveur de la pratique sportive des personnes séropositives au vih prend une coloration identitaire et se structure autour de la question de la lutte contre la stigmatisation et l’exclusion sous l’impulsion de la fgg, la présente recherche met en évidence la rupture produite par la découverte de traitements efficaces. Leur arrivée amène à reconsidérer l’infection au vih comme une « maladie chronique » dans la seconde moitié des années 1990. Les politiques de santé publique se saisissent alors de l’activité physique et sportive comme un levier d’action, et les associations de lutte contre le vih et d’accompagnement des personnes séropositives prennent le devant de la scène pour relayer les incitations à la pratique et proposer des dispositifs de « sport-santé » ou d’« activité physique adaptée ». L’objet de l’article est finalement d’étudier les enjeux et dynamiques à l’origine de la bascule conduisant de la mise en visibilité sociale d’une pratique sportive fondée sur le désir militant de lutter contre la stigmatisation et l’exclusion d’un groupe identifié à une communauté, à l’essor d’activités visant l’accompagnement sanitaire et social des individus les moins dotés en ressources sociales, économiques et matérielles, ou d’une moindre capacité, « socialement construite, à les mobiliser » (Schnapper, 1994, 51).

  • 3 Ces revues sont respectivement publiées par aides, Act Up, Arcat et Action Traitements, quatre asso (...)

3La démonstration proposée mobilise différents matériaux. Le premier est constitué de 17 entretiens de type récits de vie réalisés entre 2004 et 2008 avec des figures historiques du sport lgbt français. L’analyse de ce matériau montre que, malgré une volonté inclusive impulsée par la fgg au plan international, au niveau national, le sport lgbt n’est pas épargné par l’épreuve du sida, et par les risques de stigmatisation qu’il sous-tend. Le second matériau correspond quant à lui à un corpus de 21 articles publiés dans quatre revues associatives françaises (Remaides, Protocoles, Le Journal du sida et Info Traitements)3 de 1990 au milieu des années 2000. Son analyse éclaire la mise en place de procédures et de réglementations – fondées sur une logique de santé publique – visant à protéger l’espace sportif du vih-sida. Elle révèle par ailleurs, au tournant des 1990-2000, l’émergence et l’essor d’une logique d’accompagnement sanitaire et social par l’activité physique et sportive.

La logique inclusive du sport LGBT mise à l’épreuve du sida

  • 4 T. Waddell, D. Schaap, 1996, Gay Olympian. The Life and the Death of Dr. Tom Waddell, New York, Alf (...)

4Dès sa création, le sport lgbt se fonde sur une éthique d’inclusion. En 1982, en créant la Fédération des Gay Games, Tom Waddell devient l’initiateur de la conception d’un sport ouvert à tous. Ce médecin, finaliste du décathlon aux Jeux olympiques de Mexico (1968), incarne en effet la possibilité de combiner une identité sportive et une identité homosexuelle4. La fgg émerge d’une mobilisation qui puise dans l’expérience de l’homophobie et de l’exclusion (Le Pogam, 1999 ; Le Pogam et al., 2004). Elle organise son action autour d’une volonté politique qui s’exprime dans des slogans recourant volontiers à quelques termes récurrents, comme inclusion, participation, émancipation, égalité des droits, non-discrimination, respect ou visibilité. S’appuyant sur une expérience partagée de l’exclusion et sur un sentiment commun d’injustice, les promoteurs entendent faire de l’image positive du sport un levier pour revendiquer la reconnaissance sociale d’une orientation homosexuelle jusqu’alors objet d’invisibilisation et de mépris (Honneth, 2000, 2006). En premier lieu, ce sont bien sûr les logiques d’exclusion expérimentées dans le monde sportif traditionnel qui sont visées. Mais le mouvement sportif lgbt ne se cantonne pas à la seule mise en question de ces logiques. Il aspire à étendre sa « cause », qui ne saurait être réduite à un communautarisme étroit, replié sur la lutte homosexuelle. Par-delà les droits des « minorités sexuelles », son projet embrasse en définitive un dessein extensif de défense des « droits de l’homme » et de « solidarité internationale » qui concerne la dénonciation de l’ensemble des discriminations dont sont victimes les groupes minoritaires (Harvey et al., 2014). Au fil du temps, selon les lieux et périodes où ils sont organisés, les Gay Games sont l’occasion de manifestations en faveur d’autres causes internationales liées à la défense des droits des minorités ethniques ou des personnes handicapées.

  • 5 Entretien avec Manuel Picaud (trésorier de la fgg), le 7 septembre 2004.

5C’est dans le cadre de ce projet inclusif que, dès l’apparition de l’épidémie de sida, la fgg signifie clairement sa solidarité à l’égard des personnes malades. En 1986, à San Francisco, la cérémonie d’ouverture des seconds Gay Games est l’occasion d’une minute de silence pour les victimes du sida (Ferez, 2005). Ce type de commémoration s’institue jusque dans les réunions de la fgg, où il continue à être pratiqué dans les années 2000. Le trésorier de la fgg évoque ainsi un certain culte du souvenir : « Tous les ans, au moins, on a une réunion où on est tous, on fait une minute de silence et on se remémore ceux qui ont péri par le sida »5. À partir de 1987, c’est un culte du même type qui se développe par ailleurs aux États-Unis, par le biais du rituel de commémoration du Names Project, ou Patchwork des noms (Le Breton, 1998). Avec lui, par-delà le travail de deuil et d’humanisation de la mort, le mouvement de lutte contre le sida s’engage dans une politique mémorielle refusant l’anonymat et la dépersonnalisation des morts (Broqua et al., 1998). À la même époque, ce mouvement introduit d’ailleurs dans son répertoire d’actions la mise en scène publique de l’ampleur des décès causés par l’épidémie en se couchant sur le sol (lie-in), et la transformation des enterrements en actes militants (Broqua, 2005).

6C’est dans ce contexte que, dès 1986, en marge des Jeux, des manifestations entendent signifier la solidarité avec les personnes touchées. Dans les cathédrales de San Francisco, les chœurs entonnent « We are living with Aids » avec les participants aux Gay Games et les proches de personnes malades ou décédées (Le Pogam et al., 2004). Il faut dire que Tom Waddell, le fondateur du mouvement, est lui-même concerné. En 1987, son décès lie définitivement l’histoire de la fgg à celle de l’épidémie. La fédération crée une commission « Adhésion, Développement, Sports et vih ». Au seuil des années 1990, alors que la gestion médicale et politique du sida fait débat, les Gay Games permettent d’interpeler les pouvoirs publics. Des manifestations sont organisées dans le cadre ou en marge des Jeux. Elles jouent sur la dimension symbolique pour produire des effets de dramatisation. Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Vancouver (1990), le coureur Brent Nicholson rentre dans le stade avec le drapeau arc-en-ciel, symbole de la fierté gaie, et prend la parole. Entre 1986 et 1987, il a couru 10 000 miles en 23 mois afin d’informer les Américains sur le sida. À Vancouver, il affirme avoir réalisé cette performance en l’honneur de Tom Waddell, entre autres.

  • 6 En 2006, elle obtient aussi la suspension de cette loi pour la durée des Gay Games de Chicago.
  • 7 En effet, comment empêcher « la triche » sans exclure les individus sous traitement ?

7Quatre ans plus tard, la participation de personnes malades du sida aux épreuves sportives est visible lors des Jeux de New York (1994). En culturisme, non seulement leur engagement ne dérange pas, mais il débouche sur des gestes de fierté. Dans une institution qui promeut la norme d’un corps vaillant et performant, cet engagement n’incarne-t-il pas mieux que tout autre le combat contre une inéluctable dégradation ? Au-delà des manifestations publiques de solidarité, c’est donc l’inclusion réelle et effective dans les pratiques sportives qui est visée. Pour ces Jeux, la fgg a d’ailleurs dû négocier avec les autorités états-uniennes la suspension de la loi sur le contrôle du statut sérologique à l’entrée sur le sol national pour la durée de Jeux6. Le projet d’inclusion de tous dans les épreuves prévaut, en dépit les difficultés réglementaires qu’il génère (Liotard, Ferez, 2007). Car il s’agit de concilier ce projet avec la logique sportive, en préservant la double possibilité d’un engagement associé ou non à des velléités compétitives. Alors que la fgg s’efforce d’aménager ses règlements pour permettre la participation des athlètes sous traitement, l’introduction de contrôles anti-dopage dans certaines épreuves des Gay Games engendre ainsi des controverses sans fin (Liotard, Ferez, 2005)7.

  • 8 Entretien avec Pierre Cassan, le 12 avril 2007.
  • 9 Les EuroGames, créés par l’eglsf en 1992, se déroulent tous les deux ans, sur le modèle des Gay Gam (...)
  • 10 Entretien avec Hervé Lainé, le 26 mars 2006.

8Ce projet est relayé par la fédération créée en France au retour des Gay Games de 1986. L’analyse de la série d’entretiens réalisés auprès des figures historiques du sport lgbt français montre que, au début des années 1990, le mouvement n’est pas épargné par le sida. En 1993, chacun se souvient de la disparition de Dominique Poggiale, un membre fondateur du mouvement français et de l’European Gay and Lesbian Sport Federation (eglsf) en 1992. Certains se rappellent de son retrait progressif en raison de la maladie, d’autres de son enterrement8. À son décès, l’eglsf met en place un trophée à son nom lors des EuroGames9. Un dirigeant évoque la disparition de l’entraîneur de son club de basket-ball qui, malgré son affaiblissement, s’est impliqué jusqu’au dernier moment ; un autre, le décès d’un adhérent de son club de bowling. Ce dernier évoque en outre Thierry Betex, figure reconnue du bowling lgbt européen emporté par la maladie en 1996. Après ses obsèques, conformément à ses volontés testamentaires, ses amis bowlers français, allemands et des néerlandais se réunissent à Berne pour un « café-gâteaux ». En 1997, l’eglsf crée un nouveau trophée : « Aujourd’hui ça existe encore, le meilleur joueur des EuroGames a le trophée Thierry Betex »10.

  • 11 Entretien avec Christophe Krausch (président de la fédération entre 1993 et 1995), le 10 août 2006.
  • 12 Cette association homosexualité/séropositivité au vih se retrouve dans le discours des médias dès l (...)
  • 13 « Il pouvait y avoir à la fois une fierté, une puissance, et finalement ça sortait un peu de l’ango (...)
  • 14 Il se souvient notamment d’une affichette collée partout dans la ville de New York où le cow-boy d’ (...)

9Parallèlement aux signes de solidarité à l’égard des personnes atteintes, la présence du sida suscite toutefois des réactions plus ambivalentes. Un interviewé évoque ainsi une rumeur selon laquelle, en 1993, le projet de reverser les fonds à des associations de lutte contre le sida aurait engendré, à la suite de débats « houleux » et « destructeurs », la démission du bureau de la fédération11. Le président de l’époque dément : si démission du bureau il y a eu, celle-ci ne doit rien au sida. Par-delà les faits, cette rumeur, en projetant une relation problématique au vih-sida, dévoile l’ambivalence à son égard. Jusqu’au milieu des années 1990, les liens entre la fédération et les associations de lutte contre le sida sont en fait inexistants. Un membre du bureau note que, en 1993-1994, le sport lgbt lui offre un cadre rassurant et une « alternative » pour échapper à « l’emprise des discours sur le sida » et à la sociabilité homosexuelle « morbide » et « inquiétante » qui s’organise autour des associations de lutte contre le sida. À une période où, pour beaucoup, le lien homosexualité/ sida semble aller de soi12, il se souvient de l’attrait des Gay Games de 1994 : « Les gens qui se retrouvaient là c’était des sportifs, des gens qui étaient beaux, qui étaient en bonne santé »13. Ici, l’homosexualité peut être renvoyée à une « représentation positive », et identifiée à autre chose qu’à la maladie. L’intéressé se souvient pourtant du « fond d’inquiétude » qui régnait en marge des Jeux14. Bien qu’au courant de son statut séronégatif, il reconnaît le « flou artistique » qui entourait alors pour lui la question du vih : « J’étais hanté par ça ».

10Un autre dirigeant arrivé en 1994 déclare : « Enfin on avait des repères, et ces repères c’était des gens disparus ». Il ne se souvient néanmoins d’aucune évocation fédérale de la question du sida entre 1994 et 1997. Non parce qu’elle ait été délibérément tue, mais parce qu’elle semblait « hors champ » : « Ça n’était pas le sujet en fait ». Il ne saurait donc pas dire s’il y avait des personnes séropositives. Il faut attendre la fin des années 1990 pour que le bulletin fédéral aborde explicitement cette question. En 1999, elle revient de l’extérieur, suite à une sollicitation de l’hebdomadaire gai Têtu, qui souhaite recueillir des témoignages de sportifs séropositifs pour préparer un guide sur le vih :

  • 15 Le Comité Gay Paris Ile-de-France est rebaptisé Fédération Sportive Gaie et Lesbienne (fsgl) en 199 (...)
  • 16 Anglicisme dont la traduction littérale est « sortir du placard ». Ici, correspond à l’annonce volo (...)
  • 17 C. Claudel, « vih et Sport : sujet tabou ou grand projet ? », Sprint Express, octobre 1999, n° 16.

« Cette démarche n’a pas été sans susciter un embarras aussi compréhensible qu’éloquent dans notre fédération. Le cgpif15 ne peut en effet se transformer en “agence de renseignement” sur un sujet aussi délicat qui touche l’intimité des personnes. La fédération s’est donc contentée d’une attitude neutre, informant ses licenciés de l’initiative et invitant ceux que le souhaiteraient à contacter directement le magazine. Il est vrai que la transparence sur son statut sérologique ne semble pas dans les habitudes des clubs, alors qu’elle peut davantage se concevoir dans des associations “spécialisées”. Quant au coming out16, autant il paraît problématique et exceptionnel à propos de l’homosexualité dans le milieu sportif traditionnel, autant il est rarissime en ce qui concerne la séropositivité. Le sport, machine à fabriquer des héros inoxydables, s’accommoderait-il mal des différences qui touchent à l’intégrité du corps et de son image »17.

  • 18 On peut noter qu’il s’agit ici seulement de lancer un appel à témoignages.

11Par-delà les questions éthiques associées à la révélation d’une information intime18, un décalage apparaît entre les valeurs d’inclusion impulsées à l’échelle internationale par la fgg et la réalité locale de pratiques travaillées par les représentations terrifiantes et les risques de stigmatisation associés à la maladie.

Protéger l’espace sportif du VIH-sida

  • 19 Cette association réalise des performances dans les lieux publics pour recueillir des fonds pour la (...)
  • 20 En 2004, les différentes associations lgbt parisiennes décident de proposer un tournoi unique multi (...)
  • 21 Cf. note précédente.

12Afficher publiquement un engagement préventif ou une affiliation à une association de lutte contre le vih s’accompagne d’un risque : celui de jeter un discrédit profond (Goffman, 1975) sur la structure et ses acteurs en induisant la présence a priori du vih-sida parmi ses membres. En d’autres termes, associer sa structure au vih-sida, même à des fins de prévention, c’est risquer une disqualification sociale (Paugam, 2001) du sport et des sportifs lgbt. Ainsi, malgré la volonté inclusive affichée au niveau international par la fgg, qui, dès la fin des années 1980, ouvre ses Jeux à l’ensemble des personnes concernées par le vih-sida (Ferez, 2007), les acteurs locaux du sport lgbt tardent à mettre en pratique l’inclusion de personnes concernées ou encore à rendre visible leur engagement en matière de lutte contre le vih-sida. Les résistances locales traduisent la peur de l’étiquetage qui conduirait à considérer : sport lgbt = vih-sida. Aussi, les partenariats et les collaborations publiques entre la FSGL et les associations investies dans la lutte contre le vih se dessinent progressivement. Au début des années 1990, des préservatifs sont distribués lors de soirées festives organisées par les clubs lgbt. Cependant, il faut attendre plusieurs années pour que des structures associatives de lutte contre le vih soient invitées aux soirées organisées par la fsgl. Les dirigeants de l’époque notent ainsi la présence des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence19 seulement à partir de la seconde moitié des années 1990. Plus tard, en 1997, le Kiosque Infos Sida et Toxicomanie est partenaire des 5ème EuroGames qui se déroulent à Paris, puis du Trophée Paris Aquatique20. C’est seulement en 2005, année durant laquelle la lutte contre le sida est proclamée par décision du gouvernement « Grande cause nationale », que, lors du Tournoi International de Paris21, la fsgl affiche publiquement sa politique inclusive, notamment vis-à-vis des personnes concernées par le vih-sida. En 2007, le partenariat noué avec Sidaction atteste de la pérennisation de cet engagement pour un sport inclusif.

13Malgré l’affichage de ces stratégies de communication sur les valeurs inclusives du sport lgbt, en coulisse, la séropositivité reste toutefois difficile à vivre au sein du milieu sportif, y compris communautaire. Les débats épidémiologiques et les premières réglementations sportives relatives aux risques de transmission apparues dans les années 1990 participent à la construction sociale du stigmate du vih, pérennisant des croyances et des peurs liées au risque de contamination sur les terrains sportifs. En effet, des dispositifs techniques de contrôle déployés dans l’objectif de sécuriser l’espace sportif – par l’hygiène – sont peu à peu mis en place. Organisés autour des principes de rationalisation du risque et de prévention par l’exclusion, ils vont contribuer à stigmatiser les individus concernés et discriminer l’ensemble des personnes séropositives. Ces dispositifs s’apparentent à des instruments d’action publique (Lascoumes, Le Galès, 2004). Loin d’être neutres, ils « déterminent en partie la manière dont les acteurs se comportent […] et véhiculent une représentation des problèmes » (id., 16). La réglementation est l’instrument choisi au sein de l’univers sportif traditionnel. En tant qu’institution sociale, cet instrument va produire une représentation spécifique des individus séropositifs au vih : dangereux, puisque contaminés et potentiellement contaminants (via le sang) et avec lesquels une pratique sportive constitue donc une pratique à risques.

14Aussi, le vih-sida concentre à lui seul trois épidémies : une médicale (relative aux pathologies liées au sida) ; une relevant de la santé publique et de la politique sociale (relative aux individus séropositifs) ; enfin, une « purement sociale et politique des peurs multiformes suscitées par l’épidémie, peurs (…) aussi transmissibles que le virus lui-même. » (Lascoumes, 1994, 61). Chacune de ces épidémies est rattachée à une pluralité de formes d’exclusion. Sur le terrain sportif, l’épidémie est celle des peurs : elle est sociale et politique. Suivant le raisonnement de Lascoumes (ibid.), la discrimination est la forme d’exclusion qui s’applique à cette épidémie de la peur. Ces modèles et ces pratiques de santé publique s’appliquent également à l’univers sportif traditionnel.

  • 22 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, (...)
  • 23 G. Eskenazi, « boxing; h.i.v. Positive, He Hands In His Crown », The New York Times, 17 avril 1993.
  • 24 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, (...)
  • 25 « (…) la World Boxing Organisation (wbo) est la seule fédération à imposer des tests de dépistage a (...)
  • 26 Ibid.

15Le 7 novembre 1991, alors qu’il est une star de l’équipe des Lakers et de la National Basketball Association (nba), Earvin Johnson Junior, dit Magic Johnson, annonce publiquement sa séropositivité au vih en même temps que sa retraite à 32 ans22. Deux ans plus tard, suite à un contrôle positif au vih, Ruben Palacio, star de la boxe, ne peut défendre son titre de champion du monde en catégorie poids plume lors des compétitions organisées à Londres en 199323. Si Magic Johnson renonce « “volontairement” (…) à la compétition » « sous la pression d’autres joueurs (…) »24, Ruben Palacio est quant à lui le premier champion en activité officiellement exclus d’une compétition internationale pour séropositivité au vih, et interdit de toute compétition par la wbo25. En 1996, toujours en boxe, Tommy Morrison, poids lourd américain, ancien champion du monde wbo rendu célèbre pour son rôle dans le film Rocky V en 1990, est exclu d’une compétition organisée à Las Vegas suite à un contrôle positif au vih, obligatoire dans l’État du Nevada. La médiatisation de ces cas de séropositivité n’est pas sans effet sur les réglementations en vigueur. Alors que seuls quatre États Américains (Nevada, Arizona, Oregon et Washington) imposaient aux boxeurs un dépistage obligatoire avant le premier combat de la saison, suite à l’outing de Tommy Morrison, l’État de New York instaure le dépistage obligatoire avant les combats, pendant que le New Jersey, la Californie et la Louisiane débattent de l’application de cette procédure26.

16Les questionnements sont identiques dans le sport amateur : quel est le risque « réel » qu’un sportif transmette la maladie à un autre pratiquant dans un sport de contact ? Ce risque est-il suffisant pour justifier une notification officielle pour les autres joueurs et/ou une exclusion ? (Kordi, Wallace, 2004). Entre 1995 et 1999, la revue aids Policy & Law rend compte de craintes persistantes concernant la transmission du VIH durant la pratique sportive. Aux États-Unis, suite à des études montrant une séroprévalence de 4% chez les étudiants engagés dans le sport universitaire (Feller, Flanigan, 1997), des districts en interdisent l’accès à ceux qui sont diagnostiqués séropositifs.

  • 27 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, (...)
  • 28 Propos du Dr Jean-Louis Llouquet, médecin fédéral de la Fédération française de boxe, recueilli par (...)
  • 29 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, (...)

17Au niveau national, selon Jean-Louis Llouquet, médecin fédéral de la Fédération Française de Boxe, « il faut répondre à trois questions : “Peut-on contracter le sida en faisant du sport ?” Non, mais il y a des sports à risque, dont la boxe. “Faut-il instaurer un dépistage systématique ?” Je suis contre, mais concernant la boxe j’y suis favorable. “Faut-il exclure de la compétition un boxeur séropositif ?” Oui. »27. Finalement, en France, chaque fédération fait le choix d’édicter ses propres règles afin de « prévenir un risque de transmission que, dans l’état des connaissances, tout le monde s’accorde pour estimer très faible mais réel »28. C’est ainsi que se mettent en place des procédures et des règlements qui, dans certaines disciplines, sont toujours à l’œuvre : depuis novembre 1987, le port de protèges tibias est obligatoire au football en raison du potentiel hémorragique de cette zone ; un joueur victime d’une blessure hémorragique doit quitter le terrain et ne peut le réintégrer qu’une fois celle-ci stoppée et/ou recouverte (règle appliquée au basket, au rugby et au football) ; l’éponge utilisée pour nettoyer une plaie est proscrite ; le port de gants en latex est conseillé aux arbitres et aux soignants en boxe29. Le dépistage obligatoire dans le cas de la boxe – qui débouche sur une déclaration publique quasi inévitable (avec l’ensemble des conséquences qui en découlent) –, ou encore la mise à l’écart – temporaire ou définitive – d’un sportif impliqué sur un terrain de football ou de rugby (séropositif ou non) parce qu’il saigne, sont autant de procédures et de techniques d’opérationnalisation mise en œuvre pour la « protection de l’intérêt général » (Lascoumes, 1994, 65).

  • 30 En référence au chapitre d’ouvrage « Déchiffrer la maladie » (Berlivet, 2001).

18Au sein de cette biopolitique de la gestion du vih, l’hygiène est un mode de sécurisation de l’espace sportif qui privilégie la « défense du bien commun (…) au détriment des personnes atteintes (…) », et qui est a priori « inconciliable avec le respect du droit des personnes » (ibid.). Les propos de Georges Perez, docteur et président de l’association Médecine-Boxe – organisateur du colloque « Sport, quels risques infectieux ? » en octobre 1993 – illustrent la logique de ce dispositif technique de contrôle construit à partir d’une pensée probabiliste. L’intéressé commence par définir deux catégories de sports « à risques » : « D’abord les sports de combat “percutés”, karaté et sports de rings, mais surtout la boxe professionnelle. En raison du port du casque obligatoire, les dangers sont moindres en boxe amateur. Ensuite, il y a des sports dits de “frottement”, le rugby, la lutte, le judo, etc., voire des sports comme le football ou le basket. Mais, là, les risques sont bien évidemment très minimes ». Les catégories du risque dans le sport sont pensées à partir d’une rationalisation du potentiel contaminant de ses pratiques. La « représentation probabiliste de la maladie et de la santé véhiculée par l’épidémiologie contemporaine » (Berlivet, 2001, 78) s’applique en-deçà de la sphère de la santé publique, englobant les pratiques sociales mettant en jeu le corps. Cette logique de « mathématisation du réel » (Israël, 1996) permet dès lors de déchiffrer30 les risques de contamination au sein des pratiques sportives :

  • 31 J.-E. D., « Dr Georges Perez : “Seulement quelques disciplines sont concernées” », L’Humanité, 18 o (...)

« […] Attention ! Nous disons que le risque de transmission virale au cours du déroulement de certaines pratiques sportives n’est pas impossible, mais nous ne disons pas que cela arrive forcément. (…) Quoi qu’il en soit, je ne peux pas, moi médecin, attendre de savoir s’il est possible qu’un boxeur porteur d’une plaie saignant abondamment puisse en infecter un autre au cours d’un combat, surtout si le deuxième est lui aussi porteur d’une plaie, la souillure réciproque de celles-ci par le sang de l’adversaire devenant alors possible. (…) À mon sens, cette réalité des blessures hémorragiques (corps à corps, coups de tête...) nous font reconnaître les sports de combat en question comme des “sports à risques”. Dans le cas de la boxe anglaise, il nous semble que ce risque pourrait être assimilé à celui encouru par les professions de santé qui est évalué à 0,3%. Nous ne disons rien de plus. Simplement que la prise de mesures préventives paraît souhaitable. »31

19La dimension sanitaire conférée à la question du vih au sein de l’espace sportif « en tant qu’enjeu de santé publique (…) contribue à rendre tangible la question de l’exposition aux risques faibles » (Boutaric, Lascoumes, 2008, 8). Comme le note Lascoumes, « Réglementer c’est ainsi avaliser une dangerosité potentielle qui mérite attention » (2004, 9). La statistique, outil de taxinomie sociale, produit une catégorisation configurant la réalité sociale à laquelle les individus vont ensuite se référer (Desrosières, 1993). S’appuyant sur les travaux de Castel (1981), Lascoumes précise qu’il « n’y a pas de risque en soi, il n’y a que des façons, toujours particulières historiquement et culturellement, d’appréhender les situations d’incertitude » (1994, 68). À partir d’« une rationalisation du hasard et des probabilités » (Foucault, 2004, 61), les procédures et les règlementations à l’œuvre visent une sécurisation idéelle de l’espace sportif. Ainsi, « [a]u nom d’un idéal de sécurité, la société contemporaine a créé des dispositifs d’élargissement constant de la notion de risques, et, dans cet horizon d’aspiration à une prévisibilité maximale, la volonté de maîtrise du vivant multiplie les dispositifs techniques de contrôle […]. » (Lascoumes, 1994, 74).

  • 32 L.-A. Bitting, C.-A. Trowbridge, L.-E. Costello, 1996, « A Model for a policy on hiv/aids and athle (...)

20Ce faisant, malgré le fait qu’aucune étude ne puisse attester d’un cas d’infection au vih durant une pratique sportive « à risques », au début des années 2000, des travaux continuent à évaluer les risques de contamination dans les activités favorisant les contacts physiques et les saignements (Sutliff, Freeland, 1995), telles le rugby (Stacey, Aktins, 2000) et le karaté (Müller-Rath et al., 2004). De plus, en rappelant régulièrement l’existence, même minime, de risques d’infection durant l’exercice physique ou la compétition, ce discours rejoint celui qui, dans les revues médicales de l’époque, appelle à la responsabilisation de l’individu porteur du VIH, finalement seul juge de ses capacités à pratiquer selon son statut clinique et du risque d’effusion de sang dans certaines activités32 (LeBlanc, 1993 ; Newman, 1993 ; Sutliff, Freeland, 1995 ; Dorman, 2000). L’éducation y est ainsi finalement présentée comme un moyen plus efficace que la réglementation pour lutter contre le risque de contamination associé (Dorman, 2000).

L’accompagnement sanitaire et social par l’activité physique et sportive

  • 33 Le groupe Traitements et Recherche Thérapeutique, constitué de 5 associations (dont aides et Act Up (...)
  • 34 C’est-à-dire d’actions pesant sur l’organisation des essais cliniques et sur la diffusion des nouve (...)

21Jusqu’au milieu des années 1990, c’est donc autour de la problématique de l’inclusion-exclusion que se structurent les premières prises de positions sur l’accès au sport des personnes séropositives au vih. D’un côté, par-delà les ambivalences, le sport lgbt français s’efforce tant bien que mal d’ajuster ses pratiques à l’idéologie inclusive forgée par la Fédération des Gay Games, dans le sillon de laquelle il s’est constitué. De l’autre, les fédérations traditionnelles s’appuient sur la littérature médicale pour penser des règles d’hygiène et de sécurité qui déterminent l’accès aux terrains sportifs. Le déplacement des questionnements qui s’opère au milieu des années 1990 est moins lié à l’extinction de cette problématique initiale qu’à son recouvrement par une autre, largement relayée par les acteurs associatifs de la lutte contre le vih. Au tournant des années 1990, l’arrivée d’aides impulse une reconfiguration du champ associatif (Broqua, 2005). En rompant avec les stratégies d’héroïsation des malades et de renversement du stigmate promues par Act Up-Paris, aides veut faire du malade un « réformateur social » impliqué dans les campagnes de prévention et le système de soins (Defert, 2014). Parallèlement, la mise en place d’un groupe inter-associatif conduit, en 1992, à la création du trt-533 et aux débuts de l’« activisme thérapeutique » (Dalgalarrondo, 2004)34. C’est dans ce contexte que, en 1996, la découverte de traitements efficaces induit la requalification de l’infection en « maladie chronique » (Pierret, 1997, 2006). Les individus diagnostiqués séropositifs tombent alors sous le coup des politiques de prévention tertiaire, et des incitations à se « prendre en charge » pour maintenir leur état de santé ou leur « qualité de vie », notamment grâce à une activité physique régulière (Ferez, Thomas, 2012). Les associations de lutte contre le vih se font alors les principaux relais d’une pratique d’accompagnement sanitaire et social des individus les moins pourvus en ressources sociales, économiques et matérielles, ou les moins disposés à les mobiliser.

  • 35 Ces 21 articles comprennent à la fois des publications portant directement sur les pratiques physiq (...)

22Cette apparition du thème « sport-santé » dans l’espace associatif de lutte contre le vih peut être étudiée au travers des publications associatives. On identifie cinq revues pérennes au cours des années 1990 et 2000 : le Journal du sida (Arcat), Protocoles (Act Up-Paris), Remaides (aides) et Info Traitements (Actions Traitements). L’analyse du corpus constitué par l’ensemble des articles publiés dans ces revues depuis 1990 permet d’en distinguer dix-neuf évoquant « l’exercice », « l’activité physique » ou le « sport »35, auxquels s’ajoutent deux dossiers intégralement consacrés aux activités physiques et sportives.

  • 36 « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, n° 52-53, 4 (...)
  • 37 « Une pression au sport qui peut faire suer » et « Le sport n’est pas neutre », Journal du sida, ja (...)
  • 38 Info Traitements, janvier 2002, n° 96.
  • 39 « Activité physique et vih », Info Traitements, juin 2003, n° 113 ; « Sport et vih, mon expérience (...)
  • 40 Info Traitements, octobre 2007, n° 165.

23Cinq articles sont publiés dans le Journal du sida, titre le plus ancien (son premier numéro paraît le 1er décembre 1989) et seule revue associative à aborder explicitement la problématique de l’exclusion des personnes séropositives dans le sport dans deux articles parus à l’été 1993 et au printemps 199436, puis (plus discrètement) dans deux autres publiés en 201237. La revue mensuelle Info Traitements, dont la première parution date de mars 1993, publie pour sa part quatre articles en lien avec la thématique. Elle attend toutefois 2002 pour manifester un intérêt pour l’activité physique par le biais d’un texte précisant les recommandations formulées par le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases : « Régime et exercice pour prévenir le diabète »38. La recommandation de « l’exercice » s’adresse ici aux seuls diabétiques. Trois articles qui paraissent entre 2003 et 2006 l’étendent ensuite à l’ensemble des individus séropositifs au vih39. En octobre 2007, la publication d’un dossier confirme cette généralisation. L’éditorial, intitulé : « Une activité physique adaptée », est suivi de quatre articles : « Témoins de parcours de santé : Sport, vih et traitements » ; « Un professionnel de santé témoigne... “Ma première thérapie, c’est le sport !” » ; « Activité sportive chez les personnes vivant avec le vih: des effets bénéfiques certains ! » ; « Ce que j’en pense... Activité physique, oui, mais si j’ai pas envie... ? »40.

  • 41 « Dossier Sport et vih  », Protocoles, octobre-novembre 2007, n° 48.
  • 42 Remaides, 1992, n° 6, p. 8.
  • 43 La visualisation est une technique psychothérapeutique basée sur l’imagerie mentale. Il s’agit ici (...)
  • 44 Dans la même veine, en 2003, le Journal du sida vante l’intérêt des arts martiaux pour les personne (...)

24La revue Protocoles attend également une dizaine d’années après son apparition (en mai 1997) pour s’intéresser au « sport-santé »41. Act Up-Paris n’est donc pas précurseur en la matière, pas plus qu’Arcat (Journal du sida) ou qu’Actions Traitements (Info Traitements). En fait, c’est Remaides, revue trimestrielle créée par aides au début de l’année 1990, qui non seulement s’engage le plus tôt dans la voie, mais se montre aussi la plus prolixe, avec dix publications évoquant « l’exercice », « l’activité physique » ou le « sport » dans les années 1990 et 2000. Avant 1996-1997, et la diffusion des traitements antirétroviraux, les apparitions sont néanmoins discrètes. La première incursion a lieu en 1992, dans un dossier qui porte sur la nutrition. Elle est avant tout symbolique, un article titrant : « Nutrition et vih: Mangez comme un sportif ». Il ne s’agit donc pas d’encourager les personnes à l’activité physique, mais de les inviter à être attentives à leur régime alimentaire, dans la mesure où « [l]e malade atteint du sida a des besoins de sportif ! »42. Ce dernier n’est pas encore tout à fait considéré comme un malade chronique. L’imaginaire morbide associé au sida est encore dominant. Il le reste quelques années. Ainsi, début 1996, un long article vante encore la « Vision Force », une « méthode douce pour se sentir mieux » proposée aux adhérents d’aides depuis 1988. En moins de huit ans, 450 d’entre eux ont suivi des « ateliers ou des groupes Vision Force ». Créés par un volontaire de l’association, ces ateliers mêlent des techniques de relaxation et de visualisation43. Ils s’inscrivent pleinement dans la panoplie des outils psychothérapeutiques caractéristiques de la période qui est sur le point de s’achever, puisqu’ils visent à réduire l’angoisse de vivre avec un virus mortel. Il s’agit donc ici de proposer un travail visant à intégrer et à accepter les inexorables affaiblissements et dégradations du corps liés à l’infection et à son évolution fatale44.

  • 45 « Une alimentation équilibrée : les bonnes proportions », Remaides, 1998, n° 28, p. 29.
  • 46 Ibid., p. 30.
  • 47 « Lipodystrophies (problèmes de graisses) : où en est-on ? », Remaides,1999, n° 31, 4-5.

25À partir de 1997, une rupture dans les discours sur l’activité physique et sportive étudiés s’opère avec la requalification de l’infection au vih en « maladie chronique » consécutive à la diffusion de traitements efficaces. Dans un premier temps, cette rupture est discrète. Elle concerne des propos en marge d’articles consacrés à d’autres sujets. Ainsi, en 1998, un article prodiguant des conseils en vue d’avoir une « alimentation équilibrée » pointe l’intérêt de « faire de l’exercice physique »45, notamment si « l’on a trop de graisse dans le sang ». Le texte insiste : « Pour diminuer ces problèmes il est conseillé de pratiquer régulièrement de l’exercice physique et de modifier son alimentation (tout en veillant à ce qu’elle reste équilibrée) »46. Quelques mois plus tard, en début d’année 1999, « l’exercice physique » fait partie des trois recommandations qui sont adressées aux personnes souffrant de lipodystrophies47. Pour l’heure, l’activité physique n’est pas une préoccupation autonome. L’équilibre exercice/alimentation prévaut, dans une logique nutritionnelle.

  • 48 « Ré-équilibrer son alimentation, faire de l’exercice », Remaides, 1999, n° 32, p. 15.
  • 49 « Pourquoi et comment arrêter de fumer ? », Remaides, 2001, n° 39, 28-29.

26Il s’agit par exemple, toujours en 1999, d’adopter un mode de vie alimentaire et une pratique physique qui permettent d’assurer une meilleure utilisation du sucre par l’organisme, afin de réduire la masse grasse au profit du développement de la masse musculaire. Dans ce cadre, les recommandations adressées se font toutefois peu à peu plus claires et plus précises : « Tous les sports peuvent être bénéfiques, à condition qu’ils soient pratiqués de manière régulière idéalement, au moins ½ h, au moins trois fois par semaine ». En arrière-plan, le conseil s’inscrit dans un cadre qui peut, dans certains cas, appeler la surveillance médicale : « Si l’on n’a pas fait d’exercice depuis longtemps, il est nécessaire de démarrer de manière modérée et progressive, après avoir pris l’avis de son médecin »48. Malgré ces précisions, jusqu’au début des années 2000, l’exercice physique est toujours envisagé comme un moyen parmi d’autres mobilisé en raison d’une préoccupation sanitaire ciblée (le diabète, les lipodystrophies) ou dans une perspective nutritionnelle. Dans un article visant à aider les personnes à arrêter de fumer, l’activité physique est par exemple conseillée après l’arrêt du tabac, afin de « contrôler son poids ». Une nouvelle fois, l’auteur prend le temps de préciser : « Si l’on n’en a pas pratiqué depuis longtemps, il faut débuter de manière modérée, progressive, après avoir pris l’avis de son médecin traitant »49.

  • 50 On rappelle qu’Info traitements publie ses deux premiers articles entièrement consacrés à ces activ (...)
  • 51 « Sportez-vous bien ! », Remaides, 2003, n° 49, 15-18.
  • 52 « Au pays des muscles », Remaides, 2005, n° 55, 15-18 ; « L’activité physique : un remède naturel » (...)
  • 53 « Hygiène de vih. L’envie d’avoir envie », Remaides, 2007, n° 63, 22-23.

27Dans Remaides, comme dans Info Traitements, un tournant décisif a lieu au cours de l’année 2003, avec la publication des premiers articles directement centrés sur les activités physiques et sportives50. La notion d’« exercice physique » s’estompe alors au profit de l’évocation de « l’activité physique » ou du « sport », souvent confondus. Le message est clair : « [L]’activité physique est recommandée aux personnes séropositives. Mais par où commencer quand on n’a jamais fait de sport ? Quelques conseils simples pour démarrer »51. Mais avant cela, il s’agit de trouver les mots justes pour convaincre le lecteur : « pourquoi faire du sport ? ». Quatre motifs sont mis en avant, tous fondés sur une rationalité biomédicale de maintien de la qualité de vie ; la pratique sportive permet à la fois de préserver sa santé cardiaque, de perdre du poids, de développer sa masse musculaire et d’être moins stressé. En plus de signaler « les bienfaits de l’endurance », l’auteur détaille huit exercices de gymnastique pour « lutter contre les bourrelets et la lipodystrophie ». Il n’entend par ailleurs pas oublier ceux qui n’apprécient guère le sport, qui peuvent tout de même s’efforcer de faire de la marche quotidienne, sinon de la randonnée ou du vélo. Les mêmes types d’arguments vantant « les bienfaits du sport » reviennent dans des articles publiés en 2005, 200652 et 2007, où l’activité physique est décrite comme l’une des dimensions de « l’hygiène de vih »53.

  • 54 Info Traitements, octobre 2007, n° 165 ; Protocoles, octobre-novembre 2007, n° 48.
  • 55 Nous avons participé à l’ensemble de ces réunions, soit comme simple spectateur, soit comme « exper (...)

28Parallèlement, avec la parution de deux dossiers sur l’activité physique et sportive dans Info Traitements et dans Protocoles, l’année 2007 marque la consécration du mouvement d’encouragement à pratiquer initié depuis quelques années par Remaides54. Les incitations passent d’ailleurs par d’autres canaux que ceux des revues associatives. Ainsi, la même année, deux associations de lutte contre le VIH organisent pour la première fois des réunions d’information qui s’intéressent aux activités physiques et sportives. La « Soirée thérapeutique » d’aides Ile-de-France du 4 avril 2007 entend informer sur « Les Bienfaits du sport ». La réunion d’Act Up-Paris du 16 mai 2007 accueille, entre autres, un expert dans le domaine des activités physiques pour traiter du thème « Clope, canapé, malbouffe ». Le 21 février 2008, c’est au tour d’Actions Traitements et du Kiosque Info Sida d’organiser une réunion d’information intitulée « Séropositifs : une activité physique adaptée »55. Depuis le début des années 2000, la plupart des associations proposent par ailleurs déjà des créneaux hebdomadaires de pratique sportive à leurs adhérents. L’activité physique a donc intégré la panoplie des outils de prise en charge auxquels les individus doivent recourir pour être considérés comme de « bons » malades chroniques. Le monde associatif a même constitué un relais privilégié des discours de santé publique (Duval et al., 2016), dans un contexte plus favorable à la mise en œuvre des politiques d’accompagnement sanitaire et social par l’activité physique et sportive, qu’à l’engagement militant contre l’exclusion des personnes séropositives des espaces sportifs.

Conclusion

29À la lutte contre l’exclusion des sportifs séropositifs des espaces traditionnels par la promotion d’une logique inclusive au sein des associations lgbt, succède la montée en puissance d’un usage instrumental du sport dans le cadre d’une ingénierie sanitaire et sociale au sein de l’espace associatif engagé dans la lutte contre le vih. Ces associations se présentent dès lors comme des relais du déploiement de l’activité physique adaptée et du « sport-santé ». Cela ne présage évidemment pas du potentiel inclusif des activités qu’elles proposent. Elles n’en font toutefois pas un objectif explicitement revendiqué. À première vue, le lien social symétrique défendu et recherché par les associations lgbt à travers la lutte pour la reconnaissance et l’inclusion dans et par le sport s’efface au profit de rapports asymétriques. Le sport s’affiche ici avant tout comme un moyen de relayer les discours et objectifs de santé publique.

30À la fois confrontées à une injonction à se rapprocher de la figure du « patient idéal » (Race, 2001) et aux risques d’exclusion au sein des espaces sportifs traditionnels, les personnes séropositives ne se trouvent-elles alors pas face à l’alternative suivante : privilégier une pratique physique individuelle dans la « normalité », loin des espaces sportifs traditionnels, en taisant l’information sur son statut sérologique pour ne pas risquer la stigmatisation et/ou des mesures d’exclusion ; ou s’engager dans une pratique physique au sein d’une association de lutte contre le vih permettant l’accès à un espace de sociabilité conçu comme un des outils du dispositif de « prise en charge » (Ferez et al., 2014) ? Pour Le Yondre : « Les dispositifs politiques [font] du sport un support d’intervention sociale auprès de personnes identifiées comme vulnérables, en situation d’exclusion sociale (…) » (2015, 72). On retrouve ainsi au sein des activités proposées par les associations investies dans la lutte contre le vih les individus faiblement dotés en ressources sociales, économiques et matérielles, ou qui ne sont pas disposés à les utiliser (voir à ce sujet Duval, 2016).

  • 56 Le biopouvoir désigne « ce qui fait entrer la vie et ses mécanismes dans le domaine des calculs exp (...)

31L’analyse des effets de la sécurisation de l’espace sportif par l’hygiène permet de son côté de rendre compte, en actes, des dangers liés au biopouvoir56 « à savoir l’emprise croissante sur un contrôle du vivant » (Lascoumes, 1994, 72). Avant la théorisation du biopouvoir (Foucault, 1976, 2004), Canguilhem (1996) exprimait une préoccupation similaire face à la biologisation du social « qui, au nom d’un “bien” individuel et collectif, produit de nouvelles catégories de discrimination et d’exclusion » (Lascoumes, 1994, 69-72).

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Sutliff (M.-A.), Freeland (D.-K.), 1995, « Limits of confidentiality testing and disclosure with HIV-infected sports participants engaging in contact sports: Legal and ethical implications », Journal of Sport and Social Issues, vol. 19, n° 4, 415-429.

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Notes

1 G. Thomas, 2001, « Définir pour compter », Monstre, n° 3, 38-42.

2 Lesbiennes, Gays, Bi et Trans.

3 Ces revues sont respectivement publiées par aides, Act Up, Arcat et Action Traitements, quatre associations de lutte contre le vih créées dans les années 1980.

4 T. Waddell, D. Schaap, 1996, Gay Olympian. The Life and the Death of Dr. Tom Waddell, New York, Alfred A. Knop.

5 Entretien avec Manuel Picaud (trésorier de la fgg), le 7 septembre 2004.

6 En 2006, elle obtient aussi la suspension de cette loi pour la durée des Gay Games de Chicago.

7 En effet, comment empêcher « la triche » sans exclure les individus sous traitement ?

8 Entretien avec Pierre Cassan, le 12 avril 2007.

9 Les EuroGames, créés par l’eglsf en 1992, se déroulent tous les deux ans, sur le modèle des Gay Games.

10 Entretien avec Hervé Lainé, le 26 mars 2006.

11 Entretien avec Christophe Krausch (président de la fédération entre 1993 et 1995), le 10 août 2006.

12 Cette association homosexualité/séropositivité au vih se retrouve dans le discours des médias dès les premiers cas de sida, nommé alors « cancer gay » ou encore épidémie des 4h (le premier h étant Homosexuel) (cf. Edelman, 2013).

13 « Il pouvait y avoir à la fois une fierté, une puissance, et finalement ça sortait un peu de l’angoisse que moi je vivais. J’étais vraiment très effrayé par l’épidémie… enfin, à cette époque-là, être séropositif c’était quand même un peu être condamné ! ». Entretien avec un membre du bureau de la fédération (anonyme) jusqu’en 1995.

14 Il se souvient notamment d’une affichette collée partout dans la ville de New York où le cow-boy d’une célèbre marque de cigarettes déclarait : « Maybe I have aids ? ».

15 Le Comité Gay Paris Ile-de-France est rebaptisé Fédération Sportive Gaie et Lesbienne (fsgl) en 1998.

16 Anglicisme dont la traduction littérale est « sortir du placard ». Ici, correspond à l’annonce volontaire, au dévoilement de son homosexualité ou de sa séropositivité au vih (cf. Kosofsky Sedgwick, 2008).

17 C. Claudel, « vih et Sport : sujet tabou ou grand projet ? », Sprint Express, octobre 1999, n° 16.

18 On peut noter qu’il s’agit ici seulement de lancer un appel à témoignages.

19 Cette association réalise des performances dans les lieux publics pour recueillir des fonds pour la lutte contre le vih-sida.

20 En 2004, les différentes associations lgbt parisiennes décident de proposer un tournoi unique multisports. Le Trophée Paris Aquatique devient le Tournoi International de Paris. Ce grand tournoi lgbt regroupe des sportifs de clubs lgbt venus du monde entier.

21 Cf. note précédente.

22 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, n° 52-53, 40-41.

23 G. Eskenazi, « boxing; h.i.v. Positive, He Hands In His Crown », The New York Times, 17 avril 1993.

24 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, n° 52-53, 40-41.

25 « (…) la World Boxing Organisation (wbo) est la seule fédération à imposer des tests de dépistage avant ses championnats du monde. […] L’International Boxing Federation (ibf), la World Boxing Association (wba) et le World Boxing Council (wbc) ne prennent aucune mesure, se contentant d’appliquer la loi en vigueur là où sont organisés leurs championnats. », Chemin (M.), « boxe (1). Le dépistage systématique du sida fait peur aux fédérations », Libération, 19 février 1996.

26 Ibid.

27 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, n° 52-53, 40-41.

28 Propos du Dr Jean-Louis Llouquet, médecin fédéral de la Fédération française de boxe, recueilli par L. De Villepin, « Boxe : tant qu’il y aura du sang… », Journal du sida, mars 1994, n° 60, p. 19.

29 C. Brunet, « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, n° 52-53, 40-41.

30 En référence au chapitre d’ouvrage « Déchiffrer la maladie » (Berlivet, 2001).

31 J.-E. D., « Dr Georges Perez : “Seulement quelques disciplines sont concernées” », L’Humanité, 18 octobre 1993.

32 L.-A. Bitting, C.-A. Trowbridge, L.-E. Costello, 1996, « A Model for a policy on hiv/aids and athletics », Journal of Athletic Training, n° 31, 356-357.

33 Le groupe Traitements et Recherche Thérapeutique, constitué de 5 associations (dont aides et Act Up-Paris).

34 C’est-à-dire d’actions pesant sur l’organisation des essais cliniques et sur la diffusion des nouvelles molécules.

35 Ces 21 articles comprennent à la fois des publications portant directement sur les pratiques physiques et sportives, mais aussi des articles abordant ces dernières dans le cadre d’une réflexion sur le bien-être, le stress, la nutrition, les lipodystrophies (modification de la répartition des masses graisseuses dans l’organisme liés aux traitements antirétroviraux) ou le recours à la chirurgie esthétique.

36 « Sports de compétition : la logique d’exclusion », Journal du sida, juillet-août 1993, n° 52-53, 40-41 ; « Boxe : tant qu’il y aura du sang… », Journal du sida, mars 1994, n° 60, p. 19.

37 « Une pression au sport qui peut faire suer » et « Le sport n’est pas neutre », Journal du sida, janvier-février-mars 2012, n° 222, 38-39. Ces deux articles font suite à la publication d’un ouvrage collective sur un travail de recherche dirigé par l’un des auteurs du présent article (Ferez, Thomas, 2012).

38 Info Traitements, janvier 2002, n° 96.

39 « Activité physique et vih », Info Traitements, juin 2003, n° 113 ; « Sport et vih, mon expérience au quotidien (témoignage) », Info Traitements, novembre 2003, n° 118 ; « Des fesses bien rembourrées », Info Traitements, rubrique « Qualité de vie », décembre 2006, n° 155.

40 Info Traitements, octobre 2007, n° 165.

41 « Dossier Sport et vih  », Protocoles, octobre-novembre 2007, n° 48.

42 Remaides, 1992, n° 6, p. 8.

43 La visualisation est une technique psychothérapeutique basée sur l’imagerie mentale. Il s’agit ici par exemple d’essayer de visualiser le virus dans le cadre d’une séance de relaxation. « Vision Force », Remaides, 1996, n° 19, 36-37.

44 Dans la même veine, en 2003, le Journal du sida vante l’intérêt des arts martiaux pour les personnes développant des cancers, et non pour l’ensemble des pvvih. Cf. « Cancer arts martiaux informations : La “réappropriation de soi” », 2003 (mai), Journal du sida, n° 155, 31-32.

45 « Une alimentation équilibrée : les bonnes proportions », Remaides, 1998, n° 28, p. 29.

46 Ibid., p. 30.

47 « Lipodystrophies (problèmes de graisses) : où en est-on ? », Remaides,1999, n° 31, 4-5.

48 « Ré-équilibrer son alimentation, faire de l’exercice », Remaides, 1999, n° 32, p. 15.

49 « Pourquoi et comment arrêter de fumer ? », Remaides, 2001, n° 39, 28-29.

50 On rappelle qu’Info traitements publie ses deux premiers articles entièrement consacrés à ces activités au cours de cette même année 2003 : « Activité physique et vih », Info Traitements, n° 113, juin 2003 ; « Sport et vih, mon expérience au quotidien (témoignage) », Info Traitements, n° 118, novembre 2003.

51 « Sportez-vous bien ! », Remaides, 2003, n° 49, 15-18.

52 « Au pays des muscles », Remaides, 2005, n° 55, 15-18 ; « L’activité physique : un remède naturel », Remaides, 2006, n° 60, p. 15.

53 « Hygiène de vih. L’envie d’avoir envie », Remaides, 2007, n° 63, 22-23.

54 Info Traitements, octobre 2007, n° 165 ; Protocoles, octobre-novembre 2007, n° 48.

55 Nous avons participé à l’ensemble de ces réunions, soit comme simple spectateur, soit comme « expert » invité à intervenir, ainsi qu’à la soirée « Activités physiques et vih, bénéfices et limites » proposée le 24 novembre 2010 par l’association Actif Santé. Il n’est ici pas possible d’entrer plus dans le détail de leur organisation.

56 Le biopouvoir désigne « ce qui fait entrer la vie et ses mécanismes dans le domaine des calculs explicites, et fait du pouvoir-savoir un agent de transformation de la vie humaine », Foucault, (1976, 188).

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Pour citer cet article

Référence papier

Mélanie Perez et Sylvain Ferez, « Sport et VIH-sida : de l’exclusion des séropositifs à l’accompagnement des « malades » »Sciences de la société, 101 | 2017, 92-111.

Référence électronique

Mélanie Perez et Sylvain Ferez, « Sport et VIH-sida : de l’exclusion des séropositifs à l’accompagnement des « malades » »Sciences de la société [En ligne], 101 | 2017, mis en ligne le 24 mai 2019, consulté le 10 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/6299 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.6299

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Auteurs

Mélanie Perez

Doctorante à l’Université de Montpellier, équipe Santésih, ea 4614 (Faculté des staps, 700 av. du Pic Saint-Loup, 34090 Montpellier).

Sylvain Ferez

Maître de conférences hdr à l’Université de Montpellier, équipe Santésih, ea 4614 (Faculté des staps, 700 av. du Pic Saint-Loup, 34090 Montpellier).

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Droits d’auteur

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