1Il y a une trentaine d’années, le sociologue Ulrich Beck avançait une thèse controversée, à l’origine d’un terme à la popularité toute contemporaine : la « société du risque ». Il entendait ainsi relater, entre autres aspects, la manière dont les innovations technologiques et les développements scientifiques tendaient à générer de nouveaux risques endogènes, ainsi qu’un sentiment de perte de contrôle de l’homme sur son environnement. Le sens de sa formule à succès fut peu à peu précisé : l’époque contemporaine se caractériserait davantage par l’omniprésence du risque dans notre imaginaire collectif que par le fait que nous vivions dans un monde effectivement plus dangereux (Beck, 2001). Il fut rejoint en cela par Giddens (1994) puis Peretti-Watel (2000), même si, dès la fin des années 1970, Wildavsky (1979) soulignait déjà ce paradoxe.
2Un autre aspect du travail de Beck souligne l’accroissement des situations échappant en partie à des déterminismes sociaux jusqu’alors prégnants. Cette plus grande imprévisibilité pousserait les individus et les sociétés à faire fréquemment des choix et à exercer leur réflexivité (Grossetti, 2004). A l’échelle sociétale, le risque constituerait dès lors un des vecteurs par lequel les sociétés contemporaines, reconnaissant certaines de leurs limites, se problématisent. Quant à l’individu, moins porté par les régulations collectives et de plus en plus sommé de se définir à travers ses références propres, il trouverait dans le rapport au risque et la responsabilité exercée pour y faire face des ressources de sens lui permettant de demeurer acteur de son existence (Le Breton, 2012 ; Giddens, 1994). Lié à une culture du risque valorisant la maîtrise individuelle et la mise en évidence de sa responsabilité (Giddens, 1994), ce phénomène a été étudié, dans le domaine des loisirs sportifs, par plusieurs chercheurs (Raveneau, 2006 ; Routier, 2011 ; Pabion-Mouriès et al., 2016).
3Cet article privilégie la première entrée, jusqu’ici moins sujette à des développements poussés, à propos des activités récréatives et sportives, que la seconde. La question posée est celle de la manière dont on donne à voir les menaces, au-delà de la dangerosité effective d’un secteur d’activité. Psychologues, économistes, anthropologues, politistes et sociologues n’ont pas attendu le succès rencontré par Beck pour appréhender cette question, qu’ils l’abordent en termes de perception, de représentation, de préférence, de biais culturels, de médiatisation ou encore de mise sur agenda des risques. La distinction entre les risques objectivés par la mesure et l’expertise, d’une part, et les périls perçus de façon plus ou moins irrationnelle par les populations, d’autre part, est désormais caduque. Elle a fait place, depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, à un nouveau paradigme plus à même d’embrasser la complexité inhérente à la question abordée : la construction des risques, à travers des discours, des politiques, des traitements médiatiques, une appartenance culturelle et enfin des aspects socio-historiques (Beck, 2001).
4Le travail présenté se focalise sur des dangers a priori mineurs au regard des périls environnementaux, technologiques ou encore terroristes qui pèsent sur nos sociétés contemporaines : les pratiques récréatives en territoire de montagne (sports d’hiver, alpinisme, randonnée, etc.), dont l’accidentalité se trouve néanmoins fréquente et sévère. Cette contribution n’aborde pas la dimension factuelle des risques (domaine de l’accidentologie, cf. Soulé et al., 2014) mais traite de leurs modes d’objectivation et d’élaboration collectives (Fabiani, 1985 ; Roqueplo, 1985). Entre promotion touristique des territoires de montagne, initiatives favorisant le développement des loisirs qui y sont pratiqués, mais aussi nécessaire prévention des accidents, présence structurante de secouristes publics et de dispositifs médicaux spécialisés, cet objet se prête tout particulièrement à une analyse de ce type. A propos des accidents de sport (au sens large), Loirand (2015) dresse un constat radical, soulignant leur invisibilité sociale : cette difficulté à en faire un problème public s’expliquerait par le poids économique de la « casse » sportive (estimé à plus de 4 milliards d’euros par an à l’échelle nationale), des intérêts fédéraux (ne pas faire de bruit autour de ce phénomène pour continuer à recruter massivement et à disposer de moyens pour produire une élite sportive) et commerciaux (un marché médical secondaire s’étant constitué autour de ces écueils corporels récurrents). Comme Diaz (2013) à propos de la sécurité des événements sportifs et culturels, nous sommes en présence de divers acteurs participant non seulement à l’organisation des espaces, mais aussi à la construction des risques, cette « réalité » donnée à voir qui est en fait le fruit de multiples interventions et interprétations. Quels processus sociaux et culturels médiatisent ces menaces, les portant à la connaissance du public et des principaux intéressés (les pratiquants a priori vulnérables) ? Il s’agit, pour paraphraser Diaz (2013), de saisir comment ces objets et faits (c’est-à-dire la matérialité des menaces) deviennent ces « objets là » et ces « faits là », à partir desquels vont émerger des partis-pris préventifs, des formations d’intervenants ou encore des campagnes de sensibilisation.
5Afin de saisir le processus de « mise en risque » (Ewald, 1986) des activités récréatives et sportives de montagne, l’article prendra appui sur différentes théories ayant contribué à expliquer le passage du danger au risque. Sur un plan épistémologique, la manière dont les menaces sont interprétées par les individus a fait l’objet des premiers développements en sciences humaines et sociales. Dans un deuxième temps, le regard s’est déplacé en amont, prenant en considération les diverses parties prenantes marquant de leur empreinte les points de vue circulant sur les risques. Dans un troisième temps, une focalisation s’est opérée sur la « source », à travers l’analyse des enjeux sociaux, économiques et politiques affectant la caractérisation des dangers (quantification des accidents et nature des explications fournies sur leur occurrence, notamment). Nous naviguerons entre ces trois niveaux de lecture pour relater la complexité de la construction à l’œuvre. Ainsi, le cadre conceptuel de l’article est constitué d’écrits généralistes en sciences sociales, visant à caractériser la manière dont les risques sont socialement fabriqués. Les résultats de recherches menées depuis une vingtaine d’années par l’auteur dans le domaine des sports de montagne seront interprétés à l’aune de ce cadre pluridisciplinaire (convoquant essentiellement la sociologie, mais aussi la psychologie sociale, l’anthropologie, les sciences politiques ou encore l’économie). En cohérence avec le fil conducteur de ce numéro thématique, l’accent portera sur les acteurs, individuels et collectifs, partie prenante de ce processus de construction sociale du risque.
6Stricto sensu, le danger constitue un événement (chute, collision, etc.) plus ou moins susceptible de se produire, au terme d’un enchaînement parfois complexe de faits et de décisions, et pouvant entraîner un impact corporel allant de la contusion au décès (en passant par l’entorse, la perte de conscience, l’épuisement, la déshydratation, la fracture, etc.). C’est donc la possibilité qu’un accident survienne, caractérisé par la nature de l’événement, le scénario qui y mène, la probabilité qu’il se produise, et enfin la gravité de l’éventuel écueil corporel.
7En sciences sociales, les risques sont généralement abordés comme la façon d’appréhender ces dangers (Kates, Kasperson, 1983). Il ne s’agit pas d’une simple opération d’objectivation, tant les questions soulevées sont plurielles : quel événement pourrait survenir ? Quelles sont les chances pour qu’il se matérialise ? Pour quelle(s) raison(s) ? Et avec quelle(s) conséquence(s) ? Toujours subjectives, ces suppositions et évaluations produisent, pour chaque niveau de questionnement, une variété de points de vue à propos d’un seul et même danger. Le risque n’est en effet qu’une façon parmi d’autres d’appréhender et de se représenter le danger, comme l’ont notamment montré les psychologues (Joffe, 2003).
8L’approche en termes de représentation place au centre l’influence de l’environnement culturel et le travail cognitif qui participent d’une reconstruction du risque, dépassant sa simple perception (Joffe, 2003 ; Peretti-Watel, 2001). De même, aux yeux du sociologue, il n’y a pas de risque sans sujet, individuel ou collectif, pour produire les représentations correspondantes (Coanus et al., 1999). Dans cette perspective, l’enjeu pour le chercheur en sciences sociales consiste à comprendre la manière dont de multiples messages (experts, médiatiques, publicitaires, judiciaires, politiques…) sont interprétés par des acteurs sociaux qui leur impriment leurs propres convictions, valeurs, connaissances, intérêts, préoccupations, expériences et enjeux identitaires.
9Depuis une quinzaine d’années, Véronique Reynier a coordonné plusieurs projets abordant les dangers liés à la pratique des sports d’hiver sous cet angle représentationnel. Ces recherches en psychologie sociale permettent d’enrichir les approches s’en tenant à une lecture en termes de perception des risques (Collard, 1998 ; Mun, 2004), inspirée du paradigme psychométrique (Slovic, 1987).
10Commençons par un constat a priori étonnant : les personnes exposées aux dangers les plus importants aux sports d’hiver (évolution sur des secteurs hors-piste, ou freeride ; réalisation de figures aériennes spectaculaires en snowpark, ou freestyle) ne mettent guère en avant la sur-dangerosité que revêt leur modalité de pratique. Pourtant, on se blesse deux fois plus souvent en snowpark que sur piste classique ; par ailleurs, les experts se blessent cinq fois plus que les débutants au sein de ces « espaces nouvelles glisses » (Reynier et al., 2014). Aurait-on affaire à des pratiquants irrationnels, incapables de cerner la dangerosité des activités auxquelles ils s’adonnent ? D’autres explications peuvent être avancées, sur fond de mécanismes psycho-sociaux (dénégation du risque, attribution causale), d’enjeux identitaires et d’appartenance culturelle.
11Quel que soit le profil de pratiquant des sports d’hiver, la tendance à mettre en cause « les autres » est assez classique : pointer du doigt des caractéristiques et des comportements (être un jeune, un touriste, un snowboardeur, un débutant, adopter une vitesse excessive, manquer de connaissances du milieu, pratiquer en groupe…) est largement plus commun que désigner un environnement propice aux accidents (des pistes incitant à la prise de vitesse et/ou trop densément occupées, des modules propices à la chute, etc.) ou encore sa propre vulnérabilité (liée par exemple à une insuffisante maîtrise technique). Ce phénomène de catégorisation sociale oriente vers la désignation de personnes pourtant très peu accidentées (c’est le cas des débutants en snowpark, qui font l’objet d’une assez forte stigmatisation). Inversement, quand les individus en viennent à exposer leurs propres limites, la fatigue et « la faute à pas de chance » sont plus volontiers invoquées.
12Les pratiquants avertis adoptent en fait un point de vue cohérent avec leur choix délibéré de placer le risque au centre de leur activité. Seul un tiers des freeriders affirme ainsi que la pratique hors-piste est la plus dangereuse aux sports d’hiver, contre près de deux tiers des autres clients des stations. Le freerider considèrera par ailleurs que le risque d’avalanche est avant tout lié à la fréquentation inconsciente, sans connaissances suffisantes, des secteurs hors-piste. Ce n’est dès lors pas l’activité elle-même qui est désignée comme dangereuse, mais la combinaison de cette pratique avec certains profils de pratiquants peu vigilants.
13N’échappant pas à cette tendance générale, les experts du freeride et du freestyle sont toutefois moins enclins que l’ensemble des pratiquants à désigner « les autres » comme une source notable de danger. Davantage centrés sur eux, ils valorisent leur maîtrise technique en soulignant que le manque de contrôle technique serait à l’origine des accidents. C’est aussi ce qui explique qu’ils ne se déclarent pas particulièrement vulnérables, quand bien même leur engagement corporel engendre de nombreuses blessures. L’enjeu de l’appartenance à une communauté de pratique est ici crucial ; souligner l’importance du contrôle technique, qui permet de faire face aux dangers tutoyés, renforce la cohésion interne, tout en permettant de se différencier des pratiquants lambda.
14Malgré un certain nombre de traits communs à l’ensemble des pratiquants des sports d’hiver (comme la tendance à se focaliser sur autrui pour expliquer l’occurrence d’accidents), les représentations des dangers ne sont pas standardisées. Elles servent notamment à se positionner, ce qui implique certains effets sur les descriptions des menaces effectivement affrontées. Des enjeux identitaires et culturels poussent à faire la démonstration du contrôle exercé sur les situations dangereuses provoquées, généralement en toute connaissance de cause.
15Le traitement médiatique pèse à l’évidence sur la manière dont les risques sont « donnés à voir » et interprétés : volume d’information, préférences pour les faits accidentels à fort potentiel narratif, profil des experts sollicités, nature des explications mises en avant, symboles et métaphores contenus dans la description du risque, etc. Négligeant certaines menaces (notamment les dangers banalisés ou communs, en dépit de leur caractère parfois très sérieux), les journalistes sont susceptibles de donner un écho et un relief particuliers à des faits qui pourraient être restés dans l’ombre, ou avoir été peu commentés. Plusieurs travaux sociologiques abordent cet aspect (Champagne, 1990 ; Grossetête, 2010).
16De la décennie 1990 jusqu’au début des années 2000, de nombreux skieurs considéraient les snowboardeurs comme des pratiquants particulièrement dangereux. Dans les faits, cette croyance n’a jamais été réellement confirmée par les statistiques des secouristes ou des médecins exerçant en station (Soulé, 2004). La stigmatisation des snowboardeurs, particulièrement marquante dans les années 1990, a en fait constitué le fruit conjoint de descriptions médiatiques alarmistes, focalisées sur certains accidents emblématiques (des collisions impliquant le plus souvent un jeune snowboardeur et un enfant skieur), et de comportements davantage transgressifs que dangereux (Reynier, Chifflet, 1998).
17Par ailleurs, les collisions et avalanches ont longtemps été au cœur des représentations des dangers en station, quand bien même 90 à 95 % des interventions de secours sont déclenchées sur piste suite à de simples chutes. On accorde en fait généralement davantage d’importance à l’ampleur d’une menace qu’à sa probabilité d’apparition. L’indice de gravité des avalanches et collisions est conséquent, mais la probabilité d’être enseveli sous une avalanche est minime, tout comme sont relativement rares les cas de collision. Les thèmes de la collision, et a fortiori de l’avalanche, semblent faire l’objet d’un effet de sur-représentativité (Slovic et al., 1984) : l’importante visibilité médiatique de ces événements conduit les individus à surestimer ce type de menace (Vermeir, 2008). Ces éléments accréditent a priori la thèse de l’imposition médiatique d’une façon particulière, par certains aspects déformée, de voir les choses.
18Comme dans d’autres domaines (risque routier, mortalité par suicide, noyades mortelles…), les représentations de l’accident véhiculées par le traitement journalistique sont décalées par rapport à la réalité de l’accidentologie, telle que les statistiques « l’objectivent » partiellement (Grossetête, 2010 ; Vignac et al., 2014). La priorité est en effet accordée aux accidents sortant de l’ordinaire, de par leur gravité,
le nombre et/ou le profil de victimes, ou encore les circonstances entourant l’événement. Cette sélection médiatique a pour effet de reléguer au second plan l’actualité
plus ordinaire, celle qui, précisément, concerne l’immense majorité des cas de sinistres et est structurante du fait social.
19Il serait simpliste d’en déduire qu’une adhésion passive et uniforme à un ensemble de croyances véhiculées par les médias est à l’œuvre. Comme évoqué dans la première partie, il existe en effet une construction active des risques. Internet, et plus largement les réseaux sur lesquels chacun s’appuie constituent des points de référence pour valider ses représentations et contextualiser le risque. Cette construction sociale du risque, à travers des signes, symboles et images (Johnson, Covello, 1987), doit donc être replacée dans un contexte élargi. D’où l’intérêt d’approches systémiques s’attachant à étudier les interactions sociales à plus grande échelle (entre le public et les médias, mais aussi les leaders d’opinion, agences gouvernementales, porte-parole d’institutions, groupes de scientifiques, politiciens, etc.), qui contribuent à des processus d’amplification et d’atténuation, générateurs de la visibilité sociale des risques (Kasperson, Kasperson, 1996). La position occupée par ces acteurs au sein de la structure sociale influence l’action opérée sur les énoncés. Par conséquent, la dimension socio-politique doit être prise en considération.
20En station, acteurs de terrain (pisteurs-secouristes, opérateurs des remontées mécaniques, moniteurs de ski, etc.) comme décideurs (directeurs de sociétés de remontées mécaniques, chefs de service des pistes, maires, directeurs d’offices de tourisme, etc.) centrent presque exclusivement leur description des facteurs de risque sur les clients, mobilisant un ensemble d’explications récurrentes : vitesse trop élevée, technique limitée, matériel mal réglé, faible réceptivité à l’information, fréquentation inconsidérée du hors-piste, manque de condition physique, alimentation déséquilibrée, absence de « culture montagne », etc. L’amélioration de la sécurité ne serait dès lors pas tant du ressort des stations que des pratiquants eux-mêmes. Cette description de la production de danger, largement dominante au sein des acteurs de la sécurité en station, passe sous silence tout un pan de facteurs de danger inhérents à la nature de la prestation offerte, à l’environnement fréquenté, au débit croissant des remontées mécaniques (qui a pour corollaire une densité élevée de pratiquants sur les pistes), à certains aménagements du domaine skiable (pistes de plus en plus larges et lisses, propices à la vitesse, modules acrobatiques des snowparks), à une signalisation du danger parfois lacunaire, etc.
21Comme pour les acteurs de la sécurité routière (Boullier, Chevrier, 1996), mettre l’accent sur la responsabilité individuelle des clients des stations permet d’éviter un vide explicatif concernant l’accident : cela fournit un cadre rationnel nécessaire à l’action des professionnels de la sécurité, donnant du sens à celle-ci. Quitter ce schéma d’attribution causale rétrécie (Dodier, 1994) confronterait à des difficultés cognitives (devoir appréhender un ensemble de causes, embrasser la complexité) et politiques (mise en cause éventuelle d’autres acteurs locaux) pour relier les phénomènes entre eux, et expliquer in fine l’occurrence d’accidents. Il en résulte une connaissance parcellaire des contributions respectives de chaque type de comportement au risque global, ce qui ne permet pas d’adapter la prévention de manière optimale.
22Ainsi, notre savoir sur le risque et les dangers est un savoir « de seconde main », conté selon des registres opposés et depuis des postures différentes, ce qui a pour corollaire des divergences d’interprétation. Les désaccords et conflits seraient ainsi normaux, voire constitutifs du risque (Ewald, 1998). Sociologue des sciences et des techniques, Callon (1996) a approfondi cet aspect : « nous sommes tous des multi-conducteurs, nous n’arrêtons pas d’interrompre ou de faire passer des énoncés et, chaque fois que nous agissons sur eux, nous modifions leur valeur de vérité, ne serait ce que marginalement ». On sort dès lors du schéma linéaire de connaissance et d’information. Le processus est collectif, et pour étudier le risque, il faut selon Latour l’intégrer dans un « champ agonistique » ; l’ensemble des gens vont rétrospectivement, rétroactivement rendre des énoncés plus certains (logique de l’assertion, de la solidification) ou moins certains (logique de la démodalisation). Evidemment, le poids de chacun dans cette construction peut être important ou marginal, mais il faut aussi retenir que l’absence de consensus au sein de la communauté des experts en sécurité n’est qu’en partie imputable à des biais d’analyse de la réalité ou à l’utilisation d’outils d’évaluation différents.
23Dès les années 1970, l’économiste Rowe (1975) avait souligné la dimension conflictuelle inhérente à toute mesure d’un danger. Quel que soit le degré d’objectivité revendiqué, le risque comme construit social dépend non seulement des représentations, mais aussi des intérêts à défendre, du pouvoir des acteurs et des ressources directement associées à la situation d’exposition. Selon lui, ce n’est pas la magnitude des conséquences qui est porteuse de sens pour les « preneurs de risque », mais la valeur qui lui est associée. Les différentes parties prenantes d’une activité à risque sont affectées de manière spécifique en cas d’occurrence de l’événement redouté. Différents agents assigneront donc des valeurs différentes à la même conséquence. Les différences interindividuelles de point de vue sur un même phénomène sont ainsi soulignées. Elles sont particulièrement prégnantes entre les personnes évaluant la conséquence du risque auquel elles sont directement exposées et celles qui, dans un but particulier, cherchent à faire une interprétation du risque évalué par un agent tiers exposé. On saisit à travers cette simple remarque de bon sens la nécessité de ne pas prendre pour argent comptant toute évaluation unilatérale des conséquences d’un risque, et l’importance de la prise en compte des facteurs socio-politiques (la position de chaque descripteur).
24Ce qui est novateur chez Rowe, et que l’on retrouvera théorisé chez Douglas et Wildavsky (1982), respectivement anthropologue et politiste, c’est l’accent mis sur la dimension conflictuelle du « processus de valorisation ». Le risque tel qu’on va le gérer est différent du risque « objectivé » par les techniciens ; quantification du danger, il apparaît avant tout comme un « construit social » qui dépend non seulement des représentations individuelles mais aussi des intérêts et pouvoirs des acteurs.
25L’introduction du point de vue ne concerne chez Rowe que le processus de valorisation des conséquences ; il peut être étendu à l’estimation de la probabilité que l’événement considéré survienne. Par ailleurs, selon Kasperson, mais aussi Renn (1998), le point de départ du processus d’amplification/ atténuation des risques reste une base de risque réel, aux caractéristiques objectivables (nombre de morts, dommages et conséquences sociales), qu’ils estiment progressivement transformée, par le biais de processus psychologiques, sociaux et culturels. L’idée d’un signal de départ qui se verrait ainsi altéré, au cours d’un processus de distorsion (notamment social), peut être questionnée quant à la linéarité du processus et à la « pureté » du signal initial. En dépit de l’intérêt de ce modèle, on peut plus largement objecter qu’il n’y a pas réellement de sens à parler d’amplification sociale du risque, puisque ce dernier est en lui-même déjà considéré par beaucoup comme un construit social qui dépasse l’individu.
26Dans un troisième temps, le regard doit être déplacé en amont, du côté des experts et analystes des risques, pour ne pas négliger les enjeux entourant la caractérisation des menaces (le « signal initial », pour reprendre Kasperson). La plupart des problèmes liés au risque comportent en effet des impondérables et entraînent des désaccords. Au-delà de ce que Rowe (1975) a souligné, ces divergences se concentrent à la fois sur le poids respectif de chaque facteur de danger, la magnitude des éventuels impacts, la meilleure façon de contrarier chaque scénario de danger, ou encore d’en atténuer les effets néfastes.
27Les savoirs sur le danger ne procèdent pas de descriptions neutres et objectives : ils sont produits, repris et façonnés selon des registres partisans et dans certains cas opposés. Voilà qui inscrit d’emblée le risque dans une conflictualité définitionnelle, éminemment politique car mélangeant des savoirs de diverses natures (Beck, 2001), y compris au stade de la caractérisation initiale de la menace.
28Le snosm (Système national d’observation de la sécurité en montagne) a été mis en place par le ministère des Sports, le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Défense en 1996 afin de recenser, par l’intermédiaire des préfectures des départements de montagne, l’activité des services de secours sur les domaines skiables ; depuis 1998, il est étendu à la période estivale. Il constitue en France l’outil le plus systématique de recueil de données sur les opérations de secours réalisées en station de sports d’hiver et en zone de montagne.
29Relever les faits à partir des bilans d’activité des secouristes constitue une solution a priori satisfaisante. Pour autant, cette statistique ministérielle contribue indirectement à une sous-estimation du phénomène accidentel, dans la mesure où l’activité des secouristes est presque systématiquement assimilée au nombre d’accidents survenant lors de la pratique de loisirs de montagne. Le schéma est semblable à celui du « chiffre noir » de la délinquance (Mucchielli, 2001), et les précautions mises en avant pour éviter la confusion sont ténues, notamment quand les journalistes s’emparent de ces chiffres pour les commenter.
30Les travaux de l’Association des Médecins de Montagne1, les estimations réalisées sur plusieurs sites par Soulé (2004) ou encore l’enquête de victimation de Vermeir (2008) révèlent un rapport de 1 à 3 ou 4 entre les statistiques d’intervention des secouristes et la réalité accidentelle des sports d’hiver. Le décalage est encore plus important pour les activités estivales (Lefèvre et al., 2005), quand bien même les accidents qui échappent aux décomptes du snosm sont loin d’engendrer des conséquences bénignes (étant entendu que les cas les plus graves échappent peu à la statistique officielle).
31Le snosm procède par ailleurs à une pondération du nombre d’interventions de secours par le nombre de pratiquants des sports d’hiver (environ 8,5 millions en France) et par le nombre estimé de passages aux remontées mécaniques. Par ce biais, on obtient grosso modo une intervention de sauvetage des usagers des pistes tous les 12000 passages et un décès tous les 15 millions de passages.
32Ce type de décompte facilite la communication des professionnels de la montagne, en leur permettant de souligner la relative innocuité des prestations touristiques offertes. Comme le rappelle Julien (2011), les chiffres relatifs aux accidents en montagne constituent la « bête noire » de l’activité touristique en rappelant le côté sombre de ce marché touristique. Ce mode de fonctionnement révèle un objectif latent du snosm : outre la formulation de recommandations préventives, basées sur l’étude des accidents, cet observatoire a été pensé et créé pour relativiser, auprès des médias et du grand public, l’accidentalité des sports de montagne. Il permet d’éviter les interprétations alarmistes, notamment en période de crise (occurrence d’un accident spectaculaire, « série noire » en début de saison hivernale, etc.).
33Au regard de ces développements, il convient d’être vigilant vis-à-vis des conditions de production des chiffres de référence : qui les produit, de quelle manière et éventuellement en visant quels intérêts ? Par la suite, qui les commente, avec quel recul et à quelles fins ? Les comparaisons « objectives » s’avérant, sauf exception, impossibles, des affrontements se produisent sur fond d’incertitudes liées à des connaissances partielles des phénomènes (Chantraine, 2004). A l’échelle sociétale, plusieurs risques ne sont pas tolérés, alors qu’en l’absence de « bruits » autour des acteurs chargés de les gérer, d’autres sont acceptés. Afin de réduire ces « bruits », il est fréquent de n’afficher qu’une partie des chiffres produits, de les présenter sous un angle favorable, voire de limiter leur circulation.
34Le snosm constitue un observatoire au rôle et à l’utilité contestés, en raison d’un manque de détail de l’accidentologie produite et d’une diffusion trop restreinte des analyses produites (Spira, Loisel, 2008). Les données du snosm restent en effet, pour une large part, confidentielles, un processus de filtrage très contrôlé étant mis en place.
- 2 Pour connaître la composition de la cis, jusqu’en 2012, ainsi les raisons ayant conduit à sa suppre (...)
35En premier lieu, à partir des données reçues, un rapport est rédigé par le responsable du snosm ; il est retravaillé et discuté par le comité de pilotage. Ensuite, jusqu’à sa récente disparition2, la Commission de l’information et de la sécurité (cis) du Conseil supérieur des sports de montagne s’en saisissait afin qu’aucune information sensible ne soit communiquée sans son aval (Institut de veille sanitaire, 2009). En bout de chaîne, une fiche très synthétique mettant l’accent sur quelques éléments factuels est publiée chaque année.
36Les industriels des remontées mécaniques et les élus de communes de montagnes, fédérés en associations, sont en fait réticents à voir l’information produite davantage diffusée ; ils pèsent dans ce sens auprès de la cis pour obtenir un « verrouillage » des informations relatives au nombre d’interventions de secours liées aux sports de montagne, et d’hiver plus particulièrement.
37En termes de diffusion, les rapports détaillés en version papier, vendus par le service documentation de l’ensa (École nationale de ski et d’alpinisme) de 2000 à 2005, ne sont aujourd’hui plus accessibles. Jusqu’en 2007, des bilans synthétiques figuraient en ligne sur le site Internet du snosm, mais ce site a disparu en 2012.
38De fait, comme dans le domaine de la sécurité routière (Grossetête, 2010), on n’analyse pas autant que possible les statistiques produites, ce qui a pour conséquence de contribuer au constat général établi, à propos du caractère minime des risques induits par la pratique des sports de montagne.
39Toute société « aime » certains risques plus que d’autres, ce qui se traduit par l’attribution de ressources et le lancement de programmes de prévention plus ou moins volontaristes (Gilbert, 2001). Il s’agit alors d’appréhender le risque en tant que processus constitué « de pratiques ou de stratégies de catégories d’acteurs divers, qui contribuent à la définition et la requalification périodique des risques » (Martucelli, Sobel, 2004, 2). Le sociologue Claude Gilbert (2003) utilise le concept voisin de « fabrique des risques », soulignant sa mécanique imprévisible, fonction des outils de mesure mobilisés, des logiques et intérêts de chaque catégorie d’acteur à « mettre en risque » (ou non) un problème collectif, ainsi que des interactions et arbitrages entre parties prenantes (la configuration des réseaux : leaders d’opinion, public, porte-parole d’institutions, experts, lanceurs d’alertes et médias). Pour l’exprimer plus trivialement, la façon dont les risques sont définis dépend étroitement de ceux qui sont autour de la table et de leurs intérêts (Gilbert, 2001).
40De nombreux acteurs produisent des données sur les accidents liés aux sports de montagne, à travers le prisme particulier de leur vocation ou d’une préoccupation singulière : les fédérations sportives (ffcam, ffme, ffrp, etc.) se focalisent sur leurs licenciés ou encadrants ; certains syndicats (sngm, snapec, etc.) sur les professionnels et leurs clients ; les secouristes publics (sapeurs-pompiers, gendarmes, Compagnies Républicaines de Sécurité ou crs) raisonnent en termes d’interventions de secours ; les structures de prise en charge médicale en termes de pathologies des victimes (centres hospitaliers et services d’urgences) ; enfin, des associations d’experts abordent des thématiques particulières (les avalanches pour l’anena, les conséquences médicales pour l’ifremmont), etc.
41En fonction de la nature singulière de sa mission, chaque partie prenante dispose de sa propre vision du phénomène, par définition réductrice (focalisée sur une zone géographique ou administrative, une période limitée, un profil précis de victime, certains motifs d’intervention, ou encore la recherche d’une faute pour pouvoir réparer le dommage à la victime) (Sagues, Manteaux, 2007).
42Les fédérations sportives produisent par exemple des données relativement précises à propos des accidents de leurs adhérents, développant même l’étude qualitative approfondie de certains sinistres ou encore leur géolocalisation, dans le but de mieux connaître l’origine de ces accidents, mais aussi pour être en position de négociation favorable face à leurs assureurs.
43De leur côté, les secouristes publics soignent leurs bilans d’intervention, du fait de certains enjeux corporatistes (Soulé, Corneloup, 2002). L’enjeu majeur pour les corps de secouristes est en effet de pouvoir rendre compte précisément de leur activité, en quantifiant le nombre d’opérations de secours et de victimes assistées. Mais l’analyse passe au second plan. Non pas qu’elle n’intéresse pas ces acteurs, au même titre que la prévention des risques ; mais ceux-ci documentent prioritairement, en toute logique, les indicateurs conformes à leur raison d’être et de perdurer au sein du système.
44Ainsi, de nombreux organismes génèrent de l’information sur les accidents de sports de montagne. Leurs missions, méthodes, finalités et cultures professionnelles divergeant (Sagues, Manteaux, 2007), une multitude de bases de données coexistent, mais elles demeurent partielles, locales, indépendantes, peu accessibles, car souvent confidentielles et ciblées.
45Cette contribution ne saurait évidemment couvrir l’ensemble des influences contribuant à la fabrique sociale des risques en montagne. Plusieurs approches subsidiaires, inscrites par exemple en géographie sociale, pourraient du reste enrichir le regard proposé autour des concepts de vulnérabilité (Boudières, George-Marcepoil, 2009) ou de territorialité des risques (Suchet, 2015). L’accent a été mis sur quelques mécanismes de sélection et de construction sociales des risques, en s’efforçant de faire systématiquement le lien entre une assise conceptuelle pluridisciplinaire et des résultats de recherche. A travers cet article, l’enjeu n’est pas de fournir une grille de lecture pour aborder les risques liés aux activités récréatives et/ou sportives ; plus modestement, il peut faciliter le positionnement des travaux prenant ces dangers spécifiques pour objet, notamment lorsqu’ils s’écartent de l’abord le plus classique de la question, focalisé sur l’engagement dans de telles activités.
46Pour les adeptes d’activités sportives à risque, le passage du danger au risque, loin de se réduire à une affaire de perception, est le fruit d’un travail interprétatif et d’enjeux de positionnement que la psychologie sociale a déjà éclairé par l’intermédiaire d’un nombre conséquent de travaux. Lorsque l’on se décentre des pratiquants, des enjeux de divers ordres (économiques, institutionnels, politiques…) s’avèrent particulièrement prégnants quant à la manière dont les menaces sont portées à la connaissance du public, façonnant à la fois leur visibilité et la pertinence des réponses préventives apportées. Quitte à exagérer le « fossé » entre les représentations des pratiquants, d’une part, et les processus impliquant d’autres parties prenantes (experts, professionnels, élus, journalistes…), la figure suivante résume les principales influences repérées.
Figure 1 : Formalisation de synthèse.
47Au terme de ce passage en revue de cadres interprétatifs pluriels rapportés à nos propres analyses, on peut déplorer, avec Loirand (2015), que la connaissance des accidents de sport demeure parcellaire, notamment sous l’influence d’organisations chargées du développement et de la promotion du sport et/ou du tourisme. Selon lui, les institutions préfèreraient collectivement « fermer les yeux » (au sens de Boltanski, 2004) sur la « casse » sportive et ses impacts en termes de santé publique. Il serait néanmoins simpliste de considérer de manière homogène l’ensemble des institutions partie prenante, tant les processus à l’œuvre s’avèrent pluriels et complexes : quel que soit le domaine d’activité, les pratiques préventives sont infléchies par des discours en tension sur les risques potentiels, fruits de stratégies d’acteurs consistant à mesurer, construire ou contrer les menaces.
48Par ailleurs, même si le poids historique de l’industrie des sports d’hiver semble encore « étouffer » la question de l’accidentologie des sports de montagne (au sens large), toutes les activités récréatives ne sont pas logées à la même enseigne. Par exemple, suite à la disparition de la cis en 2012, la Mountain Bikers Foundation (mbf) a ouvert la composition de son groupe de travail « Sécurité à vtt » à des acteurs ministériels, fédéraux, politiques, aux différents corps de secouristes, mais aussi au monde médical, académique et associatif. L’objectif était de baser les opérations de sensibilisation sur des éléments tangibles en matière d’accidentalité. Dans une perspective consultative élargie, des points de vue diversifiés relatifs à l’accidentologie sont soumis à discussion, avant la prise de décision relative aux vecteurs de prévention privilégiés. Sans augurer de ce qu’il adviendra, sur la durée, de ce groupe de travail, il semble illustrer une procédure alternative à la « confiscation experte » de la décision, comparable à ce que Callon (1997) nomme des « forums hybrides ». Ces structures d’information coproduite permettent de mêler des savoirs hétérogènes et complémentaires.
49Enfin, parmi les ingrédients de la construction sociale des risques, il n’a guère été question, dans cet article, des messages, images et séquences vidéo circulant sur les réseaux sociaux, lesquels participent pourtant fortement de la mise en scène des activités, des environnements, des pratiquants (Dumont, 2016), et incidemment des dangers inhérents aux sports de montagne. En guise d’ouverture, il est possible d’évoquer à ce propos les initiatives de plusieurs communautés de pratique (Brown, Duguid, 1991 ; Lièvre et al., 2015) fédérées sur Internet ; ayant en commun un domaine d’expertise, un ensemble de problèmes, voire une passion, celles-ci créent, partagent et diffusent des connaissances nouvelles, en interagissant directement, généralement dans le but de pallier un approfondissement insuffisant des savoirs dans d’autres sphères. Parmi d’autres, le site Camptocamp contribue à « faire bouger les lignes » en matière d’accidentologie et d’expertise relative à la sécurité des sports de montagne (alpinisme, ski de randonnée et escalade essentiellement). Cette communauté phare des activités sportives outdoor à l’échelle européenne (44 500 membres, 300 000 visiteurs mensuels) héberge la base de données serac, une initiative collaborative en ligne3 qui contribue à proposer une approche subsidiaire de la question des risques et de leur prévention en montagne. Faisant le constat d’une certaine inertie des pouvoirs publics, notamment liée à la prégnance d’enjeux de divers ordres (touristique, institutionnel, corporatiste, etc.), cette initiative constitue une forme d’innovation sociale (au sens de Richez-Battesti et al., 2012). Elaborée avec le soutien de la Fondation Petzl, associant de très nombreux pratiquants, mais aussi des chercheurs, serac entend proposer une alternative en matière d’analyse des risques. L’angle privilégié est celui des incidents et presqu’accidents, considérés comme une source particulièrement riche et accessible d’enseignements relatifs à la sécurité.
- 4 Fondation maif à propos des risques spécifiques aux snowparks en station de sports d’hiver <http:// (...)
50Plus largement, il est révélateur que plusieurs Fondations soutiennent des équipes de recherche sur le thème des risques et de la sécurité des pratiques sportives en montagne4 ; comme si une prise de relais, ne se substituant pas à l’action des pouvoirs publics, mais venant la compléter, s’avérait nécessaire.