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L’habitat durable sans l’habiter ? Fabrique de la densité en Bourgogne

Sustainable housing without inhabitants. Density making in Burgundy
El hábitat sostenible sin vivir en él ? Fábrica de densidad en Borgoña
Dany Lapostolle, Eric Doidy, Matthieu Gateau et Myriam Borel
p. 14-29

Résumés

En 2009 et 2010, pour lutter contre l’étalement urbain, le Grenelle de l’environnement, fait de la densité un objectif de politique publique. Cette notion se présente comme mode opératoire d’un régime d’urbanisation durable qui inclut les dimensions environnementale et participative. L’injonction de durabilité s’y décline au travers de normes, standards et procédures, les acteurs de l’urbanisme s’efforçant de mettre en ordre l’expérience d’habiter. Mais comment ces dispositifs se soucient-ils de l’épreuve de réalité ? A partir d’une enquête qualitative menée de 2012 à 2015 sur des programmes de densification mis en œuvre dans des espaces urbains et périurbains en Bourgogne, cet article montre que l’action publique éprouve des difficultés à se déprendre d’un régime d’urbanisme de conception. En technicisant la question de la durabilité, les professionnels d’urbanisme entretiennent un schisme de réalité parce qu’ils restent myopes sur le monde concret des territorialités : les solutions conçues en surplomb pour « lever les freins à la densité » peinent à faire droit au déploiement d’usages habitants. Faire émerger un urbanisme d’usages, c’est sortir des logiques technocratiques de confiscation cognitive de la fabrique de l’espace et explorer de nouveaux modes d’enquête permettant de saisir de quoi est fait l’habiter.

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Texte intégral

  • 1 L’article 7 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (1992) pose le princip (...)

1La question de l’habitat en tant qu’action publique s’inscrit désormais dans le mainstream du développement durable, c’est-à-dire un cadre d’action multiscalaire1 qui se caractérise par la gouvernance, la participation, le recours à des indicateurs et instruments (Pestre, 2014 ; Boissonade, 2015) pour définir, mettre à l’agenda et traiter de manière intégrée des problèmes relevant de secteurs et logiques d’action concurrents, par exemple, la préservation des sols et leur exploitation foncière, la lutte contre l’étalement urbain et le développement des mobilités. En 2009 et 2010, le Grenelle de l’environnement se saisit de ces réalités plurielles qui influencent les modes d’habiter en proposant la notion de densité comme mode opératoire d’un régime d’urbanisation durable.

Encadré 1

Le Grenelle de l’Environnement fait de la densité un objectif de politique publique en appui sur des instruments d’action publique :
–  principe de gestion économe des espaces naturels et construits. Limiter l’extension du foncier artificialisé. Obligation de justification d’objectifs de modération de la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers à partir d’une analyse de cette consommation.
–  lutte contre l’étalement urbain et la déperdition d’énergie, revitalisation des centres villes.
–  possibilité de fixer une densité minimale de construction dans des secteurs situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés

2La densité est communément définie comme un ratio entre un indicateur statistique et une surface. Densité humaine (nombre d’habitants au kilomètre carré), densité de logements (nombre de logements à l’hectare), densité du bâti (nombre de mètres carrés de surface construite par hectare) en sont les déclinaisons objectivement informées par des données quantitatives pour être opérationnalisées. Le ratio quantité sur espace est un outil de contrôle de l’Etat que, dans une logique de gouvernement à distance (Epstein, 2009), les collectivités territoriales déclinent pour faire respecter la règle de l’urbanisation limitée.

  • 2 Le pld, créé par la loi foncière de 1975, impose l’idée selon laquelle au-delà d’une certaine densi (...)
  • 3 L’article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010 refond la fiscalité de l’urbanisme et cr (...)

3Mais ces définitions et objectifs sont insuffisants pour en dire toutes les dimensions. Il n’existe en effet pas de rapport entre densité et types d’habitat. La densité ne détermine pas la forme urbaine. Elle n’est pas un projet (Charmes, 2010). Elle relève d’un régime d’urbanisation qui évolue dans le temps (Touati, 2010). Ainsi du plafond légal de densité (pld) institué par la loi foncière de 19752 au plancher de densité instauré par les Grenelle 1 et 2 et au versement pour sous-densité prévu dans la loi de finance de 20103, on passe d’une logique de contrôle du dépassement de densité à une logique de définition d’une densité minimale dans les projets d’urbanisation durable.

4De la sorte, parler d’habitat durable paraît annoncer un changement de régime d’urbanisation incluant les dimensions environnementales (écoquartiers, indicateurs « verts », etc.) et participatives (information, enquête publique, consultation, etc.). L’injonction de durabilité se décline alors au travers de normes, standards et procédures – dispositifs qui sont autant d’investissements de forme pour un plan d’action- (Thévenot, 2006) dans lequel les acteurs de l’urbanisme s’efforcent de mettre en ordre les modes d’habiter (Faburel, Roché, 2015). Cependant, ces dispositifs de connaissance et d’action peinent à saisir pleinement l’expérience urbaine dans son quotidien et sa complexité : fluidité de la mobilité, incertitudes de la co-présence mixte, rassemblement et interactions non focalisées des passants ou des flâneurs (Joseph, 1998, 2007) mais aussi ancrage de l’attachement intime et déploiement de convenances personnelles dans des lieux familiers (Breviglieri, 2006). L’expérience de l’habiter déborde les standards de la même manière que les usages de l’espace urbain prennent souvent la forme de détournements. La question qui se pose dès lors aux institutions est de mettre au point des dispositifs urbanistiques efficaces, mais qui ne portent pas en eux d’amenuisement de l’expérience urbaine (Boissonade, 2011), c’est-à-dire d’imaginer des dispositifs de connaissance et d’action qui font droit à l’habiter et aux usages d’habitants incarnés. C’est à la compréhension de la manière dont les dispositifs se soucient de l’épreuve de réalité, ou au contraire l’évacuent, que cet article entend contribuer.

5Pour cela, les auteurs restituent le déroulement et le traitement d’une commande publique à laquelle ils ont pris part. Ils s’appuient sur une enquête qualitative menée de 2012 à 2015 (entretiens avec des habitants, acteurs institutionnels et professionnels de l’urbanisme, observation participante dans des réunions de planification urbaine à différents échelons territoriaux, analyse de la littérature grise) dans des programmes de densification mis en œuvre dans des espaces urbains et périurbains en Bourgogne. Une approche réflexive de la manière dont cette commande s’est mise en place permet de montrer à quels problèmes se confronte l’action publique dans la fabrique d’un habitat qu’elle veut « durable » : comment penser l’articulation de la connaissance et des pratiques ?

6Dans un premier temps, convient-il de présenter la genèse de cette commande ou comment s’inscrit-elle dans une logique de construction d’un dispositif de connaissance et d’action. On s’aperçoit alors, dans un deuxième temps, que ce programme met au jour deux régimes d’urbanisation qui ne se rencontrent pas : un régime d’urbanisme de conception et un régime d’urbanisme d’usage. L’enjeu est alors, dans un troisième temps, de penser de nouveaux modes d’enquête sur les usages habitants, par lesquelles l’action publique peut construire des dispositifs renouvelés de connaissance et d’action s’affranchissant des « allant de soi » du mainstream du développement durable.

La genèse d’une commande : la construction d’un dispositif de connaissance et d’action urbanistique

7En 2012, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Bourgogne (dreal), se rapproche de la Maison des sciences de l’Homme de Dijon pour élaborer un programme de recherche sur les freins à la densification dans les territoires bourguignons. Cette commande est une déclinaison locale du volet urbanisme du Grenelle de l’environnement. Lever les freins à la densification signifie pour les fonctionnaires du service, convaincre les élus des petites villes de planifier l’urbanisme à l’échelle intercommunale, autrement dit décadenasser le verrou communal en matière de gestion foncière. C’est en effet un enjeu de première importance dans cette période incertaine de réforme de l’architecture institutionnelle locale. Il s’agit pour les agents du service logement de la dreal de prendre part à la coordination de la planification urbaine sans hiérarchie institutionnelle clairement identifiée. Ils pensent alors le programme de recherche comme une somme d’arguments de persuasion des élus communaux pour les orienter vers une logique d’urbanisme intercommunal.

8Dans le même temps, le Conseil régional de Bourgogne prépare son Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (sraddt). La dimension habitat est une préoccupation de la collectivité territoriale pour laquelle « l’habitat est un facteur de développement et d’attractivité du territoire, et constitue en cela un des axes forts de l’aménagement du territoire régional, notamment pour les politiques d’accueil que la Région souhaite favoriser. Il est indispensable d’envisager la thématique de l’habitat dans une approche globale, en la reliant aux autres politiques (urbanisme, cohésion sociale, économie, transport, environnement, etc.). Cela suppose de s’interroger sur l’articulation entre les dispositifs et outils existants, ainsi que sur la coordination entre les différents acteurs qui les portent »4. Dans ce qu’elle qualifie de pôles structurants, c’est-à-dire des villes intermédiaires structurées en communautés d’agglomération, la Région préconise de déployer « un urbanisme durable intégrant la problématique de déplacements plus sobres notamment autour de la densification des projets urbains et de l’incitation à de nouvelles formes urbaines »5. Autrement dit, l’enjeu de densification pour la Région est en partie liée aux questions de mobilités, notamment de desserte ferroviaire par les ter qui représentent une part importante de son budget. C’est la raison pour laquelle la forme urbaine est prise en compte. Comme le précise le chef du service habitat de la Région, « il ne faut pas dire qu’il faut densifier, il faut gérer l’étalement urbain, ce qui n’est pas pareil » parce qu’il est plus efficace et moins coûteux de desservir des villes densifiées que des villes étalées et resserrer les espaces urbains contribue à économiser les surfaces agricoles. La Région se joint alors au tour de table des discussions. L’Agence de l’environnement et de l’énergie de Bourgogne (ademe) lui emboîte le pas sur la thématique des formes de l’habitat durable. Si les trois acteurs institutionnels ont une approche spécifique de la densité, pour l’Etat local, rappelons-le, convaincre les élus communaux des nécessités d’une planification urbaine intercommunale, pour la Région densifier les formes urbaines au service de la desserte ferroviaire et de l’économie des espaces agricoles, pour l’ademe économiser l’énergie par la densification de l’habitat, ils se rejoignent sur le caractère opérationnel que doit prendre le programme de recherche. Ces institutions soulignent leur souci « de mettre en œuvre de façon juste et adaptée aux réalités des territoires bourguignons les politiques de densification souhaitées par l’Etat en réponse à l’étalement urbain et ses corollaires, la consommation d’espaces agricoles et naturels, ainsi que l’augmentation des émissions de polluants et de gaz à effet de serre issus des déplacements routiers ». Au cours des réunions d’ajustement entre les différentes parties à ce programme, le désarroi des commanditaires transparaît. Ils déclinent une injonction de l’état mais reconnaissent être peu armés pour ce faire malgré leur connaissance informée du système territorial bourguignon. Rapidement le questionnement des commanditaires, bien que difficilement formulé, se focalise sur le caractère efficient du programme sans trop être au clair sur cette formule. Ce qui ne va pas sans poser problème aux rédacteurs de cet article qui ne sont pas des intellectuels organiques. La densité serait l’ordre social désirable (Genestier, 2000) que les chercheurs devraient accompagner par leurs travaux pour l’opérationnaliser6.

« Ce qu’on veut c’est que le programme de recherche puisse aboutir à des propositions, à du concret. Je voudrais pas que ce [ne] soit qu’un programme de recherche, quoi, pas les pieds sur terre. Donc du coup voilà, c’est les points sur lesquels nous on sera attentifs aussi (…) Certes il y a l’aspect universitaire, recherche, croisement de chercheurs, plan de recherche à faire, de fait, mais c’est un programme de recherche qui est fait à l’initiative de la dreal au départ, sur lequel l’ademe et la Région viennent, mais il faudrait pas que ça reste un rapport dans une étagère d’Université quoi. Donc on est vraiment là-dessus, ou alors l’Université fait toute seule et du coup finance le programme de recherche toute seule (...) Il faut que ça devienne opérationnel et il faut que ça serve la politique publique ».
Responsable du service Habitat et cohésion sociale, conseil régional de Bourgogne, 11/7/2013

  • 7 Cet état de fait n’est pas propre à la région Bourgogne. Le 25 octobre 2013 au Sénat, lors des déba (...)

9Derrière ce propos, il apparaît que les interlocuteurs institutionnels contraints financièrement en cette période de disette budgétaire, s’allient, alors qu’ils peuvent se livrer par ailleurs à des luttes institutionnelles pour peser dans la fabrique de l’action publique. Leur coalition à l’échelon régional leur permet de peser sur les échelons infrarégionaux peu dotés en ingénierie d’aménagement7, notamment dans les petites villes qui composent un tissu urbain clairsemé. Pour eux, les chercheurs sont des prestataires de services qui doivent certainement questionner la réalité, mais aussi apporter des réponses opérationnelles, « du concret » pour renforcer leur capacité et légitimité à agir. Il s’agit de lever les freins à la densification, même si « la densité imposée aux habitants, ça ne marche pas » comme le reconnaissent les interlocuteurs.

10« Pourquoi ça ne marche pas ? » Les chercheurs, en posant cette question qui ne se caractérise pas par sa précision, ouvrent une brèche chez les interlocuteurs institutionnels. Certes, les habitants peuvent être rétifs à la densification de l’habitat, il est nécessaire de l’étudier. Mais les élus, les professionnels publics et privés de l’urbanisme en charge de sa conception et de son opérationnalisation sont loin d’une adhésion unanime au mot d’ordre de l’Etat aménageur. Il apparait alors opportun de remettre sur le métier leurs pratiques aménagistes. C’est donc par la « persuasion rationnelle » que doucement les interlocuteurs institutionnels s’ouvrent à une démarche réflexive, interrogeant leurs propres pratiques, leurs rapports aux instruments de planification et les relations qu’ils entretiennent au pouvoir des élus politiques et aux habitants usagers des espaces urbains et périurbains. Le programme prend alors une nouvelle orientation. Son intitulé en est la traduction : « Formes et enjeux de la densification. Vers un aménagement durable des territoires bourguignons ? ».

11Construit autour d’une équipe pluridisciplinaire d’une dizaine de chercheurs, ce projet réaménagé a alors pour but d’élargir la question initiale en y intégrant de nouvelles interrogations au cœur desquelles figurent celle de la construction des politiques d’aménagement durable autant que celle de son appropriation et de ses usages par les habitants.

Du schisme en urbanisme : régime d’urbanisme de conception et régime d’urbanisme d’usage

  • 8 Rappelons que dans son analyse, Henri Lefebvre, reprenant la dialectique marxiste, place la valeur (...)

12Comme dans d’autres régions, il existe ce qu’on peut appeler une ingénierie de la densité en Bourgogne. Des professionnels de l’urbanisme (services déconcentrés de l’Etat, caue, cabinets d’étude, bailleurs sociaux, services des epci urbains, services de la Région) travaillent dans des organisations plus ou moins formelles, avec des élus, une commission municipale ou intercommunale ad hoc. Les intercommunalités urbaines apportent leurs savoirs techniques aux communes périphériques, la région son savoir-faire d’ensemblier par la production de schémas en relation avec les services de l’Etat déconcentré et les acteurs des territoires de projet. Les exemples peuvent être multipliés tant les dispositifs multiscalaires s’entremêlent. Mais un travail qui s’appuie sur une multiplication de diagnostics, d’observatoires thématiques, d’études parfois contradictoires renforçant la procéduralisation de la fabrique de la densité, qui, par nécessité de l’action, se réduit à la définition du « bon ratio ». Le service de l’habitat de la Région propose d’ailleurs de limiter la superficie des terrains à construire à 650 m8, combinant ainsi densification et économie de l’espace.

« Virey-le-Grand, une commune au nord de Chalon sur laquelle on est intervenu, voulait faire une étude sur quelques hectares au nord de son bourg. Et du coup, on a fait un pré-diagnostic et on est intervenu, on a suivi toutes les étapes. [Même chose à] Givry aussi. Et puis voilà, le bureau d’étude s’était arrêté au dossier de la zac et puis là, il y a un autre bureau d’étude qui a été recruté, juste pour faire le dossier de création de la zac et qui finalement reproposait de refaire une étude. Et du coup, si c’est ce que l’élu veut, après pourquoi pas mais voilà... ».
Technicien Grand Chalon, 5/8/2013

« Voilà, c’est toujours une difficulté... on parlait des problèmes de définition de la densité, de l’étalement urbain. Moi, pour l’avoir vécu sur des projets, c’est toujours un moment très, très gênant quand on arrive sur une réunion avec plusieurs types d’organismes et des élus, par exemple, ou des populations, et que l’un vient avec son chiffre de l’étalement urbain qu’il a calculé avec telle méthode. L’autre vient avec son chiffre qui est pas le même et le troisième avec un troisième chiffre. Les trois se disputent joyeusement pendant une heure et demie et les personnes principales concernées qui travaillent pour faire vivre le territoire, qui sont les élus, eux ne comprennent rien et s’en vont : « mais mon Dieu, mais ces techniciens sont une bande d’imbéciles, incontrôlables ». Donc là, un moment, là, y a besoin... je vais pas dire de faire le ménage, mais... de faciliter en tout cas la mise en place des outils et l’accès aux données. Et puis de faire le tri un petit peu dans les manières de travailler ».
Agent d’urbanisme, périphérie mâconnaise, 13/8/2013

13Cette accumulation de données computables (statistiques, ratios, cartes, systèmes d’information géographique, etc.) qui répondent aux impératifs néo managériaux d’instruction et d’articulation multiscalaire des schémas de planification (Lapostolle, 2013 ; Duvillard, Lapostolle, 2014) participent de l’entretien d’un schisme de la réalité (Negt, 2010). En effet, les professionnels de l’urbanisme technicisent la question de la durabilité, cherchent à « lever les freins à la densification » mais restent en partie myopes sur le monde concret des territorialités, sur le « réseau de relations qui se tissent avec les êtres et les choses dans la quotidienneté » (Raffestin, Bresso, 1982). Quotidienneté qui serait, pour reprendre les mots de Lefebvre, « le lieu des conflits entre le rationnel et l’irrationnel dans notre société, dans notre époque » (Lefebvre, 1968a). Les données computables abstraites auraient ainsi pour vertu de neutraliser cette conflictualité inhérente à la quotidienneté. Par ailleurs ce qui n’est pas nommé n’existant pas, les professionnels euphémisent leur dessein de normalisation de l’espace quotidien et de gouvernementalisation des pratiques (Faburel, Roché, 2015 ; Reignier, 2015).

« Après, densification, on en parle, mais quand on veut parler... on parle de densité, si on parle de densification on va plutôt parler de recherche d’une gestion économe de l’espace. Histoire de pas avoir des levées de bouclier ».
Responsable du service urbanisme d’une commune périurbaine, 1/7/2013

« Alors, de toutes façons, pour nous, densification... heu... on préfère l’appeler “intensification” pour dire que c’est pas forcément une accumulation sans apporter de la valeur ajoutée, au niveau de la vie urbaine. Notre démarche consiste à dire que ce qui fait le propre, et l’intérêt, et l’attractivité des villes, c’est la concentration des services et aussi la qualité du cadre de vie. Donc il ne faut pas que cette densification se fasse au détriment de la qualité du cadre de vie. La densification conduit à privilégier par exemple les formes d’habitat collectives ou intermédiaires entre le collectif et l’individuel »
Technicien éco-quartiers, Grand Dijon, 10/7/2013

14Autrement dit, lever les freins à la densification imposerait soit de l’abstraire, soit de ne pas la nommer. Pour autant, le contournement de la réalité n’est pas un mot d’ordre. Quelques initiatives sporadiques et isolées d’organisations publiques ou privées travaillent à la remontée d’expériences, notamment en intégrant la notion d’usages de l’espace pour mettre en œuvre des programmes de densification. Elles peuvent être localement innovantes dans leurs méthodes, mais elles restent enfermées dans « les silos internes ».

« Mes collègues du pôle urbanisme ont des formations proches, en fait, à l’origine, et ont des pratiques et des projets proches parce qu’on développe une sorte de culture commune, entre nous, qui nous permet de partager ces objectifs, qu’on estime être ceux d’un urbanisme de qualité actuel. Ça l’est moins facilement [partagé] vis-à-vis de nos collègues des autres services, parce que bien évidemment, ils sont moins sensibilisés au sujet... »
Technicien éco-quartiers, Grand Dijon, 10/7/2013

15Ces expérimentations sont présentées aux élus, appréhendés comme les patrons omniscients des territoires. Mais dans cette façon d’appréhender le savoir-pouvoir, on n’identifie pas de mise en réseau systématique d’acteurs qui dépasserait les enclosures institutionnelles, territoriales et professionnelles. Les relations restent interindividuelles, il n’y a pas de véritables communautés de pratiques. Ou quand elles existent, ces communautés se manifestent sur un projet isolé. Cependant, des enceintes de débats participatifs institutionnalisées comme les Conseils locaux de développement, les associations de quartiers qui recouvrent une grande partie du territoire régional peuvent être mobilisées. Mais elles ne sont pas ou peu activées ; elles se saisissent peu, ou, sont peu saisies de ce type de question. Elles sont souvent considérées comme un détour supplémentaire qui alourdit le travail de conception. Les questions liées à la densification, si elles sont diffusées, sont donc peu relayées par les personnes engagées dans ces enceintes.

« C’est une réflexion, ça ne peut pas être que l’œuvre d’une seule tonalité d’expert. Ça va forcément être l’œuvre d’un collectif et il faut qu’on retrouve la démarche collective pour créer la ville de demain. Si on veut promouvoir la densité seule, ça ne fonctionnera pas, c’est pas la peine de perdre votre temps. (…) Il faut imbriquer les choses ».
Elu, Dijon, 27/8/2013

« Souvent avec une réflexion administrative trop lourde et sans donner la possibilité de la créativité et d’innovation aux gens. Quand vous allez dans les quartiers qui partent de Fribourg, etc., au contraire, là, ils favorisent la créativité, c’est-à-dire que le dessin du quartier, il n’y a pratiquement pas d’administratif qui le font. (…) Si vous mettez l’administration qui pilote les choses, vous tuez la création, pas qu’au sens crayon, au sens idée. La création, il faut la concrétiser, assembler des gens autour d’un projet, de faire qu’il marche, etc. »
Urbaniste, Dijon, 2/7/2013

16La densité est d’abord une question de professionnels de la politique et de l’urbanisme se réduisant ici à des savoir-faire institués qui ne se fondent pas dans une controverse sociotechnique qui intègrerait l’expertise d’usage des habitants. La circonscrire à une affaire professionnelle c’est en faire une question technique, et non pas politique ouverte aux usagers amateurs. On se situe alors dans un urbanisme de conception en opposition à un urbanisme d’usage.

17Le premier, d’une certain manière confisque, voire évide la controverse parce qu’il repose sur une approche institutionnelle de la relation savoir pouvoir. Sa logique d’action est technocratique notabiliaire. Il fonctionne sur une division du travail technique et politique qui s’autolégitime. Les problèmes sont techniquement et idéologiquement donnés, pas à construire. C’est une « dépendance au sentier », c’est-à-dire qu’une fois établie, les modèles de mobilisation politique, les règles du jeu institutionnel et même les façons de voir le monde génèrent des dynamiques qui se nourrissent d’elles-mêmes. Dans son fonctionnement, il peut être atténué par des expérimentations, des innovations qui laissent parfois la place aux usagers, mais ceux-ci sont souvent considérés comme un problème, une somme de contradictions qui complexifie la décision. Le patron du territoire, c’est l’élu omniscient puisqu’il détient l’onction du suffrage universel.

  • 9 C’est souvent dans ces manifestations de la vie ordinaire, de la banalité du quotidien, parfois éva (...)

18Le second, opérant aussi dans le dédale réglementaire, pose que les problèmes de l’urbanisme sont multidimensionnels, peu structurés. Aucune norme, aucun métier en soi ne peut les résoudre sur ses seules compétences. Le concepteur peut être collectif dans une logique de rationalité procédurale. Les scot (schéma de cohérence territoriale) et les plu (plan local d’urbanisme) peuvent constituer une matrice structurelle qui est aussi un apprentissage de la façon de concevoir. Ce qui signifie que le processus de construction et de résolution du problème prime sur la procédure et la norme. Dans cette logique réflexive qui ne saurait se réduire à une procédure participative émolliente de fabrique de l’acceptabilité sociale de l’urbanisme néo-libéral (Reignier, 2015), l’expertise d’usage des citoyens dans la fabrique de la densité peut être accueillie comme légitime. Ce processus fait de la controverse un principe d’action et de légitimité. Il intègre l’expertise d’usage des citoyens dans les premières étapes de la fabrique de la densité. Il ouvre la fabrique de la ville à ses diversités d’usages renouant incidemment avec le droit à la ville (Lefebvre, 1968b)9, par la création des scènes où se construit un équipement réflexif. Or, construire un tel équipement réflexif ce n’est pas seulement créer des cartes, des indicateurs, des observatoires, des sig ou des commissions ; c’est aussi laisser leur place aux savoirs diffus tacites, relationnels, intuitifs, mobilisés dans des réseaux de coopération non marchande en opposition aux savoirs codifiés, computables, isolables mobilisés dans les instruments néo-managériaux (Citton, 2010). Mais pour dépasser le stade de la simple acceptabilité sociale, cette réflexivité ne doit pas s’arrêter aux seuls savoirs mais également intégrer les dimensions non quantifiables, non objectivables de l’expérience urbaine.

19C’est le choix politique de la socialisation de la technique plutôt que celui de la technicisation de la société. Il suppose des modalités d’enquêtes renouvelées au sens où elles doivent renseigner les attachements vécus à l’espace urbain. Quelle place leur donner dans les instruments de planification urbaine (plu, scot…) ?

Les dimensions de l’habiter nécessitent de nouveaux dispositifs de connaissance et d’action

20La myopie des procédures et normes de densification à l’égard des usages qu’ont les habitants des espaces urbains et périurbains est en partie due au fait que ces dispositifs visent les territoires urbains institutionnels segmentés en zones et non les territorialités, entendues comme rapports à l’espace multiscalaire vécu au quotidien. En conséquence c’est l’appareil de construction de la connaissance qui est inapproprié.

21Connaître les territorialités suppose de pouvoir approcher la quotidienneté, c’est-à-dire « l’’inévitable référentiel, le système de coordonnées concret par rapport auquel nous nous situons et qui nous situe... malgré nous (...), dans lequel toutes les choses sont sur le même plan parce qu’indispensables ou prétendues telles (...). La quotidienneté ne crée pas de distance par rapport aux choses, elle ne classe pas, elle ne distribue pas en taxonomies, elle est viscosité par excellence. » (Raffestin, Bresso, 1982, 3).

22Ce qui importe alors, c’est de faire émerger les territorialités, le système de relations, pas ou peu perçu, de la quotidienneté. Que font concrètement les habitants de et dans l’espace ? Les urbanistes ont souvent l’impression de prendre au sérieux le point de vue des habitants lorsqu’ils pointent les réticences à la densité qu’expriment certaines formes urbaines, comme les « grandes tours ». Et, effectivement, on rencontre beaucoup d’habitants qui opposent la densité des « tours de banlieue », qui saute aux yeux, et celle des centres historiques, qui a plus de cachet :

« Il y a de bonnes et de mauvaises densités (…) à Dijon, le quartier de la Chouette, tous ces coins-là, le centre-ville est super sympa (…) [Mais] à Chenôve [ville voisine considérée comme « banlieue »], c’est moyen, quoi. C’est du grand bâtiment, des densités importantes, alors qu’à Dijon il y a beaucoup de monde mais ça ne donne pas cet esprit de densité. Le vieux Dijon, on n’a pas l’impression d’être dans quelque chose de moche et de dense (…) des grandes tours, quelque chose comme ça. »
Homme né à Dijon en 1952, marié, 3 enfants, propriétaire d’une maison et d’une résidence secondaire

23Ces « freins à la densité » sont souvent « levés » au moyen de solutions techniques proposant des formes urbaines plus agréables à l’œil que les grandes tours ou barres d’immeubles. Des constructions moins hautes, moins longues, et/ou des espaces verts sont ainsi fréquemment présentés, non seulement comme la garantie du plaisir de flâner pour les passants mais aussi, parce que les habitants n’auraient pas cette « impression d’être dans quelque chose de dense et moche », d’un lien social lui-même plus dense. Ces solutions techniques n’ont pas forcément pour but de changer le ratio de densité lui-même, mais d’atténuer la perception négative qu’ont les habitants de la densité. Par exemple, en 2012, dans le cadre des budgets participatifs, un projet de jardins partagés a été mis en place dans un quartier de Dijon pour fournir un espace de « tranquillité » et de « convivialité » aux habitants. Au cours des entretiens réalisés, on remarque pourtant que ces derniers ne « s’approprient » pas comme prévu ce dispositif : beaucoup l’ignorent ou le désinvestissent, pointant des formes d’entre-soi (« c’est toujours les mêmes têtes », « c’est surtout des dames », « des gens établis dans le quartier », « pas très jeunes »). Ceux qui ne s’occupent pas « bien » de leur parcelle selon les autres, qui ne la gardent pas « propre », ne font pas assez preuve de présence, se détournent de l’objectif initial (en ne cultivant pas de légumes, par exemple) ou encore contournent les règles communes (d’arrosage, par exemple) peuvent se sentir, ou être, écartés, voire suspectés de dégradations ou de vols d’outils ou de produits. Loin d’être automatiquement synonymes de « lien social » ou de durabilité, les jardins partagés peuvent ainsi raviver des tensions, voire des formes de ségrégation entre les habitants du quartier : « il y en a, ils m’agacent, quoi ! Je ne devrais pas dire ça, ce n’est pas sympa, mais je n’ai pas envie de leur parler, donc, voilà. »

24On voit ici que cette manière de prendre en compte l’habitant par un biais technique (il suffirait de proposer le « bon » standard de forme urbaine durable, ici les jardins qui régleraient les problèmes causés par un excès de densité) renvoie une fois de plus à un urbanisme de conception en tant qu’elle attend des habitants qu’ils s’approprient ce qui leur est proposé, et uniquement cela. Or, ils sont nombreux à ne pas s’approprier les jardins, c’est-à-dire à les ignorer, tandis que d’autres se les approprient à l’excès, sur un mode privatif. Dans les deux cas, conçus en surplomb, le dispositif et ses règles d’usage peinent à faire droit au déploiement d’usages habitants, et portent ainsi le germe de potentiels conflits d’urbanité dans lesquels vont s’exprimer des demandes de « droit à la ville » (Cefaï, Joseph, 2002 ; Garcia Sanchez, 2012), comme le montrent déjà les petites tensions entre voisins9.

25Faire droit aux usages suppose de créer de la médiation, c’est-à-dire des procédures civiques d’ajustement mutuel, d’émergence et de légitimation des territorialités. Cela passe par la mise en place d’une démarche de (re)connaissance de ce que font les habitants de et dans l’espace. Pas des habitants types, génériques ou détachés, mais des habitants incarnés auxquels, par des enquêtes de terrain, des observations participantes, des questionnaires, des réunions publiques plus ou moins formelles, il est demandé de dire et d’écrire leurs représentations, leurs besoins et usages de l’espace. Une démarche de ce type a été mise en place dans un quartier populaire de la ville du Creusot :

« Et donc, on s’est lancés dans ce grand chantier. Avec une caractéristique, le dialogue avec les habitants, pour construire le projet avec eux. On n’est pas partis d’une feuille blanche, mais en tout cas, on a réfléchi à un projet, et ensuite on a fait des ateliers urbains… Avant les ateliers urbains, on est allé rencontrer cage d’escalier par cage d’escalier tous les habitants qui voulaient venir nous voir. Et on a été dans les pieds d’escalier… avec des plans… qu’on affichait sur les entrées. Et on invitait la population à venir échanger avec nous, pour présenter le projet. Les ateliers urbains étaient dans la cité même, avec des permanences d’élus, de techniciens, pour pouvoir, avec des maquettes et des plans, expliquer ce que serait le projet. Et écouter ce que les gens avaient à nous dire. C’est là que ça a été intéressant. C’est-à-dire que le projet a changé ! C’est rare ! C’est comme ça qu’est née la démocratie participative au Creusot (…) [Nous] On est partis d’une logique en disant “On démolit les bâtiments les plus importants”, en termes de volume, de taille… mais en fait, eux [les habitants qui vivaient sur place] nous ont dit : “C’est une hérésie !”
Pourquoi étiez-vous partis d’emblée avec cette idée ?
Pour une question de changement d’image ! Les tours, les barres… Pour nous, c’était ça, quoi, tout bêtement ! Et ils nous ont dit : “Mais non, vous faites une bêtise ! Regardez ! La tour que vous voulez démolir, elle a des garages. C’est une des rares ! Il y en a deux qui ont des garages ! Et elle a des ascenseurs. Vous allez démolir un bâtiment qui a des garages et des ascenseurs ! C’est stupide ! Faites pas… Faites pas ça !” Et franchement… ça nous a mis une claque, hein ! On s’est dit… “Mais oui !...” Et c’est eux qui vivent là, donc… »
Président d’
epci, 2/2/2015

26Fort de cette connaissance qui est aussi une construction de légitimation de l’usage, il est possible aux professionnels de recourir aux technologies urbanistiques. En d’autres termes, tenir compte des territorialités c’est procéder à une démocratisation par l’usage de la fabrique de la ville durable et de l’aménagement de l’espace dans le respect des nouveaux dispositifs réglementaires qui les normalisent.

27Cette démocratisation exige donc pour l’action publique de se déprendre d’une certaine logique d’action, que l’on pourrait qualifier de « technocratique » en ce qu’elle instaure une dichotomie entre le registre de la connaissance (perçue comme résultant du seul travail d’objectivation par la mesure, la production de chiffres ou de standards procéduraux) et celui de la pratique ou des usages (renvoyés à l’irrationalité). Les travaux récents sur la participation ont tous, à divers degrés, montré comment cette difficulté à reconnaître valeur de connaissance aux savoirs familiers s’incarnant dans les pratiques habitantes, ou pour le dire autrement à faire place aux habitants en tant qu’experts ou citoyens (Donate, Sastre et alii, 2015), continuait d’imprégner l’action publique jusque dans des dispositifs pourtant précisément mis en place pour répondre à un besoin d’enquête sur la quotidienneté (Carrel, 2013 ; Berger, Charles, 2014 ; Devaux, 2015). Pour sérieusement relier le référentiel de la quotidienneté (celui des usages) au référentiel du plan (celui de l’action publique), il faut alors s’autoriser à explorer de nouveaux modes d’enquête ad hoc permettant de saisir de quoi est fait l’habiter.

Conclusion

28Le passage de la densité planifiée aux territorialités signe un changement de paradigme dans la fabrique de la densité urbaine qu’il est difficile d’identifier tant ses principes et modalités peuvent se succéder ou s’entrechoquer. Zoning, projets, territorialités cohabitent autant qu’ils s’excluent. Cependant, une dynamique est ouverte. Si elle est incertaine dans ses finalités, en socialisant les techniques, elle concurrence le solutionnisme et le rationalisme techniques qui tendent à déterritorialiser la société et la fabrique de l’espace. Combiner controverse sociotechniques et territorialités apparait alors comme une méthode de politique pragmatique qui laisse au bricolage toute sa place pour sortir des logiques technocratiques de confiscation cognitive de la fabrique de l’espace. La démocratisation de la fabrique de l’habitat durable par l’usage s’oppose à la division verticale du travail de production de l’espace qui, sous couvert d’expertises professionnelles, reste dominante. Autrement dit, fabriquer l’espace par la reconnaissance des territorialités, ce n’est pas la prétention positiviste à prescrire ce que doit être l’espace, c’est établir un énoncé provisoirement stabilisé et acceptable, cognitivement et politiquement, de ce que peut être l’espace grâce au processus de démocratisation par l’usage.

29En d’autres termes, la question de la densification devient comment projeter au sol ce réseau de relations, cette « quotidienneté territorialité » ? Cette question porte en soi une exigence politique : la production de connaissances n’est ici ni scientifique, ni technocratique, elle devient démocratique par l’égalisation des positions sociales entre professionnels de l’urbanisme et usagers amateurs de la ville. Ce faisant, c’est laisser ouverte la possibilité de futurs urbains durables concurrents.

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Notes

1 L’article 7 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (1992) pose le principe de la responsabilité commune mais différenciée des états en matière de dégradation de l’environnement. Autrement dit, c’est aux échelles globales, nationales et locales que ces problèmes peuvent être définis et traités. Par exemple, en France les questions de développement durable sont traitées dans les contrats de projet Etat-Région.

2 Le pld, créé par la loi foncière de 1975, impose l’idée selon laquelle au-delà d’une certaine densité, le propriétaire qui construit un immeuble doit racheter fictivement à la collectivité le terrain qui lui aurait été nécessaire pour ne pas dépasser cette densité maximale. Le pld vise à dédensifier les centres urbains en dissuadant d’y construire de manière trop dense, et de lutter contre la spéculation foncière tout en favorisant les opérations de réhabilitation des immeubles existants.

3 L’article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010 refond la fiscalité de l’urbanisme et crée le versement pour sous-densité (vsd). Le vsd est un dispositif fiscal innovant qui repose sur un mécanisme totalement inversé du versement pour dépassement du plafond légal de densité. Destiné à lutter contre l’étalement urbain, il permettra, aux communes qui le souhaitent, de taxer une sous-utilisation du potentiel foncier dans les zones urbaines et à urbaniser des Plans d’occupation des sols (pos) ou des Plans locaux d’urbanisme intercommunal (plui). Voir aussi la circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l’aménagement noretll1309352c.

4 « Construire pour demain », sraddt de Bourgogne, p. 80, <http://www.region-bourgogne.fr/Le-sraddt-un-outil-strategique-pour-l-amenagement-et-le-developpement-durable-du-territoire,608,8466>.

5 Ibidem, p. 93.

6 Pour Philippe Genestier, le modèle de la ville dense se réfère à une citadinité culturellement dominante produite et soutenue par les professionnels de la politique et de l’urbanisme qui font la ville.

7 Cet état de fait n’est pas propre à la région Bourgogne. Le 25 octobre 2013 au Sénat, lors des débats sur la Loi Accès au logement et pour un Urbanisme Rénové, qui vise à rendre obligatoire le plui, la ministre de l’Égalité des territoires et du logement précise : « L’immense majorité des 36 000 communes ne sont couvertes par aucun document d’urbanisme. Elles dépendent du règlement national d’urbanisme…. En théorie, bien sûr, les communes ont la compétence pour l’urbanisme ; en pratique, elles n’ont pas les moyens de l’exercer. Certaines recourent à des cabinets qui leur vendent des plu dessinés par copier-coller, totalement inapplicables. Cet article 63, tel que la commission l’a rédigé, donne aux communes les moyens d’exercer réellement leurs compétences ».

8 Rappelons que dans son analyse, Henri Lefebvre, reprenant la dialectique marxiste, place la valeur d’usage au centre de la fabrique de la ville. La ville est une œuvre, pas un produit fruit d’une valeur d’échange.

9 C’est souvent dans ces manifestations de la vie ordinaire, de la banalité du quotidien, parfois évacuées comme petits problèmes ou anecdotes insignifiantes, que se niche le caractère politique de l’expérience urbaine, la résistance de l’espace vécu à sa rationalisation.

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Pour citer cet article

Référence papier

Dany Lapostolle, Eric Doidy, Matthieu Gateau et Myriam Borel, « L’habitat durable sans l’habiter ? Fabrique de la densité en Bourgogne »Sciences de la société, 98 | 2016, 14-29.

Référence électronique

Dany Lapostolle, Eric Doidy, Matthieu Gateau et Myriam Borel, « L’habitat durable sans l’habiter ? Fabrique de la densité en Bourgogne »Sciences de la société [En ligne], 98 | 2016, mis en ligne le 09 février 2019, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/4617 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.4617

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Auteurs

Dany Lapostolle

mcf en Aménagement de l’espace et urbanisme (Université de Bourgogne Franche-Comté, umr 6049 Théma)

Eric Doidy

cr en Sociologie (cesaer umr 1041 inra AgroSup Dijon)

Matthieu Gateau

mcf en Sociologie (Université de Bourgogne Franche-Comté, Centre Georges Chevrier, umr cnrs 7366)

Myriam Borel

ie msh de Dijon (usr cnrs Université de Bourgogne Franche-Comté 3516).

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Droits d’auteur

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