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L’enquête sociologique à l’épreuve de l’environnement. Comprendre la nature et l’action en train de se faire

Sociologist field investigation facing the environment. Understanding nature and action in progress
Thomas Debril, Pierre-Marie Aubert et Antoine Dore

Résumés

La multiplication des questions environnementales pose à la sociologie une double question, scientifique et politique, que cet article entend aborder sous l’angle de la pratique de l’enquête en contexte de commande publique. Comment intégrer les objets de nature à la description et à l’analyse sociologique  ? Comment accompagner la prise en charge des questions environnementales  ? Pour répondre à ces questions, cet article prend ses distances avec les implicites d’une commande publique fréquemment exprimés en termes de représentations sociales ou de faisabilité. Il montre les apports d’une sociologie d’inspiration interactionniste à trois moments de l’enquête. Tout d’abord, contre l’implicite théorique faisant des représentations collectives le ressort de l’explication, l’article défend une renégociation de la commande permettant de privilégier l’analyse des actions individuelles et de la nature des échanges entre acteurs. Ensuite, contre l’implicite ontologique entérinant le face à face entre nature et culture, l’article montre l’intérêt d’une approche constructiviste dans le recueil des données mieux à même de saisir les manières dont se redéfinissent mutuellement les deux termes. Enfin, face à l’implicite politique poussant à réfléchir au changement de manière exogène et balistique, l’article défend l’intérêt d’une restitution aux acteurs redonnant sa place aux processus d’apprentissage.

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Texte intégral

  • 1 Cet article s’appuie en grande partie sur les expériences d’enseignement des auteurs auprès d’étudi (...)

1La sociologie s’est affirmée à partir du moment où elle a assumé la spécificité des objets de recherche auxquels elle avait affaire  : des objets pensant, qui nécessitent des méthodes distinctes de celles des sciences de la nature. Si les problèmes environnementaux et les alertes qui y sont associées ne datent pas d’hier (Fressoz et al., 2014), la multiplication des questions environnementales à laquelle on assiste aujourd’hui conduit la sociologie à relever un défi symétrique  : comment prendre en charge ces objets de nature contre lesquels elle s’est, d’une certaine manière, construite  ? Deux enjeux sont au cœur d’un tel questionnement. Le premier est scientifique et peut se formuler comme suit  : comment intégrer les non-humains à la description et l’analyse sociologique  ? Le second est praxéologique, ou politique. Il interroge la capacité de la sociologie comme la volonté des sociologues à prendre au sérieux les problématiques environnementales pour accompagner leur prise en charge. Alors que les implications théoriques et épistémologiques de ces enjeux ont fait l’objet de nombreux travaux au cours des vingt dernières années (Raffestin, 1996  ; Larrère et Larrère, 1997  ; Latour, 2004 [1999]  ; Descola, 2005  ; Houdart et Thiery, 2011), leurs conséquences sur la pratique concrète de l’enquête sociologique ont été rarement abordées. Dans ce contexte, l’originalité de cet article consiste à explorer les évolutions possibles de l’enquête permettant de prendre en compte les objets environnementaux. Symétriquement, il s’interroge sur la manière dont ces évolutions contribuent à traiter la question environnementale d’une manière spécifique1.

2En matière d’environnement, la commande adressée à la sociologie, par les commanditaires ou par les sciences biotechniques, est fréquemment posée en termes de représentations sociales. Nous voudrions d’abord montrer que ce type de commande embarque avec elle trois types d’implicites qui permettent difficilement de répondre aux enjeux soulevés ci-dessus. Un implicite théorique en premier lieu, qui fait des représentations individuelles et collectives le ressort de l’explication des phénomènes sociaux et, du même coup, la variable sur laquelle agir pour faire évoluer les comportements. Un implicite ontologique ensuite, qui situe l’environnement en dehors du social et contribue à entériner le partage entre nature et culture comme entre sciences biotechniques et sciences sociales. Un implicite politique enfin, qui fait bien souvent du chercheur un opérateur au service du commanditaire qui doit contribuer à l’évaluation, ou mieux encore, à l’amélioration de l’acceptabilité sociale des solutions portées par ce dernier.

3Nous voudrions dans un deuxième temps montrer ce qu’une sociologie d’inspiration interactionniste, attachée à rendre compte des phénomènes d’action collective, propose comme alternative à ces trois implicites en distinguant trois étapes dans le processus de production de connaissance sociologique  : (i) la commande et la problématisation  ; (ii) le recueil et l’analyse de données  ; (iii) le retour vers le commanditaire. Il ne s’agit là que d’un découpage au service de notre propos, le processus de recherche que nous décrivons n’étant évidemment pas linéaire, mais renvoyant au contraire à des va et vient incessants entre problématique, terrain et littérature. Nous montrons ainsi à chaque étape les conséquences des implicites portés par une approche en termes de représentations sociales, et nous présentons les perspectives offertes par la sociologie de l’action collective en montrant comment cette sociologie a pu être mobilisée dans des perspectives différentes dans le cadre de différents travaux en matière d’environnement.

La commande et la problématisation  : de l’implicite théorique à ses conséquences praxéologiques

4«  Comment les élus vont-ils réagir à mon projet de charte environnementale  ?  », «  Comment les usagers du territoire perçoivent-ils la présence de tel grand prédateur  ?  » Le sociologue est fréquemment interpellé pour s’exprimer sur la faisabilité d’un projet ou la représentation qu’ont les acteurs d’un «  problème  » environnemental. Nous voudrions d’abord montrer que ce type de commande induit une manière spécifique de problématiser et de conduire la recherche en sciences sociales qui nous apparaît problématique à bien des égards. Nous montrerons alors qu’une approche sensible à la dimension interactionniste des formes d’actions collectives peut s’avérer plus adaptée. Elle présente différentes sensibilités et renvoie à différentes manières de se positionner par rapport aux commanditaires et aux acteurs que le sociologue choisit de prendre en compte dans son analyse.

Contre les implicites trop fréquents d’une commande  : faisabilité du projet et représentations des acteurs

5Les sociologues sont fréquemment confrontés à deux grands types de commandes lorsqu’ils s’intéressent aux questions environnementales  : d’une part, des commandes de financeurs institutionnels qui sont généralement des acteurs importants des dossiers sur lesquels ils sont amené à se pencher  ; d’autre part, des sollicitations de chercheurs en sciences biotechniques, de plus en plus incités voire contraints de mieux prendre en compte dans leurs réponses aux appels à projets la «  dimension sociale  » des objets auxquels ils s’intéressent. Ces deux types d’attentes à l’égard du sociologue ont un point commun  : les connaissances produites doivent permettre d’évaluer, voire d’améliorer, l’acceptabilité et la faisabilité d’un projet, d’une innovation, en analysant les représentations sociales des acteurs.

6Le premier implicite de ce type de commande se situe sur le plan théorique. En mettant la focale sur les représentations individuelles et collectives des acteurs par rapport à un problème environnemental ou à une solution portée par un des acteurs, ce type de commande conduit généralement à envisager ces représentations comme les ressorts de l’explication des comportements et des phénomènes sociaux. Si les chercheurs sont bien conscients de la complexité des liens entre pratiques et représentations sociales (Abric, 1994), et s’ils acceptent, de ce fait, rarement d’endosser une lecture aussi unidirectionnelle du social, ils prennent le risque en restant trop proches d’une telle commande de négliger la description empirique des comportements d’acteurs. L’explication de comportements protecteurs ou au contraire déprédateurs de l’environnement est simplement rapportée à l’intérêt des acteurs pour les écosystèmes (Mouro et Castro, 2010) ou encore à la (mé)-connaissance qu’ils ont de leur valeur ou de leur fonctionnement (Ghimire et al., 2004). Cet implicite théorique a des conséquences directes sur le plan praxéologique. Il conduit en effet le sociologue de l’environnement à retrouver le face à face positiviste instituant une partition entre sciences biotechniques et sciences sociales  : alors que les premières se chargent de définir les contours et la nature du problème environnemental, les secondes appréhendent l’irrationalité et l’incompréhension des acteurs, l’amoralité de leurs intentions ou l’irresponsabilité de leurs comportements. Le sociologue est alors bien souvent poussé à jouer un rôle de médiateur. Contre cette approche, la sociologie de l’action collective entend au contraire documenter des comportements d’acteurs concrets et en interactions, dont elle fait le ressort principal de l’explication des phénomènes sociaux.

Pour une sociologie de l’action collective  : négocier un autre rapport au terrain

7Pour la sociologie de l’action collective, les ressorts de l’explication ne sont pas à rechercher du côté des représentations sociales mais bien plutôt du côté des actions individuelles et collectives. Dans cette perspective, la sociologie de l’action collective considère que l’action des acteurs est porteuse d’un sens qu’il s’agit de découvrir et de décrire afin de mettre en évidence les régularités de comportements. Plutôt que de tenter d’appréhender des représentations abstraites qui se situeraient principalement dans la tête des acteurs, il s’agit d’abord de considérer la manière dont s’actualisent, dans des comportements concrets, les «  bonnes raisons  » qu’ont les acteurs de faire comme ils font (Boudon et Fillieule, 1969). Cette conception nous pousse par ailleurs à adopter une définition interactionniste de l’action qui consiste à décrire la nature des échanges entre les différents acteurs en prenant au sérieux leur dimension négociée et instrumentée.

8En focalisant l’analyse sur les spécificités de l’action en train de se faire, il s’agit, dans un premier temps, de ne pas prendre position dans les débats définitionnels souvent complexes qui ont trait aux questions environnementales mais de laisser aux acteurs le soin de définir eux mêmes les contours du problème. Cette perspective d’analyse se caractérise notamment par un scepticisme critique à l’égard des catégories préconstituées portant aussi bien sur la nature que sur le social. Elle milite pour un travail empirique approfondi, un engagement important et une immersion de longue durée auprès des acteurs. Elle conduit à se méfier des données de seconde main qui, en ayant été produites et mises en forme pour d’autres objectifs, transportent avec elles des choix spécifiques difficilement contrôlables.

9La sociologie de l’action collective que nous défendons prend par ailleurs ses distances avec les approches hypothético-déductives, conduisant trop fréquemment à analyser les acteurs selon des catégories qui ne sont pas les leurs (Becker, 1998). Plutôt que de se rendre sur le terrain pour tester des hypothèses formalisées par un travail bibliographique approfondi, il s’agit d’inférer la problématique à partir du travail de terrain engagé dès le début du processus de recherche (Glaser et Strauss, 1967  ; Corbin et Strauss, 2004 [1990]). Une telle perspective conduit ainsi à négocier avec le commanditaire une grande liberté et à demander une grande confiance pour conduire une recherche aux contours initiaux largement indéterminés puisque ceux-ci s’affineront chemin faisant, après la négociation qui initie le début de la recherche. Ce type de démarche conduit à repositionner le problème exprimé initialement en termes de représentation sociale pour y répondre par la description des formes d’actions collectives et l’analyse de l’hétérogénéité des logiques d’action et des interactions entre acteurs.

Des rapports politiques au terrain contrastés  : sociologie pour l’environnement et sociologie de l’environnement

10La sociologie de l’action collective que nous venons d’évoquer peut être mobilisée dans des perspectives différentes qui engagent des rapports politiques au terrain contrastés. Dès lors qu’il pose une question (plutôt qu’une autre), qu’il s’intéresse à telle dimension d’un problème (plutôt qu’à telle autre), le chercheur prend, consciemment ou non, intentionnellement ou pas, une position par rapport à la situation qu’il importe de clarifier (Becker, 1966). On peut notamment distinguer des recherches sociologiques portant sur l’environnement et d’autres travaillant pour l’environnement (Sandbrook et al., 2013).

11En se donnant pour objectif de contribuer à la conservation ou à la restauration de certains objets environnementaux, les recherches menées autour des travaux séminaux de Laurent Mermet sur l’analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) entre dans la seconde catégorie (Mermet et al., 2005). La posture de l’ASGE prend ainsi ses distances avec la traditionnelle neutralité axiologique weberienne et reconnait travailler pour l’environnement, assumant par là-même une posture morale et normative. Les chercheurs mobilisant cette approche produisent ainsi une connaissance plus spécifiquement destinée aux acteurs engagés dans la protection de l’environnement (Mermet et al., 2010). Ce peut être soit en travaillant avec eux, comme dans le cas de Fanny Guillet travaillant au sein d’une ONG de conservation des zones humides méditerranéennes (Guillet et Leroy, 2010  ; Guillet, 2011)  ; soit en documentant plus directement les pratiques et les stratégies collectives des acteurs causalement responsables de dégradations environnementales, comme l’a fait Romain Taravella décrivant minutieusement les pratiques et les relations entre éleveurs au sein d’un front pionnier amazonien (Taravella, 2008, 2011).

12D’autres travaux s’appuient quant à eux sur une proposition fondatrice de la sociologie des sciences – le premier principe de symétrie de David Bloor (1976) – qui consiste à suivre symétriquement et de manière équitable les acteurs dans leurs opérations de fabrication et de légitimation d’énoncés. De sorte que l’enquêteur est ici réputé tenir une position agnostique, capable de décrire avec la même impartialité les acteurs en présence, vainqueurs et vaincus, puissants et minoritaires, etc. Remettant en cause le monopole de la connaissance aux scientifiques, un nombre croissant de recherches s’appuie sur ce premier principe de symétrie pour mettre en avant la diversité des expertises que mobilisent les experts mais aussi les profanes dans leur appréhension de la nature. Ici, il s’agit d’abandonner les questions d’ «  engagement/dégagement  » pour penser l’intervention du sociologue en termes d’attachements et de détachements performatifs  : «  le travail du sociologue, comme de tout scientifique, est de participer à la multiplication des porte-parole et des entités au nom desquelles il parle, sa tâche politique pourrait être d’introduire, voire d’organiser, le débat entre ces porte-parole  » (Callon, 1999, p. 76).

Le recueil et l’analyse de données  : comprendre la nature et l’action en train de se faire

13Une des difficultés principales à laquelle doit faire face la sociologie consiste à se doter de méthodes de recueil et d’analyse des données lui permettant de prendre en charge les objets environnementaux. Nous reviendrons dans un premier temps sur l’implicite ontologique qui caractérise les commandes en termes de représentations sociales puis nous montrerons les alternatives offertes par la sociologie de l’action collective. Celle-ci s’appuie sur une démarche constructiviste qui mobilise des outils de recueil des données bien particuliers. On peut alors distinguer plusieurs manières de conduire le travail de collecte et d’analyse des données en fonction notamment du rapport entretenus par les sociologues avec leurs collègues des sciences biotechniques.

Les deux figures symétriques de l’implicite ontologique  : biocentrisme et sociocentrisme

14En s’intéressant aux représentations que les acteurs se font de l’environnement, les commandes qui sont adressées aux sociologues renferment un deuxième type d’implicite de nature ontologique. Elles conduisent en effet à considérer l’environnement comme extérieur au social, comme un domaine ontologique à part auquel les acteurs ordinaires n’auraient accès qu’à travers le filtre de leurs représentations. Dans cette perspective, seuls les scientifiques sont en mesure de réellement «  découvrir  » cet environnement extérieur. Cet implicite ontologique a trois types de conséquences quant aux modalités de recueil et d’analyse des données. Il conduit d’abord à faire de la sociologie de l’environnement une sociologie sans environnement, en laissant hors d’atteinte les objets de nature dans leur matérialité. Il évacue en effet aussi bien ce que les formes d’action collective font à la nature et ce que la nature fait faire aux acteurs en retour. Plus encore, il conduit à purifier et à entretenir la séparation entre nature et culture et à négliger la diversité des manières dont les deux termes s’hybrident et se redéfinissent mutuellement (Latour, 1991). Cet implicite pose enfin les bases d’un partage disciplinaire problématique des opérations de recherche  : le biologiste décrit ce qu’il en est de la nature tandis que le sociologue s’intéresse à ce que nous pourrions appeler l’«  artefact culturel  »  ; le premier explique la biologie de telles espèces ou l’état favorable de conservation de tels écosystèmes, etc. tandis que le second s’intéresse aux peurs ou aux problèmes d’acceptation sociale dont ces entités de nature sont victimes. Les comportements humains peuvent alors être expliqués par toute une série de bonnes raisons sociales et culturelles d’«  avoir tort  » sur la nature et, dans cette histoire, ni les humains, ni les entités de nature n’y sont vraiment pour grand-chose (Doré, 2010). Il s’agit de rompre avec un tel confort épistémologique bien institué afin de voir dans quelle mesure il est possible de mieux traiter les humains et les entités de nature dans la conduite de l’analyse des relations homme-nature.

Les vertus d’une approche constructiviste  : comprendre l’action en train de se faire

15L’approche en termes d’action collective que nous proposons ici conduit au contraire à adopter une posture constructiviste qui cherche à mieux comprendre l’action en train de se faire. Elle prend ainsi au sérieux la diversité des formes d’actions collectives qui participent non seulement de la mise en forme de la nature mais qui sont aussi, en retour, transformées par elle. L’analyse de ces boucles de rétroaction conduit d’abord à prendre nos distances avec les postures biocentriques considérant un environnement préexistant doté de certaines caractéristiques intrinsèques qu’il s’agirait de découvrir. Elle consiste plutôt à décrire les processus par lesquels sont attribuées des qualités aux ressources naturelles, et cela à un double titre  : d’une part, en documentant, les modalités de mise en forme de l’environnement par les activités humaines  ; d’autre part, en documentant l’intensité croissante du travail de qualification conduit par les acteurs. Dans cette perspective la sociologie de l’action collective s’intéresse à la diversité des dispositifs, à l’hétérogénéité des pratiques des experts comme des profanes participant de cette qualification et à la variété des échelles, aussi bien spatiales que temporelles qu’ils retiennent pour travailler. Elle cherche à renseigner la nature des échanges entre ces acteurs, porteurs d’intérêts contrastés, qui participent, chemin faisant, de la redéfinition des objets de nature.

  • 2 À cet égard, notre emploi de l’entretien se distingue de «  l’entretien ethnographique  » prôné par (...)

16De manière symétrique, prendre ses distances avec la posture sociocentrique impose de rester attentif à ce que la nature fait faire au social, à la manière dont elle participe de la redéfinition des préférences et des comportements des acteurs. En décrivant comment la nature vient éprouver les ordres sociaux, nous montrons ainsi comment les entités de nature viennent modifier non seulement les représentations mais aussi les comportements très concrets des acteurs sur le terrain, les modalités d’objectivations des entités de nature elles-mêmes, ainsi que leurs modalités d’exploitation économique ou de gestion politique. Qu’il s’agisse de montrer ce que les formes d’action collective font à la nature ou qu’il s’agisse de suivre l’hétérogénéité des réajustements que provoque l’intrusion des objets de nature dans la société, cette sociologie a des conséquences fortes sur la manière d’aborder le terrain, de recueillir et d’analyser les données. Elle pousse non seulement à suivre les acteurs dans leurs pratiques de négociation et leurs logiques argumentatives, mais aussi à suivre la trajectoire des objets de nature dans leurs traductions et déformations. Les situations controversées ou les arènes conflictuelles sont, dans cette perspective, des situations d’observations privilégiées  ; elles mettent en effet davantage en lumière la manière dont se constituent mutuellement la nature et l’action collective. Dans cette perspective, il s’agit d’exploiter son engagement sur le terrain et avec les acteurs pour les aider à déplier les catégories situées qu’ils mobilisent comme les expériences subjectives qu’ils convoquent dans leurs relations aux autres et aux entités de nature. L’entretien compréhensif est généralement privilégié afin de fonder l’analyse sociologique sur un questionnement à la fois ouvert, qui reconnaît la souveraineté de l’acteur, et concret, qui consiste à documenter le quotidien de ses pratiques et de ses relations, tant avec les autres acteurs qu’avec les êtres de nature2. S’il n’est pas question ici de rentrer dans un débat de fond sur l’usage de l’entretien (voir à cet égard la synthèse proposée par Pinson et Sala-Pala, 2007) et les «  impensés méthodologiques  » qui l’accompagneraient (Bongrand et Laborier, 2005), précisons simplement un point  : contre les tenants de l’observation directe (Arborio et Fournier, 2005) ou de l’entretien ethnographique (Beaud, 1996), généralement méfiants à l’égard de l’entretien qui, passant par la verbalisation de l’enquêté, introduirait non seulement un biais individualiste et subjectif dans l’analyse mais ferait par ailleurs courir au sociologue le risque de prendre ce que les gens disent qu’ils font pour ce qu’ils font réellement, nous considérons la subjectivité du matériau recueilli non pas comme un problème mais bien comme une opportunité. La relation d’enquête spécifique à l’entretien permet en effet à l’enquêteur de conduire l’enquêté à décrire ses pratiques. Et c’est au moment de l’analyse que l’enquêteur, en comparant de manière systématique l’ensemble des propos qui lui ont été rapportés, peut retrouver une extériorité et saisir la dynamique négociée des processus (voir en particulier Friedberg, 1995) par lesquels se constituent et la nature et le social. Plutôt que la stabilité des grandes causes, c’est bien la dynamique de ces petits processus qui nous intéresse en premier lieu, dans une perspective faisant de la dynamique des formes d’action collective, c’est-à-dire de la nature des échanges entre les acteurs, les ressorts de l’explication.

Différentes manières d’être constructiviste

17En conduisant à problématiser simultanément l’ordre social et l’ordre naturel, cette posture constructiviste s’est progressivement imposée à la communauté des sociologues soucieux de prendre leur distance à l’égard des deux postures symétriques mais complémentaires du biocentrisme et du sociocentrisme. Pour autant, si la prise en compte de la matérialité du monde apparaît comme un enjeu particulièrement important aux sociologues de l’environnement reconnaissant que les faits ne sont pas que socialement construits (Lemieux, 2012), différentes sensibilités s’expriment sur la manière de le faire.

18Certains chercheurs, pour éviter le réductionnisme social et soucieux de ne pas saisir la nature uniquement «  en creux  », reconnaissent l’importance du recours aux sciences biotechniques. Ces sociologues se lancent alors dans «  la quête difficile de l’interdisciplinarité  » (Jollivet, 1992  ; Kalaora et Vlassopulos, 2013) en se rapprochant de leurs collègues des sciences naturelles. Cette stratégie n’est pas aisée à mettre en œuvre (Godard, 1992). Elle suppose d’abord d’identifier et de mobiliser des collègues intéressés par les enjeux sociologiques. Elle se heurte, ensuite, à la vivacité des controverses dans lesquelles les collègues en sciences biotechniques sont fréquemment embarqués alors que le sociologue ne dispose pas a priori de raison pour suivre telle position plutôt que telle autre (Barbier, 2005). Face à ces deux problèmes, certains sociologues cherchent à assumer la double compétence en étant en mesure de saisir les mécanismes sociaux impactant la nature tout en se dotant des compétences permettant d’opposer une connaissance objective et indépendante des faits de nature (Mermet et al., 2005). À la batterie des instruments classiques du sociologue que nous venons d’évoquer s’ajoute alors la diversité des outils et méthodes que mobilisent traditionnellement les sciences de la nature pour dresser des inventaires botaniques et zoologiques et identifier les propriétés de tel ou tel écosystème.

19D’autres chercheurs préfèrent renoncer au traditionnel grand partage entre nature et culture pour s’intéresser à la manière dont s’hybrident les deux termes (Latour, 2004 [1999]). Les tenants de la sociologie de la traduction et de son principe de symétrie généralisée (Akrich et al., 2006) appréhendent alors les faits comme le produit des associations entre humains et non-humains  : en s’efforçant d’utiliser un seul et même répertoire pour décrire chacun de ces registres, le sociologue peut alors tracer les liens inextricables qui relient à chaque fois, dans la pratique, les certitudes et les incertitudes relevant de la nature comme de la société. Un tel principe conduit finalement l’observateur à rejeter l’hypothèse d’une frontière définitivement établie entre les faits de nature et les faits de société et à prendre au sérieux la place des non-humains dans la constitution des agencements humains en tenant compte de leur présence, de leur capacité à (ré)agir ou à faire (ré)agir. La sociologie de la traduction accorde du même coup dans la phase de recueil des données une importance particulière aux objets et aux comptes rendus pour mieux comprendre les manières dont sont simultanément redéfinis la nature et le social.

Retour vers le commanditaire  : restitution du travail sociologique et intervention

20Nous pouvons désormais nous attarder sur le moment de la restitution des résultats de l’enquête et sur les attentes qui pèsent parfois sur le sociologue en matière de recommandations opérationnelles. Nous montrerons d’abord que les commandes qui cadrent le travail sociologique en termes de représentations de l’environnement embarquent un troisième type d’implicite. Celui-ci fait du chercheur un opérateur au service du commanditaire qui doit contribuer à l’évaluation, voire à l’amélioration de l’acceptabilité sociale des solutions portées par ce dernier. Nous présenterons alors deux grands types de postures et de recommandations auxquelles peut conduire une approche davantage soucieuse des formes d’actions collectives même si, encore une fois, les modalités d’intervention des sociologues de l’action collective peuvent prendre des formes différentes selon leur sensibilité théorique et leur volonté de faire changer les choses.

Coercition, incitation ou pédagogie  : travailler à l’acceptation du projet

21Si le moment de la restitution n’est généralement pas le plus simple, c’est qu’il renvoie à deux postures contrastées qui apparaissent, l’une comme l’autre, relativement insatisfaisantes. La première renvoie au cynisme. Elle consiste simplement à profiter du financement de l’étude pour satisfaire des enjeux académiques souvent déconnectés des attentes opérationnelles. Le moment de la restitution est alors un moment embarrassant dans lequel il faut gérer au mieux la frustration d’un commanditaire qui ne voit pas la portée opérationnelle de l’étude qu’il a financée. La seconde posture renvoie au relatif confort des sociologues travaillant à la faisabilité des projets du commanditaire avec lequel il travaille de manière étroite, sinon exclusive. La restitution des résultats au commanditaire est alors l’occasion de réfléchir avec lui aux modalités possibles de recadrage des comportements des acteurs de terrain. Il s’agit par exemple de mobiliser des instruments réglementaires ou incitatifs qui ont tous comme objectif de réformer les pratiques qui, en n’étant pas conformes aux intentions initiales du commanditaire, sont fréquemment jugées dysfonctionnelles. Les effets pervers associés à ce type d’intervention ont cependant été largement documentés. Alors que les règles visent à se prémunir de l’arbitraire du prince et à canaliser les effets non voulus de l’agrégation des comportements individuels, nous savons aussi ce qu’elles fabriquent de comportements ritualistes et de dysfonctionnements. C’est bien une des raisons pour lesquelles nous avons assisté à ce tournant participatif en matière environnementale, les arènes délibératives étant censées assurer une plus grande rationalité et une plus forte légitimité de la décision. Néanmoins, nous savons aujourd’hui que leur mise en œuvre concrète peut aussi participer de la légitimation et de la reproduction des rapports de dominations (Blatrix, 2002) et apparaître comme un instrument décisif du gouvernement de la critique (Topçu, 2013). Enfin, l’économie a désormais bien documenté les effets non voulus du «  signal prix  » et des incitations économiques, qui peuvent conduire à de la dé-incitation individuelle et à des contres performances collectives (Stern, 1999).

22Ces différentes manières de penser le changement, en cherchant à aligner la diversité des comportements individuels aux intentions réformatrices du commanditaire tendent ainsi à méconnaître les formes d’actions collectives qui nous paraissent déterminantes dans les dynamiques environnementales. Elles tendent également à négliger la place du commanditaire dans les situations analysées. Au contraire, la sociologie de l’action collective rompt avec ces représentations du changement exogène et balistique  : elle s’appuie sur l’identification des leviers d’actions – processus d’apprentissage ou nouvelles régulations – permettant de modifier la structure sous-jacente des relations  ; elle inclue le commanditaire dans l’analyse au même titre que les autres acteurs.

Susciter de nouvelles régulations avec les acteurs  : les processus d’apprentissage autour d’un diagnostic partagé

23Pour les sociologues de l’action collective, il ne s’agit pas de s’appuyer sur une nature humaine ou des règles qui canaliseraient du dehors les comportements et permettraient de faire faire aux acteurs ce que l’on attend d’eux. Il s’agit de produire et mobiliser une connaissance des formes d’actions collectives auxquelles chaque acteur contribue pour identifier et mettre en débat le caractère éventuellement prohibitif des coûts de la régulation et réfléchir aux leviers de changement susceptibles de transformer les modes de régulation insatisfaisants. Si l’on s’intéresse par exemple au problème de la surpêche, l’objectif n’est pas de caractériser les représentations sociales des pêcheurs à l’égard de l’environnement, de la ressource ou de la production optimale d’un bien commun, ni même de participer à la surenchère des dispositifs visant à cadrer de manière toujours plus précise le comportement des marins. La sociologie de l’action collective peut montrer au contraire que l’organisation sociale du marché, renvoyant notamment à la nature des échanges entre grande distribution et mareyeurs, conduit les marins pêcheurs en bout de chaîne à surpêcher et à participer à l’épuisement de la ressource halieutique dont ils sont aussi les premières victimes (Debril, 2012). Le problème n’est donc pas de durcir les règles et les dispositifs coercitifs en direction des pêcheurs ou de leur expliquer – dans une démarche «  pédagogique  » – la nécessité de restreindre leur effort de pêche. Il ne s’agit pas tant d’agir sur les marins par un interventionnisme concentré sur la limitation des captures ou par des actions visant à retravailler la dynamique à l’origine de cette externalisation des coûts de la coopération sur les acteurs en bout de chaîne. En déplaçant de cette manière la réflexion, la sociologie de l’action collective conduit à prendre ses distances avec un interventionnisme concentré exclusivement sur l’offre et permet de réfléchir avec les acteurs à la manière dont on peut retravailler la dynamique des échanges à l’origine de l’épuisement de la ressource halieutique. Cette sociologie permet ainsi de passer des symptômes aux problèmes à traiter en priorité et des priorités aux leviers de changement pertinent permettant d’internaliser les externalités (Dupuy, 2004).

24Dans cette perspective, le moment de la restitution permet d’abord de travailler à la construction d’une connaissance partagée sur les dynamiques sociales à l’œuvre. Il s’agit de rapporter aux acteurs la manière dont leurs logiques individuelles, en se combinant, fabriquent un ordre collectif spécifique. À un premier niveau, cela conduit à restituer et à mettre en mots ce que les acteurs n’ont pas nécessairement formalisé par eux-mêmes. À un second niveau, cela conduit chaque acteur à replacer la logique individuelle de son propre comportement dans un jeu plus global en éprouvant l’hétérogénéité des positions et la rationalité des comportements des différentes parties prenantes. À un troisième niveau, cela conduit chaque acteur à mieux comprendre ce que sa propre action contribue à produire à un niveau collectif et à appréhender les coûts environnementaux et sociaux de la régulation. Le moment de la restitution apparaît du même coup comme un moment décisif dans la démarche de changement. Le diagnostic, en même temps qu’il reconnaît la singularité de chacun, pointe la «  communauté de destin  » des différentes parties prenantes de la situation et permet la mise en débat du caractère éventuellement prohibitif des coûts de la régulation (Uhalde, 2001). L’enjeu de la restitution consiste alors à redonner la main aux acteurs sur la base des connaissances introduites par le diagnostic sociologique et à mettre notamment en discussion les coûts de la régulation.

Des sensibilités différentes  : d’une sociologie de combat à une sociologie des combattants

25Le format même de la restitution dépend cependant pour une bonne part de la perspective adoptée par le sociologue de l’action collective en matière de changement. Les chercheurs de l’ASGE posent par exemple une hypothèse de travail fondamentale  : une meilleure prise en charge des problèmes environnementaux passe par l’action stratégique d’acteurs minoritaires sur l’ensemble du système social responsable des dégradations environnementales considérées (Mermet et al., 2013). Une telle hypothèse est fondée sur deux résultats empiriques  : tout d’abord, les acteurs responsables des dégradations environnementales se montrent bien souvent des conservateurs acharnés de l’ordre en place qui sous-tend leurs activités économiques ou récréatives  ; ces derniers sont ensuite fréquemment les acteurs dominants du jeu social (e.g. Aubert et Debril, 2015). Dans cette perspective, la restitution vise à mettre en discussion, avec les acteurs porteurs d’une préoccupation environnementale, les leviers d’action et les stratégies qui permettraient d’accroître leur marge de manœuvre et leur capacité d’action en faveur de l’environnement.

26Pour d’autres chercheurs, le changement passe par l’implication la plus large possible des acteurs dès les phases les plus amont des projets de gestion (Callon et al., 2001) plutôt que par l’action stratégique d’une minorité. L’enjeu du changement ne s’exprime généralement pas directement dans les termes d’une meilleure prise en charge de l’environnement. Il consiste surtout à travailler aux conditions démocratiques de prise en charge des entités de nature dans le collectif (Latour, 2004 [1999]). Dans cette perspective, un des enjeux de l’enquête consiste à multiplier les moments d’interaction avec les acteurs dans la conduite de la recherche sociologique sans attendre la restitution finale. Le chercheur est alors attentif à offrir un «  droit de regard  » aux enquêtés sur leurs propres propos en leur envoyant par exemple les entretiens retranscrits leur permettant de compléter ou d’amender leurs discours. Le sociologue peut encore présenter les résultats intermédiaires de sa recherche permettant aux enquêtés de commenter les enseignements que le sociologue tire des matériaux qu’ils fournissent. Il peut également mobiliser un petit nombre d’acteurs gestionnaires spécialistes de la question pour les inviter à participer à l’accompagnement et à la définition du processus de production de connaissances sociologiques en les considérant non plus comme de simples «  enquêtés  » mais plutôt comme des partenaires profanes capables d’apporter une contribution critique à la conduite de la recherche. Cette implication précoce et continue des acteurs dans la conduite de l’enquête vise également à améliorer la production de connaissance sociologique en tant que telle, ainsi que la diffusion, le transfert et la légitimité des produits de la recherche dans le champ de l’action.

27La multiplication des problématiques environnementales s’est accompagnée d’une demande croissante en direction des sciences sociales. L’objectif sous-jacent, pas toujours explicité, est souvent de dépasser une approche purement technique des problèmes écologiques pour intégrer à leur traitement la dimension sociale qui leur est inhérente. Dans ce contexte, le type de commande adressé aux sociologues est fréquemment formulé en termes de représentations sociales de l’environnement et vise à évaluer la faisabilité ou l’acceptabilité des solutions portées par des gestionnaires. Analysant les difficultés indissociablement théoriques et pratiques associées aux trois implicites – théorique, ontologique et politique – que comportent les commandes faites aux sociologues, nous avons distingué dans cet article trois étapes dans le processus de production de connaissance sociologique pour montrer les alternatives concrètes offertes par une sociologie interactionniste. Face à l’implicite théorique faisant des représentations collectives le ressort de l’explication des comportements et attribuant déjà au sociologue un rôle très particulier, nous avons d’abord défendu l’intérêt de renégocier une commande permettant de saisir le sens des actions individuelles et la nature des échanges entre les différents acteurs. Face à l’implicite ontologique entérinant le grand partage entre nature et culture et consacrant le face à face disciplinaire entre sciences biotechniques et sciences sociales, nous avons défendu l’intérêt d’une approche constructiviste mieux à même de saisir les manières dont se redéfinissent mutuellement la nature et le social, en pointant la diversité des démarches permettant à la sociologie de prendre en compte la matérialité du monde. Enfin, face à l’implicite politique poussant à réfléchir au changement de manière exogène et balistique, nous avons défendu l’intérêt d’une restitution aux acteurs redonnant sa place aux processus d’apprentissage.

28En permettant de mieux comprendre la nature et l’action en train de se faire plutôt que déjà faite, les propositions que nous faisons dans cet article nous semblent mieux à même de saisir les mécanismes qui participent non seulement de la fabrication des contours et de la nature des problèmes environnementaux, mais aussi de l’identification et de l’effectivité des solutions imaginées pour y faire face.

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Notes

1 Cet article s’appuie en grande partie sur les expériences d’enseignement des auteurs auprès d’étudiants en école d’ingénieur en environnement. Face à un public disposant d’une forte expertise technique et majoritairement préoccupé par les moyens dont ils pourraient disposer pour minimiser les «  résistances sociales  » associées à l’intervention d’un gestionnaire, nos enseignements insistent au contraire sur deux points. Le premier consiste à dénaturaliser la commande initiale, en montrant que ce qui constitue pour le commanditaire un problème s’avère souvent être la solution trouvée par d’autres acteurs face aux difficultés qu’ils rencontrent. Le second invite à caractériser les processus d’action collective sous-jacents à la situation qualifiée par le commanditaire de problème afin de sortir d’une approche linéaire et balistique du changement. Le présent article reprend et systématise la démarche adoptée dans ces enseignements.

2 À cet égard, notre emploi de l’entretien se distingue de «  l’entretien ethnographique  » prôné par Stéphane Beaud (1996) ou encore de la méthode du récit de vie (Bertaux, 2005)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thomas Debril, Pierre-Marie Aubert et Antoine Dore, « L’enquête sociologique à l’épreuve de l’environnement. Comprendre la nature et l’action en train de se faire »Sciences de la société [En ligne], 96 | 2015, mis en ligne le 04 décembre 2018, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/3752 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.3752

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Auteurs

Thomas Debril

Pierre-Marie Aubert

Antoine Dore

Respectivement, sociologue, ingénieur de recherche à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), UMR AGIR, 24 chemin de Borde Rouge BP 52 627 - 31326 Castanet Tolosan, thomas.debril@toulouse.inra.fr  ; sociologue, chargé de recherche à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), 27 rue Saint Guillaume, 75337 Paris Cedex 07, pierremarie.aubert@iddri.org  ; et sociologue, chargé de recherche à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), UMR AGIR, antoine.dore@toulouse.inra.fr

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