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Expertise scientifique et gestion rationnelle des pêches maritimes

Scientific expertise and the rational management of sea fishing
Valerie Deldreve
p. 99-112

Résumés

La construction des connaissances est une problématique centrale de l’exploitation et de la préservation des ressources marines. Dans le cadre de la définition et de la mise en œuvre de la Politique commune de la pêche (PCP), l’évaluation scientifique des stocks halieutiques et de leur évolution fait l’objet de controverses entre pêcheurs et scientifiques, voire entre ces derniers, - biologistes et économistes des pêches. Les modèles qui fondent cette évaluation ainsi que les sources et techniques de collecte des données sont au cœur des débats. Sans suffire à la remise en cause des modalités de l’expertise scientifique, les doutes émis sur la fiabilité des méthodes suscitent une réflexion de fond sur les incertitudes qui lui sont inhérentes et sur la contribution potentielle des pêcheurs à la construction des connaissances halieutiques. Depuis la réforme de la PCP en 2002, la Commission européenne (CE) reconnaît certes la nécessaire participation des professionnels, mais en restreignant celle-ci à un objectif unique : rendre plus fiable et légitime l’expertise scientifique.

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Texte intégral

1Les connaissances liées à la pêche constituent un enjeu majeur, déterminant tant l’accès aux ressources que leur gestion. Elles sont à la fois inhérentes à l’exercice quotidien et à la transmission des métiers de marins-pêcheurs et produit d’une pratique scientifique, celle des « halieutes » – biologistes et économistes des pêches –, dont l’expertise est mobilisée pour déterminer les politiques de préservation des ressources marines. Les connaissances du milieu marin et des effets de l’exploitation halieutique diffèrent fondamentalement selon les processus de construction mis en œuvre, les acteurs qui y contribuent et l’usage auquel elles sont promues. Les controverses qui s’en suivent participent de manière positive au processus de construction global des connaissances (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001), mais elles sont aussi sources de conflits sociaux dans le secteur des pêches maritimes en Europe. Elles portent essentiellement sur les marges d’erreur dans lesquelles s’inscrivent les estimations scientifiques, les revirements de diagnostics et l’appel au principe de précaution qui trahit aux yeux des pêcheurs les déficiences de l’expertise scientifique mobilisée dans le cadre de la Politique commune de la pêche (PCP). Ces controverses, qui partagent également les halieutes, se focalisent sur des questions de normes ou d’indicateurs retenus pour évaluer et confondre la diminution et la surexploitation des ressources, et plus encore sur l’usage de la modélisation qui fonde cette expertise ainsi que sur la qualité des données requises.

  • 1 La première, menée dans le cadre d’une thèse (Deldrève, 1998), porte sur les pratiques et organisat (...)

2L’article qui suit mobilise principalement des références de la sociologie politique et des sciences pour interroger, à partir de cette cristallisation sur les méthodes, les récentes réformes relatives à la connaissance en tant qu’activité de production du savoir (Darré, 1999) : tendent-elles à redéfinir l’expertise scientifique ou à reconnaître d’autres formes d’expertise ? À partir d’enquêtes qualitatives menées dans le cadre de recherches sociologiques sur les activités halieutiques françaises en Manche orientale1, l’article explicitera en première partie la manière dont s’est construite l’expertise scientifique sur l’usage controversé de la modélisation. Il traitera ensuite la question de la fiabilité des données et celle des postures adoptées face à l’incertitude des connaissances, pour analyser, en dernière partie, l’évolution récente des dispositifs de connaissances institués ou réformés dans le but d’améliorer celles-ci.

Consolider une expertise scientifique controversée

  • 2 Contrairement au CSTEP, créé en 1983 à la naissance de la PCP, le CIEM n’est pas une émanation dire (...)

3La CE formule ses propositions politiques et réglementaires devant le Conseil des ministres des États membres de la Communauté Européenne au regard d’avis scientifiques émis à l’échelon communautaire par le Conseil scientifique, technique et économique des pêches (Cstep). Ces avis sont le plus souvent éclairés par d’autres, élaborés en amont par des commissions scientifiques internationales – tel le Conseil international pour l’exploration de la mer (Ciem)2 –, qui rassemblent et analysent à cet effet les données nécessaires à l’échelle de grandes régions maritimes ou relatives à certaines espèces. Ces données sont préalablement collectées auprès de divers organismes scientifiques et administratifs nationaux, tels l’Ifremer et les Affaires Maritimes en France.

  • 3 Lascoumes et Le Bourhis (1996) définissent comme « substantielle », et par opposition à « procédura (...)
  • 4 Voir à ce sujet Garcia, 1989 ; Durand, Lemoalle et Weber, 1991.

4Que les connaissances sur lesquelles repose une politique substantielle (Lascoumes et Le Bourhis, 1996)3 de la gestion des ressources et des pêches en Europe soient scientifiques est conforme au fonctionnement de démocraties « délégatives », fondées sur une double fracture : entre scientifiques et profanes d’une part, politiques et citoyens de l’autre (Latour, 1989 ; Callon et al., 2001). Le rôle conféré à la science est, en outre, largement hérité de son histoire sociale (Wynne, 1992) et notamment de l’évolution de ses relations avec les activités de production. Ainsi sans restituer l’histoire des sciences et de la recherche dans le champ de l’halieutique4, il faut rappeler que la fonction première des organismes de recherche y était : d’« apporter un appui à l’expansion du secteur des pêche de leur pays » (Rey et al., 1997). Au début du xxe siècle, cependant, les scientifiques, alertés par les baisses de rendement des navires de pêche et la régression de la taille des captures, tirèrent l’alarme sur l’épuisement des stocks, dans le cadre de grandes conférences internationales qui influèrent fortement sur la construction des connaissances scientifiques. Quelques années plus tard, l’interruption des activités de pêche durant la Seconde Guerre mondiale et le renouvellement consécutif des stocks furent pour ces scientifiques la confirmation indiscutable du rapport de cause à effet établi entre pêche et raréfaction de la ressource : « À l’issue du Conflit, commentent Rey et al. (1997, 99), de nombreuses conférences internationales se sont donc réunies pour négocier ou mettre à jour des conventions qui toutes posaient le principe que la conservation des ressources est une condition nécessaire pour assurer la prospérité de l’industrie ». Ce principe, qui a servi de guide à la recherche – précisent les auteurs –, a conduit à mobiliser une branche spécifique de l’écologie : la dynamique des populations.

La contribution originelle mais insuffisante de la dynamique des populations

  • 5 La notion de stock désigne, en démographie des populations, une population X, par exemple celle du (...)
  • 6 L’effort de pêche est calculé à partir de la capacité de pêche des flottilles (leurs puissance et t (...)
  • 7 Pour une analyse des modèles halieutiques : Cf. Gascuel, 1995, Le Fur 1993.

5Ainsi la dynamique des populations, dont les premières contributions dans le domaine de l’halieutique datent des années 1930, se développe dans les décennies qui suivent autour des trois missions que sont : i) l’analyse du comportement et de l’évolution des ressources sous l’effet des facteurs naturels et de l’exploitation halieutique ; ii) l’évaluation quantitative des effets de cette exploitation sur les stocks5 ; iii) la simulation de l’impact de modalités d’exploitation alternatives (Rey et al., 1997). Cette discipline quantitative reconstitue l’histoire des populations marines à partir de celle des captures, ou des rendements des navires, grâce à la modélisation mathématique. Les paramètres mobilisés, telles l’abondance et la structure des stocks, ne sont ni directement mesurables, ni même observables, et les possibilités d’expérimentation visant à évaluer les paramètres et l’impact de facteurs naturels ou anthropiques se révèlent « très faibles en milieu marin » (entretien biologiste d’Ifremer, 2004). Trois types de modèles sont ainsi mobilisés. Le premier regroupe les modèles globaux qui n’exigent que des données relativement agrégées (essentiellement des séries temporelles de captures et d’effort de pêche6). Leur intérêt premier est de montrer « que les captures peuvent augmenter initialement avec l’effort de pêche, à mesure qu’une pêcherie se développe, mais chutent dès que ce dernier dépasse certains seuils, la pression de pêche excédant la capacité de renouvellement des stocks » (Rey et al. 199, 101). La limite de ces modèles, inhérente à leur simplicité, est leur faible capacité de prévisions à court ou moyen terme, la seule variable de contrôle étant la quantité totale d’effort de pêche. Le second type de modèles, dits structuraux, révèle des possibilités de simulation plus riches grâce à la caractérisation multiple des « régimes d’exploitation » (niveau d’effort, caractéristiques des engins, zone de pêche, « profil » des captures par âge et taille). Les processus complexes qu’il convoque sont cependant difficilement modélisables. Et les données quantitatives et qualitatives requises impliquent, au niveau international, des dispositifs de recherche lourds et coûteux (Rey et al., 1997), voire « irréalistes » même à des échelons plus locaux (entretien biologiste d’Ifremer, 2004). Aussi se sont développés des modèles « à résolution intermédiaire », capables de mieux expliciter certains processus sans obliger à renseigner autant de paramètres7.

  • 8 L’auteur cite l’exemple de la pêche en Côte d’Ivoire qu’il étudie, mais cela est en grande partie v (...)

6Charles-Dominique (1991) souligne, toutefois, combien l’usage de ces modèles hérités de la gestion de pêcheries industrielles « monospécifiques » (exploitation d’une espèce) est inadapté en matière de pêche artisanale « plurispécifique »8. Pour celles-ci, les données nécessaires aux modèles classiques les plus simples sont déjà hors de portée. Une autre limite inhérente aux modèles de dynamique des populations est la nature exclusivement biologique de ses variables. L’approche systémique, qui se substitue à la notion d’équilibre dans les années 1980, définit le système halieutique comme un système d’actions dont il s’agit de modéliser les processus et les fonctions (Le Moigne, 1977). Dès lors, il convoque de nouvelles variables et d’une nouvelle discipline : l’économie.

Apports et limites de l’interdisciplinarité : jusqu’où modéliser la complexité ?

  • 9 Gilly (1989) souligne l’apport de travaux précurseurs qui, dès les années 1910, vont permettre de d (...)
  • 10 La PCP est justifiée à l’aide d’un paradigme dominant selon lequel « chaque pêcheur en tant qu’être (...)
  • 11 Pour Charles (1992), les conflits récurrents dans le secteur des pêches peuvent être interprétés gr (...)

7Si les analyses économiques relatives à l’exploitation des ressources renouvelables se développent dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale avec la naissance des premiers modèles bioéconomiques9, l’interdisciplinarité entre biologie et économie, propre aux connaissances halieutiques, prend son essor dans les années 1980. Parce que la gestion de la ressource se révèle indissociable de celle des exploitations, et irréductible aux seuls paramètres biologiques, l’économie est promue au rang d’expertise scientifique et introduit le paradigme de la « gestion rationnelle », c’est-à-dire la définition d’un nouvel optimum de l’exploitation correspondant à une maximisation de la rente. Son apport se traduit par le développement de modèles bioéconomiques, fondés sur la théorie néoclassique que convoque la CE afin de légitimer son action de restriction des activités de pêche10. D’après Rey et al. (1997, 106), « ces modèles s’intéressent surtout au surplus économique dégagé par une flottille en associant à la dynamique de la ressource exploitée l’étude des fonctions de coûts et de revenus économiques. Ils montrent en outre qu’en l’absence de limitation de l’effort de pêche, le système converge vers un point d’équilibre correspondant à l’absence de profit, d’où la nécessité de mettre en place des régulations de l’effort de façon à éviter une surexploitation économique souvent liée à un surinvestissement ». L’usage de ces modèles a conduit les économistes à préconiser des mesures de restriction des activités de pêche destinées à éviter le gaspillage de la rente halieutique et conformes aux exigences émises par les biologistes soucieux de préserver la ressource, voire plus strictes encore que ces dernières (Boncoeur et Mesnil, 2000). La convergence des paradigmes de la conservation et de la rationalisation économique, pour reprendre la terminologie de Charles (1992)11, a certainement facilité les relations d’interdisciplinarité entre biologie et économie et l’émergence d’une lecture homogène et dominante des causes de la raréfaction et des échecs politiques en matière de préservation – principalement imputés au non respect des mensures préconisées par les experts de la CE (manque d’engagement des Etats, lobbying et fraudes professionnels…).

  • 12 Le recours aux sciences humaines et sociales est très marginal dans la construction de l’expertise (...)

8Les controverses et interprétations divergentes de ces échecs sont le fait des marins-pêcheurs, de sociologues ou anthropologues qui étudient leurs pratiques, voire d’halieutes soutenant des positions dissidentes à l’extérieur des réseaux d’expertise voire en leur sein. Les premiers, confrontés quotidiennement à l’opacité du milieu marin et aux aléas de la ressource, ont développé, à l’image d’autres professions, tels les éleveurs en prise à des contraintes naturelles fortes, des attitudes empreintes d’« adaptabilité et de flexibilité » (Wynne, 1999). Le nombre de facteurs naturels et anthropiques susceptibles d’influer sur le milieu naturel, leurs interactions complexes, annihilent à leurs yeux toute tentative de prévision à moyen ou long terme et de contrôle de l’évolution des stocks. Les chercheurs, quant à eux, dénoncent la portée opérationnelle limitée de ces modèles bioéconomiques. Les hypothèses sur lesquelles ceux-ci reposent prêtent aux pêcheurs un comportement d’agents uniquement mus par des considérations économiques, alors que bien d’autres facteurs sociaux et culturels interfèrent (Crean and Symes, 1994 ; Deldrève, 2003). Economiste à l’Ifremer, Gilly (1989) attribue la faible applicabilité et valeur prédictive de ces modèles à leurs hypothèses de base simplificatrices ou « irréalistes », comme celle supposant l’homogénéité des comportements des producteurs. Verdeaux (1989) qualifie ces mêmes hypothèses de normatives et cite nombre de faits sociaux « difficilement intégrables aux modèles ». L’évolution récente de la modélisation vers l’intégration de paramètres sociaux, voire psychologiques, propres à influencer les choix des pêcheurs, tente de dépasser cette limite. Les variables socio-culturelles, longtemps occultées, sont définies comme déterminantes et leur reconnaissance élargit, certes encore trop modestement12, les limites de l’interdisciplinarité. Mais à la complexité du milieu marin s’ajoute celle du milieu social qui l’exploite et l’effort de simplification que suppose la modélisation biosocioéconomique semble titanesque au regard du nombre de variables à prendre en compte et des relations susceptibles de s’établir entre elles (Garcia, 2007). Est alors questionnée la possibilité même de gérer les ressources aquatiques sur des bases scientifiques, possibilité dont doutait déjà – rappelle Charles-Dominique (1991) – l’un des fondateurs des modèles analytiques : S-J. Holt.

L’incertitude des connaissances : une question de posture ?

  • 13 En 2003-2004, pour ne citer que cet exemple, les scientifiques belges et français proposaient une e (...)

9D’autres doutes viennent renforcer cette remise en cause, ils portent notamment sur la qualité des données recueillies pour renseigner ces multiples variables. Ces données, lorsqu’elles ne sont pas inaccessibles, peuvent être largement biaisées. Les États membres de l’Europe ont l’obligation de collaborer au diagnostic global sur l’état des stocks en fournissant les données statistiques sur les captures et l’effort de pêche nationaux. Or, malgré le souci de standardisation impulsé par les commissions internationales, les sources, protocoles de collecte ou d’agrégation des données varient, à l’origine d’estimations inégales13. En outre, selon la CE, les États se seraient inégalement emparés de leur mission...

  • 14 Le recrutement est l’arrivée (par immigration ou croissance) dans la pêcherie de poissons en taille (...)

10En France, l’Ifremer mobilise deux sources pour élaborer ses diagnostics : ses propres campagnes de recherche, périodiques mais peu nombreuses étant donné les coûts qu’elles génèrent (218 jours de mer annuels soit 565 traits de chalut aléatoires), et les fiches de pêche ou journaux de bord dans lesquels les pêcheurs ont l’obligation de consigner leurs productions, ce qu’ils effectuent avec une inégale précision. Les diagnostics reposent alors sur trois types de données : les mensurations et âges des débarques (sur échantillonnage), une estimation des rejets (récente en France), et les quantités totales débarquées par métier et trimestre. Ce sont ces diagnostics et données agrégées qui sont ensuite recueillis et analysés par des organisations internationales et notamment par le ciem. Or, nombre de scientifiques de l’Ifremer dénoncent régulièrement les biais introduits dans les diagnostics par les professionnels qui sous-estiment généralement leurs productions réelles, de manière à dépasser les quotas autorisés (Moinet, 2003). Certes les incertitudes sont inhérentes à la nature de l’objet évalué (le recrutement soumis à de nombreux aléas14) et renforcées par les erreurs statistiques liées à l’échantillonnage (réalisé sur captures). Mais la question de la fiabilité des données s’est posée avec une nouvelle acuité à mesure que les restrictions de l’effort de pêche se sont durcies et, consécutivement, les tensions entre pêcheurs et scientifiques.

  • 15 Selon un représentant des pêcheurs, les marges d’erreur dans lesquelles s’inscrivent les estimation (...)

11Or selon ces derniers, il n’existe pas de solution technique pour remédier à des biais de grande ampleur. Rey et al. (1997, 91-92) précisent que des analyses de sensibilité permettent « de juger de la robustesse de résultats obtenus à partir de données incertaines », mais « elles ne suffisent pas dans un contexte où les décideurs doivent faire le choix d’une valeur unique, sachant que les subtilités d’une variance ou d’un intervalle de confiance leur échappent généralement. L’expérience montre, à ce propos que lorsque les scientifiques ont avoué les incertitudes entachant leurs conclusions ou présenté leurs évaluations avec des gammes de valeurs plausibles15, l’interprétation des décideurs politiques les a le plus souvent amenés à choisir l’option la moins contraignante dans l’immédiat, fût-ce au prix de conséquences douloureuses à moyen terme ». Ainsi, l’incertitude ne doit pas justifier l’inaction selon les scientifiques qui en appellent à l’application du principe de précaution, d’autant que pour nombre d’entre eux « la réalité de la raréfaction, au regard de l’état des connaissances et des données dont on dispose, est largement sous-estimée » (entretien biologiste des pêches, 2003).

L’expertise : pratique scientifique et action

  • 16 L’Ifremer est né en 1983 de la fusion de deux organismes scientifiques de culture très différente : (...)

12Ces propos sont significatifs d’une position éthique et politique d’experts scientifiques qui contribuent à ériger des normes (Roy, 2001), une position que beaucoup occultent pourtant : « notre mission est d’effectuer un diagnostic objectif », « on fait une évaluation neutre. On ne décide pas… » (Biologistes, Ifremer 2003). Sans disserter sur la responsabilité sociale et la mission de l’expertise scientifique, il convient de souligner les implications directes de cette position dans les relations de coopération nécessaires entre pêcheurs et Ifremer. Les halieutes de l’Ifremer se présentent désormais comme « les interlocuteurs scientifiques des gestionnaires des pêches. Leur préoccupation est de fournir les éléments scientifiques nécessaires à l’Administration pour la mise en place d’une exploitation responsable et durable des ressources marines renouvelables » (site Ifremer). Cette posture place l’institut et ses membres au cœur du conflit entre pêcheurs et CE et génère des rapports de concurrence entre l’Ifremer et d’autres organismes de recherche qui, arguant de méthodes différentes, se veulent également interlocuteurs des administrations française et européenne. Les tensions entre pêcheurs et halieutes ne sont pas propres à la France et s’expriment ouvertement à l’échelle européenne lors de réunions et de tables rondes à l’initiative de la CE, ou des manifestations de protestation organisées par le premier rassemblement européen de pêcheurs : the European Fishing Action Group. Mais ces tensions ont pris en France des formes qui ont pu être exacerbées par la forte proximité entre expertise scientifique et administration (Theys, 1996), assimilée au contrôle et à la limitation de l’activité. À l’échelle locale où nous avons pu les observer, elles révèlent, au-delà de l’enjeu global et omniprésent de la préservation des ressources, deux types d’enjeux identitaires sous-jacents : l’un, indissociable de l’histoire institutionnelle de l’Ifremer, a trait à l’établissement de la légitimité incontestable de son expertise ; l’autre porte sur l’image de la pêche (activité diversifiée et légitime versus activité de prélèvements destructrice) et des pêcheurs (producteurs responsables versus prédateurs inconscients). Les scientifiques, longuement socialisés au sein de l’istpm16, héritiers de relations de proximité avec les professionnels, témoignent de la dévalorisation de ce type de relations au sein de l’Ifremer (entretiens menés entre 1992 et 1995). Celui-ci reste certes constitué d’antennes locales devant faciliter les relations de coopération et le recueil des données, mais sa posture (expertise exclusive au service de la PCP) entrave la coopération tissée, ça et là, au gré de relations interpersonnelles. La confusion inévitable entre contrôle des activités et évaluation des stocks à laquelle prêtent les déclarations a achevé le travail de suspicion réciproque.

  • 17 Parmi ces institutions figure principalement le Len-Corrail, dirigé par Y. Perreaudeau, puis L. Bar (...)
  • 18 L’auteur définit la contre-expertise comme une partie adverse de l’expertise qui peut la continuer (...)

13C’est pourquoi quelques organismes scientifiques préconisent des méthodes alternatives de collecte, fondées par exemple sur des partenariats noués avec un échantillon représentatif de professionnels volontaires17. Des relations de proximité et de confiance se sont développées entre les pêcheurs et ces organismes qui affichent ostensiblement des préoccupations pour la prise en compte de dimensions socio-économiques, tel l’emploi. Parmi les ong qui militent pour une traduction des avis scientifiques en mesures de restriction des pêches plus drastiques, seul wwf a pris l’option de se rapprocher des pêcheurs. L’organisation les a démarchés dans leurs fiefs pour vaincre leur défiance et participer à la valorisation de leurs connaissances. Ces derniers, soucieux de démontrer l’intelligibilité (Darré, 1999) qu’ils ont de l’environnement marin et de l’activité halieutique revendiquent de participer au processus d’expertise dont ils sont exclus. Pour faire valider scientifiquement leurs connaissances et réunir localement les conditions d’une contre-expertise (Trépos, 1996)18, les organisations professionnelles (comités des pêches ou coopératives) n’hésitent pas à solliciter ces organismes de recherche voire à recruter directement des scientifiques en leur sein. Ces nouvelles pratiques introduisent « un détour d’instruments critiques, d’outils d’objectivation » défini comme nécessaire à l’éligibilité d’une expertise (Chateauraynaud, Torny, 1999). Mais loin de tarir les controverses autour de la qualité des données et des méthodes, elles les alimentent sur le thème de l’indépendance et de l’objectivité de l’activité scientifique – dont elles ne pourraient se prévaloir puisqu’à l’initiative des pêcheurs. Malgré les critiques dont elles font l’objet, elles participent toutefois d’un mouvement plus large de réflexion sur les limites de l’expertise existante, qui a favorisé certaines réformes aux niveaux national et européen.

Vers une connaissance hybride ou, a minima, concertée ?

14L’usage politique de l’expertise scientifique n’est certes pas remis en cause par ces réformes. Celle de la PCP en 2002, comme la jeune Politique maritime intégrée (PMI) de 2008, ou encore, en France, le Plan d’avenir pour la pêche (PAP) réaffirment avec force son rôle de premier plan. Les préconisations du CIEM selon lesquelles ses avis doivent contraindre davantage les niveaux de totaux admissibles de capture (TAC) et de quotas, les alertes de la CE quant au déséquilibre croissant entre la situation de nombreux stocks et la capacité de pêche européenne, ou les contestations renouvelées des pêcheurs pourraient même laisser penser que les controverses et pratiques alternatives ont peu marqué la genèse des connaissances et des modes de gestion. Pourtant, il a été entendu que la connaissance scientifique, pour indispensable qu’elle soit, ne pouvait suffire au regard des incertitudes qui pèsent sur les données, les variables à considérer, et plus largement sur les réalités complexes et empreintes d’aléas des milieux marin et social associés. Cette forme de reconnaissance participe d’un mouvement de réflexion plus générale sur les limites des politiques publiques substantielles, à visée environnementale ou de prévention des risques (Lascoumes, Le Bourhis, 1996). Ces limites sont celles également de la démocratie délégative à gérer les situations de crise et d’incertitudes élevées (Callon et al., 2001). Mais plus spécifique au secteur halieutique, l’échec de la PCP à préserver les ressources que reconnait la CE et qu’elle impute aux États et aux pêcheurs, est aussi celui de mesures auxquelles les pêcheurs ne prêtent aucune légitimité. Les controverses relatives aux évaluations faites et la remise en cause de la fiabilité des données – pointée du doigt par la Cour des Comptes en 2007 - ont renforcé cette lecture non officielle et amené la CE à valoriser la « participation » – aujourd’hui érigé en principe de légitimité et de légalité dans le champ de l’action publique (Loi Barnier, 1995, Convention d’Aarhus, 1998…).

La consultation valorisée…

  • 19 Les CCR correspondent à des unités de gestion fondées sur des critères biologiques, Un CCR est ains (...)

15Mais de quelle « participation » s’agit-il ? Sous ce terme, la CE entend principalement https://fr.wikipedia.org/​wiki/​La_D%C3%A9couvertel’information et la consultation du public comme outil de gouvernance, sinon de connaissance. Dès la réforme de la PCP en 2002, la CE affiche la volonté de faire participer davantage les professionnels. Elle crée donc des comités consultatifs régionaux (CCR) au sein desquels pêcheurs, scientifiques et ONG sont appelés à « élaborer des recommandations et des suggestions à l’intention de la Commission et des autorités nationales compétentes, à l’égard des zones géographiques couvertes par le CCR » (site Europa)19. L’objectif d’amélioration du dialogue entre les acteurs et la prise en considération des spécificités régionales, au sens large certes, constituent des réponses directes aux critiques formulées contre les modes de connaissance et d’action de la CE. La fixation des quotas annuels donne également lieu désormais à davantage de consultation. Jugée par les pêcheurs « insuffisante et précipitée », elle a été facilitée en 2007 grâce à un effort du CIEM pour formuler ses avis plus tôt dans l’année. La CE introduit également la possibilité de prendre en considération des variables socio-économiques en amont du processus de négociation annuel avec les Ministres des pêches, c’est-à-dire dans la phase d’expertise et non seulement de tractations (Minet, 2002). Elle s’est d’ailleurs engagée à améliorer les analyses d’impact socio-économique et à » associer plus étroitement encore les parties prenantes à l’élaboration de la PCP ».

16Si la consultation est une avancée, elle ne signifie pas concertation au sens de dialogue entre des participants dans le but de construire collectivement des objectifs communs, d’infléchir le processus de décision, d’agir ensemble. La consultation, en tant qu’opération de collecte des avis des acteurs concernés, n’induit ni partage du pouvoir de décision, ni garantie de la prise en compte des avis ou opinions exprimés. (Beuret et alii, 2006). Ainsi peut-on imaginer, dans la mesure où l’objectif de restriction de 40 % des activités européennes - pourtant déjà fortement amputées (Deldrève, 2008) - est inchangé, que cette « ouverture » satisfaisant les critiques et demandes adressées à la CE est en quelque sorte une concession à la paix sociale. Elle peut également émaner de la nécessité de rendre la PCP « acceptable pour qu’elle soit applicable » (Expert de la CE, 2005), une urgence même, les Etats membres s’étant engagés lors du sommet mondial sur le développement durable de 2002 à Johannesbourg à ramener les stocks halieutiques à un rendement constant maximal d’ici 2015… Dans les deux hypothèses, elle s’effectue à marche forcée.

  • 20 Selon Chateauraynaud et Torny (1999), l’appartenance d’un lanceur d’alerte à des groupes ou instanc (...)

17Un pas modeste semble toutefois franchi, entériné par la vaste consultation lancée sur une année auprès du « public maritime » (professionnels, associations, ONG, régions communautés scientifiques…) pour élaborer la PMI. On ne peut présumer de l’impact d’une action publique naissante, mais La PMI représente au moins en termes d’affichage un tournant politique dans le regard officiellement porté sur les interactions entre ressources, environnement marin et activités anthropiques. La nécessaire prise en compte de ces interactions a d’ores et déjà conduit les halieutes à privilégier une approche écosystémique, notion qui définit l’approche adoptée par la FAO en 2001 et le Plan de mise en œuvre des résolutions de Johannesbourg (2002). Or une telle approche n’est pas étrangère aux pratiques des pêcheurs qui ont développé, à travers leurs divers métiers, des connaissances certes localisées à l’échelle de leurs zones de pêche, mais intégrant d’emblée une pluralité de paramètres et d’interactions (Deldrève, 2003). Au nom de cette connaissance, ils ont d’ores et déjà lancé nombre d’alarmes, la plupart discréditée20, sur les dégradations de zones de pêche, les conséquences du réchauffement climatique sur les migrations d’espèces, et plaidé pour une approche plus globale (et non uniquement centrée sur la pêche) des facteurs impactant sur la ressource. Peut-on supposer alors que les controverses autour de l’état des connaissances et la valorisation d’une approche écosystémique favorisent l’idée d’une co-construction des connaissances ou la reconnaissance d’une nouvelle forme d’expertise ?

Mais une recherche toujours » confinée » ?

18La PMI recouvre une stratégie européenne pour la recherche marine, orientée vers l’action et l’innovation. Pour lutter contre la surexploitation et la pollution, elle préconise « une approche globale, fondée sur des recherches scientifiques solides ». Ainsi pour la CE, la connaissance des grands problèmes d’intérêt public et leur résolution relèvent-elles fondamentalement de la sphère scientifique, aux frontières de laquelle s’arrête le processus de consultation engagé. Les citoyens ont certes acquis le droit de contribuer à la PMI et à la PCP en faisant valoir d’autres paramètres que ceux relevant de l’écologie. Mais la fracture entre profanes et scientifiques est réaffirmée et ne demeurent des controverses que les interrogations sur la « solidité » de la recherche au sens de la fiabilité des données et des résultats scientifiques... La CE attend explicitement des usagers, tels les pêcheurs, qu’ils contribuent à accroître cette « solidité » en coopérant avec les scientifiques (transparence des déclarations de captures…), mais leurs connaissances propres ne sont à aucun moment convoquées pour redéfinir les frontières de l’expertise. La réforme du cadre communautaire du système des données en 2008, les propositions de la PMI pour distinguer les données recueillies pour les besoins de la connaissance et celles qui servent au contrôle du respect de la réglementation, et, sur la plan national, l’amélioration du dispositif de collectes des données et la rénovation du système d’information associée (PAP, 2006), visent toutes exclusivement l’amélioration de la qualité des données. Les professionnels, représentés par le Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CNPM) sont associés à cette démarche : ils participent aux rencontres organisées par le Ministère entre l’Ifremer et les organismes scientifiques concurrents, sont signataires d’une charte avec le Ministère et l’Ifremer rédigée en 2002 « dans le souci d’améliorer la qualité et la compréhension des diagnostics posés sur les ressources halieutiques ainsi que le processus d’élaboration des recommandations scientifiques et des choix de gestion des pêches » (site Ifremer). Il ne s’agit donc en aucun cas de reconnaître une expertise professionnelle, quand bien même l’Ifremer communique sur le renouveau des collaborations locales (étude sur le rouget-barbet avec le CRPMEM du Nord-Pas de Calais…). Le Système d’Informations Halieutiques, réseau Ifremer d’observation des ressources halieutiques et des usages associés, soutient sa mission d’expertise et privilégie la diffusion des connaissances scientifiques auprès du public, non la co-construction des connaissances halieutiques. Celle-ci est demeurée une philosophie marginale, adoptée pourtant par quelques halieutes, tels Charles-Dominique, à l’initiative du site Wikinap sur les pêches artisanales d’Afrique de l’Ouest, site dont l’objectif original était ainsi résumé : « Harmoniser et partager les connaissances scientifiques, professionnelles et locales. Un système de co-construction des connaissances sur la diversité de la pêche pour mieux la gérer ».

19L’évolution en cours dont on ne peut totalement présager de la portée témoigne des hésitations qui marquent la genèse des connaissances halieutiques : entre effort de simplification et embrassement de la complexité, entre ouverture (partenariat, diffusion des connaissances…) et maintien de la distinction (savoir scientifique « pur » érigé en valeur). La reconnaissance des incertitudes dont les connaissances scientifiques ne peuvent se défaire n’a pas remis en cause finalement le partage établi entre « recherche confinée » ou scientifique et « recherche de plein air » ou profane (Callon et al., 2001). Elle est plutôt à l’origine de nouveaux efforts pour consolider l’expertise scientifique : en favorisant, en amont, les collaborations avec les pêcheurs pour une plus grande fiabilité des données, et, en aval, la communication voire la consultation pour une plus grande « acceptabilité » des diagnostics et mesures préconisées. Selon Wynne (1999), l’attitude que l’on adopte à l’égard des savoirs scientifiques dépend plus de l’attitude de l’institution scientifique que de leurs contenus. Il est probable que les changements d’attitude affichés, à l’échelle internationale comme à des échelles plus locales, soient favorables aux échanges. On est cependant loin de la reconnaissance d’une expertise professionnelle pouvant peser en tant que telle, ou de celle d’une expertise bâtie sur des connaissances hybrides (scientifiques et professionnelles).

20Selon Callon et al. (2001), la coopération fructueuse entre « recherche confinée » et « recherche de plein air » peut prendre trois formes : l’une minimale se limite au terrain, à l’adaptation à la complexité des contextes d’application ; la deuxième plus poussée prend forme dans la constitution et l’organisation du collectif de recherche ; la dernière s’étend à l’identification et à la formulation des problèmes sur lesquels va porter le travail d’investigation. Si les conditions de coopération même minimale ne semblent pas réunies dans le cadre de la PCP, les initiatives locales prises par les pêcheurs en la matière tendent à redéfinir le rôle réducteur qu’ils se sont vu confier – celui d’informateurs auprès desquels collecter les données – au profit de la forme coopérative la plus aboutie. A l’échelle européenne, avec la coopération de certaines ONG et d’halieutes dissidents, le renforcement des organisations professionnelles et des liens noués entre elles dans la contestation de la PCP, pourrait peut-être permettre de redéfinir les termes de l’expertise voire d’instituer ceux d’une contre-expertise éligible.

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Annexe

Liste des sigles :

CCR : Comités consultatifs régionaux

CE : Commission européenne

CIEM : Conseil international pour l’exploration de la mer

CNPMEM : Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins

CRPMEM : Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins

CSTP : Conseil scientifique, technique et économique des pêches

Ifremer : Institut français pour l’exploitation de la mer

IRD : Institut de recherche pour le développement

ISTPM : Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes

PCP : Politique commune de la pêche

PMI : Politique maritime intégrée

TAC : Totaux admissibles de capture

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Notes

1 La première, menée dans le cadre d’une thèse (Deldrève, 1998), porte sur les pratiques et organisations professionnelles des pêcheurs de la Manche orientale, et la seconde (Deldrève, Deleplace, 2005) sur l’évolution des activités halieutiques dans le Nord-Pas-de-Calais (France) et les effets de la PCP. Une quarantaine d’entretiens réalisés lors de ces recherches auprès de pêcheurs, de biologistes et économistes des pêches, et une dizaine d’observations de rencontres entre pêcheurs et scientifiques, ont été mobilisées pour la rédaction de cet article, ainsi que l’étude de documents diffusés par la CE ou l’Ifremer et de publications d’halieutes. A noter l’apport important pour notre analyse de l’ouvrage synthétique de Rey, Catanzano, Mesnil et Biais (2007).

2 Contrairement au CSTEP, créé en 1983 à la naissance de la PCP, le CIEM n’est pas une émanation directe de la CE, mais la plus ancienne des commissions scientifiques internationales, initiant et coordonnant depuis 1902 des travaux de recherche sur l’Atlantique Nord.

3 Lascoumes et Le Bourhis (1996) définissent comme « substantielle », et par opposition à « procédurale », une action politique qui est produite par une autorité centrale définissant d’emblée les objectifs et les moyens de les atteindre.

4 Voir à ce sujet Garcia, 1989 ; Durand, Lemoalle et Weber, 1991.

5 La notion de stock désigne, en démographie des populations, une population X, par exemple celle du cabillaud de la Mer du Nord, définie par un certain nombre de paramètres quantitatifs et qualitatifs.

6 L’effort de pêche est calculé à partir de la capacité de pêche des flottilles (leurs puissance et tonnage) et le nombre de jours de mer qu’elles effectuent.

7 Pour une analyse des modèles halieutiques : Cf. Gascuel, 1995, Le Fur 1993.

8 L’auteur cite l’exemple de la pêche en Côte d’Ivoire qu’il étudie, mais cela est en grande partie valable en Europe où plusieurs métiers de la pêche artisanale ne sont pas ciblés sur une seule espèce.

9 Gilly (1989) souligne l’apport de travaux précurseurs qui, dès les années 1910, vont permettre de définir les principes d’une théorie des pêches.

10 La PCP est justifiée à l’aide d’un paradigme dominant selon lequel « chaque pêcheur en tant qu’être rationnel cherche un maximum de profit, ce qui le pousse à une augmentation croissante de ses captures, dans chaque zone de pêche, tonne par tonne. » (Parlement, 2001).

11 Pour Charles (1992), les conflits récurrents dans le secteur des pêches peuvent être interprétés grâce à la théorie du triangle des paradigmes, chaque sommet du triangle représentant un type d’objectif, une vision des enjeux prioritaires de la gestion des pêches. Le premier sommet, appelé « paradigme de la conservation », définit comme enjeu premier et légitime la préservation des ressources. Le second baptisé « paradigme de la rationalisation » donne comme objectif premier à la gestion des pêches la recherche de l’efficacité économique, soit la maximisation de la rente halieutique. Enfin le troisième, dit « paradigme communautaire », privilégie, selon Charles, la recherche du bien-être social et l’équité.

12 Le recours aux sciences humaines et sociales est très marginal dans la construction de l’expertise mobilisée par la CE.

13 En 2003-2004, pour ne citer que cet exemple, les scientifiques belges et français proposaient une estimation inégalement pessimiste du stock de sole de la Mer du Nord, issue de méthodes d’évaluation différentes. Par ailleurs, dans le cadre de l’étude sur l’évolution des activités halieutiques dans le Nord-Pas de Calais (France) depuis les années 1980 et les effets de la PCP (Deldrève, Deleplace, 2005), nous nous sommes heurtées au manque de données, différemment enregistrées au cours du temps et selon les institutions (absence de protocole), à l’écart substantiel entre les données locales que nous pouvions vérifier et les données agrégées dont le Ministère disposait.

14 Le recrutement est l’arrivée (par immigration ou croissance) dans la pêcherie de poissons en taille d’être capturés.

15 Selon un représentant des pêcheurs, les marges d’erreur dans lesquelles s’inscrivent les estimations scientifiques sont de 10 à 60 % (Moinet, 2003). Les biologistes rencontrés ont indiqué qu’elles sont « souvent plus réduites » et « ne remettent pas en cause la gravité de la raréfaction ».

16 L’Ifremer est né en 1983 de la fusion de deux organismes scientifiques de culture très différente : l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes (ISTPM), dont la mission était de soutenir le développement du secteur des pêches, et notamment de répondre aux besoins techniques et de connaissance des professionnels et de l’administration, et le Centre National pour l’Exploitation des Océans (CNEXO) chargé de conduire les études scientifiques visant la connaissance des ressources marines, et de coordonner les programmes de recherche et de développement des organismes publics d’océanologie.

17 Parmi ces institutions figure principalement le Len-Corrail, dirigé par Y. Perreaudeau, puis L. Baranger, qui fondèrent, dans le cadre de l’AGLIA (Association du Grand Littoral Atlantique), l’Observatoire des pêches et des cultures marines du Golfe de Gascogne, co-financé par la Communauté Européenne.

18 L’auteur définit la contre-expertise comme une partie adverse de l’expertise qui peut la continuer mais aussi la nier.

19 Les CCR correspondent à des unités de gestion fondées sur des critères biologiques, Un CCR est ainsi créé pour : la mer Baltique, la mer Méditerranée, la mer du Nord, la flotte de pêche en haute mer…

20 Selon Chateauraynaud et Torny (1999), l’appartenance d’un lanceur d’alerte à des groupes ou instances entachés par des affaires ou conflits antérieurs peut décrédibiliser celle-ci, interprétée alors « comme le produit d’une stratégie ou d’un calcul ». Ainsi les affaires qui ont opposé les pêcheurs aux ONG et scientifiques (telle celle des filets maillants fatals aux dauphins), l’intérêt économique direct que les pêcheurs ont à défendre leurs activités et à limiter les usages concurrentiels de la mer, enfin l’image de prédateurs irrationnels qu’on leur prête, ont compromis l’issue de leurs alertes.

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Pour citer cet article

Référence papier

Valerie Deldreve, « Expertise scientifique et gestion rationnelle des pêches maritimes »Sciences de la société, 79 | 2010, 99-112.

Référence électronique

Valerie Deldreve, « Expertise scientifique et gestion rationnelle des pêches maritimes »Sciences de la société [En ligne], 79 | 2010, mis en ligne le 01 mars 2017, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/2786 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.2786

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Auteur

Valerie Deldreve

Chargée de recherche en sociologie, CEMAGREF, Centre de Bordeaux, 50, avenue de Verdun, 33610 Gazinet-Cestas, valerie.deldreve[@]cemagref.fr

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