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Indicateurs et récits dans le nouveau management des universités

Indicators and narratives in the new management of universities
Olivier Chantraine
p. 43-54

Résumés

L’article propose une description et une analyse d’un aspect de la crise communicationnelle que connaissent les universités européennes et parmi elles particulièrement les universités françaises depuis que les autorités politiques européennes et nationales les soumettent au « processus de Bologne ». Il s’attache particulièrement aux procédures dites « d’évaluation » et plus largement à l’ensemble des procédures de normalisation et d’unification du système européen d’enseignement supérieur. Celles-ci s’appuient sur l’action d’institutions créées ad hoc par les autorités politiques et qui se sont substituées aux systèmes et usages traditionnels par lesquels les universités et les universitaires géraient jusqu’ici de manière, au sens propre, « autonome » leur fonctionnement, la profession d’universitaire, la production, la discussion et la publication des savoirs. Ces institutions imposent de fait un mode de production et de gestion des savoirs sur les universités et, partant, un mode de pilotage des universités qui crée une nouvelle donne institutionnelle, culturelle, économique et sociale. La démarche d’analyse et de description s’appuie sur l’analyse de situations en observation participante, croisée avec l’analyse de documents affichés par les institutions émergentes. Elle situe ce phénomène qui affecte l’espace universitaire dans le cadre plus vaste de « l’innovation institutionnelle », caractéristique des réformes, à l’ère du « Nouveau Management Public ».

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Texte intégral

1Les universités européennes et en particulier les universités françaises connaissent depuis environ douze années une période de crise que certains appellent « changement », d’autres « réforme(s) », d’autres encore « innovations », tandis que dans les discours des autorités émergentes, c’est la notion de « processus » qui est fréquemment mise en avant. Un des aspects les plus visibles de cette crise, l’un des plus sensibles peut-être dans le vécu des acteurs concernés, est dans la mutation du système d’évaluation des universités et de l’activité des chercheurs et des enseignants chercheurs. Car ce processus affecte la définition du régime de connaissances à mobiliser, construire, et surtout à légitimer pour gérer et piloter « l’université », si l’on conserve ce mot, ou « l’enseignement supérieur », si l’on adopte ce terme qui, non innocemment, englobe celui d’université, sans la distinguer, dans le lexique du nouveau management public. Théoriquement, on peut parler de « rationalisation », fondée sur des « indicateurs » et une certaine « objectivité » ; sur le terrain les nouveaux « managers » disent plutôt qu’il « était temps de tout mettre à plat », le « tout » en question recouvrant le fonctionnement, l’activité des personnels, leur travail et ce qui est produit : publications, diplômes, connaissances, employabilité, brevets, distinctions académiques… Ce qui est visé, c’est donc la transformation du système de gestion et de production des connaissances. Au passage, l’espace public de la recherche s’en trouve profondément modifié dans ses usages, ses a priori, son fonctionnement. Et même si ce vécu est perçu, par les acteurs concernés, comme spécifique, il peut être heuristique de prendre en compte l’idée que ce qui « arrive » là à l’université n’est peut-être pas si différent de ce qui arrive dans le même temps dans nombre d’autres secteurs socio-économiques et socio culturels.

  • 1 L’auteur a été plusieurs années directeur de laboratoire, directeur d’UFR et vice-président délégué (...)

2Dans le présent article, on propose de s’intéresser à l’innovation institutionnelle qui structure ce processus. Cette innovation se décline dans une série d’«  innovations », selon un terme souvent employé avec des connotations positives, voire progressistes et que l’on ne voudrait pas ici stigmatiser par l’ironie, mais simplement considérer pour son efficience pragmatique. Ainsi assiste-t-on à la création d’institutions nouvelles dédiées officiellement à l’évaluation, la gestion, voire au financement des activités. Ces innovations sont souvent perçues comme spécifiques à l’université et au monde de la recherche scientifique, mais cette spécificité ne doit pas cacher qu’elles ne sont qu’un aspect sectoriel de la construction institutionnelle par laquelle des pratiques, valeurs et fonctionnements construisent un nouveau monde social, culturel, économique et politique. Et définissent ainsi une nouvelle donne. Pour approcher ce processus, on proposera quelques éléments d’une démarche d’analyse du changement à l’université, qui croise observation participante et analyse documentaire1. Il s’agit donc d’une démarche ethnographique cherchant à comprendre comment se négocie et se construit le changement organisationnel, communicationnel et symbolique dans l’espace universitaire.

  • 2 « Nulle part dans les grands pays, sauf chez nous, on n’observe que des organismes de recherche son (...)

3En 2007, l’annonce2 du président de la République française selon laquelle les universités et la recherche allaient dorénavant être évaluées a laissé le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire quelque peu perplexe. Car, s’il y a une chose dont l’ensemble des acteurs était à peu près sûr, c’est bien du fait que leur travail faisait déjà, et depuis longtemps, l’objet d’une évaluation constante et itérative. C’était même une dimension fondamentale de leur métier, qui leur faisait consacrer beaucoup de temps professionnel à divers jurys, notamment de doctorat et d’habilitation, à de nombreuses commissions de spécialistes, aux comités de rédaction de revues, aux comités éditoriaux de nombreuses collections de livres et au Conseil National des Universités ainsi qu’aux conseils scientifiques des universités, et aux instances dirigeantes des grands organismes de recherche. L’homo academicus (Bourdieu, 1984) reste incompréhensible sans référence à cette dimension-là : outre la renommée, la carrière de chacun et la prospérité des équipes, le destin des théories, des écoles de pensée et des revues étaient régulés, de manière souvent polémique (Fabri, Latour 1977) dans cet espace public où Karl Popper avait montré un emblème de la « société ouverte » (Popper 1937, 1945), et une condition de l’avancée, la discussion et l’évaluation critiques des connaissances. Ainsi existait un système, structurant des usages et des manières de faire, assurant assez largement sa propre reproduction. À ce système était délégué par l’État, en grande partie, le soin de la recherche scientifique, de sa production, de sa mise en débat, de son articulation à la formation supérieure et professionnelle dans un grand nombre de domaines-clés pour l’économie et la culture. Ce système ne constituait pas un « âge d’or ». Chacun en connaissait les atavismes : le mandarinat, le corporatisme, les coteries et autres stratégies plus ou moins avouées et maîtrisées seulement par quelques virtuoses autour desquels s’articulaient dans l’université les pouvoirs scientifiques, institutionnels et économiques. Chacun en voyait surtout les difficultés : difficultés d’adaptation à la prise en charge d’étudiants de plus en plus nombreux à l’université, mais s’orientant relativement moins vers les filières académiques ou les métiers auxquels l’université préparait traditionnellement ; difficultés d’adaptation du système de recherche à une concurrence internationale structurée par une nouvelle définition des valeurs.

4Pour autant, cette annonce ne constituait pas un nouvel et banal épisode de rhétorique managériale ; elle s’inscrivait dans un processus initié au plan européen et invitant les pays à s’engager dans la construction d’une « économie de la connaissance ». En France, une série d’institutions et de dispositifs découlent de ce processus Pour cette contribution, nous en avons retenu trois : le dispositif Erasmus, l’Agence d’Evaluation de la Recherche et l’Enseignement Supérieur (aeres), l’Agence Nationale de la Recherche (anr). Avec ses déclinaisons nationales en constante évolution, le dispositif Erasmus, est une émanation directe des multiples déclarations et conférences politiques qui visent à restructurer ce qu’elles appellent « l’espace européen » depuis la « Conférence de Bologne » (1999). Le dispositif Erasmus est bien loin d’être seulement une agence de voyage pour étudiants et enseignants, il fonctionne en fait comme une institution très efficace et performante de normalisation des universités et de leurs pratiques selon les visées managériales de la Communauté Européenne, notamment sous la forme du processus dit de Bologne. Installée en mars 2007, l’aeres est une autorité administrative indépendante (AAI). Elle réalise l’évaluation des établissements et des organismes, des unités de recherche, des formations et des diplômes de l’enseignement supérieur selon ce qu’elle affiche sur son site : « une approche intégrée qui fait son originalité ». Nous verrons qu’elle a bien d’autres originalités. Créée le 1er janvier 2007 sous la forme d’un établissement public à caractère administratif, l’anr est une agence de financement de projets de recherche. Son objectif annoncé est « d’accroître le nombre de projets de recherche, venant de toute la communauté scientifique, financés après mise en concurrence et évaluation par les pairs ».

  • 3 Par certains aspects, ces agences ne sont pas sans rappeler les agences de notation que connaît le (...)

5À défaut d’instaurer l’évaluation de l’université, des universitaires et de la recherche un nouveau dispositif est ainsi venu bousculer, transformer, biaiser l’espace public universitaire. Il tend à sa mutation en un espace de concurrence marchand, sous la surveillance d’autorités « indépendantes », structurées sous la forme d’agences auxquelles les missions jusqu’ici assumées collectivement et professionnellement ont été déléguées, voire abandonnées3. On peut ainsi voir à l’œuvre dans le contexte universitaire un processus d’innovation institutionnelle spécifique de ce qu’on appelle parfois « globalisation » et qui a affecté ou continue d’affecter bien d’autres contextes institutionnels : il s’agit de la mise en place du « Nouveau Management Public » via l’installation de nouvelles institutions, concurrentes des institutions existantes, plutôt que par la modification de ces dernières ou la modification de leurs délégations (Chorev, 2010).

6L’analyse des pratiques et fonctionnements induits par ces nouvelles institutions de tutelle des activités universitaires, qui sont la source d’une nouvelle manière de collecter, accumuler, traiter, interpréter, modéliser et utiliser les connaissances sur le système universitaire, montre comment ce processus a induit une crise communicationnelle dans les universités, visible en particulier dans les interactions entre plusieurs objets dont nous privilégierons l’analyse dans la présente étude : i) la proxémique de la pratique professionnelle (les espaces professionnels locaux) ; ii) la page d’écriture, sa circulation, ses contextes, son évaluation, autrement dit : les supports de l’espace public de la recherche ; iii) la géopolitique de la pratique professionnelle, c’est-à-dire l’espace public universitaire globalisé et « marchandisé ». À ces trois niveaux, les nouvelles pratiques d’évaluation ont perturbé ce qu’Habermas (Habermas, 1981) désignerait des « repères de la prétention à la validité » : prétention à l’exactitude, prétention à la justesse par rapport au contexte social et à ses normes, et enfin prétention à la sincérité.

La proxémique de la pratique professionnelle

  • 4 Cette « visite » étant partie intégrante de la nouvelle pratique de l’évaluation ne relève ni de la (...)

7Une visite d’évaluation par l’aeres est fréquemment nommée, dans le vocabulaire des universitaires assujettis, par le vocable « descente ». Cette appellation « de terrain » est riche de connotations…On prendra ici le temps de l’analyse des aspects scénographiques et dramaturgiques d’une telle « descente » par un « comité de visite » dans un laboratoire d’une centaine de chercheurs, dont une trentaine de titulaires et une quinzaine de doctorants4. L’analyse de cette situation précise dans un contexte unique n’a pas la prétention de rendre compte de l’ensemble de la réalité institutionnelle et historique de l’aeres. Il s’agit plutôt d’une approche : i) proxémique, au sens de l’analyse de l’usage de l’espace partagé par les protagonistes d’une action définie ou en cours de définition ; ii) pragmatique, au sens de l’analyse de la répartition des rôles dans le cadre d’une action.

8Le comité est constitué de six experts, tous professeurs de la discipline concernée. Ils ont, préalablement à la visite, étudié le bilan et le projet du laboratoire, ainsi que les fiches individuelles des chercheurs. Ils ont tous été recrutés selon « les règles déontologiques de l’aeres », dont la finalité est de prévenir « les conflits d’intérêt entre évaluateurs et évalués » (http://www.aeres-evaluation.fr/​Regles-deontologiques-de-l-aeres). Selon le fonctionnement culturel implicite de l’espace public universitaire, dont les règles déontologiques de l’aeres constituent une dénégation, il est pourtant évident que le comité de visite est un échantillon de concurrents directs des évalués dans le champ universitaire tel que Bourdieu le décrit dans Homo academicus : « La structure du champ universitaire n’est que l’état à un moment donné du temps du rapport de force entre les agents ou, plus exactement, entre les pouvoirs qu’ils détiennent à titre personnel et surtout à travers les institutions dont ils font partie ; la position occupée dans cette structure est au principe des stratégies visant à la transformer ou à la conserver en modifiant ou en maintenant la force relative des différents pouvoirs ». (Bourdieu, 1984). Le président du comité de visite a précisé préalablement le protocole de la visite : entretien privé avec le directeur du laboratoire, puis avec le vice-président recherche de l’université de rattachement ; « audition » du laboratoire, à laquelle le comité a fait savoir que le niveau de présence des membres serait un facteur de l’évaluation ; réunion du jury ; audition réservée aux doctorants ; puis première « restitution » au directeur du laboratoire, qui permettra à celui-ci de faire un « débriefing à chaud » avec « ses troupes »… Un rapport est ensuite promis pour « rapidement ». Après ce rapport, le président de l’université pourra faire une réponse. Le rapport et la réponse seront publiés sur le site de l’aeres.

9C’est sur l’audition que porteront principalement les observations proposées ici. Elle sera structurée en trois phases : i) la négociation de la scénographie ; ii) la négociation de la dramaturgie ; iii) la négociation de la polyphonie des exposés et du « débat ». La scénographie fait l’objet d’un conflit. Le comité de visite s’est en effet installé, à la manière d’un jury de soutenance : les six membres, côte à côte, à la table présidentielle, tandis que les membres du laboratoire se sont eux répartis le long des trois autres côtés du rectangle improvisé par un agglomérat de tables, sans hiérarchie, par affinités interpersonnelles. Le comité de visite est contrarié par cette disposition ; il retarde le début de la séance par une concertation à voix basse entre ses membres. Le président demande alors, avec un sourire autoritaire, à la directrice du laboratoire de s’installer frontalement au jury, « parce que, quand même, c’est toi, ici, qui soutiens le projet de ton laboratoire ». Plusieurs personnes se déplacent pour permettre à la directrice de se mettre dans la position exigée. Le président est satisfait : « Voilà, on s’excuse, mais quand même c’est bien mieux comme ça ! On pourrait d’ailleurs imaginer que les membres de ton équipe s’installent avec toi… ». C’est une nouvelle injonction, mais si atténuée dans sa formulation explicite que les protagonistes peuvent la traiter comme un simple commentaire… Des regards s’échangent. Personne ne bouge. Ostensiblement chacun est plongé dans ses papiers. Le jury prend tacitement acte qu’il n’obtiendra pas d’obéissance scénographique supplémentaire. Cette négociation de la scénographie constitue en fait un premier acte d’évaluation, peut-être aussi important que le rapport qui sera finalement publié : le jury institue un système de rôles fondamental pour la mise en place du nouveau management des personnes, des équipes et de leur travail dont les experts de l’aeres sont les missi dominici.

  • 5 Une analyse de la professionnalisation, au sein du corps des professeurs d’université, de spécialis (...)

10La dramaturgie officielle est ensuite exposée par le président, qui présente les membres du jury, énumérant leurs rôles et fonctions dans divers organismes et laboratoires. Puis, il énonce un principe et annonce une procédure : « Voilà, ce doit bien être clair, nous sommes ici entre pairs et, bien sûr : évaluateur aujourd’hui, évalué demain ; évalué aujourd’hui, évaluateur demain5 ! Je vais donc te donner la parole pour que tu présentes ton bilan et ton projet. Puis le débat s’engagera avec les questions des membres du comité de visite ». Comme la scénographie, cette dramaturgie ne se révèle pas consensuelle. La directrice précise qu’après sa prise de parole, les responsables de chaque équipe présenteront la contribution de celle-ci au projet, car le laboratoire fonctionne sur la base d’une fédération de trois équipes, de domaines distincts, et reconnaît, au sein de chaque équipe, la diversité des projets de recherches…. Le jury renonce à s’opposer à cette manière polyphonique de faire : la polyphonie sera tout au long des exposés et du « débat » l’objet d’un conflit quant aux manières de faire.

11Les exposés sont présentés. La directrice rappelle les grandes lignes organisationnelles, institutionnelles, de fonctionnement du laboratoire, puis passe la parole successivement à chacun des responsables d’équipe. Ceux-ci s’attachent à décrire les moyens d’intégration, de dialogue et de formation mutuelle mis en œuvre dans leurs équipes et présentent de manière analytique les différents travaux menés ou en cours des collègues. Le débat est alors l’occasion d’une suite de passes d’armes entre le jury et chacun des responsables d’équipe. Le conflit se répète avec l’intervention de chacun des membres du jury et les réponses de chacun des responsables d’équipe. Chaque membre du jury a en effet le même souci : il faudrait que le laboratoire présente une orientation spécifique unique, qui « le distingue des autres laboratoires de la même discipline ». Ou, à défaut, il faudrait que chaque équipe présente une orientation directrice, en identifiant les publications et les porteurs principaux de cette orientation. De leurs côtés, les responsables d’équipe présentent, avec des nuances car certains, par calcul stratégique, sont prêts à anticiper plus sur les attentes du comité de visite, la réalité du fonctionnement de leur équipe : un champ de questions, plusieurs recherches en cours, quelques thèses soutenues et publications, un fonctionnement polyphonique….

12Le conflit oppose, d’un côté, un jury qui « veut que l’on fasse de l’homogène et du continu avec de l’hétérogène et du discontinu », de l’autre, des audités qui veulent rester fidèles à l’exposé d’une réalité organisationnelle marquée par la polyphonie, le dialogisme et donc l’hétérogénéité et la discontinuité. Il y a bien deux manières antagonistes de faire, dont l’opposition renvoie à celle qui différencie la manière dont le laboratoire entend que fonctionne son « espace public local » et la manière dont le jury entend qu’il prenne sa place dans l’espace de concurrence entre les laboratoires de la discipline : « Qu’est-ce que vous faites ici et que l’on ne fait pas ailleurs ? ». Ainsi la négociation de la dramaturgie continue t-elle le processus initié autour de la scénographie : pour le jury il s’agit d’exemplifier et d’instituer une norme de la pratique et de la représentation. Cette norme se déploie dans un espace et des textes. Elle est nouvelle, en émergence et non-consensuelle, de sorte que l’interaction la construit, la relativise et la révèle comme polémique. Paradoxalement, le jury se donne un rôle pédagogique : ses enseignements n’étant guère acceptés, il est réduit à les légitimer comme règles de procédures, presque de convenance dans une tentative pour instituer un usage. Le conflit sera même ponctuellement anecdotique lorsqu’une équipe annoncera un travail en cours dans un domaine sur lequel le président a publié quelques années auparavant, ce qui amène ce dernier à sourire : « Je serai curieux de voir ça ! », trahissant la réalité de la concurrence au cœur de l’interaction universitaire, comme on l’a évoquée plus haut. Le débat se termine relativement froidement, et la réunion se sépare. Le comité va « rencontrer » la directrice… Certains membres du laboratoire ont des « bricoles » à dire et à échanger « off the records » avec les membres du comité de visite qui n’ont, officiellement, aucun rapport avec la situation et la scène en cours.

13Cette séquence communicationnelle trahit des divergences et un conflit quant au cadrage de l’action en cours. Dun côté, l’instance d’évaluation réclame que « l’on fasse de l’homogène avec de l’hétérogène » et « du continu avec du discontinu » ; elle veut un récit selon les règles poétiques ancestrales : une intrique, une temporalité, et un, ou à la rigueur plusieurs, héros… De l’autre, les « évalués » ont le souci d’exposer l’hétérogénéité du réel et sa discontinuité (Chantraine, 2008). Ce conflit poétique, esthétique est la forme communicationnelle du processus d’innovation institutionnelle à l’œuvre. Bien avant que l’évaluation consécutive à la « descente » ne « tombe », le comité de sélection a en effet clairement posé ce que sera le contenu de l’évaluation des recherches et quel sera dorénavant le cadre d’interprétation et d’évaluation des laboratoires de recherche : il faut un chef, une figure émergente, ou, à la rigueur, plusieurs figures incarnant des thématiques originales principales. Bref : il faut un récit… Et même plus : selon les critères fantasmés par le nouveau management public, le laboratoire devrait se comporter comme une entreprise. Pour reprendre les concepts proposés par Boltanski, le cadrage de cette interaction renvoie pour le jury à une « épreuve de vérité », qui vise à « dévoiler un univers de signes en le déployant dans sa complétude et sa cohérence », et pour les audités à une « épreuve de réalité », visant à « dévoiler, par des actes, les puissances cachées dans l’intériorité des êtres (…) C’est-à-dire une réalité dont la justesse fasse corps avec la justice » (Boltanski 2009). Ce qui fait de cette interaction une « épreuve existentielle » qu’il n’est pas simple de faire accéder à une expression publique.

14On ne prétend pas avoir par l’observation de cette séquence épuisé l’analyse du fonctionnement de l’aeres, il s’agissait simplement là d’exemplifier et d’analyser la dimension proxémique de l’intervention du dispositif d’évaluation dans l’espace public professionnel local, d’en montrer la violence et la « pédagogie ».

La page d’écriture

15De la même manière, c’est sans prétendre épuiser la complexité du fonctionnement des nouvelles agences d’évaluation que l’on propose maintenant de s’intéresser à la mutation de la page d’écriture dans les activités de recherche. Les enseignants chercheurs sont en effet assujettis à deux tâches d’écriture, toutes deux paradoxales, mais de manière différente. D’une part, il faut publier ; et jusque naguère, publier signifiait apporter sa contribution à l’avancement des connaissances et à la construction des disciplines. L’évaluation des publications était souvent informelle et communicationnelle, selon le destin qu’elles rencontreraient, les perspectives qu’elles ouvriraient...Elles valaient par la discussion qu’elles permettaient et les avancées dont elles ouvraient la voie dans les travaux des autres chercheurs. Bien sûr il ne s’agissait pas d’un espace irénique car elles étaient aussi le lieu et l’enjeu d’une polémique par laquelle chacun trouvait sa place dans les espaces de la recherche et de l’université (Latour, Fabris, 1977). Aujourd’hui, l’intérêt d’une publication est qu’elle soit sur un support noté A et qu’elle soit souvent citée. Dans un dossier personnel professionnel, évaluée par quelqu’un qui ne la lira certainement pas, elle aura ainsi une bonne cote et sera transformable en évaluation objective, au sens de quantifiée par un coefficient. Elle sera aussi intégrée au bilan d’un laboratoire où, additionnée et pondérée avec les publications des autres membres, elle permettra d’évaluer un taux de « publiants » parmi les membres du laboratoire. D’autre part, et de manière encore plus surprenante, les enseignants chercheurs, avec l’ensemble des personnels universitaires animés par les équipes de direction, écrivent sur un rythme de tous les deux ou quatre ans, soit dans les faits constamment, vu la lenteur inhérente à ce travail d’écriture collective, des textes programmatiques et rétrospectifs dits projets ou bilans d’université. En ce lieu, ils s’efforcent de trouver librement et spontanément les mots que la tutelle politique attend d’eux. Sinon ? Ils savent que s’ils ne comblaient pas, de manière spontanée et volontaire les attentes des autorités politiques, bureaucratiques et budgétaires, ils « auraient raté le train », ce qui veut dire « perdu beaucoup d’argent ». Ce travail, docilement volontaire, de production d’un récit conforme et de prédictions aux normes est au cœur des paradoxes de « l’autonomie » des universités, telle qu’elle leur est assignée par : le « Nouveau Management Public », si on désigne par cette dénomination abstraite la réalité bureaucratique et gestionnaire inséparable de l’installation de la légitimité de la vision néo libérale du monde dans le domaine de l’action publique ; ou par le pouvoir politique, si l’on se souvient qu’il s’agit là du « processus de Bologne », initié par une conférence de ministres.

16Cette nouvelle économie de la recherche et de la connaissance s’appuie aussi, en France, sur une autre institution émergente : l’anr. Cette autre agence a pour fonction de financer la recherche, c’est-à-dire pour les universitaires 50 % de leurs missions, sur la base de projets « mis en concurrence et évalués par des pairs ». Ce qui signifie qu’une institution nouvelle et instituée par le pouvoir politique dispose d’un pouvoir d’orientation, de financement, d’évaluation et de légitimation de la part la plus essentielle du travail des universitaires. La charte qualité de l’anr proclame que : « L’anr agit avec la plus grande transparence, de manière à garantir égalité de traitement et réactivité aux équipes présentant un projet pour financement ». Comme l’aeres, l’anr repose sur le fonctionnement d’experts. Sa vocation est de mettre en œuvre le principe formulé ainsi par le président de la République : » Comment peut-on déterminer l’excellence, s’il n’y a pas de concurrence ? » (Sarkozy, 2008). L’anr fonctionne de plus en plus comme l’une des principales sources de financement des équipes de recherche et, corrélativement, comme une instance de légitimation des carrières individuelles et des stratégies des laboratoires. Elle oriente les valeurs et finalités de la recherche : « La sélection des projets retenus dans le cadre d’appels à projets (AAP) est effectuée sur des critères de qualité pour l’aspect scientifique auxquels s’ajoute la pertinence économique pour les entreprises. » (http://www.agence-nationale-recherche.fr/​Agence). Ceci constitue un exemple de plus de la stratégie d’innovation institutionnelle inhérente au nouveau management public et inséparable de la mise en place des politiques néo libérales (Chorev, 2010). Les institutions anciennes, – tels les conseils scientifiques des universités –, peu souples, difficiles à « mettre en mouvement » sont réduites à une fonction ancillaire d’orientation et de classement des projets, de manière à contribuer pragmatiquement, par des avis et des conseils, à en assurer la survie lors du passage devant la nouvelle institution.

17Au passage, les activités de recherche ont été redéfinies comme des produits évaluables sur un marché, par référence plus à leur valeur d’échange qu’à leur valeur d’usage. Nous verrons plus bas que cette manière d’évaluer la production des savoirs se retrouve, sous les auspices du dispositif Erasmus dans la manière d’évaluer l’enseignement de ces mêmes savoirs. À un enseignant chercheur qui regrette l’absence de financement de ses activités recherche, déplacements, vacations, équipements, il est devenu légitime de répondre dans la quotidienneté des couloirs : « Si tu veux vraiment de l’argent, tu n’as qu’à soumettre des projets ».

La géopolitique de la pratique professionnelle

  • 6 À l’exception notable des services de renseignement, qui périodiquement rappellent au chercheur la (...)
  • 7 Le mot « université » ne fait pas partie du vocabulaire de « Bologne », qui ne parle que de système (...)

18C’est la nature même de l’activité universitaire que d’être internationale et personne n’a jamais pensé, ou plutôt affirmé publiquement, que la recherche devait avoir des frontières6. Pourtant « Bologne » a proclamé l’urgente nécessité de l’internationalisation de « l’espace universitaire européen7 ». (Chantraine, 2003) et s’est doté d’un dispositif très puissant d’orientation et d’analyse du système universitaire : le dispositif Erasmus-Socrates. Ce qui nous amène à nous interroger sur la nature de cette internationalisation et cette autre institution innovante : le dispositif Erasmus-Socrates, appuyé sur son réseau d’agences nationales.

19Ce dispositif est le plus ancien de ceux ont été mis en place par le processus de Bologne ; il a connu plusieurs mutations sémantiques et institutionnelles que l’on ne détaillera pas ici. Pour le grand public, il s’agit d’un dispositif favorisant la mobilité des étudiants. Pour nombre d’étudiants, il s’agit d’une opportunité pour obtenir une bourse inaccessible sans séjour à l’étranger. Les avantages économiques distribués par ce dispositif et son intégration à un projet de rencontre, communication et relation internationale, associés à l’image d’un moyen favorable à la formation linguistique et l’acquisition de compétences spécifiques à la mondialisation en ont fait un dispositif phare de la réforme universitaire, puissamment accompagné par les médias et susceptible de servir de référence à des œuvres, notamment cinématographiques, consensuelles et populaires. Pour l’institution universitaire, il s’agit surtout d’une autorité productrice de normes auxquelles il faut se conformer pour ne pas être tenu à l’écart d’importants financements. Une autorité à laquelle il faut rendre régulièrement des rapports et des bilans de toute l’activité universitaire, par référence à l’ensemble des règles et normes essentielles, selon la Commission européenne, à la construction d’un système universitaire européen unique, concurrentiel et marchandisé.

20Ces rapports et bilans sont les bases de la représentation managériale européenne de l’enseignement supérieur et du processus de changement que l’Europe entend y conduire. Ainsi, par ces diverses procédures, Erasmus apparaît comme un dispositif servant à homogénéiser la connaissance et la gestion managériale des universités dans le cadre plus vaste – démographiquement et économiquement – de l’enseignement supérieur, espace dont le système de valeurs est essentiellement d’ordre économique, renvoyant à des notions telles que l’employabilité, la logique des compétences, la mobilité, la concurrence et des systèmes d’équivalence. Le dispositif Erasmus dispose d’une charte qui précise : « La charte universitaire Erasmus établit les principes fondamentaux qui sous-tendent les activités Erasmus que tout établissement d’enseignement supérieur s’engage à respecter. Tout établissement d’enseignement supérieur éligible selon les critères nationaux (voir BOEN) souhaitant participer à Erasmus et obtenir des financements auprès de son agence nationale, doit être en possession de la charte universitaire Erasmus ». Contraints de se conformer à la charte Erasmus et de rendre compte de cette conformité, les établissements sont ainsi conduits à se « réformer » progressivement selon les critères du système européen d’enseignement supérieur en construction.

21Le bilan et l’histoire d’Erasmus méritent d’être étudiés spécifiquement et sont déjà largement documentés, notamment par les études commanditées par ce processus lui-même et l’Union européenne. La principale caractéristique de toutes ces études est qu’elles sont focalisées sur l’impact organisationnel, institutionnel, pédagogique et managérial du dispositif sur les « EES » −Etablissements d’Enseignement Supérieur dans le jargon Erasmus −, plutôt que sur la réalité de la mobilité étudiante et enseignante, qui fait pourtant l’essentiel de l’affichage grand public du dispositif Erasmus. Ainsi, comme souvent dans les pratiques du nouveau management public, l’objectif affiché est souvent secondaire : ce qui compte le plus, ce sont les innovations institutionnelles nécessaires à la réalisation des objectifs réels, –masqués par des termes vagues et sans auteurs tels que « processus » − et à la constitution d’un corpus d’indicateurs et de diagnostics pour conduire ce processus. Ce dispositif a déjà un impressionnant bilan en termes de changements. Citons notamment : i) la généralisation du système des ects , qui rapporte la valeur des savoirs et des enseignements non à leur utilité, mais au temps moyennement nécessaire à un étudiant pour en assimiler de manière satisfaisante le contenu − en termes économiques, il s’agit donc de ne plus évaluer les formations selon leur valeur d’usage, mais selon un étalon mesurant leur valeur d’échange − ; ii) la généralisation progressive du système lmd , argumenté par une « nécessaire lisibilité » des diplômes internationalement et « pour les employeurs » ; iii) la semestrialisation généralisée des enseignements, considérée comme une condition de la faisabilité des mobilités, et le moyen d’un étalonnage de la valeur des formations ; iv) la dissémination de ce que la langue managériale européenne appelle les « bonnes pratiques » : démarche qualité, « bonne » gouvernance, culture des indicateurs, référence à l’employabilité etc ; v) la marche toujours plus légitime vers un système unique d’enseignement supérieur européen défini plus par l’autorité politique et les « partenaires » économiques que par les universités.

22Régulièrement, les rapports que les universités doivent remettre à leur agence Erasmus nationale pour continuer à bénéficier de la « Charte Erasmus » sont un passage au crible de l’ensemble des activités, moyens et résultats de l’université. Et un redoutable instrument d’évaluation selon les normes du processus de Bologne, dont les agences Erasmus sont probablement parmi les institutions-relais les plus efficaces.

23Ce corpus d’innovations institutionnelles n’a pas « instauré » l’évaluation de l’université, des universitaires et de la recherche. Il a d’ailleurs détrôné une innovation antérieure, le « Comité National d’Evaluation », qui cherchait à permettre une évaluation-conseil en interaction avec une autoévaluation, et dont le bilan est d’un grand intérêt historique et méthodologique, mais se formule aussi parfois de manière désenchantée : « Et si les universités françaises avaient laissé passer l’opportunité d’une évaluation-conseil ? » (Fave-Bonnet et Macari-Florea, 2009). C’est ainsi que la nouvelle « évaluation », imposée à l’université par le nouveau management public ne vaut pas principalement par son contenu et ses produits, mais par le système de contraintes socioprofessionnelles qu’elle met en place. La pratique légitimée par les agences est principalement référée aux conventions communicationnelles et discursives qu’elles imposent par leurs formats, leur dramaturgie et leur scénographie et même leur poétique. Dans la pratique, l’efficacité de cette nouvelle évaluation n’est que secondairement dans la technicité et l’objectivité dont elle se réclame, mais au contraire principalement dans l’instauration d’une nouvelle donne sociale, d’une nouvelle manière de négocier et d’échanger les valeurs, les pratiques et les positions. Pour être nouvelle, cette donne ne saurait à ce jour être prédite transitoire ou pérenne, mais on peut l’observer comme instable et polémique. Ses fonctions de destruction et de construction restent à ... évaluer.

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Bibliographie

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Notes

1 L’auteur a été plusieurs années directeur de laboratoire, directeur d’UFR et vice-président délégué d’université, en charge des relations internationales. Le travail exposé ici s’inscrit dans un travail d’analyse communicationnelle du « changement à l’université », mené depuis plusieurs années en collaboration avec Patrice de La Broise.

2 « Nulle part dans les grands pays, sauf chez nous, on n’observe que des organismes de recherche sont à la fois opérateurs et agences de moyens, à la fois acteurs et évaluateurs de leur propre action. Je vois que cela peut être confortable. Je pourrais en tirer quelques conclusions pour moi-même. C'est un système assez génial d'ailleurs, celui qui agit est en même temps celui qui s'évalue. Qui peut penser que c'est raisonnable ? Cela peut provoquer un certain confort, un confort illusoire du moment parce que l'on voit bien les limites de l'exercice. » (Sarkozy, 2008).

3 Par certains aspects, ces agences ne sont pas sans rappeler les agences de notation que connaît le monde de la finance.

4 Cette « visite » étant partie intégrante de la nouvelle pratique de l’évaluation ne relève ni de la coulisse, ni de la confidentialité d’une réunion de commission. On ne dévoile donc ici rien d’autre qu’une activité qui a été performée publiquement.

5 Une analyse de la professionnalisation, au sein du corps des professeurs d’université, de spécialistes de l’expertise, comme, plus généralement, de « managers » de l’université ne peut être menée dans le cadre du présent article. Elle pourrait remettre en cause la règle proclamée ici.

6 À l’exception notable des services de renseignement, qui périodiquement rappellent au chercheur la nécessaire vigilance quant au transfert des technologie et connaissances potentiellement sensibles vers des pays définis comme dangereux ou inamicaux, par exemple à l’occasion de « stages » pour les directeurs de laboratoire.

7 Le mot « université » ne fait pas partie du vocabulaire de « Bologne », qui ne parle que de système européen d’enseignement supérieur. Ce choix lexical, peu commenté jusqu’ici, est lourd de présupposés.

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Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Chantraine, « Indicateurs et récits dans le nouveau management des universités »Sciences de la société, 79 | 2010, 43-54.

Référence électronique

Olivier Chantraine, « Indicateurs et récits dans le nouveau management des universités »Sciences de la société [En ligne], 79 | 2010, mis en ligne le 01 mars 2017, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/2759 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.2759

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Auteur

Olivier Chantraine

Professeur des Sciences de l’Information et la Communication à l’Université de Lille 3, Geriico-Lille 3, ochantraine[@]nordnet.fr

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Droits d’auteur

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