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Logique de production et de partage d’écrits de travail. Pratiques d’informaticiens

Logic of production and sharing of work writings. Computer scientist’s pratices
Lógica de producción e intercambio de escritos de trabajo. Practicas de los informáticos
Sophie Dalle-Nazébi y Dimitri Aguéra
p. 96-111

Resúmenes

Los escritos ordinarios de los informáticos que encontramos son primero herramientas de trabajo elaborados por ellos mismos, lo cual cuestiona la posibilidad de compartirlos. Al observar sus esfuerzos de transmisión de referencias de investigación y su gestión del cambio en el estado de los documentos, analizamos el intercambio de “documentos” al lado del trabajo como tal y la lógica de un archivo de los escritos por proyectos en su ecología documental .

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  • 1 Cette recherche s’inscrit dans un projet plus large articulant sociologie des sciences, archivistiq (...)

1Observer les écrits en action, produits et manipulés par des chercheurs, est désormais une entrée consacrée dans la fabrique de la science et dans la compréhension de ce qui noue science et société. À la suite des premières ethnographies de laboratoires, les observations se sont étendues aux réseaux de coopération et aux infrastructures d’information dont ces écrits sont partie prenante, ainsi qu’aux cadres de travail apportés par les formats de publication (Latour, Woolgar, 1988 ; Licoppe, 1996 ; Star, Ruhleder, 2010 ; Vinck, 1999). Parallèlement, le statut particulier des médias informatisés et des documents électroniques a été questionné (Souchier et al., 2003 ; Pédauque, 2003), de même que la transformation possible d’un rapport aux données et aux archives via la constitution collective de corpus en ligne. Des pratiques plus triviales d’archivage, engageant de manière personnelle les mains des chercheurs, restent cependant prégnantes. Nous désignons par là les activités ordinaires de conservation, temporaire ou pérenne, de documents produits ou reçus par les chercheurs dans l’exercice de leur activité, quels que soient leur date, leur forme, leur support matériel, leur statut privé ou public, et leur mobilisation ou « réactivation » effective ou non. Nous proposons d’investir ces pratiques de conservation et de partage comme une entrée dans la science en train de se faire du point de vue des chercheurs, permettant de questionner aussi bien leur rapport à des écrits en cours que leurs usages de ces traces dans l’organisation quotidienne de leur activité. Ces activités ordinaires d’archivage sont aussi pour nous le fil d’une réflexion sur la médiation de la science en train de se faire, impliquant des questionnements sur ce qu’il est pertinent de donner à voir et de conserver1.

2Notre analyse porte sur le quotidien d’une équipe de recherche informatique en traitement et compréhension d’images, afin de saisir la logique, locale et située, de production, classification, destruction ou partage des différentes traces manipulées dans le cadre de ces activités scientifiques. L’objectif est d’analyser comment se pose dans le quotidien d’une recherche particulière la question plus générale du destin des traces produites ; comment celles-ci sont susceptibles d’être concrètement investies dans la vie d’un chercheur, au-delà de leur place dans une cascade d’inscriptions graphiques (Latour et al., 1988), ou d’une manière plus diversifiée et moins linéaire que ne le laisserait penser cette métaphore. Nous avons observé durant une semaine, un bloc notes et une caméra à la main, les interactions, documents et postes de travail d’un professeur et de ses proches collaborateurs. Quatre d’entre eux ont ensuite été questionnés sur leur lieu de travail, dans le cadre formel et réitéré d’entretiens sur le sens et le sort des différentes traces produites et manipulées. Cette démarche qui consiste à suivre un chercheur circuler entre différents lieux (les réunions de projets en présentiel ou en visioconférence, les bureaux et les espaces numériques associés) nous a amenés à nous focaliser sur un groupe restreint au sein d’une équipe rassemblant une trentaine de personnes réparties sur trois domaines d’activités : la vision par ordinateur, l’imagerie médicale et la langue des signes (ls). C’est sur cette dernière composante que travaillent nos enquêtés, en collaboration étroite avec des chercheurs d’autres spécialités et disciplines, extérieurs au laboratoire, ainsi qu’avec des acteurs non scientifiques, notamment des professionnels sourds. Ce terrain a pris appui sur une précédente enquête ethnographique sur trois ans concernant les réseaux coopératifs de recherche sur la ls, impliquant ces informaticiens (Dalle-Nazébi, 2006). L’entrée de l’archiviste privilégiée ici, celle du bureau et de la gestion ordinaire des traces, permet d’articuler ce qui est si souvent perçu comme des espaces antagonistes, à savoir le laboratoire et les réseaux de coopération scientifique (Vinck, 1992). Croiser les regards de sociologue et d’archiviste, initié et non-initié à la ls, conduit à envisager les bureaux des chercheurs comme le backoffice d’un travail en réseau.

3Nous montrerons qu’à travers leurs pratiques ordinaires d’archivage, les chercheurs se créent un environnement de travail tenant compte des changements de statut de leurs documents et des modalités pratiques de leurs mobilisations. Celles-ci sont envisagées dès la phase de production de leurs propres écrits. Les notes, gribouillis et vidéos brouillons des chercheurs, qui gagnent à être pensés comme des dispositifs socio-techniques de travail, ne sont bien souvent configurés que pour eux-mêmes. Nous interrogerons alors les modalités de partage de ces traces de la science en pratiques, en dehors des formats consacrés de publication. Nous évoquerons la production de documents à-côté à destination d’acteurs non initiés et la conservation de sites collaboratifs, mettant en scène des écrits de travail dans leur écologie documentaire. Ces dispositifs de médiation scientifique et de gestion des passages entre statuts documentaires rendent visible l’incontournable travail éditorial soutenant la réappropriation de ces traces en tant qu’outil de recherche ou objet patrimonial.

Archivage et construction d’un univers de travail

4Si « l’aptitude au classement est souvent une aptitude à jeter », « le manque à jeter n’est pas toujours le fruit d’une incompétence, d’une ignorance ou d’une négligence, il est plus souvent lié au rapport affectif à certains papiers » (Dardy, 1997, 194). Pour les chercheurs rencontrés, l’idéal serait de ne rien jeter. Ce sont les contraintes spatiales et matérielles de stockage qui les inciteraient à détruire une partie de leurs traces. Mais ce n’est pas tant le travail de sélection imposé par la saturation de l’espace de travail qui pose problème en soi, que le bouleversement d’une organisation spatiale et le temps nécessaire pour retrouver ce qui fait l’intérêt d’un document. La hiérarchisation et la qualification des traces produites se jouent de manière triviale dans la mise en ordre qu’impose leur disposition dans un bureau physique ou numérique, à travers cette rationalité « qui prend forme dans des accessoires de bureau » (Dardy, 1997, 191) tels les chemises, dossiers et répertoires. La facture même des documents, par la mise en forme qu’implique de fait le choix du support ou la mise en œuvre d’un format d’écriture, participe de ce travail: une note manuscrite indique par la qualité de sa trace qu’elle est rattachée à autre chose, dont la proximité devrait aider la lecture, ou qu’elle prépare une activité dont il convient d’évaluer la priorité et donc la mise en visibilité sur un bureau. C’est dans le registre des modalités pratiques de leur mobilisation que les chercheurs gèrent et évoquent la conservation de leurs traces. Elles se jouent concrètement, en raison d’un « usage intelligent de l’espace » (Kirsh, 1995), dans l’appariement et la proximité de documents entre eux, comme dans leur plus ou moins grande proximité physique avec le chercheur, ou dans le nombre de clics pour y accéder. Cette organisation spatiale, définie en fonction des opérations à réaliser à court ou long terme et de leurs différentes priorités, modèle les bureaux et préside à la duplication de certains documents. Cette dernière peut organiser plusieurs usages d’une même ressource, mais aussi différentes exigences comme le nécessaire compromis entre la conservation de vidéos de bonne qualité et les possibilités et temporalité de manipulation offertes par une moindre définition. « En fait, l’insatisfaction permanente quant au classement et au rangement des papiers vient de leur statut fluctuant. Ils ne sont jamais réductibles à une fonctionnalité établie une fois pour toutes » (Dardy, 1997, 200).

5Cette variabilité du statut des traces produites par les chercheurs semble accrue sur le terrain considéré ici en raison de l’objet et du cadre de travail, mobilisant tout deux l’image, la vidéo et la ls. Les travaux scientifiques du groupe sont axés sur le traitement informatique d’énoncés en ls captés par un système de vision. En pratique, l’équipe intervient sur la production de corpus vidéos, sur l’analyse de la langue elle-même, sur sa modélisation via la détermination de profils numériques de gestes et sur l’exploitation de ces modèles dans le développement de systèmes d’interprétation. Ainsi, des représentations graphiques du fonctionnement de la ls sont le résultat d’analyses mais aussi les outils d’élaboration de programmes, eux-mêmes pensés comme des résultats mais aussi comme les opérateurs de reconnaissance d’informations à partir de données vidéos. Ces chercheurs sont par ailleurs amenés à collaborer avec des locuteurs de cette langue et à l’utiliser eux-mêmes dans leurs activités. Les documents de travail vidéos se mêlent aux données de corpus ; tandis que l’équipe, développant une culture de communication visuelle, n’hésite pas en faire des usages secondaires pour se coordonner ou présenter leurs activités.

« Comme on manipule beaucoup de vidéos, d’images pendant le boulot, on devient compétent là-dedans. Du coup ça ne prend pas beaucoup de temps de faire un montage vidéo. (…) L’autre jour pour expliquer dans ce rapport que l’on est en train de faire, pour expliquer ce que l’on a fait sur une prise de vue, j’ai pris la vidéo, j’ai pris deux extraits, j’ai montré, j’ai mis quelques liens pour expliquer ce que c’était, j’ai pris une deuxième planche avec les trois situations types, et j’ai envoyé ça. Je n’ai même pas eu besoin de faire un texte pour expliquer. Ça va beaucoup plus vite, c’est de l’image, c’est plus parlant, donc j’ai annoté des images ». (professeur)

6Le recours aux images sous forme de dessins, de descriptions gestuelles ou de mises en scène d’objets est observable dans une diversité de disciplines et de situations de travail (Henderson, 1991 ; Lefebvre, 2001; Streeck, 1996). La particularité de cette équipe est sans doute d’investir ces pratiques visuelles et de produire des écrits de travail vidéographiques qui se mêlent aux autres traces et objets : des dessins à main levée autant que des vidéos intermédiaires peuvent préparer des « vidéos propres » ; les images de dispositif de captation s’articulent à des dessins d’interface, à des simulations de manipulation et des diagrammes de classes. Les réunions de conception collective ou de suivi de thèse témoignent de l’importance déjà décrite de cette articulation d’une diversité de traces et de la définition, locale et située, du sens de ces documents (Aman, Knorr-Cetina, 1990 ; Dalle-Nazébi, 2006 ; Goodwin, 1994 ; Mondada, 2008 ; Murphy, 2001). La complexité de cette dernière notion a également été pointée, étant aussi bien un « objet de communication régit par des règles de mise en formes plus ou moins explicites », qu’un « objet signifiant » porteur d’un « contenu », ou que l’« élément tangible d’une communication » et à ce titre  preuve ou témoignage (Pédauque, 2003). L’ambivalence des chercheurs face à leurs productions les conduit parfois à questionner leur statut même d’écritures. C’est le cas de leurs corpus en ls dont l’intertextualité et le caractère composite interrogent. Articulant de manière synchronisée vidéos, annotations sous forme de portée, données numériques et modélisations graphiques, ils s’apparentent à des objets mille-feuilles. Façonnés au cours des recherches, ces objets cadrent de nombreuses opérations et structurent les réseaux de coopération dès leur phase de conception jusqu’à la gestion de leur partage, au-delà des projets (Dalle-Nazébi, 2006). Les informaticiens rencontrés sont fortement impliqués dans la production, la mise en forme et la circulation de « ces objets intermédiaires » (Vinck, 1999), en raison de leur position d’interface entre informatique et linguistique, et de leur savoir faire en ls. Mais cette ambivalence concerne aussi leurs applications, conçues comme des outils ou des systèmes de communication entre opérateurs humains et non humains, alors que cela consiste bien à écrire des instructions dans un langage de programmation. « L’une des caractéristiques fondamentales des médias informatisés réside sans doute dans cette capacité jusque-là inégalée de tout transformer en “texte”, de l’objet à l’action en passant par la communication » (Souchier et al., 2003, 36). Une application ne peut cependant se réduire à un texte seul ; elle relève de la logique d’un hyper-texte ou d’un réseau électronique d’objets vidéos, d’utilitaires et de divers fichiers déclarant et décrivant des fonctions. Un programme implique la mobilisation et parfois la conception de ces « petits outils » que sont d’autres programmes automatisant ou équipant des tâches intermédiaires, ainsi qu’une architecture de traduction d’un code à un autre jusqu’au « langage machine », dont « on voit bien », nous dit un professeur, « que ce n’est pas un humain qui l’a écrit ». Ces documents, très encadrés dans leur format comme dans les procédures de sauvegarde des différentes versions, sont peu visibles dans le laboratoire et les échanges de travail. Cette mise en retrait de certaines traces, ou l’ambivalence de ces informaticiens quant à leur statut, nous informe sur ce qui, de leur point de vue, relève véritablement de la recherche. Les traces de leurs activités ne seraient pas à chercher « dans le cambouis des pixels », mais dans leur « gribouillis », dans ces efforts pour concevoir la logique du traitement d’un problème et dans sa modélisation en terme de structure de programmation : « le chercheur à la limite, quelque fois, il peut rester au niveau de l’équation » souligne un professeur. Il en est de même des corpus dont la valeur réside ici dans leur processus de conception et dans les opérations d’analyse permises. Il convient donc de s’intéresser au sort et aux usages de ces écrits de travail, en amont et autour des programmes et des corpus, qui seraient au cœur du « travail de recherche proprement dit ».

Les logiques graphiques : projection d’usages et prises de lectures

7La plupart de ces écrits de travail ne sont destinés qu’à leurs auteurs, qui ne montrent, à l’instar de cette assistante ingénieure, que « certaines petites pages » de leur carnet, gardant « l’essentiel » pour eux. Ces écrits relèveraient de la trace personnelle et d’ébauches participant à la formulation des problèmes à résoudre comme des opérations à engager.

« Alors, ça peut être des notes que j’ai prises au cours d’une réunion et après je reprends ces notes. (…) Suite à ces documents là, et aux consignes, aux échanges, je prends note dans un cahier [rires]. Je ne sais pas. Il y a deux sortes. Il y a les notes que je prends dans la réunion et les prises de notes que je fais pour résoudre quelque chose c’est-à-dire que c’est mes prises de note à moi-même. » (doctorante)

8C. Courbière et G. Régimbeau (2006) rappelent qu’un « document n’acquiert son statut que par une nécessaire activation à réception ». Mais celle-ci prend appui, comme le collectif autour de R. T. Pédauque (2003) l’a souligné, sur le « contrat de lecture » matérialisé dans le format et la structure du document, et associé à un contexte de diffusion. La doctorante interrogée pointe pour sa part l’importance d’un « cadre d’écriture » déterminant les questions de lisibilité et de reprise, et prenant éventuellement appui sur un historique partagé. La posture singulière des chercheurs en général dans leur rapport à beaucoup de leurs traces est d’en être à la fois les producteurs et les lecteurs. Les modalités de manipulation et de lecture des documents produits sont anticipées et envisagées au regard des savoirs faire, connaissances et questionnements du chercheur lui-même. La « configuration de l’usager » (Woolgard, 1991) en jeu dans le processus de conception de ces outils de travail renvoie au scribe lui-même. Mobilisant cette « technologie de l’intellect » qu’est l’écriture (Goody, 1979), relevant d’une « pensée graphique » (Laseau, 2001), et préparant la mise en œuvre de « technologies littéraires » (Shapin, Schaffer, 1993), les notes, brouillons et gribouillis des chercheurs pourraient être utilement appréhendés comme des dispositifs socio-techniques profanes permettant des activités de modélisation et de construction d’informations tout en prenant certaines libertés avec les formalismes existants. D’autres acteurs peuvent participer à ce processus de configuration, comme un responsable d’équipe ou la communauté plus large des chercheurs, via la prise en compte à ce stade des langages de programmation privilégiés ou des corpus disponibles. Mais le scénario d’utilisation de cet outil, matérialisé dans le design même de l’objet (Akrich, 1987), renvoie ici à la figure du chercheur lui-même. Ce « script » se joue dans les codes d’écriture, la faiblesse des balises de lecture et le choix du support (un carnet, un tableau, un fichier avec marques de suivi…). Ils définissent un degré d’inaccessibilité pour les autres.

« C’est mon style, en plus j’écris des phrases qui sont... J’écris pas vraiment du français, j’écris un langage que moi seule peux comprendre. Je fais des dessins, j’écris trois mots, je fais une flèche » (assistante ingénieure)

9Certains de ces écrits de travail sont partagés au sein de l’équipe pour constituer le cadre d’une « visualisation » commune (Mondada, 2008) ou pour engager des actions impliquant le collectif (Fraenkel, 2001).

« Je griffonne beaucoup et les étudiants qui ne prennent pas beaucoup de notes ils me demandent s’ils peuvent piquer ma feuille. Alors avant ils me la piquaient, maintenant je dis je la veux, parce que moi aussi j’en ai besoin, c’est ma trace. Et donc ils vont me la photocopier, ils vont la prendre en photo. » (professeur)

« Ça c’est une fois en fait on a fait une réunion, on n’avait pas de support papier et donc [le directeur de thèse] a gribouillé sur le tableau, on a voulu... comprendre son idée à lui et puis essayer d’interpréter à ma manière. (…) Il n’y a pas une organisation précise. Loin de là. Je ne me rappelle plus qu’est-ce que j’ai écrit… (…) Après forcément j’ai repris ces notes là et je les annotées quelque part dans un document Word. (…) Donc là j’ai rédigé sous forme de points, je les ai envoyés au [directeur de thèse] et lui il m’a rendu des commentaires sous forme de questions ». (doctorante)

10Ces inscriptions sont considérées par cette équipe comme étant tributaires d’un contexte, inachevées dans leur trace, dupliquées ou transformées dans une autre, et partiellement lisibles. Si d’autres observateurs les ont qualifiés d’« intermédiaires » (Achard, 1994 ; Jeantet, 1998), elles ne se résument pas à des versions préliminaires de textes, mais participent plutôt à des étapes intermédiaires de travail. Leurs usages par les chercheurs montrent que ce sont avant tout des outils : de visualisation, de « reformulation », de « traduction en actions », de « mise en mémoire » de ce qui a été fait permettant ainsi de « revenir en arrière », ou de mise « en sommeil » d’une idée, d’une donnée ou d’une piste de recherche. Comme d’autres outils d’information et de communication, ils révèlent des dimensions centrales des mondes sociaux dans lesquels ils sont utilisés (Jauréguiberry, 2000). Ils témoignent d’abord de la diversité des bricolages, des méthodes de travail et des agencements conceptuels en amont des productions standardisées de communication. Ils participent également d’une culture où la preuve, le contrôle des activités et la revendication de droits passent par les archives écrites. Par ces dispositifs, les chercheurs se mettent aussi en situation de saisir des opportunités de recherche porteuse ou innovante en pouvant mobiliser leur travail antérieur. Telle note est conservée par un professeur parce qu’ « il y a une information dans ce truc là, qui n’est pas ailleurs et qui pourra être réutilisée » ; telle autre « parce qu’il manque une technique pour pouvoir la développer ; trois ans plus tard la technique elle est là, on ressort le truc. Ou quelque fois c’est parce qu’on n’a pas eu le temps de développer un axe… ». Ceci met en évidence d’une part que ces traces ne sont pas dissociées du principe de reprise, et que celle-ci consiste essentiellement en un travail de réécriture ou d’orientation de pratiques d’écriture.

11Le principe même d’une lecture de ces traces et donc d’une reprise par quelqu’un d’autre peut être volontairement empêché pour conserver l’exclusivité d’une idée. Mais la question de leur lisibilité ne se réduit pas à celle des signes inscrits. Rendre public notes et gribouillis, sans mise en contexte ni réécriture, donnerait lieu pour ces chercheurs à une toute autre lecture. Par la dynamique même des technologies littéraires (Shapin, Schaffer, 1993 ; Licoppe, 1996), qui nouent structure du texte publié, procédures de travail et légitimité de l’auteur, la transgression de la mise en ordre et en forme attendue ne mettrait que dramatiquement en scène la désorganisation de son auteur. Les outils et leurs usages sont porteurs de représentations sociales et de valeurs morales (Stourdzé, 1987 ; Winner, 2002). Pour livrer au public ces outils que sont les écrits de travail, les chercheurs devraient engager un processus inverse à celui qui a permis leur appropriation (Silverstone, Hirsch, 1992) : s’en déprendre, les dégager des pratiques routinières propres à leur site de travail, en repenser et en normaliser les prises, les re-socialiser dans un autre contexte de lecture… La présentation publique de la recherche a ses règles qui conduisent les plus jeunes chercheurs à des discours circulaires : partager ces traces suppose qu’elles puissent être lisibles et réutilisables. Pour cela il faudrait « qu’il y ait tous les détails » nous dit une doctorante, que « chaque document qui est fait [soit] finalisé pour qu’on puisse le réutiliser » ; il faudrait, ajoute l’assistante ingénieure, que ce soit « quelque chose de très au propre techniquement, qui correspondra aux critères visuels », « quelque chose de professionnel, de très cadré ». Les documents publiés sont logiquement des publications et non plus des écrits de travail. Seuls les programmes échappent à ce cercle vicieux en prévoyant dans leur phase de production, qui implique corrections et réécritures, la mise en place de balises standardisées de lecture et la rédaction de commentaires. C’est de fait le travail même du format des publications scientifiques que de rendre inutile tout retour vers les traces antérieures (Denis, Pontille, 2002).

12Il existe pourtant une éthique du partage des résultats comme des méthodes issus de recherches publiques, ainsi que des enjeux d’initiation des partenaires. Ces informaticiens impliquent bien ces derniers dans leurs processus et écrits de recherche. Nous nous intéresserons ainsi à la production et la diffusion de documents à-côté pour transmettre des repères d’analyse à des acteurs non spécialistes ou non scientifiques. Puis nous évoquerons en quoi les sites de travail destinés à la coordination de tâches et au partage de ressources au sein de projets, sont les outils d’archivage de ces traces dans leur contexte documentaire.

La production de documents à-côté : donner à voir, transmettre des prises

13Dans son ethnographie des pratiques ouvrières, F. Weber (1989) a décrit l’articulation du travail à l’usine avec d’autres activités productives, échappant aux contraintes de cette organisation et développées dans les temps laissés libres sur ce site comme en dehors. Parmi les différentes formes que peut prendre ce « travail à côté », c’est celle de « la bricole » qui nous intéresse ici : réalisée sur une base volontaire, mobilisant l’éthos de ces travailleurs, elle est imbriquée dans des réseaux d’inter-connaissance et d’échanges de services, et associée à des jeux de réputation. Les informaticiens rencontrés distinguent les activités relevant de la recherche ou de leur contrat de travail, de celles contribuant à des relations de collaboration ou de transmission hors enseignement de repères éthiques ou methodologiques. Le registre de la bricole se manifeste ici par le qualificatif de « petit ». Il renvoie aussi bien aux utilitaires produits au cours de la recherche, qui peuvent être facilement donnés, aux outils créés pour rendre service, parfois réutilisés par les chercheurs, qu’aux sites de travail temporaires et peu formalisés ou aux « petits documents pour expliquer aux gens comment on a fait ». Les documents ainsi désignés par un professeur mobilisent des écrits de travail créés pour cette occasion ou repris de leurs archives courantes, parfois articulés à des ressources plus communes. Ces traces sont parfois annotées, souvent mises en contexte par d’autres images et participent d’une série créant un cadre de lecture.

« On montre une vidéo un petit peu maladroite, on a fait ça, on a rajouté tel et tel document. Ça permet aux personnes de comprendre un petit peu nos démarches. » (assistante ingénieure)

14Ces « petits documents » sont partagés afin de rendre explicites l’organisation et les enjeux d’un dispositif expérimental, l’allure d’un outil ou d’un type d’interaction, une procédure d’évaluation ou les caractéristiques linguistiques de la ls... Ils sont destinés, au cours de la recherche, à des partenaires d’autres disciplines ou spécialités ou à des acteurs non scientifiques. Ils sont exposés lors de réunions de projet, circulent par email et sont conservés sur les sites de travail collaboratif. Ils sont partagés pour mettre en situation d’analyse des usagers non initiés à la ls ou aux méthodes scientifiques, leur permettant de s’approprier certaines « prises » de recherche (Bessy, Chateauraynaud, 1993). Ces partenaires sont ainsi initiés à la « vision professionnelle » (Goodwin, 1994) des informaticiens sur les objets manipulés ou à construire, et mis en position d’en tirer les conséquences au regard de leur propre expertise ou activités à venir.

« On a commencé à faire des essais de récit [vidéo]. (…) Alors ça c’est pour montrer à nos partenaires qui ne connaissent pas forcément bien la ls que la ls n’est pas que les gestes des mains. (…) On voit qu’il y a des rôles : elle regarde en haut, donc c’est l’enfant qui regarde l’adulte, l’adulte qui dit attention tu ne fais pas ça ; on voit les places etc. (...) Et c’était un peu pour demander aux gens dans le projet est-ce que vous voulez qu’il y ait tout ça ? Attention, si on en enlève trop ça ne sera pas de la ls. C’est un petit peu pour à la fois une initiation, et pour fixer le... Bon ce n’est pas là-dessus qu’on a travaillé, c’est beaucoup trop compliqué pour ce que l’on sait faire. » (professeur)

15Ces documents font entrer leurs partenaires dans la fabrique de leur recherche ; ils les incitent à utiliser des ressources ordinaires comme des outils, à voir dans les « dessins un peu brouillonneux du départ » d’une assitante ingénieure une proposition de protocole ou de corpus de travail. Les chercheurs mettent en place de tels dispositifs de médiation scientifique pour créer des liens de collaboration et un univers de travail opérationnel.

« Ce sont des outils pour discuter avec les gens et au bout d’un moment on retient un truc (…). Donc ça c’était les premiers niveaux, les essais. Et puis on s’est mis d’accord sur ce type de corpus ». (professeur)

16Si ces efforts sont présentés comme relevant d’un travail à côté volontaire, ils sont bien réalisés sur les lieux et temps de travail et renvoient aux missions que ces chercheurs se donnent sur des questions éthiques et épistémologiques. Étant des écrits mobilisés pour concevoir des dispositifs de recherche et s’organiser, mais mis en scène de manière à être lisibles par un non initié, ces documents à-côté sont eux-mêmes réinvestis comme les traces d’une histoire de recherche et de transactions.

« Donc ça c’est pour expliquer à nos collègues comment on a travaillé. (…) Donc ça c’est à la fois :
– un outil de synthèse,
– cahier des charges, contractuel,
– et puis communication avec nos collègues (…) pour savoir comment on va travailler.
Ça va nous aider aussi à faire le rapport final parce que par exemple dans le rapport final j’ai vu qu’elle a pris une image de ça [une vidéo] que je lui avais envoyé. Donc ça c’est un corpus de travail entre nous, mais aussi un corpus de ressources de tout ce que l’on a fait… ». (professeur)

17Les dispositifs de médiation et de collaboration mis en place par ces chercheurs conduisent à des reprises imprévues de certaines de leurs traces. Ceci, et les enjeux éthiques investis dans les documents à-côté, entrainent une prise de conscience de la valeur de leurs écritures ordinaires, suscitant des démarches plus explicites et organisées de publicisation.

« Disons que l’objet de notre recherche, ce n’est pas de produire des images et des vidéos. C’est de les analyser. Ceci dit, on produit quand même des images quand on fait des outils qui illustrent comment fonctionne la langue des signes. (…) ça devient un outil pédagogique, ou un outil d’apprentissage de la langue ». (professeur)

18Ces chercheurs rendent disponibles, dans la partie publique de leurs sites, de « petits outils » d’annotation de/en vidéos ou des néologismes en ls produits par l’équipe dans leur quotidien. Ces sites collaboratifs, rassemblant tout un univers de travail, sont désormais perçus comme un objet possible d’archivage plus pérenne et patrimonial.

Les sites de travail : écologie documentaire et gestion des passages

19Que ce soit au sein de dossiers ou via des sites, l’archivage par projet est une manière de régler en l’évitant la question d’une classification unique des documents, et permet de conserver une hétérogénéité d’écrits dans leur écologie documentaire.

« On va trouver en général l’histoire du projet c’est-à-dire que l’on voit la façon dont le projet a été construit. (…) Donc ça c’est la partie un petit peu institutionnelle, quand on a répondu à l’appel d’offres, comment on fait les rapports. Et puis il y a le travail proprement dit, donc là comme j’étais responsable de deux work-package, c’est-à-dire le projet divisé en lots, j’étais responsable du lot corpus et d’une partie du lot reconnaissance donc du coup ça m’a fait deux dossiers et dans beaucoup de mes dossiers on retrouve un truc à la fin qui s’appelle www.nom et c’est là qu’il y a le site de travail. » (professeur)

20Dans les pratiques d’archivage, ce qui compte est alors moins un classement structurant l’information à l’intérieur du répertoire, que son chemin d’accès. Il permet la mobilisation d’un même écrit dans différents cadres, mais aussi la gestion du statut documentaire du répertoire lui-même au fil du temps.

« Par exemple un thème sur la recherche en ls va venir là, et puis il va devenir vraiment un truc sur quoi je travaille : il va passer là dans recherche en cours. Et puis quand il va finir, il va revenir ici dans la rubrique ancien projet (…). Le dossier en lui-même ne bougera pas, ce ne sont que des liens » (professeur)

21Seule l’entrée rendant le dossier accessible au chercheur change, et avec elle le statut des documents. Le dossier en lui-même apparaît comme un contener hermétique garant du foisonnement documentaire accompagnant une recherche. Le scientifique sauvegarde ses ressources numériques qui s’empilent et se stratifient au fil des étapes de travail. Les méta-informations sur la science en pratiques résident ainsi dans cette diversité documentaire. Ce dispositif de gestion du statut des traces et des répertoires se rejoue au niveau des sites collaboratifs. Les chercheurs opèrent un travail de sélection de ce qui remonte sur le site, puis de ce qui en est livré au public.

« Il y a souvent une version publique et une version privée de ces sites. Une version publique pour expliquer le projet (…) et la version privée qui est l’outil de travail ; et je fais basculer les choses de l’un à l’autre lorsque les choses sont établies. » (professeur)

22Il y a donc, au travers de cette mise en accès, une mise en scène de la trace participant de l’interprétation du travail de l’équipe, par l’équipe. À travers ces jeux de bascule d’un alias à un autre, et d’un espace à un autre, s’opère la gestion des passages entre sphères privée, collective et publique ; entre statuts documentaires des écrits ; de même qu’entre catégories d’archives, courantes, intermédiaires ou pérennes. Dans l’équipe observée, une fois la recherche terminée, le site est conservé dans l’ordinateur de travail d’un professeur comme sous-répertoire du dossier du projet. Cette conservation éco-documentaire permet au chercheur comme à d’autres lecteurs de retrouver les traces d’un ancien projet dans son contexte de travail et de se les réapproprier dans l’épaisseur du temps et des étapes franchies depuis.

« Je crois même qu’il y a une animation, la démo de la maquette, c’est ça que j’avais oublié. Je ne savais pas que j’avais fait ça. Donc si j’ai fait ça c’est que ça tournait, mais c’est resté à ce stade-là. Ça c’est très énervant. Donc je vais le faire ». (professeur)

23Pour le professeur le plus investi dans cette gestion des sites, la valeur patrimoniale de ces traces ainsi conservées est plurielle. Elle réside en partie dans ce qui pourrait sembler n’être que des détails : les (im)possibilités de partage à distance, les modalités d’articulation du texte et de la vidéo, au cœur même de l’analyse de la ls comme du traitement d’image :

« C’est pour ça que je fais un truc avec des liens vers les dossiers tels qu’ils sont. (…) Ce n’était pas aussi facile de faire des sites lorsque j’ai commencé. (…) Mais ça m’obligerait si je changeais, à changer le site et à changer tout ce que j’avais avant. (…) Je ferais croire que je pouvais mettre ces trucs en ligne alors que je ne pouvais pas. Ce serait tricher donc je ne le fais pas ».

24L’enjeu consiste cependant à rendre visible l’existence de ces archives, et leur richesse.

« L’ennui c’est que moi un jour je vais m’arrêter. (…) Qui est-ce qui va reprendre tous ces trucs-là, qui est-ce qui va savoir que ça existe, parce qu’il faut même avoir l’idée d’aller le chercher. C’est ça le problème. Même moi je découvre des trucs que j’avais oubliés dans ce site-là! »

25Les vidéos de travail en ls sont ensuite, comme les corpus, de potentielles archives de la langue ainsi que « l’histoire de la ls en train de s’étudier », comme le souligne un informaticien. Mais elles ne peuvent être partagées sur le court terme pour des raisons éthiques car « le problème de la ls, c’est qu’elle est incarnée ». Les images vidéos en « montrent toujours plus que ce que le réalisateur a choisi de montrer » (Colleyn, 1999, 24), et le chercheur ou l’archiviste « reste si l’on peut dire, avec le corps de ceux « à qui les choses arrivent » sur les bras ». La valeur de ces traces renvoie enfin pour ce professeur à l’histoire des conditions matérielles et des pratiques associées de recherche :

« En gardant ces documents on peut raconter « voilà comment ma discipline a évolué. (…) Pourquoi ce qui était un sujet de recherche est maintenant dans la fonction de base de n’importe quel logiciel. Donc c’est montrer ça et du coup quelles sont les problématiques. (…) Quand ici on faisait du traitement d’images (…) on sortait les images sur papier en surimpression c’est-à-dire que quand je voulais faire un noir je tapais un O, un I, un X et un point. Donc elle était en grand comme ça, il fallait la prendre en photo et la réduire pour que l’oeil fasse une moyenne et que ça donne l’impression des niveaux de gris. On avait tout une... Ça aussi ça fait partie de l’histoire. (…) Moi le premier programme que j’ai tapé, quand j’étais étudiant, c’était sur carte. Sur carte perforée. C’est-à-dire qu’on pensait le programme le mardi, on le tapait le mercredi, on allait le donner et on le récupérait trois jours après. Quand on a fait une faute de frappe on recommence tout. Et un programme c’était un paquet de cartes écrans comme ça. On en sélectionnait une, on regardait par transparence s’il est bien... L’avantage c’est qu’on réfléchissait avant de taper. Parce que ça coûtait cher. »

26Ces conditions techniques se jouent dans les pratiques d’archivage elles-mêmes par le nécessaire travail de maintenance permettant de conserver les documents dans des versions accessibles, et la préservation des anciens postes et outils de travail :

« Par contre après moi mon souci c’est que j’ai déjà des documents qui ne sont plus accessibles, parce qu’électroniques : ils sont dans des versions.... Il y a un problème avec les vieux outils, c’est qu’ils fonctionnent avec les vieux ordinateurs ».

27C’est ainsi l’intérêt d’un archivage de l’entrelacement d’objets et d’écrits qui est souligné, constituant ensemble les traces et les clés d’interprétation des pratiques scientifiques. Se trouve aussi démontré l’intérêt de la préservation non plus d’une écologie documentaire seule, mais de toute une collection ; cette perspective historique enrichissant la compréhension de ces traces et de leurs enjeux. C’est au final la spécificité du métier d’archiviste qui se trouve révélée, ainsi que les questions éthiques et épistémologiques que leurs propres pratiques soulèvent.

Conclusion

28Les pratiques ordinaires d’archivage des chercheurs participent à l’organisation d’un univers de travail opérationnel, gérant la variabilité de statut de leurs documents et anticipant les modalités pratiques de leurs mobilisations, deux dimensions qui seraient fondamentales à prendre en compte. Cet archivage ainsi que leurs écrits de travail sont configurés pour leurs propres usages. Leurs notes, brouillons et gribouillis apparaissent comme des outils profanes de modélisation, d’organisation locale du travail et d’agencements conceptuels en amont des productions standardisées de communication. Pour les plus jeunes chercheurs, la question de leur partage semble alors dénuée de sens, non pertinente en terme de possibilité de reprise et risquée au regard de ce que ces traces pourraient révéler d’une organisation du travail et de pistes en cours. Ces écrits sont cependant investis par cette équipe dans la production et la mise en circulation de documents à-côté pour rendre visibles les prises comme les contextes et contraintes d’un travail en cours. Cette même logique de socialisation d’écrits personnels de travail dans leur histoire et leur écologie documentaire se retrouve dans les pratiques d’archivage par projet et leur publicisation progressive au sein des sites collaboratifs. Ces dispositifs de médiation scientifique et de gestion des passages entre statuts documentaires mobilisent bien un travail de mise en scène, soutenant la réappropriation de ces traces en tant qu’outil de recherche ou objet patrimonial. « Quelle qu’en soit l’histoire, la situation ou le « contenu »… il n’est pas de texte qui, pour advenir aux yeux du lecteur, puisse se départir de sa livrée graphique » (Souchier, 1998, 138). Donner à lire des écrits de travail, implique nécessairement un travail éditorial qui « ressort bien d’une activité prédictive et prescriptive : il faut prévoir des formes en relation avec des usages possibles et avoir conscience des conséquences sur le lecteur » (Guyot, Peyrelong, 2006, 56). C’est sans doute là que reside l’enjeu du travail des archivistes, dans cette préparation et cette préservation d’une entrée dans les coulisses de la science en pratiques.

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Notas

1 Cette recherche s’inscrit dans un projet plus large articulant sociologie des sciences, archivistique et recherche sur les médiations scientifiques dans le cadre d’un projet régional SHS Midi-Pyrénées (fev. 2011-2013), portée par M. Lefebvre (lerass, urfist), <http://ecrito.hypotheses.org/>.

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Para citar este artículo

Referencia en papel

Sophie Dalle-Nazébi y Dimitri Aguéra, «Logique de production et de partage d’écrits de travail. Pratiques d’informaticiens»Sciences de la société, 89 | 2013, 96-111.

Referencia electrónica

Sophie Dalle-Nazébi y Dimitri Aguéra, «Logique de production et de partage d’écrits de travail. Pratiques d’informaticiens»Sciences de la société [En línea], 89 | 2013, Publicado el 31 enero 2014, consultado el 07 octubre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/270; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.270

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Autores

Sophie Dalle-Nazébi

Sociologue-anthropologue
Websourd-rde
sophie.dalle-nazebi@websourd.org

Dimitri Aguéra

Archiviste contractuel
Université de Toulouse ; imft
d_aguera46@hotmail.fr

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