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La photographie de travail dans les recherches en archéologie : un objet hybride entre prise de note informelle et compte rendu normé

Archeological research photographs: a hybrid document both note taking and standardized documentation
Fotografía de trabajo en la investigación en arqueología : un objeto híbrido entre nota informal y reportes estandarizados
Marie Desprès-Lonnet
p. 74-94

Résumés

L’objectif de l’étude présentée dans cet article est de mieux comprendre ce que les photographies prises par les archéologues au cours des travaux de fouille représentent pour eux, à quelles pratiques elles correspondent et ce qu’ils cherchent à capter et à transmettre de ce qu’ils observent lorsqu’ils les prennent ou qu’ils les mobilisent au cours de leurs recherches. Plus globalement, nous nous sommes interrogés sur le sens que prennent ces images lorsqu’elles sont envisagées en tant qu’archives.

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Texte intégral

  • 1 Projet Medphopa, anr-08-jcjc-0117.

1Cette contribution s’inscrit dans le prolongement d’une recherche récente, menée dans le cadre d’un projet collectif sur la thématique des médiations photographiques du patrimoine et du paysage dirigé par Cécile Tardy1. Projet au cours duquel nous avons tenté de croiser des approches qui sont souvent relativement disjointes et qui appartiennent de fait à trois champs distincts : celui de la documentation, celui de la valorisation du patrimoine et celui de la photographie. La photographie documentaire y était abordée sous le double statut d’outil et de média, ce qui a permis de la considérer dans son rôle organisateur d’une pluralité d’usages : étude et connaissance du patrimoine, communication, médiation culturelle…

2A l’intérieur de ce projet, qui couvrait plusieurs terrains, notre équipe a choisi de s’intéresser plus particulièrement aux pratiques photographiques en cours sur un site de fouilles archéologiques, qui proposerait également des activités en lien avec la médiation culturelle. Notre choix s’est porté sur le site de Bibracte. Ce site, ouvert aux scientifiques en 1984 accueille, au sein d’un parc naturel classé « grand site », un important centre de recherche et un musée consacré à l’époque galloise. Il offre la double particularité d’être totalement recouvert par une forêt dense et de ne renfermer que très peu de vestiges visibles de l’architecture antique, alors que c’était l’une des importantes villes fortifiées de l’époque, si bien que, de l’aveu même de son directeur, à l’ouverture du site, il n’y avait « rien à voir ». Ceci en a fait un site de choix pour notre projet car il mobilise l’ensemble des acteurs chargés de sa valorisation scientifique et culturelle autour de l’ambitieux objectif de « révéler l’invisible ». La photographie y a donc une place centrale, autant pour témoigner des découvertes scientifiques des chercheurs que pour attirer des visiteurs sur le site. Elle y est présente à la fois comme outil scientifique pour l’archéologie, comme outil de documentation du paysage et comme support de médiation pour le musée et les activités culturelles.

  • 2 Le projet de recherche « Lire, écrire, récrire » que nous avons mené collectivement pour le départe (...)

3Ce sont principalement les photographies prises dans le cadre des fouilles archéologiques, par les chercheurs eux-mêmes, dont il sera question dans cet article. En cohérence avec la proposition théorique qui a structuré la réflexion de notre groupe de recherche, les photographies, et plus largement les différents supports au sein desquelles elles s’insèrent, seront envisagées à la fois comme une partie de la documentation associée à l’activité scientifique et en tant que constructions sémiotiques. Nous partons du postulat que l’on ne peut étudier les artefacts mobilisés dans les situations observées sans croiser très étroitement trois niveaux de considération : sociologique, sémiotique et technologique. Les travaux de recherche que nous avons menés sur cette base au cours des dix dernières années ont permis de confirmer la richesse, voire la nécessité, d’une telle approche pour appréhender la dimension symbolique des pratiques sociales2. La photographie, comme la documentation, seront donc abordées ici avant tout en tant que pratiques. Nous prolongeons en cela, dans le domaine de la sémiotique visuelle, la remarque de Jean-Marie Klinkenberg qui rappelle « qu’introduire la dimension pragmatique dans la sémiotique scripturale permettrait de prendre en considération un phénomène fondamental, mais pourtant systématiquement éludé dans toutes les théories de l’écriture : le fait que l’écriture est une pratique » (Klinkenberg, 2005, 195).

4Notre étude se situe dans le champ de la médiation des savoirs. La question posée plus largement est celle des enjeux sociaux et communicationnels liés à la production, la circulation et l’appropriation des savoirs. Se pose alors la question du terrain : Comment aborder et rendre compte d’une multiplicité de pratiques, que l’on peut globalement associer à cette thématique générale, mais dont le point commun ne serait finalement que de se dérouler dans un même lieu physique, même si celui-ci est principalement dédié à des activités de production et de transmission de savoirs. Joëlle Le Marec en propose une conception fondée sur une approche communicationnelle de la pratique, qui permet de l’aborder empiriquement en tant qu’unité d’observation de phénomènes pertinents du point de vue du chercheur, tout en le construisant théoriquement. C’est à partir du concept de composite qu’elle propose de tenir ensemble les situations, les objets et les discours (Le Marec, 2002, 145) et c’est cette approche que nous avons tenté de mettre en œuvre. Nous avons donc rencontré et observé les individus dans différents contextes d’usage : sur les chantiers de fouille, au centre de recherche ou dans le musée, chacun de ces lieux étant le cadre effectif de leurs pratiques.

5La finalité de la recherche archéologique est la production de connaissances scientifiques relatives aux civilisations disparues, ainsi que la diffusion de ces connaissances. Les situations et les différents artefacts que nous avons étudiés le seront donc plus précisément en tant qu’êtres culturels, selon la définition qu’en donne Yves Jeanneret, c’est-à-dire « un complexe qui associe des objets matériels, des textes, des représentations et qui aboutit à l’élaboration et au partage d’idées, d’informations, de savoirs, de jugements » (Jeanneret, 2008, 15).

  • 3 Selon les normes relatives à la gestion de la documentation scientifique issue des opérations arché (...)

6Notre hypothèse de départ était que parmi les diverses formes de pratique photographique que nous avions pu dénombrer à Bibracte, celle des archéologues s’apparentait plus à une activité de prise de notes qu’à un processus de documentation de fouille normé. Nous avions cependant pu retrouver certains de leurs clichés dans des comptes rendus de fouille, des rapports de recherche3 ou des supports de communication, alors que de l’aveu même de leurs auteurs, ils avaient initialement vocation à ne pas être conservés. Notre objectif n’est pas de déterminer à quel genre visuel ces photographies pourraient être rattachées, ni si elles en constitueraient éventuellement un nouveau, mais bien de comprendre ce qu’elles représentent pour les scientifiques, à quelles pratiques elles correspondent pour eux et ce qu’ils cherchent à capter et à transmettre de ce qu’ils observent lorsqu’ils les prennent. Nous avons également voulu mieux comprendre les conditions de leur possible circulation dans d’autres espaces de pratique. Les photographies seront donc envisagées en tant qu’outils de travail des chercheurs, en tant qu’objets médiateurs, mais également en tant que traces de pratiques de lieux dans la continuité des travaux initiés par notre collectif de recherche (Davallon, 2012 ; Flon et al., 2009).

  • 4 Nous avons également rencontré, dans un second temps, des archéologues du laboratoire Alma-Hipel, q (...)
  • 5 Nous tenons à remercier ici toutes les personnes qui ont participé à cette étude en nous consacrant (...)

7Notre recherche s’est étendue sur une période de trois ans, au cours de laquelle nous nous sommes rendus à plusieurs reprises à Bibracte4. Le centre de recherche dispose d’une infrastructure hôtelière qui permet aux équipes de recherche de résider sur place pendant toute la durée des fouilles. Cette situation de relatif isolement s’est avérée particulièrement fructueuse, car elle a permis de multiplier les rencontres avec les acteurs de manière relativement peu intrusive et de circonscrire assez précisément différents espaces matériellement et symboliquement associés à l’une ou l’autre des pratiques que nous voulions observer. Le fait de travailler avec des chercheurs a également été très enrichissant et nos entretiens ont souvent fonctionné sur le mode de la réciprocité. L’intérêt porté à leurs activités, les questions posées, le regard extérieur posé sur les documents produits ont souvent été l’occasion pour eux d’expliciter leurs choix et de s’interroger sur leurs pratiques. Nos rencontres étaient donc très fréquemment suivies d’échanges plus informels sur l’un ou l’autre des points abordés, échanges qui ont permis d’ouvrir avec eux de nouvelles pistes d’investigation dans nos domaines de recherche respectifs. Plusieurs photographies nous ont également été fournies par les chercheurs après que notre étude de terrain a été terminée, à l’appui de l’un des aspects des débats que nous avions eus avec eux5.

8C’est donc tout d’abord en les replaçant dans les contextes dans lesquels elles sont produites et utilisées que nous proposons de les analyser afin de montrer que bien que différents types caractéristiques soient attendus à chaque étape de la fouille et du travail d’interprétation, les frontières entre ces types se déplacent constamment. Plus encore, nous verrons que ces déplacements sont, pour une part, déjà largement anticipés dès la prise de vue. Ces constats nous amèneront à revenir, dans un second temps, sur les déplacements de sens qui s’opèrent lorsque ces photographies passent d’un projet à un autre et à questionner, en filigrane, la part de connaissances partagées, voire de connivence, nécessaires à leur production et à leur interprétation dans ces différents contextes. Enfin, ces photographies font partie des modes d’énonciation du discours archéologique et nous verrons en quoi le concept d’Archive, au sens qu’en donne Michel Foucault dans l’archéologie du savoir, peut s’avérer particulièrement opérant pour aborder leur analyse.

Photographies de travail, bonnes photos et belles photos

9Si l’on exclut les étapes préparatoires au choix de la zone de fouille – qui diffèrent selon que la recherche est menée dans le cadre d’opérations d’archéologie préventive ou dans le cadre d’une recherche programmée – la fouille proprement dite comporte trois grandes phases : collecte et description ; analyse et interprétation ; restitution (Demoule, 2011 ; Hester, 2009 ; Barker, 2002).

10La prise de vue fait, de longue date, partie intégrante des techniques mises en œuvre par les archéologues au cours de leurs recherches et Antoine Chéné propose de distinguer trois types de photographies d’archéologie qui correspondent globalement à ces trois phases :

  • les images témoignages de l’existence d’un objet ou d’un groupe d’objets, dont l’objectif doit être de « montrer », d’attester d’une situation ou de la présence d’un objet dans un lieu dont la configuration est appelée à changer du fait de l’évolution des fouilles ;

  • les images démonstrations, construites comme « des discours visuels tenus à l’appui de la théorie élaborée par le chercheur » et dont la réalisation demande une bonne intercompréhension entre l’archéologue et le photographe ;

  • les images illustrations, photographies à dominante esthétique destinées à rendre les publications scientifiques « plus agréables et moins confidentielles » (Chéné, 1999, 14).

11Nos observations ont cependant rapidement permis de constater que les frontières entre ces grands types étaient relativement mouvantes et qu’en outre, certaines images répondaient, mieux que d’autres, à plusieurs types d’attentes. Ainsi, une photographie de terrain, sur laquelle figure de manière très visible un outil emblématique comme le théodolite, a été utilisée par la personne chargée de l’action culturelle pour présenter le métier d’archéologue aux enfants, alors que, pour les chercheurs, c’est une mauvaise prise de vue, l’objectif étant pour eux d’éviter la présence d’outils lorsqu’ils effectuent un relevé.

12La documentation visuelle des fouilles (dessins, relevés topographiques, photographies) est assurée par des spécialistes des différentes techniques. En fonction des moyens dont chaque équipe dispose et de ses choix méthodologiques, les prises de vue que l’on pourrait qualifier d’officielles sont effectuées soit par un photographe spécialisé soit par un archéologue-photographe. Cependant, les pratiques ont notablement évolué avec l’arrivée des appareils photo numériques. Ces appareils sont maintenant très fréquemment utilisés par d’autres membres de l’équipe de fouille, dans les phases de recueil d’information, que ce soit sur les sites ou lors de l’analyse des objets. Le numérique offre de très nombreux avantages que n’avaient pas les techniques mises en œuvre précédemment : simplicité de la mise au point, prise de vue sans viseur, rapidité de la prise en série, datation et géo-localisation des clichés, mais également diminution sensible du coût.

13Les photographies se sont donc multipliées selon des facteurs quasi exponentiels sur certains chantiers Les chercheurs estiment d’ailleurs qu’ils en prennent trop, mais dans le même temps, ils considèrent tous que la plus mauvaise photo est « celle qu’on n’a pas prise ». Ces photographies s’apparentent, pour eux, à une prise de note informelle, la couverture photographique destinée à la constitution de la documentation de fouille étant assurée par ailleurs. Cependant, il n’est pas rare que des clichés a priori destinés au seul usage personnel des chercheurs soient versés à un moment ou à un autre dans les archives qui constitueront la documentation du chantier concerné. Pourtant, leur pratique est toujours évoquée en référence au travail du photographe ou du collègue chargé de la prise de vue sur le terrain, qui eux prendraient les « vraies » photos. De ce point de vue, ils distinguent deux types de photographies : très grossièrement, celles qu’ils qualifient de « bonnes » – et qui sont le plus souvent réalisées par les photographes professionnels ou par des collègues particulièrement compétents – et les photographies de travail – dont ils sont généralement les auteurs et qui s’apparentent à une pratique photographique amateur. Ils opèrent également un autre type de qualification (non exclusive de la première), qui repose plutôt sur des critères esthétiques et qui leur permet de repérer les « belles » photos ».

  • 6 Les expressions entre guillemets sont extraites des entretiens avec l’iconographe et le photographe (...)

14D’une manière plus générale, pour nos informateurs6, les « bonnes » photos sont celles qui « informent », qui « montrent », qui sont « lisibles ». Les « belles » photos sont celles qui sont bien cadrées, contrastées, « publiables ». Enfin, les photos « ratées » seront jugées comme telles aussi bien sur des critères esthétiques que sur leur incapacité à « informer ». Une photographie sur laquelle « on ne voit rien » peut être « illisible » parce que floue ou surexposée, mais aussi parce qu’elle ne montre pas ce qui était attendu. Ces catégories ne sont évidemment pas antinomiques. Une bonne photo peut être belle ou inversement une belle photo peut s’avérer ne pas être bonne à l’aune du projet au service duquel elle est mise. De la même manière, une photo « ratée » peut aussi être la seule « bonne » photo qui ait été prise sur un chantier.

15Ces distinctions et l’attribution de ces différentes valeurs reposent sur des normes et sur des représentations que les chercheurs mobilisent en partie implicitement et qui sont relatives d’une part à la manière dont sont construites les images photographiques et d’autre part aux pratiques de fouille, de recherche et de publication dans le domaine de l’archéologie. Il y a un attendu photographique particulier à chaque étape de la recherche, la projection d’un idéal archétypique de ce que serait la meilleure prise de vue. Cet attendu repose sur les usages effectifs des chercheurs, mais les archéologues se réfèrent aussi à des usages symboliques de référence, portés par le collectif auquel ils se rattachent (Le Marec, Babou, 2003).

  • 7 Une des difficultés de l’observation venait de ce qu’une partie importante du travail d’analyse et (...)

16Ainsi, il a été difficile, au départ, d’obtenir que nos informateurs nous montrent leurs « mauvaises » photos personnelles ou encore qu’ils reconnaissent qu’ils gardaient finalement tous leurs clichés, alors qu’ils affirmaient d’emblée qu’une grande partie de ceux qu’ils avaient pris lors de campagnes précédentes avait vocation à être supprimée de leurs disques durs7. Cette relative occultation d’une partie de leurs activités ne peut pas être attribuée uniquement à l’écart entre la pratique et le discours que les acteurs peuvent tenir sur elle au cours d’un entretien. Elle a également à voir avec l’attribution d’une valeur symbolique de recevabilité de certaines images et de certaines pratiques dans le champ de l’archéologie. Les photographies de travail ne font pas partie des grands types répertoriés, par exemple, dans l’ouvrage de Jean-Paul Chéné, qui fait référence en la matière. Pour les chercheurs, ces photographies de travail ne sont pas vraiment des photographies d’archéologie. Ils pensent avoir une pratique singulière qui n’est pas représentative de celle que nous voudrions voir en venant observer et interroger des archéologues.

  • 8 L’un des chercheurs, particulièrement intéressé par ce travail réflexif, et avec lequel nous avions (...)

17Le fait qu’ils soient tous des scientifiques, habitués à s’interroger sur leurs méthodes, les a cependant assez rapidement amenés à se considérer eux-mêmes comme des sujets d’étude pour d’autres chercheurs. Leurs pratiques quittaient alors la sphère d’usage de l’archéologie et entraient dans un autre univers interprétatif. Les photographies qu’ils avaient prises prenaient sens dans ce nouveau contexte socio-épistémique et ils pouvaient donc les regarder différemment. Ce n’étaient plus de mauvaises photographies d’archéologie, mais des révélateurs de leurs pratiques, qu’ils pouvaient ainsi mettre à distance pour les observer avec nous8. Ce changement de perspective a déplacé la question de la qualité relative de ces images. Il ne s’agissait plus d’évaluer leur recevabilité en tant qu’images de l’archéologie, mais de les considérer du point de vue communicationnel, en tant que projets de mise en documents photographiques des situations observées.

  • 9 Le diagnostic consiste à creuser des tranchées à intervalles réguliers en vue d’estimer si des vest (...)

18De ce point de vue, les photographies de travail sont avant tout des documents personnels. Les chercheurs les prennent en plus de celles qui sont réalisées par la personne à laquelle est dévolue la responsabilité de la couverture photographique du chantier. Des moyens et des temps spécifiques sont prévus pour la prise de vue que l’on pourrait qualifier d’officielle, mais le calendrier est toujours très contraint et il faut à tout prix éviter « d’arrêter le chantier ». Les fouilleurs qui ne sont pas spécifiquement chargés de la prise de vue ne peuvent donc pas choisir le moment propice pour leurs propres clichés et certaines photographies seront faites dans les conditions techniques les plus défavorables : éclairage zénithal, contre-jour, lumière rasante, mauvaises conditions météorologiques… La position à partir de laquelle la prise de vue doit être effectuée est aussi parfois problématique : en l’absence de matériel d’élévation, ce sont les escabeaux, relativement instables sur des terrains en cours de fouille, qui servent à prendre de la hauteur. Certaines découvertes se situent dans des zones difficilement accessibles ou en cours de déblaiement, ce qui rend les cadrages imprécis. Le manque de recul ou l’absence d’un bon angle de vue empêche une approche optimale du sujet visé. Un chercheur de l’inrap évoque ainsi les difficultés qu’il a rencontrées au cours d’un diagnostic archéologique9 mené dans une zone argileuse. Le chantier se déroulait au mois de février et il avait beaucoup plu. Comme le terrain concerné se trouvait dans une zone inondable, les tranchées creusées par la pelleteuse se sont très vite remplies d’eau. Il a donc pris un grand nombre de photographies, car c’était la seule technique de relevé mobilisable assez rapidement. Ces clichés sont d’une piètre qualité technique, mais ils présentent un grand intérêt pour les chercheurs qui ont mené le chantier.

19Plusieurs chercheurs ont insisté sur le fait qu’il était important pour eux de prendre ces photographies, même lorsqu’un photographe spécialisé était disponible pour travailler avec eux, que ce soit sur le terrain ou au cours des travaux post-fouilles. Cette démarche de prise de vue a deux fonctions principales pour eux : d’une part, les photographies sont un moyen beaucoup plus rapide que la prise de note manuscrite ou le dessin pour conserver la mémoire du déroulement des opérations et des éléments les plus marquants ; d’autre part, l’appareil photo fonctionne comme un focaliseur d’attention, il force d’une certaine manière leur regard à se poser, à analyser autrement le site ou les objets, à s’en approcher et à les questionner différemment.

La photographie de travail, outil et document de recherche

20Prendre une photographie nécessite de porter une attention particulière à la scène que l’on tente de saisir. Tout d’abord, la prise de vue oblige à choisir le point de vue, le cadrage, l’angle… Le passage par la photographie change le regard. Comme le note Cécile Tardy, il oblige le photographe à imaginer l’image qu’il veut prendre, ce qui l’amène à regarder autrement et à projeter cette anticipation sur la scène qu’il observe et dont il veut conserver une trace (Tardy, 2012). Dans le cas des fouilles archéologiques, c’est une décision qui hypothèque fortement l’avenir, particulièrement dans le cas des photographies de terrain, puisque les scènes photographiées sont généralement appelées à disparaître rapidement au cours du processus de fouille. Ces photographies seront donc les seuls témoignages visuels directs qui perdureront.

21Le déroulement d’un chantier de fouille est soumis à de nombreux aléas et les chercheurs savent qu’il existe toujours une éventualité pour que leurs documents doivent être utilisés, y compris par d’autres qu’eux, à un autre moment de la recherche. Même s’ils n’ont pas, au moment où ils prennent des notes, l’intention de produire une image « partageable », mais simplement de conserver pour eux-mêmes, une trace visuelle d’un instant particulier de leur activité, ils ont quand même toujours, en arrière-plan, une représentation de l’aboutissement du projet de fouille et de la forme, y compris visuelle, que devront prendre les documents de synthèse qui le cloront. Leurs photographies sont donc construites en tension entre la réponse à des objectifs immédiats et une projection vers les étapes suivantes. Ce que l’un d’eux résume en expliquant qu’il ne fait pas « n’importe quoi ». Il connaît les normes et les formalisations attendues pour la rédaction de la documentation de fouille. Il sait également quelles transformations seront encore possibles à partir des clichés qu’il a pris et lesquelles ne le seront plus. Il va donc tenter d’ajuster sa prise de vue à la limite entre son objectif à court terme, qui serait de l’ordre du griffonnage visuel, et la construction d’un document normé, plus formalisé ou à tout le moins formalisable.

22Deux photographies prises sur un même chantier nous permettront de montrer comment se négocie cette ouverture à d’autres usages. Ces deux photographies prises dans des conditions difficiles sont d’une piètre qualité technique. La première, sur laquelle on distingue très clairement la silhouette du photographe, représente une tranchée réalisée par une pelleteuse (cf. illustr. 1). La seconde fixe la découverte d’une statuette en bois au cours d’une excavation (cf. illustr. 2).

23Ce qui les distingue du point de vue communicationnel, est le projet d’usage que le photographe a formé pour chacune d’elles au moment où il les a prises. Dans le premier cas, il s’agit bien d’une prise de note : le chercheur travaille pour lui. Il sait qu’il va devoir rédiger un rapport et il prélève différents éléments visuels qui lui permettront de se remémorer l’une ou l’autre des étapes qu’il devra ensuite synthétiser dans ses écrits. La seconde photographie témoigne d’une volonté d’ouverture à d’autres lecteurs. C’est un document au sens plein.

Illustr. 1 – Photographie d’une tranchée prise à Magny-Cours au cours d’un diagnostic archéologique

Illustr. 1 – Photographie d’une tranchée prise à Magny-Cours au cours d’un diagnostic archéologique

Photographie de Nicolas Tisserand, inrap

24Produire un document, c’est en effet faire entrer une production sémiotique dans un projet pérenne au sein duquel elle prendra sens. Il faut pour ce faire « l’équiper d’attributs spécifiques » qui lui permettront « de circuler à travers l’espace, le temps, les communautés d’interprétation » (Zacklad, 2007, 31). La documentation est d’abord un processus communicationnel. Il s’agit en effet d’envisager l’Autre de la communication, celui pour lequel le support documentaire est conçu, celui pour lequel l’information collectée est formalisée et inscrite sur un support (Beguin, 2011). La première photographie prise par ce chercheur est celle pour laquelle cet Autre, s’il n’est pas le chercheur lui-même, est envisagé dans une très grande proximité à la fois en termes de problématique, et dans l’espace et le temps. Elle n’est intelligible, dans sa fonction documentaire, que pour lui ou pour ceux qui étaient à ses côtés au moment de la prise de vue. Elle n’a qu’une « fonction mnésique associative propre pour le récepteur, visant à établir un lien entre l’évènement passé et la situation en justifiant l’évocation différée » (Zacklad, 2007, 44). Elle n’a pas été dotée des clés de lecture nécessaires pour qu’un lecteur, qui n’aurait pas été témoin de la scène, en comprenne l’intention.

Illustr. 2 – Photographie d’une statuette en bois prise à Magny-Cours au cours d’un diagnostic archéologique

Illustr. 2 – Photographie d’une statuette en bois prise à Magny-Cours au cours d’un diagnostic archéologique

Photographie de Nicolas Tisserand, inrap

25La démarche est toute autre dans le cas de la photographie reproduite dans l’illustration 2. On y distingue nettement une partie de la jambe d’une statuette en bois, ainsi que des débris qui laissent penser que la statuette a été brisée par la pelleteuse. La zone était déjà en partie recouverte par l’eau qui continuait de monter. L’archéologue savait en outre que cette zone ne serait probablement jamais fouillée, les recherches archéologiques en zone humide étant particulièrement délicates et coûteuses. Il n’avait que très peu de temps et devait concilier plusieurs objectifs : disposer d’éléments visuels pour rédiger le rapport de diagnostic, tenter de repérer rapidement les vestiges les plus intéressants et fournir à ses collègues un maximum d’informations techniques pour leur permettre d’exploiter ces découvertes en sachant qu’il ne pourrait jamais retourner sur le terrain. Il a donc posé une règle graduée à côté des vestiges mis à jour et cadré sa prise de vue de manière à ce que l’élément le plus important soit visible dans sa totalité et que la règle soit à l’horizontal.

26Le chercheur a formulé son projet documentaire en la composant. Sa présence sur les lieux est visible et son statut d’observateur, au service de la recherche archéologique revendiqué. C’est autant par la mise en scène de sa volonté de documenter la scène qu’il photographie que par la composition de l’image ou que pour ce qu’elle représente qu’il énonce le statut documentaire de cette photographie. Bien que l’échelle soit difficilement lisible et que les vestiges in situ se confondent partiellement avec la terre, elle a été dotée des éléments qui permettront aux spécialistes de la reconnaître et d’en faire une lecture experte en tant que document d’archéologie. Les archéologues auxquels elle est adressée ont une grande habitude de ce type de documents, qu’ils prennent et qu’ils interprètent couramment dans le cadre de leurs propres recherches. Ils connaissent d’autre part parfaitement les caractéristiques visuelles et les conditions habituelles de prise de vue des scènes photographiées dans ces lieux. Ils appréhendent donc ces images en tant qu’outils d’aide à l’étude de ce terrain particulier, dans la continuité du projet qui était celui du photographe et sur la base d’un questionnement scientifique qu’ils partagent avec lui.

27Ces images sont d’autant plus lisibles pour eux que l’écart entre leurs catégories de pensée et les caractéristiques formelles des photographies est faible. La plus ou moins grande lisibilité de chaque image dépend de « l’accord, l’adéquation entre le code exigé par l’image (ainsi que la situation de réception) et le code incorporé, intériorisé par le sujet social » (Davallon, 1990, 10).

28Un autre exemple, permettra d’expliciter cette mise en adéquation : Une archéologue qui fouille habituellement sur des sites sableux en Asie centrale a pu se procurer récemment les carnets de fouille d’une équipe qui avait fouillé le site du sanctuaire d’Aï Khanoum en Afghanistan il y a une quarantaine d’années. Ce site a été totalement détruit depuis et les carnets de fouille sont les seuls témoignages qui restent. Cette archéologue, qui est également photographe, a étudié attentivement l’une des photographies que les chercheurs avaient insérées dans leurs carnets (cf. illustr. 3). et elle a pu y repérer des traces de bâti en terre crue alors qu’un archéologue moins habitué à « lire » ce type de sol serait « passé à côté ». En tant qu’archéologue, elle savait que cette photographie, qui figurait dans un journal de fouille, avait été prise à dessein. Elle anticipait donc la présence d’éléments intéressants. Des traits avaient été tracés au feutre pour indiquer des détails de la photo mentionnés dans le journal de fouille, mais elle seule pouvait détecter le bâti qui n’était pas signalé dans le journal et qui se confondait presque totalement avec le sable qui l’entourait. C’est en s’appuyant sur sa très grande expérience des découvertes faites dans ces conditions qu’elle a pu repérer les quelques signes qui préfigurent habituellement la découverte d’un bâti enfoui, mais c’est aussi en raison de la correspondance entre ses « schèmes de perception et d’action et le code exigé par l’image » (Davallon, 1990).

Illustr. 3 – Contact 6x6 pris en 1967 sur le site du sanctuaire d’Aï Khanoum en Afghanistan

Illustr. 3 – Contact 6x6 pris en 1967 sur le site du sanctuaire d’Aï Khanoum en Afghanistan

29Elle s’est basée à la fois sur sa connaissance des usages en cours dans le domaine de la photographie d’archéologie dans les années soixante-dix et sur sa connaissance des caractéristiques visuelles d’un terrain de fouille spécifique, pour comprendre quelle information le photographe qui avait pris le cliché voulait transmettre. Cette photographie était donc un document parfaitement lisible pour elle, car elle a pu y trouver les repères visuels dont elle avait besoin pour confirmer l’existence de cet élément architectural sur le chantier. Elle en a fait une lecture savante à deux niveaux, d’une part à partir d’un horizon d’attente relatif à « la photo de fouilles » qui lui a permis d’anticiper la présence dans l’image d’éléments intéressants pour un chercheur et d’autre part grâce à son habitude de prendre et de lire des photographies dans les conditions et dans les lieux où l’image qu’elle étudiait avait été prise.

  • 10 A ce titre, les archéologues considèrent le dessin comme plus « parlant » que la photographie, lors (...)

30L’intérêt de ces images ne vient pas de leur capacité à objectiver une situation observée, à en fabriquer une reproduction véridique, mais bien de l’aptitude du photographe à questionner cette situation, tout en en rendant compte. Comme les images scientifiques étudiées par Catherine Allamel-Raffin, les photographies de fouille « ne relèvent ni d’un simple prélèvement du réel, ni d’un pur phénomène de langage : elles jouent de la complexité et de l’hybridité des rapports que les images, dans leur diversité, entretiennent avec les objets qu’elles trahissent, exhibent ou formalisent » (Allamel-Raffin, 2006, 97). La capacité du photographe à produire une bonne photo est intimement liée à sa capacité à « lire » le terrain, à repérer les nuances de couleurs ou de relief d’une portion de sol, à identifier les indices de la présence d’un objet ou d’une activité humaine, à « faire parler les objets »… Il faut pour cela connaître les finalités du discours archéologique, ainsi que les formes textuelles et visuelles qui lui sont associées à chaque étape du projet. Si donc, en toute modestie, le photographe de Bibracte se considère comme « un outil au service des archéologues », sa contribution au projet archéologique n’est pas de l’ordre de celle que pourrait fournir un outil technique au scientifique10, mais de celui qu’apporte le recours à un outillage scientifique et conceptuel.

31Une bonne photographie de fouille serait donc celle qui intègre les normes et pratiques en cours à l’époque et pour la communauté de pratique à laquelle elle est destinée (ici les archéologues) et qui s’énonce en tant que document de fouille. Ceci est d’autant plus notable que la décision quant à la recevabilité de telle ou telle image est également directement liée aux attendus propres à chaque étape du projet de recherche. Nos interlocuteurs ont, bien entendu, insisté sur le fait qu’une même image n’aurait pas la même valeur selon le moment et le lieu où elle serait utilisée, mais c’est plutôt la figure du lecteur modèle qui se dessine en filigrane lorsqu’ils évoquent leurs pratiques, particulièrement lorsque ce sont les qualités informatives d’une image qui sont évoquées. La théorie de la coopération textuelle élaborée par Umberto Eco s’applique effectivement aussi bien à la production du sens de l’image que de celle d’un texte (Eco, 1964). Leur signification ne peut naître que de la rencontre avec un lecteur. Cependant, lorsque le photographe prend un cliché, il cible un lecteur modèle, c’est-à-dire un lecteur qui possède les connaissances requises pour saisir ses intentions, mais également interpréter les non-dits de sa proposition. C’est sans doute pourquoi l’iconographe de Bibracte insiste sur la nécessité pour les chercheurs de parler avec le photographe afin « qu’il fasse ensuite parler les objets ». Cette collaboration ne vise pas simplement à améliorer la prise de vue, comme l’ont montré Philippe Roussin et Marc Pataut, elle est aussi « de l’ordre de l’expérimentation, de la tentative et de l’expérience » (Pataut, 2007). Ce n’est en effet pas la réflexivité qui définit principalement la collaboration du photographe avec les chercheurs, mais l’opérationnalité.

32La préparation et le choix de la prise de vue sont étroitement liés à la problématique à partir de laquelle les fouilles sont envisagées. Sur le site de Bibracte, où le travail du métal était une activité importante, le photographe étudie longuement les objets pour tenter de rendre compte de tous les détails qui pourraient intéresser les chercheurs avant de les photographier. Il n’a pas de consigne particulière à respecter, en dehors des normes de prise de vue. Les archéologues lui font totalement confiance pour « interroger les objets » et, effectivement, ses photographies, généralement prises en série, décortiquent si bien les objets qu’elles ont souvent permis de mettre en relief des éléments que l’observation préalable n’avait pas révélés. Le grossissement de certains détails, le choix de l’éclairage ou de l’angle de prise de vue modifient la perception que le chercheur pouvait avoir de l’objet et en proposent de nouvelles approches. Les deux photographies reproduites dans l’illustration 4 représentent le même objet qui, selon la position dans laquelle il est photographié fait penser soit à un sanglier (a), soit à une tête de cheval (b). Les archéologues n’avaient pas encore analysé ce vestige au moment de la prise de vue. Le photographe a donc fait deux propositions d’interprétation. Ces images s’adressent aux chercheurs chargés d’étudier l’objet aujourd’hui, mais elles permettent également de conserver la trace du questionnement qui a suivi la découverte de l’objet.

Illustr. 4 – Une hypothèse mise en image
a) L’hypothèse de la tête de cheval

Illustr. 4 – Une hypothèse mise en imagea) L’hypothèse de la tête de cheval

b) L’hypothèse du sanglier

b) L’hypothèse du sanglier

Photographies d’Antoine Maillier - Bibracte

33Ce sont des outils de travail pour les chercheurs. Ils n’hésitent pas à les construire ou à les modifier pour mieux approcher et tenter de comprendre les sujets et objets représentés. Sur certains chantiers, les découvertes les plus significatives sont replacées in situ après avoir été nettoyées et éventuellement reconstituées : un corps est replacé dans sa sépulture, une amphore est repositionnée dans une pièce de vie. L’objectif est de mettre en évidence les caractéristiques essentielles du sujet central (Feyler, 1987). Les photographies prises après cette reconstitution n’attestent donc pas d’une situation constatée, mais bien d’une situation construite pour les besoins de la démonstration.

34La photographie peut aussi être la matière première à partir de laquelle d’autres documents visuels, destinés à l’étude ou à la publication, seront produits. Ainsi, conformément aux recommandations formulées pour la réalisation des inventaires et des rapports de fouille (Soulier, 2010), les fiches objets ne sont pas accompagnées d’une simple photographie de l’objet concerné, mais d’un photomontage de différentes vues légendées, associées à des dessins explicatifs avec indication de l’échelle (cf. illustr. 5b). Les rapports de fouille comportent souvent des planches qui présentent des séries d’objets qu’il a paru intéressant de réunir au sein d’une même image, alors qu’ils n’avaient pas été photographiés ensemble à la base. Les objets qui figurent dans ces rapports sont généralement photographiés au studio, mais nous avons pu constater que les archéologues intègrent, au moins partiellement, les exigences formelles attendues à cette étape lorsqu’ils photographient des objets pour d’autres usages.

Illustr. 5 – Une photographie « pré-normée » et une page extraite de la documentation d’inventaire représentant le même type d’objet

Illustr. 5 – Une photographie « pré-normée » et une page extraite de la documentation d’inventaire représentant le même type d’objet

Sources : inrap

35Ainsi, un chercheur qui devait réaliser l’inventaire d’une importante collection d’objets explique qu’il « prend juste un cliché [de chaque objet] pour pouvoir le décrire plus tard […] Le cliché est pris rapidement en s’affranchissant de toute norme scientifique, mais il doit être suffisamment précis pour permettre de le décrire plus tard ». Cependant, il ajoute systématiquement une échelle graduée à tous les clichés qu’il prend, même si, en raison d’un problème de parallaxe, l’angle qu’il a choisi pour la prise de vue la déforme (cf. illustr. 5a). Cette échelle lui donne l’ordre de grandeur de l’objet. Elle lui sera donc utile dans la phase d’inventaire, mais c’est également une base à partir de laquelle il pourra éventuellement retravailler la photographie ainsi « pré-normée ». On retrouve, dans le rapport d’inventaire réalisé par la suite, une planche, composée de différents éléments graphiques, dont la photographie d’un objet similaire au précédent. L’objet n’a pas été photographié à nouveau. Il a été détouré, puis associé à des dessins de ses sections les plus significatives (pointe, section principale et base). Cet objet aura pu être re-photographié, mais le chercheur sait qu’il sera également possible de partir de la première photographie qu’il a prise, car elle contient tous les éléments nécessaires à la production du schéma normé.

36Les photographes et les chercheurs ont également recours à des logiciels de traitement de l’image. A minima, le renforcement des contrastes ou la modification de l’équilibre des couleurs permet de mettre certains détails en exergue, de formuler des hypothèses quant à la nature exacte de certaines traces, d’expliquer des modes de fabrication… Des informations complémentaires, tels qu’une échelle ou une étiquette, peuvent aussi être ajoutées a posteriori.

37Les transformations peuvent être plus radicales. Ainsi, une chercheuse, qui réalisait une étude sur les figurines d’animaux en métal présentes sur le site, a demandé au photographe de découper numériquement un ensemble d’enseignes militaires découvertes au xixe siècle et sur lesquelles figuraient des sangliers. Ces enseignes avaient été ressoudées à l’époque, mais certaines soudures semblaient problématiques. Le découpage numérique a permis de proposer d’autres reconstitutions possibles des pièces, sans devoir démonter les enseignes (cf. illustr. 6).

38Ces nouvelles représentations des animaux n’existent que sur ces pseudo-photographies. A l’instar des schémas et des dessins réalisés par les chercheurs, ce sont des représentations formelles conçues comme des supports de raisonnement, dans le prolongement d’une théorie à propos de l’élément étudié. Leur fonction n’est pas simplement d’illustrer le propos de l’archéologue, mais bien de l’assister dans son travail de recherche. Ces montages sont, comme le sanglier et le cheval de l’illustration 4, des hypothèses mises en images. La chercheuse voulait démontrer la pertinence d’autres assemblages que ceux que les soudeurs avaient recréés, mais il avait été plus facile pour elle de convaincre ses collègues en appuyant son raisonnement par l’image. Le passage par la représentation facilite la remise en question des assemblages réalisés un siècle plus tôt en conceptualisant les propositions d’assemblage, pour les détacher clairement des objets auxquelles elles se réfèrent. Leur intérêt ne vient pas de leur capacité à reproduire le réel, mais bien plutôt à le tenir à distance pour mieux l’interroger.

Illustr. 6 – Deux enseignes militaires recomposées numériquement

Illustr. 6 – Deux enseignes militaires recomposées numériquement

Photomontage d’Antoine Maillier - Bibracte

Une Archive de l’archéologie

39Les photographies de travail sont aussi des archives en devenir, ce dont les chercheurs, en tant qu’archéologues ont pleinement conscience. Cette perspective les amène à faire des choix qui vont au-delà de ce que leurs propres recherches exigent. Ils vont donc tenter de concilier des objectifs qui situent l’image dans des temps et des usages différents : Leurs photographies doivent d’abord pouvoir accompagner leur réflexion. Ces mêmes photographies vont également circuler dans d’autres espaces et être mises au service d’autres projets. Les producteurs de ces images doivent donc tenter de ne pas les enfermer dans des logiques trop locales.

40C’est donc plus globalement la question du potentiel informationnel de ses images et de leur possible circulation dans d’autres espaces de pratique qui se trouve posée à l’archéologue, lorsqu’il prend une photographie. L’image aide-mémoire, qu’il aurait prise dans les pires conditions imaginables, qu’il n’aurait envisagé à aucun moment de partager avec quiconque et qui n’aurait jamais quitté son appareil photo, pourrait, à ce titre, représenter l’image à potentiel informationnel et à partageabilité minimaux. A l’autre extrémité de l’échelle se trouverait l’image résultat de recherche : photographie d’excellente qualité technique, sur laquelle le sujet principal (central pour l’étude qui est menée) serait parfaitement cadré, à laquelle on aurait adjoint les différents éléments explicatifs attendus par la profession (échelle, ardoise, orientation, flèches…), figurant en bonne place dans un rapport de recherche et accompagnée d’une légende explicite.

  • 11 C’est-à-dire qu’elles ne feront pas l’objet d’une publication scientifique reconnue comme telle par (...)

41Cependant, ces images, que nous avons placées aux deux extrémités d’une échelle de « partageabilité » font partie d’un ensemble beaucoup plus large dont le point commun est d’être conçues pour servir le discours scientifique. Elles auront, ou à tout le moins pourront avoir, un intérêt à un moment ou à un autre du projet de recherche. Il n’y a donc pas rupture, mais bien plus certainement continuité entre elles. Ce que leur mise en regard permet d’observer, c’est l’archéologie en train de se faire, l’illustration du processus de construction de l’intelligibilité du site et de ce qui y a été découvert. C’est la connaissance historique qui s’élabore peu à peu au cours des différentes étapes de la fouille archéologique et de la valorisation des découvertes réalisées. Le chercheur connaît ces étapes pour les avoir franchies à plusieurs reprises. Il en anticipe les attendus dès les prémices. Une archéologue évoque ainsi le cas d’une équipe catalane qui a mis en ligne toutes les « fiches d’objets » réalisées au cours d’une fouille. Ces fiches, qui permettent d’inventorier la totalité du mobilier découvert sur le site, n’étaient jusqu’ici jamais publiées « officiellement11 » ni mises à disposition d’équipes qui ne seraient pas directement concernées par ces fouilles. En les publiant sur internet, cette équipe les déplace dans un autre contexte interprétatif. Elles demeurent cependant reconnaissables formellement en tant que fiches d’inventaire. Les photographies qui y figurent sont prioritairement destinées à des archéologues. Elles sont une forme de discours dont la recevabilité est conditionnée par certaines conditions de vérité. Leur véracité, leur capacité à témoigner du réel sont liées à la croyance en ce qui pourrait faire document à un moment et pour un groupe social donné. L’intérêt de ces images, n’est donc pas seulement de conserver la mémoire de toutes les étapes du chantier, mais aussi de mettre en visibilité les liens forts qui unissent formalisation des supports documentaires et progression du cheminement intellectuel des chercheurs. La pratique photographique suit les différentes étapes de la recherche et elle progresse avec elles. Lorsqu’elles sont considérées et étudiées dans leur ensemble, ces images prennent valeur d’Archive au sens qu’en donne Michel Foucault, c’est-à-dire de ce qui « déborde les discours et les expose en faisant apparaître les règles de la pratique discursive ». (Foucault, 1968).

42L’intérêt des photographies de travail est, de ce point de vue, presque plus grand que celui des illustrations choisies pour figurer dans les rapports de fouille, les articles scientifiques ou les supports de communication, car en tant que documents imparfaitement aboutis, elles montrent la face cachée de la recherche, ses étapes préparatoires, les moins nobles, les moins présentables, mais aussi les plus nécessaires au patient travail de mise en sens des découvertes de terrain. Ces documents sont en quelque sorte des discours scientifiques en gestation, en construction, en devenir et, en tant que tels, de précieux témoignages de l’activité de recherche en train de s’exercer et non en tant qu’elle s’expose.

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Bibliographie

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Notes

1 Projet Medphopa, anr-08-jcjc-0117.

2 Le projet de recherche « Lire, écrire, récrire » que nous avons mené collectivement pour le département Études et recherches de la bpi en 2003 posait les premières bases de cette approche (Souchier, et al. 2003). Nous l’avons également éprouvée dans d’autres contextes professionnels et organisationnels dans le cadre d’un projet financé par le cnrs intitulé « métamorphoses médiatiques » et dont les résultats sont présentés dans un ouvrage collectif intitulé « L’écriture des médias informatisés » (Tardy, Jeanneret, 2007).

3 Selon les normes relatives à la gestion de la documentation scientifique issue des opérations archéologiques, toutes les représentations, quelles que soient leurs techniques, leurs supports ou les sujets représentés, sont regroupées sous ce terme générique (arrêté du 16 septembre 2004 portant définition des normes d’identification, d’inventaire, de classement et de conditionnement de la documentation scientifique et du mobilier issu des diagnostics et des fouilles archéologiques). Cependant, tant que les résultats d’une recherche ne sont pas publiés, les chercheurs distinguent leurs fonds photographiques des autres « images » produites (dessins, cartes, relevés…) et le centre de recherche de Bibracte dispose de bases de données distinctes pour référencer ces différents types d’objets. Si donc nous nous sommes centrés sur la documentation photographique, nous l’avons fait en lien avec les autres ressources documentaires auxquelles elle est associée.

4 Nous avons également rencontré, dans un second temps, des archéologues du laboratoire Alma-Hipel, qui interviennent sur d’autres sites de fouille en France et à l’étranger.

5 Nous tenons à remercier ici toutes les personnes qui ont participé à cette étude en nous consacrant un peu de leur temps et en nous confiant leurs collections d’images et plus particulièrement Vincent Guichard (Directeur du centre de recherche de Bibracte), Eloïse Vial (Iconographe et Chargée de l’action culturelle à Bibracte), Antoine Maillier (Photographe du centre de recherche de Bibracte), Raphaël Moreau (Documentaliste du centre de recherche de Bibracte), Benjamin Girard (Archéologue, chargé de mission à Bibracte), Nicolas Tisserand (Archéologue à l’inrap), Fabienne Olmer (Archéologue au cnrs), Laurianne Sève (Archéologue à halma hipel, umr 8164), Gilbert Naessens (Photographe de l’umr 8164 - halma hipel).

6 Les expressions entre guillemets sont extraites des entretiens avec l’iconographe et le photographe.

7 Une des difficultés de l’observation venait de ce qu’une partie importante du travail d’analyse et d’interprétation des vestiges est maintenant effectuée avec l’aide d’ordinateurs. Les supports documentaires ne deviennent de ce fait matériellement appréhendables que lorsqu’ils « sortent » de la machine pour être imprimés ou publiés. Nous devions donc avoir accès aux ordinateurs personnels des chercheurs pour comprendre par exemple quels modes de classement ils avaient adopté pour ranger leurs documents ou s’ils suivaient une norme particulière pour le nommage de leurs fichiers.

8 L’un des chercheurs, particulièrement intéressé par ce travail réflexif, et avec lequel nous avions échangé longuement, a même comparé notre discussion à une psychothérapie.

9 Le diagnostic consiste à creuser des tranchées à intervalles réguliers en vue d’estimer si des vestiges existent avant la réalisation de travaux d’aménagement. A l’issue du diagnostic, le terrain exploré peut ne jamais être fouillé.

10 A ce titre, les archéologues considèrent le dessin comme plus « parlant » que la photographie, lorsqu’il s’agit de rendre compte par l’image du détail de la composition d’un carré de fouille ou de la forme d’un objet. Le dessin, comme Dominic Lopes l’a montré à propos des dessins lithiques réalisés par les archéologues, sont des représentations d’une objectivité mesurée. « Les dessins lithiques incorporent des interprétations qui sont très difficiles à effectuer par l’acte d’inspecter des photographies, et c’est ce qui les rend si utiles en archéologie ». (Lopes, 2005)

11 C’est-à-dire qu’elles ne feront pas l’objet d’une publication scientifique reconnue comme telle par la communauté des chercheurs en archéologie, telle par exemple qu’un article ou un rapport de recherche.

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Table des illustrations

Titre Illustr. 1 – Photographie d’une tranchée prise à Magny-Cours au cours d’un diagnostic archéologique
Crédits Photographie de Nicolas Tisserand, inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 300k
Titre Illustr. 2 – Photographie d’une statuette en bois prise à Magny-Cours au cours d’un diagnostic archéologique
Crédits Photographie de Nicolas Tisserand, inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 580k
Titre Illustr. 3 – Contact 6x6 pris en 1967 sur le site du sanctuaire d’Aï Khanoum en Afghanistan
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 824k
Titre Illustr. 4 – Une hypothèse mise en imagea) L’hypothèse de la tête de cheval
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 20k
Titre b) L’hypothèse du sanglier
Crédits Photographies d’Antoine Maillier - Bibracte
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 24k
Titre Illustr. 5 – Une photographie « pré-normée » et une page extraite de la documentation d’inventaire représentant le même type d’objet
Crédits Sources : inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 632k
Titre Illustr. 6 – Deux enseignes militaires recomposées numériquement
Crédits Photomontage d’Antoine Maillier - Bibracte
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/253/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 73k
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Pour citer cet article

Référence papier

Marie Desprès-Lonnet, « La photographie de travail dans les recherches en archéologie : un objet hybride entre prise de note informelle et compte rendu normé »Sciences de la société, 89 | 2013, 74-94.

Référence électronique

Marie Desprès-Lonnet, « La photographie de travail dans les recherches en archéologie : un objet hybride entre prise de note informelle et compte rendu normé »Sciences de la société [En ligne], 89 | 2013, mis en ligne le 31 janvier 2014, consulté le 17 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/253 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.253

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Auteur

Marie Desprès-Lonnet

mcf en Sciences de l’information et de la communication
Université Lille 3 ; geriico

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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