« Nous voulons juste une égalité homme/ femme qui est inscrite dans la loi mais qui ne se concrétise pas dans les faits »
Résumé
L’afj travaille depuis sa création en 1981 sur l’image des femmes dans les médias et sur les conditions de travail des femmes journalistes. L’association milite pour une représentation plus juste et plus équilibrée des femmes dans les rédactions ainsi que dans le traitement de l’information. Nous avons rencontré Pascale Colisson qui, en sa qualité de présidente de l’afj et de journaliste rédactrice en chef du magazine bimestriel Office mag, nous a parlé de l’engagement de l’Association et sa collaboration à divers projets, notamment au gmmp, en vue d’une meilleure représentation des femmes au niveau médiatique. La journaliste souligne l’évolution de la situation de la femme dans le secteur et insiste sur la nécessité « d’un travail de conscientisation, y compris parmi les femmes ».
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1L’afj travaille depuis sa création en 1981 sur l’image des femmes dans les médias et sur les conditions de travail des femmes journalistes. L’association milite pour une représentation plus juste et plus équilibrée des femmes dans les rédactions ainsi que dans le traitement de l’information. Nous avons rencontré Pascale Colisson qui, en sa qualité de présidente de l’afj et de journaliste rédactrice en chef du magazine bimestriel Office mag, nous a parlé de l’engagement de l’Association et sa collaboration à divers projets, notamment au gmmp, en vue d’une meilleure représentation des femmes au niveau médiatique. La journaliste souligne l’évolution de la situation de la femme dans le secteur et insiste sur la nécessité « d’un travail de conscientisation, y compris parmi les femmes ».
Durant une trentaine d’années, l’Association des femmes journalistes s’est engagée en faveur d’une meilleure représentation des femmes dans les médias : quels types d’actions avez-vous mises en œuvre à cette fin ?
Effectivement cette association a été créée il y a 30 ans et c’est vrai qu’à l’époque elle revendiquait une approche très féministe, se basant sur le double constat suivant : d’une part, les femmes étaient représentées de façon extrêmement stéréotypée dans les médias et d’autre part (d’ailleurs comme dans beaucoup de secteurs d’activités) on ne comptait pas beaucoup de femmes aux commandes de ces mêmes médias. Je ne dis pas qu’il y a une corrélation directe entre l’un et l’autre mais se pose quand même cette question-là.
Actuellement, nous menons deux actions principales : la participation au Projet mondial de monitorage des médias, le gmmp, en communiquant sur les résultats dans les colloques. Nous avons également été sollicitées par des radios pour parler de cette problématique de la place des femmes dans les médias. Nous avons lancé une deuxième action qui connaît un grand succès et est portée par une autre adhérente, Isabelle Fougère, ancienne présidente de l’afj : il s’agit du prix afj-Canon de la femme photojournaliste, soutenu par Le Figaro. Ces deux entreprises (Canon et Le Figaro) cofinancent l’opération, ce qui nous permet tous les ans de décerner ce prix à une femme photojournaliste, d’un montant de 8000 euros. Cela fait la dixième année que nous organisons ce prix et toutes nos lauréates ont des carrières magnifiques ; leur reportage est présenté au festival « Visa pour l’image », grand rendez-vous du photojournalisme, et une exposition est organisée dans une galerie. Ce prix, aujourd’hui reconnu dans le photojournalisme a permis de mettre en avant le talent de ces femmes
L’afj collabore depuis plusieurs années au gmmp : quelle est votre contribution et comment évaluez-vous cette étude ?
Notre association a commencé assez tardivement à collaborer au gmmp. Cette collaboration s’inscrit pleinement dans les missions de l’afj, de même que le fait de communiquer sur cette étude, auprès de journalistes que l’on connaît. A chaque édition du gmmp, nous organisons une conférence de presse, sollicitons la presse, afin de susciter des réactions … mais force est de constater qu’il est très difficile de nous faire entendre dans notre propre secteur. Au mieux, nous avons droit à une petite brève, à quelques lignes, mais ce sujet passe très facilement à la trappe. Et surtout, il ne provoque aucun débat au sein des journaux, ou auprès des journalistes, que ce soit des journalistes hommes ou des journalistes femmes d’ailleurs.
Je trouve que cette étude est très intéressante pour deux raisons principales : c’est une enquête effectuée sur 108 pays, qui analyse les évolutions de la représentation des femmes dans les contenus médiatiques de ces pays, aussi bien d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Il est très intéressant de comparer la situation de la France avec celle des autres pays. Et on constate qu’elle n’est pas la mieux placée, loin de là (sur un certain nombre de sujets concernant la femme, la France est définitivement une mauvaise élève !) Actuellement, le gmmp constitue au niveau mondial la plus ambitieuse étude ayant trait à la question de l’image des femmes diffusée par les médias d’information. Ce qui est intéressant d’autre part, c’est la méthode utilisée, à savoir le codage : on compte, tout simplement ! On n’est pas en train de parler d’ « impressions », mais de situations concrètes. Le codage permet un décompte très précis, la méthode est quasi scientifique, la méthodologie est extrêmement sérieuse.
La limite de cette étude : elle ne porte que sur une journée. De sorte que sur 108 pays, il y a forcément une journée au cours de laquelle un moment d’actualité peut biaiser les données. On prend alors le risque de tomber par exemple sur un jour où il est question d’un criminel en série, et où il sera tout le temps question des femmes assassinées, par exemple. L’étude serait plus représentative si elle portait sur un nombre de jours plus important. Ce serait peut-être plus judicieux de la mener sur une semaine, en tout cas sur un laps de temps un peu plus long … mais il est vrai que cela représente un énorme travail. Concernant le choix des médias, je trouve que qu’il est assez judicieux de prendre en compte la presse écrite, la radio et la télé : cela me paraît équilibré.
Vous communiquez sur cette étude auprès des médias : votre communication est-elle efficace ? Vous évoquiez plus haut les difficultés dans la prise de conscience par les médias des divers constats tirés des chiffres du gmmp…
A chaque édition, nous constatons que la presse reprend peu souvent l’information. Nous constatons cependant une évolution depuis l’enquête sur l’image des femmes dans les médias, diligentée en 2008 par le csa (Conseil supérieur de l’audiovisuel), et qui reprend entre autres les résultats de l’étude gmmp. Une initiative qui a conduit à la récente création de la Commission « Femmes et médias », au sein de laquelle Brigitte Grésy, inspectrice de l’igas (Inspection générale des affaires sociales) travaille à sensibiliser les rédactions sur la façon dont elles traitent l’information, au regard du genre. Cette commission bénéficie de moyens plus importants que les nôtres : nous sommes une petite association qui ne bénéficie pas de subventions et dans laquelle seuls quelques bénévoles sont actifs … D’autre part, nous comptons peu de femmes décisionnaires dans les rédactions dans notre structure qui rassemble plutôt des journalistes de terrain qui n’ont pas forcément accès à des postes à responsabilité. Nous n’avons pas facilement les moyens de nous faire entendre des médias, et devons passer par d’autres biais. Si effectivement le travail de la commission « Femmes et médias », qui s’appuie sur les résultats du gmmp, permet d’interpeller les responsables des médias, c’est très bien. Il n’y a aucune compétition entre nous, l’essentiel étant qu’au bout du compte, il ait une prise de conscience sur la question de l’image des femmes dans les médias.
La situation a-t-elle évolué vers davantage de parité médiatique depuis que le gmmp, en 1995, a réalisé sa première enquête ?
Je dirais que la situation évolue un tout petit peu, et depuis très peu de temps. Nous travaillons par exemple en collaboration avec Brigitte Grésy, qui s’est posé la question de savoir comment inciter les médias à mettre en place des indicateurs internes pour mesurer de quelles façons les femmes sont représentées dans leurs propres médias. Il s’agit toujours de médias volontaires, il n’est pas question d’agir sous la contrainte. Depuis très peu de temps, des initiatives émergent. Le Monde par exemple, a mis en place une cellule interne de surveillance afin d’être vigilant sur la façon dont les femmes sont médiatisées dans ses pages. J’approuve cette initiative, c’est un bon début, et j’espère que les autres médias, de fil en aiguille, vont suivre le mouvement. En tout cas, j’ai le sentiment que depuis un an, ce n’est plus un non-sujet. Il y a encore beaucoup de travail sur la prise de conscience, beaucoup de déni, mais l’impulsion est lancée.
Cette prise de conscience ne va pas de soi. Moi-même, avant de rejoindre l’association il y a six ans et d’être sensibilisée à ces questions, j’avais le sentiment en ouvrant les journaux que je lisais une presse « normale » entre guillemets. A partir du moment où j’ai pris connaissance du résultat des études du gmmp, les choses m’ont sauté aux yeux ! Et quand j’en parle dans mon entourage, je rencontre la même attitude : la première réaction des hommes comme des femmes, c’est : « Mais non, les journaux traitent l’information normalement, les représentations sont normales, ils sont un bon miroir de la société ». C’est là que le système de comptage du gmmp est très efficace : quand on leur cite effectivement les chiffres selon lesquels par exemple le métier des femmes est mentionné 14 fois moins que celui des hommes, cela suscite des réactions d’extrême surprise. Le Monde, il y a deux mois, a fait intervenir sur un sujet à peu près 8 philosophes, tous des hommes : moi, ça me saute aux yeux ! Ou quand Le Nouvel Observateur titre sur « les 100 intellectuels qui comptent » et qu’il n’y a que 3 femmes citées ! C’est vrai qu’une fois qu’on est sensibilisé à la question, cela paraît une évidence. Mais il est extrêmement difficile de le faire reconnaître au sein des médias. Il ne s’agit pas d’un sexisme affirmé, ou d’une volonté délibérée, mais simplement d’une non-prise de conscience de la problématique. Lorsque l’on parvient à instaurer un dialogue avec certaines personnes, une réflexion s’installe, mais cette question reste très compliquée à aborder.
Le site Les Nouvelles news d’Isabelle Germain est un média dont on a beaucoup parlé, tant il est novateur dans le paysage de presse française : comment percevez-vous cette expérience ?
- 1 Selon chiffres issus du Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) 2010 – rapport mondial. Text (...)
Isabelle Germain est l’une de nos adhérentes, elle a été présidente de l’afj et a toujours été très impliquée dans la représentation des femmes dans les médias. Il y a deux ans, elle a décidé de lancer un média qui était le premier du genre, Les Nouvelles news. Quand j’essayais d’expliquer, même aux journalistes, ce qu’était ce média, mes interlocuteurs n’en comprenaient pas le concept : un magazine féminin ? Féministe ? Non, c’est tout simplement un magazine d’information qui donne autant la parole aux hommes qu’aux femmes, alors que dans la majorité des médias, on donne la parole majoritairement aux hommes ; la parole experte, c’est à 78 % une parole d’homme1 ; l’actualité n’est présentée qu’à travers une perspective masculine. Ici, il s’agit juste de rétablir l’équilibre, il s’agit de traiter l’information mais avec un équilibre dans les représentations des hommes et des femmes. Un concept très compliqué à faire comprendre parce que, pour la majorité des personnes, un magazine qui donne plus de place aux femmes, c’est un magazine féminin. Bien évidemment, ce n’est absolument pas l’objectif, au contraire, puisque la plupart des magazines féminins ont tendance à enfermer les femmes dans des stéréotypes et des représentations et ne contribuent pas à les en faire sortir. Il ne s’agit pas non plus d’un magazine féministe : dans Les Nouvelles news, la question des femmes n’est pas l’objet de l’information. La finalité des Nouvelles news est de respecter un certain équilibre de parole, de témoignage, d’expertise. Et c’est vrai qu’Isabelle Germain a beaucoup contribué à faire avancer le débat. Elle a organisé un colloque le 9 juin 2011 autour de ce thème, où pour la première fois de nombreuses femmes occupant des postes importants dans de grands médias ont accepté de venir. C’est à ma connaissance la première fois qu’autant de responsables de grands médias français participaient à un tel débat. Pendant longtemps, les femmes elles-mêmes ne se sentaient pas concernées par ce sujet.
L’expérience d’Isabelle Germain est-elle le modèle à suivre ?
Isabelle Germain a le mérite d’agir en posant le problème calmement et en démontrant le bien-fondé de son action. Elle n’est pas sur une posture agressive, ni dans la revendication ou le militantisme : elle base sa réflexion sur les résultats des études du gmmp. Progressivement, elle est de plus en plus sollicitée pour parler de ces questions, car peu de personnes sont en capacité de le faire dans le paysage de la presse française. Petit à petit, à sa façon, elle fait avancer le débat, en particulier au sein du spiil (le syndicat de la presse indépendant d’information en ligne), qui représente les « pure players » de la presse internet. Aujourd’hui, elle est de plus en plus reconnue comme experte sur la question de la représentation des femmes dans les médias. Quand l’affaire DSK a éclaté, elle était la première à publier un article qui n’était pas à charge contre l’homme politique, mais précisait juste que l’on avait peut-être oublié de mentionner une autre victime potentielle. Conséquence : elle a été plusieurs fois sollicitée par la presse étrangère, comme le Guardian qui a publié immédiatement un article où il cite le fait qu’Isabelle Germain était l’une des rares journalistes françaises se positionnant différemment de la majorité de la presse. Elle a été également sollicitée par des médias suédois, canadiens : elle dérange mais elle le fait de façon très constructive, très saine.
Personnellement, ce qui me pose question, c’est la façon dont la presse française la présente. Elle a été interviewée au 20h de TF1 quand il a été question de la remise en cause du traitement de l’information dans l’affaire DSK et du fait qu’oublier de parler de la victime potentielle faisait bondir les féministes. En France, si vous osez dire « nous voulons juste rétablir un certain équilibre dans le traitement de l’information », vous êtes étiquetée féministe avec tout ce que ce terme peut véhiculer d’images extrêmement négatives. Or, quand je parle de l’affaire DSK autour de moi à des hommes et des femmes qui ne se revendiquent pas « féministes », nombreux sont ceux qui se disent choqués par le traitement de cette affaire dans les médias Les médias ont réduit le débat à la seule dimension féministe, ce qui me paraît extrêmement réducteur. Et très révélateur de la tendance très française à conserver une tolérance coupable pour les excès des hommes de pouvoir, et à considérer qu’il s’agit de pratiques normales et finalement pas si graves. Je ne reviendrai pas sur certaines déclarations d’hommes politiques, de journalistes ou de philosophes, qui ont depuis été largement commentées, et qui illustrent bien cette « exception française ». Alors que le débat doit tout simplement être recentré sur l’égalité homme/femme, qui est inscrite dans la loi, mais qui ne se concrétise pas dans les faits. Eternelle contradiction.
Au final, que retenez-vous du traitement médiatique de l’affaire DSK ?
Cette affaire est emblématique du fonctionnement des médias français : les médias étrangers ne nous ont d’ailleurs pas épargnés sur la façon dont cette affaire avait été traitée médiatiquement. Je pense que c’est une excellente chose : cela a permis de lancer le débat au sein des rédactions françaises. J’en veux pour preuve une discussion que j’ai entendue à l’antenne de France Info : deux journalistes hommes se sont exprimés sur la façon dont les médias français avaient traité l’affaire, pointant le fait qu’ils n’avaient bien souvent parlé que du « pauvre DSK », et n’avaient pas considéré qu’il pouvait éventuellement y avoir une autre victime. Ces deux journalistes ont évoqué publiquement, à l’antenne, ce qui est selon moi une première, que ce traitement avait fait débat au sein de la rédaction. Des femmes journalistes – ils citaient Raphaëlle Duchemin – ont fait valoir qu’il y avait peut-être une autre victime que DSK. Ils ont d’ailleurs reconnu que cette question avait surtout fait réagir les femmes. Je pense que cette affaire a provoqué une prise de conscience en particulier chez les femmes journalistes qui ont réalisé à quel point le traitement de l’information concernant l’image des femmes pouvait être biaisé en France. J’ose espérer que cette histoire va faire évoluer les mentalités. La question n’est pas de savoir si DSK est coupable ou innocent– la justice américaine s’est d’ailleurs prononcée sur la question–, mais d’analyser les réactions françaises et la façon dont les médias ont relaté l’affaire. J’espère que la leçon portera et provoquera un débat constructif.
Plus de femmes aux postes de responsabilité dans les médias aurait-il nécessairement pour conséquence une meilleure prise en compte des femmes et de leur représentation dans la presse ?
- 2 Photographie de la profession des journalistes : étude des journalistes détenteurs de la carte de j (...)
- 3 Gisèle Gautier, Rapport d’information « Femmes et hommes dans les médias » n° 375 (2006-2007), la (...)
Les derniers chiffres sur la féminisation dans le journalisme, issus de l’étude réalisée par l’Observatoire des métiers de la presse2, montrent qu’aujourd’hui, il y a plus de femmes journalistes que d’hommes : plus de diplômées à la sortie des écoles et plus de détentrices de cartes de presse. Environ 52 % des journalistes sont des femmes, notamment dans la presse magazine. Evidemment, dès que vous regardez de plus près qui occupe les postes à responsabilité, leur présence se dilue. Je pense d’ailleurs que la presse est l’un des secteurs économiques où l’on trouve le moins de femmes au top management. Des femmes comme Françoise Giroud ou Hélène Lazareff ont créé ou dirigé des grands médias. Aujourd’hui, quelle femme est à la tête d’un grand média d’information ? Le rapport de la sénatrice Gisèle Gautier3 montre que des femmes sont présentes dans les postes à responsabilité principalement en tant que chefs de rubriques, rédactrices en chef adjointes. Quelques postes de rédaction en chef sont occupés par des femmes (beaucoup dans la presse féminine d’ailleurs), mais aux postes clés, de pouvoir, les décisionnaires restent en grande majorité des hommes. Cette étude montre également que les statuts les plus précaires, (temps partiel, pigistes, etc.) sont aussi majoritairement le lot des femmes. Dans le secteur du journalisme, les hommes restent donc les sujets principaux, comme dans le contenu des nouvelles, comme le démontre l’étude du gmmp, qu’ils soient artistes, sportifs, politiciens, scientifiques, etc.
Cela ne signifie pas pour autant que les femmes sont les meilleures prescriptrices pour combattre les stéréotypes : elles contribuent souvent à entretenir les préjugés, tant qu’elles n’ont pas pris conscience de la persistance de ces stéréotypes. On l’a vu avec l’affaire DSK, où de nombreuses femmes se sont exprimées pour le défendre, notamment dans sa famille politique, pour excuser sa tendance très forte à la « pression séductrice » – pour ne pas prononcer le mot de harcèlement, visiblement connue de tous.
En l’absence de prise de conscience, il n’est pas absolument certain qu’une majorité de femmes journalistes dans une rédaction conduise à une meilleure représentation de l’image des femmes dans les médias. Surtout si elles n’ont pas le pouvoir pour décider des sujets, et de leur angle de traitement. Mais je pense néanmoins que le fait qu’elles soient plus nombreuses les incite à peser pour traiter des sujets qui intéressent les femmes, par exemple la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Prenons l’exemple d’un des secteurs qui est à mon avis le plus « résistant » à la médiatisation féminine : celui des rubriques « sport ». Les femmes journalistes sportives dans la presse française sont presque systématiquement assignées à couvrir des sports dits « féminins » et les championnes sportives françaises bénéficient d’une très faible visibilité dans les pages « sports » des médias (4 %), par rapport à leurs homologues masculins. Cette presse est totalement noyautée par les hommes, ce qui influe forcément sur un contenu médiatique qui présente plus souvent les sportives sous l’angle de leur plastique ou de leur vie privée que de leurs performances d’athlètes. S’il y avait plus de femmes dans les rubriques sportives, l’information serait peut-être traitée différemment.
Je donne des cours dans une école de journalisme, et parmi les étudiantes, certaines sont fans de sport et souhaiteraient se spécialiser dans ce secteur. Elles font des stages au sein de rédactions sportives et expriment les difficultés à s’imposer dans ce milieu. Il reste encore un énorme travail de conscientisation à mener, y compris parmi les femmes. Mais j’ai le sentiment, après avoir prêché dans le désert pendant des années, d’un frémissement très prometteur. Peut-être que nous aurons la satisfaction de mesurer cette évolution lors de la prochaine étude du gmmp.
Notes
1 Selon chiffres issus du Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) 2010 – rapport mondial. Texte disponible [enligne] :URL :http://www.whomakesthenews.org/images/stories/website/gmmp_reports/2010/ global/gmmp_global_report_fr.pdf
2 Photographie de la profession des journalistes : étude des journalistes détenteurs de la carte de journaliste professionnel de 2000 à 2008, Observatoire des métiers de presse, mai 2009.
3 Gisèle Gautier, Rapport d’information « Femmes et hommes dans les médias » n° 375 (2006-2007), la délégation aux droits des femmes, juillet 2007. Texte disponible [enligne] : URL : http://www.senat.fr/rap/r06-375/r06-375.html
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Référence papier
Smati Nozha, « « Nous voulons juste une égalité homme/ femme qui est inscrite dans la loi mais qui ne se concrétise pas dans les faits » », Sciences de la société, 83 | 2011, 152-160.
Référence électronique
Smati Nozha, « « Nous voulons juste une égalité homme/ femme qui est inscrite dans la loi mais qui ne se concrétise pas dans les faits » », Sciences de la société [En ligne], 83 | 2011, mis en ligne le 26 février 2016, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/2230 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.2230
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