- 1 Parmi ces sites, l’on peut trouver des marques comme celles de Facebook, mais aussi plus largeme (...)
- 2 En ce sens, cette analyse tente une approche socio-sémiotique, se démarquant d’études menées por (...)
1Comme beaucoup d’autres acteurs sociaux, les journalistes locaux sont aussi présents sur Twitter et mobilisent également les marques émergentes relevant de la catégorie des sites permettant d’établir une stratégie énonciative de présence en ligne1. Dans et autour de ces dispositifs, se construisent et s’établissent des processus de communication que nous avons tentés d’explorer, en mettant en œuvre des méthodologies adaptées. A cette fin nous avons envisagé Twitter comme un terrain concret, s’incarnant dans une suite d’écrans présentant des composites de signes et encadrant des documents établissant des leurres de pièces d’identité professionnelles et signant des « tours de paroles »2. Pour observer les appropriations de ces outils par les journalistes locaux, nous avons donc mené une observation participante à partir d’un profil personnel et réuni un corpus de tweets (gazouillis) provenant de profils journalistiques, s’identifiant comme journalistes locaux.
- 3 Jeanne-Perrier (V.), « Parler de la télévision sur Twitter : une réception oblique à partir d’un (...)
- 4 Le compte a été établi en juin 2009 et a été mobilisé régulièrement depuis pour plusieurs recher (...)
2En nous appuyant sur des travaux antérieurs portant sur les dispositifs informatisés et leurs usages journalistiques et médiatiques, nous observons les mobilisations de la marque Twitter, présentée comme une marque de micro-blogging (une forme standard permettant rapidement d’établir un petit blog aux contenus fragmentaires), s’apparentant à la catégorie des outils en ligne dite de « réseau social ». Dans un premier article publié dans la revue Communication et langages, une précédente étude a consisté à analyser les pratiques de réception des médias, et plus particulièrement celles de la télévision, lorsque les utilisateurs et en même temps récepteurs d’émissions diffusées sont aux prises avec le dispositif du réseau social3. Cette double posture de réception est actée par des productions discursives « dans » Twitter. Pour produire à la fois un corpus de tweets (fragments de textes écrits et mis en signes) et un terrain d’observation (la réception d’un média dans un autre média), a donc été constitué un « profil » (une identité posée dans les cadres d’identification de la marque constituée par Twitter) de chercheur dans le dispositif, en jouant le jeu des règles de ce dernier et des rituels d’interaction tels qu’ils semblent s’établir dans le cercle des personnes identifiées comme « intéressantes » pour le projet de recherche4. Les profils alors suivis ici sont ceux de journalistes locaux. L’observation participante régulière entamée lors de la première recherche soutient en grande partie les analyses posées dans cette seconde analyse, autour des pratiques des journalistes locaux ; elles prolongent les remarques alors effectuées sur la pratique du live-tweet, c’est-à-dire la production de tweets en simultané de la réception d’un programme télévisuel.
3Afin d’observer les mutations de l’information locale, nous nous attardons sur le pôle de la production des tweets, et de sa nature, lorsqu’elle se rattache à une identité de journaliste local, affichée mais également discutée et étiquetée dans les cadres fournis par l’outil. L’analyse est restreinte à l’étape d’établissement du « profil » de type journalistique, sur Twitter. Elle procède d’une focalisation sur une petite forme éditoriale proposée par cette marque au moment de la création du « compte » d’utilisation.
4Cette forme ressemble quasiment à une carte d’identité, affichée par les utilisateurs indiquant un attrait pour les professions des médias. Pour formaliser un corpus structuré et mener l’analyse à partir de cette forme unitaire, est mobilisée, dans le but de répondre au critère d’unité de constitution du corpus, une liste de journalistes présents sur cette plateforme, liste constituée par un ingénieur, Olivier Duprez (présent sur Twitter par le pseudo @ymobactus). Cette liste repère et établit des résultats sous forme de palmarès des journalistes français présents sur les réseaux et mobilisant régulièrement l’outil5. Nous verrons que ces profils identitaires sont riches d’indications sur les façons d’envisager les métiers du journalisme et d’en porter des propositions de transformations, par le truchement de l’usage de Twitter, notamment6.
- 7 Y a du « Progrès » à faire, Libération, 3 octobre 2011, article rédigé par Catherine Coroller.
- 8 Ringoot (R.), Utard (J.-M.), 2005, Le journalisme en invention. Nouvelles pratiques, nouveaux ac (...)
5Une première partie du texte explore la place attribuée à ce dispositif dans les trajectoires professionnelles, par l’observation des pratiques de « remplissage » des profils, outil qui sera présenté dans le même temps que la méthodologie d’approche socio-sémiotique sera disséquée. Le profil sous Twitter apparaît comme un espace de respiration, pour une pratique sous contrainte et un journalisme qui s’exerce dans des médias qui semblent avoir du mal à se renouveler en termes de contenu et de formes7. Il est alors à resituer dans une histoire récente et pourtant dense des dispositifs tels que les sites personnels ou encore les blogs : ces espaces sont des laboratoires expérimentaux des comportements, formats, usages et tentatives d’innovations journalistiques, pour reprendre partiellement le titre d’un chapitre de l’ouvrage Le journalisme en invention. Nouvelles pratiques, nouveaux acteurs (Ringoot, Utard, 2005)8, chapitre longuement intitulé « Les sites web d’auto-publication : observatoires privilégiés des effervescences et des débordements journalistiques en tous genres ».
6Dans une deuxième partie du texte, la thématique centrale du rapport au territoire est abordée. Avec Twitter, la dimension de trajectoire professionnelle qui s’élargit d’un espace géographique et thématique du local au national, voire à l’international, déjà présente autour de l’appropriation des blogs prend une ampleur nouvelle. Dans un marché du travail incertain, l’espace éditorial contraint du profil permet de jouer avec les normes de définition du projet professionnel. Ni tout à fait curriculum vitae, ni espace personnel dédié à une activité ou un hobby à côté du métier, le profil sous Twitter permet de jouer sur plusieurs registres de formes, de tons et de travailler, par le bas, les représentations et les normes imposées à la fois par la profession et ses instances, les pairs et le dispositif lui-même. La norme de l’attachement éditorial et rédactionnel à l’empan de la localité du média de rattachement est travaillée, voire disqualifiée.
7La troisième partie du travail souligne enfin que l’identité professionnelle du journaliste local se technicise : le dispositif est l’occasion d’exposer des pratiques de métiers autour de la mobilisation d’outils à la fois matériels et logiciels. Cette panoplie englobe également l’incorporation d’une culture numérique portée par le mixage et le collage de médias. Elle n’est ni décrétée par des instances représentatives ni par des injonctions venues du cœur des rédactions, mais elle est petit à petit édifiée par la pratique exposée et confrontée dans cet espace non perçu nécessairement comme directement médiatique et managérial.
- 9 Ces incertitudes sont relevées par deux auteurs, Marie-Christine Bureau et Emmanuelle Marchal da (...)
8Au total, l’observation participante au long cours permet de souligner de quelles manières, dans le jeu des termes choisis dans un espace éditorial restreint à l’écran et destiné à laisser des éléments biographiques (par le jeu de « remplissages » successifs des cadres des messages et des éléments d’identité, guidés par la prescription d’usage de l’outil contenu dans l’espace du site et dans les articles et les médias le commentant), se dessinent des petits récits ténus de trajectoires professionnelles. Ces récits microscopiques inclus dans les prises de paroles dans Twitter font varier les échelles des territoires et les modalités du discours tenu (humour, injonction, interrogation, confrontation, lien, etc.), à partir d’une exposition de la pratique professionnelle liée à la production de l’information d’actualités locales. L’outil Twitter semble alors jouer le rôle d’un espace intermédiaire à part, entre public et privé, entre individuel et collectif, entre local et national, pour s’assurer d’un avenir professionnel, médié et communiqué par chacun, alors que les incertitudes sur l’emploi des journalistes sont élevées et que sont bousculées les médiations traditionnelles sur le marché du travail particulier au monde des médias9.
Figure 1 – Les 4 étapes d’un processus de communication médié : du profil aux visages journalistiques
9Le site propose un formulaire d’inscription, qui invite à définir, en creux, un projet professionnel, pour les journalistes. Ce formulaire pose trois éléments de définition : l’un est celui de l’image à donner (on peut insérer une photographie), l’autre offre un cadre vide où l’on peut écrire en quelques lignes un parcours, des habitudes, des visions (on peut écrire des séries de mots, une phrase : l’étiquetage est laissé à la libre expressivité et inventivité de chacun). Le dernier invite à laisser un lien internet vers un autre site ou un autre contenu médiatique. Ces trois étapes dessinent selon nous un espace relevant de la notion de dispositif sémio-technique au sein duquel l’identité est au travail (Appel, Boulanger, Massou, 2010). Twitter travaille par ces cadres plastiques la question de l’identité professionnelle (voir illustrations 1/ La carte vide et 2/ Le jeu des étiquettes).
- 10 Souchier (E.), Jeanneret (Y.), Le Marec (J.), dir., 2003, Lire, écrire, récrire : objets, signes (...)
- 11 Nous sommes inspirée dans cette approche par les travaux de Yannick Fondeur, travaux portant sur (...)
10Une telle analyse est produite à l’aide d’une analyse sémiologique menée en parallèle de l’observation participante (Souchier, 2003)10. L’interface du profil établit un dispositif d’identification ressemblant à une carte professionnelle, modifiable et souple. Ainsi, dans un premier temps de l’analyse, nous nous arrêtons sur cette interface d’établissement du profil, qui s’apparente à l’espace d’un curriculum vitae condensé11 : si cette partie n’est pas celle qui pourtant sera valorisée dans la communication et dans les échanges, voire dans les reprises médiatiques d’autres médias pour rendre compte d’un événement (le tweet s’apparentant à un substitut de micro-trottoir), elle est pourtant la base structurante de l’engagement dans les interactions qui vont construire la « ligne de temps », c’est-à-dire la suite des messages d’un « émetteur ». Le site invite à établir un profil, construisant au fil du temps un visage journalistique, permettant d’éventuels virages professionnels, si nécessaires.
11Le capital symbolique acquis autour de la mobilisation du compte sera converti en accélérateur de la mise en relation avec un pair. L’outil devient un moyen d’appui du processus social et professionnel de cooptation, non uniquement par le contenu produit, mais par la connivence que son usage induit. Il offre un espace tiers, qui n’est ni tout à fait professionnel, ni tout à fait personnel, exposant une éthique particulière, liée de manière souple aux gestes journalistiques (récolter des données, les analyser, faire témoigner, écrire, monter, coller, annoter, diffuser, ajouter des liens).
12La fiche identitaire constitue alors un espace clé et pourtant discret, mais « édifiant », à la fois pour l’émetteur et les éventuels récepteurs, qui s’y référeront s’ils souhaitent davantage qualifier les messages émis dans l’espace de la ligne de temps par une personne, sur le site ou l’application sur téléphone mobile de Twitter. Les éléments structurants de cet espace sont la photo du profil, la description d’un « caractère » particulier choisi pour émettre les tweets et se présenter sur cette scène, aux cadres formatant les prises de paroles. Les autres informations sont en effet contraintes par l’outil lui-même : le nombre de tweets émis, le nombre de followers, le nombre d’abonnements et les favoris sont conservés directement par le truchement de la technologie de « traces » de la marque. Certains utilisateurs de Twitter établissent également des listes permettant de rassembler des profils sous une même étiquette. Ce travail de regroupement est signalé par certains spécialistes de la pratique de Twitter comme un moyen supplémentaire de qualifier l’identité numérique établie. Certains utilisateurs sont aussi très vigilants à propos des listes sur lesquelles ils apparaissent.
- 12 Voir notre liste de 7 items d’analyse reportée en fin d’article pour examiner précisément les lo (...)
- 13 Pour mener l’analyse du corpus, nous avons établi une grille d’analyse mêlant analyse de discour (...)
13Pour explorer le corpus établi pour la recherche portant sur les mutations de l’information locale12, nous regarderons notamment les termes choisis par les journalistes pour rendre compte de leur « biographie », telle que l’espace dédié par Twitter la notifie et la contraint. A l’observation de la variabilité des termes employés, l’on peut constater que s’instaure un jeu discursif entre cette prescription du dispositif, qui indique qu’il faut se qualifier, et les termes et morceaux d’informations choisis par les journalistes eux-mêmes13. Pour cette partie, il est intéressant de noter que les journalistes locaux ne vont pas nécessairement directement évoquer cette « localisation » de leur pratique professionnelle. La notification du rattachement au local se fait parfois dans ce micro-récit convoqué par la petite forme (« fiche identitaire), mais elle est plus souvent reportée dans les tweets et la ligne de temps (la timeline) ou bien dans le « nom » même du profil retenu, également appelé « handle » (le @suivi d’un nom).
14Dans ces premiers moments de la présentation, il est très régulièrement mentionné un rapport à la pratique journalistique, au delà du nom choisi pour le profil. Rares sont les journalistes choisissant un rapport de proximité à un média local : cette mention apparaît le plus souvent en second, et se reporte dans les messages ou les médias choisis (photos principalement) pour attester d’activités et de taches et missions journalistiques. La pratique du terrain de proximité est photographiée, dans son quotidien « infra-ordinaire », sous formes de photos présentant des bribes de scènes, un « morceau » de banal projeté dans un espace global.
15Le rappel du local est donc situé dans la prise de parole régulière, pour dire la réalité du métier, mais aussi pour l’enchanter ou pour la mettre à distance. Le profil peut alors apparaître comme un défouloir, contrôlé mais qui construit la preuve d’une distance à la pratique, à la quotidienneté. En ce sens, Twitter est le lieu de la constitution d’un référentiel de compétences indirectement établi, par les acteurs eux-mêmes, référentiel constitué de listes de tâches et de projections sémiotiques : le profil permet par des choix de signes de se projeter en tant que professionnel, d’établir un projet de carrière.
16Les journalistes locaux se montrent et se construisent en lecteurs de la presse locale mais aussi en consommateurs critiques de la presse nationale, convoquée également dans les photos qui sont insérées dans des messages au ton analytique quant à la pratique des confrères de cette presse. Les messages apparaissent alors comme des fragments d’une pratique éditoriale, le journaliste local n’ayant que peu accès à cette forme particulière d’un écrit plus long, au ton polémique et essayiste.
17Le tweet est alors le succédané d’un édito, concis : les tournures sont satiriques, les petits signes de ponctuation établissent des notes d’humour et d’interaction communes à l’ensemble des utilisateurs de Twitter, parmi lesquels beaucoup de journalistes sont représentés. Sur la liste d’@ymobactus, 50 journalistes sont listés pour une pratique journalistique au niveau national. Ce premier noyau dur, représentant des journalistes travaillant pour des médias situés à Paris, est certainement plus large. Cependant, ces 50 profils regroupent un ensemble d’individus formant un réseau interagissant régulièrement, s’échangeant des messages, acceptant les interactions à la fois avec des interlocuteurs non professionnels et avec des « collègues » n’étant pas rattachés à des médias nationaux. Leur pratique est celle d’une avant-garde, annonciatrice et expérimentatrice d’activités et de missions à la croisée des gestes éditoriaux, documentaires et sociaux.
18Les interactions sociales dépassent ainsi les éléments de biographie affichées et modulées dans la forme « carte d’identité » : ces éléments servent à montrer « patte blanche ». Ils permettent d’afficher une connaissance intrinsèque des codes et des normes du groupe professionnel. Ils sont le lieu de l’affichage d’une socialisation aux règles du métier inscrites comme des devises. L’investigation y est mentionnée comme une valeur fondamentale, la « vérité » est un principe déontologique souvent rappelé. L’effet « charte » en miniature y est patent. C’est l’économie de signes de cette déontologie qui est surprenante : les quelques caractères accordés par l’espace du dispositif, la contrainte imposée par l’outil sont l’occasion de faire la démonstration d’une habilité à rappeler l’ancrage dans une profession, mais tout en faisant sauter les normes de la mise en contact et de la discrétion habituelle en matière d’affichage d’ambition personnelle. Ces journalistes locaux ne s’interdisent pas de penser et d’afficher des envies de « bouger » ailleurs et en mobilisant plusieurs types de formats. Le « transmédiatique », le « multimédiatique », termes employés pour désigner les mutations des modèles économiques et éditoriaux des médias, n’apparaissent pas comme des repoussoirs qui risqueraient de mettre à mal le rapport au métier. Ils sont, dans le processus observé sur Twitter, des principes actés par la mobilisation même de l’outil.
- 14 Aubert (N.), Haroche (C.), dir., 2011, Les tyrannies de la visibilité. Être visible pour exister (...)
19Se tisse donc une tension entre le dispositif instituant des cadres formels et l’acteur qui tente, par des jeux d’étiquettes discursives, de se définir une identité professionnelle et se forger des compétences particulières de veille, archivage, valorisation et circulation de l’information. De telles compétences ne sont pas nécessairement encore repérées dans les rédactions traditionnelles, et notamment dans les médias locaux. L’identité est alors travaillée, par la négociation avec les éléments sémiotiques et visuels pensés en amont du remplissage. Le travail de l’identité joue de la valse permanente des étiquettes discursives. Il s’agit pour les journalistes de se désigner par des mots, des indications de positionnement non nécessairement repérés par la profession, et donc de se sortir, par le bas, à un niveau individuel mais industrialisé par la standardisation des formes d’inscription mise en œuvre par le « réseau social », d’une tyrannie de la visibilité imposée par une idéologie de la communication personnelle émergente (Aubert, Haroche, 2011)14.
20Pour les journalistes locaux, le processus est complexe, pourtant il est souvent dénigré, en étant désigné sous des termes peu élogieux ou par des références moqueuses à l’offre de consultants proposant d’accompagner ce travail de l’identité par du « personnal branding ». Une telle pratique est poussée par les consultants multimédias accompagnant de leurs discours et de leurs sites ce mouvement qui consiste à faire de chacun son propre médiateur. De tels acteurs sociaux sont désormais invités à animer des séquences médiatiques événementielles, à donner des sessions de formations aux « réseaux sociaux ». Leur mot d’ordre : faire de soi une marque, valorisée et exposée par ce travail de communication exposé dans un espace d’expression potentiellement grand public, mais peut-être essentiellement destiné à un entre-soi, celui des journalistes prenant en main leurs trajectoires et resserrant des liens, au-delà des classifications et des repères géographiques traditionnellement admis.
21Si ce travail est trop patent, alors l’utilisateur sera discrédité aux yeux des autres usagers. Mais s’il est habilement joué, alors le twittos est adoubé et peut afficher cette nouvelle ressource, pour entrer dans un cercle d’inter-reconnaissance élargi, hors de la « localité ». Lors d’événements professionnels, ou sur le terrain, deux utilisateurs se cherchent, apprécient de se dévoiler et de se découvrir en « vrai ». La conversion du capital symbolique acquis dans le dispositif est immédiate, autour d’une petite connivence, d’un début d’entre-soi. L’outil enclenche alors une forme possible de maximisation d’un processus d’acquisition d’un capital social, permettant de tisser des liens entre des rédactions, sans nécessairement entraîner des logiques de coopération active. Il permet de s’apprécier mutuellement et de se renvoyer, dans un jeu de dons et de contre-dons des liens, des contacts et aussi des audiences, en pointant vers les sites et les ressources exposées par les usagers journalistes. Le processus communicationnel est fin et procède des allers-retours entre l’outil de communication et le monde des sociabilités professionnelles : le réseau social ne le transforme pas nécessairement. Il y ajoute une mince couche de sémiotisation dont il s’agit d’être capable de jouer et d’incorporer à l’activité professionnelle et personnelle.
22Le processus observé pour les journalistes locaux accompagne les transformations des modèles éditoriaux des médias, milieu professionnel des journalistes : ces médias deviennent des répertoires de mises à disposition de séries de dispositifs s’encastrant. Savoir en mobiliser les registres, pour un journaliste, est donc une compétence d’écriture, de lecture et de socialisation, les trois niveaux s’entremêlant.
23Dans le domaine de la presse régionale, les journalistes se sont également lancés sur les réseaux sociaux en « complément » de leurs activités professionnelles. Nous voudrions voir en quoi l’usage de ce dispositif est mobilisé dans l’espace du média de rattachement et dans la discussion de l’identité professionnelle. Twitter permet éventuellement de projeter au delà de l’espace local ; l’espace local étant du coup, dans la rédaction, indirectement impacté par l’outil. Il permet éventuellement de faire la preuve d’une dextérité à trouver rapidement une source, une information, au-delà du traditionnel réseau de contacts directs.
- 15 L’article produit pour le site du quotidien La Nouvelle République.fr par le journaliste Christo (...)
24Ces utilisateurs journalistes font tous la démonstration d’une capacité à prendre des latitudes d’avec son média local : comme dans la réception de la télévision sur Twitter, le journaliste local adopte un regard que nous avons qualifié d’oblique, comme Richard Hoggart le signale dans ses travaux liés à l’analyse des cultures populaires (Hoggart, 1957). L’oblique, chez les journalistes, consiste à se moquer gentiment des événements locaux, à critiquer aussi, comme dans une sociologie des médias vite trivialisée, les travers d’un système médiatique global et surtout ceux de la télévision et des médias nationaux. Dans leurs profils, ils y soulignent également les tiraillements organisationnels et rédactionnels liés aux mutations économiques et à la crise que traversent certains titres15.
25La promotion de l’activité journalistique dépasse alors le cadre d’un territoire local. Cette activité est cependant régulièrement réinscrite dans un cadre mythique, celui d’un journaliste de terrain, observateur, sachant exercer son regard, donner du sens et surtout, attentif à un public, qui dépasse celui des pairs. Les pairs constituent cependant toujours un cercle privilégié : dans l’appropriation de Twitter, ceux-ci sont interpellés quand ils sont acteurs à un niveau global. Le dispositif s’entoure d’un discours circulant soulignant non seulement la rapidité d’acquisition d’informations pertinentes, expertes et sans cesse renouvelées, mais aussi la facilité d’accès à des profils différents. Le dispositif semble alors pour les journalistes être l’occasion de mailler collectivement le territoire français d’un carnet d’adresses non institutionnelles. Ce carnet pourra être alors éventuellement mobilisé soit dans une logique de trajectoire professionnelle, soit dans une logique de resserrement des liens dans un collectif dynamique, partageant des valeurs renouvelées en ce qui concerne le rapport à la technique et aux hiérarchies.
26Sont ainsi souvent moqués les journalistes plus anciens, qui s’essayant à Twitter, conservent des règles de mise à distance dans les interactions de sociabilité : Laurent Joffrin, journaliste du Nouvel Observateur a ainsi, dans un tweet, regretté qu’un plus jeune collègue le tutoie. Ce tweet a servi de prétexte à afficher une nouvelle norme, celle d’une égalité de rapport entre les membres journalistiques des utilisateurs de l’outil.
27Dès lors, les hiérarchies traditionnelles semblent tomber, quand les stagiaires, qui ouvrent leurs comptes, « parlent » aux responsables de leurs rédactions ou de médias nationaux. Dans le même temps, des responsables de rédactions s’invectivent ou se moquent mutuellement de leurs traitements des événements, mais tout en restant proches. Enfin, il faut aussi noter que ces journalistes locaux suivent une avant-garde de quelques journalistes parisiens, formant une escorte avancée, rapide à promouvoir de nouvelles pratiques qu’ils re-socialisent à l’intérieur de leurs rédactions, diffusées ensuite par les journalistes locaux.
- 16 Notion proposée par Jeanneret (Y.) et Souchier (E.), synthétisée dans Christin (A.-M), dir., 200 (...)
28Ces analyses appellent une première remarque d’ordre réflexif sur les moyens employés pour observer les appropriations des « réseaux sociaux » par les journalistes locaux : nous établissons un artefact sémiologique, au travers de la récolte d’un ensemble de documents, constitué à partir d’interfaces similaires et mobilisés par des acteurs aux statuts professionnels similaires. Cette récolte fabrique un terrain de toute pièce, à partir d’une succession de tâtonnements méthodologiques, qui peuvent soulever des doutes épistémologiques. Nous souhaitons souligner que la collecte des profils et des tweets, sortis de la logique globale du dispositif qui propose, dans sa « communication », des règles et des processus d’interaction, pose problème en termes de recherche. En effet, l’objet « carte d’identité » ne va pas de soi. Il est construit comme tel dans un corpus les réunissant a posteriori autour d’une métaphore éditoriale : le « profil », équivalent d’une carte d’identité ? Dans ce moment suspendu de la capture, sont accolées ensemble des entités uniques, qui ne s’inscrivent pas nécessairement dans les mêmes logiques d’usages globales. Ces logiques divergent au fil de l’apprentissage de la marque analysée. Ainsi, le dispositif propose des usages, qui sont prescrits, mais non nécessairement suivis. L’objet numérique est souvent très rapidement réifié par le chercheur, qui escamote l’analyse des effets des cadres formatant ce qui est produit à l’écran, à partir de ces « architextes »16, ainsi que les usages réalisés et vécus. Si l’analyse sémiologique de ces signes peut permettre de s’écarter d’un discours de la pure virtualité des objets numériques et des processus sociaux qu’ils sont sensés modifier, elle peut conduire à reconstituer des intentionnalités qui « n’y sont pas ».
- 17 Des événements postérieurs à la communication liée à cette recherche et à sa première écriture p (...)
29Y a-t-il alors des effets de Twitter sur les pratiques à l’intérieur des rédactions de ces relations hiérarchiques exposées et travaillées à l’intérieur d’un dispositif d’écriture et sémiotisation de processus de communications entre pairs ? Il est difficile de l’analyser à partir des traces d’usages et de discursivité affichées sur les comptes. Il serait nécessaire, aux côtés de cette analyse socio-sémiotique de mener des entretiens semi-directifs et de conduire dans le même temps des séquences d’observation participante de la pratique professionnelle sur le terrain, afin de confronter l’usage affiché et l’usage réalisé et restitué. Il est cependant probable que quelques sujets nationaux aient pu trouver un nouvel éclairage en local, à partir de la mobilisation de quelques tweets ou d’utilisateurs de Twitter, saisis comme de nouvelles formes de témoins et de sources, valables, véridiques et acceptables, en tant qu’informations. De même que le traitement national d’une information locale, poussée par un compte d’un journaliste sur le territoire local peut être accéléré et complété par des rédactions de médias au dehors de ce territoire. La mobilisation de l’outil semble alors pouvoir permettre une mise en équivalence de visibilité et de capacité à réagir et à interagir à toutes les échelles du territoire pour les journalistes locaux17. Nous avons pu aussi démontrer la richesse et la finesse des processus revisités par l’intégration d’une nouvelle couche sémiotisée d’interactions, à laquelle s’ajoute une logique technique, favorisant la cristallisation d’une identité journalistique particulière. Nous ne cherchions, à travers cette analyse socio-sémiotique de la mobilisation de Twitter dans l’activité professionnelle journalistique, ni à mesurer la valeur du capital social éventuellement acquis, ni à observer la variété des informations transmises entre acteurs sociaux, mais à souligner les processus par lesquels l’intrication des dimensions sémiotiques et sociales du dispositif produisent parfois des effets communicationnels à la fois pour les trajectoires professionnelles des journalistes et pour l’économie générale des médias (Lemieux, 1999).
30Dans l’ensemble des profils réunis, nous pouvons montrer que le dispositif n’a pas nécessairement que des fonctions précises. Il peut être mobilisé comme un espace de réflexivité, non nécessairement dans un premier temps pensé comme tel mais suffisamment plastique pour permettre d’explorer, de questionner et d’interagir entre pairs, de faire l’expérience de la relation d’une médiation rapprochée avec des publics, de toutes natures.
31C’est ainsi le cas de Christophe Colinet, qui à partir de son profil @christreporter, quitte régulièrement le terrain de sa locale de Tours et de son quotidien de rattachement La Nouvelle République, pour déployer une activité éditoriale plus globale, à propos d’événements ou d’idées, autour de son site personnel Polysémiste. Il a été aussi longuement contributeur du site Electron Libre. Ce profil et les sites promus par son intermédiaire permettent donc un jeu autour du territoire et des thématiques de prédilection pour la pratique d’écriture. Ils sont aussi le lieu de la démonstration de son « propriétaire » d’être en capacité d’attachements multiples à diverses publications, en restant solidaire, capables de soutiens, de coups de mains, et de coups de griffes vis-à-vis des politiques, des sources, voire même des publics. La tradition de polémique, de moquerie, de distance vis-à-vis des hiérarchies, des pouvoirs en place est convoquée à nouveau et rejouée.
- 18 C’est ainsi que la conférence nationale des métiers du journalisme propose le 29 septembre 2011 (...)
32Les normes professionnelles sont alors produites par le « bas », au quotidien dans une activité non nécessairement reliée à la sphère du métier et de ses instances organisationnelles, syndicales ou associatives. Si l’établissement d’un référentiel de compétences techniques est sous-jacent, sa formalisation se produit ailleurs, dans les discours d’accompagnements et d’escortes, d’autres acteurs proches de ces journalistes, dits twittos. Le profil d’Alice Antheaume, responsable des activités prospectives de l’école de journalisme de Sciences Po Paris et auparavant journaliste pour le quotidien gratuit 20 Minutes, relié à son site wip (Work In Progress), participent notamment de cette formalisation de type référentiel, comme dans une approche « ressources humaines ». Ce référentiel n’est pas formalisé dans un premier temps, il est de nature non institutionnelle. Puis rapidement, et dès la fin de 2011, des associations et des syndicats vont proposer des « passeports », des référentiels métiers qui insistent sur cette maîtrise des « réseaux sociaux », devenus alors des objets incorporés au domaine journalistique et médiatique18.
33Sur ce site wip, promu par des tweets réguliers du profil de son animatrice, doublés par ceux du directeur de l’école de journalisme, Bruno Patino, des monographies de cas présentant des innovations médiatiques liées aux réseaux sont diffusées et montrées en tant qu’ensembles à assimiler. Twitter y est souvent mentionné comme marque incontournable de la diffusion d’informations. Le discours est alors programmatique. Notre analyse tente une mise à distance de cette première logique en montrant par quels processus, inscrits dans Twitter, la pratique discursive régulière, appuyée par une certaine régularité, orchestre une forte activité de médiation et de négociation des règles professionnelles. En ce sens, la maîtrise des signes à l’écran, ensuite discutée et professée, fait levier sur l’ensemble de la profession en instituant la dimension incontournable des « réseaux sociaux », comme s’encastrant au système médiatique dans son ensemble.
34Les activités de veille, de tissage d’une expertise, d’une analyse des discours à travers l’apprentissage des dispositifs rendent nettes la montée en puissance d’un discours techniciste pour définir les identités collectives et individuelles des journalistes, autour de compétences numériques et techniques émergentes. Ainsi, le message suivant et la photo qui l’accompagnent incarnent parfaitement cette logique pragmatique et discursive de l’établissement d’un professionnalisme journalistique, à partir de la monstration d’une capacité technique de veille et de mise en œuvre de celle-ci.
35L’auteur de ce message atteste d’une logique de mise en exposition entreprise par de nombreux journalistes locaux. Ils font la démonstration par le dispositif et dans celui-ci de leur capacité à acquérir une maîtrise de l’environnement des réseaux, environnement mouvant en matière d’habitudes de réception, de réglementation et de panoplies logicielles.
Figure 2 – Tweet émis le 18 octobre 2011 par @egoflux
36Un professionnalisme s’affiche et se précise dans la mobilisation même de ces dispositifs et semble rendre obsolète l’analyse selon laquelle la pratique et l’identité du journalisme seraient bâties autour d’un flou constitutif (Ruellan, 2007 ; Ruellan, 2011).
- 19 Une demande prépondérante sur la période 2010-2011 : voir l’article de la revue professionnelle (...)
37Cet auto-professionnalisme, ce sacre de l’autodidacte-journaliste s’effectue par la bande, dans un dispositif qui s’encastre aux marques médiatiques établies. Elle dessine des profils hybrides, susceptibles d’intéresser des médias en recherche de profils adaptables et polyvalents19. Cette dernière analyse s’appuie principalement sur l’étape longue d’observation participante liée à la création puis à la mobilisation d’un compte dans Twitter, comme chercheur « suivant » une cohorte réunie au fil de l’eau, de profils journalistiques. Cette pratique de recherche pose une seconde question épistémologique. Outre la légitime question de ce que le chercheur accepte de donner de son vécu, pour pratiquer une analyse des mobilisations et des usages qu’il se doit en principe de mettre en perspective et dont il semble devenir partie prenante en étant objet et sujet du dispositif à analyser, se pose l’interrogation de la stabilité supposée d’un type de comportement ou de la régularité de la prise de « communication ». Si le dispositif invite à rendre ce tour de parole personnel, il est évident que nombreux sont les journalistes observés qui professionnalisent et institutionnalisent leurs pratiques, en jouant cependant finement de la distillation de contenus personnels et d’observations quotidiennes de leurs environnements.
38La pratique de l’observation participante par le chercheur permet de ressentir les tensions et les nécessaires réflexions induites par la confrontation à l’injonction sémiotique du cadre de prise de « communication » et d’interaction. En ce sens, elle se rapproche des logiques de l’ethnométhodologie, en les adaptant à la possibilité de décrire les activités de communication établies dans et autour de Twitter (Le Breton, 2004). La pratique de Twitter sur deux années par le chercheur apporte un résultat lié à la perception intégrée de l’usage des signes et cadres proposés par la marque : il est très difficile de tenir une ligne de conduite stable dans le temps. L’accoutumance aux signes et aux cadres, ainsi qu’aux modalités des interactions paraissant familières font parfois et progressivement tomber des filtres de nécessaire vigilance aux informations et tonalités données à ces dernières. Cette perte de vigilance est problématique lorsqu’elle se rapporte à l’activité journalistique, aux fondements desquels se trouvent être sans cesse rappelées les normes de prudence, de contrôle de l’information et de vérification, posée et sûre des paroles et propos tenus et rapportés.
39Du coup, émergent des discours professionnels soulignant que peut-être, la pratique devrait consister d’abord à publier une information, puis ensuite à voir avec les pairs et les publics, comment valider ou non cette dernière. La mobilisation du dispositif joue le rôle de filtre des normes négociées dans le cours de la pratique et des interactions, comme dans les logiques de l’innovation ordinaire telles que décrites par les sociologues (Alter, 2003). La socialisation professionnelle s’éprouve dans un espace non lié directement aux lieux ordinaires de la pratique et de la formation (rédactions, écoles, terrains des enquêtes et des reportages, etc.). Il faut cependant noter que très rapidement (2010), les écoles et les médias ont intégré des modules de formation aux dispositifs et aux marques de réseau social, en s’appuyant notamment sur les prescriptions de journalistes-consultants formateurs, acteurs situés aux frontières des rédactions et poursuivant des trajectoires particulières d’entrepreunariat éditorial et journalistique, statut par ailleurs critiqué par les syndicats de journalistes.
40La mobilisation de Twitter, qui permet de jouer par les mots, les photos, les liens, d’un ensemble sémiotisé d’interactions et de contenus, permet à ceux des journalistes qui se l’approprient de penser leur trajectoire à plus long terme. Leurs mobilisations leur permettent de renouveler les pratiques du journalisme local, en prenant éventuellement sinon du pouvoir dans des rédactions très hiérarchisées, une marge d’autonomie et de renouvellement des pratiques d’interactions entre pairs. Les modalités de cette prise de marges sont assez peu nombreuses. Elles passent principalement par un jeu sur le nom choisi, la photo et le fond d’écran qui accompagnent et entourent l’espace de l’écran, soigneusement préparés en amont de l’outil en ce qu’ils lui permettront de produire pour lui-même un modèle économique, fondé sur l’échange de données qualifiées à des marques tiers.
41Les « prises de paroles » s’appuient aussi sur les mots de description sous la forme d’une courte autoscopie biographique, de la qualification dans ces quelques mots et dans les messages de la pratique journalistique telle que réalisée ou souhaitée. Le travail sur des listes de sources, sur une veille professionnelle ou thématique traduisent également une activité au plus long cours, qui demanderait une analyse sur les « lignes de temps » à plus longue échéance que les quelques mois de l’observation participante et l’unique prélèvement à un instant « t ».
42Cependant, dans le cadre du corpus de fiches identitaires posé pour le cadre de l’étude portant sur la nature de la mobilisation de Twitter par les journalistes locaux, l’on s’aperçoit rapidement que les utilisateurs journalistes locaux prennent souvent du champ par rapport au territoire local, qui est évoqué, mais non constamment rappelé. La vie personnelle, les autres médias, le rapport à la déontologie, les affres du métier, le rapport aux publics sont parmi les thématiques récurrentes de ces profils particuliers, qui jouent sur les étiquettes accolées au terme « journaliste », au mot « reporter ». La valse discursive des étiquettes et de l’affichage d’une compétence inscrite dans et par la mobilisation de l’outil de réseau social permettent alors de les faire varier et d’afficher des perspectives et des ambitions professionnelles multiples. Les attachements à une rédaction ne semblent pas si forts, sans toutefois aller jusqu’à l’affirmation de l’existence d’une « supra-rédaction » de l’internet. Le dispositif permet d’afficher une individualité plus forte. L’œuvre collective du média n’est pas centrale dans la pratique, telle qu’affichée et poussée par le discours encastré dans les normes, fortes et prégnantes du dispositif.