1La définition et l’organisation de ce que l’on appelle en France « services publics » et de ce qui leur est équivalent dans les autres État s européens, s’est faite dans le cadre de la construction de chaque État national, dans son histoire longue, en relation avec ses traditions, son organisation, ses institutions, sa culture. Il en résulte une certaine diversité et une difficulté d’approche au plan européen. Les termes utilisés sont différents et pas toujours traduisibles dans les différentes langues, ce qui a conduit les institutions européennes à inventer des termes nouveaux pour construire un langage commun autour de la notion de « services d’intérêt général (SIG) et de ses diverses déclinaisons.
2Il existe de fortes différences en matière de doctrines et de concepts (en particulier juridiques) ; les échelons territoriaux compétents ne sont pas les mêmes selon les activités et la structuration de chaque État , entre le local, le régional et le national ; les activités concernées ont un caractère marchand ou pas ; les modes d’organisation peuvent relever de différents types d’acteurs, public, mixte, privé ou associatif. Mais au sein même de cette diversité existe en Europe une profonde unité : dans tous les pays européens, les autorités publiques locales, régionales ou nationales ont été amenées à considérer que certaines activités ne pouvaient pas relever du seul droit commun de la concurrence et des seules règles du marché, mais de normes spécifiques d’organisation et de régulation, dans trois objectifs : i) garantir le droit de chaque habitant d’accéder à des biens ou services fondamentaux ou essentiels (droit à l’éducation, à la santé, à la sécurité, aux transports, aux communications, etc.) ; ii) construire des solidarités sociales, territoriales, générationnelles, assurer la cohésion économique, sociale et territoriale, développer le lien social, promouvoir l’intérêt général de la collectivité concernée ; iii) prendre en compte le long terme et les intérêts des générations futures, créer les conditions d’un développement durable à la fois économique, social et environnemental.
3Ces objectifs d’intérêt général sont au cœur du système de valeurs qui caractérise tous les État s européens et sont une valeur commune de l’Europe. Les services publics (ou leur équivalent) représentent ainsi un élément-clé du modèle social européen caractérisé par les interactions et l’intégration du progrès économique et du progrès social, qui en font une économie sociale de marché. Ainsi donc, les services publics sont-ils caractérisés tout à la fois par leur forte spécificité nationale, voire régionale, porteuse de réelles diversités, et par une unité de problématique, résultante de l’histoire comme des caractéristiques géographiques, économiques, sociales, culturelles. C’est dans le même mouvement qu’il faut prendre en compte unité et diversité des services publics en Europe, qui forment un tout indissociable.
4Progressivement conçus, définis et organisés des années 1850 aux années 1950, les services publics ont partout joué un rôle moteur dans ce qu’il est convenu d’appeler les « trente glorieuses », comme vecteurs d’un développement conjuguant l’économique et le social, la réponse aux besoins fondamentaux et l’accompagnement de profondes mutations. C’est ainsi, que les trois principes fondamentaux du service public en France (égalité, continuité, adaptabilité) ont accompagné et rendu « acceptable » la recomposition sociétale qu’a connue la France avec le passage accéléré d’une organisation sociale largement fondée sur la ruralité à une urbanisation accélérée. Force est de constater pour autant, que si les services publics ont su mettre en œuvre nombre de progrès technologiques et se moderniser, ils ont eu beaucoup plus de difficultés à intégrer les mutations sociétales dans l’esprit d’adaptation permanente aux besoins qui devait être le leur, à anticiper les transformations de la société. Des inégalités se sont développées en matière d’accessibilité sociale, territoriale ou technologique. Et la crispation qui a été celle de nombreux acteurs du service public sur la « défense du service public à la française » a été d’autant plus accentuée qu’est intervenue, depuis le milieu des années 1980, une autre transformation essentielle : l’européanisation des services publics.
- 1 Nous utilisons la numérotation des articles de l’actuel traité « de Lisbonne ».
- 2 Il faut souligner ici que cet article n’a connu aucun changement depuis plus de 50 ans.
5Comment les services publics allaient-ils être pris en compte par le processus d’intégration européenne, initié aux lendemains de la Seconde guerre mondiale ? Allaient-ils continuer à être définis et organisés dans un cadre national, ou allaient-ils être soumis à un processus d’européanisation ? La question n’était pas tranchée dans le traité de Rome de 1957. Ce dernier n’évoquait en effet qu’à deux reprises les services publics : l’article 931 faisait état des « servitudes inhérentes à la notion de service public » pour le secteur des transports et l’article 106-2 limitait l’application des règles de la concurrence pour les services d’intérêt économique général (SIEG) : « Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général … sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de la concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté »2.
6Il faut ici souligner deux éléments-clés. D’une part, l’objet du traité de Rome était de définir une première étape de la construction européenne et non à harmoniser les services publics. Cette première étape consistait à construire un « marché commun » en éliminant progressivement les différents obstacles aux échanges de marchandises, tout en instituant quatre politiques communes (commerciale, de concurrence, agricole et de transports). D’autre part, les signataires procédaient à une innovation : pour pouvoir se comprendre entre représentants de pays aux histoires, cultures et langues différents, ils inventaient ce terme de « services d’intérêt économique général », qui ne préexistait dans aucun pays. Et même si le traité ne les définit pas, il met clairement l’accent sur les objectifs et finalités des services à savoir : l’intérêt général.
7De 1957 à 1986, existait un consensus : chaque État membre restait compétent pour définir, organiser, mettre en œuvre, financer ses services publics ou d’intérêt général, en fonction de son histoire, de ses traditions, de ses institutions, de sa culture. Pendant près de 30 ans il n’y a donc pas eu d’intégration européenne des services publics. L’Acte unique de 1986, qui amendait et complétait le traité de Rome, a donné mission aux institutions européennes de mettre en œuvre la libre circulation des services et la réalisation du marché unique. Il engageait un processus d’européanisation des services d’intérêt économique général cités dans le traité de Rome de 1957 – à l’époque circonscrits aux secteurs des communications, des transports et de l’énergie –, mais sans définir des dispositions spécifiques qui auraient permis de garantir leurs finalités et de développer des solidarités européennes (CEEP, 1995 ; Mangenot, 2005).
8Trois orientations étaient alors possibles pour européaniser les services publics : i) Rejeter l’européanisation au nom des spécificités des services publics ou de chaque État national. Cela a conduit à des stratégies défensives, qui ont pu retarder les processus et les échéances, sans toutefois les entraver, car elles ne se situaient pas à l’intérieur du processus d’intégration européenne ; ii) Construire des services publics européens, mais aucun acteur ne l’a proposé à l’époque, tant cela aurait mis en cause les habitudes, traditions et modes d’organisation traditionnels ; iii) Utiliser les armes du traité mises au point depuis 1957 (concurrence, libre-échange), afin de casser les frontières et d’améliorer l’efficacité de services peu performants dans certains pays. C’est cette stratégie qui va s’imposer. Pourquoi ?
9La mise en œuvre des quatre grandes libertés de circulation (des personnes, des biens, des services et des capitaux) est entrée en résonance avec des transformations essentielles des années 1980 et 1990 engendrées par : des mutations technologiques rapides ; l’internationali-sation des économies et des sociétés ; la diversification et la territorialisation des besoins ; la mise en cause des lourdeurs et inefficacités de nombreux services publics ; des stratégies de certains grands groupes industriels et financiers de services ; le développement de l’influence des thèses néo-libérales et des vertus de la concurrence, etc. La conjonction de ces facteurs a conduit à un décalage croissant entre les modes nationaux de définition et d’organisation des services publics de communication, de transports et d’énergie par rapport aux objectifs de libre circulation de l’intégration européenne. L’européanisation a visé à la fois à casser les frontières nationales pour mettre en œuvre l’intégration européenne et à introduire davantage d’efficacité dans des domaines qui avaient été souvent « protégés » par des situations de monopole, des droits exclusifs, locaux, régionaux et/ou nationaux (Bauby, 2011 ; Savary, 2004).
10Progressivement, l’Union européenne a mis en cause les formes nationales d’organisation et de régulation des services publics qu’avaient définies chacun des État s membres de l’Union européenne, en développant des stratégies de création de marchés intérieurs dans les secteurs de réseaux, fondées sur la « libéralisation », l’introduction progressive de la concurrence et les logiques du marché. Pour autant, dans ces secteurs de réseaux, il ne peut pas y avoir une libéralisation totale, ne les faisant relever que du droit communautaire de la concurrence. La logique de libéralisation est porteuse dans les secteurs de réseaux d’une série de polarisations mettant en cause certains objectifs de service public. Il ne peut exister qu’une concurrence oligopolistique entre quelques grands groupes, conduisant à de nouvelles concentrations, à l’existence et au repartage de rentes, au détriment des utilisateurs. La libéralisation survalorise le court terme, pour lequel le marché donne de précieuses indications, au détriment du long terme, pour lequel le marché est myope. Elle privilégie les gros consommateurs, qui disposent d’un « pouvoir de marché », sur les petits. Elle met en cause l’égalité de traitement et les possibilités de péréquation des tarifs. La libéralisation ne prend en compte ni les effets territoriaux, ni les conséquences sur l’environnement. Elle conduit à des formes de dumping social.
11Dans ces conditions, à part quelques groupes de pression proposant une dérégulation complète des services publics, ne les faisant plus relever que du droit commun de la concurrence, les règles européennes, résultantes de débats contradictoires, d’initiatives d’acteurs, de mouvements sociaux, consisteront à mettre en œuvre une libéralisation maîtrisée, organisée, régulée. Dès lors, l’Union européenne a été amenée à compléter les projets sectoriels de libéralisation par la construction de nouveaux concepts et normes. On verra ainsi apparaître le concept de « service universel » dans les télécommunications et à la poste, puis pour l’électricité, garantissant certains services essentiels à tous les citoyens et résidents, tandis que des obligations de service public seront définies dans l’énergie et les transports. La Commission européenne organisera des débats publics et proposera une série de principes pouvant être à la base d’une conception communautaire (Commission européenne, 2003 ; 2004 ; 2007).
- 3 « Sans préjudice des articles 73, 86 et 88, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intér (...)
- 4 « Accès aux services d’intérêt économique général. L’Union reconnaît et respecte l’accès aux servic (...)
12Il faudra cependant attendre 11 ans après l’Acte unique, pour que le traité d’Amsterdam fasse référence en son article 16 aux SIEG (sans davantage les définir) comme valeurs communes de l’Union et contributions à la cohésion sociale et territoriale. Ce traite énonce également une compétence partagée entre l’UE et les État s membres pour qu’ils puissent accomplir leurs missions3, mais cet article n’aura pas de véritable valeur juridique contraignante. En 2000, la Charte des droits fondamentaux sera proclamée. Son Article 36 « reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général »4. Mais la Charte est restée sans réel effet juridique jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Malgré ces avancées, la situation restait marquée au début des années 2000 par l’existence d’incertitudes et insécurités majeures que l’on peut rattacher à sur cinq plans distincts: i) au plan juridique, pour établir une hiérarchie des normes communautaires en cas de tension entre d’un côté les règles de concurrence et du marché intérieur du traité et de l’autre les objectifs d’intérêt général ; au plan de la définition des SIEG, l’extension régulière du champ de l’« économique » pouvant amener un nombre croissant d’activités à être soumises aux règles de concurrence ; iii) au plan économique, à la fois pour le financement des investissements à long terme et pour la compensation des obligations de service public ; iv) au plan politique, pour prévoir, dans le futur, la place SIG dans le processus d’intégration européenne et dans l’UE ; v) enfin, au plan de la mise en mise en œuvre du principe de subsidiarité, pour préciser les compétences, droits et devoirs des autorités publiques (locales, nationales, européennes) en matière de définition, d’organisation et de financement des SIG.
13Entré en vigueur le 1er décembre 2009, le Traité de Lisbonne lève certaines incertitudes et comporte plusieurs innovations importantes : outre le fait de donner à la Charte des droits fondamentaux un caractère contraignant, le nouvel article 14 donne mission aux institutions communautaires de définir « par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire » – c’est-à-dire en co-décision entre le Parlement européen et le Conseil des ministres– les principes et les conditions, notamment économiques et financières, permettant aux SIEG « d’accomplir les missions … sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ». Surtout, un Protocole 26 (encadré 1) est annexé aux traités avec la même valeur juridique que ceux-ci, qui traite des Services d’intérêt général dans leur ensemble et non plus des seuls services économiques.
Protocole 26 sur les services d’intérêt général (annexé aux traités)
Les hautes parties contractantes, souhaitant souligner l’importance des services d’intérêt général, sont convenues des dispositions interprétatives ci-après, qui seront annexées au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union :
Article premier : Les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’UE comprennent notamment : i) le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ; ii) la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ; iii) un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs.
Article 2 : Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d’intérêt général.
14Le protocole dénomme, sans les définir, les « services non économiques d’intérêt général » comme ne relevant pas du droit européen de la concurrence et du marché intérieur, mais de la compétence des État s membres, dans le respect des principes fondamentaux de l’UE à savoir : transparence, non-discrimination, égalité de traitement, proportionnalité. Il conforte les capacités de décision des autorités publiques nationales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général. Il précise les « valeurs communes » des SIEG : diversité et disparités au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs « en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes », « niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs », en leur donnant pour la première fois une valeur juridique.
15Ces éléments nouveaux, qui concrétisent toute une série d’actions, d’interventions et de mobilisations, définissent les bases d’une doctrine communautaire des Services d’intérêt général. Ainsi, le traité de Lisbonne devient essentiel pour la définition, l’organisation, le financement des services publics dans le monde rural. Trop souvent, on a l’habitude de considérer que l’Union européenne et ses institutions, en particulier la Commission européenne, sont les fossoyeurs du service public, qu’elles obligent à les mettre systématiquement en concurrence, qu’elles sont les responsables de la course effrénée à la rentabilisation et à la compétitivité, conduisant au désengagement des zones rurales, aux réductions de personnels, aux disparités croissantes entre régions. Or, s’il est clair que la logique de libéralisation qui a été mise en œuvre à partir de la fin des années 1980 a conduit, comme on l’a vu, à une série de polarisations économiques, sociales, territoriales, environnementales et financières, cette première logique a été néanmoins progressivement contre balancée et l’on peut considérer qu’il existe aujourd’hui un « acquis communautaire » en matière de services publics – services d’intérêt général – que l’on peut résumer ainsi :
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les États membres (et les autorités nationales, régionales et locales) ont la compétence générale pour définir, « fournir, faire exécuter et organiser » les services d’intérêt général ;
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les institutions européennes sont compétentes pour des services européens d’intérêt général qui s’avèrent nécessaires à l’accomplissement de leurs buts ;
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pour les services non économiques d’intérêt général, les règles du marché intérieur et de la concurrence ne s’appliquent pas ; ils ne relèvent que des seuls principes généraux de l’UE (transparence, non-discrimination, égalité de traitement, proportionnalité) ;
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pour les services d’intérêt économique général, les autorités publiques doivent clairement définir leur « mission particulière » (principe de transparence). Sur cette base, elles peuvent définir les moyens adaptés au bon accomplissement de la « mission particulière » (principe de proportionnalité), y compris, si elles s’avèrent nécessaires, justifiées et proportionnées, des aides et subventions, des droits exclusifs ou spéciaux ;
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les État s membres ont le libre choix des modes de gestion : interne, « in house », délégué, etc ;
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ces définitions doivent clairement établir des objectifs de « qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs » ;
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les État s membres ont la liberté de choix du type de propriété des entreprises (principe de neutralité)
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dans tous les cas, il peut exister des abus relevant d’une « erreur manifeste », que la Commission peut soulever, sous le contrôle de la Cour de justice.
16Pour autant, cet « acquis communautaire » laisse subsister toute une série d’incertitudes et d’insécurités juridiques préjudiciables pour tous les acteurs concernés, en particulier les autorités publiques, les opérateurs, les utilisateurs des services. Car les services publics ou d’intérêt général sont au centre de tensions multiples et complexes entre :
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l’achèvement d’un marché intérieur européen souvent idéalisé, tant les services publics sont ancrés dans des territoires précis, avec des objectifs spécifiques ;
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les obligations de service public, qui concrétisent de manière générale et pour chaque secteur précis les « missions particulières » que les autorités publiques définissent pour mettre en œuvre les objectifs d’intérêt général qu’elles portent ;
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le principe de subsidiarité et donc le partage de compétences entre les échelons européen, nationaux, régionaux et locaux, afin de répondre le plus finement possible aux situations et aux besoins, tout en contribuant aux solidarités nationales et européenne ;
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- 5 « Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de l’Union, celle-ci développe et po (...)
l’objectif de cohésion économique, sociale et territoriale, qui est celui de l’Union européenne, comme le précise en particulier l’article 174 du traité de fonctionnement de l’UE5.
17Ces tensions, illustrées ci-dessous par ce que je qualifie de « carré magique » (fig. 1), marquent et marqueront le devenir des services publics dans l’Union européenne, tant celle-ci est indissociablement unité et diversité.
Figure 1 – Le « carré magique » des services publics.
18En matière de services publics dans le monde rural et plus généralement de développement rural, l’Union européenne laisse donc aujourd’hui un « large pouvoir discrétionnaire » aux autorités publiques pour qualifier une activité ou un service de service d’intérêt général, à condition d’en définir clairement les objectifs et mission. Elle leur permet également de préciser, en fonction de ces finalités, si le service est économique ou non, de définir le mode d’organisation et le type de gestion (interne à la collectivité ou délégué et sous quelle forme), et de mettre en place des formes de contrôle et d’évaluation, associant les « utilisateurs » –usagers-citoyens, PME et activités professionnelles, etc.
19Qu’il s’agisse des services publics d’enseignement ou de santé, de service postal ou numérique, de sécurité ou d’emploi, les règles européennes actuelles permettent de prendre en compte les spécificités du monde rural. Encore faut-il qu’existe une réelle volonté politique de la part des responsables des autorités publiques, afin d’engager un processus reposant sur la satisfaction des besoins et donc sur leur expression permanente. Car les services publics n’existent que pour répondre aux besoins sociaux et à leurs évolutions. Le prérequis en la matière est d’organiser systématiquement l’expression des besoins de chaque usager, comme de chaque groupe, en même temps que des agents des services publics qui font vivre le service, afin que les uns et les autres participent à la co-construction du service. Cette expression doit être décentralisée, au plus près de ce que vivent et ressentent les citoyens, en utilisant tous les moyens disponibles à cet effet : consultations et débats publics, cahiers d’expression, traitement des plaintes, élection de comités d’usagers, etc. Bien loin de retirer aux autorités publiques et aux élus leurs responsabilités de choix et d’arbitrages, cette expression décentralisée leur donne une meilleure connaissance des enjeux, une palette plus large de choix.
20En même temps, le service public implique que les autorités publiques assument leurs responsabilités pour définir les objectifs et missions de chaque service public, mettre en œuvre les meilleurs moyens pour organiser leur satisfaction, organiser des « retours », afin d’évaluer les décisions prises, de les adapter. L’expression démocratique des besoins et aspirations est le fondement de tout service public et de sa légitimité. Mais elle ne trouve sa plénitude de sens et d’effets que si l’on rapproche les niveaux de décision, d’organisation, de mise en œuvre des réalités et enjeux de terrain.
21Pour conclure ce panorama européen des services publics à la situation française, il apparaît que les services publics en France ne peuvent être refondés sans franchir une étape décisive de décentralisation de leur organisation, de leur fonctionnement. Il faut définir pour chaque service et chaque enjeu la maille institutionnelle la plus pertinente pour exercer le pilotage du rôle d’« autorité organisatrice », en relation avec les autres niveaux l’État conservant en la responsabilité essentielle d’assurer le cadre de cohérence national, de mettre en œuvre les solidarités et péréquations nécessaires, tout comme de féconder le cadre européen des services d’intérêt général. Car l’objectif et de chercher à conjuguer davantage de décentralisation, des solidarités nationales plus efficaces et un cadre européen, qui soit une valeur ajoutée pour chacun, en garantissant aussi bien les droits fondamentaux de chaque habitant que les responsabilités de chaque nouveau de gouvernance.