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L’école rurale, entre regroupements et réseaux

Cooperation in rural schools, between groups et networks
La escuela rural entre reagrupaciones y redes
Cécile Jebeili et François Taulelle
p. 50-69

Résumés

L’école est un enjeu très fort de la présence de l’État dans les espaces ruraux. Sous couvert de révision générale des politiques publiques, l’État a profondément revu la carte scolaire en particulier dans le milieu rural. Ces transformations, ici observées dans le premier degré, obéissent à une gestion technique des effectifs et du corps enseignant régulée depuis les rectorats. Si les données nationales sont connues, cet article se propose de regarder de près, à l’échelle de quatre pays, comment se passent ces restructurations et comment elles sont vécues par les habitants de l’espace rural. Dans le premier degré, l’ingéniosité de dispositifs mêlant une offre scolaire mutualisée et la création de nouveaux services périscolaires se déploie dans un contexte financier tendu pour les collectivités locales qui sont appelées par l’État à innover, ce qui est loin d’être une injonction simple à intégrer.

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Texte intégral

1La question de l’éducation en milieu rural s’inscrit dans le contexte général de restriction budgétaire au plan national. Les chiffres de l’Éducation nationale sont abondamment commentés depuis quelques années, particulièrement depuis l’application dans notre pays des mesures mises en œuvre par le gouvernement Fillon dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). 50 000 postes ont ainsi été supprimés depuis 2007 dont 16 000 en 2011, entrainant la fermeture de 1 500 classes. Il est dès lors assez fréquent de lire dans les journaux le récit des fermetures de classes et d’écoles dans les villages ou celui des classes surchargées dans les villes. Dans tous les cas, les articles insistent sur l’émoi que de telles mesures suscitent dans la population et en particulier chez les parents d’élèves concernés.

  • 1 Dans le cadre du programme de recherche de la région Midi-Pyrénées, nous nous sommes intéressés à l (...)
  • 2 Entretien du 14 janvier 2011 avec François Daujan, directeur de la division de la prospective et de (...)
  • 3 Soit 45 % des communes de moins de 1 000 habitants (Reiss, 2010).

2L’Éducation nationale classe les établissements en fonction de leurs effectifs. Sont ainsi considérés comme des établissements en milieu rural1, les écoles de moins de 4 classes, les collèges de moins de 300 élèves, les lycées de moins de 500 élèves et les lycées professionnels de moins de 200 élèves2. Au-delà de sa petite taille, l’école rurale se caractérise également par son isolement, son éloignement des centres urbains, la faible densité du territoire dans lequel elle s’inscrit, des temps de ramassage scolaire plus longs, une diversité d’offre scolaire et de services périscolaires souvent plus réduite, une plus grande rotation des personnels et une absence de formation spécifique des jeunes enseignants pour faire face à des conditions de travail plus complexes (absence d’équipe pédagogique, gestion de classes à plusieurs niveaux ou de classes uniques). Or, malgré l’obligation posée par l’article 11 de la loi Goblet du 30 octobre 1886 selon laquelle « toute commune doit être pourvue au moins d’une école primaire publique », aujourd’hui une commune sur trois ne comporte pas d’école3. Pourtant, l’école de la République est souvent le dernier service public maintenu en milieu rural, elle constitue une forte préoccupation pour les maires qui tentent de la maintenir coûte que coûte ; elle reste l’âme, la vie ou la vitrine du village que les élus tentent de préserver, sans la sanctuariser, tout en l’adaptant aux réalités territoriales.

3Après avoir examiné les spécificités de l’éducation du milieu rural de Midi-Pyrénées et en particulier des pays qui font l’objet de ce programme de recherche, nous étudierons ensuite les différentes possibilités de regroupements d’école en milieu rural et nous nous interrogerons quant à la mise en œuvre d’une intercommunalisation scolaire pertinente.

Le service public de l’éducation primaire dans l’espace rural de Midi-Pyrénées

  • 4 Plus de 11 000 en 1980, moins de 4 000 en 2010.
  • 5 34,3 % des enfants de 2 ans étaient scolarisés en 2000, ils ne sont plus que 13,6 % aujourd’hui.

4Dans le primaire, le nombre d’écoles maternelles et élémentaires est en baisse : de 68 000 en 1980, elles n’étaient plus que 52 000 à la rentrée 2010. Plusieurs phénomènes concomitants expliquent cette baisse : la disparition des écoles élémentaires à classe unique4, la tendance à l’augmentation de la taille des écoles, le regroupement ou la fusion des écoles maternelles et élémentaires et enfin la baisse de la scolarisation des enfants de 2 ans5. La France a donc perdu 5 500 écoles depuis 10 ans et gagné 94 000 élèves pendant la même période, si bien qu’avec 19,7 élèves par enseignant le taux d’encadrement français est en dessous de la moyenne de l’OCDE.

Le pilotage de l’école par les données chiffrées

  • 6 Mais selon le directeur de la DPP, seulement -10 dans le rural isolé et -20 dans le rural (entretie (...)

5L’académie de Toulouse n’a pas été, bien entendu, à l’abri des réductions de postes. À la rentrée 2011, on comptait par exemple, dans le primaire 150 postes de professeurs des écoles en moins6. La procédure de suppression des postes est assez simple et relève davantage de l’opération comptable que de préoccupations liées à la qualité du service public, à l’équilibre des territoires, ou bien encore à des considérations pédagogiques. Chaque année en octobre, l’académie fait le constat des effectifs et définit le modèle prévisionnel pour l’année suivante en tenant compte de la démographie scolaire. Les suppressions de postes annoncées par le ministère pour l’académie sont ensuite réparties selon un système qui consiste à ajouter un élève par classe, tout en veillant à ne pas augmenter les effectifs de + de 20 % et en n’allant pas au-delà de 30 élèves par classe en primaire et 35 en maternelle. En suivant ce système l’académie de Toulouse aurait pu ainsi aboutir, à la rentrée 2011, à la suppression théorique de 260 postes. Dans la mesure où le ministère n’avait prévu « que » 150 suppressions, les arbitrages reviennent donc in fine au directeur académique, à l’échelle départementale, qui décide d’appliquer le dispositif à certaines écoles plutôt qu’à d’autres, toujours en fonction de critères quantitatifs.

  • 7 On y compte 176 écoles pour 10 000 enfants âgés de 6 à 10 ans contre 144 au niveau national et la r (...)
  • 8 Midi-Pyrénées est à la fois la région métropolitaine la plus vaste et celle qui détient le record d (...)
  • 9 Les ¾ des communes qui disposent d’une école ont moins de 1 000 habitants, alors que le seuil natio (...)

6Du fait d’un effet de seuil, la moindre suppression de poste en milieu rural peut cependant entrainer la fermeture d’une école toute entière. Ainsi, dans la commune de Lavelanet située dans le pays Pyrénées Cathares, la fermeture d’une classe maternelle a entrainé, en septembre 2010, celle de toute l’école. Il est donc plus facile de supprimer des classes en ville : étant plus nombreuses au sein d’un même établissement, cela permet de répartir les hausses d’effectifs par classes. Avec près de 1 700 écoles élémentaires, l’espace rural de la région est mieux doté en écoles que l’ensemble du rural de métropole7 en raison du maillage communal très fin de Midi-Pyrénées8, mais ce sont surtout de petites écoles parce que ce sont souvent de petites communes9.

  • 10 Ce taux d’équipement est de 178 pour les Pyrénées Cathares, 262 pour le Pays des Monts de Lacaune e (...)
  • 11 47 % des communes possèdent leur école élémentaire ou au moins une classe d’un RPI contre 60 % au n (...)
  • 12 254 pour le Val d’Adour, 278 pour les Pyrénées Cathares et 383 pour les Monts de Lacaune.

7Dans les pays étudiés, le taux d’équipement (nombre d’écoles élémentaires pour 10 000 enfants de 6 à 10 ans) est presque partout supérieur au taux de l’espace rural régional sauf pour le pays de Figeac, où il est de 171, mais avec le taux d’enfants de la tranche d’âge concernée le plus bas de l’espace rural régional10. En revanche, si l’on rapporte le nombre d’écoles élémentaires au nombre de communes, Midi-Pyrénées est moins bien classée que la moyenne de l’espace rural national11. De même, 94 % des enfants résident à moins de 5 minutes d’une école élémentaire, alors qu’ils sont 97 % dans l’espace rural métropolitain. Pour les pays étudiés, ce taux est toujours inférieur et compris entre 88 % pour le pays de Figeac et 94 % pour celui des Monts de Lacaune (Touret et al., 2010). Les écoles maternelles ou les classes maternelles intégrées dans des écoles élémentaires sont nombreuses, même si certains cantons parmi les moins peuplés ou certaines zones de montagne sont moins bien dotées. L’espace rural régional affiche ainsi un taux d’équipement de 200 classes ou écoles maternelles pour 10 000 enfants de 3 à 5 ans et seul le pays de Figeac affiche là encore un taux inférieur (173), alors que les trois autres sont largement au-dessus12. Ainsi, « l’apparente rareté des écoles maternelles là où la population est âgée cache en réalité un taux d’équipement supérieur à la moyenne. Le pays de Sidobre-Monts de Lacaune affiche près de 400 écoles ou classes maternelles pour 10 000 enfants âgés de 3 à 5 ans contre à peine plus de 100 dans le sud Toulousain » (ibidem).

  • 13 P/E : Nombre de postes du 1er degré public pour 100 élèves/ effectif total du 1er degré. Cet indica (...)

8Quant au nombre d’élèves par classe, la moyenne académique se situe à peu près au même niveau que la moyenne nationale, à hauteur de 23,1 élèves. Il existe cependant des disparités très importantes entre les départements de la région, avec des départements urbains au-dessus de la moyenne comme la Haute-Garonne et le Tarn et Garonne et des départements ruraux très en dessous comme le Gers et les Hautes-Pyrénées. En ce qui concerne le taux d’encadrement des élèves, « avec un P/E13 de 5,40 contre 5,29 au niveau national, l’académie semble disposer d’un ratio favorable mais à nuancer. En effet, les départements plus ruraux ou montagneux disposent d’un P/E favorable du fait de l’existence d’écoles rurales souvent isolées pour lesquelles les taux d’encadrement sont très forts : 5,88 pour les Hautes-Pyrénées, 5,85 pour l’Ariège ou 5,81 pour le Gers et les départements les plus densément peuplés (Haute Garonne et Tarn et Garonne) ont un P/E inférieur à la moyenne » (Touret et al., 2010).

L’école communale, point d’ancrage de la vie communale

  • 14 Une première circulaire en date du 28 juillet 1964 a demandé aux inspecteurs d’académie de fermer l (...)

9« Dans les communes rurales, l’école contribue dans bien des circonstances à donner un signal positif sur le dynamisme d’une population. Il s’ensuit que, pour nombre de maires, la conservation d’une école représente un objectif politique majeur » (Reiss, 2010). L’école du village tend cependant de plus en plus à disparaître14, même si elle se rencontre encore fréquemment dans les milieux de moyenne montagne où le ramassage scolaire ne permet pas toujours les regroupements. Aujourd’hui moins de 4 000 écoles en France sont encore à classe unique et nombre d’entre elles ne sont même plus des écoles « communales », mais des écoles « intercommunales ». Si la tendance est à l’augmentation de la taille des écoles, certains départements parmi les plus ruraux, conservent un nombre important de ces écoles à classe unique. Dans les Hautes-Pyrénées ou le Gers notamment, le quart des écoles ne compte qu’une classe, tandis que 71,7 % des écoles aveyronnaises et 80,4 % des écoles du Lot comptent moins de 4 classes.

10« En général les maires des communes rurales sont très attachés à leur école qu’ils ne considèrent pas comme une charge mais comme une chance. Ils savent très bien que c’est l’un des derniers services publics présents. Et instinctivement ils vont le défendre [ ...] Ça reste le point d’ancrage de la vie communale en dehors de la mairie évidemment » (Pelletier, 2003) : en parcourant les pays de l’échantillon, nous avons pu vérifier cette assertion. Les élus et les parents d’élèves sont en effet très attachés à la présence de l’école dans le village. Partout, la remise en cause de la présence de l’école à travers la réduction des ressources humaines (perte d’enseignant, fermeture de classe, disparition des RASED, des intervenants scolaires, etc.), est source de conflits. Les élus contestent, s’opposent et parfois ces conflits se durcissent comme à Laroques d’Olmes en 2009 où des professeurs des écoles ont été séquestrés dans l’établissement par des parents d’élèves en colère.

  • 15 La Loi n° 2009-1312 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publi (...)

11Cependant, il arrive aussi que l’école soit vécue comme une charge et certains élus pensent alors que le regroupement hors de la commune est une solution qui permet d’alléger le budget municipal. Cette opinion minoritaire est apparue indirectement au cours de nos enquêtes. Par ailleurs, les élus concernés par les fermetures vivent très mal le fait de devoir financer des écoles privées en raison de la présence sur la commune d’élèves fréquentant ces établissements dans d’autres communes15. C’est une source de tensions comme à Laroques d’Olmes, dont le maire explique qu’il verse à une école privée de Lavelanet un forfait au prorata du nombre d’élèves : « être obligé de payer l’école privée de la commune voisine alors que l’on perd des effectifs sur l’école publique, c’est faramineux ! ».

  • 16 La circulaire n° 2011-237 publiée au BO du 12 janvier 2012 et relative aux écoles de montagne a att (...)

12Au ministère, on répète à l’envi que « les écoles de trop petite taille sont un frein à la gestion optimale des ressources humaines » (Reiss, 2010). Du fait de leurs faibles effectifs, ces écoles génèrent des effets de seuil16, tant pour le maintien d’une classe que pour celui de l’école elle-même : le déménagement d’une seule famille, peut ainsi faire basculer les effectifs en deçà de ce seuil de suppression d’un poste, elle-même pouvant aboutir à la fermeture de l’école, avec des conséquences lourdes pour les autres familles d’enfants scolarisés. Là encore, l’exemple de la commune de Laroque d’Olmes dans le pays Pyrénées-Cathares est assez édifiant : une classe a été fermée le jour de la rentrée parce qu’il manquait un élève.

13Dans ce même mouvement, la scolarisation dès deux ans n’existe pratiquement plus alors qu’elle avait été recommandée précédemment. Ainsi, dans l’académie de Toulouse, on note une baisse de la scolarisation des enfants de 2 ans de plus de 60 % en 10 ans, soit une perte de 8232 enfants scolarisés (Rectorat, 2011). Or, c’est sur l’existence de petites sections que les populations jeunes se fixent sur les territoires. Fait-on pour autant globalement des économies ? Ceci est loin d’être certain. Car les crèches ouvertes pour répondre au besoin d’un accueil de la petite enfance et subventionnées par la CAF, finissent pas coûter plus cher à l’État et aux collectivités. Quant aux éventuels investissements réalisés pour équiper des classes de tout-petits qui finissent par fermer les unes après les autres, ils sont souvent « perdus ».

14La question de la taille critique des écoles nécessaire à leur bon fonctionnement ne peut pour autant être éludée. En raison de ses faibles effectifs, on reproche en effet souvent à l’école rurale d’accentuer l’isolement des élèves et des maîtres et de ne pas permettre l’émulation et l’échange. Une école de petite taille n’aurait pas non plus toujours les moyens d’acquérir un certain nombre d’équipements jugés aujourd’hui indispensables (bibliothèque, équipements informatiques, installations sportives, etc.). Les parents, et en particulier les populations nouvelles (les fameux « rurbains ») ont des exigences importantes en matière d’offre scolaire ainsi qu’en matière d’activités péri ou extrascolaires, culturelles, ce qui explique parfois une certaine fuite des enfants vers l’école du bourg-centre voisin (Azema, 2005).

15Le fort mouvement d’enseignants constitue également un problème spécifique aux écoles communales en milieu rural. L’école en zone rurale est en effet fréquemment la première affectation des jeunes enseignants sans qu’elle ne corresponde à leur premier vœu. Ils ont donc souvent hâte d’obtenir une mutation, et ce turnover ne facilite pas les relations avec les collectivités locales.

  • 17 On pense également au succès du film documentaire français « Être et avoir », réalisé par Nicolas P (...)

16Ces difficultés rencontrées dans les écoles rurales ont longtemps été avancées pour expliquer les moins bons résultats des élèves ruraux. Mais aujourd’hui, force est de constater que les résultats des écoliers du 1er degré sont meilleurs en milieu rural qu’en milieu urbain. En effet, si en 1963, 42 % des ruraux arrivaient en 6e contre 72 % des petits parisiens, aujourd’hui les résultats des classes uniques qui caractérisent souvent les écoles rurales (Alpe, 2006) sont meilleurs17. Le directeur de l’école primaire de Cajarc dans le pays de Figeac remarque à cet égard que la classe unique « institue du tutorat entre les plus grands et les plus petits, et ça les aide en les tirant vers le haut. Et les petits ça les aide par effet d’imitation ». Il prévient cependant que cela nécessite des classes ne dépassant pas 22 à 24 élèves et que cela réclame beaucoup d’énergie au maître : « il faut quand même être assez jeune !» (entretien avec M. Lacan, 22 juin 2011). En revanche, ces élèves perdent cette légère avance sur les autres dès leur entrée au collège, sans doute parce que l’effet « grand frère » disparaît ou parce que les groupes sont plus nombreux.

L’État des regroupements d’écoles à l’échelle intercommunale dans l’espace rural de Midi-Pyrénées

17Devant l’accroissement des charges de la compétence scolaire, péri et extra-scolaire, la suppression des postes et la diminution des effectifs, les communes rurales se tournent de plus en plus vers la solution informelle du regroupement d’écoles à l’échelle intercommunale.

Les Regroupements Pédagogiques Intercommunaux (RPI)

18Selon l’article L. 212-2 du Code de l’Education, les communes ont la possibilité de se réunir pour l’établissement et l’entretien d’une école, mais cela devient une obligation dès l’instant où ces communes sont distantes de moins de 3 km et que l’une des communes compte moins de 15 élèves. Deux voies sont possibles : le RPIC (Regroupement Pédagogique Intercommunal Concentré), et le RPID (Regroupement Pédagogique Intercommunal Dispersé). Dans le cadre d’un RPIC tous les élèves d’un ensemble de communes sont regroupés dans un groupe scolaire unique : « Cette solution a l’avantage de permettre la mutualisation des moyens (BCD, salle informatique, installations sportives, parfois cantine, etc.) et d’assurer la vie d’une équipe pédagogique. Mais l’acceptation de fermeture des écoles périphériques au pôle a souvent été un suicide politique de leurs maires » (Champollion et Poirey, 2003). Le RPID implique, au contraire, la ventilation des niveaux pédagogiques dans les écoles de plusieurs villages. Dans ce cas, l’isolement pédagogique des maitres persiste et un dispositif complexe de ramassage scolaire doit être mis en œuvre. Cette solution a cependant, l’avantage de préserver les écoles des villages regroupés. C’est souvent la seule raison d’adopter un tel système.

  • 18 Ce qui peut engendrer des temps de trajets longs pour les élèves et aller à des rythmes des enfants

19Le choix de la formule n’est pas neutre en termes d’aménagement du territoire : dans le premier cas, le RPIC polarise sur une seule commune ce qui était auparavant dispersé ; dans l’autre, le RPID permet de maintenir une vie scolaire dans les villages. Des tensions peuvent ainsi apparaître entre les communes aux dépens desquelles peuvent s’exercer le regroupement : dans l’Ariège par exemple, la proposition de la commune de Dun de créer un groupe scolaire unique pour remplacer le RPI se heurte à l’opposition des petites communes. L’État est assez favorable aux RPI et les encourage plutôt. Si les RPI n’impliquent pas d’ouverture d’écoles, ils augmentent en revanche les obligations du département en matière de transports scolaires18 et engendrent également d’autres coûts (un ou plusieurs points de restauration, présence d’un accueil périscolaire en début de matinée, après le déjeuner et en fin d’après-midi) qui constituent autant de choix pour les élus locaux. « C’est pourquoi, aux RPI dispersés […], on préfère de plus en plus les RPI concentrés, que l’on peut équiper d’une structure périscolaire, avec restaurant scolaire et garderie » (Gueneau, 2011). Pour les familles, « la scolarisation en RPI est toujours un compromis et ce sont les RPI qui subissent le plus de fuites d’élèves. Les RPI qui fixent le mieux leur population scolaire regroupent deux communes, peu éloignées l’une de l’autre, occasion de bâtir un projet véritablement intercommunal dans la durée » (Bouju, 2003).

20Si selon l’Insee, le taux de couverture du territoire de Midi-Pyrénées par 562 RPI est relativement bon, la pratique du RPIC – qui déplait tant aux élus municipaux désireux de conserver l’école du village– est peu répandue et même inexistante dans 5 départements sur 8. À la rentrée 2011, sur les 56 communes du pays Pyrénées Cathares, nous avons recensé 12 communes avec une ou plusieurs écoles, 32 communes sans écoles et 12 communes réunies autour de 5 RPI. Dans le pays de Figeac, sur les 69 communes, 22 sont regroupées en 11 RPI, ce qui donne des RPI très peu étendus de 2 communes seulement. Pour ce qui est du pays Sidobre-Monts-de-Lacaune qui réunit à peine 29 communes, nous n’avons recensé que 3 RPI.

21Enfin, nous n’avons pas pu recenser l’intégralité des RPI du Val d’Adour, dans la mesure où celui-ci s’étend sur 3 départements et seule l’inspection académique des Hautes-Pyrénées fournit la liste des RPI. Pour ce qui concerne donc les 56 communes de ce département appartenant au pays du Val d’Adour, 20 n’ont pas d’écoles et 28 écoles sont réunies en 11 RPI de 2 à 3 communes.

Les Réseaux d’Ecoles Rurales (RER)

  • 19 Les RER procèdent aujourd’hui de la circulaire (17 décembre 1998) intitulée « L’avenir du système é (...)

22Comme les RPI, les Réseaux d’Ecoles Rurales résultent d’une action de type « bottom up », puisqu’ils ont d’abord été mis en place dès les années 1980 par les acteurs locaux avant d’être institutionnalisés par les pouvoirs publics19. Selon le rapport Lebossé, ces réseaux poursuivent un double objectif : i) garantir l’égalité des chances en offrant aux élèves ruraux des conditions de scolarisation équivalentes à celles dont bénéficient les élèves urbains ; ii) participer à la politique plus générale d’aménagement du territoire en vue de « rendre et garder des communes rurales attractives en maintenant un service scolaire au plus près des familles et un service scolaire de qualité » (Cavaillé, 2007). La mise en place de ces réseaux permet tout à la fois de « sortir du moratoire en vue d’un rural qui maintenait des classe uniques, dispersées et à très faibles effectifs [tout en évitant] la fermeture pure et simple de ces écoles » (Oudot, 2004).

23Dans la pratique, les RER ne changent pas la présence de l’école sur le territoire où se déploie le réseau : c’est un élément d’ouverture des écoles, favorable aux échanges et à la mutualisation. Les professeurs se rencontrent, mettent en place des projets, échangent du matériel qu’ils peuvent acheter en commun et les élèves participent souvent à des actions communes comme la publication d’un journal. Issus d’un partenariat entre l’État (inspection académique), les collectivités territoriales et les comités locaux d’éducation (parents et enseignants), les RER ont donc vocation à organiser des projets éducatifs cohérents de la maternelle au collège. Pour chaque RER, une convention passée entre les acteurs permet de programmer les moyens à mobiliser, notamment un coordonnateur mis en place par l’Education nationale, chargé d’animer et de piloter le réseau et les moyens consentis par les différentes collectivités (locaux, équipements des écoles notamment en TICE, crédits pour les déplacements, réhabilitation des logements pour les enseignants, etc.). La dynamique principale des RER repose sur trois éléments fondamentaux : le développement des TICE, les rencontres et échanges entre élèves et enseignants et surtout la constitution d’un lien écoles-collège, le petit collège rural devenant le pôle culturel et scientifique du réseau favorisant la continuité CM2 vers 6e. « Le réseau transforme donc la petite école communale en une école intercommunale à plusieurs classes, pouvant constituer des rencontres d’enfants d’âge homogène pour des projets spécifiques tout en conservant les avantages de la petite école rurale » (Azema, 2005).

  • 20 Une convention cadre a été établie entre le conseil général et l’inspection académique en 1990-1991 (...)
  • 21 <http://pedagogie.ac-toulouse.fr/rer-monts-lacaune/site/index.php>.
  • 22 La classe maternelle de Lacaune est allée remettre aux enfants de 5ème la fresque sur le cirque que (...)
  • 23 Des documents photographiques sur une étude relative aux différentes familles de champignons, ou l’ (...)

24En matière de RER, le département du Tarn fait figure de pionnier, puisque les premiers réseaux y ont vu le jour dès 1991, bien avant donc que l’Education nationale ne se préoccupe de cette question. Ils procèdent d’une initiative du Conseil général20 s’appuyant elle-même sur les pratiques et les attentes des enseignants et la volonté des élus locaux de développer la scolarisation en zone rurale. Aujourd’hui, 16 réseaux d’écoles rurales réunissent 107 écoles dont une située dans l’Aveyron. L’inspection académique du Tarn est d’ailleurs la seule à fournir des informations concernant la constitution de ces réseaux. Lors de l’entretien (30 juin 2011) passé dans la commune de Lascazère, dans le Val d’Adour, la secrétaire de mairie a néanmoins mentionné le projet d’école dans le cadre du RER avec Lafitole, le RPI de la communauté de communes de Les Castels et le RPI de Labatut sur Aire concernant les arts plastiques, la chorale ou des activités de théâtre. Nous avons également pu identifier un réseau situé dans le pays du Sidobre-Monts-de Lacaune, dans le Tarn : le RER des Monts de Lacaune créé à la rentrée 1999. Ce réseau, constitué de 7 écoles, réunissait 419 élèves en 2008 pour 19 classes qui se partageaient un demi-poste de coordonnateur. Si l’on se rend sur le site internet de ce RER21, on constate que les élèves des différentes écoles y consignent, sous forme de blog, les activités de la classe, telles que le projet cirque d’une école maternelle en liaison avec le collège22, ou les rencontres sportives des élèves de cycle 2 des écoles du réseau, ou bien encore des rencontres culturelles entre classes, ou l’organisation d’une exposition. Les enseignants se servent également de ce site pour y consigner des informations pédagogiques23, même si l’emploi des TICE semble encore bien modeste.

25Ces regroupements se déploient bien souvent sur des logiques complexes mêlant la proximité géographique, les temps de parcours, les choix des élus et des équipes d’enseignants, la pression des directeurs académiques, etc. Ils correspondent de fait peu souvent à un découpage administratif « officiel », comme celui des communautés de communes.

La mise en œuvre communautaire de la compétence « école » : la solution la mieux adaptée pour préserver le service ?

  • 24 Cf. la réponse du ministre de l’Education nationale du 16 mai 1996 au JO du Sénat : « une structure (...)

26Nous avons souligné supra la fragilité et les faiblesses de l’école communale, hors RPI et RER. Les RPI tentent d’y remédier. Mais dans un cadre, sans véritable qualification juridique, à certains égards relativement informel (ADCF, 2009), ou relevant au mieux du domaine contractuel24. Les solutions proposées en sont d’autant moins convaincantes. Ce qui encourage la recherche de prolongements par le biais de l’intercommunalité.

Les faiblesses du système actuel

  • 25 Selon BANATIC (BAse NAtionale d’informations sur l’InterComunalité.

27Les regroupements ne reposent donc pas nécessairement sur une structure juridique, puisque seulement 45 % d’entre eux sont gérés25 par un EPCI, la plupart du temps un SIVOS (Syndicat intercommunal à vocation scolaire). « Concernant plus d’une école sur cinq, les RPI sont donc une réalité courante, mais une réalité sans statut » (Reiss, 2010), une « école intercommunale de fait » (Cour des comptes, 2008). La référence aux RPI ne se retrouve ainsi que dans la circulaire du 3 juillet 2003 qui se borne à indiquer que les regroupements peuvent s’appuyer sur des EPCI ou bien dans l’arrêté du 13 mai 1985 relatif au conseil d’école qui fait référence au fait qu’un « regroupement d’écoles par niveau pédagogique est considéré comme une seule école ».

  • 26 Ainsi, très récemment, dans le pays de Figeac, une des écoles d’un RPI – celui de Latronquière, con (...)

28Le caractère informel des regroupements tend tout d’abord à en fragiliser le maintien26. Lors d’un entretien (30 juin 2011) avec le maire de Vidouze (65), un village de 258 habitants du Val d’Adour, celui-ci indiquait que le SIVOS qu’il avait constitué avec deux autres villages était un RPI dispersé sur trois sites d’enseignement, et qu’en février 2011, il y avait eu une menace de fermeture d’école, parce que seulement 52 enfants était prévus pour la rentrée. Grâce à des inscriptions de dernière minute, la menace était finalement passée.

29Ce déficit d’institutionnalisation des RPI peut également être désastreux pour les finances des petites communes rurales. Le décret du 9 novembre 2010 pris en application de la loi Carles suscitée précise en effet que la capacité d’accueil de la commune ne sera appréciée au regard de l’ensemble des écoles d’un RPI qu’à la condition que celui-ci soit adossé à un EPCI chargé de la compétence scolaire. Dès lors, cela signifie que les communes n’ayant fait le choix que d’un RPI « informel » seront obligées de contribuer aux frais de scolarité des élèves du village inscrits dans le privé hors du territoire communal dans la mesure leur école intercommunale n’est pas officiellement reconnue.

30Enfin, les RPI sont également une source de confusion par rapport aux intercommunalités « officielles », que constituent les EPCI. Ainsi, la Cour des comptes relève que le transfert de la compétence scolaire a pu être effectué en direction d’un EPCI sans tenir compte des RPI existants, ou bien que les communes ont parfois continué à exercer la compétence scolaire, notamment dans le cadre des RPI, sans tenir compte, à l’inverse, du fait que cette compétence avait été transférée à un EPCI, en contradiction avec le principe d’exclusivité qui régit l’intercommunalité.

  • 27 Michel Azéma (2003), conclut également au manque de solidité du réseau qu’il considère sans statut (...)
  • 28 Par exemple, dans la Vallée du Douctouyre (pays des Pyrénées Cathares), le RPI concerne des commune (...)

31Quant aux RER, ils se caractérisent également par leur « labilité […] et leur fragilité » (Cavaillé, 2007). Les réseaux prennent en effet des configurations variables d’une année sur l’autre ; certains disparaissent même rapidement. En outre, ils ne reposent pas nécessairement sur une identité partagée par les élus et la population, et créent une « entité intercommunale supplémentaire et peu lisible » (ibidem)27. Enfin, dans la mesure où ni les écoles qui le composent ni le réseau lui-même n’ont la personnalité juridique, ils ne peuvent gérer les financements propres au fonctionnement scolaire (Oudot, 2004). Dans son rapport adressé au premier Ministre en septembre 2010, Frédéric Reiss (2010) préconisait ainsi d’améliorer la rationalisation du territoire académique en favorisant sa cohérence avec la carte des intercommunalités à fiscalité propre28. La Cour des comptes suggère également de mettre en place « un cadre institutionnel rénové permettant un meilleur fonctionnement pédagogique et administratif des écoles regroupées […] [tel] que le transfert de la compétence scolaire à une intercommunalité » (Cour des comptes, 2008). Enfin, certains syndicats d’enseignants, comme le SE-UNSA, sont eux aussi favorables à l’intercommunalisation des regroupements et des réseaux.

Vers un transfert de la compétence scolaire aux intercommunalités ?

32Les transferts de compétence en matière scolaire à des EPCI à fiscalité propre, c’est-à-dire à l’intercommunalité de type communautaire, est aujourd’hui encore chose rare. Si les équipements préélémentaires et élémentaires d’intérêt communautaire relèvent en effet des compétences optionnelles de la communauté de communes, ils demeurent de l’ordre des compétences facultatives des communautés d’agglomération et des communautés urbaines. Quant au fonctionnement des écoles, des activités périscolaires et extrascolaires, elles relèvent des compétences facultatives des trois types de communautés. Ainsi, seules 27 % des communautés de notre pays disposent d’une compétence en matière d’équipements scolaires (Oudot, 2004), ce sont principalement les services complémentaires ainsi que les transports qui sont fréquemment transférés (ADCF, 2012), notamment en milieu rural. Par exemple, le SIVOS constitué par Vidouze, Lahitte Toupière et Sombrun (pays du Val d’Adour) n’est pas adossé à la communauté de communes de Maubourguet à laquelle appartiennent pourtant les communes du SIVOS, puisqu’elle n’a pas la compétence école. En outre, nous avons vu que seuls 45 % des RPI étaient portés par un syndicat. Or, en application de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriale et dans le cadre de la mise en œuvre des Schémas Départementaux de la Coopération Intercommunale (SDCI) arrêtés au 31 décembre 2011, les périmètres de l’intercommunalité tendent à être étendus et, à tout le moins, rationalisés. Il est ainsi attendu que les nouveaux périmètres communautaires soient harmonisés avec ceux des syndicats ou que les nouvelles communautés prennent en charge les activités scolaires de ces syndicats. Si l’économie générale des SDCI postule pour une réduction des syndicats partout où les communautés peuvent aisément se substituer à eux, certains élus locaux se sont émus des risques qu’entrainerait une telle mutualisation, notamment de la compétence « équipements et fonctionnement des écoles », qui ne peut pas toujours être gérée à l’échelle d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine. Raison pour laquelle la loi Pelissard du 29 février 2012 prévoit la possibilité dérogatoire de créer de nouveaux syndicats en matière scolaire et sociale.

33À ce jour, seules une cinquantaine de communautés prennent en charge des écoles élémentaires, en partie parce que les maires ne souhaitent pas se voir dépossédés de leurs prérogatives en cette matière, en partie également parce que le transfert de cette compétence engendre souvent au plan patrimonial une remise à niveau de l’ensemble des équipements et entraine des dépenses de fonctionnement jugées souvent trop lourdes. Certaines expériences intercommunales sont néanmoins d’ores et déjà engagées dans ce domaine. Ainsi, dans le Val d’Adour, la communauté de communes de Les Castels, constituée de trois communes a des compétences de « services au public », comme la compétence scolaire, et c’est elle qui gère le RPI formé entre les trois communes et une commune voisine n’appartenant pas à la communauté. Le RPI dispersé entre deux sites assure les transports et la restauration scolaires (par livraison de repas), ainsi qu’un CLAE/ CLSH. D’autres expériences ont été lancées hors de notre terrain d’étude. Ainsi, en Charente-Maritime, la communauté de communes du canton d’Aulnay de Saintonge a élargi sa compétence scolaire. Dès sa création en 1994, la communauté avait pris la compétence scolaire limitée au fonctionnement ; elle prenait en charge tout ce qui relevait du périscolaire et du fonctionnement des écoles (personnel, matériel, fournitures scolaires, etc.) en laissant la question de l’organisation scolaire aux communes, ce qui leur permettait, selon leurs vœux, de maintenir leur école communale ou d’avoir recours à des RPI. Mais, en 2007, l’établissement de la nouvelle carte scolaire a entrainé la fermeture de deux écoles et le transfert subséquent des élèves dans deux autres écoles vétustes et inadaptées. De sorte, qu’en 2008, a été prise la décision d’élargir la compétence scolaire intercommunale à l’organisation des écoles et de mettre en place quatre pôles scolaires susceptibles d’accueillir une centaine d’élèves chacun. Les forts investissements réalisés sont en partie compensés par la réduction des frais de fonctionnement, une amélioration des conditions d’enseignement, notamment grâce au plan « écoles numériques rurales » et l’obtention d’un moratoire négocié avec l’inspection d’académie sur une suspension de la diminution des postes d’enseignants (Mairie-conseil, 2001).

34Plus récemment, la communauté de communes du Haut-Clocher dans la Somme (20 communes et 7 800 habitants) a opté pour un regroupement pédagogique concentré substituant trois pôles scolaires avec des bâtiments haute qualité environnementale, équipés de fibre optique, de tableaux blancs interactifs, de classes mobiles et d’espaces numériques de travail aux douze écoles de campagne du territoire intercommunal. Le projet qui a permis d’accueillir près de 750 élèves à la rentrée 2010 a coûté 10 millions d’euros et a été financé en partie par la communauté de commune (30 %), l’État (17 % dont l’ADEME), la région Picardie (19 %), le conseil général de la Somme (27 %), l’Europe et la CAF. Les élus ont fini par convaincre les parents, réticents à l’idée de voir fermer l’école du village, que les facilités qu’ils perdaient en termes de proximité étaient largement compensées par la qualité de cette nouvelle école plus moderne. Et que la proximité du pôle scolaire le plus important situé sur le chef-lieu de canton avec un espace culturel, deux salles de sport et surtout le collège de canton pourrait constituer la base d’un RER intercommunal (ADCF, 2010).

35D’autres exemples29 plaident pour une intercommunalisation scolaire au-delà des seules compétences périscolaires. Une intercommunalisation plus pérenne, mieux sécurisée au regard des suppressions de postes, afin de garantir l’égalité d’accès des enfants à un service public de qualité. Dans le même sens et toujours dans le cadre de l’intercommunalité, la mise en réseau des écoles en les associant au collège du chef-lieu de canton, pourrait également améliorer l’interaction entre les cycles et, pourquoi pas, faire de l’école rurale l’« école du xxie siècle ». C’est probablement vers cette voie que les acteurs de Midi-Pyrénées devraient s’orienter pour mieux mailler l’espace rural de services publics de qualité.

36La réorganisation de l’Education nationale à travers la RGPP est venue heurter de plein fouet les logiques d’aménagement du territoire dans l’espace rural. Partant d’un chiffre de suppressions de postes à l’échelle nationale, par effet de cascade, les directeurs académiques ont fait des choix cornéliens pour supprimer des postes, regrouper des classes, voire fermer des écoles.

37Face à cette logique comptable, les élus ont été directement interpelés sur leur capacité à organiser des alternatives à l’historique présence de l’école dans chaque village. Les regroupements dispersés, concentrés ou encore les réseaux constituent des solutions de mutualisation de l’offre scolaire. Les collectivités locales investissent aussi dans les coûts annexes à cette réorganisation : CLAE, cantines, transports scolaires etc. Cette réorganisation interroge cependant le lien commune/intercommunalité. Dans un contexte de montée en puissance de l’échelle intercommunale, la structuration d’une offre dans ce cadre institutionnel a probablement une pertinence pour la poursuite des actions engagées, le maintien de l’école dans l’espace rural étant l’une des conditions majeures de l’attractivité de nouvelles populations.

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Bibliographie

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Adcf, 2012, « Dans l’esprit du Haut-Clocher, seul le regroupement sauvera l’école rurale », Intercommunalités, n° 163.

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Touret (L.), Bourniquel (Ch.), Poisson (C.), 2010, « L’espace rural en Midi-Pyrénées : Dynamique démographique et accès aux équipements », DRAFF et Insee Midi-Pyrénées.

Lois, décrets et circulaires

Loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.

Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 dite Loi Carles.

Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement durable du territoire.

Loi Goblet du 30 octobre 1886 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire.

Décret n° 2010-1348 du 9 novembre 2010 fixant les conditions de prise en charge des dépenses obligatoires des communes participant à un RPI en application de l’article L. 442-5-1 du Code de l’éducation.

Circulaire n° 2011-237 publiée au BO du 12 janvier 2012 et relative aux écoles de montagne.

Circulaire du 7 juillet 2000, circulaire relative à la coordination de l’évolution de l’implantation territoriale des services publics pour la mise en œuvre de des dispositions des décrets du 20 octobre 1999.

Circulaires des 10 et 29 octobre 1993.

Circulaire du 28 juillet 1964.

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Notes

1 Dans le cadre du programme de recherche de la région Midi-Pyrénées, nous nous sommes intéressés à la situation de l’éducation dans quatre pays de la région, le pays du Val d’Adour, le pays Pyrénées-Cathares, le pays de Figeac et le pays du Sidobre et des Monts de Lacaune, tous les quatre particulièrement marqués par la ruralité.

2 Entretien du 14 janvier 2011 avec François Daujan, directeur de la division de la prospective et de la performance (DPP) au rectorat de Toulouse.

3 Soit 45 % des communes de moins de 1 000 habitants (Reiss, 2010).

4 Plus de 11 000 en 1980, moins de 4 000 en 2010.

5 34,3 % des enfants de 2 ans étaient scolarisés en 2000, ils ne sont plus que 13,6 % aujourd’hui.

6 Mais selon le directeur de la DPP, seulement -10 dans le rural isolé et -20 dans le rural (entretien cité).

7 On y compte 176 écoles pour 10 000 enfants âgés de 6 à 10 ans contre 144 au niveau national et la région est en 5ème position (Touret, Bourniquel, Poisson, 2010, 81).

8 Midi-Pyrénées est à la fois la région métropolitaine la plus vaste et celle qui détient le record de France de communes avec plus de 3 000.

9 Les ¾ des communes qui disposent d’une école ont moins de 1 000 habitants, alors que le seuil national est de 1 290 habitants et près de 53,6 % des écoles publiques ont moins de 4 classes (cf. « L’académie en chiffres 2010-2011 »).

10 Ce taux d’équipement est de 178 pour les Pyrénées Cathares, 262 pour le Pays des Monts de Lacaune et 263 pour le Val d’Adour alors qu’il est de 176 pour l’espace rural régional.

11 47 % des communes possèdent leur école élémentaire ou au moins une classe d’un RPI contre 60 % au niveau national (Ibidem).

12 254 pour le Val d’Adour, 278 pour les Pyrénées Cathares et 383 pour les Monts de Lacaune.

13 P/E : Nombre de postes du 1er degré public pour 100 élèves/ effectif total du 1er degré. Cet indicateur permet de mesurer le taux global d’encadrement en classe et hors la classe.

14 Une première circulaire en date du 28 juillet 1964 a demandé aux inspecteurs d’académie de fermer les classes ou les écoles de moins de 16 élèves. Après quoi, le moratoire sur les services publics des circulaires des 10 et 29 octobre 1993 a conditionné toute fermeture de service public dans les communes de moins de 2 000 habitants (et donc notamment d’écoles) à l’autorisation de la commune concernée. Enfin, la circulaire du 7 juillet 2000 – circulaire relative à la coordination de l’évolution de l’implantation territoriale des services publics pour la mise en œuvre de la loi n° 99-533 d’orientation pour l’aménagement durable du territoire du 25 juin 1999 des dispositions des décrets du 20 octobre 1999 – est venue abroger cette dernière disposition et s’est contentée d’imposer aux Préfets de recueillir l’avis des conseils municipaux concernés par une fermeture de service.

15 La Loi n° 2009-1312 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association, dite Loi Carles du 28 octobre 2009, prévoit que la commune de résidence d’un élève scolarisé dans un établissement privé situé hors de son territoire devra contribuer aux frais de sa scolarité si elle n’est pas elle-même en mesure de l’accueillir dans une école publique de son territoire.

16 La circulaire n° 2011-237 publiée au BO du 12 janvier 2012 et relative aux écoles de montagne a atténué la rigueur de cette conception rationaliste. Elle recommande aux recteurs de combiner, pour chaque département, le classement en zone montagne avec le caractère rural de la commune, sa démographie scolaire, son isolement et ses conditions d’accès par les transports scolaires et d’apprécier l’évolution des effectifs à 2 ou 3 ans afin de parvenir à une meilleure stabilisation des structures scolaires. Elle précise également que les seuils d’ouverture ou de fermeture de classes doivent être envisagés avec souplesse et faire l’objet d’une concertation avec les élus.

17 On pense également au succès du film documentaire français « Être et avoir », réalisé par Nicolas Philibert, (Festival de Cannes en 2002), qui suit pendant une année scolaire un instituteur et sa classe unique d’enfants de 4 à 11 ans dans une école communale située dans une petite commune rurale d’Auvergne.

18 Ce qui peut engendrer des temps de trajets longs pour les élèves et aller à des rythmes des enfants.

19 Les RER procèdent aujourd’hui de la circulaire (17 décembre 1998) intitulée « L’avenir du système éducatif en milieu rural isolé » et publiée à la suite du rapport commandé par la ministre à l’Inspecteur général Jean-Claude Lebossé.

20 Une convention cadre a été établie entre le conseil général et l’inspection académique en 1990-1991 et, sur cette base, une convention a ensuite été signée pour chaque réseau entre le département, l’inspection d’académie et les communes concernées (cf. Cavaillé, 2007).

21 <http://pedagogie.ac-toulouse.fr/rer-monts-lacaune/site/index.php>.

22 La classe maternelle de Lacaune est allée remettre aux enfants de 5ème la fresque sur le cirque que les enfants avaient réalisée pour eux : <http://www.ladepeche.fr/article/2012/01/13/1259245-lacaune-un-projet-interecoles-sur-le-cirque.html>.

23 Des documents photographiques sur une étude relative aux différentes familles de champignons, ou l’enregistrement de comptines ou des rédactions collectives sur un thème, etc.

24 Cf. la réponse du ministre de l’Education nationale du 16 mai 1996 au JO du Sénat : « une structure pédagogique d’enseignement dont l’existence repose sur un accord contractuel entre communes, fixant notamment les conditions de répartition des charges des écoles regroupées ».

25 Selon BANATIC (BAse NAtionale d’informations sur l’InterComunalité.

26 Ainsi, très récemment, dans le pays de Figeac, une des écoles d’un RPI – celui de Latronquière, constitué de 2 communes seulement –, était menacée de fermeture à la rentrée 2012, en raison de la suppression du poste d’enseignant affecté à cette école (Pelaprat, 2012).

27 Michel Azéma (2003), conclut également au manque de solidité du réseau qu’il considère sans statut et estime que « s’il n’est pas conforté par une relance institutionnelle, doté d’un seul conseil, appuyé par un établissement public ayant la capacité de recevoir les crédits, animé par un directeur de réseau, son avenir peut être compromis à moyen terme ».

28 Par exemple, dans la Vallée du Douctouyre (pays des Pyrénées Cathares), le RPI concerne des communes de trois communautés.

29 Cf. notamment les expériences recensées sur le site de Mairie-Conseils : <http://www.mairieconseils.net>

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Pour citer cet article

Référence papier

Cécile Jebeili et François Taulelle, « L’école rurale, entre regroupements et réseaux »Sciences de la société, 86 | 2012, 50-69.

Référence électronique

Cécile Jebeili et François Taulelle, « L’école rurale, entre regroupements et réseaux »Sciences de la société [En ligne], 86 | 2012, mis en ligne le 01 juin 2012, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/1700 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.1700

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Auteurs

Cécile Jebeili

Maître de conférences en droit public, département géographie Université de Toulouse-Le Mirail, chercheur à Dynamiques rurales, UMR CNRS-UTM, jebeili@univ-tlse2.fr

François Taulelle

Professeur des universités en aménagement et urbanisme, CUFR Jean-François Champollion, chercheur au LISST CNRS (UMR 5193), francois.taulelle@univ-jfc.fr

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