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La création du social par l’objet réseau

Creation of the social by the network object
Serge Agostinelli, Marie Ouvrard, Evelyne Lombardo, Marielle Metge et Sophie Arvanitakis
p. 106-115

Résumés

L’objectif de cette contribution est de montrer que la notion de réseau social dépasse la structure sociale composée d’individus reliés par des liens d’affinité. Les réseaux constituent des espaces liés aux objets qui les structurent et qui structurent eux-mêmes les interactions sociales qu’ils permettent d’accueillir. Pour appuyer notre argumentation, nous prenons l’exemple d’un réseau socio-professionnel dans lequel les membres laissent des profils à destination de donneurs d’ordres qui souhaitent recruter les bonnes personnes pour constituer une équipe spécifique à un projet.

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Texte intégral

1Étymologiquement le mot « réseau » vient du latin « retiolus », « petit filet », diminutif de « retis » qui signifie « filet » (Parrochia, 2005). Le réseau est ce qui attrape dans son filet, ce qui relie ensemble, qui entrelace, qui entrecroise, qui fait communiquer et qui met en relation des éléments entre eux. C’est un ensemble de points dont certains sont joints par des lignes, qui indiquent qu’ils sont en interaction. Bien sûr, on pourrait décrire toute la vie sociale comme un réseau. Cependant, à l’origine, la notion envisageait la partie du filet qui reste quand on enlève les chaînes d’interaction qui relèvent strictement des systèmes industriel et territorial (Barnes, 1954). La notion de réseau était alors associée aux propriétés structurelles. Le structurel associe les règles et les ressources alors que les structures sont des ensembles isolables de règles et de ressources (Giddens, 2005).

2Les propriétés structurelles ont un impact sur procédures de production et de diffusion des informations, sur les rapports entre les membres du réseau de l’entreprise à travers les mécanismes de coordination et les modalités de contrôle des échanges. Les individus communiquent donc entre eux en modifiant le structurel. Chacun stimule les autres par l’ensemble des actions qu’il réalise. Chaque action d’un membre laisse des signes dans l’environnement, des signes perçus par lui-même et les autres membres qui déterminent leurs prochaines actions. Les actions deviennent ainsi des traces stigmergiques laissées dans l’environnement servant de points de repères et de ressources pour tous.

  • 1 Cet exemple est issu d’une recherche en cours financée par le dispositif PacaLabs pour la société N (...)

3Dans le réseau socio-professionnel Webportage1, les profils de compétences sont autant de traces stigmergiques laissées pour les donneurs d’ordres et les autres professionnels. En effet, avec les technologies, la production de traces n’a jamais été aussi efficace (Galinon-Mélénec, 2011) et sur le web, les traces sont particulièrement mises en évidence par les moteurs de recherche lors de requêtes. Les résultats affichés agissent alors comme des signes-traces (Galinon-Mélénec, Monseigne, 2011) que laissent les internautes comme sens de leur réalité. Du moins, d’une réalité possible et reconnue comme vraisemblable puisque les signes-traces indiquent quelque chose au sujet de l’internaute, dans le contexte d’un système social numérique qui lui échappe au profit des algorithmes qui le construisent. En fait, les algorithmes ont développé en quelque sorte le mythe moderne de Prométhée qui rendrait aux hommes un « savoir divin » sous la forme de l’information la plus pertinente pour lui. Ils nous libèrent d’une multitude de résultats non pertinents (Barocas, Hood, Ziewitz, 2013) et ont le pouvoir d’activer et d’affecter la signification, de gérer la façon dont l’information est perçue par les utilisateurs (Gillespie, 2013). Pourtant, il y a longtemps que nous savons que le nombre de clics – ou de Tween – ne dit rien sur une interaction ou une tendance (Gillespie, 2011) et, du coup, il devient indispensable de nous pourvoir d’une approche épistémologique qui aurait suffisamment d’ampleur pour observer les règles induites des ressources (information et algorithme) autorisées par le réseau et suffisamment de profondeur pour respecter le social.

Position du problème

4Les réseaux sociaux (rs) relèveraient plus des structures que de l’interaction avancée. A moins qu’ils révèlent leur dualité structurelle et soient à la fois le produit d’interactions et de structures liées aux objets techniques élaborés par la culture.

5Du point de vue des structures, les rs sont constitués d’unités informatiques durablement organisées hiérarchiquement, les serveurs. Puis, du point de vue structurel, ils sont produits par la Société de l’Information, principalement par des unités d’information et de communication, des unités humaines d’information autonomes, mais interdépendantes. Ces unités sont connectées entre elles fonctionnellement plutôt que hiérarchiquement ce qui donne les propriétés structurelles à partir des liens qui relient entre eux des paires d’individus. C’est ici, l’idée de cette vieille chose qu’est la tribu, et ces antiques formes de solidarité… elles naissent, s’expriment, se confortent grâce aux divers réseaux électroniques (Maffesoli, 2009)

6C’est généralement ce troisième aspect qui est mis en évidence par les shs sous le terme d’interaction sociale. Toutefois, celui-ci présuppose que la nature sociale des réseaux surdétermine ses propriétés structurelles. Cette surdétermination élude le rôle médiateur du retis. Pourtant, ce qui fait que l’homme est un pécheur, c’est son filet et ce qui donne corps aujourd’hui aux réseaux sociaux c’est leur structure et particulièrement les objets techniques de cette structure. Les objets parlent pour nous (Baudrillard, 1974), ils parlent de notre manière d’être au monde, de notre façon de vivre ensemble et c’est l’objet utilisé qui fait la différence entre le pécheur et le chasseur. Ce sont aussi les objets utilisés qui font la différence entre le membre de Facebook et de LinkedIn2.

7Facebook est un réseau informel qui encourage la connexion personnelle. La reconnaissance des activités partagées est permise en établissant des pages de Groupe (Group Page) d’utilisateurs : « le groupe de ceux qui... ». Les informations données sont personnelles et présentées à la manière d’un carnet quotidien. Les liens entre individus varient, ils sont fort lorsque les individus se connaissent dans la vraie vie, ils sont faibles lorsqu’il n’y a aucun lien en dehors Facebook. LinkedIn est un réseau formel qui favorise la connexion professionnelle par le réseautage d’affaires. Les informations données sont professionnelle à la manière d’un cv. Les liens entre individus sont forts, car ils se connaissent dans la vraie vie et font affaire avec eux. Webportage est un intermédiaire de ces deux réseaux. Il associe les individus par un moteur d’affinité qui constitue « le groupe de ceux qui pourraient travailler ensemble » et il associe également ce groupe à un réseautage d’affaires possibles de façon à préconiser des projets concrets d’affaires. Contrairement aux deux exemples de réseau social évoqués, la démarche des individus n’est pas volontaire. Ils ne décident pas qui solliciter. Ce sont les moteurs qui collectent, interprètent et organisent les informations déposées par les utilisateurs.

8L’évaluation qu’ils conduisent des personnalités professionnelles et communicationnelles des utilisateurs permet d’apprécier le degré de relation entre un utilisateur et une pluralité d’autres utilisateurs en fonction des objectifs du réseautage d’affaires. Chaque utilisateur est donc associé à un réseau en fonction de ces besoins et au degré des relations professionnelles entre l’utilisateur et le groupe d’utilisateur. Ici, c’est la construction du réseau qui est l’objectif, les utilisateurs ne sont que des nœuds et la finalité n’est pas au profil du réseau ou des individus, mais de l’instance qui lance sont filet.

9On assiste ici à la création d’un réseau socio-professionnel par les objets informationnels et techniques. Nous sommes au croisement de la production d’informations et du pilotage algorithmique des structures d’informations, des interfaces et des objets mis à dispositions.

10Pour reprendre la métaphore du filet de pêche, ce ne sont bien évidemment pas, ni les nœuds ni les mailles qui décident de la nature du filet. Ils en donnent les potentialités : le textile est défini par sa nature, par sa longueur utile au kilogramme et sa résistance; le sens du filet est donné par l’orientation du nœud du réseau; la dimension de la maille est donnée par la mesure du côté de la maille, partie indivisible du filet; la mesure de la longueur d’une nappe s’effectue sur une nappe étirée... Autant dire que la confection d’un filet relève de procédures quasi-mathématiques (Percier, 1958). Nous supposons qu’il en va de même pour des filets sociaux qui pour être efficace et répondre à une fonctionnalité arrêtée, ne peuvent pas être confectionné à partir les individus (nœuds) ou sur des relations (mailles), mais des procédures quasi-algorithmique qui cristallisent les fonctionnements et révèlent les intentionnalités. Elles cadrent les interactions et créent ainsi un espace (physique et virtuel) dans le temps et l’espace qui relie les individus. De fait, elles contribuent à structurer et prennent part à la production d’informations. Les algorithmes comme : \emph{Selective Invitation with Tree and In-Node Aggregation} (De-Nian et al., 2013) comblent ainsi le fossé apparent entre le structurel et la structure. Le social s’incarne dans l’objet qui véhicule les potentialités que l’individu peut mettre en mouvement (cf. Latour, 1994).

Question de départ

11Le réseau est à la fois le produit d’une structure sociale donnée et le produit de la pratique antérieure ou non que l’on en a. C’est ce rapport qui donne une identité au réseau en affectant un statut, un rôle, et en positionnant les acteurs, les uns rapport aux autres. Dès lors, les moyens d’expression et d’existence individuelle proposée par les objets sont-ils de nature à créer le lien social ? En d’autres termes, ces objets amplifient-ils le social existant par ailleurs ou sont-ils de nature à penser de nouvelles formes de sociales ?

Analyse de terrain

12L’analyse de terrain que nous avons conduite a eu pour objectif de clarifier les paramètres de l’algorithme. L’algorithme en lui-même est actuellement en développement et donnera lieu a des publications futures. Les paramètres finaux seront issus d’une observation expérimentale des actions et des traces stigmergiques laissées sur le rs. Toutefois pour avoir des hypothèses sur l’activité des individus avec les interfaces qui sont la visualisation des moteurs (en construction à ce jour), nous devons conduire une analyse des tâches et une analyse des représentations qui font agir. L’analyse des tâches ne fera pas l’objet ici d’un exposé, mais relève de l’analyse des interfaces, qui doivent en plus d’assurer la communication entre l’homme et le système informatique (Donald, Draper, 1986 ; Nanard, 1990), ont une structure d’action qui impose les règles de dialogue, de navigation et de convivialité ; en même temps qu’elle établit sa fonction d’usage, de compréhensibilité et d’accessibilité (Agostinelli, 2010). En amont, de cette analyse de la tâche, nous avons analysé les représentations des utilisateurs, liées à la finalité du rs. C’est la façon d’interroger ces représentations qui constitue l’ossature de l’algorithme.

13L’analyse de représentation est fortement liée pour nous à l’analyse des usages. Elle permet de connaître les arguments de l’usage envisagé comme une réponse aux propositions d’action inscrite dans l’objet. L’analyse des usages via les représentations concerne en particulier les opérations que l’utilisateur doit effectuer. C’est donc l’analyse d’un ensemble de procédures indiquant non seulement si les actions mises en œuvre atteignent leur but, mais aussi de quelle façon elles le sont. L’analyse englobe donc, non seulement les actions faites avec l’objet, mais bien sûr aussi, les méthodes et tous les éléments qui interviennent dans le déroulement de l’action. Les deux analyses usages/ représentation qui ne sont pas réductibles l’une à l’autre interviennent en cours de la conception de l’algorithme avec l’intention de rétroagir sur celui-ci. En fait, nous dépassons l’analyse des usages pour mettre en place un retour d’usage qui ne s’intéresse pas uniquement l’utilisateur, mais à l’ensemble des promoteurs de l’usage. C’est une façon d’impliquer tous les acteurs (utilisateurs, chercheurs, développeurs, commanditaire) dans le processus de conception des algorithmes avec l’idée de boucle rétroactive.

14La méthode employée est un croisement, une adaptation de méthodes bien connues en shs. Généralement, lorsqu’on analyse le « discours sur », on conduit des entretiens ouverts pour comprendre la dynamique sociale au travers des récits individuels. Nous avons bousculé cette option avec une hypothèse de départ relative aux représentations que peuvent avoir les individus sur la notion de projet. D’un côté, il existe des projets qui sont structurants et de l’autre, des projets qui sont innovants. Nous avons donc réduit volontairement un discours global à des variables manipulables par les moteurs à partir de positions théoriques. Nous avons admis que les discours qui avancent l’importance des aspects structurants se fondent sur l’importance des plans d’action pour la mise en œuvre du projet. C’est la perspective analytique classique du problem-solving (Newell, Simon, 1972) qui conçoit la réalisation d’une tâche comme l’exécution d’un plan d’action déterminé à l’avance. Cette conception a été à la base de la construction des cal (Computer-Assisted Learning) ou des its (Intelligent Tutoring Systems) dans lesquels le fonctionnement du sujet, à l’instar de celui d’un ordinateur, était assimilé à une machine à traiter de l’information symbolique. Le traitement de l’information se fait ici en référence à un arbre de décision. L’usage que l’on peut en déduire devrait relever des procédures indiquant non seulement si les capacités à utiliser l’instrument (ici une structuration fonctionnelle des informations qui se traduit dans le discours par : « je peux faire») sont atteintes, mais aussi de quelle façon elles le sont. Les usages sont ici centrés sur le métier et les connaissances objectives qui autorisent la construction du savoir-faire et des règles formelles qui traduisent l’activité concrète.

15En revanche, nous avons traduit les aspects plus opportunistes par des actions situées (Suchman, 1987) avec pour perspective, une auto-organisation de l’activité qui dépend des possibilités locales de réalisation et qui fonde la pertinence et la validité situationnelle des actions réalisées. Cette perspective du déroulement dynamique de l’action au fur et à mesure des modifications de l’environnement par celle-ci propose un autre cadre pour analyser la décomposition temporelle de l’action. Avec cette perspective, l’individu est considéré comme un système à rechercher constamment de l’information en interagissant avec son environnement. L’usage que l’on peut en déduire devrait relever des processus d’appropriation des objets indiquant non seulement ce qui a été construit (ici une représentation pragmatique de l’action : « je sais faire »), mais aussi de quelle façon cette construction devient effective. Les usages sont ici centrés sur les connaissances subjectives et l’individu qui autorisent la construction du savoir-être et les interactions qui traduisent l’activité cognitive.

16Pour analyser ces entretiens organisés autour de cinq questions ouvertes sur la définition et les fonctions d’un projet nous avons distingué les trois niveaux mentionnés par Goody (2006) : (a) le mot représente l’objet ; (b) les mots parlent de l’action, ne représentant pas l’action elle-même, mais sa réédition ; (c) les mots s’éloignent des objets ou des actions pour aller vers les commentaires à propos de ce qui se passe. De plus, nous avons séparé les récurrences dans l’explicitation des notions et des fonctions. Nous avons pu regrouper ainsi, les sèmes récurrents comme des sèmes identiques et des sèmes différents (de ceux récurrents) apportant une nouvelle idée. Par exemple, dans notre expérience l’objet est le projet et la question était de savoir comment les mots allaient représenter l’objet projet et ses déclinaisons. Sur la définition du projet, c’est « la réalisation d’une idée » ; pour les aspects structurants, ce sont « les moyens qu’on met en œuvre pour réaliser cette idée » ; pour les aspects innovants, c’est de « savoir que notre idée à nous va apporter quelque chose de neuf par rapport à ce qui existe sur le marché ». Ces trois citations d’interview montrent que la notion de projet est associée à une idée, que la notion de structurant est associée aux moyens alors que l’innovation est associée au nouveau. Pour cet autre donneur d’ordres, le projet « c’est trouver un créneau et faire quelque chose que l’on aime », l’aspect structurant se retrouve « dans les finances, les bonnes personnes… » et l’aspect innovant dans ce qui « n’existe pas sur le marché… ». Avec ces deux exemples, mais également avec les autres interviews, nous constatons que le projet est associé à une idée (qui n’est pas forcément nouvelle), que les aspects structurants relèvent des moyens qu’ils soient humains ou matériels alors que l’innovation relève du nouveau et de l’opportunité, l’adaptation à un environnement. Cette observation est paradoxale, car lorsque les individus rationalisent leur position et leur discours sur le projet, ils affirment (en off) qu’un projet c’est « quelque chose » qui est à la fois structurant et innovant et que l’un ne va pas sans l’autre. Quoi qu’il en soit, nous avons envisagé ces phrases comme les caractéristiques des façons de penser la réalité. Nous avons donc mis en listes, en tableaux, cette réalité pour faire apparaître de nouvelles perspectives : les items qui sont des évidences (représentations saillantes) et ceux dont il faudra s’assurer pour caractériser un projet particulier.

17La seconde partie de l’entretien est fondée sur le questionnaire de caractérisation avec pour postulat théorique, l’existence d’une hiérarchisation collective des thèmes de l’enquête (Flament, 1994). Ce questionnaire que nous avons passé à 14 donneurs d’ordres, cherche à repérer les valeurs qui ont une forte « saillance », celles qui sont importantes quand on doit constituer une équipe. Il s’agit ici de situer les compétences attendues par leur plus ou moins grande proximité à de la notion de projet. Le questionnaire se compose d’une liste d’items dont le nombre est un multiple de 3, ici 9 : 3 items sont innovants, 3 items sont neutres, 3 items sont structurants. On demande, en premier, à l’interviewé de choisir les 3 items les plus caractéristiques d’un projet innovant, ensuite, on lui demande de choisir dans les 6 items restants les 3 les plus caractéristiques d’un projet structurant. Avec la méthode de Verges (2001), deux questionnaires auraient été nécessaires, mais ici, nous posons comme axiome de départ la logique du différenciateur sémantique. Les 3 items innovants doivent se trouver à un bout de notre axe alors que les 3 structurants doivent se trouver à l’autre extrémité, les 3 du milieu restent neutres. Chaque item innovant est alors codé de 1 à 3 : 1 s’il a été choisi comme le plus innovant, chaque item structurant est codé de 9 à 8 : 9 s’il a été choisi comme le plus structurant. L’autre option de codage a été de dissocier les deux questionnaires (même s’ils ont les mêmes items) et de coder 1 pour les 3 items caractéristiques, 2 pour les items qui n’ont pas été choisis et 3 pour les items les moins caractéristiques (ce traitement reste à faire aujourd’hui).

18Dans notre version du questionnaire de caractérisation, les 14 donneurs d’ordres interrogés n’ont pas suivi les consignes de sélectionner 3 items puis 3 dans les 6 restants. Invoquant qu’une même compétence peut avoir des aspects à la fois innovants et structurants, suivant la personnalité, ils ont repris l’ensemble des items pour effectuer le second tri. Dès lors, un item pouvant être à la fois innovant et structurant nous l’avons codé deux fois.

19Nous n’avons pas ici repris la totalité des réponses obtenues aux items, mais uniquement celles concernant le niveau 1 et 2 : la définition des termes et la nature du projet. En croisant les sèmes classés à partir de l’analyse du discours correspondant aux réponses des questions ouvertes du niveau 1 et les items choisis du niveau 2. Nous pouvons avancer trois affirmations « partagées » issues des propositions faites sous forme d’items de la série du niveau 1 : (1) les objectifs du projet sont fixés au départ ; (2) le projet crée quelque chose de nouveau : (3) le projet répond à des échéances précises. Deux autres affirmations semblent être corollaires : (1) tout au long du déroulement du projet, il est nécessaire de faire des points d’avancement, des vérifications ; (2) il convient de fixer le cadre financier du projet. Trois points majeurs restent pourtant à questionner : (1) les personnes qui vont travailler sur le projet doivent-elles être complémentaires ? (2) doit-on définir a priori les caractéristiques du projet ? (3) l’aboutissement du projet va-t-il poser des bases pour d’autres projets à venir ?

Perspectives

20Au regard des premiers résultats qui n’ont d’intérêt que pour la méthode et en aucun cas, pour une analyse des représentations, nous pensons qu’il est important de conduire ce type d’analyse pour donner un caractère shs à des algorithmes qui collectent et transforment des données en traces stigmergiques révélatrices des moyens d’expression et d’existence individuels liés aux objets et à la nature sociale des liens créés. En d’autres termes, les objets n’amplifient pas le social, il en crée une nouvelle forme.

21Les perspectives sont liées à la reconnaissance des acteurs qui peut s’observer dans la diversité des pratiques qui associent les objets du réseau et les individus. Ces pratiques sont significatives de nouvelles légitimités sociales fondées sur trois types de compétences (Agostinelli, 2010) : La compétence technique qui correspond à l’aptitude de reconnaître les objets d’un environnement technique et à la possibilité de les combiner pour agir ou communiquer ; la compétence sociotechnique qui renvoie à la fois aux règles culturelles et aux ressources et permet l’interaction entre les membres d’une communauté numérique ; la compétence stratégique liée à la dimension d’efficacité qui implique l’aptitude à adapter ses stratégies d’usage à la diversité des relations interpersonnelles.

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Bibliographie

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De-Nian Y., Hui-Ju H., Wang-Chien L., Wei C., 2013, « Maximizing acceptance probability for active friending in on-line Social Networks », Computing Research Repository - arXiv, <http://arxiv.org/abs/1302.7025>.

Flament C., 1994, « Structure, dynamique et transformation des représentations sociales », in Abric J.-C., ed., Pratiques sociales et représentations, puf, 37-57.

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Nanard J., 1990, La manipulation directe en interface homme-machine, thèse d’état en Informatique, Université Montpellier II.

Newell A., Simon, H. A., 1972, Human problem solving, Englewood (nj), Prentice-Hall.

Norman D., Draper S., 1986, User centered system design: new perspectives on human-computer interaction, Hillsdale (nj), Lawrence Erlbaum Associates.

Parrochia D., 2005, « Quelques aspects historiques de la notion de réseau », Flux, n° 62, 10–20.

Percier A., 1958, « Les spécifications des engins de pêche », Revue des travaux de l’Institut des Pêches Maritimes, vol. 22, n° 1, 7–30.

Suchman L. A., 1987, Plans and Situated Actions: the Problem of Human-Machine Communication, Cambridge (ma), Cambridge University Press.

Vergès P., 2001, « L’analyse des représentations sociales par questionnaires », Revue française de sociologie, vol. 42, n° 3, 537–561.

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Notes

1 Cet exemple est issu d’une recherche en cours financée par le dispositif PacaLabs pour la société Nodalys.

2 coach davender, 2009, « La distinction entre Facebook et LinkedIn », 2 mars, <http://blogue.davender.com/ 2009/03/la-distinction-entre-facebook-et-linkedin/>.

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Pour citer cet article

Référence papier

Serge Agostinelli, Marie Ouvrard, Evelyne Lombardo, Marielle Metge et Sophie Arvanitakis, « La création du social par l’objet réseau »Sciences de la société, 91 | 2014, 106-115.

Référence électronique

Serge Agostinelli, Marie Ouvrard, Evelyne Lombardo, Marielle Metge et Sophie Arvanitakis, « La création du social par l’objet réseau »Sciences de la société [En ligne], 91 | 2014, mis en ligne le 16 avril 2015, consulté le 10 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/1308 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.1308

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Auteurs

Serge Agostinelli

Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes, umr 7296 (ufr Sciences, Domaine universitaire de Saint-Jérôme, av. Escadrille-Normandie-Niemen, 13397 Marseille cedex 20).

Marie Ouvrard

Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes, umr 7296 (ufr Sciences, Domaine universitaire de Saint-Jérôme, av. Escadrille-Normandie-Niemen, 13397 Marseille cedex 20).

Evelyne Lombardo

Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes, umr 7296 (ufr Sciences, Domaine universitaire de Saint-Jérôme, av. Escadrille-Normandie-Niemen, 13397 Marseille cedex 20).

Marielle Metge

Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes, umr 7296 (ufr Sciences, Domaine universitaire de Saint-Jérôme, av. Escadrille-Normandie-Niemen, 13397 Marseille cedex 20).

Sophie Arvanitakis

Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes, umr 7296 (ufr Sciences, Domaine universitaire de Saint-Jérôme, av. Escadrille-Normandie-Niemen, 13397 Marseille cedex 20).

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Droits d’auteur

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