1Dire l’accident constitue une problématique communicationnelle en santé et sécurité au travail, entendue comme question collective (Gollac, Volkoff, 2000), sinon polyphonique (Grosjean, Bonneville, Huët, 2010). Dire l’accident, c’est en effet passer de l’événement matériel, via l’enquête, au discours et au schéma, à l’image, et obtempérer à une injonction à communiquer (Bouzon, 2001) pour améliorer la connaissance des risques (Trinquet, 1996) et produire des récits de prévention amenés à circuler – mais c’est aussi formater une communication pour la rendre politiquement admissible, sinon enjoliver ou dissimuler le risque (Carayol, Gramaccia, 2001). Des formulaires, des grilles de questions type, des procédures, des tableaux d’analyse, des logiciels et services numériques (Douyère, 2010 a) sont bien prévus pour permettre et structurer ce dire. Un certain nombre d’entraves à l’expression (Douyère, 2009) surgissent cependant qui rendent cette expression de l’accident au travail délicate. S’il y a une injonction dans une organisation, dans une perspective de prévention collective, à dire l’accident, cependant parce qu’apparaissent aussi des enjeux en termes de responsabilités juridique et fonctionnelle, des enjeux économiques (pénalités financières infligées par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail) et managériaux, voire sociaux et syndicaux internes à l’organisation (Askenazy, 2004), il ne peut être dit, ou pas entièrement.
2Que la nature des causes soit incertaine, que l’entreprise ne souhaite pas être mise en cause – en particulier dans les médias – ou que l’un de ses cadres le soit, ou qu’elle craigne l’inspection du travail, un certain nombre de contraintes vient entraver l’expression de l’accident au travail, quand la survenue de celui-ci n’est pas délibérément maquillée ou transformée en accident domestique (Thébaud-Mony et al., 2011) à l’issue d’une négociation individualisée. La publicisation de l’accident, même interne, s’inscrit en effet dans un contexte social, juridique, économique et fonctionnel interne à l’organisation, qui modélise et prescrit, informe le dicible. C’est cette articulation du ‘doit être dit’ et de l’impossibilité de dire que nous nous proposons d’examiner ici. Il s’agit d’articuler une approche de type ethnographique de l’expression de l’accident en interne, dans une organisation, et une analyse de discours professionnels externes sur l’accident dans l’entreprise.
- 1 Cet article est dédié à la mémoire de Marc Mougel.
3Cet article propose en effet de mener une enquête en deux versants sur la constitution discursive de l’accident concernant France Télécom-Orange1, à la fois en interne et dans une communication semi-externe. Nous ne suivrons pas l’hypothèse d’une articulation, qui s’opère dans les cas les plus graves, entre la communication interne et la communication médiatique extérieure sur l’accident (Douyère, 2014), même si l’externalisation médiatique (par ex. Decèze, 2004 ; Roy, 2009) permet, passée l’entrave faite au discours, une appropriation interne face à un silence organisationnel (Cordelier, 2015) sur la question. Nous étudions plutôt dans cet article d’une part la difficulté d’expression de l’accident en interne, dans un contexte paradoxal d’injonction à la communication, et, d’autre part, les modalités d’expression semi-externes au sein d’un organe lié à l’entreprise, par des récits qui peinent à construire l’événement (Arquembourg, 2011). Dans cette tension entre l’injonction et la difficulté à dire, en interne, et la qualification externe se tient l’énonciation délicate de l’accident du travail.
4La période travaillée relative à la constitution discursive de l’accident concernant France Télécom-Orange se situe entre octobre 2002 et février 2005, c’est-à-dire alors que Thierry Breton est à la direction de l’entreprise. En effet, il s’agit du moment de l’entrée complète de cette entreprise sur le marché privé et du total désengagement de l’État (Dumoulin, 2003). En amont, entre 1999 et 2002, la dette de France Télécom a été multipliée par presque cinq, à l’occasion notamment du rachat d’Orange. Son endettement passe de 14,6 milliards d’euros fin 1999 à 68 milliards d’euros en 2002 (Roy, 2009). En 2002, France Télécom n’est plus un service public. Si la question de la transition s’est posée dès le 1er janvier 1998, cette année-là voit s’accélérer les enjeux de la privatisation. La période de 2002 à 2005, certes ancienne, est donc intéressante concernant France Télécom-Orange dans la mesure où elle correspond à un moment de changement de culture de l’organisation lié à la fin de ses missions de service public. C’est aussi la période du commencement de la « crise des suicides » que connaît cette organisation.
5Le cadre théorique adopté induit, pour le premier versant de l’étude, une attention particulière portée à l’activité des acteurs en situation (Piette, 1996) et l’idée d’une construction communicationnelle opérée par ces derniers ; conscients des enjeux de la communication, ils l’élaborent en en anticipant les effets. Le cadrage analytique posé est ici centré sur le discours des acteurs. C’est la raison pour laquelle c’est le processus d’énonciation (le ‘dire l’accident’) qui nous intéresse ici, non la description assurée de l’accident en lui-même. Il ne s’agit pas non plus de voir comment les mêmes accidents seraient traités parallèlement en interne et en externe dans les médias, mais de mettre en relation la difficulté d’énonciation discursive en interne et l’élaboration discursive (plus ou moins) possible en externe. Il convient au passage de noter l’incommensurabilité des accidents étudiés en interne et narrés par les médias. France Télécom-Orange connaît en effet une diversité d’accidents du travail qui vont de la chute de plain-pied à la chute lors de travaux en hauteur ou aux suicides, s’ils sont qualifiés comme tels.
- 2 Le nom du site a été modifié.
6La préparation d’un discours sur l’accident par des professionnels de la santé-sécurité au travail est étudiée dans un lieu de communication autour de l’accident, à savoir l’édition d’un site intranet transversal accessible à l’ensemble de l’entreprise, Action-Prévention2. Consacré à la santé et à la sécurité au travail, ce site collaboratif et contributif a été élaboré sous le pilotage de la cellule Santé Sécurité au travail de l’entreprise. Un comité éditorial composé d’une dizaine de personnes (préventeurs, expert sécurité au travail, conseillers locaux de sécurité, médecin du travail...) de différentes régions françaises produit le contenu éditorial du site. Il a pour objectif un partage d’informations, d’expertises et de ressources afin de favoriser une « montée en compétence » des préventeurs (professionnels mettant en œuvre la politique de sécurité des personnes au travail dans un établissement). Au sein d’une « encyclopédie de la santé et de la sécurité au travail », il comporte une rubrique « accidents » que le comité éditorial du site édite. Il s’inscrit en effet dans la dynamique d’une « professionnalisation » de la fonction santé-sécurité dans l’entreprise et d’une structuration informationnelle renouvelée de ses outils (Douyère, 2011). Une recherche plus vaste a ainsi été consacrée à la communication de réseau et au partage de connaissances, par l’oral et l’écrit, dans les métiers de la santé et de la sécurité au travail chez France Télécom. L’étude complète, menée sur trois années, a conduit à rencontrer des préventeurs et chargés de sécurité, ingénieurs en sécurité (75 entretiens semi-directifs d’une heure trente à deux heures), à observer des situations de travail sur site d’intervention et en réunion et à suivre un certain nombre de réunions de réseau des préventeurs (une trentaine), tandis qu’un autre volet de la recherche s’est intéressé à une formation en santé et sécurité au travail (SST) suivie sur une période d’un an. La compréhension du présent travail peut donc se trouver enrichie par la lecture de travaux qui ont porté sur les dispositifs numériques d’information sur l’accident du travail (Douyère, 2011, 2010 a), le réseau des acteurs de la santé sécurité et leurs échanges (2013) et les connaissances partagées (2006), l’appropriation des consignes de sécurité (2010 b), l’édulcoration voire la censure du propos quand il pourrait mettre en cause l’organisation (2009), la visibilité médiatique des RPS (2014). L’étude du site intranet proprement dit a d’abord consisté dans une observation non participante du travail éditorial (réunions du comité éditorial et production des pages, temporaires puis définitives, du site) d’élaboration de l’intranet (Douyère, 2008). Le premier versant de l’étude proposée dans cet article repose donc sur l’observation et le recueil de discours par des entretiens, des observations de réunions et la collecte de documents (e-mails, versions provisoires du site, charte éditoriale…) et sur deux échanges de restitution collective menés avec les acteurs.
7Cette approche est complétée par l’analyse du traitement de l’accident dans la Lettre d’information de l’Association des cadres et dirigeants (acsed) de France Télécom. En effet, ce versant de l’étude, centré sur un propos professionnel complémentaire de la communication exclusivement interne, porte sur le discours d’une association qui se présente comme apolitique et asyndicale. Les analyses discursives des articles de la Lettre de l’acsed de France Télécom sont effectuées grâce à une grille élaborée en vue du traitement du corpus qui repose sur les catégories discursives de l’explicite, mais aussi de l’implicite, c’est-à-dire les sous-entendus et les présupposés (Ducrot, 1997 ; Kerbrat-Orecchioni, 1998). La grille pour le traitement du corpus implique, pour ce qui est explicite, de situer les occurrences et les co-occurrences liées à l’« accident » et, pour l’implicite, les emprunts aux discours préexistants (présupposés) ainsi que les procédés à la fois de neutralisation (visant à la rétorsion des arguments d’un adversaire) et d’annulation (rendant impossible, du fait de sous-entendus, de savoir si une proposition est vraie ou fausse).
8La conscription ou la juxtaposition des deux approches vise à montrer que « dire l’accident » n’est pas simple et repose sur un choix des mots, une mesure de leur portée, destin et incidence (Douyère, 2018), en bref sur un processus communicationnel. Le récit d’accident est donc l’objet d’un compromis et d’une préparation communicationnelle (Sident, 2013) qui l’objective ensuite, faisant disparaître « l’échafaudage communicationnel ». Les matériaux ici présentés portent sur des accidents de nature différente, parfois mineurs, mais nous semblent permettre de dégager des processus communicationnels situés. À travers des élaborations discursives plurielles, en interne ou semi-externes, il s’agit de laisser apparaître un mécanisme d’entrave dans l’expression. Cette recherche a donc une portée relativement restreinte qui vise à dénouer, ou du moins à tracer, l’intrication de la factualité référentielle (des faits sont survenus, quelque chose s’est passé, irréductiblement au discours) et de l’élaboration communicationnelle (informative, discursive), soit l’entrée filtrée de l’accident dans le discours.
9Nous pouvons interroger la préparation d’un discours interne sur l’accident du travail à partir de quelques cas observés en assistant à des réunions téléphoniques ou présentielles concernant l’édition d’un site intranet consacré à la santé sécurité au travail. La posture adoptée a été celle d’une observation non participante, dans une perspective de « théorie ancrée » (Glaser & Strauss, 1967), augmentée de nombreux entretiens avec des acteurs de la santé au travail dans l’entreprise et d’une étude de documents, contemporains (numériques) et d’archives (imprimés).
- 3 Les noms des acteurs ont été modifiés.
10Comme l’expliquent Éliane L.3, Michel M. (ingénieurs et responsables sécurité) et Charles F. (expert en sécurité), la dissimulation des accidents est une pratique fréquente dans les entreprises, notamment pour celles qui affichent de très bons résultats en matière de sécurité : « Les accidents, on peut des fois, euh, s’arranger à ce qu’on les voie pas… » (Charles F., entretien du 5.03.03). La dissimulation des faits n’est pas, toutefois, affirme Éliane L., la politique de France Télécom, même s’il peut y avoir, ponctuellement, une tendance à l’atténuation de l’événement.
11Pouvoir décrire l’accident sur des supports internes et intra-professionnels – au sein d’une communauté de métier, par des formations, des magazines, des sites web – est une façon à la fois de faire progresser la connaissance de « l’accidentologie » et donc la prévention des accidents, et de nourrir la rhétorique préventive de cas « parlants » pour les salariés et leurs managers. C’est pourquoi il importe de le dire, et non de le taire, comme pourrait le souhaiter un employeur soucieux de l’image de son entreprise ou de sa mise en cause en matière de responsabilité civile. Une logique « professionnelle » du champ santé sécurité au travail (SST) et une logique « managériale » de l’ensemble de l’organisation s’opposent sans doute ici, chacun des acteurs pouvant d’ailleurs ponctuellement incorporer la logique de l’autre.
12Les responsables d’un premier site intranet consacré à la sécurité sous ses aspects techniques confiaient au cours d’entretiens (en 2003) n’éprouver aucune difficulté à mettre en ligne des informations concernant les accidents survenus dans l’entreprise. Cependant, la publication de ce type d’informations semblait à la même époque très délicate aux rédacteurs du site intranet Action-Prévention. Sur celui-ci, accessible à tous dans l’organisation, les accidents sont présents, mais sont rares à être cités, notamment les accidents graves et mortels (nous n’en relevons qu’un dans la version du site de janvier 2003). Presque à chaque fois, ils sont rendus anonymes, et servent de « modèle » d’analyse, de cas d’étude, en quelque sorte, destiné à permettre d’envisager une meilleure prévention. La rubrique « analyse de cas » du site est privilégiée pour ce type d’étude. L’accident fait, en réunion du comité éditorial, l’objet de débats récurrents quant à l’opportunité et à la façon d’en parler. Inscrite au programme de publication du site, la relation d’accidents récents, notamment d’accidents graves, est toutefois sans cesse différée.
13Examinons ici un extrait de réunion du comité éditorial du site intranet ; y sont évoqués en effet un accident et l’opportunité d’en parler. Non seulement le récit pour le site est délicat à établir et à diffuser, mais la réalité même de l’accident doit être construite et cette construction est difficile à élaborer sans l’enquête qui la rend possible (car l’accident relève souvent de causes multi-factorielles). La communication précise sur l’accident est aussi une façon de mettre fin à la rumeur (les « radio couloirs », dit un préventeur) qui, de toute façon circule (donc la communication sur l’accident existe bien par ce biais), amplifiant ou dénaturant les faits. « On écrit un minimum de choses », en étant « le plus synthétique et le plus près des faits possibles » dit Charles F. (entretien du 5.03.03). L’entreprise doit aussi composer avec l’appropriation qui peut être faite de l’information par les syndicats. Des élus syndicaux du comité hygiène, santé sécurité au travail (CHSCT) de l’entreprise seront d’ailleurs estimés être à l’origine de la communication de documents internes à l’auteur du pamphlet La Machine à broyer, Dominique Decèze, qui, le premier, en 2004, porte fortement dans l’espace public la question des suicides chez France Télécom.
14Par ailleurs, un site institutionnel engage la responsabilité auctoriale de l’employeur. Il y a donc, aux yeux des acteurs, à la fois danger « d’écrire des choses fausses qui pourraient nuire », en sorte qu’il « faut être très prudent », mais il est également nécessaire de « faire une analyse pour que ça serve » (Richard M., entretien du 21.01.03), ce qui conduit à différer la mention des accidents. Les membres du comité éditorial du site intranet analysent l’étroitesse de la marge de manœuvre : il faut « mettre un minimum d’info » (Bertrand G., entretien du 23.01.03), tout en ayant à l’esprit l’idée que « les directeurs d’unité opérationnelle ne veulent pas voir ça écrit » (idem), et que le site a pourtant pour but d’aller à la rencontre des managers pour les sensibiliser à la sécurité.
15Pour Charles F., qui a été confronté à la question de la publication d’informations concernant les accidents sur un premier site consacré à la sécurité, il y a toujours un « aspect événementiel type presse » dans la relation d’un accident, et c’est précisément cet aspect qui est « catalyseur d’action » (entretien du 5.03.03). Cet aspect se distingue de « l’enquête policière » commanditée localement par le directeur d’unité et de la « diffusion interne » parmi les salariés et les groupes d’analyse d’accidents dans une perspective de prévention. L’accident, tant qu’il n’est pas technicisé, devenu modèle-type, lissé par les validations, relève d’une double faute : il montre que l’entreprise n’a pas su l’éviter (responsabilité des conseillers hygiène, sécurité, conditions de travail, et des managers), il constitue une tâche, une atteinte à l’humain, dans la communication contrôlée de l’entreprise.
16Pour certains membres du comité éditorial, toutefois, la question des dangers de la publication de relations succinctes des accidents ne se pose pas : « Moi, je pense qu’il n’y a aucun problème » expose sèchement Marcel R. (entretien du 13.02.03), qui les met en ligne sur un site de division régional. Il est toujours possible de donner une information sur un accident, à partir de quelques phrases courtes :
« Au moins, ça permet de savoir qu’il s’est passé quelque chose. Au moins, pour tout le monde, savoir qu’il s’est passé quelque chose. Et le "savoir qu’il s’est passé quelque chose", c’est toujours, quelque part, un rappel à la réalité, en disant, "mais… est-ce ce que, moi-même, je suis…, bien calé ?", quoi » (Charles F., entretien du 5.03.03)
17La publication des accidents fait partie du champ de l’action préventive et elle lui est nécessaire ; elle refonde également l’action individuelle. Ainsi, la non-publication de relations d’accidents est-elle ressentie comme un échec par les membres du comité :
« Bah, le plus… la… la plus sensible, c’est par exemple le problème des accidents. Ça, c’est un…, c’est presque un échec, mais bon, euh… Pas réussi… On n’a pas réussi à dépasser l’idée d’une censure liée aux problèmes juridiques derrière un accident pour en parler. Donc, c’est un peu dommage… On se prive de… d’un élément, mais, effectivement, on a… On a pas dépassé ce point-là » (Michel M., entretien du 27.01.03)
18C’est ce point que nous souhaitons désormais examiner à travers un cas précis.
- 4 Certains locuteurs n’ont pu être identifiés de façon certaine au cours de la réunion téléphonique, (...)
19Une chute de plain-pied s’est produite sur un parking utilisé par l’entreprise à Montpellier. Une forte vague de froid sévit durant quelques jours sur l’ensemble de la France. Le froid est donc perçu comme « événement national » et « événement dangereux », qui doit appeler des mesures de prévention sur les lieux de travail. La nature de l’accident et les dommages consécutifs à celui-ci ne sont pas encore connus. La connaissance de l’accident se développera ensuite par la rumeur interne dans d’autres sites de l’entreprise, notamment à Paris (entretien avec Michel M., le 15.01.03). Voici le passage de la réunion téléphonique du comité éditorial du site intranet qui évoque l’accident.4
- 5 L’entretien du 21.01.03 avec Alain J. nous apprendra que la victime est un représentant syndical, d (...)
- 6 Comité local hygiène, sécurité, conditions de travail (instance consultative).
« – Victor F. : Par rapport au froid actuel, il y a eu un gros problème hier sur le parking de La Galéra, quelqu’un5 qui est tombé avec une fracture ouverte. Avec toutes les réserves possibles, est-ce qu’on ne pourrait pas citer ce cas, et inciter… insister sur le fait qu’il y a quelques précautions à prendre ?
– Michel M. : Ça dépend de qui ?
– Victor F. : [la branche formation]
– Alain J. : C’est un parking partagé, il y a aussi d’autres sociétés… Il y a un problème à ce sujet, il y a une polémique ici : le clhsct6 a demandé de prendre des mesures, sabler, saler. On est face à un manque de moyens pour faire intervenir une entreprise, rien n’est fait… [ton gêné]
– Michel M. : On est un peu obligé de prendre des précautions… [ton plus ferme]
– Victor F. : Sous couvert des gens d[u service formation]. Et de La Galéra…
– Raymond C. : Dans certains cas, on a plus de gestionnaires de site… Le coût de cet accident-là va être plus important pour France Télécom que d’acheter un peu de sable et de sel ! [ton énergique]
– Michel M. : On pourrait en faire une analyse de cas et une analyse des conséquences économiques : regarder ce que ça coûte de pas le faire, argument qu’on a du mal à mettre en avant… Attendre, publier, en accord…
– Victor F. ou X ? : La chute de plain-pied est une cause d’accident récurrente. On a un témoignage de Louis Jensur.
– Michel M. : Dans le style analyse de cas, mais une fois qu’on a le coût qu’on peut impacter, le nombre de jours d’arrêt…
[…]
– Michel M. : C’est intéressant d’avoir un accident, ce n’est pas un type fréquent, ce n’est pas fréquent d’avoir un type d’accident à propos duquel on peut dire des choses intéressantes…
– Raymond C. ou Y : Il faut jouer la carte du contenu…
– X : Sensibilisation au préventif…
– Michel M. : On retient ça ?
– Victor F. : Qui fait quoi, par rapport à des parties communes… c’est des réflexions plus approfondies, vaut mieux se les garder tranquillement…
– Michel M. : Sous réserve d’acceptation du service pour analyser l’étude de cas ?
Silence. » (Comité éditorial du site Action-Prévention, réunion téléphonique du 3.01.03)
20La question de la responsabilité apparaît très vite, mais elle achoppe sur l’opportunité d’en parler, en écho à une difficulté de prévention locale. L’accident cité évoque donc deux carences : un manque de précaution lié à une difficulté budgétaire – plus qu’à une ignorance des mesures à adopter –, et une carence institutionnelle : il n’y a pas de « responsable » attitré. La réflexion sur les coûts de la mesure préventive et les coûts de l’accident rappelle au passage aux membres du comité éditorial une des causes fondatrices du site et de la logique de la prévention chez France Télécom, telle que l’entend du moins le responsable éditorial du site : développer la prévention pour réduire les risques, mais aussi les coûts liés aux accidents (Michel M., entretien du 15.01.03). Le responsable éditorial du site relève d’ailleurs ce point et voit dans la relation et l’analyse de cet accident l’occasion de faire une démonstration générique de l’intérêt de la prévention, rarement faite, selon lui. Un des lectorats envisagés par le site Action-Prévention est en effet « la ligne managériale », qu’il s’agit de sensibiliser aux actions de prévention, afin qu’elle prenne la mesure de sa responsabilité (civile et pénale) et qu’elle comprenne la nécessité de se doter d’outils et de moyens pour mettre en œuvre la prévention des risques dans les unités de travail. L’argument le plus immédiat pour ce public est budgétaire. Faire la démonstration de l’intérêt économique de la prévention pour France Télécom serait un atout majeur dans la dynamique communicationnelle de la prévention dans la société. L’introduction de cet élément amène la transformation du cas d’accident en problème de prévention et de sécurité incluant les différents paramètres : responsable, coûts de l’accident / coûts de la mesure de prévention. Elle ancre l’événement dans le projet communicationnel du site : l’intérêt (économique) de la prévention. L’accident évoqué est devenu potentiellement exemplaire. L’opérationnalité éditoriale est ensuite mise en place. Il n’y a pas véritablement de censure ici, du moins pas au niveau de cet échange. Le récit de l’accident met toutefois en cause l’institution. Dès lors s’élabore une certaine éditorialisation, qui à la fois le désigne et le voile (Douyère, 2009).
21On ne peut donc simplement penser la retenue de l’information sur les accidents comme une simple autocensure, du moins du comité ; il faut la tenir, de façon plus large, pour la résultante d’une concentration d’enjeux, et l’effet d’une contradiction ou d’une difficulté institutionnelle à plusieurs niveaux, non coordonnés (Boussard, Mercier, Tripier, 2004), qui entrave et instrumentalise la communication.
22Intéressons-nous à un deuxième type d’élaboration discursive sur l’accident du travail. Comment fait-il l’objet d’un discours semi-externe à l’organisation ? La communication jouant un rôle majeur dans la constitution d’un événement (Véron, 1981), elle oscille entre le non-dit, le discours technique et peut aussi prendre une forme constitutive d’une « affaire » (Boltanski, Claverie et al., 2007). L’événement étant ainsi construit entre le silence et la crise, il s’agit alors d’envisager la manière dont s’élabore un discours semi-externe comme objet d’une tension entre l’impossibilité de dire et ce qui « doit être dit », reconnu voire dénoncé.
23La Lettre de l’acsed de France Télécom, invariablement d’un format de quinze pages, est dirigée par Daniel Tournon ; trimestrielle sur la période de 2002 à 2005, elle vise trois types de destinataires : les cadres, les dirigeants et les acteurs extérieurs. Le corpus constitué à partir de dix-neuf articles des douze publications de la Lettre d’information de l’Association des cadres et dirigeants entre 2002 et 2005 a fait l’objet, dans un premier temps, d’une analyse qualitative des contenus permettant de dégager des thématiques. La pragmatique du discours (Kerbrat-Orecchioni, 1998) a ensuite été adoptée comme approche de ces contenus verbaux. En effet, la Lettre a pour finalité d’engager à agir (2e semestre 2004, n° 55, 6). Nous y distinguons le « dit » du « non-dit » et prenons également en compte le silence. À l’instar de Benoît Cordelier (2015), nous considérons qu’il ne s’agit pas seulement de circonscrire le « dit » relatif à l’accident, dans la mesure où il est nécessaire d’appréhender également les stratégies des acteurs : « Le souci de la vérité est en fait une inquiétude favorisant ce qui est explicite et limitant l’analyse des conséquences de l’implicite. Cela est évidemment dommageable dans les études des organisations où les jeux de pouvoir se développent à travers des stratégies qui par essence ne peuvent se révéler complètement et qui pourtant produisent des effets, influencent l’autre, le font agir. » (Cordelier, 2015, 51). L’association, en tant qu’organisation, est aussi susceptible de véhiculer de l’implicite, voire du silence. Enfin, de la même manière que nous prenons en compte les stratégies discursives des acteurs, nous abordons le contexte du dire l’accident. Pour ce faire, nous envisageons que les « […] implicites s’appuient sur le partage d’un environnement commun fait de pratiques, donc d’actes validés dans la reconnaissance des relations qu’ont les acteurs de l’organisation entre eux, autrement dit des éléments contextuels » (Cordelier, 2015, 51).
24L’analyse qualitative des contenus a permis de dégager plusieurs thématiques relatives à des types d’accidents, la première étant celle de l’accident comme risque involontaire pour l’intégrité physique. Nous avons également cherché si dans le cadre de l’évocation des risques psycho-sociaux (rps), comme deuxième thématique, le suicide était abordé dans la Lettre de l’acsed. Notre analyse s’est en effet ancrée dans une conception amenant à considérer que le suicide est un accident quand il est une conséquence des conditions de travail (Dejours, Bègue, 2009), y compris lorsque cet accident a lieu hors du cadre de l’exercice de son activité professionnelle. C’est autour de ces deux thématiques que les deux points suivants sont construits. Ainsi, s’articulent essentiellement deux types de dénominations sociales de la santé au travail, dans la Lettre de l’acsed de France Télécom : l’accident formulé explicitement dans le discours visant les cadres supérieurs et les risques psycho-sociaux (rps) qui relèvent d’un implicite dans le discours pour des dirigeants.
25« L’accident » comme risque involontaire pour l’intégrité physique est évoqué dans trois numéros de la Lettre de l’acsed (n° 47, 52 et 55) ; il y relève du « dit », de l’explicite. Ses co-occurrences sont « maternité » (1er trimestre 2002, n° 47, 8), « maladie » (1er trimestre 2002, n° 47, 8 ; 2e trimestre 2003, 10-11), « santé / sécurité / harcèlement moral » (2e semestre 2004, n° 55, 6). Le contexte du « dit » est, en 2002, celui de la rédaction d’un texte commun, ici la Convention collective nationale des télécommunications (ccnt), en 2003 de la définition juridique de l’invalidité et, en 2004, du contrat passé par l’acsed avec les assurances gmf pour la défense de ses adhérents. Ainsi, dans le cadre de thématiques liées au droit du travail et à la protection sociale – sans qu’il y ait sur ce point un rubriquage spécifique relatif au sujet dans cette Lettre – notons l’évolution des associations terminologiques entre 2002 et 2004. Si « maladie » et « accident » sont, dans les textes juridiques, des termes fréquemment co-occurrents, en revanche le parallèle avec le « harcèlement moral » laisse entrevoir un changement de contexte. À quelles conditions « l’accident » peut-il être « dit » ? Pour quelles raisons relève-t-il de l’explicite ? Constatons tout d’abord qu’il peut être « dit » dans la mesure où il renvoie à une catégorie juridique. En effet, on ne dit pas, dans la Lettre, tel ou tel accident, le particulier ; on dit plutôt « l’accident », c’est-à-dire une catégorie universalisable, mais aussi neutre, voire neutralisée par sa généralité. Les accidents dans leur dimension concrète et spécifique, comme peuvent l’être notamment ceux liés à la conduite de véhicules ou le travail en hauteur, ne sont pas mentionnés.
26Nous observons également l’inexistence d’autres traces médiatiques sur le sujet durant cette même période de 2002 à 2005. En effet, une recherche dans la base de données Europresse permet de dégager l’absence de prise de parole dans les médias de dirigeants tels que Thierry Breton. En revanche, un article du journal l’Humanité (23 avril 2005) relate le silence de France Télécom concernant un accident survenu dans l’Aude, au printemps 2004, d’un ouvrier d’une société sous-traitante de France Télécom, Constructel, en charge de l’installation de poteaux téléphoniques. Ce silence trouverait sa justification dans le fait que l’homme, grièvement blessé, était d’origine portugaise et moins payé que ses homologues français. L’Humanité relate les propos du salarié, témoin de ce non-dit de l’entreprise qui décide de mentionner Constructel dans un « dossier politique confidentiel » : « C’est un peu par hasard que nous avons eu connaissance de l’accident […]. Nous avons eu vent, par l’intervention du délégué sud ptt, d’un certain nombre de malfaçons quant à la mise en place des poteaux téléphoniques » (L’Humanité, 23 avril 2015, 5). Ce témoin, Yves Le Dain, technicien d’intervention client à France Télécom, a eu connaissance de cet événement en participant le 26 juillet 2004 à une réunion extraordinaire du chcst. Notons tout d’abord que l’accident a été d’une particulière gravité pour que le chcst se saisisse de son traitement (Ledun & Font Le Bret, 2010, 48). Ce n’est cependant pas le problème de la gravité qui justifie ici le non-dit. D’un côté, pour l’entreprise, c’est parce qu’il est politique que le dossier est présenté comme « confidentiel ». D’un autre côté, la question de la sécurité, d’abord envisagée comme devant alerter, devient ensuite secondaire. Le silence de l’entreprise est doublement interprété, dans un premier temps par le témoin qui confie l’information au journal d’opinion communiste L’Humanité, puis par le quotidien lui-même.
27Dans ce dernier est décidé d’en retenir, dès le chapeau de l’article, la dimension essentiellement idéologique :
« L’omerta règne autour du cas Constructel. Dans un document classé “Dossier politique confidentiel”, on apprend comment l’entreprise réduit de façon drastique ses coûts en utilisant sur le sol français une main-d’œuvre portugaise très bon marché » (L’Humanité, 23 avril 2015, 5).
28Ainsi, le silence de France Télécom dans les médias sur les accidents survenus entre 2002 et 2005 ne témoigne pas de l’absence de tels événements ; il se révèle plutôt comme absence de communication sur le sujet. Cette réaction peut s’apparenter à une réponse à un type de situation de crise. En effet, ce cas renvoie à une crise comme nécessitant une décision face à une situation inédite et problématique. Dans ce cas, plusieurs stratégies peuvent être élaborées par l’entreprise. Comme le note Arlette Bouzon, il s’agit de « se rendre moins vulnérables en élaborant des stratégies […], afin de rendre l’organisation moins sujette à la critique ou plus à même de se défendre, ou sur des actions spécifiques ayant pour objet de mieux maîtriser les sources et les circuits d’informations diffusées vers l’extérieur. » (1999, 1). Pour ce faire, plusieurs stratégies s’offrent à l’organisation : le silence, le mépris, les démentis, les déclarations, la négation de toute responsabilité, la mise en cause des médias, etc. (Bouzon, 1999). Ainsi, dans ce cas précis, France Télécom a choisi la stratégie du silence.
29Si la Lettre de l’acsed de France Télécom évoque peu les accidents physiques auxquels les cadres et dirigeants semblent faiblement exposés, de la même manière, elle n’aborde pas les accidents les plus graves à l’instar des suicides.
30Les cadres sont en effet peu victimes de risques liés à des atteintes à leur intégrité physique ; ils sont cependant exposés à des risques psycho-sociaux (rps) tels que le stress et le harcèlement (2nd semestre 2004, n° 55, 6). Ils ne représentent cependant pas la totalité des personnes exclusivement exposées aux RPS. S’ajoutent à ces salariés tous les employés pour lesquels le changement de culture, de celle du service public à celle de l’entreprise, génère aussi stress, angoisse et culpabilité (Roy, 2009).
31L’évolution du discours relatif à la santé au travail, dans la Lettre de l’acsed de France Télécom, de manière à prendre davantage en compte les rps trouve des justifications axiologiques. Il s’agit d’abord de considérer leur importance eu égard à la « dignité humaine » et en référence à la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (4e trimestre 2002, n° 50, 11). Ainsi, l’implicite relève ici d’un présupposé, celui d’un discours préexistant relatif aux droits humains. Il renvoie par ailleurs aux sous-entendus. Par exemple, l’acsed se donne pour mission de défendre les « cadres en détresse » (1er trimestre 2004, n° 54, 6). L’évocation de la « détresse » repose sur un procédé de distorsion inhérent à la neutralisation dans la mesure où cette évocation ne renvoie pas à des troubles précis tels que le stress et l’anxiété ou une maladie comme la dépression. La « détresse » signifie davantage un sentiment subjectif ressenti par l’individu qu’une réalité vécue, voire partagée.
32Sur cette période de 2002 à 2005 de nombreux suicides surviennent à France Télécom ; nombre d’entre eux semblent directement imputables au travail (Decèze, 2004, 2008). Dans une question au gouvernement le 3 février 2004, Marie-Claude Beaudeau, sénatrice du Val-d’Oise, déclare :
« On commence à additionner avec effroi et révolte les cas de suicides : trois en 2002 dans le Grand Lyon, trois depuis trois ans en Corse où un agent s’est ouvert les veines en pleine réunion, deux en Loire-Atlantique. À Paris, un cadre supérieur de l’unité de réseau de supervision s’est donné la mort il y a quinze jours. Peu de temps auparavant, on découvrait le corps d’un agent de la direction de Daumesnil dans la Seine… » (Decèze, 2008, 240).
33Ainsi, si le pic de la vague de suicides à France Télécom se situe en 2009, les politiques s’emparent d’un dossier déjà devenu épineux. Dans la Lettre de l’acsed, les suicides ne font pas l’objet d’un traitement particulier. Ils sont tus, ce qui est une forme de traitement spécifique, par le silence organisationnel.
34Lorsqu’il est rendu explicite, l’accident du travail renvoie à une catégorie juridique comme s’il s’agissait d’évoquer un cadre général et abstrait. Quel que soit le destinataire, cadre, dirigeant ou acteur extérieur, le discours occulte le particulier et le concret. Il vise même à neutraliser quand il est question de rps et à passer sous silence le suicide. Nous observons donc surtout le silence, davantage que le dit ou même le non-dit. Chute mortelle dans l’Aude ou suicide en Corse, la gravité de l’événement ne semble pas justifier que l’accident soit dit. C’est en ce sens que nous corroborons cette hypothèse de Benoît Cordelier concernant le mutisme dans et d’une organisation, silence qui serait « une stratégie de décalage de l’énonciateur qui joue sur les conventions et la capacité ou intention propre de l’énonciataire à interpréter son intention » (2015, 60). Bien que n’étant pas réductible à l’organisation France Télécom, l’acsed en véhicule les stratégies dont le silence fait partie intégrante (Bouzon, 1999, 3), parce que celui-ci est « comme le prix de son audience auprès des dirigeants et de son efficacité sur les dossiers » (3e trimestre 2005, n° 58, 11).
35La forte médiatisation de France Télécom-Orange liée au procès de sept dirigeants entre 2007 et 2010, comparable à celle du pic de la vague de suicides au sein de l’entreprise (Chevret-Castellani, 2017), a impliqué une mise en lumière du sort des salariés de l’organisation depuis 2009. Le procès qui s’est tenu en 2019 a conduit à la condamnation de l’entreprise (qui a fait appel) pour le « harcèlement moral institutionnel » subi par trente-neuf salariés de France Télécom-Orange dont dix-neuf conduits au suicide (Robert-Diard, 2019). Dans ce contexte, il a paru intéressant de retracer une généalogie de la communication en interne et semi-externe sur ce qui concerne les risques auxquels les acteurs sont exposés (Douyère, Chevret-Castellani, 2016).
36Communiquer sur l’accident au travail est-il possible ? La présente recherche fait bien apparaître une difficulté à « dire l’accident » en lien avec l’organisation. Soit du fait des incidences juridiques et managériales d’un tel dire (sauf à motiver par celui-ci l’action managériale, pour des raisons économiques), soit du fait d’un discours davantage préoccupé par la question économique, se livrant à une généralisation sur l’accident. On voit comment une organisation peine à dire l’accident du travail et à communiquer à son propos alors même qu’elle entend sincèrement le faire et qu’elle se dote depuis longtemps de nombreux outils de communication. Comme si, dans la factualité et la portée politique et sociale de l’accident du travail, résidait quelque chose de rétif à la communication. Comme si, pour penser la communication d’une organisation, il fallait aussi penser la non-communication, et le silence.
37La mise en relation de ces deux élaborations discursives sur les deux versants de cette recherche permet de voir comment l’accident peine à se dire, ou, pour paraphraser Jacques Lacan, parvient à se « mi-dire », entre censure, silence et information, jusqu’à la dénonciation – l’événement se formant de l’ensemble –, entre réserve et scandale. La communication sur l’accident joue donc un rôle, discret, mais majeur, en santé et sécurité au travail, tournée à la fois vers l’amélioration de la prévention et la protection de l’institution, s’énonçant entre altération, occultation et constitution de l’événement, tenue à l’impossible.