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Des pratiques organisationnelles pour la santé au travail

Approche communicationnelle des dispositifs de prévention de la santé au travail et étude des dynamiques affectives : le cas d'une grande entreprise française

Communicational approach about the devices of health prevention at work and study of affective dynamics: the case of a french large company" 
Enfoque comunicativo de los dispositivos de prevención de la salud en el trabajo y estudio de las dinámicas afectivas : el caso de una gran empresa francesa
Aurélia Dumas

Résumés

Cet article se propose d’étudier les dispositifs de prévention de la santé au travail mis en place au sein d’une grande entreprise française, suivant une approche communicationnelle, en nous intéressant à la sémiotisation des émotions dont ces dispositifs se trouvent porteurs. Notre étude s’appuie sur les résultats d’une recherche-action conduite auprès d'un service de santé au travail constitué en Direction de la santé au travail et intégré au sein de l’entreprise. Nous formulons la proposition de recherche selon laquelle les logiques communicationnelles des différents acteurs de la prévention participent de la construction des signes de l'émotion au sein des dispositifs de prévention qu’ils déploient dans l’entreprise. Nous verrons qu’à travers les dispositifs de prévention, il s’opère une prise en charge des émotions des salariés qui paradoxalement ne se traduit pas par une prise en compte de ces mêmes émotions par les acteurs de la santé, ce que tend à éclairer l’étude des logiques communicationnelles qui les traversent.

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Texte intégral

  • 1 Suivant la conception foucaldienne, le terme de « dispositif » fait référence à un ensemble d’éléme (...)
  • 2 Article R. 4127-5 du Code de la santé publique et articles L. 4623-1 à L. 4623-8 et R. 4623-2 à R. (...)
  • 3 La Direction de la santé au travail est pilotée par une médecin du travail et rattachée au service (...)

1Menée dans le cadre d’un travail thèse, notre recherche interroge le rôle des dispositifs de prévention de la santé au travail1 quant aux processus de normalisation des émotions qu'ils instaurent au sein de l'entreprise, constituant ici notre terrain. Cet article s’intéresse plus spécifiquement à la façon dont l’étude des logiques communicationnelles des acteurs de la santé au travail vient éclairer la compréhension des dynamiques affectives au sein des dispositifs de prévention qu’ils portent dans l’entreprise. Il s’appuie sur les résultats d’une recherche-action conduite auprès de la Direction de la santé au travail d’une grande entreprise industrielle française. La présence d’intervenants en santé au travail répond à l'obligation légale de l'employeur d’« assurer la sécurité et [de] protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L. 4121-1 du Code du travail). Lorsque l'effectif d'une entreprise atteint plus de 500 salariés, le Code du travail impose à l'employeur d’organiser le suivi des salariés en matière de santé au travail : ce dernier peut décider d’instituer au sein même de l'organisation un service dit autonome de santé au travail. Le personnel de santé est alors salarié de l’entreprise, tout en bénéficiant d'une indépendance professionnelle et d'un statut protecteur, garantis par la loi2 : ce qui est le cas de notre terrain de recherche3.

2Suivant ces perspectives, nous avons développé une approche communicationnelle des dispositifs de prévention de la santé au travail que nous présenterons dans une première partie. Nous reviendrons à cette occasion sur le cadre conceptuel que nous avons mobilisé dans l’appréhension des émotions. Face au défi de méthode que constitue cet objet d’étude, il nous importera de préciser notre démarche de recherche de type abductif ainsi que sur la construction de notre questionnement et de nos propositions de recherche. Nous formulons la proposition de recherche selon laquelle les logiques communicationnelles des différents acteurs de la prévention participent de la construction des signes de l'émotion au sein des dispositifs de prévention qu’ils déploient dans l’entreprise. Un des résultats forts de notre recherche est qu’il s’opère une prise en charge des émotions des salariés qui paradoxalement ne se traduit pas par une prise en compte de ces mêmes émotions par les acteurs de la santé, ce que tend à éclairer l’étude des logiques communicationnelles qui les traversent.

Analyse communicationnelle des dynamiques affectives autour de la prévention de la santé au travail et de ses dispositifs

Les émotions comme objets d’étude

  • 4 Pour reprendre le néologisme de Simon Laflamme, l'individu est « émorationnel », à la fois émotion (...)
  • 5 Dont les termes du débat peuvent être illustrés par le célèbre exemple jamesien « j'ai peur parce q (...)

3Les émotions sont longtemps restées délaissées par la recherche comme un effet du classique découpage entre, d’un côté, l'esprit considéré en tant que sujet noble et, de l’autre, le corps et les affects perçus sur un mode mineur. Cependant, depuis plusieurs années, des travaux témoignent d'un regain d'intérêt pour leur étude ainsi que leur inscription dans le champ de la recherche scientifique. Un renversement épistémologique quant au statut et au rôle des émotions s’est notamment opéré à la faveur de certaines avancées dans le domaine des neurosciences (Damasio, 2004). Ces dernières ont permis de prouver, images d’IRM à l’appui, la complémentarité entre émotions, corps et cognition, révélant le caractère raisonné et raisonnable des émotions4. Par ailleurs, les apports de l'analyse sociologique et anthropologique sont venus éclairer d'un jour nouveau l'appréhension des émotions, en déplaçant la perspective d'approche (Bernard, 2015). La source des émotions ne se situerait pas tant dans le corps ou dans la cognition5 que dans le social. L'analyse des émotions comme relevant de phénomènes sociaux n'est pas récente, comme en témoignent les travaux des sociologues de l'école française (Durkheim, 2007, 2008 ; Mauss, 1921 ; Halbwachs, 1972) ou encore des représentants du courant culturaliste américain (Mead, 1963 ; 1966 ; Geertz, 1983, 1996). Leurs recherches étudient le poids des facteurs sociaux et culturels dans la manière de vivre émotionnellement et sentimentalement les situations et expériences. Ils mettent au jour les dynamiques de normalisation des émotions soit l'adoption de certaines normes émotionnelles au sein des groupes sociaux déterminant les attendus en la matière. L’accent est porté sur le caractère hautement collectif et social des émotions.

4Pourtant, ainsi que le constatent les chercheurs Fabrice Fernandez, Samuel Lézé et Hélène Marche, qui proposent un changement de paradigme : « Il est coutumier, en sciences sociales, de rejeter les émotions dans la sphère de l'individuel, du psychologique voire dans celle de l'irrationalité » (2014 : 5). Les émotions ont tendance à être appréhendées comme relevant de dimensions intrapsychiques, inscrites au plus proche de l'individu et cantonnées à la sphère de l’intime et de la subjectivité conçue comme individuelle. Ces représentations tendent notamment à être nourries par les publications populaires de décryptage ou encore de gestion et de management des émotions, que ce soit au sein de la sphère privée ou professionnelle, dans la veine du courant de la psychologie humaniste et du développement personnel (Illouz, 2006). La recherche scientifique, elle-même, n'est pas à exclure dans la prégnance et la diffusion de ce type de représentations touchant aux émotions (Martin-Juchat, 2008).

5Notre travail s’inscrit dans la lignée des recherches menées en sciences sociales qui conçoivent l'affectivité au cœur des cadres sociaux et culturels (Halbwachs, 1972 ; Putman et Mumby, 1993 ; Laflamme, 1995 ; Illouz, 2006 ; Fleury, 2007 ; Fernandez, Lézé et Marche, 2008, 2014 ; Bernard, 2015, 2017). A cet égard, les sciences de l’information et de la communication (SIC) nous ont permis de questionner notre objet de recherche de manière singulière. En effet, dans le prolongement de l’anthropologie par la communication affective mise en œuvre par Fabienne Martin-Juchat (2008, 2014), il a été question de saisir les émotions dans des dimensions communicationnelles : soit au cœur même des processus d’interaction et de communication, des systèmes d’échanges et de significations, rappelant ici le caractère social et collectif des émotions. A ce titre, notre propos a consisté à appréhender les dispositifs de prévention de la santé au travail comme communication affective, constitutive de la culture affective instaurée au sein de l’organisation. Plusieurs recherches actuelles témoignent d'une appétence sociale forte pour les émotions, qui se caractérise notamment par une attention et une place particulières qui leur sont accordées que ce soit dans les médias (Tétu, 2004 ; Rabatel, Monte et Soares Rodrigues, 2015), dans les organisations (Chanlat, 2003 ; Illouz, 2006 ; Fernandez, Lézé et Marche, 2014) ou plus largement au sein de la sphère sociale (Reddy, 2006 ; Martin-Juchat, 2008 ; Martin-Juchat et Staii, 2016). Cette « politique de l'émoi » (Fernandez et al., 2006) tend à se traduire par un mouvement de rationalisation des émotions, constitutif de la modernité, et de valorisation sociale des émotions au travers d’un accroissement de leur prise en compte au sein de la société. Partant de ce constat en apparence contradictoire, notre questionnement de recherche a consisté à comprendre suivant un angle communicationnel les dynamiques de normalisation des affects au travail. Nous nous sommes ainsi intéressée à l’étude des logiques communicationnelles qui traversent les acteurs de notre terrain de recherche.

Étudier les dynamiques affectives au sein des dispositifs de prévention suivant une approche communicationnelle

6Relativement à notre objet d’étude, nous avons opté pour une démarche de recherche de type abductif, nous permettant de construire notre questionnement ainsi que nos propositions de recherche dans la rencontre avec notre terrain. Par la dialectique inférentielle qu’elle offre (Peirce, 1955), l’approche suivant un mode de raisonnement abductif nous a permis d'ouvrir des pistes de réflexion issues du croisement de nos observations préliminaires du terrain de recherche et du support de la littérature scientifique. Nous avons ainsi formulé la proposition de recherche centrale selon laquelle les logiques communicationnelles des différents acteurs de la santé participent de la construction des signes de l'émotion au sein des dispositifs de prévention qu’ils déploient dans l’entreprise. A ce titre, il a été question de mener une approche communicationnelle qui nous permette d’étudier conjointement et de manière articulée les logiques communicationnelles en matière de prévention des acteurs de la santé au sein du contexte particulier de l’entreprise ainsi que les signes des émotions qu’ils construisent au sein des dispositifs de prévention mis en place. Il s'est agi de percevoir les implications communicationnelles de ce qui se jouait entre et pour les différents acteurs en matière de prévention de la santé au travail : les acteurs de la santé en charge de la prévention mais également l’entreprise à la fois en tant qu’entité juridiquement responsable et en tant qu’instance de discours en matière de prévention de la santé au travail via sa communication institutionnelle.

7Dans cette optique, il a été développé une approche communicationnelle des dispositifs de prévention de la santé au travail, qui s'appuie sur les apports conceptuels des SIC et se propose d'allier les travaux touchant à la question de l'affectivité, conçue dans des dimensions communicationnelles (Carayol, 2004 ; Martin-Juchat, 2008, 2014 ; Martin-Juchat et Staii, 2016), à ceux menés en ACO (approches communicationnelles des organisations, Bouillon, Bourdin et Loneux, 2007 ; Bouillon, 2013). L'analyse communicationnelle multidimensionnelle des organisations, que mettent en œuvre les ACO, apparaît comme un cadre d'étude privilégié pour appréhender les dispositifs de prévention de la santé au travail. Les ACO s'intéressent à la fois aux situations de communication, au cœur de l'activité de travail des acteurs de l’organisation, mais également aux processus de communication, au travers notamment de l'étude des dispositifs info-communicationnels, et enfin aux politiques de communication, soit les récits de l'entreprise, au titre de la mise en œuvre d'une ingénierie du symbolique (d'Almeida, 2001, 2006 ; Grosjean, Mayère et Bonneville, 2018), qui tend à prendre les traits d’une communication managériale, gestionnaire et promotionnelle (Floris, 1996 ; Olivesi, 2006). C'est suivant cette perspective, qui croise différents angles d'investigation, qu'ont été étudiés les dispositifs de prévention de la santé au travail, nous permettant de nous intéresser tant aux situations de communication des acteurs de la santé au travail qu'aux politiques de communication mises en place par l’entreprise en la matière au titre de sa communication institutionnelle.

8Pour conduire une telle approche communicationnelle, nous nous sommes également appuyée sur les travaux menés en sociologie des entreprises et des organisations, en vue d'appréhender les stratégies et logiques d'acteurs et d'action (Sainsaulieu, 1987 ; Bernoux, 1995) poursuivies par les différents acteurs de la prévention et dont il nous a importé de saisir les implications info-communicationnelles. En d’autres termes, il s'est agi de mettre en évidence les stratégies et logiques info-communicationnelles des différents acteurs de la prévention. Par ailleurs, chacun de ces niveaux d’analyse a constitué un point d'entrée communicationnel (situations, dispositifs et politiques de communication) avec pour objectif de recueillir et d'analyser la sémiotisation des émotions, en fonction des acteurs et au regard des logiques communicationnelles qui tendent à les traverser.

Recueil et analyse des données

9Parmi les possibilités méthodologiques, le cadre de la recherche-action nous est apparu comme pertinent au regard de notre objet de recherche mais aussi d'un point de vue opérationnel. Le parti-pris était celui d'une démarche immersive vis-à-vis de l'entreprise qui constituait le terrain, en vue de se situer au plus près des expériences affectives de ses membres, dans différents contextes professionnels. Nous inscrivant dans le courant de la sociologie compréhensive et de ses héritages, nous percevons les sujets comme acteurs dotés d’un regard pertinent, voire expert, sur leurs propres pratiques et usages (Geertz, 1983 ; Garfinkel, 2007 ; Strauss, 1992). La recherche-action nous a permis de multiplier les moments d'échanges avec les acteurs du terrain. Une telle approche a eu pour objectif de nous permettre de déceler les signes des émotions, qui traversent l'entreprise.

10Le cadre de la recherche-action conduite sur plus d'une année (de juin 2014 à novembre 2015) nous a permis de combiner plusieurs techniques d'enquête. Plus d'une vingtaine d'observations de terrain ont été conduites auprès des acteurs de la santé au travail, notamment durant leurs interventions (accompagnements de salariés, visites médicales, etc.). Par ailleurs, 47 entretiens de recherche de type semi-directif ont été menés à la fois auprès des acteurs de la prévention mais également des salariés de l'entreprise, afin de croiser les représentations. Cette approche de type qualitatif a été complétée par la constitution d'un corpus de 43 documents, comprenant 27 supports info-communicationnels en santé au travail élaborés par les acteurs de la Direction de la santé au travail, les acteurs de la sécurité ou encore par le service de communication interne de l'entreprise. Le reste du corpus est composé de 16 documents d’information et de communication issus de la communication institutionnelle (intranet, journaux d’entreprise, affiches) et touchant à tout type de sujet (quotidien de l’entreprise, stratégie du groupe, gestion du personnel, etc.), afin d’élargir notre champ d’appréhension de la communication menée au sein de l’entreprise.

11Cette triangulation des données a nécessité la mobilisation de différentes techniques d’analyse dans l’exploitation du matériau recueilli. Pour les observations de terrain, il a été effectué une condensation des données récoltées (Strauss et Corbin, 2003). Après une première phase d'observation coïncidant aux prémices de l'investigation, nous avons choisi de mettre en place un cadre d'observation plus précis, relativement à la formulation de notre questionnement de recherche, et de nous focaliser ainsi plus spécifiquement sur certains aspects à observer à savoir les stratégies et logiques communicationnelles des acteurs ainsi que la sémiotisation des émotions (expression et expressivité d'un point de affectif des salariés, ambiance et codes émotionnels, etc.). L'exploitation des données, effectuée tout au long de la recherche, a conduit à adopter non plus une observation narrative, qui relève du récit détaillé des faits observés, mais attributive qui, quant à elle, procède par effet de repérages ciblés (Massonnat, 2005 : 44). Par la catégorisation analytique des éléments à observer, il a ainsi été opéré un « écrasement du détail » (Datchary, 2013), en vue de percevoir des situations particulières, des logiques d'action, certains signes des émotions. Les entretiens de recherche ont, quant à eux, été intégralement retranscrits (plus de 1000 pages de verbatim) et étudiés en recourant à une analyse de contenu, effectuée manuellement. Après une première lecture globale, « flottante » (Bardin, 2013 : 76) des entretiens retranscrits suivant une démarche d'imprégnation, nous avons procédé à une exploitation plus précise de chaque entretien, au cours d'une seconde phase de lecture d'ordre herméneutique et analytique. Il a alors été mis au point une grille d'analyse des entretiens qui a procédé par catégorisation thématique du contenu autour de deux grands axes : les enjeux de la prévention de la santé au travail et les émotions au travail. Des thèmes et des sous-thèmes ont ensuite été retenus et déclinés à l'ensemble des entretiens, au cours d'une dernière phase de relecture, qui a permis d’effectuer, pour chaque entretien, un relevé précis de phrases témoins. Enfin, en ce qui concerne le corpus constitué des supports info-communicationnels collectés, une approche sémio-herméneutique a été mobilisée pour étudier les documents du corpus à dominante visuelle (Bryon-Portet, 2011), les autres documents, au contenu textuel plus dense, ayant, quant à eux, fait l'objet d'une analyse du discours (Charaudeau et Maingueneau, 2002 ; Mazière, 2005).

12A travers ces différentes techniques d'enquête et d'analyse, il s'est agi de mettre au jour et de confronter à la fois les différentes logiques info-communicationnelles des acteurs de la prévention de la santé au travail mais également les signes des émotions qui traversent leurs communications au sein de l'entreprise.

Logiques communicationnelles et dynamiques affectives

13L’ensemble des acteurs de la santé au travail interrogés font montre d’une posture empreinte d’ambivalence vis-à-vis de la communication de l’entreprise. Parce qu’ils tendent à se représenter cette dernière comme relevant d’une communication promotionnelle, inauthentique et marketing, ils ne souhaitent pas y être associés. Ils ne se perçoivent pas comme des communicants et disent privilégier une communication de proximité auprès des salariés en vue de se distancier du discours institutionnel. Toutefois, ainsi que le montre l’analyse des supports communicationnels qu’ils diffusent, ils partagent les codes communicationnels dominants de l’entreprise, qui se déclinent également du côté des signes des émotions qu’ils construisent.

De la déclinaison de la communication affective de l’entreprise au sein des dispositifs de prévention

14Au regard de l’approche communicationnelle menée, nous avons ainsi pu mettre en perspective la communication affective produite au travers de la communication institutionnelle avec celle qui émane des dispositifs de prévention de la santé au travail portés par les acteurs de la santé au travail. Ainsi, il s'observe au sein de la communication affective portée par la communication institutionnelle une sémiotisation stéréotypée et uniformisante des émotions au travail, en correspondance aux codes du marketing et faisant écho à la diffusion d'un tel modèle dans les pratiques communicationnelles des organisations (Lépine, Martin-Juchat et Fourrier-Millet, 2014). De l’étude des supports communicationnels, il ressort une sémiotisation qui convoque des émotions dites « positives », telles que la joie, l’enthousiasme, la passion, ainsi que peuvent l’illustrer les images extraites de l’intranet (Fig. 1).

Figure 1. Extraits de l’intranet

Figure 1. Extraits de l’intranet

Figure 1. Extraits de l’intranet

Figure 1. Extraits de l’intranet

15Au sein des représentations diffusées dans l’entreprise, la joie partagée est manifeste et les salariés sont dans des moments d'échanges et de travail, inscrits dans des logiques affectives de fusion et de synchronisation. La mise en scène montre la force de la communion des individus. Les différences hiérarchiques se trouvent gommées, les personnes représentées adoptent une même posture (tous sont assis ou tous sont debout), suggérant l'égalité et la transversalité dans la coopération dans le travail. La représentation des émotions relève d'une schématisation stéréotypée des vécus affectifs au travail, qui participe d'une narration de l'affectivité programmatique des attendus émotionnels au sein de l'entreprise.

  • 6 De l’analyse du discours menée au sein du corpus constitué des 43 documents d’information et de com (...)

16De même, les émotions, lorsqu’elles sont explicitement énoncées dans les supports de communication, bien qu'elles soient peu nombreuses au sein de notre corpus6 sont inscrites dans des logiques similaires et valorisent les émotions considérées comme « positives » par l’entreprise. A cet égard, le journal interne, diffusé à une échelle mondiale, met avant des expériences professionnelles de salariés à travers le monde, qui fonctionnent comme des récits de la vie affective. Ces récits donnent à voir en filigrane les prescriptions d'ordre émotionnel associées aux attendus comportementaux chez les salariés. Ainsi peut-on lire : « Passionnés, ouverts, francs, directs et efficaces : chaque jour, partout dans le monde, vous incarnez les valeurs de [nom de l’entreprise] ». Ces cinq qualificatifs se retrouvent également sur de nombreux supports de communication et tendent à fonctionner comme une antienne au sein de la communication institutionnelle. Si le terme de « passionnés » fait directement référence au domaine des émotions, les autres adjectifs employés s’apparentent à des comportements, ici mis en relation explicitement avec les valeurs du groupe, mais relèvent, en creux, d'une expression de la joie. A contrario, les émotions comme la colère, l'énervement, la tristesse ont tendance à être définies comme des émotions « négatives ». A ce titre, il est révélateur que leur mention n’intervienne que dans le cadre de la prévention de la santé au travail (Fig. 2). Ces émotions tendent à se trouver rangées voire catégorisées au sein des dispositifs de prévention et, plus largement, au sein de l'entreprise du côté des « signaux faibles » des risques psychosociaux (RPS).

Figure 2. Extrait du support de présentation de la prévention des RPS

Figure 2. Extrait du support de présentation de la prévention des RPS

17Tel que le montre cet extrait issu du support de formation et de sensibilisation aux RPS, il est fait référence aux émotions dans le cadre de la détection chez soi ou chez autrui des signes des RPS, qui constituent des « signaux faibles ». La présentation met l'accent sur des éléments identificatoires, qui fonctionnent comme des catégorisations des comportements observables chez les salariés et des états émotionnels associés. Des émoticônes, figurations symboliques d'une émotion, font office d'illustration des états émotionnels évoqués, qu’elles sémiotisent de manière caricaturale. Les mentions « visage triste », « pas de joie », qui réfèrent explicitement à des émotions, sont représentées à travers un visage qui pleure à grosses larmes au point de former une flaque sous la tête suspendue, rendant la scène comique par effet d'hyperbole. La représentation des émotions négatives tend à faire l'objet d'un traitement humoristique et revêt une dimension grotesque du fait de l'exagération manifeste. Sur une autre image du support de présentation, on peut voir par exemple un salarié pleurer avec dans chacune de ses mains un téléphone et, de part et d'autre sur son bureau, des piles de dossiers qui l'encerclent comme prêtes à l’ensevelir. De telles représentations des états émotionnels, qui empruntent au ridicule, participent d'une dédramatisation du sujet. La communication menée autour de la prévention des RPS contribue à la diffusion de normes quant à l'expression de certaines émotions, qui sont sujettes à être rangées par les salariés du côté des RPS. Il est à ce titre révélateur qu’à la suite des formations aux RPS organisées dans l’entreprise par les acteurs de la santé, les signalements entre salariés auprès des acteurs de la santé au travail aient pris une ampleur significative. De telles logiques de simplification, qui structurent la sémiotisation des émotions, s’apparentent à des dynamiques de rationalisations organisationnelles (Bouillon, 2013, 2015), ici observées dans le domaine de la vie affective. Or, touchant à la prévention de la santé au travail, un tel phénomène interroge quant à la pathologisation des émotions au travail à l’œuvre.

  • 7 Confer également Foli (2009a, 2009b) quant à la disqualification des plaintes au travail, ces derni (...)

18La communication affective déployée est à mettre en perspective avec la culture affective de l’entreprise qui valorise chez les salariés une maîtrise des émotions au travail et tend à appréhender la perte de contrôle d’ordre émotionnel comme un signe de faiblesse7, discréditant d’un point de vue professionnel le salarié qui en est sujet. Plusieurs salariés que nous avons interrogés présentent une peur manifeste de l'effondrement dans la gestion des signes des émotions échangés sur le lieu de travail. De manière significative, en cas d’épisodes de colère ou de tristesse qu’ils ne parviennent plus à maîtriser, les salariés tendent à se tourner vers les services de santé au travail. Ils peuvent y décharger de leur trop-plein de tristesse ou de colère, tout en préservant leur image vis-à-vis du reste de l’entreprise qui n’aura pas connaissance de ces épisodes. Fonctionnant comme des espaces à part au sein de l’entreprise, des espaces d’entre-deux, les services de santé au travail permettent aux salariés de dissimuler leurs émotions vis-à-vis du reste de l’entreprise. On voit bien ici dans quelle mesure en tant que dispositifs de prévention, ils participent d’un cadrage de l’expérience émotionnelle et contribuent à la canalisation des débordements possibles en la matière et, partant, à leur régulation. De tels dispositifs garantissent le maintien de la mise à distance des émotions au travail.

Du paradoxe de la prise en charge et de la non-prise en compte des émotions au travail via les dispositifs de prévention

  • 8 Le reporting est la communication des données d’une entreprise sous forme synthétique et visuelle.

19D’un point de vue de la prévention de la santé au travail, la politique d'entreprise tend à prendre la forme d'une communication managériale, axée sur l'éducation et l'engagement des salariés, dans des visées de responsabilisation. Elle s'inscrit dans des logiques de contrôle et de mesure de la performance en la matière, au titre de nombreux reportings8 qui permettent d’évaluer et de classer les différents sites entre eux à travers le monde. Ainsi les dispositifs de prévention déployés se définissent-ils comme une déclinaison de ladite politique d'entreprise et participent de la légitimation de cette dernière dans la démonstration des moyens préventifs mis en œuvre vis-à-vis des salariés. Les enjeux sont tels pour l’entreprise, qui peut être poursuivie en justice en cas de manquement, que la détection des risques professionnels tend à se mouvoir en une identification des personnes responsables en cas de problématiques de santé et/ou de sécurité au travail. Il est apparu que les acteurs de la santé au travail tendent à s'inscrire en faux vis-à-vis des logiques de responsabilisation et de culpabilisation du salarié mises en œuvre. Dans la médiation que ces acteurs opèrent entre le salarié et l'entreprise, ils poursuivent une stratégie de légitimation du salarié confronté à une problématique de santé et/ou de sécurité au travail, dans des visées protectrices. A ce titre, les acteurs de la santé au travail essaient stratégiquement d'impliquer l'entreprise et de faire valoir le caractère organisationnel de la situation vécue par le salarié. Ils entendent ainsi contrecarrer les tendances à rabattre sur une problématique personnelle les difficultés rencontrées quand bien même ces dernières touchent au fonctionnement organisationnel. Pour ce faire, les acteurs de la santé au travail tendent à axer leur discours sur les dimensions collectives et organisationnelles des problématiques afin que l’entreprise les prenne en compte et cesse en dernière instance de reporter sa responsabilité sur le salarié.

20Or, de telles logiques communicationnelles vont influer sur la sémiotisation des émotions que ces acteurs de la prévention construisent dans leurs pratiques communicationnelles. En effet, les acteurs de la santé tendent à appréhender les émotions du côté des individus et non comme relevant de dynamiques collectives et organisationnelles. Une telle distinction aboutit chez eux à des tendances à la non-prise en compte des émotions des salariés alors même qu’ils les prennent en charge via les dispositifs qu’ils portent. Tel que l'explique la directrice de la Direction de la santé au travail, l'association opérée entre émotion et individu participe d'une mise à distance et d'une non-prise en considération des émotions dans les actions préventives, en vue d'éviter une responsabilisation du salarié :

« Il est toujours risqué le terme "émotionnel" en entreprise. Parce que le terme "émotionnel", il est très connoté individu. Ce qu'on cherche stratégiquement, ce pourquoi on a tous des mécanismes défensifs autour de ça dans mon métier, c'est qu'on cherche à aller sur du collectif. Mais, ça je le sais, on a une déformation professionnelle là-dessus, c'est qu'on tend tout de suite à ramener sur le collectif, histoire qu'on ne stigmatise pas les gens dans leurs personnalités. » (Directrice de la Direction de la santé au travail).

21Tel que nous l’ont rapporté les acteurs de la santé, parler des émotions des salariés ou avec les salariés pourrait faire courir le risque d'un repli de l'entreprise pour incriminer encore davantage le salarié. Leur réticence à aborder la question des émotions au travail est inscrite dans la perspective de lutter contre la stigmatisation et l'étiquetage du salarié confronté à une problématique de santé et/ou de sécurité au travail. Il a lieu une polarisation stratégique sur l'activité de travail du salarié, qui a pour pendant d'écarter les émotions de leur champ d'appréhension. Tel que le rapportent les acteurs de la santé au travail :

« Les émotions, c’est hors sujet dans l’entreprise. » (une médecin du travail).

« C’est vrai qu’un salarié qu’on voit en visite, contrairement à ce qu’un collègue peut lui demander le premier jour où il arrive si ça va, nous, on ne va pas lui demander si ça va, on va surtout lui demander comment il se sent dans son travail. Ce qui n'est pas la même approche. Est-ce qu’il est satisfait de son activité de travail ? » (une intervenante en prévention des risques professionnels, IPRP).

« Je ne vois pas comment on pourrait impliquer les émotions dans la communication préventive. Tout ce qui est émotion, c’est un peu tabou dans l’entreprise. » (une médecin du travail).

22Les acteurs de la santé eux-mêmes rangent les émotions du côté de l'individuel et de la sphère privée, ne percevant pas le caractère collectif et social des émotions et de leur sémiotisation. De même, ils appréhendent la sollicitation des émotions des salariés dans l'entreprise comme relevant de techniques de communication marketing et gestionnaire, auxquelles ils ne souhaitent pas prendre part ou être associés. Or, suivant ces perspectives, ces acteurs participent, paradoxalement, à la sémiotisation dominante des émotions, caractérisée par des logiques de dissimulation et de mise à distance des vécus affectifs des salariés. Bien qu'ils entendent s'opposer aux logiques de l'entreprise, dans le rapport aux émotions qu’ils construisent, les acteurs de la santé tendent à une non-prise en compte des émotions du salarié. Il s'opère ainsi un alignement dans la communication affective produite. Ces logiques de non-prise en compte des émotions laissent la gestion des émotions au salarié lui-même, autrement dit individualisent la responsabilité de leur prise en charge et ne permettent pas de penser de manière collective et organisationnelle le rapport aux émotions construit au travail. Il apparaît donc un maintien des logiques de contrôle émotionnel attendu chez les salariés, que tend à favoriser la non-prise en compte des vécus affectifs au travail dans les dispositifs de prévention.

Conclusion : éclairer les dynamiques affectives au sein des dispositifs de prévention par l’étude des logiques communicationnelles des acteurs de la santé au travail

23Au sein de l’entreprise qui a constitué notre terrain de recherche, la normalisation de la sémiotisation des émotions, qui opère par rationalisation des vécus émotionnels au travail, tend à promouvoir une maîtrise des émotions chez les salariés. Les attendus d'ordre émotionnel s'inscrivent dans des logiques de contrôle et de dissimulation des vécus, participant d'une régulation des émotions au travail. Or, il est apparu lors de notre enquête que les acteurs de la santé jouent un rôle particulier en la matière puisqu’ils tendent à réceptionner les épisodes et/ou les situations de débordement émotionnel auxquels les salariés peuvent être sujets. Pour autant, cette prise en charge trahit, paradoxalement, une absence de prise en compte des émotions des salariés.

24C'est au cœur des logiques et stratégies communicationnelles des acteurs de la santé que tend à s'éclairer en partie la compréhension de ce phénomène. Mus par la crainte d'une responsabilisation des salariés par l'entreprise, les acteurs de la santé vont eux-mêmes s'inscrire dans des logiques de non-prise en compte de l'affectivité de ces derniers. Dans la stratégie de légitimation du salarié qu’ils poursuivent, ils souhaitent que l'accent soit porté sur les dimensions collectives et organisationnelles auxquelles ils n'associent pas les émotions. Or, cette non-prise en compte participe de la sémiotisation dominante des émotions au sein de l'entreprise, caractérisée par une mise à distance régulatrice des vécus affectifs des salariés. Cela contribue, en retour, à une responsabilisation de ces derniers.

25C'est au cœur même d'une résistance aux logiques et stratégies communicationnelles de l'entreprise que tend à se produire un alignement des signes des émotions produits dans les pratiques communicationnelles des acteurs de la santé et de l'entreprise, se faisant communication affective partagée. Dès lors, la complexité et la richesse de la diversité des vécus émotionnels (Hardt, 2011) des salariés tendent à constituer les points aveugles de l'entreprise et de son fonctionnement organisationnel. Les émotions étant perçues comme individuelles, la gestion réclamée aux salariés en la matière incombe à ces derniers et ne participe pas d'une réflexion menée à l'échelle de l'entreprise, ni même au niveau des dispositifs de prévention déployés, alors que lesdits dispositifs pourraient s'en faire un des vecteurs privilégiés.

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Notes

1 Suivant la conception foucaldienne, le terme de « dispositif » fait référence à un ensemble d’éléments de nature hybride, que ce soit des objets, des discours, des pratiques, des hommes : « Le dispositif lui-même, c'est le réseau que l'on peut établir entre les éléments » (Foucault, 2001 : 299). Ainsi, dans le cadre de dispositifs de prévention de la santé au travail, ces éléments s’apparentent à la mise en œuvre de la prévention de la santé au travail dans l’entreprise. Au sein de notre terrain de recherche, lesdits dispositifs de prévention correspondent tout autant aux services de santé au travail implantés sur les sites, qu’aux accompagnements individuels et/ou collectifs, aux formations et sensibilisations mises en place à l’attention des salariés, aux affiches préventives, aux évaluations des risques professionnels, aux animations organisées telles que la « Journée sécurité », etc.

2 Article R. 4127-5 du Code de la santé publique et articles L. 4623-1 à L. 4623-8 et R. 4623-2 à R. 4623-24 du Code du travail.

3 La Direction de la santé au travail est pilotée par une médecin du travail et rattachée au service des Ressources Humaines. Elle est composée de sept médecins du travail, de six intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) et de plus d’une vingtaine d’infirmiers.

4 Pour reprendre le néologisme de Simon Laflamme, l'individu est « émorationnel », à la fois émotion et raison dans la mesure où il s'agit de « deux dénominations d’une même réalité. La vie humaine est émoraison » (Laflamme, 1995 : 44-45).

5 Dont les termes du débat peuvent être illustrés par le célèbre exemple jamesien « j'ai peur parce que je fuis » (perception corporelle liminaire) ou « je fuis parce j'ai peur » (perception cognitive liminaire). Confer Frijda, 1989.

6 De l’analyse du discours menée au sein du corpus constitué des 43 documents d’information et de communication, il ressort seulement 22 occurrences relatives aux émotions.

7 Confer également Foli (2009a, 2009b) quant à la disqualification des plaintes au travail, ces dernières pouvant être considérées au sein de l’organisation comme un aveu de faiblesse de la part des salariés.

8 Le reporting est la communication des données d’une entreprise sous forme synthétique et visuelle.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Extraits de l’intranet
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Titre Figure 1. Extraits de l’intranet
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Titre Figure 2. Extrait du support de présentation de la prévention des RPS
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Pour citer cet article

Référence électronique

Aurélia Dumas, « Approche communicationnelle des dispositifs de prévention de la santé au travail et étude des dynamiques affectives : le cas d'une grande entreprise française »Sciences de la société [En ligne], 106 | 2020, mis en ligne le 01 décembre 2020, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/12350 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.12350

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Auteur

Aurélia Dumas

Université Clermont Auvergne, Communication et Sociétés (EA 4647)
34 avenue Carnot, 63000 Clermont Ferrand
aurelia.dumas@uca.fr

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