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Théorie post-occidentale et sociologie économique en France et en Chine

Post Western Theory and economic sociology in France and China
Teoría post-occidental y sociología económica en Francia y China
Laurence Roulleau-Berger

Résumés

Si la pensée scientifique a été construite en tant qu’élément des sociétés occidentales, les conditions de mise en récit universalisant et tautologique des sciences sociales “occidentales” sont largement interrogées aujourd’hui. À partir de la production d’une épistémologie partagée avec les sociologues chinois nous avons développé une sociologie post-occidentale pour faire dialoguer dans un rapport d’équivalence des concepts communs et des concepts situés dans des théories française et chinoise. Dans cette perspective théorique nous pensons ici les modes de formation des continuités et des discontinuités, les agencements et les disjonctions entre des lieux de savoir situés dans des contextes sociétaux différents, et proposons de faire travailler les écarts entre eux. Dans cet article nous introduirons la problématique de la sociologie économique post-occidentale ; nous montrerons alors comment se forment des niches de connaissance à partir des discontinuités théoriques entre sociologies économiques française et chinoise et des espaces transnationaux à partir des continuités théoriques entre les deux contextes de savoirs (Roulleau-Berger, 2016).

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Texte intégral

Tournant global et sociologie post-occidentale

1Aujourd’hui les sciences sociales dans le monde s’internationalisent, elles se renouvellent dans d’autres sociétés comme la Chine. Dans un mouvement de circulation et de globalisation des savoirs, de nouveaux centres et de nouvelles périphéries se forment, de nouvelles hiérarchies apparaissent plus ou moins discrètement qui produisent des compétitions et des concurrences pour le développement de ”nouveaux” savoirs. Les trente ans de maoïsme avaient fermé les portes de la Chine et les intellectuels chinois n’avaient pas pu participer au développement de la sociologie interdite de 1949 à 1979. Cette page blanche de l’histoire a produit une double invisibilisation des savoirs : non seulement les savoirs produits pendant cette période mais ceux produits avant 1949. À partir de 1979 les sociologues chinois ont recréé et fait revivre une science sociale qui était devenue une science morte ou inerte. La renaissance de la pensée sociologique en Chine représente un moment fondamental dans l’histoire de la pensée globale. Il y a eu une sorte d’indécence épistémologique éthique et politique dans les mondes occidentaux à ignorer les sciences de la société chinoises qui constituent une pratique aussi ancienne qu’en Occident. Si la langue chinoise a pu faire écran, ce sont surtout des orientalismes qui ont fixé des frontières à des savoirs perçus, vécus, représentés comme plus légitimes que d’autres.

2Notre réflexion s’inscrit dans une démarche épistémologique en sociologie de la connaissance où la diversité des savoirs s’est organisée dans des espaces conceptuels liés à des paradigmes, des programmes liés à des dispositifs ethno-centrés de connaissance (Roulleau-Berger, Xie Lizhong, 2017). Au-delà de la question des phénomènes de domination et de recouvrement des théories non-occidentales en sciences sociales par des théories occidentales, se pose davantage la question du brouillage des frontières entre sociologies « occidentales » et « non-occidentales », brouillage qui contient des concurrences non déclarées et des luttes de reconnaissance de cultures scientifiques ignorées ou oubliées. La construction d’un regard décentré permet ici d’accéder à la diversité des récits des sociétés sur elles-mêmes en faisant travailler les écarts entre eux pour laisser apparaître un espace post-occidental où les sociologies – notamment les sociologies économiques – se touchent, se rencontrent, se parlent entre elles, se comprennent et ne se comprennent pas aussi. Nous avons proposé une sociologie économique post-occidentale afin de saisir des savoirs sociologiques situés, de les faire dialoguer entre eux dans un rapport dynamique d’équivalence en mettant en valeur des concepts communs et des concepts situés dans des espaces de sociologie économique « occidentaux »et « non-occidentaux » –ici des espaces chinois- et des concepts globaux.

3Nous avons défini la sociologie post-occidentale comme une sociologie critique globale qui se construit à partir de connexions entre des pratiques de terrain en explorant de façon croisée ce que les individus font, disent, pensent de ce qu’ils font dans des situations différentes. Elle fait travailler non pas les différences mais les écarts de regards, de pratiques, de concepts entre des sociologies européenne et chinoise. Est refusé ici le principe de comparaison structurelle terme à terme des institutions, organisations et systèmes sociaux, politiques et économiques. Il s’agit d’inventer des formats narratifs multisitués qui rendent compte d’une pluralité épistémologique dans laquelle le chercheur œuvre à l’effacement de frontières construites par différents types d’occidentalismes. Le processus de construction de la sociologie post-occidentale commence par là avant de penser les agencements et les assemblages théoriques et méthodologiques. Parler de sociologie internationale ou de sociologie globale n’implique pas de penser ce travail d’effacement des frontières épistémologiques ; c’est à cet endroit que la distinction entre sociologie post-occidentale, sociologie internationale et sociologie globale a lieu.

4Dans la sociologie post-occidentale il s’agit ici de défaire les orientalismes et les occidentalismes pour ne plus penser les relations entre des entités, des mondes, des cultures, des sociétés préalablement constituées mais plutôt de travailler sur les variations de degrés et d’intensité, les continuités et les discontinuités, de faire travailler des écarts entre des savoirs situés et des savoirs globaux – ici en sociologie économique- sur des espaces sociétaux différents. Nous avons défini la sociologie post-occidentale comme se construisant à partir de similarités et de différences qui ne peuvent être pensées sur un mode binaire, qui s’appuient sur différents dispositifs de connaissances (Roulleau-Berger, 2015, 2016) :

  • des niches de connaissances qui apparaissent spécifiquement européennes ou chinoises et ne signifient pas de traduction des savoirs.

  • des dispositifs épistémologiques intermédiaires qui favorisent des traductions partielles des savoirs sociologiques de l’Europe vers la Chine et de la Chine vers l’Europe.

  • des espaces épistémologiques transnationaux où sont placés en équivalence des savoirs européens et des savoirs d’Asie.

Refonder la sociologie après 1979 en Chine

5L’histoire de la sociologie économique en Chine ne peut être dissociée de l’histoire de la discipline. En 1949 la République Populaire de Chine est fondée, le marxisme est considéré comme la seule pensée nationale légitime. En 1952, la sociologie est supprimée dans toutes les Universités. La psychologie sociale, l’anthropologie sociale et la démographie n’ont plus été enseignées non plus à partir de ce moment-là. En 1956 le VIIIe Comité central du Parti Communiste annonce que « cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ». Les grands sociologues chinois Chen Da, Wu Jingchao, Fei Xiaotong tournent leur regard vers la sociologie occidentale et proposent la réhabilitation de la sociologie à partir d’une double rupture avec la sociologie de la Chine non socialiste et avec la sociologie occidentale ; pour eux il s’agit de construire une sociologie spécifique à partir du marxisme-léninisme et du maoïsme. Mais en juin 1957 se déclenche un mouvement contre « la droite », la sociologie est perçue comme une tentative de restauration de la classe bourgeoise. En août 1957 la sociologie est interdite, elle le sera jusqu’en 1978 alors que l’Union soviétique et l’Europe de l’Est l’ont déjà rétablie (Roulleau-Berger et Guo Yhua, Pi Peilin, Liu Shiding, 2008).

6En 1978 est demandée la réhabilitation de la sociologie et de la traiter comme une science à part entière et non pas comme « une science fausse ». Le 18 mars 1979 l’Association des recherches de la sociologie chinoise est créée, Fei Xiaotong la préside : la sociologie est réhabilitée en Chine. Le 30 mars Deng Xiaoping souligne la nécessité de développer la sociologie et de former des chercheurs. Au printemps 1980 est créé l’Institut de sociologie à l’Académie des Sciences Sociales de Chine dirigé par Fei Xiaotong et des formations à la recherche sont organisées. Pour Fei Xiaotong la sociologie chinoise doit se reconstruire en s’appuyant sur l’héritage des sociologues de la génération précédente et des sociologues occidentaux. En 1980 l’Université de Shanghai fonde le premier département de sociologie en Chine, puis c’est le tour de celles de Nankai, de Beijing, de Zhongshan... De 1979 à 1989, dans vingt-deux villes de provinces (Hubei, Sichuan, Guangzhou, Harbin...) sont créés des Instituts de sociologie et dans onze Universités est créé un département de sociologie. Dès la réhabilitation de la discipline est posée la question de l’ouverture à la sociologie occidentale. Puis entre 1979 et 1989, années de « modernisation socialiste » apparaissent et réapparaissent des grands noms de la sociologie chinoise : Fei Xiaotong, Luo Qing, Yuan Fang, Yan Xinzhe, Ke Xiangfeng, Li Jinghan, Dai Shiguang, Wu Wenzao, Lin Yaohua ....

7En Chine à partir du rétablissement de la sociologie, la vie socio-économique a été très étudiée, notamment par Fei Xiaotong, leader du rétablissement de la discipline qui s’intéressera de près aux transformations rapides de l’économie chinoise, notamment du monde rural. Sous sa direction les sociologues chinois entreprendront une série d’enquêtes et de recherches et d’analyses sur la structure et le dévelop­pement de la vie socio-économique en ville et à la campagne ; progressive­ment seront posées les bases de la sociologie économique chinoise que Ma Rong, Wang Hansheng, Liu Shiding (1994) développeront ensuite. Fei Xiaotong, dans son ouvrage issu de sa thèse Peasant Life in China: A Field Study of Country Life in the Yangtze Valley. Paru pour la première fois en 1939, ouvrage qui porte sur l’étude de la vie socio-économique d’un bourg chinois et qui connaîtra un rayonnement majeur il écrivait : « Notre travail décrit le système de consommation, de production, de répartition et de commerce des campagnes chinoises […], il vise à expliquer les relations entre ce système économique et un environnement géographique particulier, et avec la structure sociale locale ».

8Au cœur de la sociologie contemporaine chinoise se trouve la question de la transition à la fois économique et sociale. Le concept de transition sociale désigne les transformations qui ont eu lieu depuis les vingt dernières années dans les pays socialistes et pays anciennement socialistes, et plus particulièrement les processus de transition sociale accompagnant les mécanismes de marché. Cependant la transition contient des éléments de modernisation sans s’y réduire et contient du développement sans s’y limiter. Le processus de transition sociale est défini par Sun Liping (2007) comme ayant une logique propre, des procédés propres dans lequel les individus développent des stratégies et des tactiques au cours d’actions pratiques et situées dans un contexte de mondialisation. Shen Yuan (2006a) traitera de la transition de la société chinoise en analysant d’une part l’influence de l’idéologie libérale et la marchandisation économique et, d’autre part le système de redistribution vers un système de marché. La question posée deviendra celle du destin historique de la classe ouvrière et de sa capacité à se constituer en acteur historique. En s’inspirant d’Ivan Szelenyi et de Michael Burawoy Shen Yuan considérera que l’enjeu majeur pour la Chine du post-totalitarisme est de « produire la société » dans une période de transition.

Histoire et grandes tendances de la sociologie économique chinoise

9La sociologie économique va alors se structurer autour d’objets centraux comme par exemple – parmi les problématiques de recherche les plus saillantes – l’évolution de la danwei, les économies rurales et les droits de propriété, la relation entre Marché et État, la marchandisation travail et la précarisation des emplois.

De la danwei aux marchés du travail

10C’est à partir de la danwei, forme emblématique du socialisme, que les sociologues raisonnent pour comprendre les grandes transformations économiques liées à la transition sociale. La notion de danwei ou d’unité de travail, n’est apparue qu’au tournant des années 1980 ; elle désigne une spécificité de la société chinoise c’est-à-dire une organisation autour et à partir des lieux de travail où, jusque dans la seconde moitié des années 1990, les unités de travail étaient chargées de l’amélioration de l’habitat, la lutte contre le chômage, la mise en œuvre de programmes de santé. La danwei était définie comme système d’organisation économique qui créait du lien social et qui sous-tendait la structure sociale dominée par l’Etat ; l’Etat central chinois décidait des modes de distribution du pouvoir et d’allocation des ressources aux travailleurs en fonction de leur niveau de qualification, de leur ancienneté, du temps de travail mais aussi de leurs attitudes politiques et de leurs comportements sociaux (Li Lulu, 1993 ; Li Hanlin, 1993 ; Li Hanlin, Li Lulu, 2003) Elle a été analysée comme lieu de domination étatique et de stratégies d’adaptation secondaire de travailleurs chinois dans des micro-espaces d’autonomie qui échappaient au contrôle et à la surveillance. La danwei apparaît comme une forme économique et sociale de l’ancien système socialiste qui va s’affaiblir pendant la transition et va se démultiplier en plusieurs institutions économiques comme les entreprises privées, les entreprises à capitaux mixtes, les entreprises rurales, les TVE ... L’analyse de la danwei restera un objet de recherche pertinent en sociologie économique mais les sociologues vont ensuite de plus en plus s’intéresser à la construction des marchés du travail chinois. Cette forme d’entreprise s’autonomisera de plus en plus par rapport à l’Etat et ses contours deviennent de plus en plus difficiles à définir. Il est bien évident que la danwei ne peut être mise en relation avec des formes économiques contemporaines d’Europe de l’Ouest.

11Les marchés du travail chinois se sont ensuite reconfigurés depuis les réformes de 1978 en rendant compte d’une grande transformation économique dans l’histoire de la Chine et du monde. En effet, jusqu’à la réforme économique en 1979, le marché du travail chinois pouvait avant tout être défini comme un marché étatique, apparemment unifié dont les règles, conventions et normes de régulation étaient produites, énoncées et mises en œuvre par le gouvernement chinois. Dans le cadre de la réforme à partir du milieu des années 80 les marchés du travail vont se différencier et se segmenter dans un contexte de capitalisme qui cohabite avec ce qui reste d’une économie planifiée ; ils vont aussi se construire différemment selon les régions. Dès le début des années 90, la question de la formation des marchés du travail devient alors un sujet qui a mobilisé de nombreux chercheurs. A partir de la fin des années 90, très sensibles à la question des réseaux, des sociologues chinois ont d’abord revisité la thèse de la Grande Transformation de Polanyi puis celle de Burawoy fondée sur la Seconde Grande Transformation et qui se rapporte aux transformations du Marché dans les sociétés communistes contemporaines ; Shen Yuan (2006) pose alors l’hypothèse que la Chine se trouve au point de rencontre entre ces deux Grandes Transformations.

  • 1 Le hukou signifie l’enregistrement de la résidence et de l’état civil.

12En Chine, les thèses américaines sur la segmentation et la dualisation des marchés du travail, ont été largement mobilisées pour rendre compte des transformations des marchés du travail chinois. Certains sociologues dont Li Qiang (2002), Li Peilin (2002), Li Chunling (2005) posent l’hypothèse d’un marché du travail chinois clivé en deux : un marché primaire qui mobilise des travailleurs qualifiés bénéficiant de hauts salaires, de bonnes conditions de travail et de la protection sociale et un marché secondaire où entrent et sortent des travailleurs-migrants peu qualifiés, mal payés et ne bénéficiant pas d’un environnement de travail favorable. Les théories de la segmentation sont réinterprétées et adaptées au contexte chinois à partir de trois idées : 1/ le hukou1, dispositif politique spécifiquement chinois, a participé activement à dualiser les marchés du travail ; 2/ les marchés du travail se segmentent toujours plus avec l’arrivée de migrants inégalement qualifiés ; 3/ les marchés du travail secondaires donnent largement accès à des emplois informels.

Économies rurales et droits de propriété

13Différents sociologues, dont Liu Shiding (1995, 1997), ont montré en quoi il est fondamental de distinguer les marchés locaux des marchés nationaux, les marchés ruraux des marchés urbains pour comprendre comment le processus de double transition économique s’opère en Chine. Après la décollectivisation au début des années 80 un phénomène a été un moment décisif dans le processus de transition qui a profondément transformé les zones rurales pour appréhender la construction sociale des marchés locaux : le développement des entreprises rurales non agricoles, dites entreprises des bourgs et des villages sous propriété collective. Ce phénomène a fait l’objet de nombreuses études. Puis confrontées à une concurrence toujours plus grande avec les entreprises urbaines ces entreprises vont se trouver contraintes de diversifier leurs modes de propriété. Liu Shiding montrera comment, à partir de la seconde moitié des années 90, ces entreprises de bourgs et de villages ont joué un rôle décisif dans la mise en place de l’économie de marché grâce à la structure particulière de leurs droits de propriété. Différents régimes de propriété collective seront remplacés par de la propriété étatique et certains évolueront vers de la propriété privée. Liu Shiding (2006) développera plus tard une théorie du système des droits de propriété à partir d’un concept proprement chinois, “la possession” qui, dans son acception étroite, désigne l’usage ou le contrôle exclusif sur un objet économique de la part d’un individu ou d’un groupe, et qui peut être défini à partir de trois dimensions : les formes de l’exclusivité de la possession, l’espace de choix du mode de possession, la limite temporelle de la possession. La notion de marché local ne se réduit pas aux entreprises rurales, elle peut prendre d’autres configurations. Par exemple, Liu Shiding (2002) démontrera la spécificité des marchés locaux chinois à partir de l’exemple d’une alliance entre un grand marché et une multitude d’ateliers domestiques en montrant comment des entreprises familiales rurales peuvent maintenir leur compétitivité à partir de réseaux sociaux très denses. Peng Yusheng (2000) parlera de « marché transitionnel local » pour désigner ces arrangements entre des formes économiques disjointes qui donnent lieu à des organisations hybrides dans la transition. Des recherches comme celle de Tong Genxing (2005) ont aussi montré que le système traditionnel familial dans certaines régions l’emportait sur la relation capital-travail du capitalisme. Dans la même perspective Li Guowu (2014), Qiu Zeqi (2014) ont traité du « regroupement industriel spontané” de petites et moyennes entreprises dans le processus d’industrialisation de zones rurales qui naissent de la conjonction de la diffusion de technologies industrielles, d’effets d’agglomération industrielle et des réseaux sociaux liés aux communautés rurales.

14Plus récemment Ping Fu (2016) analyse l’expansion d’un marché du citron vert dans la ville de Hui en articulant les concepts de « structural embeddedness » et ce qu’il appelle le « cultural embeddedness » en montrant que le processus de marchandisation n’est pas nécessairement associé à la dépersonnalisation des transactions marchandes ou du désencastrement social mais qu’il se structure aussi à partir de relations interpersonnelles (guanxis), l’éthique du travail et la construction de la confiance dans les relations professionnelles. Ping Fu montre très bien que les relations interpersonnelles et les institutions autoritaires jouent un rôle décisif dans la construction de marchés en Chine enchevêtrés et surencastrés dans les structures sociales.

Marché et État

15Dans la sociologie économique chinoise la notion de marché sera ensuite déclinée dans plusieurs champs : les marchés financiers, les marchés politiques, les marchés de l’art… Par exemple la notion de marché politique prend un statut important pour penser les relations entre les formes d’action du gouvernement central et celles des gouvernements locaux. Par exemple Sun Long (2009) montre que, dans le cas des élections de base dans les campagnes chinoises, le marché politique se singularise du fait du poids et du pouvoir du gouvernement central sur les gouvernements locaux, de son contrôle sur les élections dans les campagnes chinoises. Dans cette réflexion sur le rapport entre Etat central et gouvernements locaux plusieurs sociologues traitent aussi de différentes formes de corruption des gouvernements locaux (Wang Shuixiong, 2014).

16La question des marchés financiers sera associée au processus de transformation économique où ils apparaissent comme institution centrale. En effet les grandes transformations économiques en Chine invitent les sociologues à travailler sur les marchés financiers. Par exemple certaines recherches (Liu Shiding, 2014) montrent comment les entreprises chinoises sont soumises à un régime de double fiscalité mis en place par le gouvernement central et les gouvernements locaux. Ce régime révèle des normes différentes dans un processus de double imposition producteur de tensions entre les différents niveaux de gouvernance politique local et central où sont mis en place des systèmes de sanctions et de répression.

17Dans certaines recherches pionnières sur les médias, comme celle de Zhou Yihu (2014) on voit aussi comment est analysée la disjonction entre Marché et Etat à partir de la croissance de l’autonomie financière des médias chinois ne favorisant pas leur indépendance politique et renforçant le pouvoir de l’Etat. Est alors posée l’hypothèse de la production de formes douces d’hégémonie de l’Etat, de plus en discrètes, régularisées et institutionnalisées.

18Enfin des recherches ont été produites sur les marchés de l’art ces dernières années. Par exemple Yan Jun (2014) a analysée la relation de la valeur du travail artistique, le prix d’œuvres dans un « village d’art ». La valeur du travail artistique a été définie comme résultant d’une part, de l’interaction entre des styles, des réputations et le capital social des artistes, des normes et conventions des mondes de l’art locaux et, d’autre part, d’une variété d’acteurs des mondes de l’art et de leurs pratiques sociales et économiques dans le « village d’art » étudié.

Marchandisation du travail et précarisation des emplois

19En Chine les effets de la « transition économique », l’évolution très rapide des régimes du travail chinois, l’importance toujours plus grande de la concurrence économique, l’intensification des mobilités géographiques, les circulations entre les marchés du travail ruraux et les marchés du travail urbains transforment les relations professionnelles et d’emploi ; elles produisent des individus confrontés à des injonctions très fortes à l’excellence, notamment les jeunes migrants diplômés. Dans l’expérience chinoise, où les processus d’industrialisation et d’urbanisation se sont fortement accélérés au cours de ces dernières années. Li Peilin (2008, 2012) a d’ailleurs utilisé le concept de modernisation orientale pour montrer comment, au cours des dix dernières années, l’élasticité des structures sociétales produisait en même temps des mobilités sociales ascendantes, des inégalités et des incertitudes qui affectent le destin social des groupes sociaux vulnérables, spécialement les migrants et les jeunes dans une économie qualifiée d’« économie socialiste de marché ».

20En Chine, l’essor de la croissance économique s’est traduit par une augmentation de l’emploi de 4 % par an depuis 1979 et une hausse sensible des emplois salariés non agricoles. Par ailleurs les travailleurs migrants d’origine rurale ont pris un rôle décisif dans la structuration des marchés du travail urbains. Ces mouvements migratoires ont créé des connexions entre les marchés du travail et les régimes de propriété entre les régions, les provinces et les villes chinoises. Puis le travail s’est marchandisé. Dans cette économie entre socialisme et capitalisme “sui generis”, entre État et Marché, les entreprises privées jouent un rôle central dans la croissance chinoise, les entreprises étatiques et publiques fournissent aujourd’hui un quart de l’emploi urbain. Cette économie produit des situations d’incertitude et d’insécurité salariale avec l’importance grandissante d’emplois sans contrat, temporaire, intérimaire, saisonnier, au forfait, journalier … qui représentent la moitié des emplois urbains. Il faut signaler un changement majeur dans le secteur public traditionnellement pourvoyeur d’emplois stables et aujourd’hui ayant recours à des emplois informels.

21Le concept de régime hégémonique du travail de Burawoy dans la mise en place d’un ordre productif fondé sur le consentement et la contrainte des ouvriers a été repris par Shen Yuan (2006, 2014) pour analyser les rapports d’exploitation sur les marchés de l’emploi chinois, notamment entre les employeurs et les nongmingong. Les notions d’hégémonie et de despotisme permettent d’analyser les relations professionnelles sur les marchés de l’emploi chinois et de rendre compte d’un contexte de flexibilité toujours accrue qui produit des situations de disqualification sociale à partir de formes de contrôle et de violences très fortes sur les marchés du travail (Roulleau-Berger, Yan Jun, 2017). Qi Xi (2011) s’est aussi intéressé à un système de gestion des travailleurs avec retard de versement de salaires qui s’inscrirait dans la perpétuation du système des communes populaires. Une des études les plus importantes en matière de sociologie du travail a été menée par le département des sciences sociales de Tsinghua sur le développement du travail temporaire des nouvelles générations de migrants post-80 et post-90 contraints à de fortes mobilités d’emploi sans mobilité professionnelle (Shen Yuan, 2013).

22Cette nouvelle situation économique crée des formes variées de pauvreté difficiles à définir. La pauvreté reste importante et se concentre dans des zones qui semblent être exclues de la vague de prospérité occasionnée par les réformes économiques : zones rurales reculées et régions peuplées par les minorités. Mais depuis les années 2000 apparaissent des formes de pauvreté urbaine largement liées à la présence de migrants dans les grandes villes chinoises. Les sociologues chinois ouvrent aujourd’hui des chantiers de recherches sur la construction des inégalités et des injustices dans ce qu’ils appellent « la vie économique moderne », sur les façons de penser le rapport entre croissance économique et inégalités. Certains avaient distingué des processus « d’exclusion collective » (Li Qiang, 2002) des processus d’exclusion individuelle pour expliquer comment se constitue une nouvelle underclass dans cette nouvelle société chinoise. La question de l’accès à l’emploi est devenue un enjeu scientifique très important pour les sociologues chinois.

Continuités discontinues entre sociologie économique chinoise et française

23Entre sociologie économique française et chinoise apparaissent des lignes de continuité discontinue autour de concepts communs qui prennent des sens proches dans les deux contextes et créent des espaces intellectuels ouverts où circule la connaissance sociologique. Nous traiterons ici de deux problématiques qui mettent à jour des continuités discontinues : migration, travail et disqualification, d’une part ; risques écologiques et environnement, d’autre part.

Migration, travail et disqualification

24La question migratoire a pris une importance de plus en plus grande dans la sociologie économique internationale pour comprendre les transformations des marchés locaux et globaux liées aux mobilités internes et transnationales. Les recherches sur les migrations internationales et les migrations internes en Chine, dans leur diversité et leur complexification, permettent de comprendre comment se pluralisent les économies, comment les migrants, notamment les moins qualifiés, à la fois sont objets de dominations et de disqualifications, mais développent aussi des compétences sociales, économiques, morales, le plus souvent invisibilisées (Li Peilin, Roulleau-Berger, 2013).

25Dans les pays de l’Union européenne, on peut parler d’un double processus de précarisation et de discrimination ethnique qui assigne des places aux migrants (Roulleau-Berger, 2010). Ce double processus favorise la diversification de statuts d’emploi qui ne cessent de se hiérarchiser en marquant les clivages entre travailleurs autochtones et travailleurs étrangers ou d’origine étrangère, clivages qui participent à la survisibilisation d’une appartenance ethnique et l’invisibilisation d’une qualification professionnelle. Les hiérarchies établies entre les nouvelles formes de contrats de travail font naître des processus de surexposition, de désignation, de stigmatisation sociale des migrants. Les modes d’accès à l’emploi sont sexués, ethnicisés. Plus on va vers des niveaux scolaires bas, plus les migrants se trouvent sur des contrats peu légitimés quand ils y ont accès. L’origine culturelle, en venant se combiner à l’origine sociale, au sexe et à la position générationnelle, participe activement à définir des formes d’accessibilités différenciées et hiérarchisées à des niches ethniques hiérarchisées entre elles, accessibilités qui se construisent à partir de différentes formes de discriminations et de relégations ethniques. En Europe les marchés du travail ont été pensés comme contenant une multiplication hiérarchisée de « niches ethniques » occupées par des travailleurs migrants faiblement qualifiés dans les secteurs de l’agriculture, l’industrie lourde et l’industrie textile, et les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie (Ambrosini, 2007, 2014 ; Tripier, Réa, 2008). Les travailleurs migrants plus qualifiés dans différentes recherches sont apparus comme surreprésentés dans les secteurs de la santé et du travail social, les services à la personne- notamment pour les femmes-, les secteurs de l’éducation et de l’administration.

26En Chine, durant ces trente dernières années la migration interne des jeunes constitue un phénomène majeur pour comprendre les transformations de l’économie chinoise dans tous ses états. Les jeunes migrants diplômés accèdent à des emplois qualifiés dans les mégalopoles chinoises en qualité de techniciens, cadres dans des entreprises chinoises privées ou publiques et dans des entreprises internationales mais la plupart d’entre eux gardent le statut de migrant (Roulleau-Berger, Yan Jun, 2017). Par exemple à Shanghai la population migrante avait augmenté entre 2000 et 2010 de 193,6 %. Les jeunes de 20 à 34 ans représentent 47 % de la population totale des migrants. En 2010, parmi les migrants résidant à Shanghai 52 % avaient l’équivalent du bac. Les jeunes migrants aujourd’hui sont largement plus diplômés que la génération précédente. Ils viennent de trente provinces différentes mais 29 % viennent de l’Anhui, 16,8 % du Jiangsu et 8,7 % du Henan. Les jeunes travailleurs migrants peu qualifiés sont majoritairement embauchés dans les niches économiques des industries secondaires et tertiaires, dans les secteurs manufacturier et de la construction, des transports, le commerce, la restauration, l’aide à domicile… 64 % des travailleurs migrants résident à Shanghai dans les districts de Pudong New Area, Minghang, Songjiang, Jiading et Baoshan.

  • 2 Ouvriers licenciés des entreprises d’État.

27Il apparaît alors aujourd’hui une nouvelle catégorie de jeunes à laquelle s’intéressent tout particulièrement les sociologues chinois : les jeunes migrants en situation précaire de 16 à 29 ans, dont le nombre dépasse celui des xiagang2. Pour ces jeunes, dans leur majorité non dotés d’un hukou urbain, ils se trouvent confrontés aux discriminations dans l’emploi par les pouvoirs locaux ; par exemple un jeune diplômé, doté d’un hukou rural, ne peut accéder à un emploi urbain facilement. Aujourd’hui les conditions de travail des jeunes migrants qualifiés, ne cessent de se dégrader (Li Chunling et Wang Boqing, 2010).

28Le processus de précarisation qui touche les jeunes migrants résulterait d’un désajustement entre système de formation et système d’emploi, les effets du hukou et les discriminations sur les modes d’accès à l’emploi (Liu Shiding, 2012), des transformations des politiques sociales, et des effets de monopole sur certains segments de marchés du travail. Les moins bien dotés scolairement risquent de ne pas accéder à une « place » dans la société chinoise, les mieux dotés scolairement n’ont souvent accès qu’à des espaces d’emploi dont le contenu reste très pauvre en socialisation professionnelle. Les sociologues chinois insistent sur le traitement inférieur que subissent les migrants par rapport aux autochtones, les mauvaises conditions de travail. Les migrantes employées comme ouvrières dans les usines (dagongmei), nombreuses, sont flexibles ; elles sont l’objet d’une grande marchandisation par les employeurs qui les voient soumises et corvéables à merci (Tong Xin, 2012).

29Dans les niches ethniques et économiques, sociologues chinois et européens convergent pour définir les migrants faiblement qualifiés comme objets d’une double disqualification sociale : une disqualification horizontale dans le sens où l’accès à certains métiers leur est fermé, une disqualification verticale liée à une assignation aux emplois peu qualifiants situés au bas de la hiérarchie sociale, voire l’injonction à une mobilité sociale descendante (Roulleau-Berger, 2013). Mais souvent contraints à des mobilités géographiques multiples ils développent une diversité de parcours professionnels de plus en plus différenciés et complexes en fonction de leurs ressources sociales, économiques et symboliques, de leurs réseaux sociaux et familiaux. En revanche si, en Chine, les situations de discrimination sont analysées comme résultant d’un conflit, d’un choc entre régimes socialiste et régime capitaliste, où, dans le prolongement du communisme et dans un processus de transition s’agencent sur un mode spécifique capital, pouvoir et contrôle liés à un régime capitaliste, la question perçue comme celle de la discrimination ethnique en Europe est pensée en Chine en lien avec l’accès à la citoyenneté et à l’espace public.

Risques écologiques et environnement

30Dans un contexte global de risques écologiques, en Europe et en Chine, la santé, l’alimentation, les inondations, la sécheresse, les catastrophes environnementales et écologiques telles que le changement climatique et la pollution (fumées, effluents, déchets organiques et chimiques, etc.) sont de plus en plus importants. De nouveaux risques environnementaux engendrent des situations d’incertitude, de nouvelles inégalités, de nouvelles solidarités et de nouveaux espaces publics en Europe et en Asie (Li Peillin, Roulleau-Berger, 2016). Pour les sociologues chinois, l’inégalité sociale et l’inégalité naturelle se fondent dans des « compressed » modernités (Chang, 2010) liées à des processus spatiaux et historiques.

31Dans la sociologie économique de l’environnement tant européenne que chinoise, les notions de connaissance, de perception du risque, d’acceptation et d’attitude du public demeurent centrales. He Guangxi, Zhao Yandong, Zhang Wen et Xue Pin (2014) démontrent, par exemple, que le degré d’acceptation des OGM est influencé par le savoir (gouvernement, experts scientifiques et médias) ; ils considèrent que l’application d’une nouvelle technologie conduit à un risque industriel susceptible de produire des risques subjectifs. Ces auteurs expliquent que, face à une technologie nouvelle telle que la technologie transgénique, les individus ne peuvent faire un « choix rationnel borné » en raison de leurs connaissances limitées.

32Les sociologues chinois considèrent la confiance comme un processus social et politique qui influence les ordres normatifs et les identités individuelles dans les sociétés de risque ou du désastre (He Guangxi, Shi Changhui, Zhang Wenxia, Ma Ying, Zhao Yandong, 2012). Plus récemment, le concept de justice environnementale, émergeant aux Etats-Unis dans les années 80, quand les communautés afro-américaine, latino-américaine et indigène protestaient contre le racisme environnemental (Bullard, 1993) est devenu de plus en plus central (Nygren, 2014) dans la sociologie européenne de l’environnement.

33En ce qui concerne l’Asie de l’Est actuelle, Ulrich Beck (2013) avait parlé d’une communauté du risque cosmopolite (ou « Cosmo-Climat »). Il avait distingué « l’empathie cosmopolite » et la subpolitique du « cosmopolitisme d’en bas ». En Europe, une nouvelle économie morale fondée sur la raison humanitaire s’est constituée au cours des dernières décennies du XXe siècle pour produire des gouvernements humanitaires (Fassin, 2010) pour des acteurs « faibles » comme les « pauvres », les personnes en situation de précarité, les migrants ... La raison humanitaire occupe-t-elle le même rang dans la façon de penser l’ordre moral des sociétés européennes et chinoises ? Si, depuis 1990, de nombreuses études en Europe ont été réalisées sur les épreuves, l’exclusion, la pauvreté, les plaintes, etc., ce n’est pas le cas en Chine. Si en Europe on peut parler de l’entrée de la souffrance et de la compassion dans la politique liée à l’histoire chrétienne, on peut dire que le positionnement des sentiments moraux n’a émergé dans l’espace public que depuis quelques années en Chine avec l’émergence des enjeux de justice et de la lutte pour la reconnaissance.

34On voit bien ici que des continuités discontinues dans l’analyse sociologique autour des question migratoire et environnementale rendent compte de processus à la fois sociétaux et globaux dans l’évolution des sociétés chinoise et française mais traduisent aussi des « effets de circulation de connaissances » qui orientent les modes de construction des problématiques sociologiques.

Sociologie économique post-occidentale et niches de connaissance

35Entre sociologie économique française et chinoise apparaissent des lignes de discontinuité continue autour de concepts “situés” qui rendent compte de la présence de niches de connaissance sociologique, importantes à identifier pour appréhender les spécificités des sociologies chinoise et française. Nous traiterons ici de deux problématiques qui mettent à jour des discontinuités continues : action collective et mouvements sociaux, tout d’abord ; puis, capital social et guanxi.

Action collective et mouvements sociaux

36Ces dernières années, la sociologie de l’action collective s’est largement développée en Chine dans le champ académique (Ronggui Huang, Wen Zheng et Yong Gui, 2016). Parmi les études les plus marquantes figurent les protestations environnementales et les manifestations (Sun, Y., et Zhao N. 2007), les protestations des paysans (O’Brien et Li 2006, Ying Xing, 2007), les manifestations ouvrières (Cheng Xiuying 2012 ; Tong Xin, 2008), Les protestations des propriétaires (Chen Peng 2010, Zhang Lei, 2005) et les manifestations anti-démolition (Lü 2012). Ces travaux portent sur l’analyse des théories des mouvements sociaux pour étudier l’organisation, la mobilisation et la stratégie de diverses manifestations à partir de la théorie de la mobilisation des ressources, des opportunités politiques et des cadres de l‘action. Plusieurs chercheurs s’interrogent sur le « succès des protestations », notamment contre les démolitions pour acquérir des terres qui sont devenus un phénomène massif en contexte de transformation économique.

37Shen Yuan (2014), à l’instar de Burawoy, propose les concepts de « société active » et de « société civique » pour analyser la production de la société chinoise. Inspiré par Antonio Gramsci, il considère qu’entre l’État et le Marché, naissent diverses associations, mouvements et organisations de masse et distingue trois formes de « mouvements civiques » : le mouvement de protection des droits des agriculteurs, le mouvement de protection des droits des travailleurs, le mouvement de protection des droits de la classe moyenne urbaine. Shen Yuan montre que nous sommes entrés dans une époque de droit, que les citoyens chinois définissent leur relation avec l’État et le Marché à partir du développement des capacités d’action et de mobilisation dans l’espace public. La capacité réflexive des individus est considérée comme engagée dans des situations d’interaction et dans divers contextes de l’activité sociale quotidienne (Shi Yunqing, 2015). En Chine, les travaux de Scott (1990) ont été fortement encouragés pour travailler sur les formes quotidiennes de résistance paysanne, ces discours occultes ou pratiques occultes (transcriptions cachées) qui expriment des moyens de révolte contre des situations de mépris, d’humiliation et de discrédit.

38En Europe avec l’importance des chômages, de l’insécurité du travail et des discriminations, l’espace public dans les villes est devenu l’endroit principal pour exprimer les peurs et les incertitudes individuelles et collectives ainsi que le mépris social. Les conflits sociaux se produisent lorsque les citoyens ne peuvent plus faire face aux situations de précarité, mise à distance, ségrégation, violence institutionnelle. Dans les villes d’Europe occidentale, en France comme en Espagne, les conflits sociaux ont leur origine dans des espaces politiques, sociaux et économiques différents. Les émeutes sont analysées comme moments d’actualisation politique lorsque de nouvelles formes d’action collective se construisent en marge du champ politique traditionnel, où les sentiments d’injustice se mêlent à des demandes de respect. En France l’analyse des émeutes (Kokoreff, 2008) a été au centre de la sociologie politique pendant la dernière décennie. Pour expliquer ces émeutes, trois facteurs déterminants ont été mobilisés : les causes sociales, les injustices et le racisme (Lapeyronnie, 2008) et la violence institutionnelle (Oberti, Lagrange, 2006). La question de la violence urbaine est par conséquent apparue dans la sociologie française. En effet, dans les années 1980, les sociologues ont commencé à parler de la violence urbaine en banlieue ouvrière en France où les situations d’alarme et de violence se multiplient, rendant ainsi visibles les souffrances, les inégalités, les injustices et le malaise de ces quartiers. Progressivement une sociologie de la reconnaissance s’est installée au cœur de la sociologie politique (Payet, Battegay, 2008 ; Roulleau-Berger, 2008).

39Plus récemment les travaux de Chen Tao et Xie Jiabiao (2016), en partant de la question de la résistance environnementale des paysans montrent que la question des mobilisations collectives en Chine se construit aujourd’hui à partir de processus d’influence, de diffusion, diffraction entre des formes d’actions distinctes qui peuvent mobiliser des « acteurs faibles » qui s’opposent à des « acteurs forts » mais surtout de nouveaux types d’acteurs intermédiaires dont les statuts et positions varient dans les différentes configurations de regroupement.

Capital social et guanxi

40Luo Jarde et Yeh Yun-Chu (2012) ont démontré que les Chinois sont à la fois collectivistes et individualistes dans leurs cercles organisés autour de différentes formes de confiance liées aux modes différentiels d’association et de liens familiaux jia-ren, de familiarité shou-ren et de connaissance shen-ren. Si le guanxi n’est pas un concept unifié dans la sociologie chinoise, la flexibilité et la confiance jouent un rôle central dans les cercles du guanxi : un cercle est un réseau centré sur l’ego, il a une structure de ce que Fei (1992) appelle « mode différentiel d’association », la limite d’un cercle n’est pas fermée, et les étrangers peuvent être inclus dans le cercle. Le concept de confiance est lié au concept chinois de lun (ou aux codes moraux dans les relations familiales) ; la norme de lun exige un comportement collectiviste dans le cercle des liens familiaux, la confiance dans les liens familiaux qui est principalement le type de confiance personnalisée. Les liens familiers shou ren signifie aussi des liens forts, un mélange d’instrumentalité et d’expressivité. Enfin dans les liens de connaissance nous pourrions trouver la confiance et le bao. Quoi qu’il en soit guanxi signifie à la fois les échanges instrumentaux et l’implication émotionnelle (Chen Qi, Wu Qi, 2014). Par ailleurs pour Yang Yiyin (2009, 2012), le self n’est pas dissocié du nous dans ce qu’elle appelle un processus de guanxiisation. Yang Yiyin pose l’hypothèse de la fabrication d’un double nous par des guanxi qui dessinent les frontières du moi particulières, plus précisément de ce que Fei Xiao Tong appelait le chaxu geju (1983), et d’autre part, par des catégorisations, des identifications et des appartenances sociales. Yang Yiyin (2012) montre comment le nous se caractérise par la perméabilité et l’élasticité de ses frontières et l’autonomie individuelle qui place les autres à l’intérieur de frontières du moi délimitées.

41Certains sociologues (Bian Yanjie, 2010 ; Bian Yanjie, Zhang Wenhong, Cheng Cheng, 2012 ; Bian Yanjie, Wan Wenbi, 2012) ont étudié l’importance des réseaux sociaux pour accéder à l’emploi pendant la transition de l’économie planifiée à l’économie de marché. Bian Yanjie (2010) a converti les concepts de Granovetter de liens faibles et forts en guanxi faible et fort ; il a montré que la théorie des liens faibles de Granovetter est discutable dans les champs chinois où la force du guanxi à travers l’histoire familiale et clanique l’emporte sur les liens faibles. La théorie de Granovetter (1974, 1994) promue en France et en Chine depuis les années 1990 en relation directe avec la théorie chaxu geju de Fei Xiaotong, est discutée en Chine dans de nombreux ouvrages sur la sociologie économique. Granovetter avait posé l’hypothèse – présente dans divers projets de recherche français - de la complexité des réseaux sociaux et des marchés en montrant que la force des liens faibles, ou l’accès à de multiples réseaux, permet de comprendre le fonctionnement des marchés de l’emploi à travers les interactions. Les sociologues chinois semblent conserver l’idée de la force des liens et accorder un statut moindre à l’idée de liens faibles.

42Les discontinuités continues dans l’analyse théorique des actions collectives et des réseaux sociaux rendent compte de processus sociétaux singuliers dans l’évolution des sociétés chinoise et française et révèlent des modes de construction de connaissance située qui contiennent l’épaisseur de l’histoire de la sociologie en Chine et en France.

Conclusion

43Si, dans un premier temps, les influences de la sociologie américaine avaient largement joué sur la définition des frontières des sociologies économiques française et chinoise, ces sociologies sectorielles se sont progressivement autonomisées dans leurs contextes sociétaux spécifiques et des savoirs sociologiques situés se sont élaborés. La sociologie économique s’est constituée assez rapidement en Chine comme précipitée par les grandes transformations économiques, sociales et historiques ; elle apparaît comme un champ dominant où des questions théoriques et épistémologiques centrales sont posées aujourd’hui. Les processus de fabrication des savoirs en sociologie économique en Chine et en France varient selon les trajectoires scientifiques, une diversité de postures et de sciences de terrain, en définissant des espaces propres et des espaces partagés. Nous voyons apparaître des points de bifurcation, de rencontre et de rupture entre des sociologies plurielles d’Europe et de Chine qui contraignent à s’interroger sur leur normativité et leur cumulativité scientifique dans un espace globalisé, aux relations entre savoirs locaux et savoirs globaux, entre savoirs « occidentaux » et savoirs « non-occidentaux ». Plus globalement cette analyse s’inscrit dans l’invention de la sociologie post-occidentale qui remet en question la division en aires géographiques et culturelles qui a structuré les hégémonies occidentales et les orientalismes. Sans tomber dans une pensée relativiste cette approche participe à déconstruire les oppositions entre le soi et l’Autre, l’ici et l’ailleurs, et à construire une sociologie transnationale, faite de savoirs hétérogènes, contextualisés qui se font, se défont et se recréent dans des assemblages de connaissances dispersées (Roulleau-Berger, 2016).

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Notes

1 Le hukou signifie l’enregistrement de la résidence et de l’état civil.

2 Ouvriers licenciés des entreprises d’État.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurence Roulleau-Berger, « Théorie post-occidentale et sociologie économique en France et en Chine »Sciences de la société [En ligne], 104 | 2019, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/10568 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.10568

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Auteur

Laurence Roulleau-Berger

CNRS, Triangle, ENS Lyon.

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