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Notes de lecture
Langage et politique

Catherine Kerbrat-Orecchioni, avec la collab. de Domitille Caillat et Hugues Constantin de Chanay, Le débat Le Pen/ Macron du 3 mai 2017 : un débat « disruptif » ?

Paris, L’Harmattan, coll. Du sens, 2019
Valérie Bonnet
p. 175
Référence(s) :

Catherine Kerbrat-Orecchioni, avec la collab. de Domitille Caillat et Hugues Constantin de Chanay, Le débat Le Pen/ Macron du 3 mai 2017 : un débat « disruptif » ?, Paris, L’Harmattan, coll. Du sens, 2019, 313 pages.

Texte intégral

1Cet ouvrage peut être appréhendé comme la suite du précédent opus de l’autrice, Les débats de l’entre-deux-tours des élections présidentielles françaises. Constantes et évolutions d’un genre (2017). Catherine Kerbrat-Orechioni y décrivait les règles de ce genre discursif si spécifique : le déroulement, les aspects stylistiques et rhétoriques, les arguments persuasifs que sont l’éthos, le pathos, le logos, avant de conclure sur le genre et les enjeux de l’interprétation. Le débat Le Pen/ Macron, du 3 mai 2017 peut donc être lu comme une mise en application de son prédécesseur, le sous-titre Un débat disruptif ? questionnant le respect des règles du genre qui y étaient avait exposées en 2017, interrogeant la mise à contribution des trois registres de persuasion, mettant en corrélation ce méta-interprétant qu’est l’analyste avec la mise en œuvre et le projet du débat. Le lecteur peut toutefois parcourir ce travail minutieux indépendamment de l’ouvrage qui l’a précédé, les prolégomènes permettant de résumer les logiques, tenants et aboutissants du débat, et appréhender le sous-titre comme la problématique que suit cet ouvrage. Cherchant à répondre aux interrogations qui ont traversé l’espace public français à la suite de la soirée du 3 mai 2017, face à des performances délibératives inédites dans leur forme comme dans leur contenu, il est construit comme une enquête. En effet, la fin de l’ouvrage répond non seulement l’interrogation inaugurale – la qualification en débat disruptif –, mais aussi à celle de l’évaluation de la prestation, voire du comportement de Marine Le Pen auquel fut alors imputé son échec aux élections présidentielles.

2Pour cet ouvrage, C. Kerbrat-Orechioni s’est adjoints deux collaborateurs, Domitille Caillat, spécialiste du dialogisme et Hugues Constantin de Chanay, spécialiste, entre autres, de la communication non verbale, avec lequel elle plusieurs fois travaillé sur les débats de l’entre deux tours. Ainsi, la première partie exposée plus haut se voit complétée de manière pertinente par une réflexion qui n’avait pas été traitée dans le précédent opus, la dimension dialogique. Rappelant que depuis que ce genre médiatique existe, les protagonistes sont plus ou moins citants, D. Caillat, montre que c’est parce que ce débat s’est essentiellement construit autour des citations que Marine Le Pen faisait des propos de son adversaire que cette méthodologie s’impose. En effet, comme la contributrice le souligne, c’est la constante mobilisation des dires d’Emmanuel Macron par la candidate frontiste, et les réponses et justifications qu’ont supposées ces citations qui ont structuré les échanges. H. de Chanay produit ensuite une analyse fouillée des dimensions non verbales, rendant compte des effets de leur mise en image par une convocation des études médiatiques. Tous ces éléments convergent vers une réflexion sur l’éthos, puisqu’in fine, c’est de cette notion qu’il s’agit. Sur le plan théorique, l’apport de ce travail est l’analyse de la construction en regard de l’éthos, le débat étant un travail dual de jeux de construction de son propre éthos et de destruction de l’éthos de l’adversaire. Sur le plan empirique, cet ouvrage permet de percevoir, avec deux ans de recul, que déjà le président Macron pointait sous le candidat du mouvement En marche !

3C’est en effet à un double niveau que l’on peut lire cet ouvrage : comme un travail théorique ou comme une analyse distancée d’un moment politique qui suscita moults interrogations et commentaires. L’un des points forts de ce travail est la mise en regard de l’analyse avec la réception des acteurs et des analystes, puis en conclusion, avec la stratégie proposée par ses conseils, et que Marine Le Pen a mise en place. C’est effectivement avec un certain art de suspens et de la narration que C. Kerbrat-Orechioni ravive notre intérêt pour ce débat vieux de 2 ans, nous conduisant à nous interroger sur la validité des stratégies d’image.

4En conclusion, même si l’on regrette l’absence d’une partie plus approfondie sur la communication médiatique et les logiques de dispositif, la lecture de cet ouvrage sera d’un profit indéniable pour qui s’intéresse à la communication politique, mais aussi à l’analyse des éditorialistes. Travail engagé, ainsi que l’indiquent les nombreux points d’exclamation, peu canoniques du genre, indicateurs de l’investissement de l’autrice principale dans son sujet, ce volume, montre que les sciences humaines et sociales, bien loin de la vulgate qui peut en être faite dans les médias, ont développé une ingénierie de l’analyse des discours d’une efficacité et une pertinence toujours renouvelées.

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Pour citer cet article

Référence papier

Valérie Bonnet, « Catherine Kerbrat-Orecchioni, avec la collab. de Domitille Caillat et Hugues Constantin de Chanay, Le débat Le Pen/ Macron du 3 mai 2017 : un débat « disruptif » ? »Sciences de la société, 103 | 2019, 175.

Référence électronique

Valérie Bonnet, « Catherine Kerbrat-Orecchioni, avec la collab. de Domitille Caillat et Hugues Constantin de Chanay, Le débat Le Pen/ Macron du 3 mai 2017 : un débat « disruptif » ? »Sciences de la société [En ligne], 103 | 2019, mis en ligne le 01 mai 2020, consulté le 16 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/10501 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.10501

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Auteur

Valérie Bonnet

LERASS, Univ. Toulouse-3

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