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Accompagner le déploiement d’un service Internet innovant pour les films et les séries

Supporting the deployment of an innovative website dedicated to movies and TV series
Acompañar el desarollo de un servicio Internet innovador para las películas y las series
Michaël Bourgatte
p. 59-77

Résumés

Ces dernières années, les industries de la culture et du numérique ont dû faire face à l’épuisement du modèle de l’offre éditorialisée par un fournisseur de contenus sur Internet. Les usagers veulent accéder à des recommandations faites par d’autres utilisateurs ou des tiers médiateurs. Ils veulent interagir avec leurs amis ou des personnes référentes. Plus encore, ils veulent s’exprimer et contribuer à la vie des objets de la culture. Allociné, le premier site Internet français sur le cinéma, a choisi de prendre ce tournant du web collaboratif et de tirer parti de ses ressources nombreuses (informations sur les films, critiques professionnelles, critiques amateurs, statistiques) pour déployer un service innovant basé sur la recommandation sociale et le partage. Dans ce contexte, il a été décidé d’inventorier et d’analyser les services et les fonctionnalités existants, puis de repérer les attentes et les besoins des utilisateurs à travers une série d’enquêtes mêlant approches qualitative et quantitative. Ce travail a nécessité la mise en place d’un protocole d’étude où chaque étape de recherche dépend des résultats collectés lors d’une précédente phase. Il a également conduit à arbitrer les décisions, notamment en venant contrefaire certains fantasmes technicistes des partenaires du projet.

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Texte intégral

  • 1 Ce principe est né avec le web 2.0 ou web sémantique. Il repose sur un modèle de description des co (...)
  • 2 Par exemple, si plusieurs personnes ont acheté à la fois le DVD/BluRay du film Take Shelter de Jeff (...)

1Au tournant des années 2010, les acteurs des industries du numérique et de la culture ont pris conscience que le modèle socio-économique dominant, qui repose sur une stratégie d’offre et de consommation, s’épuise. Les individus n’attendent plus simplement que des contenus culturels soient mis à leur disposition. Ils ont aussi besoin qu’on leur fasse des propositions périphériques pour alimenter leur soif de découverte. Une première réponse a été formulée par des acteurs de l’Internet, comme Amazon ou Fnac.com, qui se sont mis à faire des propositions connexes. Ce modèle dit « de la recommandation » est double : d’une part, il s’agit de mettre en relation des produits au regard de caractéristiques communes (des livres d’un même auteur, des films dans lesquels joue un acteur, un thème commun à plusieurs œuvres) 1 ; d’autre part, il s’agit d’évaluer les combinaisons d’achats qui sont réalisées par les usagers pour faire des propositions à des individus qui s’intéresseraient à un seul produit de la combinaison 2.

  • 3 Cela nécessite, d’un point de vue technique, une réflexion d’envergure pour penser un algorithme pu (...)

2Dans la continuité de ce mouvement, on a vu émerger des discours évoquant notre entrée dans une nouvelle ère économique dite de la contribution (Stiegler, 2008). Ces discours ont pris forme à partir d’une analyse du fonctionnement des réseaux sociaux, où l’on peut observer des échanges nombreux et une co-construction des savoirs autour des objets de la culture. En 2011, Allociné, le premier site Internet français sur le cinéma, a choisi de prendre ce tournant du web collaboratif et de tirer parti de ses ressources nombreuses (informations sur les films, critiques professionnelles, critiques amateurs, statistiques) pour déployer un service innovant basé sur la recommandation sociale et le partage. Le principe est celui d’un suivi de l’activité de l’usager (quelle note a t-il attribuée à ce film ? A t-il écrit une critique de cette série ? Qui sont ses amis et quels sont leurs goûts ?), afin de lui faire des recommandations personnalisées de films et de séries, mais aussi des recommandations croisées avec certains de ses amis : pour organiser une sortie en salle, par exemple 3.

3Il y a un préalable pour mettre en œuvre un tel projet : il faut faire l’inventaire des services et des fonctionnalités que les usagers du web connaissent et auxquels ils sont habitués, d’abord pour trouver un modèle économique viable ; ensuite pour déployer une offre qui répond au plus prêt à leurs attentes et à leurs habitudes (Jouët, 2000). C’est seulement sur cette base que des innovations pourront être réalisées. Car il ne s’agirait pas de développer une technologie qui existe déjà, qui fonctionne bien, mais une technologie que l’on ne connaît pas. Il ne faudrait pas, non plus, promouvoir des fonctionnalités en disant qu’elles sont innovantes alors qu’elles existent déjà, car nous savons que les idées circulent sans nécessairement se rencontrer (Jeanneret, 2008). Enfin, il importe de ne pas proposer des services innovants en rupture brutale avec l’existant car les individus ont de plus en plus de difficultés à s’adapter aux changements et aux nouveautés qui se succèdent à un rythme effréné depuis l’apparition de l’internet et des technologies du numérique (recrudescence des services de réseaux sociaux, de bookmarking ; modification des logiques de navigation avec l’apparition des terminaux tactiles) (Rosa, 2010).

  • 4 Pour une épistémologie des Digital Humanities, nous renvoyons notre lecteur aux travaux de Milad Do (...)
  • 5 Cette recherche a été conduite dans le cadre d’un projet financé par le programme « Investissements (...)
  • 6 Cette question se pose d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une recherche publique, comme c’est le cas (...)

4Pour connaître les pratiques des usagers, satisfaire leurs attentes et s’assurer de l’efficacité du service, la société Allociné a fait appel à nos compétences et à notre expertise, dans le champ des Digital Humanities 4, pour déployer un protocole d’analyse qui accompagne les développements ergonomiques, graphiques et technologiques de ce projet 5. L’objectif étant de concevoir un dispositif de recommandation innovant, le chercheur en Digital Humanities doit-il (re)définir un cadre méthodologique particulier ? Par ailleurs, n’a-t-il pas une posture spécifique à adopter pour arbitrer les échanges pendant les développements, ce qui risque de le conduire à ajuster ses méthodologies tout au long du projet 6 ? Pour répondre à ces questions et rendre compte de nos explorations, nous présenterons les méthodes d’analyse mis en œuvre pour ce projet en trois points, tout en montrant que les étapes de travail sont davantage enchâssées. La première d’entre elles, préalable aux développements technologiques, comprend la réalisation d’un état de l’art scientifique et technologique, une analyse sémiotique d’une série d’interfaces existantes et la conduite d’enquêtes exploratoires auprès d’usagers. Nous avons notamment élaboré notre proposition en nous appuyant sur une méthode d’enquête spécifiquement imaginée pour accompagner le déploiement d’un service innovant. Nous avons ensuite réalisé une série d’alpha-tests à mi-parcours des développements. Ceux-ci reposent sur la conduite d’entretiens filmés, en situation de manipulation du service. L’objectif est d’observer les comportements des utilisateurs (et de pouvoir y revenir grâce à la captation vidéo), de recueillir leur avis et de formuler des propositions d’amélioration. Une série de bêta-tests a enfin été conduite en fin de projet. Il fallait, ici, faire un bilan global et synthétique du service, en explorant l’ensemble des fonctionnalités et leur fonctionnement sur deux types de terminaux : ordinateur et sur tablette.

La connaissance du milieu

Faire l’inventaire des savoirs et des technologies existantes

  • 7 Le consortium CinéGift était composé d’Allociné (leadership), ThinkMarket (conseil et management de (...)
  • 8 Le concept numérique de l’« ami » a été démocratisé par le réseau social Facebook qui vous propose (...)

5Le projet CinéGift est innovant car les partenaires réunis au sein de ce consortium ont très vite élaboré une approche complexe de la collaboration dans le numérique 7. Il y a, d’abord, la volonté de mettre en place un service de recommandation social de films et de séries, ce qui signifie, d’un point de vue technique : définir des communautés d’utilisateurs sur la base de leurs goûts (notes attribuées et rédaction de critiques), de leur âge et de leur sexe pour leur faire des recommandations personnalisées en fonction de leur communauté d’appartenance. On entre, ici, dans une logique conceptuelle proche de la théorie des réseaux de sociabilité de Mark Granovetter (1973), en lien avec les travaux d’Antonio Casilli (2010), selon laquelle le bon fonctionnement d’un système technologique dépend de l’attention que l’on va porter, à la fois, aux caractéristiques individuelles et sociales de l’usager. Il y a, ensuite, la volonté d’associer à la plate-forme un service de location de films en VoD que l’on peut non seulement utiliser pour soi, mais aussi pour faire un don ou un cadeau à un « ami » (son compagnon/sa compagne, un ami véritable, un ami virtuel, un membre de sa famille) 8. Ce qui est un prolongement, pour ne pas dire un aboutissement, de cette idée de partage qui préside à la mise en place du service CinéGift (dont le nom ne masque par les intentions puisque le mot anglais « gift » signifie « don » ou « cadeau »).

  • 9 À l’heure de la publication de cet article, le web collaboratif et l’usage des réseaux sociaux sont (...)

6D’un point de vue conceptuel, s’il y a innovation, il faut maintenant s’assurer qu’aucun des membres du consortium n’a fait l’impasse sur une référence bibliographique magistrale ou sur un service numérique dont il n’aurait pas entendu parler. Ainsi, la première étape consiste à réaliser un état de l’art, dans la mesure où l’ensemble des paramètres du projet est sous le risque d’une obsolescence rapide. Au démarrage du projet, à la fin de l’année 2011, le web collaboratif est en pleine émergence, sans que l’on sache très bien de quoi sera fait l’avenir ; l’industrie cinématographique se restructure et questionne la multiplication des terminaux et des écrans ; la (s)VoD (abonnement à l’acte ou par abonnement) est encore largement méconnue et peu utilisée, bien que le leader mondial Netflix commence à lorgner sur le marché français ; les tablettes tactiles n’ont pas encore massivement pénétré les foyers 9.

7Autour de quelques axes de recherche (sur les plates-formes sociales de cinéma, les plates-formes de diffusion et de consommation de contenus, ou encore, les plates-formes dotées d’un service de don), nous avons réalisé un état de l’art scientifique. La diversité des thèmes à explorer nous a d’abord conduit à trouver des références nombreuses. Mais quand nous avons approché ces thèmes de manière transversale (travaux sur des plates-formes sociales équipées de services de d’achat et de don), le nombre de ces références a chuté, nous permettant de réaliser un état de l’art ciblé. Ainsi, ce qui paraissait contraignant au départ (traiter des thématiques nombreuses qui menaçaient de nous éparpiller) a tourné à notre avantage dès lors que nous avons croisé les axes d’approche.

  • 10 Une solution technique peut se montrer intéressante, comme l’ouverture d’une bulle en overlay conte (...)
  • 11 Ce projet mettant en relation des chercheurs, des ingénieurs, des programmateurs et des designers, (...)

8Par ailleurs, nous avons réalisé un benchmark portant sur les plates-formes d’échange et de partage autour du cinéma, ainsi que de location/achat/don de films. Pour cela, nous avons d’abord repéré des plates-formes (à partir des moteurs de recherche ou suite à la lecture d’articles scientifiques). Nous les avons ensuite analysées, en prêtant attention à l’éditorialisation (l’ergonomie du site, sa mise en page, la distribution spatiale des éléments à l’écran et les modes d’accès à l’information) et à l’énonciation (le contrat de communication et le pacte de lecture) (Jeanneret et Souchier, 2005). Nous avons également fait l’inventaire des fonctionnalités techniques, ce qui nécessite, le plus souvent, d’entrer sur les services en se connectant, en donnant une note à un film ou en écrivant une critique. Ces trois niveaux d’analyse ont, à la fin, été mis en corrélation pour formuler des recommandations 10. En cours d’explorations, nous avons réalisé des captures d’écrans pour illustrer et argumenter notre propos, autant lors des réunions que pour les livrables que nous avons eu à produire 11.

Connaître les usages et les attentes

9Pour analyser les usages liés à l’innovation, nous avons choisi d’utiliser la méthode ebahie : « Ecoute des Besoins & Attentes & leur hierarchisation » (Leleu-Merviel, 2008), avec quelques aménagements. Ce protocole repose sur une exploration qualitative des usages, des attentes et des besoins. Ensuite, on définit et on classe les comportements observés en ayant recours à une méthodologie quantitative. La combinaison de ses deux phases de travail permet d’identifier de façon précise les habitudes et les pratiques, puis de hiérarchiser les attentes et les besoins, ce qui veut dire : définir des priorités et adapter le calendrier des développements techniques. Les résultats que cette méthode permet d’atteindre offrent, de surcroît, une réelle opportunité d’arbitrage des débats lors des réunions et autres brainstormings qui sont organisés en cours de projet. Il n’est pas rare en effet – pour ne pas dire fréquent – que des développements technologiques soient réalisés sur la base d’intuitions. Celles-ci peuvent être de qualité, lorsque l’équipe mène une veille régulière et qu’elle a une connaissance précise de l’actualité et des tendances (ce qui peut suffire à convaincre des financeurs sur la base d’un benchmark). Mais le plus généralement, l’absence d’interrogation autour des usages mène à des formulations peu explicites, mal argumentées et à des conduites de projets hasardeuses. La présence d’un spécialiste de l’analyse des usages auprès des équipes d’ingénieurs permet donc d’orchestrer les échanges, d’accompagner les développements et d’en définir à la fois l’intérêt et la pertinence.

  • 12 La conduite de panel-groupes est une première forme de distanciation avec la méthode EBAHIE qui pré (...)
  • 13 Cf. http://www.allocine.fr/communaute/club-300/ (dernière consultation le 24 juin 2013).
  • 14 Nous avons personnellement utilisé My Thoughts, qui est un service payant, pour ses qualités ergono (...)
  • 15 Sur notre guide d’entretien heuristique, nous avons utilisé des codes couleurs pour isoler les diff (...)

10Sur la première phase, nous avons exploré les pratiques, puis défini les attentes et les besoins des usagers, à partir de l’animation de six focus-groupes (soit une cinquantaine d’individus au total) 12. Ces groupes ont été formés au regard de l’âge des individus, de leur profil de goût cinématographique et de leur posture face au cinéma et aux séries : être précurseur, suiveur ou retardataire (ibid., 74-75). Ainsi, nous avons rencontré un groupe d’adolescents, nous avons formé un groupe de seniors et avons tiré parti du réseau d’Allociné pour entendre un groupe composé de contributeurs actifs et influents sur le site 13. Puis nous avons fait appel à une société spécialisée dans le recrutement de panels pour composer trois autres groupes : celui des néophytes, qui comprenait des personnes peu intéressées et faibles consommatrices de films et de séries ; celui des éclairés, comprenant des spécialistes et gros consommateurs de films et de séries ; celui des référents : vendeurs dans des magasins de DvD/BluRay qui connaissent les comportements des consommateurs. Pour la réalisation de ces panels-groupes, nous avons mis en place une méthode de conduite des entretiens non plus à partir d’un guide présentant linéairement les questions à poser, mais à partir d’une Mind Map (ou carte heuristique) 14. Cette méthode permet de garder sous les yeux l’ensemble des thèmes que l’on souhaite aborder pendant l’entretien et ainsi les explorer non plus linéairement, mais en fonction des orientations que prend l’échange. Cette méthode favorise une meilleure circulation dans le guide et une plus grande souplesse dans la conduite de la discussion. Elle permet également d´examiner différents aspects d’un même sujet en gardant une vision englobante (ibid. 75-79) 15.

Figure 1- Modèle de guide d’entretien heuristique

Figure 1- Modèle de guide d’entretien heuristique
  • 16 Nous avons personnellement utilisé Sphinx, qui est un service professionnel payant particulièrement (...)

11Pour la deuxième phase, nous avons réalisé une enquête quantitative sur Internet, afin de prolonger et d’investiguer les pistes mises au jour avec les focus-groupes 16. Cette enquête se compose de 85 questions dont 27 d’entre elles concernent le profil des personnes interrogées, leur pratique du cinéma et leur usage des nouvelles technologies. Les 58 autres questions sont expressément destinées à mesurer et qualifier des services qui pourraient être mis en place dans une plate-forme de cinéma innovante. Plus précisément, ce sont 29 fonctionnalités techniques qui sont interrogées deux fois. D’abord pour recueillir l’intérêt qu’elles suscitent ; ensuite pour mesurer le niveau d’insatisfaction de l’usager si le service n’est pas implémenté. Pour chacune des questions, la personne enquêtée pouvait répondre en utilisant une des cinq modalités proposées : « je trouve ça vraiment bien », « je trouve ça bien », « ça m’est égal », « ça ne me plaît pas, mais je ferai avec/sans », « ça me dérange vraiment ».

Figure 2- Une partie du questionnaire en ligne

Figure 2- Une partie du questionnaire en ligne

12Nous avons pris, là encore, quelques libertés avec la méthode ebahie (nous avons choisi de ne pas reformuler chacune des questions pour mesurer le niveau d’insatisfaction de l’usager, dans le cas où le service ne serait pas implémenté, et nous avons systématisé une question intermédiaire – « Et si le service n’est pas disponible ? – pour alléger le questionnaire et favoriser la mémorisation des alternances, notamment un usant d’un moyen graphique à l’aide de fléchettes). Mais nous nous sommes globalement attaché à respecter le protocole pour mesurer le niveau d’attente et de satisfaction des usagers autour de la présence/absence de chacune des fonctionnalités. Les attentes ont ensuite été ventilées dans trois catégories : i) Les attentes explicites, qui correspondent aux fonctions proportionnelles, portent sur des fonctionnalités innovantes qui sont palpables pour les usagers (plus le service est conforme aux attentes, plus les usagers vont être satisfaits) ; ii) Les attentes implicites, qui correspondent aux fonctions obligatoires et portent sur des fonctionnalités que l’on doit obligatoirement implémentées, sous peine de rendre les usagers mécontents s’ils ne les retrouvent pas (il s’agit de fonctionnalités connues et incontournables dont l’absence rendrait les usagers mécontents) ; iii) Les attentes latentes, qui correspondent aux fonctions attractives et portent sur des fonctionnalités innovantes dont les usagers n’ont jamais entendu parler. Ils n’avaient pas conscience de leur existence et n’auraient jamais pu s’exprimer à leur sujet si on ne leur en avait pas parlé. Ces fonctionnalités peuvent générer des besoins nouveaux qui vont fédérer massivement l’adoption et l’utilisation du service. Elles peuvent également se montrer accessoires. Leur évaluation est donc capitale pour positionner stratégiquement le service entre les attentes, les besoins et l’innovation.

Figure 3 - Diagramme de hiérarchisation des innovations

Figure 3 - Diagramme de hiérarchisation des innovations

Les alpha-tests : expérimenter un service en cours de développement technologique

La conduite des alpha-tests

13Après la conduite des recherches et des enquêtes préliminaires au projet, nous avons pu faire remonter une série de remarques et de recommandations utiles à la mise en exploitation des premiers développements technologiques. L’attention a notamment été portée sur les seules fonctionnalités de recommandations sociales, tandis que la problématique de la VoD a été repoussée à une phase ultérieure des développements. Se sont ajoutées à cela des réflexions sur le design de l’interface (choix graphiques et colorimétriques) ainsi que son u(tili)sabilité (simplicité et efficacité de manipulation du service). Les données collectées lors des premières analyses nous ont donc permis d’arbitrer une part importante des décisions. À l’issue de cette phase de travail, qui nous a amené à mi-parcours des développements, nous avons mis en place une série d’alpha-tests pour mesurer les avancées technologiques, qualifier leurs qualités et leurs défauts (repérer les dysfonctionnements et recueillir des suggestions d’amélioration), et surtout s’assurer que de mauvaises décisions ne sont pas prises. La conduite d’alpha-tests se fait sur une version de la plate-forme qui n’est pas aboutie, autant graphiquement que techniquement, et qui n’est encore en ligne, c’est-à-dire qu’elle n’est pas accessible au public. Ce travail nécessite une grande disponibilité d’écoute et un niveau de réactivité optimale, car les dysfonctionnements sont nombreux et récurrents. Il faut donc passer outre ces problèmes pour recueillir des propos pertinents et faire des observations, tout en cherchant à trouver, à la marge, des solutions aux problèmes rencontrés (relance de la page web, réinitialisation de la connexion).

14L’objectif principal de ces tests est de mesurer la pertinence des premières recommandations de films et de séries que le service est en mesure de faire (on parle de « recommandation en démarrage à froid »), puis d’évaluer la progression qualitative des recommandations dans le temps (on parle alors de « recommandation en régime établi »). Au démarrage, le service ne connaît rien des goûts de l’utilisateur. Il a donc été décidé de développer une application de notation de 15 films et/ou séries portant le nom de « speednoter », et servant à faire une première proposition à l’usager : c’est la recommandation en démarrage à froid. Le service prend ensuite le relai et des offres améliorées peuvent être faites. Plus l’activité de l’individu sur le site est importante (notation et production de critiques), plus la qualité de sa recommandation est censée s’affiner (puisque l’on connaît mieux ses goûts).

15Nous avons réalisé 14 alpha-tests. Six testeurs ont été recrutés par une société spécialisée au regard d’une série de caractéristiques socioculturelles. Trois d’entre eux ont réalisé un test unique en démarrage à froid. Pour cela, ils ont noté 15 films et/ou séries et se sont exprimés sur les propositions qui leur ont été faites. Trois autres ont réalisé un test en régime établi. Ces derniers avaient préalablement reçu une consigne leur indiquant de noter des films et des séries à leur domicile avant de nous retrouver pour le test et commenter leurs recommandations. Quatre derniers testeurs, recrutés en interne par la société Allociné, sont venus compléter le panel. Avec eux, nous avons réalisé deux tests, le premier en démarrage à froid et le second en régime établi, pour mesurer le taux de progression de la recommandation. Pour conduire ces explorations, nous avons réemployé la méthodologie d’enquête mise en place lors de la première phase et qui repose sur la conduite d’entretiens à partir d’un guide heuristique. Nous avons échangé avec le testeur en lui posant une série de questions et en lui soumettant des pistes de réflexion. L’entretien se divisait en trois temps : l’interroger sur ses pratiques et ses comportements cinématographiques, ainsi que son rapport aux nouvelles technologies et aux services de recommandation existants ; le faire manipuler et commenter les outils mis au point dans le cadre du projet ; faire émerger ses attentes en fonction de sa propre expérience et de son expérience du test.

  • 17 Il importe de préciser que les testeurs recrutés par une société spécialisée sont tous préalablemen (...)

16Sur ce type de terrain, l’enquêteur est activement sollicité et la somme d’informations qu’il doit recueillir émerge de façon ramassée. Il faut collecter de la parole et observer les manipulations techniques qui sont opérées (les déplacements sur la plate-forme, les usages qui sont faits des différentes fonctionnalités). Il faut aussi participer activement à l’interaction en réalisant de multiples relances, en acquiesçant ou en suggérant des réaliser des actions avec le service par des indications du doigt pour pointer des zones de l’écran. En parallèle, l’enquêteur doit consigner des informations dans un carnet, autant pour ne pas perdre le fil des thèmes abordés que pour assurer le testeur de la haute teneur scientifique des interactions, car la dimension ludique du cinéma et des séries, ainsi que le côté plaisant de la manipulation informatique peuvent très vite le conduire à ne plus répondre aux sollicitations de l’enquêteur. Nous avons observé, à plusieurs reprises, des testeurs qui continuaient à noter des films et des séries de manière compulsive et qui en oubliaient presque notre présence, jusqu’à la nécessité même d’expérimenter d’autres fonctionnalités dans le temps de test que nous avions préalablement fixé. Ce qui veut dire que nous nous exposions à la nécessité de devoir réaliser une expérimentation plus longue que ce qui était prévu initialement 17.

Implémenter un dispositif d’observation vidéo ethnographique

  • 18 Deux possibilités de récolte de données vidéo s’offrent au chercheur : soit avec une caméra fixe, c (...)
  • 19 Ces deux points sont deux nouveaux axes d’innovation méthodologique déployée dans ce projet. Ils so (...)

17Compte tenu de la richesse, mais aussi de la grande variété des observations qu’il fallait réaliser, nous nous sommes adjoint les services d’un dispositif d’observation vidéo ethnographique (Heath, Hindmarsh et Luff, 2010) pour examiner, a posteriori, des expressions faciales que l’on ne peut pas capter – ou difficilement – lorsque l’on guide l’entretien et que l’on prend des notes (comme une moue dubitative ou un sourire en coin devant certaines recommandations) ; observer, également, des mouvements corporels propres aux interactions hommes-machines et qui auraient pu nous échapper, du type : cliquer sur des zones d’action sans rapport avec la consigne de manipulation, changer de page de manière intempestive, montrer un élément à l’écran avec son index, etc. Pour conduire ces observations vidéo, nous avons placé une caméra de telle manière qu’elle filme la partie haute du corps du testeur ainsi que l’écran de l’ordinateur 18. Cette méthode est au carrefour de plusieurs tendances de recherche en sciences humaines et sociales, aussi bien que dans les sciences de l’ingénieur et de l’informatique, bien qu’elle ait été surtout expérimentée et explicitée dans le champ des Workplace Studies qui s’intéressent, avant tout, aux actions des hommes dans le quotidien de leur travail (Verdier, Dumoulin, Licoppe, 2012). Sur notre terrain, nous avons expérimenté cette méthodologie, non plus dans des situations de travail, mais en situation d’expérimentation d’un service ; non plus dans des situations de la quotidienneté, mais au contraire dans un moment très particulier qui ne sera jamais réédité 19. Par contre, notre terrain a cela de commun avec certains travaux des Workplace Studies qu’il porte sur une situation sociale dans laquelle des individus manipulent un outil technique auquel ils doivent s’habituer, puis se familiariser.

Figure 4 - Croquis du dispositif de conduite des alpha-tests

Figure 4 - Croquis du dispositif de conduite des alpha-tests

Figure 5 - Croquis du cadre

Figure 5 - Croquis du cadre

18Avec ce type de dispositif, il faut porter une grande attention à l’environnement et au cadre. Il importe de s’assurer qu’il y ait un minimum de parasitage sonore et visuel, ce qui peut très simplement être résolu, lors de tests technologiques, par l’installation du dispositif dans une salle isolée, silencieuse et lumineuse. Il faut ensuite soigner son cadrage vidéo, car on ne pourra plus jamais y revenir lorsque le test débutera. Ce qui veut dire qu’il faut accompagner l’installation du testeur à son arrivée et bien prendre garde à ce qu’il bouge au minimum sa chaise ou son fauteuil. L’enquêteur restera idéalement hors du cadre. Sinon, il pourra être rejeté en arrière-plan ou s’installer au premier plan, mais de dos, afin de fixer le sujet qui reste le testeur et le poste informatique sur lequel l’expérimentation va être menée.

19Filmer des individus nécessite également de leur présenter le projet de recherche, d’obtenir leur accord pour l’expérimentation et de leur faire signer des décharges, afin de pouvoir exploiter les images qui ont été captées. D’une part, cela permet d’assurer le testeur de la scientificité et du sérieux de son protocole. D’autre part, cela offre l’opportunité de pouvoir réutiliser les images à des fins médiatiques ou communicationnelles, comme pour illustrer une intervention en séminaire ou en colloque. Quand la recherche ne s’intéresse pas aux expressions faciales du testeur, il importe de flouter son visage pour que l’attention soit fixée sur les interactions hommes-machines. Dans le cadre de notre recherche, ce dispositif d’enregistrement vidéo s’est montré utile, car il permet de quadriller et de stabiliser un terrain complexe et multiforme où il faut consigner, en plus de la parole des testeurs, leur manipulation de l’outil informatique et celle du service de recommandation de films et de séries. Une fois l’expérience du test passée, la vidéo permet d’y revenir paisiblement par visualisations répétées des bandes, retours en arrière ou avance rapide. Elle permet de prendre son temps, de porter son attention sur des éléments de détails ou d’ordonner ses observations dans le but de les catégoriser ou de les hiérarchiser. Nous avons notamment pu remarquer que le service suggérait une quantité trop importante de blockbusters, ce qui se voyait dans le comportement addictif des amateurs de ce genre qui se sont très rapidement mis à noter massivement des films, dans une posture corporelle nonchalante et en oubliant de regarder l’enquêteur. À contrario, les amateurs de cinéma d’auteur peinaient à trouver des films qui les intéressaient, se penchaient en avant, comme si rapprocher leur tête de l’ordinateur avait permis d’en dénicher davantage, et sollicitaient continuellement l’enquêteur du regard.

20La vidéo favorise également les comptages. Elle permet de calculer le nombre de films qui ont été bien notés ou mal notés par le testeur et de produire – à défaut de statistiques – des données numériques (Peneff, 1995). Dans le cadre de ces alpha-tests, nous devions notamment produire une évaluation précise du fonctionnement du « speednoter », le moteur de recommandation en démarrage à froid, car de lui dépend grandement la réussite du service (il est le premier contact de l’usager avec la plate-forme). En fonction des notes qui ont été attribuées aux 15 films ou séries proposés par le « speednoter », nous avons pu remarquer que seulement 60 % des propositions du démarrage à froid satisfaisaient les testeurs. Ces résultats étant insatisfaisants, il allait désormais falloir améliorer les algorithmes du moteur de recommandation.

Les bêta-tests : accompagner le lancement d’un développement technologique

L’organisation des bêta-tests

21À l’issue des alpha-tests, nous avons remis un nouveau livrable contenant les préconisations pour la seconde phase de développements technologiques. Celles-ci portaient sur des améliorations et des modifications à la fois graphiques et techniques ; ajouté à cela l’implémentation du service de location de VoD et de don de films qui est au cœur du modèle économique de ce projet. Là encore, nous avons eu un rôle à jouer dans les discussions qui se sont mises en place entre les partenaires grâce aux données récoltées lors des alpha-tests. L’arbitrage s’est notamment joué sur des points de design, comme les difficultés que les testeurs ont eu à comprendre la symbolique des pictogrammes adoptés sur le site, ou techniques, comme la nécessité de mieux prendre en compte des quotas de films en provenance d’aires géographiques faibles productrices de cinéma.

  • 20 Comme le service proposait une ergonomie de tablette, avec une double barre de navigation supérieur (...)

22À l’issue de la seconde vague de développements, nous sommes intervenu une dernière fois pour accompagner le lancement de la plate-forme dans sa version bêta. Cela veut dire que le service est, cette fois-ci, en ligne et potentiellement accessible pour un grand nombre d’utilisateurs. Contrairement à sa version précédente qui nécessitait de mettre en œuvre des développements et des améliorations majeures, la plate-forme est désormais fonctionnelle et ne nécessite plus que des interventions mineures. Il est question de localiser des bugs résiduels ou d’apporter des correctifs sur des points de détails. Nous avons donc réalisé de nouveaux tests qui ne nécessitent pas une attention aussi soutenue que lors de la précédente étape de travail, car les enjeux sont évidemment moins importants (la plupart des problèmes a été réglée). Par contre, ces tests sont tout aussi chronophages, car il importe maintenant d’explorer l’ensemble des fonctionnalités ; de mesurer la qualité des recommandations à froid et des recommandations en régime établi avec l’ensemble des bêta-testeurs ; et de voir comment les recommandations progressent dans le temps. L’objectif de ces tests est de signaler aux développeurs quelques derniers dysfonctionnements et incohérences. Ils sont également mis en œuvre pour discuter la pertinence des choix qui ont été opérés, ainsi que l’usabilité des fonctionnalités 20.

Figure 6 - Présentation d’une page du service en version bêta

Figure 6 - Présentation d’une page du service en version bêta

23Pour cette dernière phase d’analyse d’usages, le protocole ethnographique a été allégé, ne comprenant plus qu’une captation sonore d’appoint et de sécurité, pour revenir sur d’éventuels propos qu’auraient tenus les testeurs et que nous n’aurions pas relevés lors de l’entretien. Car il fallait faire des bilans intermédiaires, dans l’urgence et quasi quotidiennement, pour répondre aux sollicitations de l’équipe technique et lui faire remonter des observations utiles à l’amélioration du service, d’autant plus que celui-ci devait être présenté publiquement à l’issue de cette période de bêta-tests. Nous avons donc mis en place un dispositif comprenant trois étapes et permettant d’explorer – dans des conditions expérimentales – le fonctionnement de la recommandation en démarrage à froid, la manière dont l’offre progresse dans le temps et le niveau de satisfaction des utilisateurs sur chacune des fonctionnalités implémentées.

  • 21 Nous renvoyons aux lectures de : Piaget (1974), Vermersch (1994), Gaver et al. (2004).
  • 22 Ceci à propos des travaux de Gregory Bateson. Cf. Winkin (1981).

24Ce protocole s’appuie sur différentes méthodologies et théories de recherche en communication, dont l’entretien d’explicitation qui consiste, d’une part, à faire parler les individus sur leurs actions et, d’autre part, à capter leurs actions (principe de dissociation entre la verbalisation de l’action et sa réalisation) 21. Il investit la logique de la théorie du Two Step Flow qui positionne le testeur d’abord dans un rôle d’utilisateur simple, ensuite dans un rôle de d’expert (Katz et Lazarsfeld, 1955). Il fouille, enfin, l’injonction paradoxale qui est au cœur du fonctionnement du service, à savoir : recevoir des recommandations appropriées pour éprouver la pertinence et la qualité du service, et, par ailleurs, être obligé de participer au fonctionnement du service en faisant des recommandations pour en avoir en retour 22.

La conduite des bêta-tests

25Pour ces bêta-test, huit individus ont été recrutés par une société spécialisée au regard de critères que nous avons préalablement posés : être équipé d’un ordinateur et d’une tablette ; respecter une équité sexuée entre les femmes et les hommes ; couvrir différentes tranches d’âge et différentes situations matrimoniales (être célibataire, marié, avec et sans enfants, etc.) ; une partie devait être cinéphile et l’autre non ; une partie devait être technophile et l’autre non. La nécessité de posséder un ordinateur et une tablette est liée au fait que les testeurs allaient manipuler le service sur l’un et l’autre de ces terminaux. La prise en compte, dans le recrutement, des critères du sexe et de l’âge est liée à l’importance qui leur a été donnée dans le fonctionnement du service, après la phase d’alpha-tests. Une hypothèse a été en effet formulée selon laquelle ces critères permettraient d’affiner grandement la qualité des recommandations. Le célibat ou la vie maritale, la présence ou non d’enfant(s) sont considérés comme des critères discriminants car ils influent sur le temps que l’on consacre à la consommation de films et de séries, ainsi qu’à la navigation en ligne. Enfin, la connaissance du cinéma et celle des nouvelles technologies sont des critères manifestement incontournables pour mesurer des variations dans les usages du service.

26Le premier jour de la période de tests, nous avons réalisé des entretiens individuels en face-à-face avec les testeurs pour leur expliquer le fonctionnement du service et recueillir leurs premières impressions sur son ergonomie, l’usabilité des fonctionnalités et la qualité de la recommandation en démarrage à froid. Cette rencontre repose sur un échange autour des objectifs du projet. Puis un compte utilisateur est ouvert directement à partir de son profil Facebook (qui optimise l’utilisation de la plate-forme, contrairement à une connexion simple qui ne permet pas de bénéficier des avantages sociaux offerts par la plate-forme : interconnexion des profils et des goûts, recommandation de groupe, etc.). À partir de là, le testeur entre sur l’interface de recommandation à froid. Très rapidement, nous observons que le fonctionnement de l’application a été affiné et que la proposition qui est faite à l’issue de la phase de notation atteint des taux de satisfaction équivalent à 80 ou 90 % (objectif qui avait été initialement fixé). La qualité des recommandations est, ici, manifestement liée à une préconisation formulée à l’issue des alpha-tests, laquelle suggérait de prendre en compte, en plus des notes et des goûts cinématographiques, deux déterminants sociaux : le sexe et l’âge des utilisateurs.

27Pendant une semaine, les testeurs doivent ensuite manipuler quotidiennement le service, à la fois sur tablette et sur ordinateur. Des consignes leur sont envoyées par courrier électronique toutes les 48 heures. Il leur est demandé de noter des films, écrire des critiques, inviter des amis à partager avec eux leur passion pour le cinéma sur la plate-forme ou encore, élire des coachs ou référents culturels, s’il leur en a été proposé pendant la semaine. Le premier message leur demande de noter 15 nouveaux films ou nouvelles séries, d’observer leur recommandation personnalisée et d’explorer le moteur de recherche. Dans le deuxième message, il leur est demandé de réfléchir à ce qu’il pense des recommandations qui leur sont proposées, d’élire des coachs et d’inviter des amis à venir sur la plate-forme en leur communiquant l’url. Le troisième et dernier mail leur demande de réfléchir aux raisons qui les ont poussés à choisir tel ou tel coach, de voir quels amis les ont rejoint et pourquoi, mais aussi d´explorer le service de location de films.

28Au bout de la semaine, nous retrouvons les huit testeurs qui viennent nous rendre compte de leur activité et de leur exploration du service. Ce rendez-vous est l’occasion de confirmer une observation réalisée lors des alpha-tests : à courte échéance, les recommandations tournent beaucoup autour du cinéma américain de studio. C’est seulement à force de temps, et après avoir attribué un nombre conséquent de notes (plus ou moins 500), que les recommandations s’affinent, laissant remonter des films issus d’aires géographiques faibles productrices de cinéma, des films indépendants ou des films anciens. Ce rendez-vous est également l’occasion de parler de certaines difficultés rencontrées lors du test à domicile. Il est question, par exemple, de l’absence d’infobulle sur tablette, alors que celles-ci sont présentes et très utiles sur ordinateur ; il est encore question des difficultés à accéder aux fiches-films (qui étaient consultables selon un principe de clic sur le titre du film, au moment des bêta-tests, et qui sont désormais accessibles à partir d’un clic sur l’affiche du film).

  • 23 En mode « wall », les utilisateurs ont accès à des films et des séries qui leur sont présentés sous (...)

29Cette expérience méthodologique plurielle, multiforme et de longue haleine rend compte des grandes possibilités d’exploration qu’offrent des projets de recherche et développement innovants. En effet, ce type de recherche appliquée nécessite, plus qu’en recherche fondamentale, d’atteindre des objectifs précis en réalisant des explorations, en établissant des liens de causalité entre les différentes phases d’expérimentations, en procédant à des manipulations et en émettant des hypothèses successives qui sont confirmées ou infirmées au fur et à mesure du temps (Koran et Ellis, 1994). Le seul exemple des tâtonnements observés autour de la mise en œuvre de la recommandation en démarrage à froid en témoigne. Suite aux mauvais résultats obtenus à l’issue des alpha-tests, la question s’est posée de savoir s’il ne fallait pas remplacer le service de notation linéaire (film par film ; série par série) par un principe de notation libre des films et des séries en mode « wall » 23. Car en notant ce que l’on veut sur le mur, on ne subit apparemment pas les propositions linéaires du « speednoter ». On évite également la multiplication des environnements visuels et graphiques pour plus de simplicité et d’assimilation. Cependant, les bêta-tests ont montré que le principe d’un démarrage à froid en mode « wall » n’est pas bien compris. Les testeurs ne savent pas quoi faire ; ils ne savent pas quoi noter. Comme ils ne sont pas guidés, ils se sentent perdus. Il a donc été décidé de conserver le module « speednoter » pour la mise en service de la plate-forme.

Figure 7 - Vue du module de notation en mode « speednoter »

Figure 7 - Vue du module de notation en mode « speednoter »

Figure 8 - Vue du module de notation en mode « wall »

Figure 8 - Vue du module de notation en mode « wall »

30Nous dirons également combien il importe au chercheur en Digital Humanities de faire valoir ses compétences dans un projet de R&D innovant. D’abord parce il a des savoirs méthodologiques et théoriques utiles au déploiement d’un service qui répondra, de près, aux attentes des utilisateurs. Ensuite, il pourra mettre en œuvre des expérimentations utiles aux avancées de la recherche dans son champ. Enfin, parce il pourra faire valoir ses acquis dans des environnements où ils sont généralement marginalisés. En témoigne cette phrase écrite par John J. Koran et Jim Ellis : « Alors que les travaux de recherche peuvent contribuer à des objectifs d’évaluation, tous les travaux d’évaluation n’obéissent pas aux critères rigoureux exigés pour des travaux de recherche » (1994, 47). Pour donner un exemple de ce que nous avançons, nous nous référerons à une interaction enregistrée lors d’un brainstorming tenue à l’issue des alpha-tests. Alors que nous présentions les résultats de nos explorations et mettions en avant l’idée que « les gens n’adhèrent pas à la proposition fonctionnelle qui leur est faite », nous nous sommes vu rétorqué « qu’aucune innovation n’avait jamais été réalisée sur la base des attentes des utilisateurs ». Voilà une faille qu’il importe de combler entre une réalité fonctionnelle liée à « l’exploration des usages » et un « fantasme » techniciste (Jutant, 2011) qui fait abstraction d’une réalité sociale et qui, pourtant, repose sur une forme d’observation sensible liée à une connaissance pratique, mais non scientifique, du sujet.

31Enfin, sur la problématique spécifique de la méthodologie à employer sur ce type de projet, nous dirons qu’une stabilité s’impose pour s’assurer de la pertinence des données récoltées, mais que des innovations sont également nécessaires pour répondre aux spécificités de la recherche. C’est donc dans un jeu d’ajustements méthodologiques que l’on peut trouver une réponse à cette question. Ou plutôt : dans un jeu de déplacements, comme nous avons pu le montrer à propos de la préparation du guide d’entretien, de la manipulation de la méthode ebahie ou de la réappropriation des pratiques de recueil de données vidéo-ethnographiques.

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Bibliographie

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Notes

1 Ce principe est né avec le web 2.0 ou web sémantique. Il repose sur un modèle de description des contenus en arrière-plan. Ainsi, toute photographie, toute image ou toute vidéo comprend des descripteurs – ou métadonnées – textuels ou numériques : des mots, des coordonnées GPS… Les couvertures des livres de San Antonio comprennent la métadonnée « San Antonio », ce qui permet de les rapprocher ; les affiches des films dans lesquels a joué Louis De Funès comprennent la métadonnée « Louis de Funès » ; l’affiche du film Il était une fois dans l’Ouest et celle du Bon, la brute et le truand comprennent la métadonnée « western ». Les métadonnées peuvent également fournir des informations sur la nature du document : « livre », « film », etc.

2 Par exemple, si plusieurs personnes ont acheté à la fois le DVD/BluRay du film Take Shelter de Jeff Nichols et celui de Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin, une nouvelle personne qui cherche à acheter le DVD/BluRay du film Take Shelter se verra proposer, sous la forme d’une recommandation, l’achat de celui de Martha Marcy May Marlene. Il est intéressant de noter que ce modèle illustre bien le fonctionnement dit de « la longue traîne » (Anderson, 2006). En effet, l’achat d’un DVD/BluRay d’un cinéaste connu, comme celui d’E.T. L’extraterrestre de Steven Spielberg, conduit le plus souvent à n’obtenir que des recommandations autour d’autres films de ce réalisateur comme La liste de Schindler ou Les dents de la mer. Par contre, la recherche d’un film réalisé par un cinéaste plutôt inconnu, ou de niche, comme Jeff Nichols se verra nécessairement accompagnée de propositions connexes, portant sur des réalisations d’autres cinéastes plus confidentiels.

3 Cela nécessite, d’un point de vue technique, une réflexion d’envergure pour penser un algorithme puissant répondant à la fois quantitativement et qualitativement aux attentes présumées des utilisateurs.

4 Pour une épistémologie des Digital Humanities, nous renvoyons notre lecteur aux travaux de Milad Douhei.

5 Cette recherche a été conduite dans le cadre d’un projet financé par le programme « Investissements d’Avenir – Développement de l’Economie Numérique », pour une période de 24 mois, allant de novembre 2011 à octobre 2013. Son nom est « CinéGift » et son intitulé est : « Nouveau modèle socio-économique pour le cinéma construit sur le principe du don et de la confiance ». Une plate-forme d’expérimentation du service a été ouverte en 2013, puis fermée à la fin du projet pour intégrer certaines des fonctionnalités au site institutionnel d’Allociné : www.allocine.fr.

6 Cette question se pose d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une recherche publique, comme c’est le cas ici, puisqu’il y a des attendus en terme de dissémination scientifique.

7 Le consortium CinéGift était composé d’Allociné (leadership), ThinkMarket (conseil et management de projet), Télécom ParisTech (analyses d’usages), IRI (développements techniques et ingénierie des connaissances), Lip6 (développements techniques autour d’algorithmes de recommandation), HEC (modèle économique), No Design (design, graphisme) et CanalPlay (catalogue de films).

8 Le concept numérique de l’« ami » a été démocratisé par le réseau social Facebook qui vous propose d’ajouter à votre page profil n’importe qui ou n’importe quoi comme « ami ». Ce qui veut dire que ce concept englobe l’ensemble des connaissances que l’on a ou que l’on peut avoir (amitiés réelles ou simples amitiés virtuelles), des bars, des salles de cinéma, des association caritatives…

9 À l’heure de la publication de cet article, le web collaboratif et l’usage des réseaux sociaux sont pleinement ancrés dans les pratiques ; les projections numériques et la consommation de contenus en multi-devices sont intégrées ; tout le monde ou presque sait ce qu’est la (s)VoD et Allociné tente d’imposer son leadership dans le secteur ; autour de 20 % des foyers français sont équipés d’une tablette, chiffre quatre fois supérieur aux résultats enregistrés en 2011, au moment de l’enquête, avec un nombre de ventes qui a été multiplié par 10 en deux ans (source : Médiamétrie).

10 Une solution technique peut se montrer intéressante, comme l’ouverture d’une bulle en overlay contenant de l’information périphérique sur un film, lorsque l’on passe le curseur de la souris sur une fiche-film. Mais la bulle peut être mal positionnée à l’écran (elle masque l’affiche du film) ou elle peut ne pas contenir les éléments les plus pertinents (elle contient uniquement la fiche technique alors que le synopsis est sans doute l’information la plus directement utile pour l’exploration d’un film). Ce qui signifie, avec cet exemple, qu’une fonctionnalité peut être utile, mais mal positionnée ou mal structurée.

11 Ce projet mettant en relation des chercheurs, des ingénieurs, des programmateurs et des designers, l’image a souvent rempli une fonction argumentative et a permis d’alimenter le débat lors de nos réunions, bien plus que les rapports qui ne sont pas toujours lus ni même consultés par l’ensemble des partenaires (il y a plus d’une trentaine de livrables – pour sans doute plus d’un millier de pages – qui ont été produits dans le cadre de CinéGift).

12 La conduite de panel-groupes est une première forme de distanciation avec la méthode EBAHIE qui préconise la conduite d’entretiens individuels et suggère de ne pas les multiplier, « les travaux de Griffin et Hauser [1993] ayant montré qu’une douzaine d’entretiens fournit environ 70 % de la richesse d’information à recueillir » (Leleu-Merviel, 2008, 72). Nous avons considéré que les ricochets dans les échanges, lors de la tenue des panel-groupes, pourraient réactiver la mémoire de certains, mais aussi favoriser une prise de conscience collective sur les intérêts et les limites d’un service de recommandation et de location de films et de séries (en particulier dans un contexte de téléchargement illégal massif et souvent irraisonné. Car au moment de la tenue de ces panel-groupes, les enquêtes avançaient très souvent que de nombreux individus possédaient un si grand nombre de films et de séries dans leurs disques durs qu’il leur faudrait plusieurs années pour pouvoir les regarder, ce qui apparait totalement aberrant).

13 Cf. http://www.allocine.fr/communaute/club-300/ (dernière consultation le 24 juin 2013).

14 Nous avons personnellement utilisé My Thoughts, qui est un service payant, pour ses qualités ergonomiques et graphiques. Mais il est tout à fait possible d’utiliser Free Mind, outil de Mind Mapping sans doute le plus connu et le plus répandu aujourd’hui, parce que libre et gratuit.

15 Sur notre guide d’entretien heuristique, nous avons utilisé des codes couleurs pour isoler les différents aspects de notre sujet, et ainsi pouvoir différencier ce qui relève des pratiques, des attentes, des besoins ; ce qui appartient au passé, au présent, ou concerne le futur (à travers une plongée dans l’imaginaire des personnes interrogées : « quelle fonctionnalité serait vraiment utile pour vous ? », etc.). En situation d’échange, il faut prendre des notes, d’une part, pour forcer à l’attention et à la formalisation des idées ; d’autre part, pour donner une impression de sérieux et d’efficacité. Nous recommandons, sur ce point, de bien maîtriser tout un éventail d’attitudes corporelles (cf. Goffman, 1967). Mais il est impossible de se priver d’un enregistrement et d’une transcription, car la tenue de panel-groupes génère parfois des échanges multiples et simultanés qui obligent à se concentrer sur l’un d’entre eux seulement. L’enregistrement et la transcription permettent alors de revenir sur les interactions que l’on n’aurait pas pu suivre. Ce qui veut dire que la transcription nécessite aussi l’adoption d’un protocole spécifique : écriture sur plusieurs colonnes ou utilisation de codes couleurs.

16 Nous avons personnellement utilisé Sphinx, qui est un service professionnel payant particulièrement puissant. Mais il est possible, pour ceux qui n’en n’ont ni la possibilité ni les moyens, d’utiliser des services libres et gratuits comme Google Survey.

17 Il importe de préciser que les testeurs recrutés par une société spécialisée sont tous préalablement informés des actions qu’ils vont réaliser pendant le test, de la durée du test et du montant du dédommagement qu’ils vont recevoir, calculé en fonction du temps passé avec l’enquêteur.

18 Deux possibilités de récolte de données vidéo s’offrent au chercheur : soit avec une caméra fixe, comme ça a été le cas sur ce terrain, soit avec une caméra embarquée, comme nous avons pu l’expérimenter sur un autre terrain. Pour réaliser des captations en mobilité qui soient les plus discrètes et les moins intrusives possibles (filmer la manipulation d’une souris ou des gestes sur une tablette, etc.), il est judicieux d’utiliser un appareil de petite taille, comme un smartphone. Plusieurs caméras peuvent également être utilisées et les méthodes de captation peuvent être combinées.

19 Ces deux points sont deux nouveaux axes d’innovation méthodologique déployée dans ce projet. Ils sont en décalage avec les habitudes vidéo-ethnographiques des Workplace Studies.

20 Comme le service proposait une ergonomie de tablette, avec une double barre de navigation supérieure et inférieure (contrairement au fonctionnement traditionnel d’un logiciel d’ordinateur qui ne comprend qu’une barre supérieure de navigation), il était recommandé d’explorer l’ensemble des fonctionnalités à la fois sur ordinateur et sur tablette.

21 Nous renvoyons aux lectures de : Piaget (1974), Vermersch (1994), Gaver et al. (2004).

22 Ceci à propos des travaux de Gregory Bateson. Cf. Winkin (1981).

23 En mode « wall », les utilisateurs ont accès à des films et des séries qui leur sont présentés sous la forme d’une recommandation murale, consultable selon un principe de scroll ou de défilement des propositions à l’écran (cf. figure 6 : Présentation d’une page du service en version bêta). Ils notent librement ce qu’ils veulent. À l’issue de cette phase de notation, ils obtiennent une recommandation personnalisée.

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Table des illustrations

Titre Figure 1- Modèle de guide d’entretien heuristique
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-1.png
Fichier image/png, 71k
Titre Figure 2- Une partie du questionnaire en ligne
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-2.png
Fichier image/png, 146k
Titre Figure 3 - Diagramme de hiérarchisation des innovations
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-3.png
Fichier image/png, 19k
Titre Figure 4 - Croquis du dispositif de conduite des alpha-tests
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-4.png
Fichier image/png, 15k
Titre Figure 5 - Croquis du cadre
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-5.png
Fichier image/png, 16k
Titre Figure 6 - Présentation d’une page du service en version bêta
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-6.png
Fichier image/png, 275k
Titre Figure 7 - Vue du module de notation en mode « speednoter »
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-7.png
Fichier image/png, 202k
Titre Figure 8 - Vue du module de notation en mode « wall »
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/docannexe/image/1035/img-8.png
Fichier image/png, 292k
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Pour citer cet article

Référence papier

Michaël Bourgatte, « Accompagner le déploiement d’un service Internet innovant pour les films et les séries  »Sciences de la société, 92 | 2014, 59-77.

Référence électronique

Michaël Bourgatte, « Accompagner le déploiement d’un service Internet innovant pour les films et les séries  »Sciences de la société [En ligne], 92 | 2014, mis en ligne le 01 décembre 2014, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sds/1035 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sds.1035

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Auteur

Michaël Bourgatte

Maitre de conférences, Faculté d’éducation de l’ICP (Centre Edouard Branly pour les humanités numériques)
michael.bourgatte@gmail.com

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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