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Dossier

‘Je ne comprends pas encore trop le système’ : ressources de soutien en employabilité pour de jeunes adultes d’immigration récente à Montréal-Nord

Marie-Jeanne Blain, Lourdes Rodriguez del Barrio, Roxane Caron, André-Anne Parent, Lamiae Bouqentar et Marianne Lezeau

Résumés

Cet article présente les analyses d’une recherche en partenariat avec un organisme de soutien à l’intégration socioprofessionnelle – un Carrefour Jeunesse-emploi de Montréal. L’objectif est de mieux comprendre les expériences et besoins de jeunes adultes d’immigration récente concernant l’utilisation des services et es enjeux intersectoriels de l’employabilité. Notre approche est qualitative (entrevues et groupes de discussions auprès de 30 personnes – jeunes ou intervenant.es des organisations communautaires et institutionnels du territoire). Les analyses sont présentées sous trois angles : la complexité des accompagnements, les dimensions territoriales des actions intersectorielles; et les conditions pour mettre en place ces actions. 

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Texte intégral

Introduction

Je ne sais pas trop, je ne comprends pas encore le système, comment ça fonctionne, comment… je suis le mouvement ! (Jaëlle, 20 ans, arrivée au Québec il y a un an)

  • 1 17,3% pour les 15 à 24 ans nés à l’étranger, contre 12,4% pour la ‘population native’ du même âge e (...)

1Afin de soutenir les personnes immigrantes dans leur processus d’insertion socioprofessionnelle, un ensemble de services et de ressources sont déployés par des institutions publiques et des organisations communautaires, traversant tout autant les domaines de l’éducation, la francisation, l’aide à l’emploi, l’entrepreneuriat, l’orientation professionnelle, le développement de compétences, le soutien psychosocial et la défense des droits. Alors que l’emploi est l’une des facettes centrales du processus d’insertion, les jeunes immigrant.es récents éprouvent davantage de difficulté que les non-immigrant.es, tant au niveau de l’obtention d’un emploi que de sa qualité (précarité, temps partiel) (Montgomery, 2009). Les personnes immigrantes connaissent des taux de chômage et de déqualification supérieurs à ceux des personnes nées au Canada (Homsy et Scarfone, 2016) tandis que les jeunes d’immigration récente sont particulièrement affectés, avec le taux de chômage le plus élevé croisant l’âge et le statut migratoire (MIDI, 2016)1. Ajoutons à cela que le fait de partager certaines caractéristiques peut affecter davantage plusieurs d’entre eux, tels que les membres de minorités visibles (Schepper, 2018), les femmes (Chicha, 2012 ; Lacroix et al., 2017), les personnes allophones, les personnes réfugiées ou sous-scolarisées (Bélanger et al., 2010 ; Blain et al., 2018b, 2018a ; TCRI, 2015a, 2015b). Ces enjeux amplement documentés sont associés à des dynamiques systémiques dont l’enchevêtrement limite le monde des possibles (Bilge et Roy, 2010 ; Chicha, 2012).

2Même si un ensemble de services existent afin de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des nouveaux arrivants (Bamba et Morin, 2014 ; Blain et al., 2018b ; Chicha et Charest, 2008 ; Racine et Tapia, 2020), ils peinent à mitiger les effets des discriminations intersectionnelles décrites supra. Par exemple, le fait d’être jeune ET immigrant peut amener une rupture de services : les programmes en employabilité pour les personnes immigrantes n’étant pas toujours adaptés aux réalités des jeunes, et ceux pour les jeunes ne tenant pas nécessairement compte des dynamiques interculturelles ou des trajectoires migratoires (Lendaro et Goyette, 2013).

3Ainsi, les jeunes adultes récemment immigré.es, contrairement à leurs homologues né.es au Canada ont parfois des besoins spécifiques, pris en considération de façon variable selon le professionnel à qui ils s’adresseront (approche interculturelle, prise en compte de la trajectoire pré-migratoire, reconnaissance des acquis, etc.). Ajoutons que se pencher sur leur devenir professionnel concerne tout autant leur accès à l’emploi, qu’à celui de l’ensemble des services pour soutenir les trajectoires d’insertion, telles que la francisation, les études, l’entrepreneuriat, le soutien à la recherche d’emploi. Leurs trajectoires d’insertion socioprofessionnelle croisent une diversité de ressources, qui peuvent fonctionner en cohérence ou non, en continuité ou non (Lendaro et Goyette 2013 ; Racine et Tapia 2020 ; Chicha et Charest, 2008). Dans ce contexte, comment penser la prestation de services auprès de jeunes adultes d’immigration récente ? Est-ce que les programmes existants répondent à leurs besoins ? Qu’en disent les principaux concernés ?

4Cet article est basé sur les résultats empiriques d’une recherche en cours, en partenariat avec le Carrefour jeunesse-emploi Bourassa-Sauvé de Montréal-Nord (CJE). Ce projet de recherche appliquée a pour objectifs de documenter l’utilisation des services et les enjeux intersectoriels de l’employabilité, et ultimement, de contribuer à la création d’outils de formation et de sensibilisation. Le projet est construit autour de ces questions : y a-t-il des défis spécifiques vécus par les jeunes adultes d’immigration récente à Montréal-Nord et comment leurs besoins sont-ils pris en compte par les organisations ? Quelles sont leurs expériences d’utilisation des ressources de soutien et quelles pistes d’action seraient à prioriser sur le territoire dans une perspective intersectorielle ? Pour y répondre, une double perspective est explorée : celle de jeunes adultes d’immigration récente d’une part, et d’autre part, celle des conseiller.ères et intervenant.es les desservant. Au moment d’écrire ces lignes, six jeunes adultes d’immigration récente ont été rencontrés ainsi que vingt-trois intervenant.es, conseiller.ères et porteurs de programmes, tant du CJE que d’organisations partenaires du territoire des secteurs communautaires et institutionnels (organismes d’accueil des personnes immigrantes, éducation, soutien à l’emploi ou à l’entrepreneuriat, etc.). Les analyses présenteront trois angles : les défis et la complexité des accompagnements, les dimensions territoriales et organisationnelles des actions intersectorielles et termineront par les conditions pour mettre en place ces actions.

Perspectives intersectorielles sur l’employabilité de personnes immigrantes

  • 2 Qui inclut de façon transversale le domaine de l’emploi, sans se pencher spécifiquement sur les per (...)

5Le Carrefour jeunesse-emploi de Montréal-Nord est situé dans un quartier parmi les plus défavorisés du Québec où réside une forte proportion de jeunes immigrants et de personnes racialisées, plus de la moitié de la population est née à l’étranger (Statistique Canada, 2017). Le territoire est caractérisé par des taux de défavorisation matérielle supérieurs à la moyenne montréalaise (chômage, faible revenu) (CIUSSS NIM, 2016). En réponse à ces enjeux, un ensemble d’organisations publiques, parapubliques et communautaires visent à soutenir la population locale (Boussiki et al., 2020) et un plan d’action collectif « Jeunesse » pour le quartier est créé2 (Arrondissement de Montréal-Nord, 2017, 2021).

6L’action intersectorielle vise « la mobilisation des forces et responsabilités respectives de plusieurs acteurs de différents secteurs dans le but de créer un contexte où le bien-être de la population est l’objectif principal (Bilodeau et al., 2003) » (in Jahan, 2016, p. 14), afin notamment de faire face aux problèmes complexes proposant des solutions concertées (Bilodeau et al., 2019). La recherche a largement documenté et relevé ses bénéfices concernant les populations immigrantes et réfugiées dans le secteur de leur accueil et établissement (Désilets et Goudet, 2019 ; Frozzini, 2019 ; Goudet et al., 2021 ; TCRI, 2015a ; Vatz-Laaroussi et al., 2013), dans celui de la santé et des services sociaux (Jahan, 2016 ; Maillet et al., 2015) et de l’éducation (Conseil supérieur de l'Éducation, 2021). Toutefois, l’action du secteur de l’aide à l’emploi dans une perspective intersectorielle pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants a été peu étudiée. Soulignons les travaux de Chicha et Charest (2008, p. 39) qui font état d’une « fragmentation de la conception et de la gestion des politiques et programmes » entre une multiplicité d’acteurs impliqués dans le secteur et « ayant des priorités distinctes ou parfois antagonistes ». Les auteurs appelaient à une meilleure cohérence des actions publiques.

7En ce qui concerne les nouveaux arrivants, l’action intersectorielle est aussi multi-niveaux. Sur le plan provincial, la mise en œuvre de politiques publiques et de différents services se concrétise par une gouvernance interministérielle à travers notamment la vision de « responsabilités partagées » vis-à-vis des politiques d’immigration et d’intégration (MIDI, 2015). Sur le plan régional et local, l’action intersectorielle mobilise un ensemble d’institutions et d’organisations visant leur mise en application (Blain et al., 2018b ; Duhamel et al., 2019 ; Germain et Trinh, 2010 ; Racine et Tapia, 2020). Le soutien à l’insertion socioprofessionnelle de jeunes adultes d’immigration récente relève notamment de quatre ministères distincts (Emploi, Éducation, Immigration, Santé et des Services sociaux) tandis qu’un ensemble d’organisations, tant institutionnelles que communautaires (centres de formation aux adultes, institutions d’enseignement, organismes d’aide à l’emploi, entreprises d’insertion, etc.) parsèment les parcours d’insertion.

  • 3 « Le Comité est composé de partenaires d’organismes communautaires, de représentants des travailleu (...)

8Les recherches comparatives montrent qu’au niveau interministériel, l’action intersectorielle autour de l’insertion à l’emploi au Québec a été qualifiée d’exemplaire (White, 2019). On peut alors se poser la question : qu’en est-il si l’on ajoute la variable « immigration » ? En effet, les efforts pour une gouvernance interministérielle sur le plan de l’immigration et de l’emploi se retrouvent entre autres à travers la création du Comité consultatif Personnes immigrantes3. Toutefois, ce comité se penche sur les enjeux larges de l’insertion socioprofessionnelle, et pour le moment, aucun avis n’a été émis relativement aux jeunes. Ajoutons que sur le plan local, White (2019) relève un certain hiatus : « (…) comme cela se produit assez souvent dans le contexte de la [Nouvelle gestion publique], la dynamique du partenariat global, institutionnalisée au niveau national, n’est pas reproduite sur les terrains locaux (…) ». Elle a ainsi documenté des marges de manœuvre différenciées entre les types d’organisation et leurs bailleurs de fonds, où le secteur des organismes en emploi apparaît distinctement (modèle de sous-traitance pour certains, et capacités de militer en faveur des droits des usagers pour d’autres). Cette constatation pourrait être exacerbée dans le domaine de l’employabilité des personnes immigrantes. En effet, White (2019) n’a pas distingué les organismes spécialisés en employabilité du secteur de l’immigration, où se constatent une forte variabilité des mandats et modalités de financements (Lendaro et Goyette, 2013) et une grande diversité d’acteurs qui soutiennent les trajectoires d’insertion socioprofessionnelle.

9On sait que les marges de manœuvre des conseillers sont variables selon les organisations, que les modalités de financement peuvent opérer une pression sur les ressources et que des intervenants, pour répondre aux besoins complexes de certaines personnes immigrantes, se voient obligés d’opérer des actions « invisibilisées », c’est-à-dire, non directement reconnues par les bailleurs de fonds, mais considérées nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques de cette population (Blain et al., 2018a ; Chicha et Charest, 2008 ; Lendaro et Goyette, 2013 ; Racine et Tapia, 2020).

10Notre étude appréhende l’action intersectorielle d’un point de vue subjectif, qui croise deux perspectives : celle des intervenants et conseillers travaillant en collaboration et concertation, et celle des jeunes qui utilisent les services. Notre analyse permet de considérer les enjeux d’ordre politique et de la gouvernance et d’apporter un éclairage complémentaire aux analyses de type organisationnel qui ne seront pas abordées directement dans cet article.

Trajectoires et stratégies d’insertion socioprofessionnelle des jeunes immigrants à l’interface de services de soutien

11Les trajectoires d’insertion de jeunes adultes sont différentes à plusieurs égards de celles d’adultes ayant une expérience professionnelle au moment de la migration. Les recherches ayant porté sur les parcours professionnels de jeunes relèvent la complexité des processus de transition professionnelle et la non-linéarité de certains parcours (interruptions, précarité, réorientations, etc.) (Bolzman et al., 2018 ; Montgomery, 2009). La mobilité accrue et la dimension transnationale compliquent davantage ces trajectoires, tout comme parfois les ressources de soutien et les conseils reçus sur les plans local et transnational (Belkhodja et Esses, 2013 ; Homsy et Scarfone, 2016 ; Montgomery et Agbobli, 2017 ; Popyk et al., 2019).

12Sur le plan local, dans le secteur de l’employabilité, les trajectoires d’insertion des personnes immigrantes croisent une diversité de services et de programmes, ne fonctionnant pas nécessairement en complémentarité (francisation ; formation aux adultes ; services d’adaptation psychosociale ; services d’orientation professionnelle ; services d’aide au placement ; etc.) (Lafortune et Kanouté, 2019 ; Potvin et Leclercq, 2014 ; Potvin et al., 2015). Dépasser la sectorisation des services (ou le travail en silo) représente un enjeu central pour mieux desservir les personnes qui se retrouvent à l’intersection de services certes complémentaires, mais qui fonctionnent indépendamment (Lendaro et Goyette, 2013 ; Chicha et Charest, 2008). L’absence de coordination entre les différents services offerts aux immigrants et la potentielle surcharge informationnelle qui résulte d’une offre importante de services non connectés est problématique, tant pour les personnes immigrantes que pour les intervenants qui les accompagnent (Blain et al., 2018b ; Duhamel et al., 2019 ; Gallant et al., 2016 ; Potvin et al., 2015).

  • 4 Par exemple, le CJE (2020) est membre de plus de dix espaces de concertation et partenariat locaux (...)

13Pour contrecarrer ces enjeux, les organisations s’impliquent dans différents espaces de concertations pour développer une vision cohérente avec les partenaires et collaborateurs (Désilets et Goudet, 2019)4. Aussi, pour minimiser les différents obstacles à l’intervention, les intervenants adaptent leurs façons de faire face à la complexité des réalités des personnes immigrantes. Ces pratiques sont parfois méconnues et invisibilisées, et de ce fait non soutenues par les programmes (Blain et al., 2018c ; Traoré, 2018).

14Quant aux stratégies d’intégration professionnelle des jeunes immigrant.e.s, elles entreprennent plus d’une démarche et mobilisent diverses ressources (stage, emploi subventionné, formation en entreprises d’économie sociale, services d’aide à la recherche d’emploi, formation, etc.) (Gauthier et al., 2011). Ces démarches sont animées par des motivations d’ordres personnels (orientation) et professionnels (acquisition d’expériences, diplômes, etc.) (ibid.). Pour contourner le fameux obstacle de l’absence d’expérience professionnelle locale, certains vont se tourner vers des emplois moins qualifiés ou des agences de placement (Nikuze, 2011 ; Vultur et al., 2015 ; Directeur de santé publique, 2016). Certains soulignent ainsi l’importance d’être orienté dans les premiers mois de l’établissement afin d’éviter des démarches inutiles ou prolongées.

15Par ailleurs, dans un contexte pluriethnique, des enjeux supplémentaires peuvent apparaître sur le plan de l’utilisation des services. Des facteurs peuvent expliquer le non-usage de services en employabilité et en éducation, tels que la mésadaptation des organismes à la complexité des besoins et réalités des jeunes immigrant.es (Lendaro et Goyette, 2013 ; Nikuze, 2011). Pour Nikuze (2011), l’inefficacité perçue de l’aide offerte par les services en employabilité amènerait des femmes immigrantes racialisées et ayant un niveau de compétences élevées (diplômées universitaires) vers d’autres stratégies telles que l’occupation d’emplois moins qualifiés, le bénévolat ou le recours à des agences de placement. D’autres évoquent l’aide non adaptée aux besoins des jeunes immigrant.es, comme dans le cas des étudiants étrangers inscrits aux études postsecondaires (Sinacore et Lerner, 2013). Subséquemment, aux enjeux de collaborations intersectorielles, influencés par des logiques d’action diverses portées par les acteurs et les institutions, s’ajoutent la vision, les conditions de vie complexes et les intérêts des populations desservies. Peu de recherches portent sur les perceptions d’utilisation des services, stratégies et trajectoires des personnes concernées tout en tenant compte de l’interconnexion des contraintes systémiques qui les affectent.

Dimensions intersectionnelles

16Les trajectoires d’insertion professionnelle sont modulées par une diversité de facteurs individuels, relationnels et structurels, en interaction. L’analyse intersectionnelle est une théorie transdisciplinaire qui appréhende la réalité des personnes à travers la complexité de leurs appartenances identitaires, mais aussi, des inégalités sociales qu’elles vivent (Crenshaw, 1991 ; Bilge et Roy, 2010). Cette théorie réfute à la fois le cloisonnement et la hiérarchisation des grands axes de différenciations sociales que sont les catégories identitaires telles que le genre, la classe, la religion, la race, l’âge ou la culture et cherche plutôt à comprendre leurs intersections. Les travaux de Chicha ont montré les impacts de l’intersection du genre, du statut migratoire et l’appartenance à des minorités racialisées, résultant en des « parcours du combattant » et des « plafonds de béton » (Chicha, 2012). De fait, l’intersection de contraintes systémiques ne peut pas être considérée comme étant leur simple cumul, ce qui occasionne une réelle complexité pour leur prise en compte de façon multidimensionnelle (Bilge et Roy, 2010 ; Chicha, 2012).

17Par ailleurs, leur intersection peut opérer de façon discriminante sur le plan de l’accès à des services. Des enjeux peuvent apparaître en lien avec l’admissibilité, en raison du statut d’immigration, de l’âge ou de l’évaluation par l’agent de certains critères de participation (ex. maîtrise linguistique, capacité perçue de réussite du programme) qui ont pour effet de limiter, voire d’exclure la personne de certains programmes ou services (Blain et al., 2018b, 2018c, 2018a ; Gauthier et al., 2011 ; Lendaro et Goyette, 2013). Dans la conception et la mise en application de services et de programmes, le ciblage et la priorisation de certains profils hiérarchisent, voire excluent immanquablement certaines personnes ou populations. C’est le cas par exemple des immigrants à statut précaire ou des étudiants internationaux pour lesquels les services seraient tout autant essentiels (Belkhodja et Esses, 2013 ; Homsy et Scarfone, 2016), ou bien des demandeurs d’asile (Renaud et al., 2003).

Méthodologie

18Le Carrefour jeunesse-emploi Bourassa-Sauvé, partenaire à la recherche, a rencontré en 2019-2020 plus de 400 jeunes, de 16 à 35 ans, dont 68 % sont nés à l’étranger, une part de nouveaux arrivants et de personnes issues de minorités visibles (CJE, 2020). Leurs participant.es ont des profils variés, 52% sont sans revenu, 72% ont moins de 2 années d’expérience de travail. Sur le plan de la scolarité, 33% n’ont pas terminé leurs études secondaires.

19Considérant les réalités particulières de jeunes adultes d’immigration récente et l’organisation des services et ressources visant à appuyer leur insertion socioprofessionnelle, cette étude a pour objectifs de documenter : 1) l’utilisation des services et leurs trajectoires d’insertion socioprofessionnelle des jeunes immigrant.es récent.es de 18 à 25 ans; et 2)  les pratiques et représentations des intervenants les desservant, tant au niveau de l’intervention que dans une perspective intersectorielle.

20Les perspectives théoriques sous-jacentes à la démarche allient l’anthropologie sociale et critique (le sens et les expériences) (Bibeau et Corin, 1995 ; Saillant, 2009) ; ainsi que le travail social (les pratiques et les programmes), particulièrement l’approche interculturelle systémique (Montgomery et Agbobli, 2017). Les méthodes qualitatives étant privilégiées afin de prendre en compte l’expérience subjective des acteurs impliqués, ce projet s’inscrit dans la recherche-action participative (Anadón, 2007). Une telle méthode permet de mettre les différents acteurs en dialogue et ainsi, mobiliser leurs savoirs expérientiels au service du changement social. La création d’un comité de pilotage du projet avec le Carrefour jeunesse-emploi dans le processus de recherche a permis d’améliorer l’analyse en l’envisageant comme un processus collectif et de concevoir des stratégies concrètes pour le milieu. La méthodologie retenue vise à soulever la diversité des expériences et à approfondir des pistes d’action potentielles pour la région ciblée. Dans les lignes qui suivent, nous présentons des résultats préliminaires, tandis que des étapes ultérieures au projet permettront de raffiner les analyses et l’identification de leviers d’action pertinents pour les acteurs concernés.

21La recherche a permis de contacter entre 2020-2021 près de 30 personnes soit : six jeunes adultes de Montréal-Nord et vingt-trois intervenants, conseillers et porteurs de programmes de l’arrondissement. Des entretiens approfondis ont été réalisés auprès des jeunes, tandis que des groupes de discussion ont été préférés pour rencontrer les intervenants (complétés par quelques entretiens). Le contexte de la pandémie a affecté la capacité de contacter les jeunes adultes d’immigration récente (aversion vis-à-vis d’entrevues ‘par zoom’ ou téléphone, fracture numérique, personnes allophones, méfiance, etc.). Nous visons rencontrer 12 jeunes d’ici la fin du projet. Ainsi, six entrevues semi-dirigées (1h30) ont été réalisées auprès de 4 femmes et 2 hommes, de 18 à 25 ans. De pays d’origine diversifiés (Italie, Haïti, Cameroun, Bénin), ils sont arrivés au Québec depuis 3 mois et 3 ans et demi. De ces jeunes, tous sont aux études, dont 1 au secondaire, et 3 travaillent à temps partiel. Du côté des intervenant.es, 5 entrevues semi-dirigées ont été réalisées (1h30) et quatre groupes de discussion d’environ 3 heures (n.4 à 10 chacun). Au total, 23 intervenant.es conseiller.ères, gestionnaires ou coordonnateur.trices de programme ont été rencontrés (une personne pouvant participer à plus d’une activité), 7 hommes et 16 femmes. Une variété de secteurs d’action est représentée : soutien au développement de l’employabilité/entrepreneuriat, accueil et établissement des personnes immigrantes, éducation, francisation, organisme dédié aux jeunes, organismes centrés sur le bénévolat ou la vie dans le quartier, ou des secteurs juridique, gouvernemental. Pour des questions de confidentialité, comme le territoire couvert est circonscrit et que les participant.es à la recherche pourraient facilement être reconnus, les citations ne donnent aucun détail des profils, tandis que nous ne préciserons pas leur fonction exacte (« intervenant » ou « conseiller » sont indistinctement utilisés, et incluent les gestionnaires et porteurs de programmes, tandis que des intervenant.es du CJE ou d’autres organismes en employabilité seront confondus sous le chapeau « secteur de l’emploi »).

22Les thèmes abordés au cours des entretiens et des groupes de discussion portaient globalement sur les défis et les éléments facilitants expérimentés par les jeunes adultes d’immigration récente de Montréal-Nord au cours de leur trajectoire d’insertion socioprofessionnelle ainsi que les réponses à leurs besoins sur le plan des services (francisation, choix d’études, orientation professionnelle, recherche d’emploi, etc.). Nous explorions également les ressources formelles et informelles mobilisées, les perceptions de celles-ci (point de vue des jeunes), et finalement les enjeux et pistes d’action pour favoriser le travail intersectoriel sur le territoire afin de répondre aux besoins de ces jeunes adultes (point de vue des intervenants). Les résultats présentés sont basés sur des analyses thématiques interprétatives (Paillé et Mucchielli, 2008).

RÉSULTATS

Défis et complexité des accompagnements

Conditions de vulnérabilité particulières
…then I came here alone, to put everything along (Sasha, 25 ans)

23La conceptualisation de la situation des personnes immigrantes sous l’angle de la vulnérabilité est ambiguë. Elle résulte parfois non pas des profils spécifiques des individus, mais du contexte social et de l’interaction avec le milieu d’accueil (Cognet, 2004 ; Piché et Renaud, 2018). L’approche intersectionnelle invite à la prise en compte de l’intersection de facteurs pouvant favoriser ou limiter les conditions d’existence de populations marginalisées. À l’instar des enjeux vécus par des nouveaux arrivants s’établissant dans un nouveau contexte national, des situations de précarisation et de marginalisation ont affecté les jeunes adultes rencontrés : isolement, précarité économique, non-maîtrise des langues officielles et des codes sociaux locaux, statuts migratoires précaires. Malgré leurs débuts dans la vie active, plusieurs de ces jeunes ont déjà une charge familiale, qui se traduit par des responsabilités matérielles ou humaines vis-à-vis de leurs parents ou fratrie.

« Avoir ce job-là pour pouvoir aider quand même à la maison » (Alex, 18 ans).

« Comme tu es l’aînée de la famille… (…) il y a mes frères qui comptent sur moi et je dois aider ma mère aussi, donc, je ne peux pas juste les laisser comme ça et puis partir » (Jaëlle, 20 ans).Du point de vue de l’offre de services destinés aux jeunes adultes d’immigration récente, d’autres complexités apparaissent. En contraste aux multiples travaux portant sur les défis de l’intégration professionnelle des personnes immigrantes au Québec, qui soulèvent la non-reconnaissance des compétences et la difficulté d’accéder à une première expérience de travail canadienne, dans le cas de jeunes adultes, ces enjeux prennent une autre couleur. En effet, ces jeunes, ayant immigré le plus souvent dans leur adolescence en suivant leurs parents, se retrouvent dans un nouveau contexte devant une triple absence : 1) sans nécessairement de scolarité significative ; 2) sans expérience professionnelle ; et 3) sans point de repère (et leurs parents non plus), ce qui limite la capacité du soutien de proximité . Ainsi, pour Sasha, « tout est nouveau » :

« I didn’t know the system, how it works… even in (my country), I never worked, I didn’t know English (and French)… so that was the first big job of my life (…) Everything was new for me » (Sasha, 25 ans).

24Ces constats peuvent être exacerbés par les conditions de vie du quartier, caractérisées par un niveau de défavorisation important, avec lequel s’entrecroisent l’âge et le statut migratoire et limitent les perspectives d’avenir.

« L’immigration c’est… transversal. Tous les enjeux sociaux qu’on peut vivre impactent deux fois plus que les gens qui arrivent en situation de vulnérabilité (…) Les gens sont déjà perdus, ils sont déjà en situation de vulnérabilité. Les jeunes sont dans les craques (…) déjà frustrés » (Intervenante, secteur de l’accueil).

« il était très endetté, et justement il vivait le cercle vicieux où… on veut faire les études, mais il faut lâcher les études parce que c’est trop cher–faut travailler– le travail est pas intéressant– démotivation » (Intervenant, secteur de l’emploi).

25Les profils et le vécu des personnes immigrantes sont certes hétérogènes. Insister sur les facteurs qui accentuent ou créent des situations de vulnérabilité vise à mettre en exergue l’importance des conditions structurelles pouvant affecter ces populations. Ces mentions tendent à occulter leur résilience, les accompagnements favorables et les programmes et mesures prometteurs. Des intervenants soulignent tout autant « la débrouillardise », « l’espoir » ou la « forte motivation ».

Territoires et complexité de l’organisation des services

26Les dimensions territoriales peuvent jouer un rôle de frein ou de moteur dans le travail intersectoriel. Montréal-Nord est un des arrondissements mal desservis par les transports publics. Le travail collaboratif, la capacité de travailler en réseau, mais surtout de permettre aux citoyens du territoire d’aller facilement d’une ressource à l’autre ont été identifiés comme un frein important par les intervenants.

« On essaie de référer les gens, mais ils n’aiment pas se faire balader, ils ont besoin de repères (…) la personne n’a pas les moyens d’aller voir à droite à gauche pour aller voir d’autres services » (Intervenante, secteur de l’accueil).

27En ce qui concerne les jeunes adultes d’immigration récente, du moins à Montréal-Nord, la dimension territoriale et la répartition d’une diversité d’organismes de part et d’autre de l’arrondissement requièrent des déplacements physiques d’une ressource à l’autre représentant environ une trentaine de minutes de marche pour les ressources du quartier (et hors de l’arrondissement, au minimum 60 minutes en transport public vers le centre-ville). L’accès aux infrastructures, le développement urbanistique et la capacité de mobilité de nouveaux arrivants jouent un rôle important (Germain, 2021), qui posent des défis pour le territoire.

28Finalement, la complexité de l’organisation des services, le manque de coordination et d’information peuvent être des obstacles à l’accessibilité. Malgré son expérience et sa position privilégiée, une nouvelle conseillère dans le secteur exprime sa surprise et sa difficulté à saisir la complexité de l’écosystème communautaire de Montréal-Nord. Elle partage le sentiment d’être étrangère face au milieu qui exige l’assimilation de beaucoup d’informations :

« Je m’identifie aux personnes dont on discute en termes de trouver les informations. (…) avec mon bagage de personne qui est née ici, qui est supposée connaître un peu ça, qui est éduquée… puis (…) je trouve ça difficile. J’ai trouvé ça compliqué d’embarquer dans le milieu communautaire et de faire comme : “ok, tel service est là-bas, tel service est là-basˮ » (Conseillère, autre secteur).

Enjeux du statut d’immigration

« Ça dépend beaucoup du statut migratoire de la personne, ce qu’on peut faire. Ça a un effet domino » (Intervenante, secteur de l’accueil).

  • 5 Les personnes ayant un statut de résident permanent ou de citoyen canadien ont moins de limitation (...)

29Dans le cadre de notre recherche, un élément d’une force particulière s’ajoute aux autres dimensions traditionnellement évoquées par l’approche intersectionnelle (âge, genre, minorités racialisées), soit la Nlimitation déterminante du statut migratoire conditionnant l’accès aux ressources. Des contraintes administratives limitent « les ayants droit », que cela soit pour des travailleurs temporaires, des étudiants internationaux ou des demandeurs d’asile : ne pas bénéficier de la résidence permanente ou de la citoyenneté restreint l’admissibilité aux ressources5. Dans d’autres cas, il s’agit de « l’accessibilité », des freins administratifs opérant un rôle de filtre, malgré l’admissibilité sur papier. Dans un contexte bureaucratique parfois lourd, déterminant qui peut accéder à tel ou tel service, un effet discriminant opère subtilement. Par exemple, des consignes requérant que le participant passe d’un organisme à l’autre pour déposer de longs formulaires (délai d’attente, formulaire opaque pour une personne allophone, incapacité à se déplacer). Ces éléments inquiètent les intervenants.

  • 6 Aujourd’hui sous la dénomination élargie de « Services Québec ». « Emploi-Québec est une agence au (...)

« On a eu beaucoup de travailleurs temporaires parce que là, maintenant, on peut les accepter. Mais la procédure est tellement compliquée, on peut passer environ deux heures juste à remplir les documents qu’il faut remplir, pour envoyer à Emploi-Québec [Services Québec]6, pour qu’Emploi-Québec ensuite, évalue leur demande et nous les réfère par la suite. Et souvent ce qui peut arriver c’est que (…) ils ne reviennent pas parce que le temps que ça a pris, bien, soit qu’ils ont trouvé un autre organisme ou ils se sont trouvé un travail dans une usine et (…) ne reviennent pas » (Intervenant, secteur de l’emploi).

30Dans d’autres cas, de « simples formulaires » et la nécessité de présenter « des preuves et des papiers » peuvent occasionner un non-accès.

« Ça, c'est très difficile, parce que Services Québec, c'est une machine, il y a beaucoup de paperasses à remplir, et que souvent les jeunes ne s’y retrouvent pas. Je veux bien aussi les aider, mais, moi aussi, des fois, je n'ai pas non plus les bons dossiers, les bons formulaires. Des fois, le papa ou la maman ne donnent pas, peut-être le certificat de naissance, ou bien ne donne pas tel papier, pour x raison. Et, là, je me retrouve avec le jeune… limité (…) on essaie de faire avec les moyens du bord » (Intervenant, secteur emploi).

31Ou encore, le cas d’un demandeur d’asile dont le statut de réfugié est accepté et qui a dorénavant accès à la possibilité d’un retour aux études. Cependant, l’agent administratif insiste pour qu’il apporte un document complémentaire, son certificat de naissance, document que le candidat n’a pas (et pour lequel existent des alternatives, surtout pour les personnes réfugiées, telles qu’un document officiel d’Immigration Canada).

« Je voudrais ajouter un élément sur la lourdeur administrative (…) J’ai eu un cas de quelqu'un qui doit faire alphabétisation (…). Ils [le service d’admission de l’école] disent que pour l’inscrire ça prend un acte de naissance. Mais c’est quelqu'un qui est déjà demandeur d’asile accepté. Il n’avait pas ses papiers de naissance. Mais pourquoi ces documents ? Il a déjà le certificat de sélection [du ministère de l’Immigration] » (Intervenant, secteur de l’accueil).

32À Montréal et dans l’Arrondissement de Montréal-Nord, des initiatives ont été déployées afin que les services municipaux aient une portée universelle, à travers sa Politique d’accès aux services municipaux sans peur (Ville de Montréal, 2019). Toutefois, les trajectoires d’insertion socioprofessionnelle et d’utilisation de ressources de soutien dépassent les services municipaux. Ajoutons que l’accessibilité aux ressources inclut les limitations d’admissibilité concrètes, mais aussi celles subjectives découlant de la méconnaissance de l’admissibilité par des conseillers non familiers (Blain et al., 2018c ; Direction régionale, 2019). Cette accessibilité dans ses dimensions subjectives est reflétée par l’exemple supra de la personne avec un statut de réfugié à qui l’on bloque l’admission, car elle n’a pas son certificat de naissance ; méconnaissance qui freine son parcours sachant que des documents alternatifs peuvent être présentés. En filigrane transparaît l’importance du rôle d’intervenant pivot qui peut sensibiliser des conseillers d’autres institutions sur les réalités particulières de nouveaux arrivants.

33En somme, l’opacité du fonctionnement administratif, la variabilité de l’accessibilité aux ressources modulée selon les statuts migratoires posent un frein à l’accès aux services, mais aussi à la possibilité d’un travail intersectoriel « sur un même rythme » sans rupture dans l’offre de services pour ces populations. Mentionnons le cas des demandeurs d’asile qui ont la possibilité jusqu’à 18 ans de fréquenter une institution d’enseignement, mais qui, une fois la scolarité de base complétée, n’ont pas la possibilité de poursuivre une formation qualifiante (école de métier ou collège) permettant de réaliser un projet professionnel (voir aussi Meza, 2021) :

« Pour les demandeurs d’asile, toutes les personnes qui ne sont pas résidents permanents ou canadiens, à l’école tout ce qu’on peut faire pour les moins de 18 ans c’est les envoyer en classe d’accueil, ou les plus de 18 ans, en francisation. Certains jeunes adultes n’ont aucun choix que de venir pour continuer leurs études, parfois il y a des personnes qui n’ont pas besoin d’être en francisation… mais l’autre choix c’est de payer pour des études et c’est hors d’accès » (Conseillère, secteur de l’éducation).

34Ainsi, la capacité pour les organisations du milieu de soutenir des trajectoires d’insertion socioprofessionnelle en continuité est limitée par des critères d’admissibilité contraignants. Le statut migratoire en est l’exemple le plus criant, déterminant les ayants-droit. Le critère du statut migratoire comme condition d’accès aux services publics a été qualifié de critère arbitraire par plusieurs (Belkhodja et Esses, 2013 ; Lendaro et Goyette, 2013), d’autres ont critiqué la vision court-termiste de ce type de politique (Racine et Tapia, 2020), voire d’un environnement favorisant l’émergence de « citoyen de seconde zone » (Piché, 2008). La majorité des intervenants et conseillers rencontrés ont spontanément souligné cet enjeu du statut migratoire, particulièrement pour les demandeurs d’asile qui représentent une des populations les plus marginalisées sur le plan de l’accès aux services et leur capacité de réaliser leur plein potentiel (emplois de survie, déqualification, non-accès aux services de garde, non-accès à des études qualifiantes, etc.). « Beaucoup de demandeurs d’asile ont un permis de travail, mais on ne peut pas les aider (…) alors qu’ils sont déroutés dans leurs démarches » (intervenant, secteur de l’emploi). Une intervenante du secteur de l’accueil nous dira : « Ça dépend toujours de leur statut et de ce qu’ils peuvent avoir en fonction de leur statut en termes de services ». Les organisations mobilisées au sein des groupes de discussion plaident l’importance de l’universalité des services, en particulier dans les cas des migrants à statut précaire :

« Ce qui me vient en tête, c’est l’universalité des services. Il y a des personnes que je sais que (tel organisme) pourrait aider, mais qui ne sont pas éligibles et donc n’ont pas accès aux services » (Intervenant, secteur emploi).

Continuité et discontinuité des trajectoires de services

35Le statut migratoire n’est que l’une des facettes mettant en saillance la complexité des accompagnements nécessaires, dans un contexte où les services et les programmes sont modulés par différents critères d’admissibilité. Ces critères peuvent être, diversement, le statut migratoire, l’âge, la maîtrise de la/les langues, le fait d’avoir un « objectif professionnel clair », la durée de résidence, parfois même « la motivation » ou des critères plus subjectifs afin de déterminer la sélection d’un groupe (Blain et al., 2018b). Dès lors, cette continuité au sein des trajectoires est mise au défi par des logiques délimitant et hiérarchisant les ayants-droit à partir de différents critères (Lendaro et Goyette, 2013), en plus de la portée des évaluations subjectives dans des contextes interculturels. Ces logiques modulant l’accessibilité peuvent créer une discontinuité dans la trajectoire d’insertion du jeune, voire la prolonger ou la bloquer.

36Nous avons évoqué l’exemple d’un demandeur d’asile de 18 ans qui ne bénéficie pas de l’accessibilité à des études professionnelles qualifiantes tel que le cégep. Des intervenants ont également évoqué d’autres situations comme celle d’une personne développant un projet d’entrepreneuriat soutenu par Services Québec, mais qui ne peut consulter un service d’orientation professionnelle simultanément pour des projets à moyen terme ; ou bien une personne en francisation qui ne peut accéder à un service en employabilité en vue de préparer son dossier de reconnaissance professionnelle (démarche requérant plusieurs mois d’anticipation et d’attente).

37Cette vision des trajectoires d’utilisation des services est sous-tendue par une certaine conceptualisation uniforme et linéaire – ce qui contraste avec les travaux portant sur les parcours de jeunes. En effet, les jeunes immigrant.es entreprennent une diversité de démarches pour contourner les obstacles – stage, retours aux études, service d’aide à l’emploi (Nikuze, 2011 ; Vultur et al., 2015) ; tandis que leurs parcours professionnels sont caractérisés par la non-linéarité, d’autant plus en contexte migratoire (Belkhodja et Esses, 2013 ; Bolzman et al., 2018 ; Masdonati et Zittoun, 2012). La discontinuité des ressources peut causer des ruptures. Les délais d’attente qui s’ensuivent, voire les blocages peuvent occasionner des conséquences néfastes sur la capacité du jeune adulte à réaliser ses projets, voire à se projeter dans le futur. Alex (18 ans) est confronté à cette attente et cette incertitude : « je ne sais pas vraiment dans quelle direction je veux être... je fais les choses pour juste les faire en attendant de voir comment ça va se passer plus tard ».

38En contraste, sur une note plus positive, un sentiment d’inclusion émerge lorsque le ou la jeune participant.e ressent que l’on écoute ses besoins, au-delà du désir de la référencer à l’une ou l’autre activité. Jaëlle (20 ans) souligne l’effet bénéfique de cette écoute active de la part de sa conseillère, qui l’a soutenue à son rythme et à partir de ses besoins : « elle ne me forçait pas à dire les choses ». Ou bien Asmina (20 ans) qui souligne que l’accompagnement et les suivis de son conseiller ont fait la différence, elle l’a rencontré à l’école où il a présenté les services de l’organisme.

« Il est venu à l’école (…) (il) m’aidait toujours. (…) parce qu’il y a d’autres personnes, tu vas venir, il va t’aider, puis, tu rentres chez toi, c’est fini genre. Mais, lui, il veut faire vraiment un suivi, genre il s’assure vraiment que, non, il fallait que j’aie un emploi. Parce qu’il savait aussi que ma mère, n’avait pas un gros salaire, et, donc, le fait peut-être que je travaille, allait m’aider moi… nous aider à être plus » (Asmina, 20 ans).

39Certains adopteront le rôle d’intervenants pivots, formellement ou informellement, pour assurer la continuité des parcours de ces jeunes et la quête des ressources adéquates pour répondre à leurs besoins. Par exemple, Asmina souligne le rôle particulièrement aidant qu’a joué une personne-clé dans son parcours (dans ce cas-ci une consNeillère en orientation dans un centre de formation pour adulte), qui n’a pas seulement référé, mais qui a pris le temps d’expliciter : « elle ne va pas juste te dire comme ça… elle m’a expliqué (…) je savais dans quoi que je m’engageais ». Ce type de rôle est réalisé grâce à la connaissance des personnes-ressources du milieu, et quoique le plus souvent les actions se réalisent par téléphone, certains intervenant.es soulignaient la nécessité d’un accompagnement physique dans les différentes ressources.

« Pour être dans les pistes de solution maintenant, je pense que le référencement est la clé, et quand je dis référencement c’est pas “tu appelles tel ou telˮ, car souvent ils le font pas, mais plutôt sortir de nos mandats, faire le step further : “sais-tu quoi ? T’as besoin de cours de français, je vais appeler pour toiˮ. Souvent on fait la base, mais on ne fait pas le suivi, donc appeler aussi après une ou deux semaines et dire : “hey mon participant t’avait appelé, comment ça s’est passé ?ˮ » (Intervenante, secteur emploi).

40Cet accompagnement permet par la même occasion de sensibiliser d’autres acteurs, comme un employeur par exemple.

« J’ai accompagné un jeune qui doit faire une entrevue, un jeune de 17 ans. Après l’entrevue, j’ai appelé l’employeur sur comment ça s’est passé. Et lui avait l’impression que le jeune n’était pas motivé, car il ne le regardait pas dans les yeux. Or, c’est un code culturel différent (…) » (Intervenant secteur emploi).

41Or, les pratiques d’intervention relevant de la collaboration intersectorielle ne sont pas nécessairement prises en compte, ni financées par les bailleurs de fonds, et peuvent faire partie d’actions « invisibilisées » (voir aussi Blain et al., 2018a ; Chicha et Charest, 2008). Ce rôle d’accompagnement peut être vu comme une adaptation du programme pour mieux répondre aux besoins d’orientation spécifique. Guider un.e jeune adulte d’immigration récente implique une connaissance fine des différentes ressources et des admissibilités aux uns et aux autres selon le statut et les caractéristiques ou situation de la personne. Voici quelques exemples de défis par rapport aux évaluations des admissibilités auxquels les intervenant.es peuvent être confrontés : est-ce qu’une personne avec un visa de travail fermé qui est admissible à un organisme d’accueil pour les nouveaux arrivants peut être référée à un service de soutien d’une autre organisation offrant des services d’aide à l’emploi ? Est-ce qu’une personne avec un visa étudiant a le droit de s’inscrire à des cours d’anglais en parallèle dans une organisation financée par Services Québec ? Est-ce qu’une jeune mère demandeur d’asile a droit à un service de garde pour lui permettre de travailler ? Est-ce qu’une personne allophone qui a un très faible niveau de français, mais qui doit absolument travailler peut s’inscrire à un organisme d’économie sociale pour travailler tout en apprenant un métier plus manuel ?

42Ces exemples reflètent la complexité des dimensions de l’admissibilité et de l’accompagnement pour favoriser une trajectoire sans discontinuité, à partir des besoins de la personne. La collaboration intersectorielle implique une capacité à répondre de façon complémentaire aux besoins des concernés, mais comment cette collaboration peut-elle prendre forme dans des cas de rupture de services et d’incapacité de travailler de façon globale sur une problématique complexe ?

43Les « trajectoires d’insertion » et « les trajectoires d’utilisation de services et de ressources » permettent de constater les points marquants, les ressources-clés, les continuités et discontinuités. Toutefois, compte tenu de l’utilisation très ponctuelle et dispersée dans le temps de ces types de ressources par les jeunes rencontrés, nous ne sommes pas à même de dresser de typologie d’utilisation des ressources. Des constats émergent néanmoins, et vont dans le sens de travaux constatant la sous-utilisation de ressources formelles par les nouveaux arrivants et l’importance des ressources informelles ou « de proximité » (Gallant et al., 2016 ; Hanley et al., 2018). Ce qui soulève quelques enjeux sur le plan de l’adaptation des pratiques et des moyens de les rejoindre afin de répondre aux besoins de ces jeunes nouveaux arrivants.

44De fait, pour des intervenant.es du secteur, des conseils donnés par les membres de la communauté ethnoculturelle ou d’autres groupes de personnes immigrantes peuvent parfois guider de façon non adéquate, comme ils ne sont pas nécessairement arrivés à la même période, et qu’ils ne connaissent pas l’ensemble des ressources. Cela va dans le sens d’autres recherches réalisées à Montréal qui montrent la place prépondérante pour de jeunes immigrant.es des agences de placement comme premier emploi, ou de réseaux d’embauche informels pour des emplois peu spécialisés (Nikuze, 2011 ; Vultur et al., 2015). Ce fut le cas d’Asmina (20 ans) qui a travaillé dans un emploi très exigeant physiquement dans une entreprise où elle a été référée par des amies de son pays d’origine. La pénibilité du travail l’a par la suite amenée à consulter un service d’aide à l’emploi pour « trouver un bon travail ».

45Or, au cœur de ces réseaux de soutien informels, qui peuvent jouer un rôle fondamental, se trouve néanmoins l’enjeu de donner l’information juste et au bon moment. Pour les jeunes rencontrés, il ne s’agit pas seulement d’apprendre à naviguer dans le système canadien avec ses propres codes, mais apprendre à naviguer dans un système « tout court ». Ici la prise en compte des dimensions interculturelles peut s’opérer, mais aussi celle de la littératie où la prépondérance du numérique peut soulever des enjeux de compréhension et d’accès : « puis il m’a dit que je dois taper sur Google, puis, je vais trouver le formulaire, je dois le remplir » (Aminata, 18 ans). Un intervenant souligne par ailleurs la lourdeur administrative et humaine que cela représente en termes d’accompagnement, où un nombre important de démarches s’effectuent à travers des formulaires. Qu’en est-il des personnes allophones et sous-scolarisées ? « Les jeunes analphabètes – quelqu'un qui ne sait pas remplir un formulaire (…) qu’est-ce qu’il faut adapter comme service à la personne ? » (Intervenant, secteur de l’accueil).

46En termes d’accompagnement, les ruptures de services ou la non-adaptation des services pour un nouvel arrivant (particulièrement allophone) pourraient être compensées – sans nécessairement de reconnaissance ou de financement – par l’intervenant ou le conseiller. « Ce n’est pas notre mandat officiel, mais on les aide » (intervenante, secteur de l’accueil) ou « techniquement, on ne peut pas les inscrire. On essaie quand même de les rencontrer et de répondre à leurs besoins urgents » (intervenant, secteur de l’emploi). Ces conditions causent sans contredit une pression sur les ressources et parfois une incapacité à répondre aux besoins des personnes les consultant, voire créant des tensions internes et de la détresse chez l’intervenant.e. La prochaine section permettra d’approfondir les conditions de l’action intersectorielle dans le champ de l’employabilité de jeunes adultes d’immigration récente.

Actions intersectorielles : dimensions territoriales et organisationnelles

47Des initiatives afin de pallier, contourner ou éliminer les obstacles sont développées sur le territoire. Par exemple, concernant la dimension du transport et l’accès aux services, on distribue des tickets d’autobus gratuits ou on favorise le déplacement des intervenant.es vers des points de services de proximité. Cela peut être un intervenant en employabilité qui rencontre des groupes dans des classes de francisation, une intervenante d’un organisme d’accueil qui se déplace, ou bien la création d’une offre de services complémentaires sur les lieux comme des paniers alimentaires distribués directement dans les locaux du Carrefour Jeunesse Emploi.

  • 7 Dans le nord de l’île de Montréal, Aire ouverte notamment qui vise les 12 à 25 ans [https://recherc (...)
  • 8 Par ex. de l’aide alimentaire (Jeunesse au Soleil), un service de lunettes économique avec un optic (...)

48Dans le secteur de la santé et des services sociaux, des initiatives sont proposées afin qu’un ensemble de services soient offerts « sous le même toit » pour répondre aux besoins des jeunes7. Dans le secteur de l’immigration, nous retrouvons en parallèle des organismes de grande taille combinant une multitude de programmes allant de l’accueil à l’établissement, à l’employabilité, à la francisation et aux activités plus larges visant la pleine participation. Ce type d’organisme « de grande taille » n’est pas présent sur le territoire, la Table de quartier Montréal-Nord ayant misé sur la concertation (Boussiki et al., 2020). Dans le déploiement de l’offre de services, le CJE de Montréal-Nord a développé des collaborations et partenariats avec plusieurs organisations du territoire8.

49Plus largement, un travail de concertation est exercé dans le quartier, mais celui-ci n’est pas exempt de tension et certains intervenants et conseillers rencontrés ont mentionné leur malaise à certains moments : « Pour ce qui est de la concertation, moi je suis plus capable tellement c’est complexe (…) on voit qu’il y a des chicanes, il y a un paquet d’affaires ». Inhérents à toutes démarches collaboratives et de partenariat, des enjeux de pouvoir et des intérêts divergents entre les organisations peuvent poser des défis (White, 2019).

50Les intervenant.es et conseiller.ères tenaient à souligner l’importance des initiatives visant la concertation, toutefois, certains enjeux de pouvoir entre les acteurs et des visées différentes soulèvent des tensions, parfois non encore résolues. En ce sens, les acteurs de terrain souhaitent – en parallèle aux structures de concertation existantes – bénéficier d’un espace neutre et confidentiel, entre intervenants, afin de partir des besoins identifiés des nouveaux arrivants, de façon neutre par rapport aux intérêts de son organisation ou institution afin notamment de déjouer le contexte de financement jouant parfois en défaveur.

Actions intersectorielles et dimensions macro-sociales : les conditions

51Les différentes conditions pour définir les « ayants-droit » mettent en évidence l’importance des conditions structurelles facilitant le travail intersectoriel, gage d’une continuité et cohérence au sein des trajectoires d’insertion socioprofessionnelle des jeunes d’immigration récente – et leurs accès aux différents services et ressources parsemant leurs trajectoires.

  • 9 Sur l’influence du discours sur la primauté du français sur les représentations de jeunes adultes i (...)

52Les intervenants ont été unanimes pour pointer les conditions structurelles et politiques mettant à mal leur travail de collaboration. Ces conditions structurelles se situent sur le plan des critères d’admissibilité des participants qu’ils desservent, mais aussi en ce qui concerne leurs conditions organisationnelles. La politique linguistique (primauté d’offrir les services publics en français) influence la capacité de rejoindre de façon adaptée, voire de répondre aux besoins de certains – populations allophones, en processus de francisation ou peu scolarisées9. « Ici, tous les profs parlent français, et toi tu comprends pas français. Ça c’est un peu dur... toi, quand tu comprends rien, là, c’est compliqué » (Aminata, 18 ans). Une conseillère du secteur de l’éducation ajoute :

« Mais des fois, c’est juste d’avoir des formulaires en plusieurs langues : l’enjeu de traduction, parce que des fois… comme pour la Covid, tu sais, on a pu envoyer en arabe, en créole… alors des fois il y a des choses qui sont communiquées en plusieurs langues… Des fois (…) on envoie des courriels, mais ils ont de la misère à comprendre, puis j’essaie de ne pas envoyer un long courriel, juste avec des titres, des points, des images. On sous-estime à quel point ils savent pas bien lire le français, et ça prend quelqu’un qui traduirait à tous les jours. (…) Il y a vraiment un enjeu de langue » (Conseillère, secteur de l’éducation).

53L’élément linguistique peut être exacerbé du fait que des ressources de soutien en interprétariat sont très limitées et que les banques d’interprètes existantes ont des mandats très spécifiques (dont des services de santé d’urgence, soutien initial de courte durée pour les organismes d’accueil), et couvrent peu, voire pas du tout le soutien en employabilité des adultes nouveaux arrivants (et encore moins concernant la communication avec des parents de jeunes adultes).

54Les modalités de financement des organismes peuvent aussi opérer à contre-courant : pression à la compétition pour rechercher des subventions « par niche » et subventions par « participant-utilisateur », fragmentation des financements, peu de ressources pour soutenir le travail intersectoriel. Ces dimensions ont déjà été soulevées pour différents secteurs (Boussiki et al., 2020 ; Conseil supérieur de l'Éducation, 2021 ; Racine et Tapia, 2020 ; White, 2019). « Tous les organismes communautaires vont essayer de fournir les mêmes services et de chercher les mêmes subventions, on rentre en compétition les uns avec les autres. Il y a les services, mais pas de référence » (intervenant, secteur de l’emploi).

55Un intervenant soulève de façon poignante son sentiment de ne plus être en mesure d’accompagner adéquatement « avec humanité », compte tenu de la pression de reddition de compte exercée :

« On est devenu des machines. On ne dispose pas de beaucoup de temps pour écouter et pour mieux informer. Même dans le communautaire, on est devenu des comptables, on dispose de temps assez limité pour recevoir la personne, pour vraiment prendre le temps d’écouter toute son histoire de vie alors qu’elle a beaucoup à apprendre, et apprendre de zéro dans un nouveau système. Donc ça prend du temps dont on ne dispose pas » (Intervenant, secteur de l’accueil).

56Ajoutons à cela le contexte de précarité financière caractérisant les ressources humaines et organisationnelles du secteur de l’immigration et des services sociaux qui cause un roulement de personnel entre les organisations. Le travail collaboratif est influencé par des liens construits entre les acteurs en place, et peut influencer positivement ou négativement la possibilité d’assurer une continuité et cohérence entre les services pour les jeunes d’immigration récente qu’ils desservent. « On sait que ça existe, mais on ne sait pas trop ce qu’ils font » (intervenant, secteur de l’emploi) ou « Les programmes changent, et les intervenants et les conseillers changent aussi de secteur. Les nouveaux qui arrivent ne cherchent pas à aller voir ce que font les autres » (intervenant, secteur de l’emploi). Ces dynamiques influencent la circulation de l’information entre les organisations et les secteurs : « par moments, certaines entreprises n’ont pas la même information que les organismes ont, ou le ministère de l’Immigration a » (Intervenant, secteur de l’accueil). Comme mentionné supra, imaginons la complexité pour un nouvel arrivant qui vient tout juste de s’établir, lorsque même pour un intervenant saisir l’écosystème des organismes, des services et ressources est un enjeu.

Conclusion

« Que les personnes puissent s’intégrer, puissent trouver un emploi, mais aussi on parle d’intégration socioprofessionnelle… donc qu’ils puissent… être heureux au Québec » (Intervenant, secteur de l’emploi).

57Trouver sa place et construire des projets d’études et d’emploi peut être complexe pour un jeune d’immigration récente. Accompagner dans sa globalité ces jeunes dans une perspective intersectorielle peut également être complexe du point de vue des intervenant.es et conseiller.ères. Les trajectoires d’insertion socioprofessionnelle de jeunes adultes d’immigration récente sont traversées par une diversité de soutien potentiel en termes de champs d’action (soutien à l’emploi, apprentissage linguistique, reconnaissance des compétences, éducation, service de garde pour les enfants, soutien pour trouver un logement décent, soutien juridique pour le statut migratoire ou le droit au travail, etc.) ainsi qu’une diversité de types d’organisation (institution gouvernementale, organisme communautaire, centre de formation, service de ressources humaines dans une entreprise, etc.). Ces ressources peuvent opérer indépendamment et occasionner différents défis pour un.e jeune immigrant.e qui navigue dans un système parfois opaque. Aussi, du côté des organisations, cette diversité de champs d’action et de types d’organisation peut causer des lectures différentes des finalités à exercer pour répondre aux besoins, mais aussi des besoins à prioriser, d’autant plus que les organisations peuvent bénéficier de moyens et de marges de manœuvre différentes (Chicha et Charest, 2008 ; Duhamel et al., 2019 ; White, 2019).

58L’accès aux infrastructures, le développement urbanistique et la capacité de mobilité jouent un rôle important pour des nouveaux arrivants d’un quartier limitrophe (Saint-Laurent). « Les infrastructures de l’hospitalité urbaine », leur accès facilité dans l’espace a joué positivement dans le cas des répondants rencontrés par l’équipe de la sociologue Germain (2021). Sachant l’importance de la dimension subjective au niveau de l’accès aux ressources (sentiment d’être accueilli et bienvenu), de quelles façons les organisations de Montréal-Nord arrivent à contrecarrer l’éloignement spatial pour favoriser le rapprochement avec les populations locales et les milieux partenaires ? Les intervenant.es rencontrés à Montréal-Nord ont démontré une grande vitalité afin de favoriser le rapprochement inter-organisationnel et le travail en collaboration, dans un contexte marqué par l’éloignement géographique. Mais des défis perdurent – exacerbés par les conditions globales des organismes (modalités de financement, compétition, complémentarité qui peut résulter en des actions en silo, roulement des ressources causé par les conditions de travail, etc.). Par ailleurs, d’autres angles n’ont pas été abordés : l’utilisation accrue de nouvelles technologies de l’information comme moteur de rapprochement a-t-il joué ou pourrait-il jouer un rôle ? Et quelles seraient les limites de miser sur ces liens localisés pour un territoire où prédomine la fracture numérique pour une part importante de la population ? Et que dire des autres organisations qui peuvent soutenir, qui ne font pas nécessairement partie de « l’écosystème des organismes », tels que les associations ethniques, les regroupements de pairs ou les institutions religieuses qui jouent un rôle important de soutien et conseils des nouveaux arrivants (Blain et al., sous presse 2022 ; Hanley et al., 2018 ; Mossière, 2006) ? Et que dire des ressources de soutien de nature transnationale, qui peuvent jouer un rôle complémentaire à certains moments (Caron et al., soumis 2021 ; Le Gall et Montgomery, 2013 ; Popyk et al., 2019) ?

59D’autres angles morts de la prestation de services pour des jeunes adultes d’immigration récentes émergent, au croisement de l’action intersectorielle et de la prise en compte des dimensions intersectionnelles. La complexité des parcours d’insertion socioprofessionnelle montre l’importance de penser des accompagnements tenant compte de la grande diversité des profils sociodémographiques et leur hétérogénéité (statuts migratoires, âges, niveaux de scolarité, langue, etc.). Le statut migratoire précaire est apparu comme un élément transversal particulièrement impactant pour l’accessibilité à certains services et la capacité des intervenants à travailler en collaboration pour soutenir les jeunes d’immigration récente. Les enjeux vécus par ces jeunes à l’interface du statut migratoire et de services de soutien à l’intégration socioprofessionnelle montrent des défis particuliers d’accès pour les migrants à statut temporaire. Cette précarisation de leurs conditions d’existence est intensifiée pour ces jeunes, à l’intersection de facteurs tels que le genre, l’âge, le statut migratoire et d’autres. En somme, comment répondre aux besoins particuliers de populations expérimentant la conjugaison de vulnérabilités potentielles (par ex. une jeune mère réfugiée monoparentale, un jeune adulte parrainé par un oncle défaillant qui doit travailler à 19 ans dans un travail alimentaire, une personne allophone et sous-scolarisée) ? En outre, dans une perspective d’adaptation au contexte interculturel, la prestation des services pourrait-elle inclure plus largement « la famille » considérant le rôle central des parents pour ces jeunes adultes (Valade, 2021 ; Vatz-Laaroussi et al., 2013) ? Dans un contexte où une séparation de services entre l’enfance/l’adolescence et l’âge adulte opère dans le champ éducatif et de l’emploi : comment soutenir la transition vers l’âge adulte, l’émancipation et la constitution de projets d’études ou de travail pour des jeunes adultes qui expérimentent quasi systématiquement une rupture de services dès leur majorité ? Ces différentes dimensions appellent à des actions tant au plan de l’intervention qu’au plan organisationnel et politique, pour ne pas dire systémique (Montgomery et Agbobli, 2017). Et finalement, comment conjuguer non seulement un travail intersectoriel, une prise en compte des dimensions intersectionnelles, mais aussi des dimensions transnationales dans lesquelles évoluent ces jeunes adultes, conjuguant des ressources de soutien tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, que des projets d’ancrage ou de mobilités présentes ou futures (Caron et al., soumis 2021 ; Montgomery et Agbobli, 2017 ; Popyk et al., 2019) ?

60Au bout du compte, l’insertion socioprofessionnelle implique que l’emploi, ce n’est pas tout ! Au-delà des services, l’accès à des espaces permettant la création de liens sociaux, de se sentir « partie prenante » et de développer un sentiment positif quant à sa place dans la société sont des éléments-clés soulignés parallèlement par des intervenant.es et des jeunes rencontrés. « Et c'est aussi de développer un lien. Qui va au-delà du professionnel (…) C’est une relation humaine beaucoup plus qu’une relation de services » (intervenant, secteur de l’emploi). Ces relations peuvent émerger d’espaces informels – à l’intérieur ou l’extérieur des organismes – « une salle détente et puis un café pour les jeunes... un espace où tu peux venir et puis te sentir toi-même. Ça va créer des gens qui sont là pour t’écouter, et puis, peut-être de nouveaux amis » (Jaëlle, 20 ans). Ce sentiment d’inclusion peut également être nourri par la capacité de redonner, de s’entraider, concrètement ou symboliquement.

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Notes

1 17,3% pour les 15 à 24 ans nés à l’étranger, contre 12,4% pour la ‘population native’ du même âge et 7,6% pour l’ensemble de la population en 2015 (MIDI, 2016).

2 Qui inclut de façon transversale le domaine de l’emploi, sans se pencher spécifiquement sur les personnes immigrantes.

3 « Le Comité est composé de partenaires d’organismes communautaires, de représentants des travailleuses et des travailleurs et des représentants d’employeurs, tous mobilisés autour de sujets liés à la main-d’œuvre et à l’emploi des personnes immigrantes. (…) La Commission des Partenaires du Marché du Travail et le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité Sociale lui ont confié le mandat d’analyser les problématiques propres aux personnes immigrantes, de promouvoir leurs intérêts et de proposer des solutions en ce qui a trait à leur intégration et leur maintien en emploi » [http://ccpi-quebec.ca/membres/].

4 Par exemple, le CJE (2020) est membre de plus de dix espaces de concertation et partenariat locaux et nationaux.

5 Les personnes ayant un statut de résident permanent ou de citoyen canadien ont moins de limitation pour accéder aux services publics ou communautaires, en contraste aux migrants sur un statut temporaire (permis de travail ou d’études, demandeurs d’asile, personne en attente de la résidence permanente, etc.) Or, le nombre de migrants temporaires (~70 000) dépasse le nombre de résidents permanents admis annuellement au Québec (~40 000) depuis une quinzaine d’années (Blain et al., 2021).

6 Aujourd’hui sous la dénomination élargie de « Services Québec ». « Emploi-Québec est une agence au sein du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec. Elle a pour mission de contribuer à développer l’emploi et la main-d’œuvre ainsi qu’à lutter contre le chômage, l’exclusion sociale et la pauvreté dans une perspective de développement économique et social » [www.mtess.gouv.qc.ca/secteurs_act.asp].

7 Dans le nord de l’île de Montréal, Aire ouverte notamment qui vise les 12 à 25 ans [https://rechercheciusssnim.ca/projets/aire-ouverte-place-aux-jeunes-pour-changer-notre-regard-briser-les-obstacles-et-creer-ensemble-projet-de-demonstration-rsij-du-ciusss-nim/ ].

8 Par ex. de l’aide alimentaire (Jeunesse au Soleil), un service de lunettes économique avec un opticien communautaire (le Bonhomme à lunettes) [www.cjebourassasauve.com/services-complementaires/].

9 Sur l’influence du discours sur la primauté du français sur les représentations de jeunes adultes immigrants et leurs choix de parcours postsecondaires et professionnels, voir Darchinian et Kanouté (2020).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marie-Jeanne Blain, Lourdes Rodriguez del Barrio, Roxane Caron, André-Anne Parent, Lamiae Bouqentar et Marianne Lezeau, « ‘Je ne comprends pas encore trop le système’ : ressources de soutien en employabilité pour de jeunes adultes d’immigration récente à Montréal-Nord »Sciences et actions sociales [En ligne], 17 | 2022, mis en ligne le 29 avril 2022, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sas/2105

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Auteurs

Marie-Jeanne Blain

Université de Montréal

Lourdes Rodriguez del Barrio

Université de Montréal

Roxane Caron

Université de Montréal

André-Anne Parent

Université de Montréal

Lamiae Bouqentar

Université de Montréal

Marianne Lezeau

Université de Montréal

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