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Les rapports à l’assistance des travailleurs et travailleuses pauvres

Morgane Kuehni, Paul-Frantz Cousin et Lorraine Odier

Résumés

Cet article présente les résultats d’une recherche qualitative menée auprès de travailleurs et travailleuses pauvres avec enfants qui cumulent un revenu du travail et un revenu de transfert de l’État pour assurer leur subsistance économique. Il identifie quatre expériences de la pauvreté laborieuse selon les modalités d’accès au marché du travail, les possibilités d’articuler travail productif et reproductif et les dispositifs de protection sociale auxquels accèdent les individus.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Enquête financée par la HES-SO intitulée « Expériences de la pauvreté laborieuse et assistance publ (...)

1Depuis une vingtaine d’années, les travaux portant sur les travailleurs et travailleuses pauvres dressent un constat sans appel : à l’échelle européenne, plusieurs millions de personnes exercent une activité lucrative sans parvenir à boucler leur fin de mois malgré l’existence d’un « filet social » (Eurofound, 2010). Comme le souligne Damon (2007, p. 40), « les travailleurs pauvres ne constituent pas pour la protection sociale un problème singulier parmi d’autres, mais un défi majeur [car] le phénomène met en question le contenu, les orientations et la cohérence globale de la protection sociale ». En Suisse, la pauvreté des personnes actives occupées – selon la terminologie de l’Office fédéral de la statistique (OFS) – est bien documentée d’un point de vue quantitatif, pourtant le vécu d’une telle situation a jusqu’ici peu retenu l’attention des chercheurs. Partant d’une enquête exploratoire basée sur des entretiens semi-directifs menés auprès de douze familles de travailleurs et travailleuses pauvres qui bénéficient de revenus de transfert dans le canton de Vaud1, nous proposons une réflexion sur les expériences de la pauvreté laborieuse sous l’angle des relations entretenues avec l’assistance publique. Nous porterons une attention particulière aux enjeux du cumul de revenus de ces personnes, à la fois travailleuses, et dépendantes de l’État pour assurer leur survie économique. Cet angle d’analyse nous paraît d’autant plus pertinent que les transformations du système de protection sociale helvétique conduisent à brouiller les frontières du salariat et de l’assistance, mais aussi à démultiplier les charges de travail de la population active pauvre. Différentes enquêtes ont montré que les modalités d’accès au marché du travail, la satisfaction au travail et son articulation avec la vie hors travail sont susceptibles de faire varier considérablement le vécu d’une situation de pauvreté laborieuse (Jouenne, 2005 ; David et al., 2006). Prolongeant ces réflexions, nous montrerons que le recours aux revenus de transfert et le travail qu’il suppose selon les dispositifs étatiques sollicités influence également le vécu d’une situation de pauvreté laborieuse.

Focus sur les travailleurs et travailleuses pauvres dépendants des revenus de transfert

  • 2 Depuis 2007, l’OFS réalise une enquête pour étudier la pauvreté et l’exclusion sociale au moyen d’i (...)
  • 3 La construction statistique officielle des travailleurs et travailleuses pauvres ne tient donc pas (...)

2Parler de travailleurs pauvres suppose aujourd’hui encore de réunir « deux données que les représentations collectives mettent généralement tout leur soin à dissocier : le travail, devoir social par excellence, et l’indigence, signe d’immoralité et mère de tous les vices » (Lafore, 2013, p. 59). En Suisse, le « consensus social selon lequel le travail permet de « (bien) gagner sa vie » (Breuil-Genier et al., 2001, p. 100) est encore très présent. Dans le paysage européen, la Suisse est d’ailleurs souvent présentée comme un « pays à part » avec un salaire médian brut situé à plus de 6 000 francs suisses par mois (soit environ 6 000 euros) et un taux de chômage de 4,1% au sens du BIT (ESPA, 2014). Pourtant, selon l’OFS, en 2012, 15,5 % de la population est exposée au risque de pauvreté2, dont 280 000 personnes actives occupées. En Suisse, le taux de risque de pauvreté des actifs occupés oscille entre 6,9 % et 7,7 % ces dernières années (exception faite des 9,1 % en 2008). La définition des actifs occupés est par ailleurs fortement restrictive : ne sont concernées que les personnes qui se sont déclarées salariées ou indépendantes durant plus de la moitié de l’année précédant l’enquête statistique, soit les personnes qui ont passé plus de 7 mois en emploi, indépendamment de leur taux d’occupation3.

  • 4 [http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/13/03/03/dos/04.Document.130145.xls].
  • 5 Ces prestations sont actuellement à l’œuvre dans quatre cantons sur vingt-six.

3De nombreux travaux soulignent que le fait d’être un travailleur pauvre ne dépend pas seulement de la présence sur le marché de l’emploi et du revenu qui en découle, mais aussi de la possibilité de bénéficier d’aides sociales (Andress et Lohman, 2008 ; Guldimann, 2001). En Suisse, l’aide sociale publique prévoit un soutien financier pour les ménages dont le revenu est situé en dessous du seuil de pauvreté absolue fixé à 2 200 francs pour une personne seule et 4 040 francs pour deux adultes avec deux enfants par la Conférence suisse des institutions d’action sociale en 2012. Souvent présentée comme le « dernier filet de protection sociale », l’aide sociale repose sur la preuve de l’indigence et intervient lorsque les prestations d’assurance sont épuisées (ou en cas de non-droit) ou lorsque les ressources familiales sont insuffisantes pour assurer un minimum vital. L’aide sociale est régie par des lois fédérales mais son application ressort des cantons. Le taux national de recours à l’aide sociale est de 3,2 % en 2013 ; dans le canton de Vaud il est de 5%. Selon l’OFS, au niveau fédéral, un tiers des bénéficiaires de l’aide sociale exercent une activité rémunérée en 20104. En 2014, 17% bénéficiaires de l’aide sociale vaudoise ont une activité lucrative : ce taux est particulièrement élevé́ chez les couples avec enfants (35%) (Wenker-Pont, 2014, p. 4). L’écart entre le niveau cantonal et le niveau fédéral s’explique en partie par la mise en place des prestations complémentaires pour les familles en 2011 dans le canton de Vaud5. Les prestations complémentaires pour les familles ont pour objectif de soutenir financièrement les ménages actifs avec enfant de moins de seize ans et de faire sortir une catégorie de « pauvres méritants », car travaillant, de l’aide sociale. En mars 2014, 2 003 familles étaient inscrites au régime des prestations complémentaires du canton. Le régime des prestations complémentaires pour familles diffère de l’aide sociale sur plusieurs points : elles sont actuellement financées par cotisations des employés et employeurs participant chacun à hauteur de 0,06 % des salaires et non par les impôts ; elles sont calculées pour l’année sur la base d’un revenu hypothétique et non chaque mois ; elles ne supposent pas d’entretien mensuel avec un assistant social ou un conseiller en placement ; elles sont jugées moins stigmatisantes...

4Indépendamment du type de dispositif de soutien étatique (aide sociale, prestations complémentaires pour les familles ou autre), le fait de disposer d’une double source de revenu place les individus dans une situation particulière, puisqu’ils dépendent à la fois d’un emploi et d’un revenu de transfert pour assurer leur subsistance économique. Les enjeux de cumul de revenus sont multiples, mais deux aspects nous semblent particulièrement importants pour notre propos. Le cumul de revenu contribue en premier lieu tout d’abord à brouiller les frontières entre emploi et assistance. Selon Schnapper et Villac (1989), la position sociale des individus n'est pas seulement liée à leur place dans le système économique, mais aussi à leurs liens avec le système de la protection sociale. Les auteures affirment qu’au fur et à mesure que se multiplient les interventions de l'État, s’étend une multiplication de statuts intermédiaires entre l’emploi et l’assistance : l’emploi à statut, l’emploi sans statut et les statuts dérivés de l’emploi ou nés de la solidarité. Plus récemment, Paugam et Duvoux (2008) insistent sur l’émergence d’une nouvelle figure de travailleur issue des politiques d’activation de la protection sociale (particulièrement du RSA en France), celle du « travailleur précaire assisté ». De manière générale, ces transferts sociaux sont non seulement destinés à compléter les revenus des travailleurs pauvres dans un objectif de redistribution des ressources, mais sont également censés renforcer l’intérêt financier qu’il y a à travailler (incitation au maintien et à la reprise d’un emploi) conformément aux objectifs des politiques d’activation mises en œuvre dans la majorité des pays occidentaux. De plus, le cumul de revenus instaure une forme de double dépendance à l’égard d’un patron et de l’État et contribue en second lieu à augmenter la charge de travail des individus qui doivent fournir la preuve des efforts entrepris pour regagner le plus rapidement possible le marché du travail et retrouver leur indépendance économique. Les attentes qui pèsent sur les individus, de même que les contrôles auxquels ils sont soumisvarient passablement selon leur situation d’emploi, mais aussi selon les dispositifs de soutien étatique auxquels ils font recours : les contraintes horaires et administratives, activités de recherche d’emploi, participation à des programmes d’insertion, etc. Dans un contexte d’activation de la protection sociale qui défend fortement la centralité du travail salarié, comme c’est le cas en Suisse, le fait de dépendre d’un revenu de transfert, renforcer les rapports de subordination et les effets de normalisation (Kuehni, 2009 ; Kuehni et al., 2015).

Encart méthodologique

5Basée sur des entretiens semi-directifs avec douze familles de travailleurs et travailleuses pauvres avec enfants dans le canton de Vaud, notre recherche visait un double objectif : recueillir du matériel empirique sur le vécu d’une situation de pauvreté et interroger les arbitrages opérés entre travail rémunéré et assistance publique. Notre enquête portait exclusivement sur les familles dépendantes de revenus de transferts dans lesquelles au moins un adulte exerçait une activité professionnelle rémunérée durant la moitié de l’année précédant notre rencontre. Au total, nous avons mené 18 entretiens d’une durée d’une heure à deux heures trente, et dans la mesure du possible, nous avons interrogé les conjoints séparément. Notre échantillon est constitué de neufs couples et de trois familles monoparentales, soit vingt-et-un adultes : neuf hommes et douze femmes (et 26 enfants). Ces personnes ont les statuts d’emploi suivants : douze sont en contrat à durée indéterminée, huit à temps partiel (dont la moitié à moins de 50%) et quatre à plein temps ; cinq occupent des emplois dits atypiques (intérim, contrat à durée déterminée, travail sur appel, stage), les autres sont demandeurs d’emploi ou au foyer. L’intensité du travail rémunéré est faible dans les ménages interviewés : quatre personnes travaillent à plein temps et seuls trois ménages sont biactifs. Sur les douze ménages, six ont recours à l’aide sociale du canton (revenu d’insertion) et quatre ont recours aux prestations complémentaires familles, les autres ont d’autres types de soutien, aides au logement, bourses d’étude, subsides d’assurance maladie.

Expériences de la pauvreté laborieuse et rapports à l’assistance

6L’analyse du matériau empirique que nous livrons infra s’est avant tout basée sur les manières spécifiques d’articuler trois formes de travail différentes : le travail rémunéré, le travail domestique et le travail réalisé en contrepartie des revenus de transferts. Très schématiquement, nous avons tenu compte du travail rémunéré : modalités contractuelles, taux d’occupation, horaires, conditions de travail, niveau de salaire, satisfaction au travail, etc. ; du travail domestique : charge et division du travail (configurations familiales, âge et état de santé des enfants, etc.), système de garde, ressources à disposition, etc. ; du travail exigé en contrepartie des revenus de transfert : selon le type de dispositif étatique (aide sociale, prestations complémentaires famille, autres), charge de travail administratif, de recherche d’emploi, de travail de réinsertion et de présentation de soi, etc. L’analyse des récits nous a permis de mettre en exergue quatre manières radicalement différentes de vivre une situation de double dépendance à l’égard d’un employeur et à l’égard de l’État, que nous appelons les expériences de la pauvreté laborieuse. Nous inspirant des travaux de Dubet (1994), nous définissons l’expérience comme une construction sociale qui dépend d’une triple dimension. Les cadres de l’expérience tout d’abord, qui sont autant de données objectives pertinentes dans la situation : dispositifs de protection sociale, configurations familiales, modalités d’emploi, divisions du travail à l’intérieur du couple, etc. Les ressources à disposition : capitaux scolaires, sociaux, économiques, symboliques. Enfin, comme une action finalisée, soit le sens qu’elle prend pour l’individu (cette dernière dimension se réfère davantage à l’expérience vécue). Dans ce sens, les expériences de la pauvreté laborieuse des membres d’un couple sont souvent radicalement différentes, y compris lorsqu’ils ont des parcours professionnels similaires. Les modalités de la division du travail à l’intérieur de la sphère privée et la prise en charge du travail administratif auprès de l’assistance publique par exemple changent radicalement les manières de décrire, de penser ou de vivre une situation de pauvreté laborieuse.

L’expérience stigmatisante : limiter les contacts avec l’assistance

7Ce premier type d’expérience est rapportée par des individus qui ont un taux d’occupation élevé, mais des revenus insuffisants pour faire « tourner le ménage » pour diverses raisons : faible salaire, charges familiales élevées, pensions alimentaires suite à un divorce, etc. Rapportée exclusivement par des hommes dans notre enquête, c’est l’expérience de la pauvreté laborieuse la plus documentée dans les recherches (Dubet, 2006 ; Simon et al., 2007). Les interviewés ont l’impression que ce qu’ils donnent, en temps, en compétences, en investissement au travail ne leur est jamais rendu à sa juste valeur et nourrissent dès lors un sentiment d’exploitation. Robert, remarié avec une femme qui garde un enfant de manière occasionnelle à domicile, a trois enfants à charge dont deux en situation de handicap.

- « Ce n’est pas le fait de travailler qui me dérange, mais c’est le fait de travailler pour rien. Je n’arrive même pas à faire vivre ma famille en travaillant. C’est ça qui m’énerve le plus […]. Je dirais c’est frustrant. Parce qu’à la rigueur qu’on soit pauvre et qu’on travaille pas, ben voilà c’est normal, mais qu’on travaille et qu’on soit pauvre c’est pas normal… ». Robert, 50 ans, école obligatoire, en couple biactif, 3 enfants, CDI à 100% depuis 8 ans dans une compagnie privée de chemin de fer.

8La famille a recours à l’aide sociale depuis de nombreuses années et Robert éprouve le fameux « stigmate de l’assistance ». Le fait de bénéficier de l’aide sociale est en quelque sorte la « marque […] de sa défaillance sociale au regard du stéréotype auquel il adhère : le stéréotype du travailleur qui doit s’en sortir par lui-même » (Messu, 2009, p. 247). Son attachement à la valeur travail est donc ambivalent : l’emploi est à la fois ressource et source de tensions identitaires. Le fait de bénéficier de l’assistance est vécu sur un registre totalement antagonique avec le fait d’être salarié. Si Robert fait usage de la ressource financière, en revanche il délègue à sa femme tous les contacts avec l’aide sociale et le travail administratif qui y a trait. Cette division du travail à l’intérieur du couple est plusieurs fois justifiée par son emploi à plein temps, sa dignité ou encore l’impossibilité de rester calme face aux agents de l’assistance.

« Des fois je me dis « ben tiens, j’arrête de travailler, je me mets au social… » [Mais je l’ai pas fait], car j’ai quand même ma fierté et puis le travail, ça m’aide aussi à me changer les idées. [...] Parce que moi, c’est vrai que franchement, si je devais faire… tout ce qu’elle fait [sa femme], moi il y aurait longtemps que j’aurais déjà pris un fusil d’assaut et puis j’aurais flingué tout le monde, enfin, façon de parler... » Robert.

9Bien que les relations entre Robert et l’assistance soient quasiment inexistantes, puisque déléguées à sa compagne tout comme l’essentiel du travail domestique, Robert se sent « traité comme un chien », mais surtout « coincé » dans cette situation de double dépendance. Porteur de dignité, l’emploi ne compense pas le manque à gagner financier et décuple l’animosité vis-à-vis des agents de l’aide sociale décrits comme des « gratte-papier » qui ne reconnaissent pas ses difficultés.

L’expérience pacifiée : (re)trouver un équilibre et une qualité de vie

10Rapportée tant par des hommes que par des femmes occupant des emplois stables à temps partiel, l’expérience pacifiée renvoie à une forme d’équilibre retrouvé dans des trajectoires de vie marquées par des ruptures (divorces ou pertes d’emploi). Majoritairement dépendantes des prestations complémentaires pour les familles, ces personnes décrivent leur situation comme un « arrangement satisfaisant » car le recours aux transferts sociaux permet de préserver une certaine qualité de vie, soit du temps pour l’éducation et le soin des enfants. Ce support financier agit donc très clairement comme un facteur de régulation de la charge de travail car il permet de ne pas se soumettre aux exigences d’un emploi à plein temps. Laure, mère divorcée, seule avec deux enfants à charge, a eu recours à l’aide sociale suite à son divorce, il y a 1 an et demi. Après une année sans emploi et six mois en intérimaire comme secrétaire, elle vient de signer la prolongation de son contrat à durée indéterminée à soixante pourcent. En attente d’une réponse des prestations complémentaires, elle affirme ne pas vouloir augmenter son taux d’occupation.

  • « Je veux dire j’ai fait aussi des enfants pour pouvoir profiter aussi, donc… Donc je me verrais mal travailler à 100%... [ Le cumul de l’activité salariée et du revenu d’aide sociale], je pense que c’est le juste équilibre qui me convient aussi à moi, pour justement avoir quand même encore une activité, et puis des rapports avec des adultes entre guillemets, et puis quand même profiter de mes filles avant qu’elles grandissent trop vite ». Laure, 33 ans, CFC d’école de commerce, divorcée, 2 enfants, CDI de secrétaire à 60% depuis une semaine.

11Pour ces personnes, généralement suisses, détentrices d’une formation et d’un emploi stable avec des horaires fixes dans lequel ils et elles disent se plaire, le temps partiel se concilie facilement avec la prise en charge des enfants. Dans leur discours, le bien-être des enfants et les sentiments de responsabilité vis-à-vis d’eux ressort très fréquemment et justifie le fait qu’ils ne sentent pas « coupables » ou « honteuses » de bénéficier d’une aide publique. Ce discours de la justification d’une situation de dépendance par le rôle parental n’est d’ailleurs pas remis en question par l’entourage ou par les représentant-e-s des pouvoirs publiques. Cette expérience est donc marquée par une relative « tranquillité » : bénéficiaires des prestations complémentaires familles, ces personnes ne sont pas la cible d’injonctions à poursuivre des recherches d’emploi ou à augmenter leur taux d’occupation et maîtrisent le travail administratif, peu conséquent, inhérent au complément de revenu. Investies tant sur le marché du travail que dans l’éducation de leurs enfants, elles bénéficient par ailleurs de reconnaissance et de soutien dans leur travail parental : une place dans une structure de garde prise en charge par les pouvoirs publics notamment. Pour Jonathan, père de deux enfants, la situation est d’autant mieux vécue que son expérience du couple biactif à plein temps fait office de repoussoir :

« [Deux plein-temps] c’est clair que ça crée des tensions, et puis on n’avait pas le temps pour le gosse, qui ne l’a pas vécu très bien,… Je ne referai pas, ça c’est sûr. […] je savais très bien que financièrement ça allait être dur, mais je me suis dit : on ne vit pas pour l’argent ». Jonathan, 31 ans, CFC d’école de commerce, marié avec une femme en stage à 80%, deux enfants, CDI d’aide comptable à 80% depuis 2 ans.

12Pour ces personnes, la situation est d’autant mieux vécue qu’elles s’y projettent facilement à court terme, mais jamais à long terme, imaginant reprendre une formation ou augmenter leur taux d’occupation une fois que les enfants auront grandi. Le fait de disposer de capitaux scolaires et de bons réseaux sociaux joue donc très clairement en faveur d’une rationalisation de la situation, ce qui correspond clairement aux attentes des dispositifs de protection sociale.

L’expérience conflictuelle : la confrontation aux politiques d’activation de la protection sociale

13Le troisième type d’expérience concerne des personnes occupées à temps partiel court (moins de 50%, parfois cumulés) ou sans emploi au moment de l’entretien qui bénéficient de l’aide sociale. Elle est caractérisée par des conflits avec les agents des pouvoirs publics car ces personnes subissent de fortes pressions à l’augmentation de leur taux d’occupation ou à la reprise d’un emploi. Le travail exigé en contrepartie des revenus de transfert est non seulement conséquent (recherche d’emploi, participation à des programmes d’insertion), mais aussi source de tension, d’incompréhension et de sentiments de dévalorisation car les personnes dans ce cas de figure refusent de « prendre n’importe quel job » et de se plier aux différentes injonctions des conseillers en placement. Les tensions sont principalement de deux ordres. Elles se nouent tout d’abord autour de la « qualité » de l’emploi et/ou du travail : certaines personnes refusent par exemple de travailler pour un salaire inférieur à leur précédent emploi (légalement un emploi qui assure une rémunération à la hauteur de 70% du gain assuré est jugé convenable) ou de réaliser des activités qu’elles jugent peu gratifiantes ou dévalorisantes. Certaines tensions naissent également de la problématique de la « conciliation travail-famille », particulièrement pour les femmes qui assurent aujourd’hui encore la majeure partie de la charge de travail domestique et de soins aux enfants. Certaines femmes qui relatent ce type d’expérience ont par exemple des enfants en bas âge et/ou souffrant de handicap, qu’elles décrivent comme incompatible avec un emploi à plein temps. Souvent considérées comme « employables » en raison de leur parcours professionnel antérieur, ces femmes rencontrent mensuellement un conseiller en placement des Offices régionaux de placement (ORP, qui sont des dispositifs de l’assurance chômage) qu’elles considèrent incompétents, contrôlants et intrusifs.

L’aide sociale m’a envoyée à l’ORP [Office régional de placement], donc [...] voilà ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire, il faut respecter les dates, pas mal de choses… des fois ils sont… en fait, déjà il y a un problème de communication entre tous ces gens. Je vous assure, on reçoit chaque fois, oui pénalité ou avertissement [..]. Et l’ORP, je dois respecter le rendez-vous chaque fois, je dois y aller et je n’ai pas de nounou [...] Après… [le conseiller] m’a dit : « pourquoi vous n’avez pas enregistré [votre fille] dans les crèches », [et] je lui ai dit : « excusez-moi, je ne savais pas que mon mari va tomber dans le social ! » Maria, 40 ans, sans formation, mariée en couple avec un homme en CDI à temps partiel, 1 enfant, sans emploi.

14Les femmes dans ce cas de figure nourrissent une forme d’ambivalence entre leur identité de travailleuse et leur identité de mère (Descarries et Corbeil, 1997) en quelque sorte durcie par les dispositifs auxquels elles recourent. Le travail parental peut difficilement être délégué faute de réseau social, par ailleurs il n’est pas valorisé par les conseillers en placement qui ont même tendance à le délégitimer, puisqu’il n’est légalement par reconnu comme du travail. Les rencontres sont souvent source de conflits car elles résistent ouvertement aux injonctions à entrer en mesures d’insertion professionnelle et de placer leurs enfants dans des structures de garde pour « n’importe quel job » ! Rappelant à différents égards les « grandes gueules » décrites par Dubet (2006, p. 430), qui manifestent leur mécontentement et développent des stratégies de résistance pour faire face aux injustices, ces femmes subissent parfois des sanctions, soit la baisse de leur revenu d’assistance pour un temps déterminé. Au vu du manque de ressources économiques, cette baisse de revenu augmente les privations et les sentiments de frustrations.

15Les personnes qui vivent ce type d’expérience souhaitent retrouver un emploi, cependant les opportunités de travail rémunéré sont faibles et peu attractives, alors même que la pression à regagner le marché du travail est particulièrement forte. La situation de dépendance à l’égard de l’assistance est donc source de multiples insatisfactions : les attentes en termes de contreparties du revenu de transfert sont décrites comme très lourdes et les sanctions, en cas de non-respect des prescriptions ou de refus de travail convenable, contribuent à renforcer le contrôle, diminuer le niveau de vie et nourrir le sentiment d’injustice.

L’expérience aliénante : l’impossible articulation

  • 6 Discutant le concept d’aliénation à la lumière du monde du travail contemporain, Lallement (2012) r (...)

16Caractérisée par de multiples tensions dans l’articulation entre le travail rémunéré, le travail domestique et le travail réalisé en échange des revenus de transfert, l’expérience aliénante de la pauvreté laborieuse renvoie à une perte d’emprise des personnes sur la construction de leur quotidien et de leur subjectivité6Rapportée par des femmes migrantes fortement dépendantes du revenu d’aide sociale, qui constitue l’essentiel de leurs ressources financières, cette expérience est marquée par la multiplication des rapports de subordination, des injonctions contradictoires et par l’impossibilité d’articuler les trois formes de travail avec les ressources à disposition. Assumant souvent seules l’éducation de leurs enfants, ces femmes ont des trajectoires de vie marquées par des événements violents : périodes de clandestinité, séquestrations chez leurs employeurs, viols ou violences domestiques. Souvent peu formées, insérées dans des secteurs d’activité très féminisés (nettoyage, soin à domicile, employée domestique), elles ont un champ des possibles très restreint sur le marché du travail et cumulent la plupart du temps précarité de l’emploi et précarité du travail (Bouffartigue, 2012). Elles occupent des emplois tout en bas de la hiérarchie sociale des métiers, mal rémunérés et sans perspective professionnelle, avec des conditions de travail impossibles à articuler avec une vie familiale. Plusieurs d’entre elles se trouvent pas exemple écartelées entre la nécessité d’accepter les heures proposées par leur employeur pour garder leur emploi et l’impossibilité de trouver une solution de garde adaptée pour leur enfant.

17Ballotées d’emplois précaires en emplois précaires, de problèmes familiaux en problèmes familiaux, de difficultés de gardes en difficultés de garde, ces femmes ont une faible maîtrise sur leur avenir et l’impression d’être sans cesse confrontées à de nouveaux problèmes. L’épuisement physique et psychique décrit dans ces situations fait écho au sentiment d’un éternel recommencement, comme si chaque résolution dans un domaine particulier - travail rémunéré, charge des enfants ou assistance publique - induisait de nouvelles difficultés dans un autre domaine, remettant systématiquement en cause un fragile équilibre. L’augmentation de leur revenu d’emploi peut par exemple leur faire perdre des droits assistanciels et ces femmes sont souvent confrontées à la problématique des « effets de seuil ». Bien que très attachées à leur emploi, qui leur permet de se sentir valorisées et d’échapper à la sphère privée, elles ne peuvent constamment être disponibles sur appel et dans des temporalités longues, sans souffrir du manque de leur enfant.

- Les gens qui sont en couple [...] peuvent travailler, mais moi le problème c’est elle [sa fille]. Je ne peux pas la laisser seule partout et puis aller travailler. En 2010 c’est pour ça, j’ai arrêté. J’ai commencé à travailler à Morges, et j’ai arrêté, ça a été difficile, je ne la vois presque pas, c’est que la garderie et puis la maman de jour que je paie 600frs de plus de ma poche, il n’y a personne qui paie ça ! [À cette époque] je n’avais même pas 500frs nets à la fin du mois [...] et puis surtout [elle] me manque, je ne la voyais pas. Serena, 27 ans, sans formation, divorcée, 1 enfant, en emploi à durée déterminée (horaires variables).

  • 7 Discutant le concept d’aliénation à la lumière du monde du travail contemporain, Lallement (2012) r (...)

18Non seulement ces femmes n’ont aucune maîtrise sur leur activité rémunérée7, mais elles sont aussi fortement enjointes à se conformer aux exigences de l’assistance au vu de leur situation de dépendance. Contrairement aux femmes qui vivent l’expérience conflictuelle, elles décrivent cependant les assistants sociaux de manière très positive comme un « soutien nécessaire » (dont elles ne pourraient se passer) et cherchent à répondre du mieux qu’elles peuvent à leurs attentes. Elles se conforment tant aux injonctions à retrouver leur autonomie financière, qu’aux injonctions sur leur rôle maternel en suivant des mesures de soutien parental par exemple. Dans ce type d’expérience, l’assistance  opère donc comme un puissant prescripteur de normes. Cependant, comme le relève Lallement (2012, p. 29) dans des situations de forte aliénation, « il demeure toujours des espaces d’identification et des marges d’action » et ces femmes, prises dans de multiples rapports de subordination et injonctions contradictoires décrivent une lutte quotidienne pour faire valoir leur dignité.

Conclusion

19L’intérêt de considérer l’articulation du travail rémunéré, domestique et parental et le travail exigé en contrepartie des revenus de transferts offre des pistes analytiques stimulantes pour questionner la pauvreté laborieuse. Dans le contexte contemporain de transformations du marché du travail et des dispositifs de protection sociale, les expériences de la pauvreté laborieuse sont fortement différenciées selon les modalités d’emploi, les configurations familiales, mais aussi selon les dispositifs de soutien financier auxquels ont accès les individus. Sans véritable surprise, les personnes qui ont accès aux prestations familles décrivent un quotidien moins lourd en démarches administratives et une plus grande maîtrise de leur situation ; c’est l’avantage de combiner une situation d’emploi fixe à ce type de dispositif. À l’opposé, les emplois précaires avec de fortes fluctuations de revenus sont totalement incompatibles avec les prestations complémentaires et les familles sont d’ailleurs plus souvent à l’aide sociale pour assurer leur subsistance économique. De manière quelque peu schématique, nous pourrions dire que les personnes les moins bien loties en termes de conditions d’emploi et de travail sont également celles qui sont engagées dans les dispositifs les plus exigeants en terme de contrepartie : elles cumulent les rendez-vous, doivent fournir des efforts conséquents pour améliorer leur situation d’emploi et sont incitées à se mettre en activité pour répondre aux exigences du système de protection sociale. Notre recherche permet également de montrer que le travail domestique et parental est un facteur de tension, notamment lorsqu’il est invisibilisé et délégitimé par les agents du système de protection sociale, mais aussi parce qu’il est totalement incompatible avec les emplois très féminisés du secteur des services. Nous avons été frappés par l’épuisement qui touche une partie des personnes, notamment par la situation des femmes seules avec enfant, qui ont l’impression de « se battre contre des moulins à vent ». De manière générale, notre enquête pose la question cruciale des inégalités et celle de la reproduction des rapports de dominations. Au vu du fonctionnement actuel du système de protection sociale helvétique, basé avant tout sur l’exercice du travail rémunéré, il y a de fortes chances que les personnes que nous avons rencontrées restent dépendantes de l’État de nombreuses années, y compris pour assurer leurs vieux jours. Les implications du cumul de revenus se posent donc également à l’échelle des parcours de vie.

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Bibliographie

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Notes

1 Enquête financée par la HES-SO intitulée « Expériences de la pauvreté laborieuse et assistance publique : étude de cas dans le canton de Vaud ».

2 Depuis 2007, l’OFS réalise une enquête pour étudier la pauvreté et l’exclusion sociale au moyen d’indicateurs comparables au niveau européen (Statistics on Income and Living Conditions). Cette enquête permet d’établir un seuil relatif de pauvreté fixé par convention au niveau de l’Union européenne à 60 % de la médiane du revenu disponible équivalent soit à 2 500 francs suisses par mois pour une personne seule et 5 250 francs pour deux adultes et deux enfants (OFS, 2014).

3 La construction statistique officielle des travailleurs et travailleuses pauvres ne tient donc pas compte des personnes ayant une insertion inférieure à cette période de référence sur le marché du travail, ce qui contribue à rendre invisible la pauvreté des travailleurs temporairement occupés ou au chômage, alors même que ce sont deux facteurs importants de paupérisation.

4 [http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/13/03/03/dos/04.Document.130145.xls].

5 Ces prestations sont actuellement à l’œuvre dans quatre cantons sur vingt-six.

6 Discutant le concept d’aliénation à la lumière du monde du travail contemporain, Lallement (2012) revient sur ses trois dimensions : l’aliénation par rapport à autrui qui se traduit par des rapports de subordination ; l’aliénation par rapport à soi, soit un enrôlement des subjectivités au service de l’activité ; et l’aliénation par rapport à l’objet, qui se traduit par une perte de maîtrise des objectifs de l’activité.

7 Discutant le concept d’aliénation à la lumière du monde du travail contemporain, Lallement (2012) revient sur ses trois dimensions : l’aliénation par rapport à autrui qui se traduit par des rapports de subordination ; l’aliénation par rapport à soi, soit un enrôlement des subjectivités au service de l’activité ; et l’aliénation par rapport à l’objet, qui se traduit par une perte de maîtrise des objectifs de l’activité.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Morgane Kuehni, Paul-Frantz Cousin et Lorraine Odier, « Les rapports à l’assistance des travailleurs et travailleuses pauvres »Sciences et actions sociales [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 15 novembre 2017, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sas/1291

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Auteurs

Morgane Kuehni

Haute École de travail social et de la santé, HETS&Sa, HES-SO, Lausanne, Suisse
morgane.kuehni@eesp.ch

Paul-Frantz Cousin

Chargé de projet participation et appropriation citoyenne, Service Ville Durable, Genève, Suisse
paul-frantz.cousin@ville-ge.ch

Lorraine Odier

Collaboratrice scientifique, Commission indépendante d'experts (CIE) Internements administratifs, Lausanne, Suisse
lorraine.odier@gmail.com

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