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Quatre glossaires pour les insectes grecs

Four glossaries for Greek insects
Arnaud Zucker

Résumés

Cet article propose un compte rendu détaillé et comparatif de quatre ouvrages scientifiques proposant un inventaire des insectes dans l’antiquité, essentiellement l’antiquité grecque : O. Keller, Die antike Tierwelt, vol. 2, 1913 ; L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo, 1959 ; M. Davies et J. Kathirithamby, Greek Insects, 1986 ; I. C. Beavis, Insects and other invertebrates in classical antiquity, 1988. Il détaille et confronte leur approche respective et leur apport à la connaissance de insectes connus et observés dans l’antiquité.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 La qualité de ces deux sommes a dissuadé les savants de proposer des refontes de ces travaux. Seul (...)
  • 2 Voir cependant, dans ce volume les orientations bibliographiques proposées par I. Draelants.

1Les chercheurs intéressés à l’entomologie grecque disposent de trois ouvrages majeurs parus entre 1959 et 1988. Ces livres, qui constituent des sortes de glossaires, mais évitent soigneusement dans leur titre d’afficher cette ambition, se réclament tous des travaux de D’Arcy Thompson sur l’avifaune (Glossary of Greek Birds, 1895) et l’ichtyofaune (Glossary of Greek Fishes, 1947), qui offrent des dictionnaires encyclopédiques de ces deux groupes d’animaux. Il manque encore leur équivalent pour les mammifères et les reptiles, puisque le deuxième glossaire de D’Arcy Thompson, sous le vocable ‘fish’ traite en fait de tous les animaux marins1. Le but du présent article est de proposer une présentation et une comparaison des ouvrages respectifs de L. Gil Fernández (1959), Malcolm Davies et Jeyaraney Kathirithamby (1986), et Ian C. Beavis (1988) sur les insectes documentés par les textes grecs anciens. A ce trio a été ajoutée la première encyclopédie moderne sur la faune antique, que l’on doit à Otto Keller (1909-1913), parce qu’elle contient un chapitre spécifique sur les insectes antiques, comparable à certains égards aux entreprises des auteurs des trois monographies. Il faut remarquer que le monde latin ne dispose pas d’ouvrages systématiques et d’outils naturalistes comparables, ni pour les insectes, ni pour les autres formes de vie2. Conformément à l’acception retenue pour le présent numéro de RursuSpicae sur « l’entomologie », j’ai envisagé, dans le même esprit que les auteurs considérés, l’ensemble des arthropodes et des vers. La nomenclature est très riche, puisqu’elle compte plus de 500 entomonymes grecs ou latins (Egan, 2014 : 180) et en dépit de leur taille menue, voire parfois microscopique, ces animaux dont l’observation est beaucoup plus délicate que celle des vertébrés, ont donné lieu à de très nombreuses observations dans l’antiquité.

  • 3 Il puise, en revanche, à sa collection de gemmes et dessins (5 pour l’orient, 10 pour la Grèce) ; v (...)

2Les compétences idéalement requises pour présenter et commenter le savoir antique sur les insectes lato sensu, sont nombreuses et rarement réunies par une seule personne. Les quatre ouvrages considérés n’abordent que marginalement deux aspects importants de l’entomologie antique : les dimensions écologiques, qui sont parfois abordées rapidement dans la littérature biologique contemporaine pour l’antiquité, et que traite Eva Panagiotakopoulou dans son ouvrage Archaeology and Entomology in the Eastern Mediterranean : Research into the history of insect synanthropy in Greece and Egypt (2000) ; et l’histoire de l’entomologie comme science. L’ouvrage de F. S. Bodenheimer, intitulé Materialien zur Geschichte der Entomologie bis Linné, comporte deux chapitres sur l’antiquité, grecque puis latine (p. 57-114), mais cette enquête généraliste et sommaire, qui n’utilise absolument pas la somme d’O. Keller3 constitue essentiellement une anthologie de citations dotée de quelques propositions d’identification, et ne comble pas cette lacune.

Quatre études

Otto Keller, le philologue folkloriste (1913)

  • 4 O. Keller, Untersuchungen über die Geschichte der griechischen Fabel, dissertation, Jahrbuch für kl (...)
  • 5 « Ueber die Bedeutung einiger Thiernamen im Griechischen und Lateinischen », conférence prononcée à (...)
  • 6 Signalons en particulier : O. Keller, Tiere des klassischen Altertums in kulturgeschichtlicher Bezi (...)

3Le premier ouvrage moderne de référence sur les insectes en Grèce ancienne est une section du livre monumental d’Otto Keller, intitulé Die antike Tierwelt et publié en deux volumes entre 1909 et 1913. Il s’agit d’un catalogue à visée exhaustive de l’ensemble des animaux documentés par les textes ou l’archéologie dans les cultures antiques. Les sources utilisées ne se limitent donc pas à l’espace gréco-romain, mais incluent à l’occasion la culture égyptienne, perse, assyro-babylonienne et hébraïque, bien que l’auteur ne donne pas de définition de l’aire historico-géographique couverte par son étude. Otto Keller est un philologue souabe (1838-1927), fils de philologue souabe (Adelbert von Keller), dont les premiers travaux portent sur la fable grecque4, mais qui est surtout connu comme un spécialiste d’Horace – ce qui lui valut d’être appelé, pour le distinguer de son père : “Horaz-Keller” –. A côté de ses recherches linguistiques (en particulier sur l’étymologie, y compris pour des noms d’animaux)5 et de son activité d’édition de textes, son intérêt pour l’archéozoologie se manifeste dans une dizaine d’études antérieures à son grand-œuvre, publiées sur une vingtaine d’années, et dans lesquelles il puisera pour son encyclopédie zoologique6. Die Antike Tierwelt reprend le format et la perspective d’un catalogue choisi d’animaux paru en 1887 : Tiere des klassischen Altertums in kulturgeschichtlicher Beziehung, dans lequel il propose une série de 25 monographies, essentiellement sur des mammifères (21, y compris le dauphin) et quelques oiseaux (4), avec des citations d’auteurs classiques.

  • 7 « Das letzte Geschöpf, das aus der Erde hervorging, war der Affe, nach ihm kam der Mensch. So wird (...)
  • 8 Sont en gras les catégories correspondant aux entoma/minuta au sens ancien.

4Si le premier volume de Die Antike Tierwelt porte exclusivement sur les mammifères, conformément au contrat d’éditeur (p. V), le deuxième volume inclut tout le reste de la faune, et en particulier les insectes, auxquels Keller ne s’était auparavant jamais intéressé. La volonté d’offrir un catalogue complet de la faune, selon le même mode monographique et encyclopédique hérité de la tradition germanique et adopté pour le premier tome, est la raison intellectuelle du second volume, paru quatre ans après le premier. Keller commençait son catalogue par les quadrumanes, et plus précisément les singes, car ce sont « les dernières créatures issues de la terre, avant l’homme », comme le rappelle la phrase introductive du livre7. On peut penser que les insectes qui occupent la fin du deuxième volume, juste avant les arachnides et les cœlentérés, n’ont pas un pedigree aussi noble. Keller, qui fait précéder son catalogue d’une brève présentation de ce qu’il nomme le « Zoologisches System des Aristoteles », suit globalement et sans s’en expliquer une classification d’inspiration linnéenne (avec des ajouts postérieurs, comme l’ordre des Insectivora, introduit par Cuvier et aujourd’hui caduc). Les insectes (Insekten-Insecta), suivent dans l’ouvrage les vertébrés ; ils occupent 61 pages (p. 395-460), et sont répartis en Hemiptera, Coleoptera, Hymenoptera, Lepidoptera, Diptera et Orthoptera. Keller propose 24 entrées, en allemand, pour des groupes d’insectes, d’un niveau taxinomique très variable, de l’ordre (Käfer) ou du sous-ordre (Fliege) à l’espèce (Bombyx mori, Vespa crabro, Tinea (vel Nemapogon) granella). Il propose à la suite les chapitres suivants8 : Spinnentiere (Arachnida), Tausendfüssler (Myriapoda), Krebstiere (Crustacea), Würmer (« Vermes »), Stachelhäuter (Echinodermata), Schlauchtiere (Coelenterata). Les chapitres sur les arachnides (p. 461-479), les myriapodes (p. 481-483), et les vers (p. 501-505) comptent respectivement 2 (araignées, scorpions), 3 (centipèdes, polychètes et isopodes, en particulier cloportes) et 4 entrées (lombriciens, nématodes, sangsues, helminthes).

  • 9 « Den Insekten haben die Alten der klassischen Epoche im allgemeinen wenig wissenschaftliches Inter (...)

5Keller donne pour objectives les raisons de son faible intérêt scientifique personnel pour les insectes, dans le paragraphe qui ouvre son chapitre sur ces animaux : « Les anciens de l’époque classique n’ont généralement pas accordé beaucoup d'intérêt scientifique aux insectes. Même les données de leur plus grand zoologiste contiennent quelques erreurs, contradictions et ambiguïtés frappantes, sur lesquelles les écrits de Sundevall, Aubert et Wimmer, Heck entre autres peuvent informer le lecteur. Si nous voulions entrer ici dans tous les détails obscurs et controversés, le volume de ce livre serait considérablement amplifié, et il deviendrait par là même déplaisant à la grande majorité des lecteurs »9.

  • 10 431 notes pour 586 pages de texte pour le second volume.
  • 11 Voir Keller 1913 : 482 : « Aristoteles unterscheidet Landtausendfüssler, σκολόπένδρα χερσαῖα und (...)
  • 12 Cet index, qui ne donne que le numéro de page initial des sections consacrées aux animaux, inclut d (...)
  • 13 Voir J. E. Sandys (« [review] Die antike Tierwelt », The Classical Review, 28, 1914, p. 56) : « A f (...)

6Sa perspective est très fonctionnelle, considérant que l’attention des Grecs était proportionnelle à l’utilité ou à la nocivité de ces animaux. Pareillement il propose une suite de monographies de longueur et de précision inégales, agrémentées d’illustrations (photos, dessins, antiques et modernes), 20 au total pour les insectes et myriapodes. Keller s’intéresse surtout à l’histoire culturelle et propose une synthèse de la documentation ancienne, avec très peu de références littéraires précises, et aucune réflexion sur le statut différent des types de sources utilisés (une image, une donnée aristotélicienne ou un vers de Pindare sont logés à la même enseigne). Comme le suggèrent également l’avant-propos et la quasi-absence de notes10, l’auteur a l’ambition de toucher un large public, et cet effort de vulgarisation peut expliquer certains choix comme le grand nombre d’anecdotes historiques rapportées, le faible intérêt porté aux zoonymes eux-mêmes (sauf pour de brèves remarques étymologiques), l’absence de considération pour les identifications (comme si l’affaire était tranchée largement par les ouvrages de Sundevall et d’Aubert et Wimmer)11, et le grand nombre de rapprochements faits avec la faune actuelle, surtout de l’espace germanique, nettement influencés par les études folkloristes allemandes du 19e siècle. L’ouvrage contient un index des zoonymes (“Register”) de cinq pages pour les deux volumes12, exclusivement en allemand, ce que regrette un de ses commentateurs13 ; l’index a été dressé par un professeur de lycée (Rudolph Rembs), remercié dans la préface au premier volume (IX). Cette lacune fut comblée en 1920 par Eugen Staiger, qui publia chez le même éditeur (Engelmann) un troisième volume intitulé « Gesamtregister », qui contient un index complet en 46 pages.

Gil Fernández, le linguiste (1959)

  • 14 « Ni que decir tiene que ceñirse en una obra de tipo lingüistico como la nuestra al concepto cient (...)
  • 15 W. Prellwitz, Etymologisches Wörterbuch der Griechischen Sprache, 1905 ; E. Boisacq, Dictionnaire é (...)
  • 16 P. Chantraine propose du livre une recension favorable, malgré quelques critiques de détails (« [co (...)
  • 17 H. Aubert - F. Wimmer, Aristoteles Tierkunde. Kritisch-berichtigter Text mit deutscher Übersetzung, (...)
  • 18 C. J. Sundevall, Die Thierarten des Aristoteles : von den klassen der säugethiere, vögel, reptilien (...)
  • 19 Le mot apparaît seulement dans certains manuscrits de l’Histoire des Animaux d’Aristote, en HA 6.28 (...)
  • 20 Ce lemme s’appuie sur un fragment d’Aristophane (583 Kock), et est identifié par Photius comme un s (...)

7Alors que l’œuvre encyclopédique de Keller incorporait une section sur les insectes, l’ouvrage de Luis Gil Fernández, Nombres de insectos, paru en 1959 et issu d’une thèse de linguistique (soutenue en 1956), est le premier travail entièrement consacré à l’entomologie antique. Il constitue une recherche surtout étymologique et lexicologique sur les noms d’insectes au sens large. L’acception « la plus vulgaire » qu’il retient du terme “insecto” se fonde sur des considérations théoriques : « ce ne sont pas les théories scientifiques, mais les conceptions populaires qui déterminent le travail créateur de la langue »14. L’auteur insiste d’ailleurs sur le fait que les insectes ont enflammé l’imagination onomastique et que peu de domaines de la réalité ont inspiré une fantaisie créatrice aussi abondante (p. 6) : au total, il passe en revue plus de 350 noms et épithètes. Une des vertus de cet ouvrage est de proposer un état des lieux et de rassembler une documentation dispersée dans des études particulières, en tenant compte des lexiques étymologiques généraux (Prellwitz, Boisacq, Frisk, Chantraine, Schwyzer, Hofmann)15, mais en inventoriant de nouveaux mots, et en s’attachant à préciser le sens de certains termes, y compris contre des lexiques traditionnels. Ce livre loué par ses recenseurs est régulièrement cité et utilisé comme une autorité par P. Chantraine dans son Dictionnaire étymologique (DELG)16. Même s’il oppose sa méthode à celle de D’Arcy Thompson, alors que ses successeurs, Davies – Kathirithamby et Beavis se réclameront ouvertement de ce modèle de guide naturaliste, Gil Fernández reconnaît néanmoins avoir voulu réunir le plus possible d’identifications pour les noms étudiés. A ce titre il s’appuie largement sur les ouvrages de Aubert - Wimmer (cité une dizaine de fois)17, de Sundevall18 (cité une vingtaine de fois) et surtout de Keller (cité plus de cinquante fois), et il donne une longue bibliographie de ses sources (sur plusieurs pages) dans la note 5. L’auteur s’appuie souvent sur des remarques étymologiques pour asseoir des identifications, et il prend part à des débats sur la reconnaissance d’entomonymes : il rejette ainsi les termes ἱππομύρμηξ (p. 55)19, ou μυλαβρίς (p. 169-170)20, et en confirme d’autres comme τριγόνιον (p. 124) ou ὑδροφόροι (p. 174-175).

  • 21 « doctas indicaciones » (p. 13).
  • 22 « esa inmensa legion de pequeños pobladores de la naturaleza que son los insectos » (p. 2).
  • 23 Voir L. Deroy « [compte rendu] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », L’Antiqui (...)
  • 24 « Die romanischen Namen der Körperteile. Eine onomasiologische Studie », Romanische Forschungen 14, (...)

8Cet ouvrage qui saisit les insectes par leur nom et ne comporte aucune illustration, ne s’intéresse pas à l’histoire culturelle et indirectement seulement à l’histoire naturelle, même si l’auteur reconnaît quelque dette à l’égard de son père, célèbre entomologiste, qui est remercié dans son introduction pour ses remarques savantes21. Il s’attache fondamentalement à classifier étymologiquement et sémantiquement les appellations d'insectes22, attestées dans les textes grecs anciens d’Homère jusqu’aux Etymologica byzantins23. Il dresse l’inventaire sans surprise de ses sources majeures, parmi lesquelles figure l’œuvre d’Elien (qu’il intitule à tort Περὶ ζῴων ἱστορίαι, et qu’il juge « absurde » mais de valeur inappréciable « malgré ses défauts », p. 15). Gil Fernández situe son travail dans la perspective théorique des travaux d’Adolf Zauner, inventeur de l’onomasiologie (ou Bezeichnungslehre)24, qui entend partir des idées ou des objets du monde pour en repérer les expressions dans la langue. Cet engagement théorique se manifeste jusque dans le titre donné par Gil Fernández à son index final : “Indice onomasiológico”, qui n’est rien de plus qu’un index des noms d’animaux en grec. Mais lorsque le domaine étudié est une partie du monde naturel, cette approche, qui part des « idées » ou concepts, est problématique et en partie inapplicable : que sont les idées (« una idea determinada o un grupo de ideas », p. 4), s’agissant d’insectes ?

  • 25 « …reunir et interpretar a la luz de las consideraciones lingüísticas e histórico-culturales las di (...)
  • 26 R. Fohalle, « Noms ďanimaux et noms de plantes en grec ancien », Serta Leodiensia, Bibliothèque de (...)
  • 27 R. Strömberg, Studien zur Etymologie und Bildung der griechischen Fischnamen, Göteborg, 1943 ; R. S (...)
  • 28 Ce résumé se fonde sur les analyses de Strömberg 1943 : 98-125.
  • 29 Récapitulant ses résultats, Strömberg affirme l’importance de l’apparence physique et la pluralité (...)
  • 30 Parfois, c’est indéniablement le souci d’expliquer qui, pour Gil Fernández comme pour Strömberg, po (...)
  • 31 Voir Aristote, HA 8(9).6.612a17-20 ; Elien, NA 3.22 ; Plutarque, De Sollertia animalium 966D…
  • 32 Οἱ δὲ σφῆκες οἱ ἰχνεύμονες καλούμενοι (εἰσὶ δ' ἐλάττους τῶν ἑτέρων) τὰ φαλάγγια ἀποκτείναντες φέρου (...)
  • 33 A. Scherer, « [rezension] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », Gnomon, 33/2, (...)

9C’est surtout aux études de Fohalle et de Strömberg que Gil Fernández emprunte sa méthode, qui vise à identifier les sèmes déterminants pour la création d’un zoonyme à partir d’un nom ou d’une racine de la langue25. R. Fohalle insiste sur les transferts onomastiques à l’intérieur du domaine animal26, tandis que R. Strömberg se propose, pour les poissons, d’identifier tous les sèmes-pivots responsables de la dénomination27. Dans son étude des ichtyonymes grecs, Strömberg identifie pour les dénominations les sèmes suivants28 : la couleur, la taille, l’apparence générale, des ressemblances physiques particulières entre parties anatomiques homologues (queue, tête, proéminences de graisse, de lèvres, etc.), des ressemblances entre parties anatomiques non analogues, des vertus physiques, des propriétés alimentaires, des propriétés nocives, des caractères génériquement inhabituels (comme la possession de poils pour un animal marin ou la voix pour un poisson), des traits de comportement particuliers (comme la peur de la lumière, le parasitisme, etc.)29. Gil Fernández propose une typologie resserrée et répartit les entomonymes d’origine grecque en six catégories correspondant à six angles de déplacement métonymique : l’aspect de l’animal, sa forme ou sa couleur, son activité, ses particularités biologiques ou écologiques, un déplacement anthropocentrique, et un registre de projections symboliques ou religieuses. L'inconvénient manifeste de cette typologie est de choisir comme principe d’organisation ce qui justement fait problème : le trait-pivot ou la motivation, d'autant que l’auteur envisage rarement la possibilité d'une dénomination motivée par plusieurs traits30. Son appréciation du zoonyme ἰχνεύμων (p. 176) est typique des limites de cette approche. Gil Fernández attribue cette dénomination, pour une sorte de guêpe, au vocabulaire des chasseurs (rastreador = traqueur). Aristote signale qu’à la différence de la plupart des insectes qui sont des proies des araignées, ce genre de guêpe est un prédateur d’araignées ; mais il est probable qu’il s’agisse moins d’un vocable cynégétique que d’une désignation métonymique qui se réfère plutôt ou également à la mangouste (ichneumon), puisque cette guêpe, qui s’attaque aux araignées, naît dans une gaine de boue qui protège son nid, de même que l’ichneumon s’enduit de boue avant de combattre le crocodile ou le cobra31 : « Les guêpes appelées ichneumones (qui sont plus petites que les autres) emportent les araignées qu’elles ont tuées dans un mur ou une autre paroi pourvue de trous : elles enduisent le lieu de boue et pondent dedans, et il en naît les guêpes ichneumones »32. La rubrique “métaphores anthropomorphiques” est également très contestable, comme le note déjà A. Scherer33.

10Outre ces six sections thématiques, Gil Fernández traite des mots d’origine indo-européenne (chap. 2) et des entomonymes d’origine étrangère ou obscure (chap. 9). Les premiers sont peu nombreux (7), mais majeurs : ψύλλα (puce), μυῖα (mouche), μύρμηξ (fourmi), ἀράχνη (araignée), σφήξ (guêpe), κόνις (lente), ῥόμος (ver). Le dernier chapitre réunit une abondance de termes qui n’ont pas reçu d’explication étymologique satisfaisante et que Gil Fernández renvoie souvent à l’hypothèse “pélasgique”.

  • 34 Ainsi R. Egan (auteur d’un petit article sur « Insects » dans G. L. Campbell (ed.), The Oxford Hand (...)

11Même s’il insiste sur l’importance méthodologique de la chronologie d’apparition des noms (p. 11), l’auteur s’appuie assez peu sur l’ordre de l’enregistrement ou de la désignation des animaux, mais il tient compte des variantes dialectales quand elles sont connues. L’étude du lexique dans chaque chapitre procède par association d’idées et suit une logique thématique et non alphabétique, comme pour les noms d’animaux « tirés du pouvoir destructeur de l’animal » (108-120) : δήξ, δόρκα, δάπτης, βδέλλα, κόρις, κάρ, σκορπίος, κρανοκολάπτης, κεφαλοκρούστης, (σ)κνίψ, θρίψ, τερηδών, ἴξ, ἴψ, ψήν, ψώμηξ, φθείρ, σάθραξ, σής. Cet ouvrage fondamental est la base des deux glossaires britanniques postérieurs, qui l’utilisent abondamment, même si l’ouvrage pénètre peu dans les milieux anglo-saxons34.

Davies-Kathirithamby, le couple poético-entomologue (1986)

  • 35 La liste des titres usuels abrégés dans l’ouvrage ne comporte que des revues et ouvrages classiques
  • 36 Pour ce dernier, il s’agit de l’ouvrage Griechische Wortstudien Untersuchungen zur Benennung von Ti (...)
  • 37 M. Davies, « Kinkel Redivivus. » The Classical Review, 39/1, 1989, p. 4-9.

12Une génération après le lexique de Gil Fernández paraît un petit livre sur les insectes, stricto sensu, qui associe deux auteurs, déjà unis à la ville et collègues oxfordiens : Malcolm Davies et Jeyaraney Kathirithamby. Le premier (au département d’études classiques du St John’s College) est un éditeur de textes poétiques grecs et la seconde (au département de Zoology du St Hugh’s College) une entomologiste spécialiste des Strepsiptera. De cette collaboration scientifique sans suite est issu un ouvrage au tropisme très nettement littéraire35. Les trois références bibliographiques principales (p. IX, XIII) sont Gil Fernández, Chantraine et Strömberg36. L’ouvrage souffrit probablement de la concurrence du livre de Ian Beavis paru deux ans plus tard et qui eut sans doute raison de la volonté des auteurs de proposer une suite et un complément à leur travail. Par une malice du destin, Malcolm Davies connaissait d’ailleurs sur un autre front une déconvenue similaire : l’année où paraît l’ouvrage de Beavis (1988), Davies édite les fragments des auteurs épiques grecs (édités chez Vandenhoeck u. Ruprecht, Göttingen), et connaît le désagrément d’être cette fois coiffé au poteau par une édition parue quelques mois auparavant des mêmes poètes épiques par A. Bernabé (dans la prestigieuse collection Teubner) ; il s’en venge en publiant presque aussitôt une recension féroce dans la Classical Review, où il prédisait une réplique sanglante (pourtant jamais émise) de son concurrent dans Emerita37.

  • 38 Voir I. Beavis 1988 : IX.
  • 39 Voir en particulier H. Gossen, « Käfer », RE, VIII, 1956, col. 235-242 ; Id., « Heuschrecke », RE, (...)

13Le tandem responsable de l’ouvrage laisse espérer un approfondissement de l’approche naturaliste des textes, mais cet espoir est totalement déçu : les auteurs ne proposent aucune identification nouvelle, et s’abstiennent même le plus souvent de discuter les identifications proposées par leurs prédécesseurs38, se contentant de renvoyer à celles que propose D’Arcy W. Thompson en notes de son édition de 1910 de l’Histoire des Animaux. Ainsi les propositions de Sundevall et Aubert/Wimmer (cités respectivement une et deux fois seulement dans tout le livre et sans doute de manière indirecte) ne sont jamais utilisées. Si Davies et Kathirithamby critiquent à juste titre les érudites mais vaines identifications tous azimuts de la Realenzykopädie (la “Pauly-Wissowa”), généralement dues à Hans Gossen39, ils se désintéressent de la question. Cette indifférence est d’autant plus étrange que les auteurs affirment dans leur préface que l’enjeu principal d’une étude sur les insectes en Grèce ancienne est précisément l’identification des animaux. Ils ajoutent dans un ordre qui a son importance les enjeux selon eux d’une telle enquête : l’étymologie, le folklore, les aspects religieux, les autres aspects culturels (p. VII).

  • 40 Sur la page d’accueil de J. Kathirithamby on peut lire : « Dr Kathirithamby co-authored a book on G (...)
  • 41 S. Byl, Recherches sur les grands traités biologiques d’Aristote : sources écrites et préjugés, Bru (...)

14L’ouvrage s’attache au fond surtout aux aspects folkloriques de l’entomologie antique, un penchant nourri dans le monde anglo-saxon chez les spécialistes de littérature orale ou archaïque (net et fécond chez Milman Parry), et propose des parallèles avec des romans, des films et le folklore contemporains pour donner un aspect comparatif (et sans doute plus attirant) à l’enquête. Il accorde une bonne place à l’illustration (37 images), dans l’esprit de l’ouvrage de Keller. Quant à la place des insectes dans l’art, qui constitue la dernière section de l’introduction, elle est mise en valeur par les auteurs40. Une introduction copieuse propose trois aperçus sur l’entomologie antique : elle commence par un exposé sur le rôle des insectes dans la fable, comme si Esope, représentant de la tradition orale, était le témoin le plus ancien de la connaissance antique des insectes ; elle offre ensuite un survol de la présence des insectes dans la poésie homérique, puis dans toute la poésie grecque, genre après genre, jusqu’à l’époque alexandrine ; enfin, avant une section compacte de six pages illustrées sur les témoignages artistiques antiques, les auteurs proposent une critique de la biologie aristotélicienne, considérée comme un témoignage folklorique, en suivant l’ouvrage à charge (et très marqué idéologiquement par le positivisme de son auteur) de S. Byl41 : « Aristotle is literally the first entomologist, in as much as he is the first author to use the word entomon » (sic, p. 18). Les seuls auteurs en prose signalés dans l’introduction, mis à part Aristote, sont deux auteurs censés représenter la biologie post-aristotélicienne : Elien, présenté en un rapide paragraphe, et Plutarque, expédié en six lignes.

  • 42 Les travaux sur Pline, même modestes (tels H. B. Weiss, « The Entomology of Pliny the Elder », Jour (...)
  • 43 Tout au plus note-t-on quelques mentions éparses d’Ovide, de Phèdre ou d’auteurs ‘out of the way’ c (...)

15Le livre porte donc sur les insectes littéraires, de préférence issus de la tradition poétique, et se présente comme un travail essentiellement au service des textes, et conçu comme une partie un peu technique de commentaire littéraire. Aucune référence n’est faite à l’archéozoologie (p. XI) et les citations anciennes sont réduites au minimum, avec des références sélectives, dans un exposé qui se dispense, aristocratiquement, de citer « too many obscure and out of the way authors » (p. XII), et s’appuie essentiellement sur la littérature secondaire. Seuls les textes grecs sont envisagés, à l’exception de Pline (HN livre 12)42, mais les textes chrétiens, hors de la zone de confort du philologue de l’équipe sont également omis43.

  • 44 Il y a un manque de cohérence dans la translittération de l’upsilon : parfois i, parfois u, parfois (...)
  • 45 Krimbas 1988 : 229 signale cette incohérence, qui manifeste selon lui le défaut principal de l’ouvr (...)

16Le corps du texte se présente comme un glossaire et se compose de 14 chapitres, consacrés à des ensembles zoologiques correspondant à des catégories populaires anglo-saxonnes (fly, beetle, gnat…) arrangés par ordre alphabétique (de ant à mantis) : fourmi ; punaise de lit ; abeille et guêpe ; coléoptère (beetle, cockchafer) ; termite ; papillon (butterfly, moth) ; cigale ; criquet et sauterelle (cricket, grasshoper, locust) ; puce ; mouche ; moucheron et moustique (gnat, mosquito) ; prasocouris ; pou (louse) ; mante religieuse. Tous les mots grecs sont translittérés et n’apparaissent jamais en alphabet grec dans l’ouvrage, y compris dans l’index général qui le conclut44. La logique anglo-saxone écrase tout et le pyrolampis (vel pygolampis, ou « lampe de fesses » : HA 4.1.523b21), autrement dit le ver luisant (ou lampyre), qui est clairement un coléoptère, est rangé parmi les mouches (flies, p. 158), sans doute parce que son nom anglais est fire-fly45. Chaque chapitre est organisé en sections thématiques qui permettent de présenter les caractéristiques des animaux de manière plutôt encyclopédique, et à la manière de Thompson, mais en paraphrasant seulement les témoins antiques sans proposer de citations grecques ou de traductions. Les rares citations présentes sont généralement celles de biologistes contemporains sur la validité des remarques antiques. Les auteurs ne dédaignent pas les rubriques résiduelles ou fourre-tout comme « Legend, folk-tale and fable » (p. 42, voir p. 66), « metaphor » (p. 111, 161) ou « symbolism and metaphor » (p. 103, 153), voire « Miscellanea » (p. 44, 78, 107).

  • 46 Cette formulation confond catégorie ancienne et nom moderne (il n’y a pas d’ « insectes grecs »; vo (...)
  • 47 J. Scarborough, « [review] Greek Insects by Malcolm Davies and Jeyaraney Kathirithamby », The Coleo (...)
  • 48 W. Seavey, « [review] Greek Insects by M. Davies and J. Kathirithamby » Classical Journal, 1991, p. (...)

17Les animaux étudiés sont donc les insectes au sens strict, mais les auteurs avaient le projet de traiter les insectes « au sens grec » (sic) : « our original plan was to include all animals which the Greeks (as opposed to modern science) regarded as insects […] we plan to extend our study to Greek ‘insects’ (as well as insects less often noticed in Greek antiquity) » (p. XI)46. Le texte, qui s’ouvre sur une citation de L. Bodson, se conclut par un passage de Henri (scil. Jean-Henri) Fabre, suivi d’un index des articles et ouvrage modernes signalant toutes les pages dans lesquelles un auteur est cité, mais sans donner le titre des articles ni leur pagination, et d’un index général mêlant noms propres, thèmes, noms vulgaires et binoms linéens d’animaux. Cet ouvrage pour non spécialistes reçoit de J. Scarborough47, expert en la matière, un compte rendu bref et peu élogieux, qui lui reconnaît cependant le mérite d’offrir « an essential beginning bibliography »… même si les années données dans les notes pour les références modernes sont souvent fausses…48.

Ian Beavis, le spécialiste (1988)

  • 49 L. Bodson, « [review] Greek Insects by M. Davies and J. Kathirithamby ; Insects and Other Invertebr (...)
  • 50 « Data collected and discussed by the ancient Greek entomologists have never been methodically exam (...)
  • 51 Cette image, qui figure sur la couverture du livre de Beavis, représente une mante religieuse. J.-L (...)
  • 52 La troisième recension de l’auteur (L. Bodson 1991), parue dans Latomus, est une reprise littérale, (...)
  • 53 L. Bodson reproche à Beavis de ne pas traiter des anthroponymes à noms d’insectes, mais ces noms ou (...)
  • 54 L. Gil Fernández, « [review] Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by Ian C. Beavi (...)

18Moins de deux ans plus tard paraît le livre de Ian Beavis, issu, comme dans le cas de Gil Fernández, d’une thèse soutenue à Exeter en 1984, soit deux ans avant la parution de l’ouvrage de Davies et Kathirithamby. Beavis, qui termine la rédaction en juillet 1987, explique cette parution par une coïncidence et présente les deux concurrents comme “complémentaires”. C’est ainsi que les définit aussi L. Bodson, dans la première des trois recensions qu’elle consacre à l’ouvrage49. La zoologue liégeoise, qui en 1983 appelait de ses vœux un glossaire sur les insectes dans la tradition grecque50, a dû être embarrassée lors de la rédaction de ses recensions : citée en exergue du livre de Davis et Kathirithamby qui entendent la satisfaire, elle est plus à l’aise avec l’ouvrage vraiment scientifique de Beavis, qui lui emprunte la seule illustration de son livre (un didrachme de Métaponte représentant un criquet)51, et qui devint par la suite guide naturaliste et conservateur de recherche (research curator) à la bibliothèque du Musée de l’ancienne bibliothèque de Tunbridge Wells (The Amelia Scott). La première recension (brève) qu’elle propose porte sur les deux livres, dans The Classical Outlook, le journal officiel de l’American Classical League, surtout destiné aux professeurs du secondaire et attaché à la dimension pédagogique, où elle avait publié son appel à une synthèse naturaliste quelques années auparavant. Sa seconde recension, parue dans L’Antiquité classique, « Revue interuniversitaire d’études classiques », soutenue par le FNRS belge, est seulement consacrée au livre de Beavis et significativement intitulée « Une contribution propice au renouveau de l’histoire de l’entomologie antique »52. Les quelques reproches adressés par Bodson sont négligeables53. Un compte rendu descriptif et élogieux de Gil Fernández lui-même, en allemand, dans Gnomon, garde entre les deux ouvrages une neutralité diplomatique54.

  • 55 « to establish, so far as it is possible to do so, the probable identifications of the numerous ins (...)
  • 56 Voir L. Lacroix (« [recension] D’Arcy Wentworth Thompson, A Glossary of Greek Fishes », L'antiquité (...)

19L’ambition de Beavis est double : établir des identifications des zoonymes et rassembler toute l’information naturaliste antique sur les insectes et autres invertébrés55. Il propose donc un véritable catalogue des invertébrés, dans la lignée des glossaires de Thompson, en saisissant les animaux par leur nom, mais avec l’intention d’y voir au bout l’animal vrai. Il ne comporte aucune image, alors que les modèles proposés par les glossaires de D’Arcy Thompson en contiennent, ainsi que l’ouvrage de Keller et celui de Davies/Kathitiramby. Il s’intéresse, en effet, uniquement aux textes et n’aborde ni les gemmes, ni les monnaies, ni la céramique ou les mosaïques, mais il passe la documentation littéraire grecque et latine au peigne fin, y compris les Hippiatrica, les Geoponica, et les lexiques byzantins. La précision « in classical Antiquity » dans le titre peut être trompeuse car le corpus de Beavis s’étend jusqu’à Isidore de Séville en latin et s’appuie beaucoup sur les lexiques byzantins (Hésychius…) et latins (Corpus Glossarium Latinorum = C.Gl.L.). Il est le seul à intégrer les travaux des historiens des sciences (comme Bodenheimer 1928), et il est significatif que la paléoécologue E. Panagiotakopoulou, dans sa somme sur Archaeology and Entomology in the Eastern Mediterranean (2000) mentionne Beavis pour les questions terminologiques ou d’identification, et ne se réfère à Davies et Kathirithamby que pour les illustrations. Beavis s’intéresse beaucoup aux questions économiques et sanitaires des invasions et infestations d’insectes et exploite tout particulièrement la documentation médicale, vétérinaire, agricole et pharmaceutique. Son choix d’intégrer des invertébrés terrestres (mais non pas tous), et d’élargir à un ensemble zoologique plus pertinent culturellement, correspond finalement au projet de ses deux prédécesseurs, et à l’esprit de D’Arcy Thompson, qui dans son glossaire des poissons intégrait cétacés, mollusques, crustacés et testacés56.

  • 57 Pour l’araignée (ἀράχνη, araneus), voici le programme suivi : (1) Identification, (2) Life history, (...)
  • 58 Voir A. Thomas, « Le Laterculus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique roman », Romania, (...)

20L’organisation de l’ouvrage suit globalement les grands axes de la taxinomie linéenne (annélidés, arthropodes, arachnides, insectes), et étudie systématiquement en 55 chapitres tous les lemmes désignant les formes adultes ou larvaires des insectes, parfois en commençant l’inventaire des noms par le lexique latin. La structure des chapitres et les intitulés des rubriques varie selon les groupes d’animaux et la richesse des données, mais les deux rubriques initiales sont systématiquement « l’identification » (1), où sont donnés tous les noms du groupe d’animaux considéré, et « l’histoire naturelle » générale (2, life history)57. La dernière section réunit en 15 chapitres des insectes problématiques : non identifiables ou probablement fabuleux (Unidentifiable and fabulous insects and invertebrates) ; et deux chapitres additionnels rassemblant respectivement les noms d’insectes donnés par les lexicographes grecs et non traités précédemment, et les noms figurant dans la liste de 62 noms latins d’insectes figurant dans le Laterculus de Polemius Silvius daté du 5e siècle58.

  • 59 S. Byl (« Aristote et le monde de la ruche », Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1978, 56/1, (...)

21Trois indices soignés de zoonymes (en grec, en latin, en anglais), l’index des termes grecs réunissant à lui seul près de 350 mots, facilitent la navigation. L’ouvrage présente une lacune remarquable, à la fois volontaire et surprenante, qui concerne l’abeille : Beavis qui justifie cette ellipse par « la place disproportionnée » (p. 15) qu’exigerait son intégration dans l’ouvrage, renvoie simplement au livre de Davies – Kathirithamby (p. 47-72). Il est vrai que cet insecte occupe, par son statut d’animal domestique et « divin », une place exceptionnelle dans l’entomologie et majeure dans la faune grecque59.

Mises en perspectives des différences

22Pour mieux comparer les perspectives différentes des quatre auteurs, nous envisageons leur traitement de quatre situations : leur rapport à la catégorie et au mot d’entomon ; leur définition du terme général skōlex ; leur traitement d’un animal particulier (le pou) ; leur position à l’égard des problèmes d’identification.

L’entomon dans les quatre glossaires

  • 60 HA 1.1.487a32.
  • 61 HA 4.1.523b13-21 ; voir A. Zucker, Les classes zoologiques en Grèce ancienne : D’Homère (VIIIe av. (...)

23Le mot grec entomon (uniquement employé au pluriel sous la forme entoma) est en grec une proposition savante d’Aristote pour embrasser un ensemble d’animaux résiduels, essentiellement terrestres, dont la définition reste approximative dans ses écrits. Théoriquement réservé aux animaux qui présentent des “sections” (tomai)60 « et qui n’ont pas une partie osseuse et une partie charnue séparée, mais une substance intermédiaire » (insectes et autres arthropodes, à l’exception des crustacés marins), le terme s’étend en fait aux vers (nématodes, platodes et annélides)61. Mais il s’agit d’un lemme uniquement adopté dans l’antiquité par les auteurs spécialisés, naturalistes et philosophes (et lexicographes), et il ne constitue pas une catégorie « populaire ».

  • 62 Sur la notion variable d’insecte dans la zoologie populaire européenne, voir M. Albert-Llorca, « D’ (...)
  • 63 Πάντων μὲν οὖν κοινὰ μέρη ἐστὶ τρία, κεφαλή τε καὶ τὸ περὶ τὴν κοιλίαν κύτος καὶ τρίτον τὸ μεταξὺ τ (...)
  • 64 Sur ces termes, voir A. Zucker 2005 et P. Marciniak dans ce numéro, ainsi que dans l’article « Byza (...)

24Keller traite ce terme spécial comme un pur équivalent du taxon moderne d’insecte et ne l’emploie que dans le titre de la section consacré à cette classe (« Insekten, ἔντομα, Insecta », p. 396). Gil Fernández (p. 9-10) considère le terme espagnol insecto comme un « calque du terme grec entomon » (calcos de la palabra griega entomon), ce qui est linguistiquement correct si l’on précise que c’est à travers le calque latin, mais il estime, en outre, qu’il s’agit d’une catégorie existant dans « la conscience populaire », c’est-à-dire largement partagée par les locuteurs des sociétés modernes, correspondant à “bicho”, “bug”, “Ungeziefer”, “vermine”62. Cette assimilation rapide justifie pour lui le corpus élargi qu’il traite dans son ouvrage, mais le terme ne donne pas lieu à un examen plus fin, et ne figure pas dans son index. Il signale deux autres termes, κνίψ et σέρφος (p. 10), mais aucun de ces deux mots, comme il le reconnaît lui-même (p. 112-114), et malgré l’interprétation de Sundevall (1863 : 193), ne désigne globalement les insectes, même si le genre qu'il recouvre est indéterminé ou divers. Davies et Kathirithamby discutent le vocable aristotélicien (p. 18-19), précisant qu’il englobe les vers, araignées, scorpions et myriapodes mais rappelant une définition plus restrictive que propose également Aristote : « Les entoma ont tous en commun trois parties : la tête, le tronc au niveau de l’estomac, et une troisième partie intermédiaire correspondant à la poitrine et au dos chez les autres animaux. Chez la plupart des entoma il s’agit d’une partie unifiée, mais chez les entoma longs et à nombreuses pattes cette partie intermédiaire est divisée en presque autant d’unités qu’il y a de segments »63. Quant à Beavis, il omet entièrement le terme. Aucune des quatre études ne s’intéresse, en fait, aux classèmes généraux, pas plus aux termes employés par Aristote (κολεόπτερα, πτίλωτα, etc.), qu’aux termes courants comme les diminutifs θηρίδιον, θηράφιον, ζῴδιον, ζῳδαριδίον… ou les lexèmes ἕρπετον ou θηρίον souvent convoqués pour désigner des insectes64.

Qu’est-ce qu’un skōlex ?

  • 65 Voir A. Zucker 2005 : 95-97.
  • 66 C’est le premier usage identifié : Homère, Iliade 13.654, où il s’agit sans doute de Lumbricus terr (...)
  • 67 W. Capelle (« Das Problem der Urzeugung bei Aristoteles und Theophrast und in der Folgezeit », Rhei (...)
  • 68 Dans le Lexique d’Hésychius le terme apparaît néanmoins souvent dans le syntagme εἶδος σκωλήκος pou (...)
  • 69 « Begriffsverwandt ist σκώληξ, ein Wort für sich bewegende Insektenlarven aller Art, etymologisch (...)
  • 70 La description est reprise par Aristophane de Byzance, Épitomé 1.36. Cf. Athénée, Deipnosophistes 8 (...)
  • 71 Voir en particulier p. 96-98 (l’index donne une pagination erronée : 120-123).
  • 72 « in Greek usage the more general term σκώληξ, which covers also insect and invertebrate larvae ».
  • 73 Voir surtout p. 122-128, 133-134, cf. 256.
  • 74 HA 5.19.552b8-9.

25Le terme courant qui rend le mieux compte de la forme de vie traitée dans les quatre ouvrages est le mot σκώληξ, qui évoque la reptation et le grouillement, et qui est diversement interprété par les auteurs. Il exprime l’angle sous lequel toutes les petites bêtes forment une classe unique : les insectes à l’état larvaire65. Cependant, il s’applique, en fait, littéralement, aux vers de terre ou assimilés (annélides, myriapodes, etc.)66, qui ne connaissent pas de métamorphose, et aux larves d’insectes67, mais généralement pas aux adultes68. Keller (p. 503) le rapproche de vermis mais restreint son usage aux vers69. Gil Fernández signale seulement qu’il peut « s’appliquer à toute espèce de vers ou de larve » (p. 147) sans l’intégrer à son index, et il n’en fait pas un usage méthodique, sans doute en raison de son imprécision. Davies et Kathirithamby, quant à eux, s’intéressent de plus près au terme, qu’ils mentionnent à plusieurs reprises (p. 38, 95, 96, 102, 108, 175), en particulier parce qu’il désigne une étape régulière de la métamorphose des insectes. Ils rappellent (p. 102) qu’il nomme le premier état du développement de l’insecte qui, d’après un passage d’Aristote (HA 5.19.551b12)70 suit l’ordre suivant : σκώληξ > καμπή > βομβυλιός > νεκύδαλλος. Cependant ils restreignent la valeur du terme, dans leur index, au sens de perce-bois ou vrillette (wood borer)71. L’identification précise des espèces que ce terme nomme ou annonce est toujours problématique. Beavis, quant à lui, insiste sur l’extension du terme (p. 1)72, son sens général de larve (p. 122), et revient maintes fois sur ses valeurs73. Il constitue même un des termes les plus fréquents dans son ouvrage, mentionné pour 28 chapitres et dans une cinquantaine de pages, soit environ une page sur cinq. Il correspond aux larves des ordures et des cadavres (p. 221), et désigne spécialement des chenilles de lépidoptères, en particulier des tortricidés (p. 133), du type de l’ἴψ (p. 150), ou de la mite (p. 138). Deux types de σκώληξ particuliers sont exposés dans la rubrique des animaux non identifiables : le ver de la terre de Médie (n° 59, p. 247), signalé par Aristote (οἱ δ <σκώληκες> ἐκ τῆς ἐν Μηδίᾳ χιόνος)74, et l’animal ressemblant à un ver blanc (n° 66, p. 254) signalé en Inde dans l’Hyphasis par Philostrate (Vie d’Apollonius de Tyane 3.l) également fabuleux selon Beavis (θηρίον σκώληκι εἰκάσμενον λευκῷ).

Le pou (φθείρ, pediculus)

  • 75 D. Heinse (Eloge du pou, Amsterdam, Elzevier, 1657 (9e éd.) [trad. V. Develay 1870] : 422) : « L’ho (...)

Patria pediculi est homo.[…] In hac nascitur ac educatur, in hac opes stabilitas ac fundatas habet. Hujus incola & civis est75.

  • 76 E. Kerr Borthwick (« [review] Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by Ian C. Beav (...)
  • 77 Voir sur ce point H. Gossen 1924, col. 1032-1033, et surtout A. Pietrobelli, « Les mystères de la p (...)
  • 78 Enigmes 30 : Est nova nostrarum cunctis captura ferarum,/ ut si quid capias, id tu tibi ferre recus (...)
  • 79 Pour I. Beavis : 113, peduculus est seulement une forme alternative pour pediculus.

26Le traitement du pou (φθείρ)76 est révélateur des différentes approches adoptées par les auteurs. Keller lui consacre 4 pages (‘Laus’, p. 395-399) et c’est le premier insecte qu’il traite car il est selon lui l’insecte par excellence (« das Insekt kat’ exochen ») pour les Grecs, dans la mesure où ces derniers sont fondamentalement des « Indogermains nomades » (p. 396). Il donne in extenso une longue citation d’Aristote d’une page (HA 5.31.557a5-33), puis il s’intéresse aux témoignages sur les infestions de poux et surtout dresse la longue liste des hommes morts de phthiriase77 (Acaste, Alcman, Phérécyde, Démocrite, Platon, Callisthène, Speusippe, Mucius Scaevola, Sylla, Eunus, Klinatas, Hérode I, Hérode Agrippa I, le pape Clément VII, Philippe II d’Espagne) ; à propos de cet animal il combine des références d’Hérodote à des mentions de Constantin Manasses et cite une énigme de Symphosius78 ; il présente des parallèles avec des éléments du folklore allemand ; puis il traite de l’étymologie du nom φθείρ et commente son « équivalent » latin peduculus (forme ancienne de pediculus)79 et les parallèles indo-européens ; il conclut librement sur quelques méthodes utilisées pour s’en débarrasser, l’existence de parasites animaux et la tripartition moderne des poux humains (Pediculus capitis [Pediculus humanus capitis], Phthirius pubis, Pediculus vestimenti [Pediculus humanus humanus]).

  • 80 Voir aussi p. 91-92 où l’animal ainsi nommé est identifié précisément, dans une note encore, et mal (...)
  • 81 P. Chantraine, dans le compte rendu qu’il fait de l’ouvrage de Gil Fernández (« [compte rendus] L. (...)

27Gil Fernández mentionne d’abord le pou dans une note (p. 61), qui vise à expliciter la différence entre une dénomination nouvelle (transfert) et une application étendue, par ignorance (« de ignorancia por parte del hablante de la verdadera naturaleza de los parásitos »), comme l’usage de φθείρ pour des parasites animaux80. Il consacre au mot moins d’une page (p. 118-119), après avoir traité de deux zoonymes composés (κάρ φθείρ et κάρνος φθείρ, p. 110), à la fin de la section sur les animaux dont le nom « exprime un pouvoir destructeur ou la faculté de piquer » (p. 108-120). Il s’intéresse essentiellement au genre du nom (le masculin étant seul correct), à sa flexion, et à son étymologie claire, y compris pour les anciens qui reconnaissaient déjà le lien à φθορά (destruction), mais signale les réserves de Chantraine, pour lequel le rapport à φθείρω (détruire) pourrait n’être qu’un calembour81. Conformément à son programme, il ne s’attarde absolument pas sur l’histoire naturelle, les questions d’identification en contexte, ou les parasites animaux désignés par ce nom.

  • 82 Il est remarquable que les auteurs ne prennent pas la peine de rédiger une phrase mais emploient le (...)
  • 83 En particulier un article sur la phtiriase de deux historiens : A. Keaveney – J. A. Madden, « Phthi (...)
  • 84 Ce passage sur des phtheires, responsables de la mort d’un peuple de la mer Rouge, les Akridophages (...)

28A l’inverse, Davies et Kathirithamby consacrent à l’animal un long chapitre (n° 13, p. 168-176). Leur intention est moins de présenter les savoirs antiques que d’évaluer leur pertinence. C’est en particulier le cas pour Aristote dont les déclarations sont l’occasion d’accorder des points positifs (“is true’ : 168), ou plus souvent négatifs (“is unfortunate”: p. 168 ; “is erroneous”, “his failure to detect” : p. 171 ; “an erroneous statement” : p. 172). Le chapitre commence par expédier la question de l’étymologie82, et la première référence antique est un passage de Plutarque ou le phtheir est employé métaphoriquement pour un flatteur… Les auteurs annoncent un dossier comparatif (avec l’époque moderne) et se penchent successivement sur le pou de tête (et ses dégâts), le pou de corps, des anecdotes sur l’animal, les affirmations d’Aristote sur les poux d’humains puis sur les parasites animaux, la phtheirophagie, la lutte contre les poux, la phthiriasis, et ils concluent par quelques remarques sur des termes voisins (kar, karnos, sathrax, konis). Ils s’attachent à commenter le motif folklorique de l’épouillage, la complaisance sans vergogne avec laquelle l’infestation de poux est signalée par certains auteurs, et se penchent sur quelques dossiers : celui du typhus de 430 av. J.-C. à Athènes, où les avis des savants divergent (et qui serait dû à Pediculus vestimenti, le pou de corps), la prétendue phtheirophagie de certains peuples, y compris les Grecs, d’après un passage d’Hérodote, et la question des morts de phthiriase (dont la longue liste est déjà dressée par Keller), médicalement impossibles, qui seraient dues à d’autres causes et associées à des ravages de gale (Sarcoptes scabiei). Les auteurs donnent la part belle aux critiques modernes83, mais ne fournissent aucune référence précise lorsqu’ils signalent en passant que « Agatharchides erroneously alleges the existence of a winged variety » (p. 176)84.

  • 85 H. Keil, « The Louse in Greek Antiquity, with Comments on the Diagnosis of the Athenian Plague as R (...)
  • 86 « not regarded as having any particular association with uncleanliness : infestation by them was co (...)
  • 87 Il s’agirait d’un acarien (Tetranychus) ou d’un puceron (Aphidoidea). La ψύλλα (généralement puce) (...)

29C’est un passage que rapporte, en revanche, Beavis (p. 120), avec ses parallèles (Diodore et Strabon), parmi les espèces exotiques de phtheires. L’auteur mentionne l’animal à plusieurs reprises, mais spécialement dans un chapitre (n° 22, Anoplura and Mallophaga) au cours duquel il étudie successivement son identification (listant 10 noms, dont 3 latins et 5 signalés par Hesychius, ainsi que les termes désignant les lentes – κόνις, lens – , avec l’idée que les anciens ignoraient généralement que les lentes étaient les œufs de poux), puis certaines croyances (le fait que les peaux de moutons mordus par un loup deviendraient infestées de poux), le pou en médecine, sa présence chez certains animaux, son utilisation en médecine vétérinaire, et la mention de quelques poux « exotiques ». Il s’appuie sur un article de H. Keil85 pour rappeler que le pou n’a pas du tout la réputation sordide qu’il a aujourd’hui et que sa présence était considérée comme normale et généralement indifférente86. Tout en rejetant la méthode de Gossen (1924 : col. 1036-1039) consistant à répertorier toutes les espèces possibles de la taxinomie moderne, il s’intéresse principalement aux aspects nosologiques (p. 115-116), invoquant le témoignage de nombreux médecins antiques – alors que Davies et Kathirithamby n’en citent pas un seul –, en particulier Galien, Dioscoride, Oribase, Celse, Marcellus… avec des dizaines de références, en rappelant que Caelius Aurelius consacre une section entière de son ouvrage sur les maladies chroniques à la phthiriase (Chron. 4.14-18) et que les anciens fournissent quantité de remèdes divers (p. 116). Mais Beavis signale aussi l’emploi du mot pour désigner des parasites de plantes : cet arthropode signalé par Pline, Galien et dans les Géoponiques est traité à part, dans le chapitre des animaux non identifiables (n. 64, p. 253), alors même qu’il a reçu de certains spécialistes une proposition d’identification87.

L’identification moderne des entomonymes

30La question de l’identification des animaux nommés distingue aussi les auteurs : Keller ayant choisi une entrée par animaux, et non par zoonymes, peut rassembler dans chaque chapitre les informations pertinentes, sans se soucier de faire un inventaire des zoonymes ou a fortiori de proposer une identification de chacun. Il signale à plusieurs occasions des difficultés de discrimination, ou élude simplement les zoonymes équivoques. De même que pour les serpents, dont l’identification en général est jugée “precär” (p. 303), surtout dans les textes poétiques ou l’iconographie, il juge que les Grecs devaient mettre sous un même nom des espèces d’arthropodes assez variées, comme il le note dans une discussion à propos de μυρμήκειον (p. 467).

  • 88 Voir la discussion autour de ῥάξ (p. 41-42), sur l’identité duquel il ne se prononce pas.
  • 89 Voir p. 51 à propos de κνώψ que Gossen « croit avoir identifié », et qui serait « une création arti (...)
  • 90 Voir par exemple p. 177. Exceptionnellement Gil Fernández se montre catégorique sur une identificat (...)
  • 91 « Como en el caso de μύωψ y οἶστρος resulta muy difícil, por no decir imposible, precisar las difer (...)
  • 92 Voir J.-B. Gèze, « La courtilière existait-elle dans la Grèce antique? », Comptes rendus des séance (...)

31Gil Fernández, quoi qu’il fasse des noms et de leur motivation l’enjeu de son travail, n’est pas plus zélé à identifier les zoonymes88 ; il partage l’idée selon laquelle le glossaire qu’il rassemble comporte des créations poétiques89, et se contente généralement de signaler les cas problématiques90. Il note ainsi que ‘ἐμπίς’ semble s’appliquer au même animal que ‘κώνωψ’ (p. 26) et « comme pour μύωψ et οἶστρος, il s’avère très difficile, pour ne pas dire impossible de préciser les différences existant entre les deux diptères »91. Il estime même – et c’est de bon sens – qu’un même animal peut avoir de nombreux noms comme le μυρμήκειον, vel μυρμηκοειδές, vel μύρμηξ Ἡρακλεωτικός, vel σίφων, vel αἱματὸς σίφων (p. 38). Il consacre un long passage (p. 141-143) à l’identification de l’insecte appelé πρασοκουρίς (litt. « tranche-poireau »), parce qu’il est l’occasion de citer divers spécialistes sur un dossier complexe. Alors que Keller l’identifie sans discussion à la piéride du chou (Pieris brassicae), il rappelle les difficultés des traducteurs et l’impuissance de Gossen qui finit par identifier l’animal, selon les textes, avec trois animaux différents (une Anthomya, un scarabée et la piéride du choux) ; malgré un article convaincant qui identifie l’animal à la courtilière (Gryllotalpa gryllotalpa), d’après le mode particulier de liquidation par l’homme du parasite, et en partie sur la base les noms provençaux (taio-cèbo, coupo-cèbo ; cf. chaplo-pórri, copo-pórri et taio-pórri) et grec moderne (πρασόκουρας) de l’animal (Gèze 1931 : 48)92, Gil Fernández s’attache principalement au champ lexical, sans conclure sur l’identité de l’animal.

  • 93 On appréciera ce parallèle proposé en 1855, sur la base d’un dénombrement d’espèces et de variétés (...)

32Davies et Kathirithamby, qui ont fait de l’identification l’enjeu premier de leur ouvrage, sont également réservés, d’autant qu’ils estiment que les Grecs n’ont eux-mêmes pas bien distingué ces animaux (p. 20), et qu’Aristote, comme le notait J. B. Meyer en 1855, « identified only 81 out of Bronn’s 74,030 insects » (p. 19)93. Ils s’en tiennent aux dénominations populaires, et ne donnent explicitement les identifications proposées par les spécialistes qu’occasionnellement, sous le couvert et l’autorité d’un prédécesseur, et le plus souvent sans les commenter. Ainsi, l’article consacré au prasocouris (p. 167) ne fait que quelques lignes, et reste aporétique, n’ajoutant aux données de Gil Fernández qu’une identification divergente (la teigne du poireau, Acrolepiopsis assectella).

  • 94 Pour l’animal nommé (σ)κνίψ, Beavis (p. 245-246) compte huit déterminations souvent mutuellement ex (...)
  • 95 Les voici, avec leur numéro d’inventaire : 56. Orsodakne, 57. Prasokouris, 58. Knips and Sknips, 59 (...)
  • 96 Voir Gil Fernandez, 1959 : 96 (et Beavis 1988 : 252). Selon Keller (1913 : 63) ce terme désigne sim (...)
  • 97 C’est l’avis de Gil Fernández 1959 : 125. Voir J. M. Díaz-Regañón López (Eliano, Historia de los an (...)
  • 98 Selon A. Willems (« Qu’est-ce que l’insecte appelé serphos », Actes de l'Académie royale de Belgiqu (...)

33Beavis considère plus attentivement les questions d’identification moderne, et aussi souvent que les données antiques le permettent. Il reste néanmoins prudent94, échaudé lui aussi par les excès de Gossen, et réserve significativement, comme on l’a dit, une section entière où se mêlent « les insectes non identifiables et les insectes fabuleux », au fil de 15 rubriques95. C’est là que figure le πρασοκουρίς (que Sundevall, et Aubert – Wimmer considéraient comme non identifiables), pour lequel Beavis, qui cite en grec les données les plus anciennes, revient sur l’identification avec la courtilière, qu’il conteste plus nettement encore que Gil Fernández (p. 244). Le σέρφος, terme exceptionnel (apparaissant moins de dix fois dans la littérature) et dont les Alexandrins ignoraient eux-mêmes le sens96, petit moustique pour certains97, sorte de fourmi pour d’autres98, est d’après Beavis « a popular term that could be applied to more or less any small insect, perhaps especially those of a worm-like nature » (p. 252).

Conclusion

34L’identification des animaux dans les textes anciens est une question délicate, bien au-delà du cas des insectes. Pour les oiseaux ou les poissons, D’Arcy Thompson en fait maintes fois le constat dans ses Glossaires. La difficulté est renforcée pour les petits animaux, dont les espèces sont plus nombreuses, plus difficiles à observer, et ont un cycle de vie plus court et plus complexe. Mais fondamentalement les raisons restent les mêmes ; l’une d’elles tient à l’usage humain des noms : l’évolution sémantique diachronique, les emplois imagés et les approximations ou le manque d’expertise des locuteurs. Et lorsque les lexicographes s’en mêlent, les choses se compliquent souvent davantage, au lieu de s’éclaircir, compte tenu du grand écart temporel entre les premières occurrences du nom et les dictionnaires des Byzantins – qui s’emmêlent. Les quatre ouvrages dont nous avons proposé une lecture critique et comparative contribuent, chacun, à faire mieux connaître l’expérience, le savoir et l’imaginaire des Grecs anciens vis-à-vis des « bestioles ». En abordant l’animal par ses représentations, son nom ancien, son nom courant, ou sa place dans la nature, ils proposent un recensement des rencontres avec la micro-faune. Et l’on s’étonne finalement, au-delà de la quantité de lemmes parfois synonymiques, du nombre relativement faible d’animaux visés, si l’on se réfère aux chapitres de Davies-Kathirithamby ou Beavis. Ce fait témoigne peut-être davantage d’une grande compréhension des lemmes que d’une indiscrimination des espèces. Tous les termes vernaculaires sont par nature ambigus du point de vue taxinomique, et comme leur équivalence avec des noms vernaculaires d’autres langues est également incertaine (est-il sûr que σφήξ = guêpe ou que μυῖα = fly ?) la prudence manifestée par les auteurs est amplement justifiée. Les deux glossaires les plus récents (Davies-Kathirithamby et Beavis) se signalent par le désir de se mettre aussi un peu au service d’un savoir entomologique antique, et non seulement d’un discours culturel ou d’une enquête motivationnelle. Mais ce savoir reconstitué est un savoir idéal (et sans doute pas partagé), composé de tous les brins de discours d’une littérature globale s’étendant sur des centaines d’individus et d’années distincts. La place réduite réservée aux expressions latines dans l’inventaire des observations entomologiques s’explique parfois en partie par une focalisation restrictive des auteurs, mais toujours par l’idée que les témoins latins avaient affaire d’emblée, et de manière fondamentale, à une tradition grecque formalisée qui constituait presque un repère supplémentaire du réel. Ces ouvrages, dont curieusement aucun des auteurs examinés n’est capable de fournir une bibliographie correcte (rien dans Keller et Beavis, une liste incomplète en note 5 dans Gil Fernández, des références tronquées et en partie fautives dans Davies – Kathirithamby), mais qui tiennent généralement compte de leurs prédécesseurs, sont, de fait, à la fois complémentaires et incomplets, dans la mesure où ni l’écologie, ni la biologie, ni les dimensions médicales, synanthropiques et phytosanitaires ne sont traitées de manière approfondie. S’il est donc encore utile et recommandable de consulter ces quatre ouvrages doublement classiques lorsque l’on enquête sur les insectes grecs, les contributions des biologistes, écologues et éthologues contemporains restent indispensables pour apprécier pleinement la documentation antique. La connaissance anthropologique globale que nous pouvons viser du rapport réel-imaginaire-symbolique des Grecs aux insectes passe par trop d’expériences et de représentations polymorphes pour pouvoir être saisie par un seul auteur ou un seul projet d’écriture.

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Notes

1 La qualité de ces deux sommes a dissuadé les savants de proposer des refontes de ces travaux. Seul W. G. Arnott a proposé pour les oiseaux un nouveau dictionnaire, tenant compte des travaux accumulés pendant un siècle (Birds in the Ancient World from A to Z, London, 2007).

2 Voir cependant, dans ce volume les orientations bibliographiques proposées par I. Draelants.

3 Il puise, en revanche, à sa collection de gemmes et dessins (5 pour l’orient, 10 pour la Grèce) ; voir F. Imhoof-Blumer – O. Keller, Tier -und Pflanzenbilder auf Münzen und Gemmen des klassischen Altertums, Leipzig, 1889. Pour un bref aperçu de l’entomologie antique, voir aussi Orlin K. Fletcher « Entomology in the Ancient World », Bulletin of the ESA, 10/3, 1964, p. 190-193.

4 O. Keller, Untersuchungen über die Geschichte der griechischen Fabel, dissertation, Jahrbuch für klassischen Philologie, Leipzig, 1862.

5 « Ueber die Bedeutung einiger Thiernamen im Griechischen und Lateinischen », conférence prononcée à la Société d’anthropologie de Graz en 1878 ; Lateinische Volksethymologie und Verwandtes, Leipzig, 1891 (les pages 46-59 portent sur le vocabulaire des animaux).

6 Signalons en particulier : O. Keller, Tiere des klassischen Altertums in kulturgeschichtlicher Beziehung, Innsbruck, Wagner, 1887 (488 p.) ; Tier- und Pflanzenbilder auf Münzen und Gemmen, Leipzig, 1889 (168 p.), co-rédigé avec F. Imhoof–Blumer, et comportant 1352 reproductions de monnaies et de gemmes représentant des animaux ou des plantes ; deux études respectivement sur la chauve-souris (« Die Fledermaus im klassischen Altertum ») et la grenouille (« Frosch und Kröte im klassischen Altertum »), parues dans un ouvrage collectif (Kulturgeschichtliches aus der Tierwelt, Praha, Rohlic̆ek und Sievers, 1904) ; une étude sur le chien (« Hunderassen im Altertum », Jahresh. des Oesterreichischen Archäologischen Instituts, 8/1, 1905, p. 242-269), et une sur le chat (« Zur Geschichte der Katze im Altertum », Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts Rom, 23, 1908, p. 40-70). Il est aussi l’éditeur (souvent négligé au profit de A. Westermann, 1839) des paradoxographes grecs (Rerum naturalium scriptores, Leipzig, 1877), dont les œuvres portent sur des phénomènes naturels remarquables.

7 « Das letzte Geschöpf, das aus der Erde hervorging, war der Affe, nach ihm kam der Mensch. So wird in den Cornutusscholien zu Juvenal 4, 98 gelehrt » (p. 3).

8 Sont en gras les catégories correspondant aux entoma/minuta au sens ancien.

9 « Den Insekten haben die Alten der klassischen Epoche im allgemeinen wenig wissenschaftliches Interesse entgegengebracht. Selbst die Angaben ihres größten Zoologen enthalten manche auffällige Fehler, Widersprüche und Unklarheiten, über welche sich der Leser in den Schriften von Sundevall, Aubert und Wimmer, Heck u. a. orientieren kann. Wollten wir uns hier auf alle die unklaren und strittigen Details einlassen, so müßte der Umfang dieses Buches außerordentlich anschwellen, und zugleich würde es für die große Mehrzahl der Leser ganz ungenießbar werden » (p. 495).

10 431 notes pour 586 pages de texte pour le second volume.

11 Voir Keller 1913 : 482 : « Aristoteles unterscheidet Landtausendfüssler, σκολόπένδρα χερσαῖα und Meerskolopender, σκολόπένδρα θαλαττιά. Bei ersterer denkt Sundevall (S. 235) an unsre Scolopendra forficata L., Aubert und Wimmer (Aristot. I S. 165) an die in der Morea sehr häufige Scolopendra morsitans ».

12 Cet index, qui ne donne que le numéro de page initial des sections consacrées aux animaux, inclut des références au premier ouvrage de Keller, publié 25 ans plus tôt : Tiere des klassischen Altertums in kulturgeschichtlicher Beziehung (1887).

13 Voir J. E. Sandys (« [review] Die antike Tierwelt », The Classical Review, 28, 1914, p. 56) : « A fuller list of the Greek and Latin names of the animals described in the two volumes would have been a welcome addition to the index. As it is, if we wish to look up the account of the hoopoe, we find neither ἔποψ nor upupa, but only Wiedhopf ».

14 « Ni que decir tiene que ceñirse en una obra de tipo lingüistico como la nuestra al concepto científico actual de la palabra “insecto” sería totalmente inadecuado, por no ser las teorias científicas, sino las concepciones populares lo que determina la labor creadora del lenguaje » (p. 9).

15 W. Prellwitz, Etymologisches Wörterbuch der Griechischen Sprache, 1905 ; E. Boisacq, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, étudiée dans ses rapports avec les autres langues indo-européennes, 1916 ; H. Frisk, Griechisches Etymologisches Wörterbuch, 1934- ; P. Chantraine, La Formation des noms en grec ancien, 1933 ; E. Schwyzer, Griechische Grammatik, 1939 ; J. B. Hofmann, Etymologisches Wörterbuch des Griechischen, 1949.

16 P. Chantraine propose du livre une recension favorable, malgré quelques critiques de détails (« [compte rendu] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », Revue de Philologie, de Littérature et d'Histoire Anciennes, 35, 1961, p. 282).

17 H. Aubert - F. Wimmer, Aristoteles Tierkunde. Kritisch-berichtigter Text mit deutscher Übersetzung, Leipzig, Engelmann, 1968.

18 C. J. Sundevall, Die Thierarten des Aristoteles : von den klassen der säugethiere, vögel, reptilien, und insekten, Stockholm, 1863.

19 Le mot apparaît seulement dans certains manuscrits de l’Histoire des Animaux d’Aristote, en HA 6.28.606a6 (éd. I. Bekker), étayé par Pline HN 9.110 (et maintenu par P. Louis [1964] dans son édition), mais il n’est pas retenu dans l’édition de D. Balme (2002), ni celle de S. Schnieders (2019), qui traduit par Reiterameisen (fourmi cavalier, et non cheval-fourmi). Gil Fernández corrige en ἱππεῖς μύρμηκες. Voir Davies-Kathirithamby 1986 : 38 ; Beavis 1988 : 199.

20 Ce lemme s’appuie sur un fragment d’Aristophane (583 Kock), et est identifié par Photius comme un scarabée (Lex. mu 589).

21 « doctas indicaciones » (p. 13).

22 « esa inmensa legion de pequeños pobladores de la naturaleza que son los insectos » (p. 2).

23 Voir L. Deroy « [compte rendu] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », L’Antiquité Classique, 30/1, 1961, p. 261.

24 « Die romanischen Namen der Körperteile. Eine onomasiologische Studie », Romanische Forschungen 14, 1903, p. 339–530.

25 « …reunir et interpretar a la luz de las consideraciones lingüísticas e histórico-culturales las diferentes posibilidades de expresión lexicológicas, estilísticas y metafóricas de que se ha servido el griego para la denominación de esa inmensa legión de pequeños pobladores de la naturaleza que son los insectos » (p. 2).

26 R. Fohalle, « Noms ďanimaux et noms de plantes en grec ancien », Serta Leodiensia, Bibliothèque de la Faculté des Lettres de l’Université de Liège, 44, 1930, p. 141-157. Voir aussi L. Lacroix (« Noms de poissons et noms d’oiseaux en grec ancien », L’Antiquité Classique, 6/2, 1937, p. 265-302), qui se réclame également de Fohalle et estime que la plupart des noms de poissons sont des emprunts, et identifie comme sèmes principaux de transfert de nom (en particulier à partir des oiseaux) la forme, la coloration et la qualité de la chair.

27 R. Strömberg, Studien zur Etymologie und Bildung der griechischen Fischnamen, Göteborg, 1943 ; R. Strömberg, Griechische Wortstudien, Untersuchungen zur Benennung von Tieren, Pflanzen, Körperteilen und Krankheiten, Göteborg, 1944.

28 Ce résumé se fonde sur les analyses de Strömberg 1943 : 98-125.

29 Récapitulant ses résultats, Strömberg affirme l’importance de l’apparence physique et la pluralité des traits motivants (1943 : 98) : « Dans le transfert d’un nom c’est la similitude de l’apparence extérieure – forme ou couleur – qui est l’élément principal pris en compte. Le poisson est souvent identifié par le nom d'un autre animal comme étant une version fausse, inférieure ou commune. Les poissons venimeux portent le nom de serpents, etc. Diverses raisons se mêlent et collaborent à la création d’un nom » (« am häufigsten kommt bei der Namenübertragung Ähnlichkeit in der äusseren Erscheinung -Form oder Farbe- in Betracht. Der Fisch wird oftmals durch den anderen Tiernamen als unecht, minderwertig oder häufig vorkommend gekennzeichnet. Giftige Fische werden nach Schlangen bennant usw. Verschiedene Gründe gehen in einander über und wirken zur Entstehung eines Namens zusammen »).

30 Parfois, c’est indéniablement le souci d’expliquer qui, pour Gil Fernández comme pour Strömberg, pousse à privilégier un trait qui n'est pas évident ou discutable, et peut-être à négliger certaines déterminations plus subtiles liées aux pratiques et aux références grecques. Ainsi propos d’ἄρκτος, R. Strömberg, suivant O. Keller (1913 : 487) dit que ces crustacés (qui s’appellent « Bärenkrabbe » [crabe-ours] en allemand) tirent leur nom de leur aspect velu ; mais il est possible aussi que ce soit parce que les « ourses » pondent leur œufs avant le lever d’Arcturos et les expulsent après, se réglant donc sur cet astre au nom évocateur (voir Aristote, HA 5.17.549b11 sq., où l’auteur donne cette information pour les langoustes et remarque, plus loin, que les « ourses » font leurs œufs à peu près à la même époque). F. Skoda, dans son remarquable livre consacré aux métaphores dans le vocabulaire médical (Médecine ancienne et métaphore : le vocabulaire de l’anatomie et de la pathologie en grec ancien, Leuven : 1988 : 252-253), reconnaît à plusieurs reprises l’impossibilité de trancher en faveur d’un trait.

31 Voir Aristote, HA 8(9).6.612a17-20 ; Elien, NA 3.22 ; Plutarque, De Sollertia animalium 966D…

32 Οἱ δὲ σφῆκες οἱ ἰχνεύμονες καλούμενοι (εἰσὶ δ' ἐλάττους τῶν ἑτέρων) τὰ φαλάγγια ἀποκτείναντες φέρουσι πρὸς τειχίον τι τοιοῦτον τρώγλην ἔχον, καὶ πηλῷ προσκαταλείψαντες ἐντίκτουσιν ἐνταῦθα, καὶ γίνονται ἐξ αὐτῶν οἱ σφῆκες οἱ ἰχνεύμονες (HA 5.20.552b26-30).

33 A. Scherer, « [rezension] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », Gnomon, 33/2, 1961, p. 181. Voir aussi J. Untermann, « [rezension] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », Indogermanische Forschungen, 67, 1962, p. 219.

34 Ainsi R. Egan (auteur d’un petit article sur « Insects » dans G. L. Campbell (ed.), The Oxford Handbook of Animals in Classical Thought and Life, Oxford, 2014, p. 180-191), qui signale les ouvrages de Davies/Kathirathamby et Beavis comme « two indispensable, well-indexed compendia of detailed information » (p. 180), ne dit pas un mot de l’ouvrage de Gil Fernández. Il faut dire que sa bibliographie, qui compte seulement 5 titres étrangers (3 italiens, 1 français et 1 allemand), ne cite aucune publication espagnole.

35 La liste des titres usuels abrégés dans l’ouvrage ne comporte que des revues et ouvrages classiques.

36 Pour ce dernier, il s’agit de l’ouvrage Griechische Wortstudien Untersuchungen zur Benennung von Tieren, Pflanzen, Korperteilen und Krankheiten, dont P. Chantraine (« [compte rendu] Strömberg (Reinhold). Griechische Wortstudien, Untersuchungen zur Benennung von Tieren, Pflanzen, Körperteilen und Krankheiten », Revue des Etudes Grecques, 59-60/279-283, 1946, p. 484-485) disait qu’il « se fonde sur des données folkloriques », et que « les étymologies constituent inévitablement la partie la moins assurée ».

37 M. Davies, « Kinkel Redivivus. » The Classical Review, 39/1, 1989, p. 4-9.

38 Voir I. Beavis 1988 : IX.

39 Voir en particulier H. Gossen, « Käfer », RE, VIII, 1956, col. 235-242 ; Id., « Heuschrecke », RE, VIII.2, 1913, col. 1381-1386 ; Id., « Schmetterling », RE, IIA, 1, 1921, col. 569-585 ; mais aussi « Käfer », RE, X.2, 1919, col. 1478-1489 ; Id., « Schnecke », RE, IIA1, 1921, col. 685-614 ; Id., « Laus », RE, XII.1, 1924, col. 1030-1039 ; Id., « Bremse », RE, III.1, 1897, col. 827-828; Id., « Schnecke », RE, IIA1, 1921, col. 685-614. Pour l’ensemble des articles de H. Gossen dans la Realencyclopädie, voir https://de.wikisource.org/wiki/Paulys_Realencyclop%C3%A4die_der_classischen_Altertumswissenschaft/Register/Hans_Gossen. Voir également à ce titre la critique de L. Bodson (« Une contribution propice au renouveau de l’histoire de l’entomologie antique », L’Antiquité Classique, 59, 1990, p. 223-224), et celle de I. Beavis (1988 : XIV).

40 Sur la page d’accueil de J. Kathirithamby on peut lire : « Dr Kathirithamby co-authored a book on Greek Insects (Duckworth) with her husband Malcolm Davies, which discusses insects in Greek art, finger rings, coins and jewellery » (https://www.st-hughs.ox.ac.uk/people/jeyaraney-kathirithamby/).

41 S. Byl, Recherches sur les grands traités biologiques d’Aristote : sources écrites et préjugés, Bruxelles, 1980.

42 Les travaux sur Pline, même modestes (tels H. B. Weiss, « The Entomology of Pliny the Elder », Journal of the New York Entomological Society, 34/4, 1926, p. 355-359) ne sont jamais mentionnés.

43 Tout au plus note-t-on quelques mentions éparses d’Ovide, de Phèdre ou d’auteurs ‘out of the way’ comme Paul le Silentiaire.

44 Il y a un manque de cohérence dans la translittération de l’upsilon : parfois i, parfois u, parfois y, comme le note sévèrement C. B. Krimbas, « [review] Greek Insects by M. Davies and J. Kathirithamby », Quarterly Review of Biology, 63, 1988, p. 229.

45 Krimbas 1988 : 229 signale cette incohérence, qui manifeste selon lui le défaut principal de l’ouvrage : « more importance is given to English or any foreign tradition than to the one constituting the natural continuation of the ancient Greek one ».

46 Cette formulation confond catégorie ancienne et nom moderne (il n’y a pas d’ « insectes grecs »; voir infra). L’ordre alphabétique adopté est justifié précisément par le fait qu’il permet une continuation, ce qui aurait dû être le second volume, après ‘mantis’ : « millipede, scorpion and spider » (Kimbas 1988 : 229).

47 J. Scarborough, « [review] Greek Insects by Malcolm Davies and Jeyaraney Kathirithamby », The Coleopterists Bulletin, 41/1, 1987, p. 66 ; voir Id., « On the history of early entomology, chiefly Greek and Roman, with a preliminary bibliography », Melsheimer Entomological Series, 26, 1979, p. 17-27.

48 W. Seavey, « [review] Greek Insects by M. Davies and J. Kathirithamby » Classical Journal, 1991, p. 364-65, lui reconnaît humour et élégance.

49 L. Bodson, « [review] Greek Insects by M. Davies and J. Kathirithamby ; Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by I. C. Beavis », The Classical Outlook, 67/1, 1989, p. 32-32 ; Ead., « Une contribution propice au renouveau de l’histoire de l’entomologie antique », L’Antiquité Classique, 59, 1990, p. 223-228 ; Ead. « [review] Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by Ian C. Beavis », Latomus, 50/4, 1991, p. 893-398. Voir aussi le compte rendu plutôt élogieux sur l’ouvrage de Davies et Kathirithamby : Ead., « [review] Greek Insects by M. Davies and J. Kathirithamby », Anthropozoologica, 6, 1987, p. 15-17.

50 « Data collected and discussed by the ancient Greek entomologists have never been methodically examined » (L. Bodson, « The beginnings of entomology in Ancient Greece », The Classical Outlook, 61/1, 1983 : 5).

51 Cette image, qui figure sur la couverture du livre de Beavis, représente une mante religieuse. J.-L. Perpillou (« [review] Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by Ian C. Beavis », Revue des Études Grecques, 104/ 495-496, 1991, p. 282), au reste admiratif de l’ouvrage, croit trouver une erreur dans l’identification supposée de l’animal à un criquet, mais la référence donnée par Beavis (Imhoof-Blumer – Keller, 1889 : VII, n° 41 ; cité par Beavis 1988 : 87) est correcte et correspond bien à une mante religieuse. Il est intéressant de constater que Bodson, dans son article de 1983, outre le didrachme de couverture de 550-470 av. J.-C. (fig. 1, p. 4) conservé au Cabinet des Médailles de Bruxelles, proposait un autre didrachme de Métaponte (c. 420 av. J.-C.), très semblable (fig. 6, p. 5), mais d’une collection privée de New York (E. T. Newell), et réemployé dans d’autres articles (voir L. Bodson, « Les connaissances zoologiques de l'Antiquité grecque et romaine : aperçu de leur spécificité et de leur actualité », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1, 2010, p. 53-82 : 57) qui représente effectivement une Mantis religiosa (déjà reproduit par Keller 1913 : 623, Taf. 2, n° 8).

52 La troisième recension de l’auteur (L. Bodson 1991), parue dans Latomus, est une reprise littérale, sauf les deux phrases d’introduction, de son compte rendu de 1990.

53 L. Bodson reproche à Beavis de ne pas traiter des anthroponymes à noms d’insectes, mais ces noms ou sobriquets souvent rares n’apportent pas beaucoup d’éclairage au sujet, sauf à dire que le nom de « Criquet, fils de Vermisseau » (O. Masson, « Onomastique et lexique : Noms d’hommes et termes grecs pour ‘ver’, ‘sauterelle’, ’cigale’, etc. », Museum Helveticum, 43/4, 1986, p. 250-257) sur une stèle attique éclaire la conception antique des relations animales… Toujours portée à l’exhaustivité bibliographique, L. Bodson pointe également un ensemble de « lacunes ».

54 L. Gil Fernández, « [review] Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by Ian C. Beavis », Gnomon, 61/7, 1989, p. 620-621. L’auteur rappelle que les années de parution (1986, 1988) correspondent à la mort des deux dédicataires de son propre livre, dont l’un était son père.

55 « to establish, so far as it is possible to do so, the probable identifications of the numerous insect names recorded by classical sources » ; « to present, by drawing together scattered details a composite account of all that was known or believed about the habits and life histories of terrestrial invertebrates, and of their economic importance and their place in popular thought » (p. XIII-XIV).

56 Voir L. Lacroix (« [recension] D’Arcy Wentworth Thompson, A Glossary of Greek Fishes », L'antiquité classique, 16/2, 1947, p. 461) : « … L’ouvrage de Sir D’Arcy Thompson n’est pas consacré seulement aux poissons, comme le titre semblerait l'indiquer, mais à la faune marine tout entière. On y trouvera donc étudiés, à côté des proprement dits, des termes désignant des cétacés (δελφίς, φάλαινα, etc.), des crustacés (μαλακόστρακα), des mollusques testacés, et μαλάκια, céphalopodes), ainsi que divers animaux marins tels que l’actinie ou anémone de mer… ».

57 Pour l’araignée (ἀράχνη, araneus), voici le programme suivi : (1) Identification, (2) Life history, (3) Feeding habits, (4) Popular attitudes, (5) Weather lore, (6) Construction and use of webs, (7) Relations with man, (8) Medicinal uses, (9) Spiders as omens ; et pour la sauterelle/criquet (ἀκρίς/locusta) : (1) Identification, (2) Life history, (3) Habitat, (4) Sound production and habits, (5) Predation, (6) Locusts: their importance as pests, (7) Grasshoppers and locusts as food, (8) Grasshoppers and crickets in captivity, (9) Medicinal uses, (10) Grasshoppers and locusts outside Europe.

58 Voir A. Thomas, « Le Laterculus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique roman », Romania, 138, 1906, p. 161-197 ; et M. Piechocka-Kłos, « Nomina animalium in Laterculus by Polemius Silvius. The beginnings of the liturgical calendar (5th century) », Forum Teologiczne, 2020, p. 249-261; voir également l’article d’I. Draelants dans ce numéro. Voici la liste complète des noms latins du Laterculus, que ne donne pas Beavis : insectorum sive reptancium : solifuga, blata, bubo, tetigonia, salamandra, cabro, scolopendra, apis, bumbix, formica, vespa, oester, teredo, scintis, musca, lucusta, fucus, iulus, gristus, culix, cimix, pulix, pedusculus, sexpedo, sunhos, musomnium, tinea, delpa, uruca, inuolus, ablinda, liscasda, papilio, emirobius, cancer, scorpius, stillo, centipeda, cabarius, popia, lugalus, petalis, ruscus, laparis, piralbus, corgus, lubricus, termis, limax, cefenis, grillus, acina, asio, ficarius, minerva, lanarius, mulo, tubanus, cervus, aranea, cicada, sfalagia (tiré de Piechocka-Kłos 2020 : 258).

59 S. Byl (« Aristote et le monde de la ruche », Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1978, 56/1, p. 15-28) note que l’abeille est après l’homme l’animal auquel Aristote consacre le plus de pages dans son corpus zoologique. Il ajoute cette phrase typique de son approche positiviste : « Cette importance accordée à la description des mouches à miel, Apis Mellifica L., est une preuve matérielle de la valorisation de ces insectes par la mentalité pré- scientifique » (p. 15).

60 HA 1.1.487a32.

61 HA 4.1.523b13-21 ; voir A. Zucker, Les classes zoologiques en Grèce ancienne : D’Homère (VIIIe av. J.-C.) à Élien (IIIe ap. J.-C.), Aix-en-Provence, 2005 : 38-39 et 227-229.

62 Sur la notion variable d’insecte dans la zoologie populaire européenne, voir M. Albert-Llorca, « D’où sortent les petites bêtes ? », Le bestiaire raconté. Cahiers de littérature orale, 22, 1987, p. 147-165.

63 Πάντων μὲν οὖν κοινὰ μέρη ἐστὶ τρία, κεφαλή τε καὶ τὸ περὶ τὴν κοιλίαν κύτος καὶ τρίτον τὸ μεταξὺ τούτων, οἷον τοῖς ἄλλοις τὸ στῆθος καὶ τὸ νῶτόν ἐστιν. Τοῦτο δὲ τοῖς μὲν πολλοῖς ἕν ἐστιν· ὅσα δὲ μακρὰ καὶ πολύποδα, σχεδὸν ἴσα ταῖς ἐντομαῖς ἔχει τὰ μεταξύ (HA 4.7.531b26-30).

64 Sur ces termes, voir A. Zucker 2005 et P. Marciniak dans ce numéro, ainsi que dans l’article « Byzantine Cultural Entomology (Fourth to Fifteenth Centuries) », Dumbarton Oaks Papers, 77, 2023, p. 177-194.

65 Voir A. Zucker 2005 : 95-97.

66 C’est le premier usage identifié : Homère, Iliade 13.654, où il s’agit sans doute de Lumbricus terrester, d’après Eustathe, Commentaire à l’Iliade 1.481.4 (τὰ ἔντερα γῆς) ; voir Aratos, Phénomènes 958.

67 W. Capelle (« Das Problem der Urzeugung bei Aristoteles und Theophrast und in der Folgezeit », Rheinisches Museum für Philologie, NF 98/2, 1955 : 153) considère que le terme chez Aristote désigne trois réalités : un ver, une chenille, une larve d’insecte.

68 Dans le Lexique d’Hésychius le terme apparaît néanmoins souvent dans le syntagme εἶδος σκωλήκος pour définir divers insectes, indépendamment de leur âge (s.v. ἀστάλη, εἰλύιος, κασιοβόρος, ὑάλη, ὑλομήτρα…).

69 « Begriffsverwandt ist σκώληξ, ein Wort für sich bewegende Insektenlarven aller Art, etymologisch verwandt mit σκολιός verdreht, hinkend und σκέλος Schenkel, also gleichfalls ein sich krümmendes Tier ».

70 La description est reprise par Aristophane de Byzance, Épitomé 1.36. Cf. Athénée, Deipnosophistes 8.352f : « [Aristote] raconte que de la copulation des puces naissent les lentes et que de la transformation de la larve naît la chenille d’où se forme la nymphe et que de lui vient ce qu’on appelle la chrysalide ». Voir aussi HA 5.19.550b28. Sur la nature de la larve, voir HA 1.5.489b8.

71 Voir en particulier p. 96-98 (l’index donne une pagination erronée : 120-123).

72 « in Greek usage the more general term σκώληξ, which covers also insect and invertebrate larvae ».

73 Voir surtout p. 122-128, 133-134, cf. 256.

74 HA 5.19.552b8-9.

75 D. Heinse (Eloge du pou, Amsterdam, Elzevier, 1657 (9e éd.) [trad. V. Develay 1870] : 422) : « L’homme est la patrie du pou. C’est là qu’il naît et qu’il grandit. C’est là qu’il fonde et qu’il consolide ses richesses. Il en est l’habitant et le citoyen ».

76 E. Kerr Borthwick (« [review] Insects and Other Invertebrates in Classical Antiquity by Ian C. Beavis », The Classical Review, 39/2, 1989, p. 362-364), qui était examinateur externe de la thèse de Beavis, note dans un compte rendu du livre de son étudiant (p. 363) que les Grecs comme les Anglais ont souvent choisi des mots monosyllabiques pour ces petits animaux (nit, mite, midge, tick, flea, cf. Greek ix, ips, thrips, kis, seps, sknips, trox, psen, etc.).

77 Voir sur ce point H. Gossen 1924, col. 1032-1033, et surtout A. Pietrobelli, « Les mystères de la phtiriase », in Collard, Franck, Samama, Évelyne (éd.), Poux, puces, punaises, la vermine de l’homme : découverte, descriptions et traitements : Antiquité, Moyen Âge, Époque Moderne, Paris, 2015, p. 283-298.

78 Enigmes 30 : Est nova nostrarum cunctis captura ferarum,/ ut si quid capias, id tu tibi ferre recuses,/ et quod non capias, tecum tamen ipse reportes.

79 Pour I. Beavis : 113, peduculus est seulement une forme alternative pour pediculus.

80 Voir aussi p. 91-92 où l’animal ainsi nommé est identifié précisément, dans une note encore, et malgré l’absence totale de contexte, à Phtirius pubis.

81 P. Chantraine, dans le compte rendu qu’il fait de l’ouvrage de Gil Fernández (« [compte rendus] L. Gil Fernández, Nombres de insectos en griego antiguo », Revue de Philologie, de Littérature et d'Histoire Anciennes, 35, 1961, p. 282) revient sur la réserve qu’il émettait dans La formation des noms en grec ancien, et se range finalement à l’avis général.

82 Il est remarquable que les auteurs ne prennent pas la peine de rédiger une phrase mais emploient le style lapidaire de la lexicographie : « Etymology: from the verb phtheirô (“destroy”' : cf. Gil Fernández p. 118f. ; compare Hesychius s.v. sathrax (from sathros meaning “rotting, rotten”): “a type of louse”) ».

83 En particulier un article sur la phtiriase de deux historiens : A. Keaveney – J. A. Madden, « Phthiriasis and its victims », Symbolae Osloenses: Norwegian Journal of Greek and Latin Studies, 57/1, 1982, p. 87-99.

84 Ce passage sur des phtheires, responsables de la mort d’un peuple de la mer Rouge, les Akridophages, ou Mangeurs de sauterelles, est particulièrement saisissant (Fr. 58.15-27 Müller = Photius, Bibliothèque, cod 250 453b4-17). Les symptômes pourraient correspondre à une pédiculose aiguë. Agatharchide, d’après Plutarque (Conv. 8.9.735B5-10) rapporterait pour la région une autre infestion, apparemment d’un nématode, peut-être le ver de Guinée (Dracunculus medinensis ; voir R. Hoeppli « The Knowledge of Parasites and Parasitic Infections from Ancient Times to the 17th Century », Experimental Parasitology, 5/4, 1956, p. 402.

85 H. Keil, « The Louse in Greek Antiquity, with Comments on the Diagnosis of the Athenian Plague as Recorded by Thucydides », Bulletin of the History of Medicine, 25/4, 1951, p. 305-323.

86 « not regarded as having any particular association with uncleanliness : infestation by them was considered as a perfectly normal and inevitable, if undesirable, fact of life in all sections of society » (p. 112). Linné estimait que les poux protégeaient les enfants de nombreuses maladies (H. Zinsser, Rats, Lice and History, New York, 1963 : 187), comme Aristote affirmait que les pouilleux étaient moins sujets à la migraine (HA 5.31.557a8-9).

87 Il s’agirait d’un acarien (Tetranychus) ou d’un puceron (Aphidoidea). La ψύλλα (généralement puce) est également traitée dans deux chapitres, puisque le mot désigne parfois lui aussi un parasite végétal (n. 63, p. 253).

88 Voir la discussion autour de ῥάξ (p. 41-42), sur l’identité duquel il ne se prononce pas.

89 Voir p. 51 à propos de κνώψ que Gossen « croit avoir identifié », et qui serait « une création artificielle du poète » ; cf. p. 128, n. 31, où Gossen propose une identification incompréhensible.

90 Voir par exemple p. 177. Exceptionnellement Gil Fernández se montre catégorique sur une identification, lorsque linguistique et entomologie s’accordent parfaitement, comme pour le hanneton de la Saint-Jean (Amphimallon solstitialis), p. 232-233.

91 « Como en el caso de μύωψ y οἶστρος resulta muy difícil, por no decir imposible, precisar las diferencias existentes entre ambos dípteros ».

92 Voir J.-B. Gèze, « La courtilière existait-elle dans la Grèce antique? », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 75/1, 1931, p. 47-50. Sur cette identification, voire A. Thomas, « l’anc. franç. pichar et l’étimolojie [sic] du franç. cloporte : réponse à une qestion [sic] », Romania, 56/222, 1930, p. 161-177, et sa réponse en appendice à l’article de Gèze (1931).

93 On appréciera ce parallèle proposé en 1855, sur la base d’un dénombrement d’espèces et de variétés d’insectes dressé par H. G. Bronn dans Allgemeine Zoologie (1850).

94 Pour l’animal nommé (σ)κνίψ, Beavis (p. 245-246) compte huit déterminations souvent mutuellement exclusives et tend à reconnaître sous ce terme plusieurs animaux différents.

95 Les voici, avec leur numéro d’inventaire : 56. Orsodakne, 57. Prasokouris, 58. Knips and Sknips, 59. Skolex tes chionos, 60. Pyrigonos, 61. Myrmekoleon/Formicoleon, 62. Serphos 63. Psylla/Pulex, 64. Phtheir, 65. Vermis caeruleus, 66. Skolex leukos, 67. Calha, 68. Rauca, 69. Biurus, 70. Phryganion. Alors que Gil Fernández adopte l’identification de la psylla/pulex à un coleoptère du genre Phyllotreta, Beavis reste circonspect.

96 Voir Gil Fernandez, 1959 : 96 (et Beavis 1988 : 252). Selon Keller (1913 : 63) ce terme désigne simplement une larve d’insecte.

97 C’est l’avis de Gil Fernández 1959 : 125. Voir J. M. Díaz-Regañón López (Eliano, Historia de los animales. Libros IX-XVII, Madrid, Biblioteca Clásica Gredos (67), 2016 : 12), qui traduit par mosquito et jején (un phlébotome ?) ; Selon L. A. W. C. Venmans (« ΣΕΡΦΟΣ », Mnemosyne, 1930, 58 (1/2), 1930, p. 58-62), « il ne peut s’agir d’un termite… car ces derniers n’existaient pas en Grèce… sinon ils auraient été signalés » (sic).

98 Selon A. Willems (« Qu’est-ce que l’insecte appelé serphos », Actes de l'Académie royale de Belgique, 1896, p. 614-615), il s’agirait du termite ou fourmi blanche.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Arnaud Zucker, « Quatre glossaires pour les insectes grecs »RursuSpicae [En ligne], 5 | 2023, mis en ligne le 13 décembre 2023, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rursuspicae/3226 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rursuspicae.3226

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Auteur

Arnaud Zucker

Arnaud Zucker est Professeur de langue et littérature grecques à l’Université Côte d’Azur (France) et membre du Cepam (UMR 7264, CNRS). Ses principaux objets d’étude sont la zoologie ancienne, l’astronomie, la mythographie et l’étymologie populaire grecque. Il dirige actuellement le groupe de recherche international Zoomathia (IRN, CNRS) sur les connaissances zoologiques dans l’Antiquité et au Moyen Âge.

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