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La fourmi-lion ou myrmicoleon : origine, transmission et avatars d’une chimère1

The Ant-lion or myrmicoleon: Origin, Transmission and Forms of a Chimera
Emmanuelle Kuhry

Résumés

Cette contribution dresse un état de l’art sur la question du myrmicoleon ou fourmi-lion du Physiologos, hybride né d’un néologisme dû au traducteur du livre de Job dans la version de la Septante, à partir de sources géographiques hellénistiques comme le traité d’Agatharchide sur la mer Erythrée, qui parle de « lions qu’on appelle fourmis ». Nous suivons le développement de l’hybride du Physiologos jusqu’au XIIIe siècle, en montrant que les confusions avec d’autres créatures appelées « fourmis », comme les fourmis chercheuses d’or d’Hérodote, sont le résultat d’amalgames introduits par des éditeurs anciens et reproduits jusqu’à une période récente.

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Texte intégral

  • 1 Cet article a grandement bénéficié des conseils et remarques d’Isabelle Draelants, Caroline Macé, A (...)
  • 2 Pour distinguer les entités historiographiques et physiques que nous allons aborder dans cette cont (...)
  • 3 Nous avons mis à profit un nombre important de bases de données et éditions numériques en accès lib (...)

1Dans le Physiologos grec, la fourmi-lion2 ou myrmicoleon (μυρμηκολέων) est un animal imaginaire, progéniture d’une fourmi et d’un lion, tirant son origine d’un néologisme introduit par la Septante. C’est l’un des rares insectes, ou en l’occurrence demi-insecte, avec la fourmi, à faire l’objet d’un chapitre du noyau ancien du texte du Physiologos. Cet hybride fantastique, qui place d’emblée notre contribution dans les domaines tératologique et paradoxographique plutôt que dans le domaine de l’entomologie, eut une courte réception dans la littérature en tant que tel, mais il est connecté dans l’historiographie à plusieurs entités mentionnées dans les récits d’historiens et de géographes antiques. Rapidement, la figure de la fourmi-lion hybride du Physiologos est éclipsée dans le domaine latin, au profit d’une interprétation uniquement exégétique chez Jérôme et Augustin, puis d’une identification avec l’insecte aujourd’hui appelé fourmilion (myrmeleon formicarius, de la famille des Myrmeleontidae, ordre des Neuroptères) chez Grégoire le Grand. Dans cette contribution, nous tentons de retracer l’origine du néologisme de la Septante. Nous passons en revue ses diverses interprétations jusqu’au XIIIe siècle et son identification progressive avec l’insecte « fourmilion » moderne. Nous tâchons de définir, en traçant notre chemin à travers la diversité des sources, ce qu’est le myrmicoleon et surtout ce qu’il n’est pas, en prenant garde de distinguer des sources les interventions d’éditeurs, qui ont contribué à produire, du XVIIe au XXIe siècle, des amalgames entre trois entités distinctes. Enfin nous nous intéressons au devenir du chapitre sur la fourmi-lion dans les versions latines du Physiologus, notamment à travers l’examen du chapitre inédit présent dans un seul manuscrit du Physiologus latin B3.

1. Le myrmicoleon du livre de Job

  • 4 Job 4 :11.
  • 5 Nous ne ferons que résumer ici les conditions de l’irruption de ce terme, qui ont déjà été passées (...)
  • 6 En Job 4 :10 : אריה (le lion), traduit par λέων ; שחל (le lionceau), traduit par λέαινα (la lionne) (...)
  • 7 B. Beeckman explique la divergence de traduction par la volonté d’améliorer la variation au sein d’ (...)
  • 8 Dans le Sefer-ha-shorashim achevé au début du XIIIe siècle, le terme ⁠ליש désigne un « grand lion »
  • 9 J. Wykes montre que le traducteur du livre de Job fait preuve d’une bonne connaissance d’un ensembl (...)

2La formation de ce zoonyme prend sa source dans la présence d’un terme hébreu inhabituel dans le livre de Job4 pour désigner le lion dans la Bible hébraïque (⁠לישlayish). Le traducteur du livre de Job dans la version de la Septante a donc fabriqué le terme μυρμηκολέων – myrmicoleon, création lexicale qui n’apparaît nulle part ailleurs dans la Bible5. L’un des termes habituels pour désigner le lion dans la Bible est ariehאריה. Ce passage du livre de Job dans la Bible hébraïque contient néanmoins cinq termes différents pour évoquer le lion, tandis que le grec n’en connaît qu’un seul6. Le terme hébreu layish pour le lion apparaît à deux autre endroits dans la Bible : Prov 30 :30 et une variante en Isa 30 :6. Dans ces passages, il a été traduit dans la Septante par σκύμνος λέοντος, le lionceau, et λέων7. Le livre de Job est donc le seul endroit où apparaît le néologisme grec myrmicoleon8. Il est admis que le traducteur du livre de Job, tout comme celui du livre des Proverbes, n’a pas hésité à prendre de grandes libertés par rapport à son modèle hébreu, contrairement aux traducteurs des autres livres, dont le travail est considéré comme plus littéral9. Une plus grande littéralité est également la caractéristique des traductions postérieures d’Aquila et de Symmaque.

  • 10 Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923, p. 361; Chirila, « They made “a mistake” in Job, 4, (...)
  • 11 La formulation de néologismes dans le domaine zoologique en accolant deux zoonymes n’est pas rare à (...)

3Comment le traducteur du livre de Job a-t-il pu inventer ce terme ? Plusieurs hypothèses ont été émises. Le traducteur aurait pu avoir sous les yeux un témoin de la Bible hébraïque portant un autre terme que layish10. Une autre hypothèse, plus probable, est qu’à la recherche d’un mot désignant une sorte de lion, il ait choisi de faire une référence à des éléments d’histoire naturelle présents dans la culture hellénistique dans laquelle il évoluait11. Nous aborderons la question de ces entités ci-après.

  • 12 P. Sabatier, V. De La Rue (éd.), Bibliorum Sacrorum latinae versiones antiguae  : seu, Vetus italic (...)
  • 13 D. Bertrand traduit par « lion invincible » mais précise que le terme ἀνυπόστατος a également le de (...)
  • 14 La cinquième colonne contient la traduction des Septante, avec les passages manquants par rapport à (...)

4La version du texte biblique éditée en six colonnes par Origène est la première utilisée par Jérôme, qui traduit littéralement Myrmicoleon periit, eo quod non habet escam12 avant de choisir Tigris dans la Vulgate pour exprimer la rareté du terme hébreu : Tigris periit eo quod non haberet praedam. La version hexaplaire d’Origène nous permet de savoir que les traductions postérieures du grec sur l’hébreu ne conservent pas le néologisme : les troisième et quatrième colonnes transmettent le texte de la traduction d’Aquila (v. 140 ap. J.C.) et de Symmaque (v. 200 ap. J.C.) qui traduisent respectivement par « λῖς » (« guépard ») et ἀνυπόστατος λέων (« lion invincible »13)14.

2. D’étranges fourmis

2.1. Les myrmekes leontes d’Agatharchide et Élien

  • 15 On sait qu’Agatharchide a eu accès aux archives des Ptolémées et a travaillé à Alexandrie : Desange (...)
  • 16 Pakis V.A., « Contextual duplicity and textual variation : the siren and onocentaur in the Physiolo (...)
  • 17 Élien rapporte ces informations d’après le récit de Cratès de Pergame transmis par Pythagore, amira (...)
  • 18 Élien: XVII, 9. Il est particulièrement notable qu’Élien soit originaire de Préneste. L’hypothèse d (...)
  • 19 Thomas J.J., « The Nile Mosaic at Praeneste: Evidence of Ptolemaic Natural Science in Late Republic (...)
  • 20 Lionne/lion, léopard/panthère, onocentauresse, ichneumon, enhydris, onagre, lézard, éléphant, serpe (...)
  • 21 Moretti, « Ut leo, sic formica », 2012, p. 582, note 5.

5On a émis l’hypothèse que le traducteur du livre de Job avait puisé, pour la création du néologisme myrmicoleon, dans des sources naturalistes disponibles à Alexandrie aux IIIe et IIe siècles avant J.C., dans lesquelles on a voulu voir les « lions qu’on appelle fourmis » (οἱ λέοντες οἱ καλούμενοι μύρμηκες) évoqués par le géographe du IIe siècle av. J.C. Agatharchide dans sa description de la faune et des habitants de la côte de l’actuelle Érythrée (Agatharchide, Traité de la mer Érythrée, V, 68-69)15. D’autres choix « incongrus » des traducteurs de la Septante trouvent vraisemblablement leur origine dans le même bestiaire d’animaux éthiopiens mentionnés dans les descriptions de la côte occidentale de la mer Rouge, comme l’onocentaure évoqué quatre fois dans le livre d’Isaïe : deux fois pour traduire l’hébreu אציים (’iyyîm) désignant la hyène ou le chacal (Isa 13 :22, 34 :14), une fois pour rendre לילית (lîlît) « Lilith », un démon femelle (Isa 34 :14) et sans correspondance en hébreu en Isa 34 :1116. Décrit par Élien comme un hybride femelle, humain de la tête au torse, âne de l’abdomen aux pattes arrière17, il apparaît aussi sous sa forme féminine sur la mosaïque de Préneste qui serait d’époque hellénistique (dernier quart du IIe siècle avant J.C.)18. La mosaïque aurait été réalisée à partir d’un prototype égyptien datant du IIe ou du IIIe siècle avant J.C., qui aurait orné un sanctuaire de l’Égypte lagide, ou un lieu en rapport avec le pouvoir central des Ptolémées. Elle figure dans sa partie supérieure la faune éthiopienne telle qu’on la trouve également dans les descriptions d’Agatharchide19. Plusieurs des animaux figurés sont d’ailleurs communs avec le Physiologos20. Pour le terme myrmicoleon, P. Moretti pose l’hypothèse intéressante d’un μύρμηξ glosé avec le terme λέων, deux zoonymes qui auraient fini par s’associer dans le néologisme que l’on connaît21.

  • 22 Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 3, §31-32. Voir aussi Desanges J., Recherches sur (...)
  • 23 Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 3, §33.
  • 24 Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », 1989, p. 32; cf. note 15.
  • 25 On estime que la traduction du livre de Job est terminée dans la seconde moitié du IIe s. av. J.C., (...)

6La chronologie concorde-t-elle ? Jehan Desanges estime que la documentation d’Agatharchide est largement plus ancienne que la période à laquelle il écrit, et ne serait pas plus récente que les années 280 à 250 avant J.C. Elle se fonderait sur les expéditions d’Anaxicrate (mandaté par Alexandre) et surtout d’Ariston (sous Ptolémée II)22. Pour la partie sur la faune, J. Desanges émet l’hypothèse d’une dépendance d’Agatharchide envers les écrits de Ctésias (Ve siècle av. J.C.), originaire de Cnide lui aussi, et auteur d’un Périple de l’Asie qui aurait couvert également la région du Nil, aujourd’hui perdu23. S. Burstein dresse une liste de sept auteurs dont nous savons qu’ils ont traité de l’Éthiopie et de la mer érythréenne au IIIe siècle avant J.C., mais dont les œuvres se résument aujourd’hui à des fragments24. L’une de ces sources, consultée par Agatharchide, aurait également pu être accessible au traducteur du livre de Job, dont le travail était vraisemblablement achevé à la fin du IIe siècle avant notre ère25.

  • 26 Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », 1989, p. 23-24.
  • 27 Cf. Zucker A., « Qu’est-ce qu’épitomiser  ? Étude des pratiques dans la Syllogé zoologique byzantin (...)
  • 28 Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 1, §3 ; Marcotte D., « Structure et caractère de l (...)

7Le Traité de la mer Érythrée d’Agatharchide, et principalement le livre V qui nous intéresse pour la description des côtes de la mer Rouge et qui constituerait un appendice ethnographique et zoologique à un ouvrage historique portant sur les campagnes militaires des Ptolémées au sud de l’Égypte, nous est connu par des voies indirectes26 : principalement par le résumé fait par Photios des livres I et V au IXe siècle dans sa Bibliothèque, mais aussi à travers les emprunts faits par Diodore de Sicile et Strabon (Ier siècle avant J.C.). Ce dernier le cite à travers les Geographoumena d’Artémidore (104 av. J.C.). La Syllogé byzantine, compilation zoologique constituée à partir de l’oeuvre du grammairien Aristophane de Byzance (IIIe siècle avant J.C.) puis augmentée d’extraits divers, transmet un épitomé du texte d’Agatharchide27. Enfin, Élien le cite fréquemment dans son Περὶ ζῴων ἠδιότητος, ce qui a pour effet qu’un certain nombre de passages nous sont transmis par trois, voire quatre textes différents28. C’est le cas de la mention des « lions qu’on appelle fourmis », qui font partie de la faune de la région habitée par les Troglodytes (sud-est de l’Égypte – Érythrée – Ethiopie – Soudan oriental) :

Ὅτι οἱ κατὰ τὴν Ἀραβίαν λέοντες, φησί, ψιλότεροι μέν εἰσι καὶ θρασύτεροι, τῷ χρώματι δὲ ὁμαλοὶ καθάπερ οἱ γινόμενοι περὶ τὴν Βαβυλωνίαν, οὕτω δὲ τοῖς τριχώμασι στίλβοντες ὥστε ἀπὸ τῶν αὐχένων ξανθότητα ἀπολάμπειν χρυσῷ παραπλησίαν. Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκων οἱ μὲν πλεῖστοι κατὰ τὴν ἰδέαν τῶν λοιπῶν οὐδὲν παραλλάττουσι, τὴν δὲ τῶν αἰδοίων φύσιν ἀπεστραμμένην ἔχουσιν ἐναντίαν τοῖς ἄλλοις.

Les lions d’Arabie, dit l’auteur, sont moins velus et plus agressifs que les autres ; par la couleur du pelage, ils sont pareils à ceux qui vivent en Babylonie ; leur crinière brille tellement que leur cou éclate de reflets fauves comme de l’or. Mais la plupart de ceux qu’on appelle les fourmis, sans être différents des autres par l’aspect, ont des organes génitaux tournés en sens inverse.
(
Agatharchide d’après Photios, V, 68-69 [éd. S. Burstein, 1989 ; trad. R. Henry, 1974])

  • 29 K. Müller (éd.), Geographi graeci minores, Paris, 1855, p. 158 ; Micunco S., La géographie dans la (...)

8Il n’est pas clair ici si les « lions qu’on appelle fourmis » sont plus proches des lions d’Arabie ou de ceux de la côte érythréenne qui est la région dont traite Agatharchide ici. La question de la possible mutilation de ce passage a été évoquée plusieurs fois29.

  • 30 Cf. Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 1, §3.

9Ce passage est repris chez Strabon, qui fait, dans le chapitre sur l’Arabie, un excursus sur la côte orientale de l’Égypte, entièrement emprunté à Artémidore du §5 au §2030 :

πληθύει δ᾽ ἐλέφασιν χώρα καὶ λέουσι τοῖς καλουμένοις μύρμηξιν : ἀπεστραμμένα δ᾽ ἔχουσι τὰ αἰδοῖα καὶ χρυσοειδεῖς τὴν χρόαν, ψιλότεροι δὲ τῶν κατὰ τὴν Ἀραβίαν […]

  • 31 La traduction ancienne d’A. Tardieu donne pour λέουσι τοῖς καλουμένοις μύρμηξιν : « fourmi-lion », (...)

Le pays abonde d’éléphants, et aussi de lions qu’on appelle fourmis. Ces derniers ont leurs organes génitaux renversés, et sont d’une couleur dorée, mais sont moins velus que ceux d’Arabie.
(
Strabon, Géographie, XVI, 4, 15 [éd. et trad. H. L. Jones, 1930])31

10La caractéristique d’être « moins velu » est attribuée par Strabon aux « lions qu’on appelle fourmis » par rapport aux lions d’Arabie, tandis que dans le texte d’Agatharchide transmis par Photios, ce sont les lions d’Arabie qui sont moins velus que les autres.

11Chez Diodore, on ne trouve qu’une allusion à un ensemble d’animaux sauvages :

δὲ πρὸς τὴν μεσόγειον ἀνατείνουσα πλήρης ἐστὶν ἐλεφάντων καὶ ταύρων ἀγρίων καὶ λεόντων καὶ πολλῶν ἄλλων παντοδαπῶν θηρίων ἀλκίμων.

L’intérieur du pays est rempli d’éléphants, de taureaux sauvages, de lions et de beaucoup d’autres bêtes fauves de toute sorte.
(
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, III, 41, 3 [éd. E. Bekker 1888 ; trad. F. Hoefer, 1851 revue])

12Le passage cité en III, 41, 3, correspond en réalité au frag. 84 chez Agatharchide. De fait, Diodore saute complètement le passage traitant des « lions qu’on appelle fourmis », puisqu’il passe directement du frag. 66 au frag. 71 chez Agatharchide (III, 34-35 chez Diodore). Ce passage était-il manquant ou corrompu dans le modèle utilisé par Diodore ? Il est difficile de répondre avec certitude.

13Quant à Élien, il ne mentionne que le caractère « inversé » des parties génitales de l’animal :

ἐν τῇ Βαβυλωνίᾳ γῇ γίνονται μύρμηκες, καὶ ἔχουσι τὸ παιδοποιὸν σῶμα ἐς τοὐπίσω μετεστραμμένον, ἀντίως τοῖς ἄλλοις καὶ ἔμπαλιν.

Il y a en Babylonie des fourmis qui ont les organes de reproduction tournés vers l’arrière, à l’opposé et à l’inverse des autres fourmis.
(
Élien, De la personnalité des animaux, XVII, 42 [éd. A. F. Scholfield 1958, trad. A. Zucker 2002])

  • 32 Il est possible que ce passage ait été corrompu très tôt dans la tradition, ce qui expliquerait que (...)
  • 33 Photios sélectionne les passages qui l’intéressent, ce qui a pu nuire à l’intelligibilité du passag (...)
  • 34 Diodore, Pomponius Mela et Ptolémée : cf. Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, §25-26.
  • 35 Agatharchide d’après Photios, §50 ; Élien, XVII, 40 ; Strabon XVI, 4, 8-9 ; Diodore de Sicile, III, (...)

14Il est très clair qu’Élien copie ici Agatharchide, car tout de suite après, chez les deux auteurs, vient la même description des léopards d’Éthiopie comparés à ceux de Carie et de Lycie, suivie de celle du rhinocéros. Élien parle de « fourmis de Babylonie » : il peut s’agir ici d’une confusion due à la transmission du texte d’Agatharchide32, qui ne nous permet pas de comprendre entièrement le sens des frag. 68-69 à travers le résumé de Photios33, ou d’une Babylonie qui ne recouvrirait pas l’acception traditionnelle du terme, mais ferait référence à une région proche du Soudan ou de l’actuelle Érythrée. En effet le terme « Babylonie » est évoquée par plusieurs auteurs en rapport avec l’Érythrée34. D’autres confusions géographiques se trouvent dans l’œuvre d’Élien : il parle du fleuve éthiopien Atbara (Astaboras) comme d’un fleuve indien, au sujet d’une invasion de moustiques subie par les Rhizophages lors de l’apparition de l’étoile Sirius qui coïncide avec la canicule, alors que le même épisode est localisé en Éthiopie par Agatharchide, Strabon et Diodore, quelques pages avant l’évocation de la faune éhiopienne comprenant les myrmekes leontes35.

  • 36 Élien, VII, 47.
  • 37 Cf. éd. Loeb. L’identification avec la marmotte provient certainement d’un amalgame avec les fourmi (...)
  • 38 Zucker A., « Raison fausse et fable vraie : sur le sexe ambigu de la hyène », Pallas. Revue d’étude (...)
  • 39 Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 185-186.

15Que pouvaient donc être ces lions appelé fourmis, au poil ras et doré, et aux parties génitales « inversées » ? Ailleurs, Élien les inclut dans une liste de fauves, dont il donne le nom des petits : lions, léopards, chacals, tigres, « fourmis », panthères et lynx36. Il dépend ici, comme il le précise, d’Aristophane de Byzance, qui est l’auteur d’un traité lexicologique sur les noms d’animaux, perdu. Le terme myrmex dans ce contexte renvoie donc probablement à un fauve, et non à une marmotte comme le suggèrent les éditeurs modernes37. Le seul fauve doté d’une particularité relative à l’appareil reproducteur est la hyène tachetée, particulièrement commune en Éthiopie, dont la femelle est très difficile à distinguer du mâle, même pour des spécialistes38. La hyène tachetée, tout comme la hyène rayée avec laquelle elle est facilement confondue dans les textes, est par ailleurs connue sous l’appellation de κροκόττας ou αινα39. Signalons aussi le protèle, appartenant aussi aux hyénidés, dont l’aire de répartition recouvre également l’Éthiopie et l’Érythrée, et qui se nourrit exclusivement de termites. Le protèle creuse des terriers dans le sol.

  • 40 Voir aussi l’hypothèse de Samuel Bochart sur une transformation du terme arabe hirmas désignant le (...)

16Une étude plus poussée des termes désignant la hyène, la fourmi et les félidés d’Éthiopie dans les dialectes nord et est-africains anciens permettra peut-être de trancher, étant donné que les récits d’expéditions reposaient probablement en partie sur des guides, informateurs ou traducteurs locaux40.

  • 41 Meyboom, The Nile mosaic of Palestrina, 1995, p. 127-128.
  • 42 Ibid., p. 233-234, n. 46.
  • 43 Meyboom semble se fonder sur une édition d’Agatharchide donnant myrmikoleon. Il cite la thèse de Di (...)

17P. Meyboom suggère une identification du myrmicoleon avec le daman, dont une espèce est endémique en Afrique de l’Est41, le daman de Rhodésie (Heterohyrax brucei), du fait que ce petit plantigrade, plus proche cousin de l’éléphant mais ressemblant à une sorte de marmotte, possède sur le dos une zone glandulaire dont les poils sont érectiles et qui lui sert à marquer son territoire. D’après Meyboom, le daman figure peut-être sur la mosaïque de Préneste, aux pieds de la girafe42. Néanmoins, l’argumentation de Meyboom se fonde sur l’amalgame des trois entités43 : myrmekes leontes, fourmis chercheuses d’or (dont nous allons traiter) et fourmi-lion. Cette identification avec le daman nous paraît donc hasardeuse, étant donné que les myrmekes leontes sont clairement assimilés à des fauves dans les sources qui les mentionnent et que nous avons passées en revue.

2.2. Les « fourmis » chercheuses d’or d’Hérodote

18Dans l’historiographie, le myrmicoleon a souvent été évoqué en relation avec une autre catégorie de fourmis fantastiques, les fourmis chercheuses d’or.

  • 44 Une anecdote relatant l’extraction d’or par des fourmis se trouve dans le Mahābhārata indien : des (...)

19Il est en effet une histoire animalière antique qui connut une fortune durable dans le Moyen Âge : elle mentionne des fourmis de la taille d’un chien, dont on raconte qu’elles creusent la terre pour trouver de l’or dans les déserts de l’Inde ou de l’Éthiopie. D’après les sources qui nous sont parvenues, la fable prendrait son origine, en Occident, chez Hérodote44, qui raconte, d’après des sources perses, de quelle manière les Indiens se procurent de quoi payer leur tribut au roi perse :

[102] Ἄλλοι δὲ τῶν Ἰνδῶν Κασπατύρῳ τε πόλι καὶ τῇ Πακτυϊκῇ χώρῃ εἰσὶ πρόσουροι, πρὸς ἄρκτου τε καὶ βορέω ἀνέμου κατοικημένοι τῶν ἄλλων Ἰνδῶν, οἳ Βακτρίοισι παραπλησίην ἔχουσι δίαιταν. οὗτοι καὶ μαχιμώτατοι εἰσὶ Ἰνδῶν καὶ οἱ ἐπὶ τὸν χρυσὸν στελλόμενοι εἰσὶ οὗτοι : κατὰ γὰρ τοῦτο ἐστὶ ἐρημίη διὰ τὴν ψάμμον. Ἐν δὴ ὦν τῇ ἐρημίῃ ταύτῃ καὶ τῇ ψάμμῳ γίνονται μύρμηκες μεγάθεα ἔχοντες κυνῶν μὲν ἐλάσσονα ἀλωπέκων δὲ μέζονα : εἰσὶ γὰρ αὐτῶν καὶ παρὰ βασιλέι τῷ Περσέων ἐνθεῦτεν θηρευθέντες. Οὗτοι ὦν οἱ μύρμηκες ποιεύμενοι οἴκησιν ὑπὸ γῆν ἀναφορέουσι τὴν ψάμμον κατά περ οἱ ἐν τοῖσι Ἕλλησι μύρμηκες κατὰ τὸν αὐτὸν τρόπον, εἰσὶ δὲ καὶ αὐτοὶ τὸ εἶδος ὁμοιότατοι : δὲ ψάμμος ἀναφερομένη ἐστὶ χρυσῖτις. Ἐπὶ δὴ ταύτην τὴν ψάμμον στέλλονται ἐς τὴν ἔρημον οἱ Ἰνδοί, ζευξάμενος ἕκαστος καμήλους τρεῖς, σειρηφόρον μὲν ἑκατέρωθεν ἔρσενα παρέλκειν, θήλεαν δὲ ἐς μέσον : ἐπὶ ταύτην δὴ αὐτὸς ἀναβαίνει, ἐπιτηδεύσας ὅκως ἀπὸ τέκνων ὡς νεωτάτων ἀποσπάσας ζεύξει.

D’autres peuplades [indiennes] sont voisines de la ville de Caspatyros et du pays des Pactyes, du côté de la Grande-Ourse et du vent du nord pour les autres Indiens ; ils vivent à peu près comme les Bactriens. Ils sont aussi les plus belliqueux des Indiens, et ce sont eux qui vont à la recherche de l’or, car la région transformée par le sable en désert se trouve de ce côté. Dans ce désert et dans ce sable vivent des fourmis qui n’ont pas tout à fait la taille du chien, mais dépassent celle du renard ; le roi de Perse en a d’ailleurs quelques-unes, qui ont été capturées là-bas. En creusant leurs trous, ces fourmis ramènent du sable à la surface, comme le font en Grèce nos fourmis, auxquelles d’ailleurs elles ressemblent tout à fait. Or, le sable qu’elles remontent contient de l’or, et c’est lui que les Indiens s’en vont chercher dans le désert : chacun prend un attelage trois chameaux, une femelle au milieu, à droite et à gauche un mâle tenu par une longe. L’homme monte sur la chamelle qu’il a eu soin de séparer, pour ce travail, de petits aussi jeunes que possible. […].
(
Hérodote, L’Enquête, 3, 102-105 [éd. et trad. A. Barguet, 1964])

  • 45 Si Ctésias, pourtant hôte à la cour du roi perse, ne semble pas transmettre cette histoire, elle ra (...)

20Hérodote poursuit en décrivant la technique de ces Indiens pour récupérer l’or : alors que la chaleur force les fourmis à se réfugier sous terre, l’or est chargé sur les chamelles, qui courent plus vite que les chameaux, pour retrouver leurs petits dont elles ont été séparées. Les chameaux sont laissés en arrière ; ainsi les Indiens s’enfuient avec les chamelles chargées d’or et les chameaux sont dévorés par les fourmis alertées de la présence d’intrus par leur odorat45.

  • 46 Strabon, Géographie, 15, 1, 44.
  • 47 La région est identifiée avec ce que l’on appelle de manière arbitraire le Dardistan, au nord du Pa (...)

21Strabon nous donne d’autres informations, en reprenant les propos de Néarque, compagnon d’Alexandre dans la campagne d’Inde qui dit avoir vu leurs peaux, semblables à celles des léopards, et de Mégasthène, envoyé par Séleucos Ier à la cour du roi d’Inde46. Les protagonistes sont les Derdes, population vivant au nord de l’Inde47, les lieux sont montagneux, et les indigènes font diversion avec des morceaux de viande pour charger l’or sur des mulets sans être attaqués par les “fourmis”, aussi grosses que des renards. Ailleurs (15, 1, 69), Strabon indique que certaines de ces “fourmis” ont des ailes.

  • 48 Pline l’Ancien, Historia naturalis, 11, 36 [111]. Ce passage peut-être corrompu a donné lieu à dive (...)

22Pline mentionne, lui aussi, les Derdes, précisant que ces fourmis ont une couleur fauve et sont de la taille d’un loup d’Égypte. Il raconte qu’une corne de ces fourmis était exposée dans le temple d’Hercule à Erythris48.

  • 49 Arrien, Indica, 15, 4-7.
  • 50 Élien, III, 4.

23Arrien au IIe siècle rapporte les mêmes propos dans la bouche de Néarque et Mégasthène, en mettant en doute la véracité de ces informations, connues uniquement par ouï-dire49. Élien se borne à mentionner que les fourmis qui gardent l’or ne traversent pas le fleuve nommé Campylinos50. Les indigènes sont ici les Issédons.

  • 51 Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, VI, 1. Voir à ce sujet Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 200 (...)
  • 52 Héliodore, Éthiopiques X, 26, 2. Notons que ces deux auteurs associent fourmis et griffons dans ces (...)

24Le thème des fourmis fouisseuses devient un topos dans la littérature sur les confins exotiques ; un glissement vers l’Éthiopie se constate dans la Vie d’Apollonius de Tyane de Philostrate (IIe siècle ap. J.C.)51 et dans les Éthiopiques d’Héliodore (IIIe siècle ap. J.C.)52, mais ces deux auteurs ne décrivent pas les fourmis en question. Dans la Vie d’Apollonius de Tyane, griffons d’Inde et fourmis d’Éthiopie sont rapprochés par leur appétence pour les terres aurifères. Dans les Éthiopiques, l’or des fourmis est décrit comme un présent des Troglodytes au roi d’Éthiopie, avec un attelage de griffons.

  • 53 Solin, Collectanea rerum memorabilium, 30, 23. Solin évoque toutefois les griffons gardiens de l’or (...)
  • 54 Gautier Dalché P., « Notes sur la tradition du “De rebus in Oriente mirabilibus” », in Turcan-Verke (...)
  • 55 Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (éd. Cipriani), IX, 25.
  • 56 Cf. ci-dessous note 58. Vincent de Beauvais, Speculum doctrinale, 15, 118 ; Speculum naturale, VIII (...)
  • 57 Thou J.A. De, Historiae sui temporis, Paris, 1604, 1, p. 616.

25Chez Solin également, qui en l’occurrence ne dépend pas de Pline, c’est en Éthiopie que se trouvent ces fourmis, de la taille d’un chien, et aux pattes ressemblant à celles des lions53, et c’est son texte que reproduit Isidore de Séville dans ses Étymologies. L’histoire reçoit encore une diffusion parallèle au Moyen Âge, probablement à partir d’un texte grec traduit en latin à une haute époque, dans le De rebus in oriente mirabilibus, connu dans trois rédactions dont les plus anciens manuscrits dateraient du IXe siècle, à travers lequel elle se retrouve également dans le Liber monstrorum parfois attribué à Adhelme de Malmesbury (VIIIe siècle), les versions latines du Roman d’Alexandre et notamment l’Historia de preliis (XIe-XIIe siècle), et les Otia imperialia de Gervais de Tilbury (début XIIIe siècle)54. La fable trouve une réception durable dans la littérature encyclopédique médiévale. Thomas de Cantimpré rapporte l’anecdote en la mettant sous l’autorité d’Isidore et du Liber monstrorum attribué à Adhelme de Malmesbury, puis, dans une seconde citation, sous celle de Pline55. Vincent de Beauvais transmet aussi l’histoire par plusieurs canaux, en citant Thomas de Cantimpré dans le Speculum doctrinale, mais aussi à plusieurs endroits du Speculum naturale : sur les moyens d’extraire l’or (les griffons et les fourmis sont évoqués, en Scythie, sous l’autorité de Pline), sur la pierre chrysocolle que l’on trouve en Inde, sous l’autorité d’Isidore, et enfin dans le chapitre sur les fourmis, en citant Solin, Pline, et le bestiaire H56. Samuel Bochart, érudit caennais du XVIIe siècle, mentionne le récit de la venue du roi des Perses Thamus (sans doute le Safavide Tahmasp) à Soliman en 1559 dans les Historiae sui temporis de Jacques-Auguste de Thou, qui aurait apporté en présent une fourmi indienne, de la taille d’un petit chien, féroce et prompte à mordre57.

Illustration 1 : Fourmis chercheuses d’or dans la traduction en moyen anglais du De rebus in oriente mirabilibus. Ms. London BL Cotton Tiberius B V 1, XIe s., f. 80v, visible sur cette page : https://blogs.bl.uk/​digitisedmanuscripts/​2013/​04/​how-the-camel-got-the-hump.html

  • 58 Sur ce sujet, on peut lire: Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923; Reimer T., « Larger tha (...)
  • 59 Un résumé des hypothèses plus ou moins vraisemblables qui ont pu être émises se trouve dans Malte-B (...)
  • 60 Kevan mentionne le fait à propos du diamant et étend le raisonnement à l’or : Kevan, « Antlion ante(...)

26Certaines hypothèses font des fourmis chercheuses d’or des marmottes de l’Himalaya, dont on sait qu’elles creusent des galeries dans des régions riches en or58, d’autres des renards, des hyènes, des mangoustes ou des pangolins59. On a également mentionné le fait que les termites, qui déplacent de grandes quantités de terre et ont souvent été confondus avec les fourmis, ont pu être utilisés pour déterminer la qualité aurifère du sol60.

2.3. Une durable confusion

2.3.1. Les mappaemundi médiévales

27Ces différentes histoires « exotiques » se retrouvent parfois juxtaposées dans les sources qui exploitent graphiquement les récits au sujet de créatures fantastiques : les mappae mundi61. On retrouve en effet les fourmis chercheuses d’or sur la carte de Hereford datant du XIIIe siècle, en Afrique, avec la mention62 :

Hic grandes formice auream sericam [aureas servant ?] arenas.

Ici de grosses fourmis [gardent les sables d’or].

  • 63 Une reproduction d’un facsimile de la carte et des légendes est mise en ligne par une équipe de l’U (...)
  • 64 Sur ces deux cartes, des griffons gardant des émeraudes sont représentés en Scythie.

28Elles sont ici représentées comme de petits insectes ramassant des pépites d’or. Sur la mappamundi d’Ebstorf, datant également du XIIIe siècle, détruite en 1943 et connue uniquement par des fac-similés6363, on peut observer non seulement en Mésopotamie, des formice canum magnitudine qui custodiunt aureas arenas (des fourmis de la taille d’un chien qui gardent les sables d’or), sous la forme d’un petit mammifère, mais encore, fait notable, un mirmicaleon sous une forme assez vague de quadrupède placé en Éthiopie64. La localisation des fourmis chercheuses d’or en Mésopotamie, tout comme la présence d’un mirmicaleon en Éthiopie interroge et laisse supposer une confusion entre différentes sources.

2.3.2. Des éditeurs un peu trop zélés

  • 65 La confusion entre ces deux entités se perçoit peut-être chez Philostrate et Héliodore, qui délocal (...)

29Certains historiographes modernes ont fait le lien entre le myrmicoleon, les myrmekes leontes et les fourmis chercheuses d’or que l’on trouve mentionnées dans les récits que nous venons d’évoquer. Cette confusion ne se trouve pourtant pas chez les auteurs anciens. Aucun n’utilise le terme μυρμηκολέων pour les myrmekes leontes. Chez les auteurs qui traitent des myrmekes leontes et des fourmis indiennes (Strabon, Élien), ces deux entités reçoivent un traitement distinct, généralement en des endroits différents de l’oeuvre65. Comment cette confusion s’est-elle produite ?

  • 66 Photios, Bibliotheca, ex recensione Immanuelis Bekkeri, E. Bekker (éd.), Berlin, 1825, p. 455a ; Ag (...)
  • 67 Müller, 1855, p. 158, §69.

30Si nous regardons les différentes éditions des sources antiques que nous avons mentionnées, nous voyons que les éditions modernes de E. Bekker, S. Burstein et R. Henry transmettent bien Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκων66, mais que dans les Geographi Graeci minores édités par C. Müller67, le terme Myrmecoleonum est introduit dans la traduction du texte d’Agatharchide pour Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκων, avec la note suivante :

Indicatur haud dubie idem animal quod ex Indicôn scriptoribus tamquam formica aurum fodiens memoratur […] Bestia est canis magnitudine, capite rotundo, auribus parvis, cauda longa, colore fusco […] In Aethiopia idem reperiri animal testatur Philostratus

Il s’agit sûrement du même animal que celui qui est mentionné par les auteurs d’Indica comme une fourmi qui extrait l’or en creusant […] L’animal est de la taille d’un chien, avec une tête ronde, de petites oreilles, une longue queue, de couleur sombre […] D’après Philostrate on trouve aussi cet animal en Éthiopie...

  • 68 Cf. Photios, Photius. Bibliothèque, 1959, 7, p. 174, note 1. Henry traduit Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκ (...)
  • 69 Bochart, Hierozoicon, 1793, 2, 813. Cf. aussi Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923.
  • 70 Bochart, Hierozoicon, 1793, 2, 815.
  • 71 Photios, Myriobiblion sive Bibliotheca librorum quos Photius, Patriarcha Constantinopolitanus legit (...)

31Il fait donc le lien avec les fourmis chercheuses d’or d’Hérodote, en se référant à Mégasthène, puis à Philostrate et Héliodore68. Pour comprendre cette assimilation au myrmicoleon, il faut remonter plus loin dans le temps. Au XVIIe siècle, S. Bochart considère le myrmicoleon et les myrmekes leontes comme le même animal, mais refuse l’assimilation avec les fourmis indiennes chercheuses d’or69. Il semble avoir lu un texte d’Agatharchide donnant Τῶν δὲ καλουμένων μυρμηκολέοντων en lieu et place de Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκων70, ce qui est peut-être à l’origine de la confusion. En effet, si l’on regarde dans la première édition de la Bibliothèque de Photios avec traduction latine datant de 161171, nous voyons que le passage sur les myrmekes leontes chez Agatharchide reçoit une rubrique que nous ne retrouvons pas dans les éditions de Müller, Bekker, Burstein ou Henry : Περί μυρμηκολέοντων. Le texte du paragraphe donne bien : Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκων, mais corrige dans la marge μυρμήκων en μυρμηκολέοντων, ce qui est peut-être la source de l’information de Bochart, et, directement ou non, de Müller. Assez malicieusement, Bochart conclut sa notice par ces mots :

Haec ille, sed ex fama solum. Itaque suspendam fidem, donec aliquis hoc animal ἐξ αὐτοψιᾳ describat accuratius.

Voilà sur cet animal, qui n’est attesté que par la tradition. C’est pourquoi je ne me prononce pas sur son existence, en attendant que quelqu’un décrive plus précisément cet animal, à partir d’observations personnelles.

  • 72 Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923, p. 355-361.

32Druce est induit en erreur en utilisant l’édition de Müller, et amalgame les trois entités72 :

« There is evidence derived from classical writers that there was a four-footed animal of some kind which was called µύρµηξ or ant. […] The animal in question is there called the Ethiopian ant, but in classical writers usually passes under the name of Indian ant. The earliest source of information that we have is Herodotus (fifth century B.C.). […] The grammarian Agatharchides (second century B.C.) in his description of the lions of Arabia actually mentions ant lions by their Greek name (mirmecoleones) and says that in appearance most of them differ in no way from the other lions [...] As to the identity of this so-called Indian ant we are wholly in the dark. Apparently there was a four-footed animal of some kind which had a resemblance to a lion and which burrowed in the ground like an ant, and so may have acquired the name of ‘ant-lion’. It is difficult to believe that it can have had any resemblance to an ant. Very few people seem to have seen it, and in course of time popular imagination invested it with the two-fold nature of ant and lion; and so arose the story that, its father being a lion, it could not eat herbs, and its mother being an ant it could not eat flesh, and consequently it died of starvation. This creature must be the original of the µυρµηκολέων of the LXX ».

  • 73 Woelk, Agatharchides von Knidos, 1966, p. 172-174.
  • 74 Gerhardt, « The ant-lion », 1965, p. 2.
  • 75 Chirila, « They made “a mistake” in Job, 4, 11; why not also in Prov, 30, 30? », 2018, p. 3.
  • 76 Józwiak M., « [The World of Animals in the Anonymous “Commentarii in Job”] », Verbum vitae, 32, 201 (...)

33C’est également le cas de Dieter Woelk en 196673. La confusion s’est prolongée jusqu’au début du vingt-et-unième siècle. Mia Gerhardt réfute l’amalgame fait par Druce avec les fourmis chercheuses d’or, mais appuie l’identité entre les myrmekes leontes et le μυρμηκολέων en citant le texte d’Agatharchide d’après Bochart74 . Adina Chirila cite le texte grec d’Agatharchide et sa traduction latine à partir de l’édition de Müller, sans noter que le terme Myrmecoleonum n’a pas d’équivalent dans le texte grec75. Magdalena Jozwiak utilise visiblement uniquement la traduction latine d’Agatharchide par Müller76.

34Même si le traducteur de la Septante responsable de l’invention du néologisme myrmicoleon a pu faire référence à la même entité que les myrmekes leontes évoqués par Agatharchide et peut-être par Ctésias ou un autre auteur ayant écrit sur la faune de l’Éthiopie, ce qui reste une hypothèse, nous ne voyons aucune raison d’identifier a posteriori le myrmicoleon avec les « lions qu’on appelle fourmis », et encore moins avec les fourmis chercheuses d’or. En d’autres termes, l’assimilation entre myrmecoleon et myrmekes leontes existe probablement dans l’esprit du traducteur de la Septante, mais jamais chez les auteurs anciens. Il est donc impropre d’utiliser le zoonyme de l’hybride créé par le traducteur du livre de Job pour se référer aux félins d’Agatharchide. Quant aux fourmis chercheuses d’or, leur assimilation aux myrmekes leontes dans les sources se limite à leur délocalisation tardive de l’Inde vers l’Ethiopie, sans emprunt de caractères physiques, ni assimilation explicite à des fauves.

2.3.3. Le « papyrus d’Artémidore »

  • 77 K. Brodersen, J. Elsner (éd.), Images and Texts on the « Artemidorus Papyrus »: Working Papers on P (...)
  • 78 Cf. plus haut et note 18. On y retrouve par exemple le crocodile-panthère (πανθηροκορκόδειλος) (fig (...)
  • 79 Gallazi C., Kramer B., Settis S. (éd.), Il papiro di Artemidoro (p. Artemid), Milano, 2008, p. 318- (...)

35Une pièce supplémentaire du puzzle historiographique des différentes formes du myrmex se trouve dans une source inattendue : le très célèbre papyrus d’Artémidore. Dans les années 1990, des informations sur la découverte d’un papyrus exceptionnel furent dévoilées, attisant progressivement l’intérêt du public et du monde académique jusqu’à la première présentation publique du papyrus en 2006 à Turin77. Le document comporte ce qui semble être des passages des Geographoumena perdus d’Artémidore, accompagnés de divers dessins de bustes et de parties anatomiques, ainsi qu’une carte (au recto) et des figures animales (au verso). Au verso du papyrus, une quarantaine d’animaux sont ainsi esquissés avec leurs zoonymes grecs sous forme de légendes dans une composition qui rappelle celle de la mosaïque hellénistique de Préneste78. Ces dessins sont ainsi interprétés soit comme des esquisses préparatoires – paradeigma - à la réalisation d’une mosaïque ou d’une peinture murale, soit comme un répertoire d’animaux réalisé pour une utilisation interne dans un atelier79.

  • 80 Le débat et les arguments contre l’authenticité sont résumés dans : Canfora L., Céna O., La fabuleu (...)

36Rapidement, l’authenticité du papyrus a fait l’objet d’un débat passionné, toujours en cours aujourd’hui, et des arguments dans le sens d’un faux du XIXe siècle ont été avancés notamment par Luciano Canfora dans plusieurs publications, tandis que l’authenticité du document a été défendue par Claudio Gallazzi, Bärbel Kramer et Salvatore Settis80.

37La diversité des animaux représentés se rapproche non seulement de la mosaïque de Préneste mais aussi de la description d’Agatharchide telle que l’on peut l’appréhender à travers le résumé de Photios et celui d’Artémidore, transmis par Strabon. Dans cette perspective, le papyrus représenterait peut-être un specimen des myrmekes leontes, visiblement aux prises avec un serpent géant (figure V22).

Illustration 2 : Le myrmex du papyrus d’Artémidore (figure V22). Reproduction visible sur la page : https://likeavirgil.tumblr.com/​post/​70358578945/​sketches-of-real-and-mythical-animals-from-the

  • 81 Les ailes sont interprétées comme une figuration allégorique de la vélocité du guépard par Ragnar K (...)
  • 82 Gallazi, Kramer, Settis, Il papiro, 2008, p. 397-398.
  • 83 Référence trouvée dans: Miziur M., Exotic animals in life, culture and imagination of the Hellenist (...)

38La légende, dont les lettres centrales sont perdues, précise : myrmex (μ[υρ]μηξ). Il est particulièrement remarquable que la représentation de ce myrmex se démarque de la description d’Agatharchide : en effet elle englobe de nombreux détails appartenant principalement à l’histoire des fourmis chercheuses d’or : il a certes la forme d’un félin (Agatharchide, Artémidore via Strabon, Élien, sur les myrmekes leontes), mais possède des cornes (Pline, sur les fourmis chercheuses d’or) et une peau tachetée de léopard (Néarque via Strabon, idem), arbore une grande paire d’ailes (Strabon, idem)81. Dans l’édition du papyrus par Gallazzi, on suppose une contamination avec le motif du griffon-lion parfois figuré avec des cornes, des ailes et une barbiche82. Le griffon-aigle est également représenté en V19. Il est possible de trouver des cas de représentation simultanée des différentes catégories de griffons : par exemple sur la mosaïque byzantine du Grand Palais de Constantinople (VIe ou VIIe s. ap. J.C., excavée dans la première moitié du XXe s.). L’une des figures de griffon de la mosaïque rappelle les caractéristiques du myrmex du papyrus : corps et tête de félin (ici on devine un mélange entre un léopard et un tigre), cornes, grandes ailes déployées. Le type de ce griffon-lion, comme celui du myrmex du papyrus si l’on admet qu’il s’agit d’un griffon, est d’origine assyrienne et se transmet jusque dans l’art achéménide83.

Illustration 3 : Griffon-lion de la mosaïque du Grand Palais de Constantinople. Reproduction visible sur la page : https://turkisharchaeonews.net/​object/​great-palace-constantinople-mosaic-museum

  • 84 Canfora L., « Comment Simonidès s’est fait Artémidore », Revue d’Histoire des Textes, 6, 2011, p. 3 (...)

39Comme cela a été souligné plusieurs fois, les figures du verso du papyrus correspondent en grande partie aux animaux évoqués dans le passage d’Artémidore sur la faune éthiopienne84. En ce qui concerne le myrmex, il est probable que ce soit en réalité une représentation des caractéristiques de la fourmi chercheuse d’or que nous découvrons ici.

  • 85 Cf. Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 66, 183, 270. L’argument de l’emprunt par Héliodore à (...)
  • 86 Dans la lignée de L. Canfora qui s’est concentré sur le texte du recto, Stefano Micunco s’est intér (...)

40Comme le développe Schneider et comme nous l’avons évoqué, les fourmis chercheuses d’or et le griffon, créatures typiquement indiennes et d’Asie centrale dans les sources anciennes, ne sont situés en Éthiopie qu’à partir des écrits de Philostrate et d’Héliodore aux IIIe-IVe siècles85. Les attributs du myrmex ainsi présenté supposent donc, de notre point de vue, soit l’influence du griffon-lion assyrien, soit la connaissance de tous les passages traitant des fourmis chercheuses d’or chez Strabon et Pline, et l’identification de celles-ci avec les myrmekes leontes d’Éthiopie mentionnés par Agatharchide86. C’est donc une figure pour le moins étonnante, amalgamant plusieurs traditions, que nous avons sur ce papyrus.

3. Le myrmicoleon dans le Physiologos grec

3.1. Le myrmicoleon hybride du Physiologos

41Le Physiologos grec, dans sa première recension, suivi des traductions qui en dérivent (versions latines Y et B, mais aussi arméniennes, syriaque et éthiopienne) a tiré parti du potentiel exégétique du néologisme de la Septante pour en faire le zoonyme d’un hybride improbable :

  • 87 Ce membre de phrase, omis par un certain nombre de manuscrits grecs dont Π, apparaît bien dans le P (...)

Αλλʹ Ἐλιφὰζ Θαιμανίτης ἔλεγεν· μυρμηκολέων ὤλετο παρὰ τὸ μὴ ἔχειν βοράν”. Φυσιολόγος ἔλεξεν περὶ τοῦ μυρμηκολέοντος ὅτι μὲν πατὴρ αὐτοῦ ἔχει πρόσωπον λέοντος, καὶ μήτηρ μύρμηκος. μὲν πατὴρ αὐτοῦ σαρκοφάγος ἐστίν, δὲ μήτηρ ὄσπρια τρώγει, ἐάν οὖν γεννήσωσιν τὸν μυρμηκολέοντα, γεννῶσιν αὐτον δύο φύσεις ἔχοντα, τὸ μὲν πρόσωπον λέοντος, καὶ τὰ ὀπίσθια μύρμηκος. οὐ δύναται δὲ φαγεῖν σάρκας διὰ τὴν φύσιν της μητρός οὐδὲ ὄσπρια διὰ τὴν φύσιν τοῦ πατρός87, ἀπόλλυται οὖν διὰ τὸ μὴ ἔχειν τροφήν. Οὕτως οὕτω πᾶςἀνὴρ δίψυχος ἀκατάστατος ἐστί ἐν πάσαις ταῖς ὁδοῖς αὑτοῦ”. Οὐ χρὴβαδίζειν δύο τρίβους”, οὐδὲ δισσὰ λέγειν ἐν τῇ προσευχῇ·οὐ καλὸν εἶναι τὸ ναὶ οὔ, καὶ τὸ οὒ ναί, ἀλλὰ τὸ ναὶ ναί, καὶ τὸ οὒ οὔ. ”

  • 88 Physiologos  : le bestiaire des bestiaires, 2004, p. 146, revu avec l’édition de F. Sbordone (F. Sb (...)

Mais Éliphaz le Thémanite dit : « Le Fourmi-lion est mort parce qu’il n’avait pas de nourriture ». Au sujet de la fourmi-lion, le Physiologue a dit que [son père a l’apparence d’un lion, et sa mère celle d’une fourmi Π]. Son père est carnivore et sa mère mange des graines. Lorsqu’ils engendrent la fourmi-lion, ils l’engendrent donc avec deux natures, [avec l’avant-train d’un lion, et l’arrière-train d’une fourmi. Π] Il ne peut donc pas manger de viande à cause de la nature de sa mère, ni de graines à cause de la nature de son père [om. Π]. Il meurt donc faute de nourriture. Ainsi en est-il de tout homme à l’âme divisée, instable dans toutes ses voies. [Il ne faut pas emprunter deux voies, ni faire preuve de duplicité dans la prière. Π] Il n’est pas beau de dire « non et oui » ou « oui et non » mais que le oui soit oui et le non non. Le Physiologue a bien parlé de la fourmi-lion.
(
Physiologos [éd. Sbordone 1936 ; trad. A. Zucker 2004 revue avec le ms. Π d’après Sbordone])88

42La seconde partie du chapitre, comme souvent, donne l’exégèse de la nature de la fourmi-lion : celle-ci est comparée à l’homme à l’âme divisée, incapable de prendre des décisions sûres.

Illustration 4 : Le myrmicoleon dans le Physiologos grec. Leipzig, Universitätsbibliothek, cod. gr. 35, XIVe s., f. 34.

  • 89 Cf. Physiologos, 2004, p. 148, 165.

43À travers cette interprétation, le myrmicoleon se range parmi les animaux doubles : l’exégèse en est très proche de celle de la hyène, animal décrit comme à la fois mâle et femelle, et de celle de l’onocentaure89. Dans les versions latines Y et B, les trois chapitres partagent certains éléments de vocabulaire, provenant des mêmes citations bibliques (Jc 1 :8 , Si 2 :12-13, Mt 6 :24) :

44Sur la fourmi-lion :

Οὕτως πᾶςἀνὴρ δίψυχος ἀκατάστατος ἐν πάσαις ταῖς ὁδοῖς αὑτοῦ”. [Jc 1 :8] Οὐ χρὴβαδίζειν δύο τρίβους [Si 2 :14], οὐδὲ δισσὰ λέγειν ἐν τῇ προσευχῇ.

Ainsi en est-il de tout homme à l’âme divisée, instable dans toutes ses voies. Il ne faut pas emprunter deux voies, ni faire preuve de duplicité dans la prière. (Physiologos Π)

Sic est ergo et omnis “vir duplex corde, indispositus in omnibus viis suis.” [Jc 1 :8] “Non oportet ergo gradere duabus viis. Ve cord[i] duplici, et manibus resolutis, et peccatori ingredienti duabus viis” [Si 2 :14].

Ainsi en est-il de tout homme au coeur divisé, instable dans toutes ses voies. Il ne faut pas emprunter deux voies, malheur aux coeurs doubles, et aux mains molles, et au pêcheur arpentant deux voies. (Physiologus latinus Y)

“Sic et omnis duplex corde” [Jc 1 :8] atque bilinguis dicente domino : “Nemo potest duobus domini servire, aut enim unum odiet et alium diligit, aut enim unum patietur et alium contempnet. Non potestis domino servire et mammone” [Mt 6 :24], quoniam “homo dupplex corde inconstans in omnibus viis suis”. [Jc 1 :8]

Ainsi est tout homme au coeur et à la parole doubles, d’après la parole du Seigneur : Personne ne peut servir deux maîtres, car ou il en détestera un et aimera l’autre, ou il en supportera un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir le Seigneur et Mammon, parce que l’homme au double coeur est instable dans toutes ses voies. (Physiologus latinus B, ms. Montecassino, Archivio dell’Abbazia 323, p. 93) 

  • 90 L’édition de Sbordone n’indique rien d’équivalent dans le Physiologos grec, mais il précise dans l’ (...)

45Sur la hyène90 :

Sic et omnis “vir duplex animo” [Jc 1 :8] belue comparatur

Ainsi tout homme à l’âme divisée peut être comparé à la hyène (Physiologus latinus Y)

De quibus ait Salomon : “Vir duplex corde inconstans in omnibus viis suis.” [Jc 1 :8] Et Salvator in evangelio suo dicit ad eos : “Non potestis duobus domini[s] servire, id est deo et mammone”. [Mt 6 :24]

À ce propos Salomon dit : « l’homme au cœur divisé est instable dans toutes ses voies ». Et le Sauveur dans son Évangile leur dit : « Vous ne pouvez servir deux maîtres, c’est-à-dire Dieu et Mammon ».
(
Physiologus latinus B, ms. Montecassino, Archivio dell’Abbazia 323, p. 83-84)

46Sur la sirène et l’onocentaure :

Οὕτως πᾶςἀνὴρ δίψυχος ἀκατάστατος ἐν πάσαις ταῖς ὁδοῖς αὑτοῦ”. [Jc 1 :8]

Ainsi en est-il de tout homme à l’âme divisée, instable dans toutes ses voies. (Physiologos Π)

Sic et “vir duplex corde, indispositus in omnibus viis suis”. [Jc 1 :8]

Ainsi en est-il de l’homme au cœur divisé, instable dans toutes ses voies. (Physiologus latinus B)

“His adsimilantur vecordes” [Si 2 :14 ?] atque bilingue[s] homines et moribus biformes.”

Les hommes insensés et à la double parole et ceux doubles par leur conduite, lui sont similaires.
(
Physiologus latinus B, ms. Montecassino, Archivio dell’Abbazia 323, p. 76)

3.2. L’appendice zoologique de l’Epistula XVIII ad Praesidium de cereo paschali attribuée à Jérôme

  • 91 L’authenticité de la lettre, dépourvue du contenu zoologique, semble aujourd’hui tenue pour acquise (...)

47La nature hybride de cette créature n’apparaît, dans la littérature ancienne, que dans une poignée de sources probablement dérivées du Physiologos, parmi lesquelles l’appendice zoologique à l’Epistula XVIII ad Praesidium de cereo paschali, dont l’attribution à Jérôme a été discutée91. Dans l’édition de la Patrologie latine, après le contenu de la lettre, on lit, dans une sorte d’appendice qui semble constituer une addition, une compilation de natures d’animaux très proches de celles que l’on trouve dans le Physiologos, mais dépouillées des allégories.

  • 92 Un montage erroné des cahiers est probablement à l’origine de la situation que nous voyons dans le (...)

48Une étude attentive des textes de la lettre et de l’appendice tels qu’ils nous ont été transmis par les manuscrits, et notamment le plus ancien connu, le manuscrit Bruxelles, KBR 984 (II 1636), du Xe siècle, nous permet de formuler l’hypothèse que l’imbrication des deux textes est due à un accident de copie qui serait antérieur à la copie du manuscrit de la KBR92.

3.2.1. Un témoin inédit de la réception du Physiologos grec ?

49Après examen, nous trouvons toute une série de différences entre ce texte et celui du Physiologus :

    • 93 Mss. M (Milano, Biblioteca Ambrosiana A 45 sup., Xe-XIe s.) et Γ (Paris, BNF gr. 2509, XVe s.). Le (...)
    • 94 Declerck J.H., « Remarques Sur La Tradition Du “Physiologus” Grec », Byzantion, 51, 1, 1981, p. 148 (...)

    sur le pélican, le texte de l’appendice indique que les petits sont tués par le serpent dans le nid, tandis que dans le Physiologos, ce sont les parents, irrités par le comportement des petits, qui les tuent. On trouve cette version de l’histoire dans certains manuscrits grecs du Physiologos, comme « seconde nature » du pélican93. Les travaux de J. H. Declerck et, plus récemment, C. Macé, montrent que cette seconde nature est une interpolation plus tardive, dans ces manuscrits, des Quaestiones et dubia de Maxime le Confesseur (v. 580-662), qui a sans doute lui-même repris le contenu du chapitre du Physiologos grec, en le modifiant94.

    • 95 Le thème de l’incinération, introduit dans la mythographie du phénix par Pomponius Mela, ne vient p (...)

    sur le phénix, le texte du Physiologos indique que les ailes de l’oiseau sont imprégnées d’aromates, et l’appendice zoologique précise qu’il s’agit d’ambre (electrum), et que c’est l’ambre qui est enflammée par la chaleur du soleil, ce que nous ne trouvons nulle part ailleurs concernant le phénix95.

    • 96 Notons que la succession anguis, coluber, serpens et plus loin vipera, se retrouve également dans c (...)

    dans les trois notices dédiées aux serpents anguis, coluber et serpens, le compilateur rassemble les quatre natures présentes dans le chapitres du Physiologus grec et latin Y sur le serpent (le Physiologus latin B ne transmet pas ce chapitre)96.

    • 97 Historia naturalis, X, 82, 169 ; Etymologiae, XII, 4. La décapitation se retrouve également dans le (...)
    • 98 Sbordone, Physiologus, 1936, p. 33-36. Les mss. o (première rédaction) et B (seconde rédaction byza (...)

    dans la notice sur la vipère, lors de l’accouplement de la vipère qui se fait par la bouche et s’achève par la mort du mâle, la femelle décapite son partenaire, tandis que dans les Physiologus latins Y et C, elle lui coupe les parties génitales (le Physiologus latin B ne transmet pas ce chapitre). Si le manuscrit du Physiologos grec G transmet bien cette version de l’histoire avec décapitation, que l’on trouve également chez Pline et chez Isidore97, la plupart des manuscrits grecs présentent une version similaire à celle du Physiologus latin98.

    • 99 Ibid., p. 57-60 ; F.J. Carmody (éd.), Physiologus latinus versio Y, Berkeley, 1941, p. 116 ; F.J. C (...)
    • 100 Sbordone, Physiologus, 1936, p. 270.

    dans la notice sur le renard, celui-ci est décrit comme feignant la mort pour attirer les oiseaux, qu’il finit par dévorer, ce qui correspond au contenu du texte du Physiologos grec et des versions latines99. L’appendice ajoute que le renardeau fait semblant de jouer avec des lièvres, et ainsi il les tue. Cet ajout, dans la lignée des fameuses « ruses du renard », ne se trouve pourtant que dans la troisième recension du Physiologos grec, dite pseudo-basiléenne100.

3.2.2. La fourmi-lion dans l’appendice à l’Epistula XVIII

50La fourmi-lion est le dernier animal évoqué dans l’appendice tel qu’il nous est transmis. On y lit :

Myrmicoleon, ab ante leo, retro formica, de duabus feris nascitur. Esca vero ipsius in primis est lac matris, id est, formicae. Nutritur enim mater legumine tamquam formica.

Le myrmicoleon, lion par devant, fourmi par derrière, naît de deux animaux. Dans les premiers temps, sa nourriture est le lait de sa mère, qui est une fourmi. Sa mère, comme une fourmi, se nourrit de légumineuses.
(Ps. Hieronymus,
Epistula XVIII ad Praesidium de cereo paschali, PL 30, col. 188)

51Nous n’avons pas pu trouver la source de ces indications complémentaires sur l’alimentation de la jeune fourmi-lion.

  • 101 Morin, « Un écrit méconnu », 1891, p. 22 ; Morin G., « La lettre de Saint Jérôme sur le cierge pasc (...)
  • 102 Voir: Bonfante G., « The Word for Amber in Baltic, Latin, Germanic, and Greek », Journal of Baltic (...)

52Il nous semble donc réducteur de qualifier ce texte de « série de passages du Physiologus » ou « fragments du Physiologus » comme le fait G. Morin101. Le texte contient un certain nombre d’éléments inédits dans le domaine latin avant le XIIIe siècle, voire d’éléments sans équivalent connu ailleurs. L’utilisation vraisemblablement directe de sources byzantines, mais aussi du terme electrum, translittération du grec ἤλεκτρον, plutôt que succinus102, laisserait à penser que nous avons peut-être affaire ici à une traduction latine d’un remaniement du Physiologos en milieu byzantin.

3.3. D’autres témoins grecs de la réception du Physiologos sur la fourmi-lion

  • 103 Macé, Gippert, The multilingual Physiologus, 2021, p. 96-97.
  • 104 Ibid., p. 96-105.

53C’est à travers le prisme du Physiologos grec que la créature hybride trouve un écho dans le monde grec. Le commentaire sur l’Hexameron du pseudo-Eustathe, dont la datation, estimée entre le IVe et le Ve siècle, fait débat103, fournit un témoin ancien de la réception de la première collection grecque104. Au sixième jour, la fourmi-lion est évoquée :

Ὁ δὲ μυρμηκολέων πατέρα ἔχει πρόσωπον λέοντος ἔχοντα, τὴν δὲ μητέρα μύρμηκος. Καὶ ὁ μὲν πατὴρ σαρκοφάγος ἐστὶν, ἡ δὲ μήτηρ ὀσπριοφάγος, καὶ γεννῶσι διφυῆ τὸν μυρμηκολέοντα, τὸ μὲν πρόσωπον ἔχοντα λέοντος, τὸ δὲ μέρος τὸ ὄπισθεν μύρμηκος· καὶ μὴ δυνάμενος μήτε κρέα μήτε ὅσπρια ἐσθίειν, ἀποθνήσκει.

Le myrmicoleon a un père qui a le visage d’un lion et une mère qui a celui d’une fourmi. Et son père est carnivore, sa mère mange des légumineuses, et ils engendrent le myrmicoleon avec deux natures, avec le visage d’un lion et l’arrière-train d’une fourmi. Comme il n’est capable de manger ni de la viande, ni des légumineuses, il meurt.
(
Pseudo-Eustathe, Commentaire sur l’Hexameron [PG 18, col. 745])

54Dans ses Annales en forme d’Hexameron, Michel Glycas mentionne également la fourmi-lion :

Περὶ δὲ τοῦ μυρμηκολέοντος τί χρὴ καὶ λέγειν ; γέγραπται γὰρ ἐν τῷ ώβ, « Μυρμηκολέων ἀπώλετο διὰ τὸ μὴ ἔχειν βοράν. » μυρμηκολέων ζῶόν τί ἐστιν ἐκ μύρμηκος μὲν καὶ λέοντος τικτόμενον, εὐθέως δὲ τελευτῶν διὰ τὸ μὴ εὑρίσκειν τροφὴν κατάλληλον ὡς μὲν γὰρ λέων κρέατα ἐπιζητεῖ, ὡς δὲ μύρμηξ πάλιν σῖτον, καὶ διὰ τοῦτο εὐχερῶς ἀπόλλυται.

À propos de la fourmi-lion, que dire ? Dans le livre de Job, il est écrit : « Le myrmicoleon est mort par manque de nourriture. » Le myrmicoleon est un animal né d’une fourmi et d’un lion, mais rapidement, sa vie prend fin faute de trouver une nourriture qui lui convienne : en effet, en tant que lion il aspire à de la viande, et en tant que fourmi, au contraire, il aspire à du grain, et pour cette raison évidemment il meurt.
(
Michel Glycas, Annales [PG 158, col. 120])

55Ces deux textes n’apportent aucun élément nouveau sur la courte vie de la fourmi-lion.

56Les données dont nous disposons ne sont pas très nombreuses, mais elles permettent de supposer que l’histoire de l’hybride fourmi-lion a eu, dans le monde grec, une réception sensiblement plus large et diversifiée que celle que laissent entrevoir les attestations dans la littérature latine.

57Dans le monde latin, la version patristique de la fourmi-lion, vrai fourmilion, a largement éclipsé la créature hybride du Physiologos.

4. Vers une identification avec l’insecte fourmilion moderne

4.1. Les sources de philosophie naturelle de la fin de l’Antiquité

4.1.1. Les Kyranides : un autre insecte ?

  • 105 Bain D.M., « Art. Koiraniden (Kyraniden) », Reallexikon für Antike und Christentum, 2006, col. 224‑ (...)
  • 106 Alpers K., « Untersuchungen zum griechischen Physiologus und den Kyraniden », Vestigia Bibliae, 6, (...)
  • 107 Kaimakēs D.V., Die Kyraniden, Meisenheim am Glan, 1976, cité d’après Schneider, « Mischwesen im Phy (...)

58Les Kyranides sont une compilation médico-magique en quatre livres adressée à un roi de Perse fictif appelé Kuranos par un certain Harpokration d’Alexandrie. L’état de la collection que nous connaissons aujourd’hui remonte au IVe siècle. Traduit en latin au XIIe siècle, le texte grec, très variant selon les manuscrits, n’est connu que depuis le XIXe siècle105. Il est communément admis que les Kyranides utilisent le Physiologos comme source106. On y trouve l’énoncé suivant sur le myrmicoleon, décrit dans la notice sur la fourmi, qui détaille sept espèces de fourmis107 :

καὶ ἄλλοι, οἳ καὶ μυρμηκολέοντες λέγονται, μείζονές τε ὄντες τῶν ἄλλων καὶ ποικίλοι· φυσικῶς δέ εἰσιν οὗτοι σαρκοφάγοι τάχιον ἀποθνήσκοντες.

… et d’autres [fourmis] sont appelées fourmi-lions, car elles sont plus grandes que les autres et mouchetées. Par nature, elles sont carnivores et meurent rapidement. (Kyranides, II.25 [éd. D. Kaimakis, 1976])

59Le myrmicoleon est ici assimilé à une catégorie de fourmi, et le caractère fantastique de l’hybride est évacué tout en conservant certaines notions physiques, comme si on avait voulu concilier la nature détaillée dans le Physiologos et des traits vraisemblables : cet animal-là est plus grand que les autres fourmis, carnivore par nature, et il meurt rapidement. Néanmoins, il est difficile d’opérer ici une identification avec le fourmilion moderne, contrairement aux sources que nous allons passer en revue.

4.1.2. Les fragments attribués à Iorach/Iuba II de Maurétanie

  • 108 García García A., « Perfil bio-literario de Juba II, rey de Mauritania », Fortunatae, 11, 1999, p.  (...)

60Si l’on admet que les fragments attribués à Iorach dans l’encyclopédie De floribus naturalium d’Arnold de Saxe (XIIIe siècle) transmettent bien une sélection de passages provenant des écrits naturalistes de Juba II, traduits en arabe ou syriaque puis passés au latin, alors il pourrait s’agir là de la première attestation de l’identification du myrmicoleon (appelé dans le texte latin formicaleon) avec l’insecte fourmilion que nous connaissons, au sein de la citation sur le loir, parmi les bestiae. Juba II de Maurétanie (Ier siècle après), dont nous ne conservons plus aucune production littéraire directe, écrivait en grec et fut une source de Pline et d’Élien108.

  • 109 Draelants, Un encyclopédiste méconnu, 2000, p. 816.

61Le loir (glis) est décrit se dissimulant sous terre pour attraper des fourmis (dans la nature, parmi les mammifères, la prédation de fourmis est plutôt caractéristique du blaireau, meles), tout comme le fourmilion, traité dans la même notice109 :

In libro de animalibus Iorach. Gliris animal se occultans in pulvere et caverna inimicum formicis circumvolvens eas pilis capit et comedit. Et quia formicaleon animal formicis insidiatur cum sunt in labore conservando alimentum suum, interficit ipsas et nutritur ab eis.

Dans le livre sur les animaux de Iorach. Le loir est un animal qui se cache dans les creux et dans la poussière ; ennemi des fourmis, il les enveloppe dans ses poils, les attrape et les dévore. Le fourmilion tend un piège aux fourmis lorsqu’elles sont occupées à faire des réserves de nourriture, il les tue et il les mange.
(
Arnold de Saxe, De floribus naturalium, II, De naturis animalium, 4 [éd. I. Draelants, 2000])

4.2. Chez les Pères de l’Église : de la fourmi-lion allégorique de Jérôme au fourmilion de Grégoire le Grand

  • 110 Bogaert, « La Bible latine », 1988, p. 143-156.

62Tandis que la Septante date du IIIe-IIe siècle avant J.C., les origines de la Bible latine remontent au IIe siècle après J.C., probablement en milieu chrétien pour l’Ancien et le Nouveau Testament. Les formes en sont variées et dépendantes de leur modèle grec, qui transmet parfois des variantes très anciennes du grec voire de l’hébreu. Les traductions de Jérôme à partir de l’hébreu ne les supplantent définitivement que vers 800, ce qui explique que les Pères de l’Église, dans les premiers siècles, utilisent des textes bibliques de type vetus latina110.

  • 111 Cf. plus haut et note 12.
  • 112 Ce commentaire n’a pas été édité dans la Patrologie latine. Il en existe des éditions anciennes, du (...)

63Dans le commentaire du prêtre Philippe, disciple de Jérôme, au livre de Job, l’auteur explique le choix du terme tigris dans la traduction de Jérôme iuxta hebraeos, par rapport à myrmicoleon, qui apparaît dans la traduction hieronymienne de la version hexaplaire de Job111 et dans les versions « vieilles latines » de l’Ancien Testament112 :

“Tigris periit, eo quod non habuit praedam, et catuli leonum dissipati sunt.” In tigride velocitatem eius ad spoliandos homines, praedam ex eis capiendam descripsit, cuius etiam catuli, id est filii, similes eius dissipati sunt et interempti. Porro in alia editione pro tigride, myrmicoleon legitur, quod latine possumus dicere formica et leo, huic portento, sanctus Iob adsimilatus est ab amico suo, eo quod non solum grandia raperet myrmicoleon id est formica et leo, verum etiam minima quaeque aufferet, sed quia Eliphaz satis mentitus hunc myrmicoleon verius nos diabolum dixerimus. Qui quando praedam agit de sanctis, tamquam de maioribus rebus, ut leo habendus est ; quando vero minima quaerit auferre, formica dicendus est.

« Le tigre meurt parce qu’il n’avait pas de proie, et les lionceaux ont été dispersés. » Par « tigre », il vise la rapidité de cet animal à dépouiller les hommes, la proie qu’ils cherchent à prendre, et ses petits, c’est-à-dire les fils, semblables à lui, ont été dispersés et tués. Dans une autre édition cependant, au lieu de « tigre », on lit myrmicoleon, que nous pouvons traduire en latin « fourmi-lion ». Saint Job a été comparé à ce monstre par son ami, parce que le myrmicoleon, c’est-à-dire la fourmi-lion, n’a pas seulement emporté des proies importantes, mais il a pris aussi de plus petites proies. Mais parce qu’Eliphaz a menti, nous avons préféré qualifier le myrmicoleon de diable. Quand il fait des saints une proie, il s’agit de grandes choses, et il est considéré comme un lion ; et quand il cherche à enlever de plus petites proies, il doit être appelé fourmi.
(
Philippus Presbyter, Commentaire sur Job, ms. Cambrai, BM 470, VIIIe s., f. 11.)

64Selon l’auteur, tigris est utilisé pour la notion de férocité et de prédation des hommes, tandis que le myrmicoleon représente le diable au double visage : lion lorsqu’il emporte des proies de valeur (les saints), fourmi lorsqu’il capture de plus petites proies. L’exégèse de la duplicité est ainsi sensiblement différente de celle que l’on trouve dans le Physiologos, où c’est la double parole, notamment dans la prière, qui est l’objet de l’avertissement au chrétien. Il n’y a donc pas ici d’identification avec une créature physique, réelle ou imaginaire.

65Augustin, lui, reprend la correspondance avec le diable, mais développe également une interprétation eschatologique de la figure du myrmicoleon :

Myrmicoleon perit eo quod non haberet escam : quia in nouissimo non erunt, quos inducens comedat ; separabuntur enim pii ab inpiis. Hic autem errat, quod ea quae de diabolo audierat prophetata de Job intellegebat. Myrmicoleon uero accipiendus est uel quia utrumque in eo est, cum et rapit et occulte persequitur frumenta, quae sublato oculo facit non germinare, uel quia auaris et in terra thesaurizantibus dominatur, uel quia iustos persequitur quasi formicas praeparantes sibi escas aestate ad hiemem, quibus non pascetur, cum boni ab inpiis fuerint separati.

“Le myrmicoleon meurt parce qu’il n’a pas de nourriture”, car dans le Jugement dernier ne seront plus là ceux qu’il dévore en les séduisant. En effet, ceux qui sont pieux seront séparés des impies. Mais ici, [Eliphaz] s’est trompé, parce qu’il avait compris que les prophéties sur le diable s’appliquaient à Job. Le myrmicoleon est à comprendre, soit du fait que les natures de deux animaux sont en lui, à la fois lorsqu’il pille et lorsqu’il recherche secrètement le blé et lui retire son germe, ce qui l’empêche de germer ; ou parce qu’il domine ceux qui sont avares et amassent du bien sur la terre ; ou parce qu’il persécute les justes, qui comme des fourmis font des réserves en été pour l’hiver. Mais il ne pourra pas s’en nourrir, lorsque les bons auront été séparés des impies. (Augustinus Hipponensis, Annotationes in Iob, 4 [éd. J. Zycha, 1895])

  • 113 Si la préparation des réserves pour l’hiver par la fourmi se trouve déjà dans la Bible (Prov 6 :6-8 (...)

66À la fin des temps, le diable n’aura plus de proie car les justes seront distingués des autres. Trois interprétations morales sont données : le myrmicoleon assimilé au diable vole le grain – le fruit du travail – et l’empêche de germer ; il règne sur ceux qui amassent des richesses ; il persécute les justes qui, comme les fourmis, se préparent pour l’hiver113.

  • 114 Le myrmicoleon est évoqué plusieurs fois entre les chapitres 20 et 22 : pour plus de détails sur l’ (...)

67Il faut attendre Grégoire le Grand, et ses Moralia in Iob, pour constater que le parallèle est fait avec le fourmilion moderne114 :

Translatione autem septuaginta interpretum nequaquam dicitur tigris, sed myrmicoleon periit, eo quod non haberet praedam. Myrmicoleon quippe paruum ualde est animal formicis aduersum, quod se sub puluere abscondit et formicas frumenta gestantes interficit, interfectas que consumit. Myrmicoleon autem latine dicitur, uel formicarum leo, uel certe expressius formica pariter et leo. Recte autem leo et formica nominatur, quia siue uolatilibus, seu quibuslibet aliis minutis animalibus formica est, ipsis autem formicis leo. Has enim quasi leo deuorat sed ab illis quasi formica deuoratur.

Dans la traduction des Septante, il n’est pas fait mention du tigre, mais on lit : « le myrmicoleon a péri parce qu’il n’avait pas de proie ». Le myrmicoleon est un très petit animal, ennemi des fourmis, car il se cache dans la poussière, tue les fourmis qui portent des grains et les dévore une fois mortes. Il est appelé en latin myrmicoleon, ou le lion des fourmis, ou de manière plus expressive, à la fois fourmi-et-lion. On l’appelle à juste titre fourmi-lion, car c’est une fourmi pour les oiseaux ou tout autre petit animal, mais pour les fourmis elles-mêmes, il est comme un lion. En effet, il les dévore comme un lion, mais il est dévoré par les autres animaux comme une fourmi. (Gregorius Magnus, Moralia in Iob, V, 20 [éd. M. Adriaen, 1979])

68Ici la notion d’hypocrisie domine dans l’exégèse du myrmicoleon. C’est ce qui ressort également de l’énigme d’Adhelme (VIIe s.) consacrée au myrmicoleon :

Dudum compositis ego nomen gesto figuris :
Ut leo, sic formica vocor sermone Pelasgo
Tropica nominibus signans praesagia duplis,
Cum rostris avium nequeam resistere rostro.
Scrutetur sapiens, gemino cur nomine fungar !

Longtemps j’ai porté un nom de forme composée
On m’appelle à la fois lion et fourmi en grec
Une métaphore aux noms doubles, signant un présage
Avec mon bec, je ne peux résister aux becs des oiseaux
Que le sage recherche pourquoi j’utilise un nom double !
(
Adhelme de Malmesbury, Enigmata, XVIII [éd. R. Ehwald, 1919])

69Les éléments provenant de Grégoire seront repris dans la littérature encyclopédique, notamment chez Isidore de Séville : la duplicité du myrmicoleon : lion pour les fourmis, fourmi pour les animaux plus puissants pour lesquels il est lui-même une proie ; l’identification avec l’insecte méditerranéen qui, au stade larvaire, creuse des trous dans le sol pour piéger les fourmis et les manger :

Formicoleon ob hoc vocatus, quia est vel formicarum leo vel certe formica pariter et leo. Est enim animal parvum formicis satis infestum, quod se in pulvere abscondit, et formicas frumenta gestantes interficit. Proinde autem leo et formica vocatur, quia aliis animalibus ut formica est, formicis autem ut leo est.

Le formicoleon est appelé ainsi, car il est soit le lion des fourmis, soit, en fait, à la fois fourmi et lion. C’est, en effet, une petite créature assez nuisible pour les fourmis, qui se cache dans la poussière et tue les fourmis qui transportent des grains. Par conséquent, il est appelé lion-fourmi, car il est une fourmi pour les animaux, sauf pour les fourmis pour lesquelles il est un lion.
(Isidore de Séville,
Etymologiae, XII, 3 [éd. W. M. Lindsay, 1911])

  • 115 Angelini A., « Mostri di confine. Il formicaleone e il serpente quasi umano », I Quaderni del Ramo (...)

70A. Angelini suppose que Grégoire a puisé dans l’histoire des fourmis chercheuses d’or ou dans le passage des Kyranides pour sa description de la nature de l’animal ; C. Moreschini pense qu’il se réfère à Augustin115.

  • 116 Henkel N., Studien zum Physiologus im Mittelalter, Tübingen, 1976, p. 164-203.
  • 117 L’hypothèse de l’emprunt par Grégoire au Physiologus latin a déjà été émise par d’autres critiques  (...)

71Il faut se demander si l’on ne devrait pas plutôt regarder du côté de Iuba/Iorach que nous avons mentionné, et du Physiologus latin B dont nous allons discuter, pour trouver sinon une influence, à tout le moins des sources communes avec l’exégèse des animaux du livre de Job telle qu’elle nous est proposée par Grégoire. Des parallèles avec plusieurs chapitres du Physiologus ont été relevés par N. Henkel116. De façon notable, au sujet de la licorne, Grégoire fait mention de détails trouvés « dans des versions grecques » (in Graecis exemplaribus) et chez ceux « qui ont décrit les natures animales au prix de beaucoup de peine et d’une recherche assidue » (qui describendis naturis animalium laboriosa investigatione sudaverunt). La question méritant une investigation poussée et systématique, et faisant l’objet de controverses, nous ne sommes pas en mesure de poursuivre plus avant la réflexion dans le cadre de cette contribution, mais sa résolution pourrait éventuellement apporter des éléments de datation pour l’émergence de la version latine B du Physiologus117.

5. La fourmi-lion des versions latines du Physiologos

72Dans le Physiologus latin, très peu de versions transmettent le chapitre sur le myrmicoleon. On peut le lire dans seulement deux témoins de la version Y (mss. München, BSB Clm 19417 et München, BSB Clm 14388), avec une structure proche du texte grec transmis par le manuscrit Π :

In lob Elefas Temaneorum rex dixit de mirmicoleon : Periit eo quod non habeat escam. Pater autem eius habet vultum leonis, et comedit carnes ; mater vero vultum formice, legumina manducat. Si autem peperit mirmicoleonta, perit eum, duas naturas habentem : vultum leonis, anteriora et posteriora formicae ; non potest manducare carnes propter naturam matris, neque legumina propter naturam patris ; in perdito ergo vadit, propter quod non habeat escam. Sic est ergo et omnis vir duplex corde, indispositus in omnibus viis suis. Non oportet ergo gradere duabus viis. Ve cord[i] duplici, et manibus resolutis, et peccatori ingredienti duabus viis ; sicut in sapientia scriptum est : Sit apud vos est, est, non, non.

Dans le livre de Job, Éliphaz le roi des Thémanites dit : « Le myrmicoleon est mort parce qu’il n’avait pas de nourriture ». Son père a le visage d’un lion, et mange de la viande ; et sa mère celui d’une fourmi, et mange des légumineuses. Si elle enfante le myrmicoleon, elle l’enfante donc avec deux natures, avec le visage d’un lion, et les parties antérieures et postérieures d’une fourmi. Il ne peut pas manger de viande à cause de la nature de sa mère, ni de légumineuses à cause de la nature de son père. Il va donc à sa perte, faute de nourriture. Ainsi en est-il de tout homme au coeur divisé, instable dans toutes ses voies. Il ne faut pas emprunter deux voies, malheur aux coeurs doubles, aux mains molles et au pêcheur arpentant deux voies, ainsi qu’il est écrit dans la Sagesse : « que votre oui soit oui, et que votre non, non ».
(
Physiologus latinus, versio Y [éd. F. J. Carmody, 1941])

73On note que l’apparence physique du myrmicoleon a légèrement changé : il n’a désormais que la tête d’un lion, et le corps d’une fourmi, sans doute en raison d’un choix de traduction au sujet de πρόσωπον, qui peut avoir le sens de « figure », et ὀπίσθιος, pour désigner les parties du corps.

74Dans la version latine B, seul un manuscrit connu nous livre ce chapitre, absent de l’édition de Francis J. Carmody, avec un contenu sensiblement modifié, dans ce qui semble être une tentative de concilier le myrmicoleon de la Septante et du Physiologos grec en deuxième partie de notice, et l’insecte fourmilion mangeur de fourmis également évoqué par Grégoire :

Est quoddam monstrum quod dicitur mirmiculeon, de quo in libro Iob scriptum est : “Elifas Temanorum rex : myrmiculeon periit quoniam non habet escam.” Fysiologus dicit de ipso quoniam est tamquam vermis, neque pedes habet neque alas, os habet solu[m]. Est autem valde inimicum formice et quoniam non potest ulla[m] sumere escam, sol[i] formicae insidiatur, si quomodo possit eam capere et comedere. Et quoniam non potest aliter capere formicam et ill[e] terrae humum foris ege[re]re, facit super ipsum introitum cavern[ae] tam ad gestum de humo ita ut in circuitum cavernis sicut maceriis sit leviter instructa. Ergo cas[u] transiens ad illum locum advenerit formica ascendit [supernitatem ?] illam, sperans alias ibi esse formicas, et mox labitur terra et cadit formica simul infra cavern[a]m super myrmiculeon. Ille vero apprehendens devorat e[a]m. Hic ergo figuram habet diaboli, quia neque manus habet neque pedes neque pinnas, solum modo quia serpit, unde et serpens nomen accepit. Formice vero laboriosi homines quorum inimicus existens diabolus hac artis subtilitate usus est [...] Cur autem mirmiculeon dicitur, id est formiculeon et non aut formica aut certe leo ? Quoniam ex duabus naturis sibi contrariis concipitur ex leena [e]t formica, [atque] ideo formice natur[a] frumentum manducare desiderat, sed leonis natura resistit quia carnis vult commedere, et contrario formice natura carn[em] non recipit, ita fit ut fame periclitentur, dicente scriptura : “Mirmiculeon periit quia non habet escam”. Sic et omnis duplex corde atque bilinguis dicente domino : “Nemo potest duobus dominis servire, aut enim unum odiet et alium diligit, aut enim unum patietur et alium contempnet. Non potestis domino servire et mammone”, quoniam “homo dupplex corde inconstans in omnibus viis suis”, ideo quia talis est non potest frumentum commedere id est illum panem celestem neque carnes, de quibus dicit salvator : “Nisi carnem meam manducaveritis et sanguinem meum biberitis, non potestis intrare in regnum celorum.”

  • 118 Cette citation biblique (Mt 6 :24) permet de faire un rapprochement avec les manuscrits W et O de l (...)

Il y a un monstre appelé myrmicoleon, dont il est écrit dans le livre de Job : « Elifaz, le roi des Thémanites, a dit : le myrmicoleon est mort à cause du manque de nourriture. » Le Physiologus dit à son propos qu’il est comme un ver, sans pied ni aile, il a seulement une bouche. C’est un grand ennemi de la fourmi, et puisqu’il ne peut rien prendre d’autre comme nourriture, il tend un piège à la fourmi, dans l’espoir de la prendre par quelque manière et de la manger. Et puisqu’il ne peut pas attraper la fourmi d’une autre façon ni expulser la terre du sol, il fait au-dessus de lui l’entrée d’une cavité en déplaçant la terre de sorte que celle-ci soit légèrement surélevée autour de la cavité, comme par des murs. Donc il arrive qu’une fourmi passant par là tente de gravir la colline dans l’espoir que d’autres fourmis soient là, et bientôt la terre s’effondre et la fourmi tombe dans la cavité au-dessus du myrmicoleon. L’animal l’attrape alors et la dévore. Il a donc la figure du diable, car il n’a ni main, ni pied, ni aile, et qu’il ne peut que « serpenter », d’où le nom de « serpent » qu’on lui donne. Les fourmis sont les hommes laborieux contre lesquels le diable, leur ennemi, qui se tient à l’écart, emploie ce procédé artificieux. Mais pourquoi est-il appelé myrmicoleon, c’est-à-dire fourmi-lion et non simplement fourmi ou lion ? Parce qu’il a été engendré avec deux natures contraires d’une lionne et d’une fourmi, et que par sa nature de fourmi il désire manger du blé, mais par sa nature de lion il résiste car il veut manger de la viande, et qu’à l’inverse, par sa nature de fourmi il n’accepte pas la viande, de telle sorte qu’il meurt de faim, comme le dit l’Écriture : « le myrmicoleon est mort parce qu’il n’avait pas de nourriture ». Ainsi est tout homme au coeur et à la parole doubles, d’après la parole du Seigneur : « Personne ne peut servir deux maîtres, car ou il en détestera un et aimera l’autre, ou il acceptera l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir le Seigneur et Mammon »118, parce que « l’homme au double coeur est instable dans toutes ses voies » ; ainsi, parce que telle est sa nature, il ne peut manger le grain c’est-à-dire le pain céleste, ni la viande, à propos desquels le Seigneur dit : « Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous ne pouvez pas entrer dans le royaume des cieux. »
(
Physiologus latinus, versio B [ms. Montecassino, Archivio dell’Abbazia 323, p. 93])

75On découvre ici avec étonnement une description extrêmement précise, bien plus que celle de Grégoire, de la technique de chasse du vrai fourmilion, qui creuse des trous en forme de cône inversé dans le sable, et y attend enseveli au fond jusqu’à ce qu’une fourmi y tombe entraînée par le glissement des grains de sable, pour la saisir avec ses puissantes mandibules.

Illustration 5 : Fourmilion sous forme larvaire. Crédit: Aiwok, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/​licenses/​by-sa/​3.0>, via Wikimedia Commons

Illustration 6 : Piège du fourmilion, en forme d’entonnoir. Crédit: Scott Robinson from Rockville, MD, USA, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/​licenses/​by/​2.0>, via Wikimedia Commons

76Ce chapitre n’a pas été transmis avec le reste des chapitres de la version B, qui forme le noyau de toutes les versions des bestiaires créées à partir du Xe siècle.

5.1. Le mermecolion des bestiaires : l’hypothèse d’un escamotage textuel

  • 119 Sur les versions du Physiologus et des bestiaires et les manuscrits associés, voir : Kuhry E., « Pa (...)
  • 120 Mss. Oxford, Bodleian Libr., Laud. Misc. 247, f. 166v, XIIe s. (B-Is) ; London, British Libr., Roya (...)

77À partir de la version B-Isidore (B-Is)119, nous voyons l’apparition d’un nouveau chapitre avec un titre énigmatique : le chapitre sur l’huître perlière, que l’on trouve dans les manuscrits sous le titre : De mermecolion et de naturis eius, De lapide qui dicitur mermecoleon, Mermecolion120. Le chapitre commence en général par le texte : Item lapis in mari qui dicitur latine mermecolion, grece concha sabea, quia concava est et rotunda. Ce chapitre fait écho à celui sur l’agate et la perle présent dans le Physiologos grec et le Physiologus latin Y (dans ce dernier l’agate et l’huître font l’objet de deux chapitres séparés, au contraire du Physiologos grec) : l’huître fait surface à l’aube, elle avale la rosée céleste et les rayons du soleil, et conçoit ainsi la perle.

  • 121 McCulloch F., « Mermecolion. A Mediaeval Latin Word for “Pearl Oyster” », Mediaeval Studies, 27, 19 (...)

78Le seul manuscrit de la version latine B portant le chapitre sur la fourmi-lion, Montecassino, Archivio dell’Abbazia 323, est aussi le seul à transmettre les chapitres finaux qui manquent dans les manuscrits de Berne et Oxford utilisés par F. J. Carmody pour son édition du Physiologus latin B : la colombe, l’arbre peridexion, l’éléphant, le prophète Amos, la pierre adamas, l’huître perlière. Ces chapitres sont attestés dans les bestiaires de version B-Is, ce qui signifie que le manuscrit de version B utilisé pour compiler la version B-Is les possédait bien. Dans le manuscrit du Mont-Cassin, le dernier chapitre traitant de l’huître perlière s’intitule De lapide concos et commence ainsi : Item lapis in maris qui dicitur grece concos, ab eo quia concavus est et rotundus... On ne retrouve pas ici le terme mermecolion constaté dans les titres de ce chapitre tel qu’il est transmis dans les manuscrits de version B-Is. Comment expliquer l’apparition de ce terme dans B-Is ? Florence McCulloch a posé l’hypothèse d’une corruption du terme marina coclea (conque marine)121.

79On peut tenter ici une autre explication. Les manuscrits de Berne et Oxford, connus de Carmody pour la version B, ne possèdent pas les six derniers chapitres présents dans le manuscrit du Mont-Cassin. En revanche, le manuscrit d’Oxford présente aux ff. 127rv, une table des chapitres presque complète, dont voici la fin :

  • 122 Un accident de copie semble s’être produit ici, peut-être en raison d’une mauvaise interprétation d (...)

80Oxford, Bodl. Lib., Auct. T.2.23, f. 127v
XXXII. De columbarum natura
XXXIII. De arbore peridixion
XXXIIII. qui circa dextra122
XXXV. De heliphanto
XXXVI. De Amos propheta
XXXVII De mirmicole

  • 123 Il devait se placer à l’origine, si l’on en juge par les contenus du manuscrit du Mont-Cassin, entr (...)

81Comme dernier chapitre, on trouve un De mirmicole, dont nous n’avons plus le contenu, mais qui peut être le myrmicoleon, omis à sa place originelle123 (on suppose alors une translation de XXVIII à XXXVIII) ou le chapitre sur l’huître perlière, avec un titre contaminé par le chapitre sur la fourmi-lion. D’après Paola Moretti, il est vraisemblable que le chapitre ait été abandonné dans les versions postérieures de B en raison de sa complexité et de son incohérence. Dans ce cas, il faudrait expliquer pourquoi le titre du chapitre a été conservé et attribué à une autre entité. Un scénario de perte du chapitre consécutive à un accident codicologique est aussi envisageable, à notre avis.

  • 124 Moretti, « Ut leo, sic formica », 2012, p. 586-595.
  • 125 Isidorus Hispalensis, Etymologiae, 12, 6.

82McCulloch mentionnait également dans son article le problème de la concha sabea qui apparaît dans la première phrase des versions B-Is et H. Aucune explication satisfaisante n’avait alors pu être trouvée pour l’adjectif sabea. Une hypothèse peut être avancée. Le manuscrit du Mont-Cassin ne possède pas le syntagme concha sabea, mais indique : Item lapis in maris qui dicitur grece concos ab eo. Il est dès lors possible que conchos ab eo a été interprété comme concha sabea par un copiste, fixant de cette façon cette erreur de lecture dans les versions des bestiaires qui dérivèrent de B, à commencer par B-Is, mais également dans H. Paola Moretti, qui a formulé la plupart de ces hypothèses, a montré qu’en plusieurs points, le texte du manuscrit du Mont-Cassin permettait de corriger l’état de texte du chapitre sur l’huître perlière contenu dans la version B-Is et doit donc être considéré, malgré ses nombreuses fautes de copie, comme transmettant un état de texte de B plus ancien que les autres manuscrits connus de B et que l’état visible dans B-Is124. Le chapitre disparaît dans les autres versions (Seconde famille, « Transitionnelle », Troisième famille) pour être remplacé par la description isidorienne des différentes variétés de conques125.

6. Le myrmicoleon chez les auteurs de philosophie naturelle

  • 126 Cet aspect est traité en détail par M. Gerhardt, au travail de laquelle nous renvoyons : Gerhardt, (...)
  • 127 Barthélémy l’Anglais, De proprietatibus rerum, XVIII, 52 et 10 ; Pline, Histoire naturelle, XXIX, 2 (...)

83De ces différentes traditions, c’est principalement les apports d’Augustin et Grégoire, passés par le filtre d’Isidore, qui sont reçus dans les encyclopédies du XIIIe siècle, avec cependant des variations126 : Barthélémy l’Anglais mentionne le formicaleon à deux endroits différents du même livre, d’abord en compilant la notice d’Isidore avec des éléments provenant d’Augustin, notamment le fait que le formicaleon (fourmilion) dévore les réserves des fourmis et ainsi les condamne à mourir de faim en hiver ; il décrit l’animal comme une espèce d’araignée. Dans un autre chapitre, il compte le « mirmicaleon ou mirmiceon, qui porte l’autre nom de formicaleon » parmi les araignées, et est de ce fait victime d’une confusion avec l’araignée myrmecion décrite par Pline127.

  • 128 Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (éd. Cipriani), IX, 25.
  • 129 Dans l’édition disponible sur le site du projet Gloss-e, la glose sur trouve sur Job 4 :10 avec com (...)
  • 130 Vincent de Beauvais, Speculum naturale, XXI, 135.

84Thomas de Cantimpré cite les Enigmata d’Adhelme, puis un passage qui semble résulter d’un remaniement de la notice des Kyranides, avec des éléments du contenu augustinien128. Vincent de Beauvais reproduit la notice d’Isidore de Séville, la glose ordinaire sur le livre de Job, qui résume le passage de Grégoire129, et la citation de Thomas de Cantimpré130. Enfin, l’identification avec l’insecte fourmilion que nous connaissons aujourd’hui est complète chez Albert le Grand, qui, tout en faisant référence aux éléments de provenance augustienne qui résonnaient chez Thomas de Cantimpré à travers le pillage des réserves des fourmis, atteste avoir vu de lui-même le fourmilion chasser (et hoc saepius aspeximus) :

Formicaleon dicitur leo formicarum qui alio nomine murmycaleon vocatur. Hoc enim animal non est primo formica ut quidam dicunt. Expertus enim sum multotiens et ostendi sociis hoc animal engulas fere habere figuram et absconditur in sabulo, semisperam in sabulo fodiens cuius polus est os formicaleonis : et dum formicae causa lucri transeunt, ipsas capit et devorat et hoc saepius aspeximus. In hieme etiam dicitur cibos formicarum diripere eo quod in aestate nichil congregat sibi.

  • 131 Il s’agit d’un insecte qui d’après Pline a toujours la tête dans le sang, et qu’on appelle d’après (...)

Le lion des fourmis est appelé formicaleon, aussi connus sous un autre nom, celui de myrmicoleon. Cet animal n’est pas d’abord une fourmi, comme le disent certains. En effet, comme je l’ai constaté personnellement à de nombreuses reprises et comme j’ai pu le montrer à des compagnons, cet animal a pratiquement l’aspect de l’engula (tique)131 et il se cache dans le sable en faisant un creux dont le centre est la bouche du formicaleon. Lorsque les fourmis traversent [le cône] pour chercher de la nourriture, il les capture et les dévore. J’ai souvent observé cette scène. En hiver, on dit aussi qu’il dérobe la nourriture des fourmis, car en été, il n’accumule rien pour lui-même.
(
Albert le Grand, De animalibus, XXVI, 16 éd. H. Stadler, 1920)

Conclusion

85Nous avons tenté, dans cette contribution, de naviguer dans la riche intertextualité qui donne naissance, au IIe siècle avant notre ère et par une fantaisie de traducteur, à la grotesque figure du myrmicoleon : à la fois en amont, et en aval, en nous perdant parfois dans des cours d’eau parallèles, et en explorant des bras pour ainsi dire inconnus. Nous avons identifié les interprétations menant à des confusions entre trois entités jusque dans l’historiographie récente. Nous avons suivi le développement de la figure du myrmicoleon jusqu’à son identification avec l’insecte fourmilion. Nous retiendrons, tout comme Mia Gerhardt au terme de son exploration, l’extrême précision de la description de la technique de chasse du fourmilion, chez Albert le Grand comme elle le fait bien sûr, mais aussi et surtout dans le texte du Physiologus latin B, plusieurs siècles auparavant. Cette particularité parmi d’autres nous incite à croire que l’histoire de l’émergence et de la réception des multiples versions du Physiologos reste encore largement à écrire.

  • 132 Cf. Seznec J., « Saint Antoine et les Monstres : Essai sur les Sources et la Signification du Fanta (...)

86Bien qu’il soit peu présent dans la littérature médiévale suite à la disparition du chapitre qui lui est dédié dans le manuscrit du Mont-Cassin, on trouve ça et là des allusions à l’hybride condamné à une mort certaine, par exemple chez Flaubert, dans son poème en prose La tentation de saint Antoine, dont le bestiaire fantastique doit beaucoup au Hierozoicon de Samuel Bochart132 :

  • 133 Là encore, on constate l’amalgame entre le myrmicoleon du Physiologus et les « lions qu’on appelle (...)

Et toutes sortes de bêtes effroyables surgissent : Le Tragelaphus, moitié cerf et moitié bœuf ; le Myrmecoleo, lion par devant, fourmi par derrière, et dont les génitoires sont à rebours133.
(Gustave
Flaubert, La tentation de saint Antoine, 1874)

  • 134 Référence relevée par Montague R. James dans James M.R., The bestiary, being a reproduction in full (...)

87Dans la suite d’Alice au pays des merveilles, De l’autre côté du miroir, Lewis Caroll fait peut-être une allusion, aujourd’hui oubliée, au myrmicoleon, à travers la figure du Tartinillon, composé d’un morceau de sucre, pour la tête, et de tartines de pain beurré pour les ailes, et qui meurt faute de pouvoir trouver sa nourriture, à savoir du thé léger avec du lait134 :

- Crawling at your feet, said the Gnat (Alice drew her feet back in some alarm), you may observe a Bread-and-Butterfly. Its wings are thin slices of Bread-and-butter, its body is a crust, and its head is a lump of sugar.
- And what does
it live on?
- Weak tea with cream in it.
A new difficulty came into Alice’s head.
- Supposing it couldn’t find any? she suggested.
- Then it would die, of course.
- But that must happen very often, Alice remarked thoughtfully.
- It always happens, said the Gnat.

- En train de ramper à tes pieds, dit le Moucheron (Alice recula ses pieds vivement, non sans inquiétude), se trouve un Tartinillon. Ses ailes sont de minces tartines de pain beurré, et sa tête est un morceau de sucre.
- Et de quoi se nourrit-il ?
- De thé léger avec du lait dedans.
Une nouvelle difficulté se présenta à l’esprit d’Alice.
- Et s’il ne pouvait pas trouver de thé et de lait ? suggéra-t-elle.
- Dans ce cas, il mourrait, naturellement.
- Mais ça doit arriver souvent, fit observer Alice d’un ton pensif.
- Ça arrive toujours, dit le Moucheron.
(Lewis Carroll, Through the Looking-Glass and What Alice Found There, 1872; trad. M.-M. Fayet, 1930)

Illustration 7 : Tartinillon. Illustration originale de John Tenniel, visible sur le site The Victorian web : https://victorianweb.org/​art/​illustration/​tenniel/​lookingglass/​3.4.html

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Bibliographie

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Notes

1 Cet article a grandement bénéficié des conseils et remarques d’Isabelle Draelants, Caroline Macé, Arnaud Zucker. Qu’ils en soient ici remerciés. Je remercie également Maja Miziur, Horst Schneider et Joshua Thomas de m’avoir aimablement communiqué leurs travaux.

2 Pour distinguer les entités historiographiques et physiques que nous allons aborder dans cette contribution, nous utilisons « la fourmi-lion » ou myrmicoleon pour la créature hybride décrite dans le Physiologos grec et le Physiologus latin Y, tandis que nous désignerons par le zoonyme « le fourmilion » l’insecte fouisseur et prédateur des fourmis que nous connaissons aujourd’hui. Nous utiliserons par ailleurs les formes myrmekes leontes ou « lions-fourmis » pour les fauves décrits par Agatharchide, et « fourmis chercheuses d’or » pour les animaux énigmatiques mentionnés chez Hérodote. Les traductions non attribuées sont des traductions personnelles avec compléments d’A. Zucker et I. Draelants.

3 Nous avons mis à profit un nombre important de bases de données et éditions numériques en accès libre pour cette étude, il nous paraît donc indispensable de les créditer ici. Toutes les vérifications dans les diverses versions éditées du texte biblique (sauf Vetus Latina) ont été réalisées avec l’outil « Correspondances bibliques » du projet Biblindex (HiSoMA-Sources Chrétiennes, Université de Lyon-CNRS ; hébergé par Huma-Num), et le site Sefaria pour la traduction de la bible hébraïque. Le texte du Sefer-ha-shorashim est accessible sur le site du projet Racines (IRHT-CNRS), l’édition de la glose ordinaire de la Bible sur le site du projet Gloss-e (IRHT-CNRS). Les textes encyclopédiques ont été consultés sur le site du corpus SourcEncyMe (IRHT-CNRS) et sur le Corpus Corporum (Universität Zürich). Ce dernier a également servi pour un certain nombre de textes patristiques. Nous avons également utilisé les textes disponibles sur Perseus (Tufts University) et Archive.org pour certaines éditions anciennes notamment de sources grecques (tous les sites ont été consultés le 28/09/2023).

4 Job 4 :11.

5 Nous ne ferons que résumer ici les conditions de l’irruption de ce terme, qui ont déjà été passées en revue dans les études d’Angelini et Chirila : Angelini A., « Biblical translations and cross-cultural communication : a focus on the animal imagery », Semitica et Classica, 8, 2015, p. 33‑43 ; Chirila A., « They made “a mistake” in Job, 4, 11 ; why not also in Prov, 30, 30 ? Implicitly, about limits in philology and the necessity of accepting them », Diacronia, 2018. Voir aussi: Gerhardt M.I., « The ant-lion. Nature Study and Interpretation of a Biblical Text, from the “Physiologus” to Albert the Great. », Vivarium, 3, 1965, p. 1‑23; Moretti P.F., « Ut leo, sic formica vocor sermone Pelasgo. Some remarks on the ant-lion and its metamorphosis in the tradition of the Latin Physiologus », F. Bognini (éd.), Meminisse iuvat: studi in memoria di Violetta de Angelis, Pisa, 2012; Beeckman B., « Animalia in Libro Iob: The Greek Rendering of Hebrew Animal Names in LXX-Job », in G.R. Kotzé, M.N. Meer, M. Rösel (éd.), XVII Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies: Aberdeen, 2019 (Septuagint and Cognate Studies, 76), Atlanta, 2022, p. 255‑284; Schneider H., « Mischwesen im Physiologus: Der Ameisenlöwe », Mischwesen im Physiologus: Der Ameisenlöwe, 2023, p. 641‑656 . On peut lire aussi Druce, avec les précautions qui s’imposent (cf. notre section sur la confusion entre les entités) : Druce G.C., « An account of the Μυρμηκολέων or Ant-lion », The Antiquaries Journal, III, 4, 1923, p. 347‑364, mais également Bochart S., Hierozoicon Sive De Animalibus S. Scripturae, Leipzig, 1793, 2, col. 813-816, qui rassemble une grande quantité de sources.

6 En Job 4 :10 : אריה (le lion), traduit par λέων ; שחל (le lionceau), traduit par λέαινα (la lionne) ; כפיר (le jeune lion), traduit par δράκων (le dragon ou le serpent). En Job 4 :11 : ⁠ליש (le lion), traduit par μυρμηκολέων ; לביא (la lionne), traduit par λέων.

7 B. Beeckman explique la divergence de traduction par la volonté d’améliorer la variation au sein d’un verset où l’imagerie du lion est fortement développée (Beeckman, « Animalia in Libro Iob », 2022, p. 270 et 278).

8 Dans le Sefer-ha-shorashim achevé au début du XIIIe siècle, le terme ⁠ליש désigne un « grand lion ».

9 J. Wykes montre que le traducteur du livre de Job fait preuve d’une bonne connaissance d’un ensemble de sources classiques, parmi lesquelles également les œuvres d’Aristote : Wykes J., Behold the Beasts Beside You : The Adaptation and Alteration of Animals in LXX-Job, thèse soutenue à l’université de Marquette, 2022, p. 66-72.

10 Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923, p. 361; Chirila, « They made “a mistake” in Job, 4, 11; why not also in Prov, 30, 30? », 2018, p. 2, note 5.

11 La formulation de néologismes dans le domaine zoologique en accolant deux zoonymes n’est pas rare à la période hellénistique, cf. Angelini, « Biblical translations and cross-cultural communication », 2015, p. 35.

12 P. Sabatier, V. De La Rue (éd.), Bibliorum Sacrorum latinae versiones antiguae  : seu, Vetus italica, et caeterae quaecunque in codicibus mss. & antiquorum libris reperiri potuerunt, Reims, 1743, p. 839 ; voir aussi ms. St. Gallen, Stiftsbibliothek, Cod. Sang. 11, p. 284, qui conserve la traduction par Jérôme de la version grecque hexaplaire du livre de Job, réalisée (après 387) avant ses traductions de l’Ancien Testament sur l’hébreu (avant 394) et qui donne le même texte : https://www.e-codices.unifr.ch/fr/csg/0011/284, consulté le 28/09/2023), ce qui correspond à la lettre du texte du Physiologus latin Y : Periit eo quod non habeat escam. Voir Bogaert P.-M., « La Bible latine des origines au Moyen Âge. Aperçu historique, état des questions », Revue théologique de Louvain, 19, 1988, p. 137‑159, 276‑314, p. 157-158.

13 D. Bertrand traduit par « lion invincible » mais précise que le terme ἀνυπόστατος a également le deuxième sens de « sans consistance » qui pourrait se justifier si l’on admet que le traducteur se réfère à l’hybride fourmi-lion : Bertrand D.A., « Le bestiaire de Job. Notes sur les versions grecques et latines », in P. Maraval (éd.), Le Livre de Job chez les Pères (Cahiers de Biblia patristica, 5), Strasbourg, 1996, p. 223. Rappelons que cette notion d’hybride n’est pas explicite dans le texte biblique si l’on excepte l’emploi du néologisme fondé sur deux zoonymes. Cette notion trouve une première expression, à notre connaissance, dans le Physiologos. On constate l’emploi allégorique du néologisme (sans référence à une créature hybride) dans le commentaire du prêtre Philippe rédigé au Ve s. (voir plus loin). Frederick Field émet l’hypothèse que ἀνυπόστατος pourrait être interprété comme « sans substance », c’est-à-dire plutôt « sans nourriture » puisque ce lion meurt faute de proie : Origenes, Origen Hexapla, F. Field (éd.), Oxford, 1875, p. 10, note 7.

14 La cinquième colonne contient la traduction des Septante, avec les passages manquants par rapport à l’hébreu, pris chez Theodotion, un traducteur juif du Ier s. ap. J.C., et mis en évidence par Origène avec un astérisque. La sixième colonne transmet le texte de Theodotion. Pour Job 4.11, nous ne conservons le texte de Theodotion que de manière fragmentaire, ce qui ne nous permet pas de savoir comment il a traduit le terme hébreu layish : voir Origenes, Hexapla, 1875 p. 10 ; Beeckman, « Animalia in Libro Iob », 2022, p. 269 ; Wykes, Behold the Beasts Beside You, 2022 p. 5.

15 On sait qu’Agatharchide a eu accès aux archives des Ptolémées et a travaillé à Alexandrie : Desanges J., « Du bon usage d’Agatharchide ou de la nécessité de la Quellenforschung », P. Arnaud, P. Counillon (éd.), Geographica historica (Études), Pessac, 2019, p. 69‑82.

16 Pakis V.A., « Contextual duplicity and textual variation : the siren and onocentaur in the Physiologus tradition », Mediaevistik, 23, 2010, p. 115‑186, p. 118 ainsi que p. 119, note 11, sur la cohérence du choix de remplacer les animaux du Moyen Orient par des espèces « locales » en contexte alexandrin.

17 Élien rapporte ces informations d’après le récit de Cratès de Pergame transmis par Pythagore, amiral de Ptolémée II connu pour avoir également écrit un Traité sur la mer Érythrée : voir Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », S.M. Burstein (éd.) (Works issued by the Hakluyt society, 172), London, 1989, p. 32.

18 Élien: XVII, 9. Il est particulièrement notable qu’Élien soit originaire de Préneste. L’hypothèse de l’existence de liens directs entre son œuvre zoologique et la mosaïque n’a, à notre connaissance, pas vraiment été exploitée, mais elle est mentionnée par Karl Preisendanz dans G. Wissowa, W. Kroll, A.F. Pauly, Paulys RealEncyclopädie der classischen Altertumswissenschaft. Neue Bearbeitung, Stuttgart, 1939, XVIII.1, col. 489-490. Elle dépasse toutefois le cadre de cette contribution, même si on peut certainement trouver d’autres exemples de descriptions concordantes avec les animaux représentés sur la mosaïque, comme celle du singe kèpos, mentionné d’ailleurs juste avant l’onocentauresse et aussi sous l’autorité de Pythagore, en XVII, 8.

19 Thomas J.J., « The Nile Mosaic at Praeneste: Evidence of Ptolemaic Natural Science in Late Republican Italy », in J.J. Thomas (éd.), Art, Science, and the Natural World in the Ancient Mediterranean, 300 BC to AD 100, Oxford, 2021; P. Meyboom donne une description détaillée de la faune présente dans les diverses sections de la mosaïque: Meyboom P.G.P., The Nile mosaic of Palestrina: early evidence of Egyptian religion in Italy. (Religions in the Graeco-Roman world), Leiden [u.a.], 1995. Sur la mosaïque de Préneste, P. Meyboom suggère une identification de l’onocentaure avec le gnou ou le bison : Ibid., p. 111-113. Voir aussi : Lazaris S., Le physiologus grec. II : Donner à voir la nature (Micrologus’ library), Firenze, 2021, p. 239.

20 Lionne/lion, léopard/panthère, onocentauresse, ichneumon, enhydris, onagre, lézard, éléphant, serpents, hyène, héron, ibis.

21 Moretti, « Ut leo, sic formica », 2012, p. 582, note 5.

22 Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 3, §31-32. Voir aussi Desanges J., Recherches sur l’activité des Méditerranéens aux confins de l’Afrique (VIe siècle avant J.-C. - IVe siècle après J.-C.) (Collection de l’École Française de Rome), Roma, 1978, p. 245, 264 ; Salles J.-F., « La circumnavigation de l’Arabie dans l’Antiquité classique », MOM Éditions, 16, 1, 1988, p. 75‑102, p. 91-92.

23 Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 3, §33.

24 Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », 1989, p. 32; cf. note 15.

25 On estime que la traduction du livre de Job est terminée dans la seconde moitié du IIe s. av. J.C., et que la totalité des livres de la Bible a été traduite entre le IIIe et le IIe siècle av. J.C.: Verbeke E., Hebrew Hapax Legomena and Their Greek Rendering in LXX Job - KU Leuven, soutenue à l’université de Leuven, 2011, p. 171-172; Cox C.E., « The Historical, Social, and Literary Context of Old Greek Job », XII Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies Leiden, 2004, 2006, p. 105‑116, p. 106. Voir Ibid., pour le contexte historique, littéraire et social de la traduction du livre de Job.

26 Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », 1989, p. 23-24.

27 Cf. Zucker A., « Qu’est-ce qu’épitomiser  ? Étude des pratiques dans la Syllogé zoologique byzantine », Rursus. Poiétique, réception et réécriture des textes antiques, 7, 2012, §21 : la Syllogé conserverait des fragments originaux du texte d’Agatharchide, mais Diodore aurait eu accès à une version plus longue. La Syllogé ne transmet pas les §68-69 d’Agatharchide qui nous intéressent.

28 Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 1, §3 ; Marcotte D., « Structure et caractère de l’œuvre historique d’Agatharchide », Historia : Zeitschrift für Alte Geschichte, 50, 4, 2001, p. 385‑435, p. 385-386. Le texte d’Agatharchide est édité et traduit en regard des passages parallèles chez Strabon, Diodore et Élien par S. Burstein (Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », 1989, ici p. 118-119).

29 K. Müller (éd.), Geographi graeci minores, Paris, 1855, p. 158 ; Micunco S., La géographie dans la Bibliothèque de Photios  : le cas d’Agatharchide, thèse soutenue à l’université de San Marino, 2008b, p. 104, notes 134 et 135.

30 Cf. Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, 1, §3.

31 La traduction ancienne d’A. Tardieu donne pour λέουσι τοῖς καλουμένοις μύρμηξιν : « fourmi-lion », ce qui tend à prêter à confusion (cf. plus loin).

32 Il est possible que ce passage ait été corrompu très tôt dans la tradition, ce qui expliquerait que Diodore l’omette.

33 Photios sélectionne les passages qui l’intéressent, ce qui a pu nuire à l’intelligibilité du passage : Micunco, La géographie dans la Bibliothèque de Photios, 2008, p. 104, notes 134 et 135.

34 Diodore, Pomponius Mela et Ptolémée : cf. Desanges, « Du bon usage d’Agatharchide », 2019, §25-26.

35 Agatharchide d’après Photios, §50 ; Élien, XVII, 40 ; Strabon XVI, 4, 8-9 ; Diodore de Sicile, III, 23. Pierre Schneider consacre plusieurs développements à la question de la confusion relative au nom « Babylonie » et à la dénomination ambivalente de « Kouch » : Schneider P., L’Éthiopie et l’Inde : interférences et confusions aux extrémités du monde antique (VIIIe siècle avant J.-C. – VIe siècle après J.-C.) (Collection de l’École Française de Rome), Roma, 2004, p. 62, sur la localisation des Ichtyophages, traditionnellement reliés à l’Éthiopie mais évoqués par Hérodote en Babylonie ; p. 137, sur la dénomination biblique du pays de Kouch et sa localisation en Éthiopie, en Arabie ou en Babylonie. Sur le pays de Kouch mentionné dans les sources égyptiennes et désignant la Nubie, mais parfois aussi, dans les textes hébreux, la Babylonie, voir aussi les pages 371-372.

36 Élien, VII, 47.

37 Cf. éd. Loeb. L’identification avec la marmotte provient certainement d’un amalgame avec les fourmis chercheuses d’or, cf. notre section suivante.

38 Zucker A., « Raison fausse et fable vraie : sur le sexe ambigu de la hyène », Pallas. Revue d’études antiques, 41, 1, 1994, p. 27‑40.

39 Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 185-186.

40 Voir aussi l’hypothèse de Samuel Bochart sur une transformation du terme arabe hirmas désignant le lion : Bochart, Hierozoicon, 1793, 2, col. 816 ; cf. Schneider, « Mischwesen im Physiologus », 2023, p. 645, note 15. Maja Miziur indique que la racine sémitique nml pour la fourmi a pu être confondue avec nmr pour le léopard et d’autres types de félins : Miziur M., Exotic animals in life, culture and imagination of the Hellenistic period. Big cats, soutenue à l’université de Wroclaw, 2015, p. 127.

41 Meyboom, The Nile mosaic of Palestrina, 1995, p. 127-128.

42 Ibid., p. 233-234, n. 46.

43 Meyboom semble se fonder sur une édition d’Agatharchide donnant myrmikoleon. Il cite la thèse de Dieter Woelk, qui emploie le terme Ameiselöwen : Woelk D., Agatharchides von Knidos, « Über das Rote Meer » Übersetzung und Kommentar, soutenue à l’université de Freiburg-im-Breisgau, 1966, p. 56. Cf. plus bas notre section « Une durable confusion ».

44 Une anecdote relatant l’extraction d’or par des fourmis se trouve dans le Mahābhārata indien : des fourmis appelées pipīlaka extraient de grandes quantités d’or qui est offert en tribut au roi Yudhisthira par les rois de diverses peuplades : The Mahabharata, Volume 2 : Book 2 : The Book of Assembly ; Book 3 : The Book of the Forest, J.A.B. van Buitenen (éd.), Chicago, 2014, 48.1-5, p. 118.

45 Si Ctésias, pourtant hôte à la cour du roi perse, ne semble pas transmettre cette histoire, elle rappelle étrangement celle des griffons gardant l’or des montagnes, toujours en Inde, d’après le résumé de l’Histoire de l’Inde de Ctésias transmis par Photios : Ctésias, Indica, F45, §26 et F45h, cf. Lenfant D., « L’Inde de Ctésias. Des sources aux représentations », Topoi. Orient-Occident, 1995, 5-2, p. 309-336, ici p. 313 On y trouvera également une analyse intéressante des rapports entre les Histoires d’Hérodote et les Indica de Ctésias. Ce passage de Ctésias est repris avec davantage de détails chez Élien (NA IV, 27). Hérodote mentionne aussi les griffons gardiens de l’or, mais les localise plutôt vers le nord de l’Asie centrale, au-delà du territoire occupé par les Issédons (vers le Kazakhstan actuel). Cf. Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 191-193. Les Issédons sont également mentionnés chez Élien au sujet des fourmis chercheuses d’or en III, 4. Sur les fourmis chercheuses d’or, voir aussi Puskás I. « On an Ethnographic Topos in the Classical Literature. (The Gold-digging Ants) », Annales. Univ. Scient. Budapest. Sectio Classica, V-VI, 1977-78, p. 73­87, qui compare les sources disponibles.

46 Strabon, Géographie, 15, 1, 44.

47 La région est identifiée avec ce que l’on appelle de manière arbitraire le Dardistan, au nord du Pakistan et de l’Inde.

48 Pline l’Ancien, Historia naturalis, 11, 36 [111]. Ce passage peut-être corrompu a donné lieu à diverses interprétations : on a suggéré de lire coria au lieu de cornua, ou que les « cornes » soient en réalité des pioches de chercheurs d’or tibétains, ou encore qu’il s’agisse d’un objet votif lié à la campagne indienne d’Hercule : Berger de Xivrey J., Traditions tératologiques, ou, Récits de l’antiquité et du Moyen Âge en Occident sur quelques points de la fable du merveilleux et de l’histoire naturelle, publiés d’après plusieurs manuscrits inédits grecs, latins, et en vieux français, Paris, 1836, 1, p. 263 ; Pline, éd. Loeb, p. 501 ; Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 183, note 197.

49 Arrien, Indica, 15, 4-7.

50 Élien, III, 4.

51 Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, VI, 1. Voir à ce sujet Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 181-184, p. 406. Philostrate cherche manifestement à produire un effet de symétrie entre deux types de créatures qui gardent l’or, mais qui ne peuvent résider au même endroit. Voir également Lenfant D., « L’Inde de Ctésias. Des sources aux représentations », p. 310-315 et note 33, sur les représentations symétriques entre l’Éthiopie et l’Inde, assimilées aux confins.

52 Héliodore, Éthiopiques X, 26, 2. Notons que ces deux auteurs associent fourmis et griffons dans ces passages, cf. note 45.

53 Solin, Collectanea rerum memorabilium, 30, 23. Solin évoque toutefois les griffons gardiens de l’or en 15, 22, en Scythie, près de la mer Caspienne.

54 Gautier Dalché P., « Notes sur la tradition du “De rebus in Oriente mirabilibus” », in Turcan-Verkerk A.-M., Elfassi J., Lanéry C. (éd.), Amicorum societas : Mélanges offerts à François Dolbeau pour son 65e anniversaire, Firenze, 2013, p. 237‑270. Les textes du De rebus in oriente mirabilibus et du Roman d’Alexandre sont transmis en plusieurs versions.

55 Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (éd. Cipriani), IX, 25.

56 Cf. ci-dessous note 58. Vincent de Beauvais, Speculum doctrinale, 15, 118 ; Speculum naturale, VIII, 9 ; IX, 59 ; XXI, 132 et 134.

57 Thou J.A. De, Historiae sui temporis, Paris, 1604, 1, p. 616.

58 Sur ce sujet, on peut lire: Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923; Reimer T., « Larger than foxes – but smaller than dogs: The gold-digging ants of Herodotus », Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, 19, 1, 2006, p. 167‑178. Thomas Reimer cite la pseudo-compilation De bestiis en indiquant qu’elle transmet le texte du Physiologus. Il est important de noter que cette histoire n’apparaît dans aucune version du Physiologus. La citation qu’il fait du livre II du De bestiis (ce livre II est en réalité un bestiaire de type H, remanié) correspond à la partie sur les fourmis chercheuses d’or d’Éthiopie qui conclut la notice d’Isidore de Séville sur la fourmi, et qui a été ajoutée à la fin du chapitre dans le bestiaire de version H comme dans la version B-Is qui est à l’origine de la plupart des versions des bestiaires médiévaux. Par ailleurs, ni l’édition de la pseudo-compilation De bestiis, ni le bestiaire H n’évoque l’Égypte comme décor de l’histoire, comme le soutient Reimer. On trouve bien in Aethiopia dans le texte du bestiaire, comme chez Isidore. Il est notable que le passage sur les fourmis chercheuses d’or dans B-Is et donc dans H est significativement plus long que dans le texte d’Isidore : on a ajouté une version de l’histoire dans laquelle les porteurs sont des juments dont l’on a affamé sciemment les poulains pour les faire revenir plus vite avec leur chargement d’or. Ce passage s’inspire de la tradition du De rebus in oriente mirabilibus mais remplace les chamelles par des juments, détail qui est pour le moment non identifié. Dans ses Orationes (35, 23), Dion Chrysostome évoque l’histoire en remplaçant les chameaux par des chevaux, mais ne mentionne pas les petits. Sur la pseudo-collection De bestiis, voir : Kuhry E., « Dictionnaires, distinctions, recueils de propriétés en milieu cistercien : outils pour la prédication, sources pour l’étude de la nature », in Turcan-Verkerk A.-M. et al. (éd.), Les Cisterciens et la transmission des textes (XIIe-XVIIIe siècles) (Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge, 18), Turnhout, 2018, p. 285‑337, p. 296-297.

59 Un résumé des hypothèses plus ou moins vraisemblables qui ont pu être émises se trouve dans Malte-Brun C. et al., Nouvelles annales des voyages, Paris, 1819, 2, p. 376-383 et Puskás « On an Ethnographic Topos in the Classical Literature » ; voir aussi Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 184 et Kevan, « Antlion ante Linné : μυρμηκολέων to Myrmeleon », Canard M., Aspöck H., Mansell M. W. (éd.), Current Research in Neuropterology. Proceedings of the Fourth International Symposium on Neuropterology (24-27 June 1991, Bagnères-de-Luchon, Haute-Garonne, France), Toulouse, 1992, p. 203‑232, ici p. 215. Des tentatives d’explication linguistiques se trouvent dans Cardell M., « Marmottes, rats et fourmis. À propos du mystère des fourmis chercheuses d’or qu’Hérodote décrit dans ses ‘Histoires’ (III, 102-105) », Connaissance hellénique, 2013.

60 Kevan mentionne le fait à propos du diamant et étend le raisonnement à l’or : Kevan, « Antlion ante Linné », 1992, p. 216-217. Voir aussi Reimer, « Larger than foxes – but smaller than dogs », 2006, p. 177-178, qui cite plusieurs anecdotes de ce type se déroulant dans le cadre de prospections minières.

61 Kevan, « Antlion ante Linné », 1992, p. 212-213.

62 Une copie manuscrite de la carte est visible ici : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark :/12148/btv1b550131760/f1.item.zoom. Un facsimile numérique réalisé pour le projet Virtual Mappa né d’une collaboration entre la British Library et le Schoenberg Institute for Manuscript Studies se trouve également à cette adresse : https://sims2.digitalmappa.org/36. Il est notoire que la carte de Hereford dépend du texte des Collectanea rerum memorabilium de Solin, ce qui explique la localisation des fourmis chercheuses d’or en Afrique : cf. Gautier Dalché P., « Décrire le monde et situer les lieux au XIIe siècle  : l’Expositio mappe mundi et la généalogie de la mappemonde de Hereford », Mélanges de l’École française de Rome, 113, 1, 2001, p. 343‑409, p. 362.

63 Une reproduction d’un facsimile de la carte et des légendes est mise en ligne par une équipe de l’Université de Lüneburg : https://warnke.web.leuphana.de/hyperimage/EbsKart/. Un autre facsimile est visible ici : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark :/12148/btv1b52518866m/f1.item.zoom : K. Miller (éd.), Monialium Ebstorfensium mappa mundi, Stuttgart, 1896. Celui-ci permet un agrandissement de meilleure qualité mais ne reproduit pas toutes les légendes entourant la carte. La dépendance de la carte envers les Otia imperialia de Gervais de Tilbury a plusieurs fois été formulée, mais les études récentes tendent à montrer qu’elle n’a pas de fondement : Gautier Dalché P., « À propos de la mappemonde d’Ebstorf », Médiévales. Langues, Textes, Histoire, 55, 2008, p. 163‑170.

64 Sur ces deux cartes, des griffons gardant des émeraudes sont représentés en Scythie.

65 La confusion entre ces deux entités se perçoit peut-être chez Philostrate et Héliodore, qui délocalisent les fourmis indiennes en Éthiopie (voir plus haut).

66 Photios, Bibliotheca, ex recensione Immanuelis Bekkeri, E. Bekker (éd.), Berlin, 1825, p. 455a ; Agatharchide de Cnide, On « the Erythraean sea », 1989, p. 118, §70a ; Photios, Bibliothèque, R. Henry (éd.), Paris, France, 1959, 7, p. 174, §69. Burstein signale dans la note 2 que des auteurs plus récents ont confondu les myrmekes leontes avec les fourmis chercheuses d’or.

67 Müller, 1855, p. 158, §69.

68 Cf. Photios, Photius. Bibliothèque, 1959, 7, p. 174, note 1. Henry traduit Τῶν δὲ καλουμένων μυρμήκων par « Mais la plupart de ceux qu’on appelle les fourmis » et mentionne que Müller traduit par Myrmicoleonum et Woelk par Ameiselöwen, mais qu’il a lui-même opté pour une traduction littérale. À noter que la traduction latine par F. Jacobs du texte d’Élien indique formicaleones entre parenthèses pour les fourmis babyloniennes aux parties génitales « inversées » mentionnées en XVII, 42 : Claudius Aelianus, De natura animalium libri xvii. Verba ad fidem librorum MSS. constituit F. Jacobs ..., Iéna, 1832, p. 250.

69 Bochart, Hierozoicon, 1793, 2, 813. Cf. aussi Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923.

70 Bochart, Hierozoicon, 1793, 2, 815.

71 Photios, Myriobiblion sive Bibliotheca librorum quos Photius, Patriarcha Constantinopolitanus legit et Censuit, graecè edidit David Hoeschelius, latinè verò reddidit et Scholiis auxit And. Schottus..., Coloniae, 1611, p. 1361-1362.

72 Druce, « An account of the Μυρμηκολέων », 1923, p. 355-361.

73 Woelk, Agatharchides von Knidos, 1966, p. 172-174.

74 Gerhardt, « The ant-lion », 1965, p. 2.

75 Chirila, « They made “a mistake” in Job, 4, 11; why not also in Prov, 30, 30? », 2018, p. 3.

76 Józwiak M., « [The World of Animals in the Anonymous “Commentarii in Job”] », Verbum vitae, 32, 2017, p. 421‑444, p. 445, note 28.

77 K. Brodersen, J. Elsner (éd.), Images and Texts on the « Artemidorus Papyrus »: Working Papers on P. Artemid. (St John’s College Oxford, 2008), 2009, p. 7.

78 Cf. plus haut et note 18. On y retrouve par exemple le crocodile-panthère (πανθηροκορκόδειλος) (figure V3), qui était un crocodile-léopard (κροκοδιλοπάρδαλις) sur la mosaïque de Préneste.

79 Gallazi C., Kramer B., Settis S. (éd.), Il papiro di Artemidoro (p. Artemid), Milano, 2008, p. 318-320. La datation du papyrus au C14 indique le Ie siècle après J.C. comme période de confection. L’encre n’a pas été testée.

80 Le débat et les arguments contre l’authenticité sont résumés dans : Canfora L., Céna O., La fabuleuse histoire du papyrus d’Artémidore : avec une nouvelle édition critique et une première traduction en français du Papyrus du Ps.-Artémidore, Toulouse, 2014. Pour l’autre versant du débat, voir : Gallazzi C., Kramer B. et Settis S. (éd.), Intorno al Papiro di Artemidoro II. Geografia e Cartografia, Roma, 2012.

81 Les ailes sont interprétées comme une figuration allégorique de la vélocité du guépard par Ragnar Kinzelbach, ce qui nous semble en contradiction avec le style naturaliste de l’ensemble des illustrations : Kinzelbach R., Tierbilder aus dem ersten Jahrhundert : Ein zoologischer Kommentar zum Artemidor-Papyrus, Berlin, New York, 2009, p. 69.

82 Gallazi, Kramer, Settis, Il papiro, 2008, p. 397-398.

83 Référence trouvée dans: Miziur M., Exotic animals in life, culture and imagination of the Hellenistic period. Big cats, p. 127. Voir sur ce sujet: Eraslan Ş., « [The Griffin depictions in the great palace mosaics: artistic and iconographic relations with similar examples from Roman era] », Cedrus, 2, 2014, p. 443‑451; Goldman B., « The Development of the Lion-Griffin », American Journal of Archaeology, 64, 4, 1960, p. 319‑328. Des exemples de lions-griffons remontant à la période assyrienne se trouvent notamment dans des sceaux des premiers et seconds millénaires av. J.C. (https://www.themorgan.org/seals-and-tablets/84235). Voir également la frise des griffons du palais de Darius, d’époque achéménide, conservée au Louvre (https://collections.louvre.fr/ark :/53355/cl010177291). Occasionnellement, le motif peut se retrouver à des époques plus tardives (https://collections.louvre.fr/ark :/53355/cl010257406).

84 Canfora L., « Comment Simonidès s’est fait Artémidore », Revue d’Histoire des Textes, 6, 2011, p. 377‑397 ; Micunco S., « Figure di animali : il verso del papiro di Artemidoro », Quaderni di storia, 64, 2006 ; Pajón Leyra I., « Artemidorus behind Artemidorus : Geographic Aspects in the Zoological Designs of the Artemidorus Papyrus », Historia : Zeitschrift für alte Geschichte, 61, 3, 2012, p. 336‑357.

85 Cf. Schneider, L’Éthiopie et l’Inde, 2004, p. 66, 183, 270. L’argument de l’emprunt par Héliodore à Artémidore pour ce détail, qui supposerait qu’Artémidore aurait placé des griffons en Éthiopie, ce qui rendrait cohérent le panel d’animaux éthiopiens offert par le papyrus selon I. Pajón Leyra, est difficile à soutenir : le griffon n’apparaît en Éthiopie chez aucun autre auteur ayant utilisé Artémidore (Pajón Leyra, « Artemidorus behind Artemidorus », 2012, p. 355). Pour une lecture critique de la théorie générale d’un placement des figures animales ordonné géographiquement, voir également Thomas J., Art and Natural Science in the Hellenistic World, thèse de l’université d’Oxford, 2016, p. 131-132. Voir aussi les pages 139-140, dans lesquelles est émise l’hypothèse que les représentations animales du verso illustrent des topoi de la littérature animalière antique. Selon J. Thomas, les contenus visibles sur le papyrus pourraient avoir été élaborés dans la sphère privée, à des fins didactiques : ibid., p. 148-150.

86 Dans la lignée de L. Canfora qui s’est concentré sur le texte du recto, Stefano Micunco s’est intéressé aux figures du verso dans une série d’articles, dans laquelle il fait des parallèles entre les dessins et leurs légendes, et des œuvres plus récentes : Micunco, « Figure di animali », 2006 ; Micunco S., « Il verso del papiro e la damnatio di Artemidoro », Quaderni di storia, 2008, p. 241‑258 ; « Il verso del papiro e le fonti letterarie : gli animali di Manuele Philes », Quaderni di storia, 69, 2009, p. 385‑394. Maja Miziur a également publié en 2012 un article dans lequel elle suggère que les dessins anatomiques et des bustes du recto du papyrus se rapprochent de la statuaire grecque telle qu’on la connaît au XIXe siècle et des manuels de dessin du XVIIIe siècle : Miziur M., « Notes on the drawings of the Papyrus of Artemidorus », Storia dell’Arte, 132, 2012, p. 139‑147.

87 Ce membre de phrase, omis par un certain nombre de manuscrits grecs dont Π, apparaît bien dans le Physiologus latin Y et dans la version arménienne.

88 Physiologos  : le bestiaire des bestiaires, 2004, p. 146, revu avec l’édition de F. Sbordone (F. Sbordone (éd.), Physiologi graeci singulas variarium aetatum recensiones, Milano, 1936, p. 73-76) pour correspondre à l’état de la recension la plus ancienne (Phys. Gr. I. α selon C. Macé, J. Gippert (éd.), The multilingual Physiologus. Studies in the oldest Greek recension and its translations, Turnhout, 2021, p. 74-80), avec les apports du ms. Π, dont l’ancêtre a certainement servi de modèle au traducteur du Physiologus latin Y et de la version arménienne. Pour l’aspect iconographique du traitement du myrmicoleon, on se reportera à Lazaris, Le physiologus grec, 2, 2021, p. 226-231.

89 Cf. Physiologos, 2004, p. 148, 165.

90 L’édition de Sbordone n’indique rien d’équivalent dans le Physiologos grec, mais il précise dans l’apparat que le chapitre est mutilé dans Π. Il est possible que l’ancêtre de Π comportait un passage supplémentaire, à l’origine de ce que nous constatons dans le Physiologus latin Y.

91 L’authenticité de la lettre, dépourvue du contenu zoologique, semble aujourd’hui tenue pour acquise. Voir les arguments stylistiques développés par Morin G., « Un écrit méconnu de saint Jérôme. La “Lettre à Présidius” sur le cierge pascal », Revue bénédictine, 8, 1891, p. 20‑27 et Morin G., « Pour l’authenticité de la lettre de saint Jérôme à Présidius », Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, 3, 1913, p. 52‑60 ; l’état de la question est donné dans Turcan-Verkerk A.-M., Un poète latin chrétien redécouvert  : Latinius Pacatus Drepanius, panégyriste de Théodose (Collection Latomus, 276), Bruxelles, 2003, note 308.

92 Un montage erroné des cahiers est probablement à l’origine de la situation que nous voyons dans le ms. KBR 984 (II 1636) et dans toute la tradition conservée. Nous préparons un petit article sur ce sujet.

93 Mss. M (Milano, Biblioteca Ambrosiana A 45 sup., Xe-XIe s.) et Γ (Paris, BNF gr. 2509, XVe s.). Le texte en est donné par F. Sbordone, 1936, p. 313-314.

94 Declerck J.H., « Remarques Sur La Tradition Du “Physiologus” Grec », Byzantion, 51, 1, 1981, p. 148‑158 ; Macé, Gippert, The multilingual Physiologus, 2021, p. 411-427, édition de la première nature p. 430-491. J. H Declerck édite le texte de Maxime le Confesseur avec les variantes des manuscrits du Physiologos M et Γ. C. Macé et les contributeurs du volume The Multilingual Physiologus éditent le chapitre dans la première recension grecque et dans les différentes langues des traductions anciennes.

95 Le thème de l’incinération, introduit dans la mythographie du phénix par Pomponius Mela, ne vient pas de l’Égypte, où c’est l’embaumement qui est pratiqué, mais des funérailles impériales à Rome par le bûcher d’aromates : Gosserez L., « Le Phénix coloré d’Hérodote à Ambroise de Milan », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2007, p. 94‑117, p. 94-117. Néanmoins, ce sont d’autres aromates qui sont mentionnés dans la composition du bûcher : cannelle, myrrhe, mais aussi encens et nard. Voir van den Broek R.B., The Myth of the Phoenix According to Classical and Early Christian Traditions (Études préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain, 24), Leiden, 1972, p. 164, 205 ; Lecocq F., « L’œuf du phénix. Myrrhe, encens et cannelle dans le mythe du phénix », Schedae, 17, 2, 2009, p. 107‑130, p. 107-130. L’usage de brûler l’ambre pour son odeur est attesté chez Tacite (Germania, 45), et chez Pline qui consacre à l’ambre tout le chapitre 11 du livre XXXVII de l’Historia naturalis. Sur l’usage de brûler l’ambre, voir: Causey F., Ancient Carved Ambers in the J. Paul Getty Museum, Los Angeles, 2019, p. 43.

96 Notons que la succession anguis, coluber, serpens et plus loin vipera, se retrouve également dans cet ordre chez Isidore de Séville. Toutefois, et au moins pour les notices sur anguis et coluber, le contenu est ici le même que celui des trois premières natures du serpent dans le Physiologos.

97 Historia naturalis, X, 82, 169 ; Etymologiae, XII, 4. La décapitation se retrouve également dans les extraits attribués à Iorach par l’encyclopédiste du XIIIe siècle Arnold de Saxe (Iorach serait un avatar médiéval, passé par l’arabe, de Iuba II de Mauritanie, source perdue de Pline) : Draelants I., Un encyclopédiste méconnu du XIIIe siècle, Arnold de Saxe. Oeuvres, sources et réception, soutenue à l’université de Louvain, 2000, p. 835.

98 Sbordone, Physiologus, 1936, p. 33-36. Les mss. o (première rédaction) et B (seconde rédaction byzantine) adoptent la version incluant la décapitation. C’est aussi le cas dans le second livre de la pseudo-collection De bestiis et aliis rebus compilée par les Victorins au XVIe siècle, mais nous ne pouvons exclure qu’il s’agisse d’une intervention des Victorins, peut-être par désir de conformité avec Pline ou Isidore, car les manuscrits de la version du bestiaire H, qui constitue la base du livre II, suivent la version du Physiologus : Migne, PL 177, col. 68-69.

99 Ibid., p. 57-60 ; F.J. Carmody (éd.), Physiologus latinus versio Y, Berkeley, 1941, p. 116 ; F.J. Carmody (éd.), Physiologus latinus  : éditions préliminaires, versio B, Paris, 1939, p. 29-30.

100 Sbordone, Physiologus, 1936, p. 270.

101 Morin, « Un écrit méconnu », 1891, p. 22 ; Morin G., « La lettre de Saint Jérôme sur le cierge pascal. Réponse à quelques difficultés de M. l’abbé L. Duchesne », Revue bénédictine, 9, 1892, p. 392‑397, p. 392.

102 Voir: Bonfante G., « The Word for Amber in Baltic, Latin, Germanic, and Greek », Journal of Baltic Studies, 16, 3, 1985, p. 316‑319. Sur succinus : Isidore de Séville : Succinus, quem appellant Graeci electrum, fulvi cereique coloris, fertur arboris succus esse, et ob id succinum appellari. (Etymologiae, XVI, 8). Electrum est couramment utilisé en latin pour désigner l’electrum, alliage d’or et d’argent, cf. Isidore de Séville, Etymologiae, XVI, 24 : Electrum vocatum, quod ad radium solis clarius auro argentoque reluceat. Sol enim a poetis elector vocatur. Defaecatius est enim hoc metallum omnibus metallis. Hujus tria genera. Unum, quod ex pini arboribus fluit, quod succinum dicitur ; alterum metallum, quod naturaliter invenitur, et in pretio habetur ; tertium, quod fit de tribus partibus auri et argenti una. Vincent de Beauvais et Thomas de Cantimpré utilisent pour l’ambre le terme succinus : Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum, XV, 66 ; Vincent de Beauvais, Speculum naturale, IX, 103 et 14.

103 Macé, Gippert, The multilingual Physiologus, 2021, p. 96-97.

104 Ibid., p. 96-105.

105 Bain D.M., « Art. Koiraniden (Kyraniden) », Reallexikon für Antike und Christentum, 2006, col. 224‑232. La compilation originale aurait compté plus de quatre livres, peut-être six.

106 Alpers K., « Untersuchungen zum griechischen Physiologus und den Kyraniden », Vestigia Bibliae, 6, 1984, p. 13‑87.

107 Kaimakēs D.V., Die Kyraniden, Meisenheim am Glan, 1976, cité d’après Schneider, « Mischwesen im Physiologus », 2023, p. 649, note 39. La version latine du XIIe siècle ajoute que le myrmicoleon possède des ailes : Delatte L., Textes latins et vieux français relatifs aux Cyranides, Liège, Paris, 1942, p. 120.

108 García García A., « Perfil bio-literario de Juba II, rey de Mauritania », Fortunatae, 11, 1999, p. 13‑30 ; Maraini T., « Juba de Maurétanie et l’héritage antique », Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, 39, 1, 1999, p. 43‑61 ; Draelants, Un encyclopédiste méconnu, 2000, p. 292-321.

109 Draelants, Un encyclopédiste méconnu, 2000, p. 816.

110 Bogaert, « La Bible latine », 1988, p. 143-156.

111 Cf. plus haut et note 12.

112 Ce commentaire n’a pas été édité dans la Patrologie latine. Il en existe des éditions anciennes, du XVIe et du XVIIe siècle. Voir à ce sujet: Rébeillé-Borgella M.F., « Philippus Presbyter’s Commentary on Job: A Source for the Study of Latin Translations of the New Testament », communication donnée au Twelfth Birmingham Colloquium on the Textual Criticism of the New Testament, Birmingham, 2021; Józwiak, 2017. Un abrégé datant du IXe siècle est édité dans la Patrologie latine sous le nom de Jérôme : PL 26, 619-802. Voir en particulier sur le myrmicoleon : PL 26, 628A, qui livre un texte comparable au commentaire du prêtre Philippe.

113 Si la préparation des réserves pour l’hiver par la fourmi se trouve déjà dans la Bible (Prov 6 :6-8 et 30 :25), la séparation du grain en deux qui empêche la germination se retrouve dans la seconde nature de la fourmi dans le Physiologos, mais également chez Pline, XI, 36, 109 et chez Élien, 2, 25. Augustin reproduit avec une telle fidélité la nature du pélican dans le Physiologus qu’on doit envisager qu’il en connaissait le texte, peut-être en grec : cf. Macé, Gippert, The multilingual Physiologus, 2021, p. 152, note 107.

114 Le myrmicoleon est évoqué plusieurs fois entre les chapitres 20 et 22 : pour plus de détails sur l’exégèse livrée par Grégoire, voir Gerhardt, « The ant-lion », 1965, p. 10-13.

115 Angelini A., « Mostri di confine. Il formicaleone e il serpente quasi umano », I Quaderni del Ramo d’Oro on-line, 2, 2009, p. 367‑378, p. 370 ; Moreschini C., « Gregorio Magno e il mondo animale, tra curiositas e simbologia », in I. Schaaf (éd.), Animal Kingdom of Heaven, Boston, 2019, p. 77‑96, p. 80.

116 Henkel N., Studien zum Physiologus im Mittelalter, Tübingen, 1976, p. 164-203.

117 L’hypothèse de l’emprunt par Grégoire au Physiologus latin a déjà été émise par d’autres critiques : cf. Greschat K., « Die Verwendung des Physiologus bei Gregor dem Grossen. Paulus als gezähmtes Einhorn in Moralia in Job XXXI », Studia patristica, 43, 2006, p. 381‑386, ici p. 382-385. Néanmoins, les passages sur la licorne et l’autruche chez Grégoire sont considérés par L. Wiener comme des interpolations du VIIIe siècle : Wiener L., Contributions toward a history of Arabico-Gothic culture 4. Physiologus studies, Philadelphia, 1921, p. 248-249.

118 Cette citation biblique (Mt 6 :24) permet de faire un rapprochement avec les manuscrits W et O de l’apparat critique de l’édition de Sbordone, qui sont les seuls à proposer une leçon approchante : « Semblables sont ceux qui veulent servir deux maîtres, Dieu et le diable, Dieu qui enseigne l’abstinence, et le diable qui pousse à jouir sans limite » (trad. A. Zucker, p. 148). Ce lien avec W et O (tertia classis de Sbordone) va dans le sens d’une dépendance de B non seulement envers le modèle de la version Y, mais également envers une autre source proche de W et O ; c’est l’hypothèse qu’expose C. Macé : Macé, Gippert, The multilingual Physiologus, 2021, p. 132-137.

119 Sur les versions du Physiologus et des bestiaires et les manuscrits associés, voir : Kuhry E., « Panorama des manuscrits et nouvelles ressources pour l’étude de la tradition manuscrite du Physiologus latin », RursuSpicae, 2, 2019.

120 Mss. Oxford, Bodleian Libr., Laud. Misc. 247, f. 166v, XIIe s. (B-Is) ; London, British Libr., Royal 2 C XII, XIIIe s., f. 145v (B-Is) (néanmoins le texte en notre possession étant issu de l’édition de F. Mann, nous ne pouvons certifier que la rubrique se trouve bien dans le ms. : Mann M.F., « Der Bestiaire divin des Guillaume le clerc », Französische Studien, 6, 2, 1888, p. 37‑73, p. 71) ; Aberdeen, UL, 24, XIIe s., f. 96 (Seconde famille) ; Paris, BnF, lat. 14429, XIIIe s., f. 117v (bestiaire H).

121 McCulloch F., « Mermecolion. A Mediaeval Latin Word for “Pearl Oyster” », Mediaeval Studies, 27, 1965, p. 331‑333.

122 Un accident de copie semble s’être produit ici, peut-être en raison d’une mauvaise interprétation des rubriques du modèle, ce qui a probablement abouti à la suppression du titre du chapitre sur la pierre adamas : le début du texte du chapitre sur le peridexion dit ceci dans B-Is : Arbor quedam est in partibus Indie, que grece peredexion, latine vero circa dexteram.

123 Il devait se placer à l’origine, si l’on en juge par les contenus du manuscrit du Mont-Cassin, entre la perdrix (chap. XXVI du manuscrit d’Oxford) et la belette (chap. XXVII).

124 Moretti, « Ut leo, sic formica », 2012, p. 586-595.

125 Isidorus Hispalensis, Etymologiae, 12, 6.

126 Cet aspect est traité en détail par M. Gerhardt, au travail de laquelle nous renvoyons : Gerhardt, « The ant-lion », 1965, p. 19-22.

127 Barthélémy l’Anglais, De proprietatibus rerum, XVIII, 52 et 10 ; Pline, Histoire naturelle, XXIX, 27, 87.

128 Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (éd. Cipriani), IX, 25.

129 Dans l’édition disponible sur le site du projet Gloss-e, la glose sur trouve sur Job 4 :10 avec comme lemme Rugitus leonis.

130 Vincent de Beauvais, Speculum naturale, XXI, 135.

131 Il s’agit d’un insecte qui d’après Pline a toujours la tête dans le sang, et qu’on appelle d’après Thomas de Cantimpré « pou silvestre », ou « thèque », tique : Thomas de Cantimpré, Liber de natura rerum (éd. Cipriani), IX, c. 20. Merci à Isabelle Draelants pour ce complément.

132 Cf. Seznec J., « Saint Antoine et les Monstres : Essai sur les Sources et la Signification du Fantastique de Flaubert », PMLA, 58, 1, 1943, p. 195‑222, p. 202. Le texte de Flaubert est consultable sur le site du projet hébergé par l’université de Rouen : https://flaubert.univ-rouen.fr/ %C5 %93uvres/ %C5 %93uvres-publi %C3 %A9es/la-tentation-de-saint-antoine-1874/.

133 Là encore, on constate l’amalgame entre le myrmicoleon du Physiologus et les « lions qu’on appelle fourmis » d’Agatharchide.

134 Référence relevée par Montague R. James dans James M.R., The bestiary, being a reproduction in full of the ms. Ii.4.26 in the University library, Oxford, 1928, cité par Kevan, « Antlion ante Linné », 1992, p. 207, note 6.

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Table des illustrations

Légende Illustration 1 : Fourmis chercheuses d’or dans la traduction en moyen anglais du De rebus in oriente mirabilibus. Ms. London BL Cotton Tiberius B V 1, XIe s., f. 80v, visible sur cette page : https://blogs.bl.uk/​digitisedmanuscripts/​2013/​04/​how-the-camel-got-the-hump.html
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Légende Illustration 2 : Le myrmex du papyrus d’Artémidore (figure V22). Reproduction visible sur la page : https://likeavirgil.tumblr.com/​post/​70358578945/​sketches-of-real-and-mythical-animals-from-the
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Légende Illustration 3 : Griffon-lion de la mosaïque du Grand Palais de Constantinople. Reproduction visible sur la page : https://turkisharchaeonews.net/​object/​great-palace-constantinople-mosaic-museum
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Légende Illustration 4 : Le myrmicoleon dans le Physiologos grec. Leipzig, Universitätsbibliothek, cod. gr. 35, XIVe s., f. 34.
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Légende Illustration 5 : Fourmilion sous forme larvaire. Crédit: Aiwok, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/​licenses/​by-sa/​3.0>, via Wikimedia Commons
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Légende Illustration 6 : Piège du fourmilion, en forme d’entonnoir. Crédit: Scott Robinson from Rockville, MD, USA, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/​licenses/​by/​2.0>, via Wikimedia Commons
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Légende Illustration 7 : Tartinillon. Illustration originale de John Tenniel, visible sur le site The Victorian web : https://victorianweb.org/​art/​illustration/​tenniel/​lookingglass/​3.4.html
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Pour citer cet article

Référence électronique

Emmanuelle Kuhry, « La fourmi-lion ou myrmicoleon : origine, transmission et avatars d’une chimère »RursuSpicae [En ligne], 5 | 2023, mis en ligne le 13 décembre 2023, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rursuspicae/3159 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rursuspicae.3159

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Auteur

Emmanuelle Kuhry

Emmanuelle Kuhry est ingénieure de recherche CNRS, rattachée à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (UPR 841 – CNRS). Elle a soutenu en 2014 une thèse à l’université de Lorraine portant sur l’étude et l’édition d’une compilation aristotélicienne latine anonyme du XIIIe siècle, la Compilatio de libris naturalibus Aristotelis ou Compendium philosophie. Ses recherches portent sur la transmission manuscrite de la philosophie naturelle. Elle a réalisé en 2016 un post-doctorat au CEPAM de Nice sur la tradition manuscrite du Physiologus latin.

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