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Insectes et vers dans une compilation cistercienne inédite, l’Opusculum de naturis animalium

Insects and Worms in an Unexplored Cistercian Compilation, the ‘Opusculum de naturis animalium’
Ombeline Fichant

Résumés

Cet article s’intéresse à la place des insectes et des vers au sein d’une compilation cistercienne inédite et anonyme consacrée aux animaux, l’Opusculum de naturis animalium. Composée au début du XIIIe siècle, cette œuvre singulière s’inscrit dans le courant de la littérature chrétienne sur la nature qui connaît un engouement considérable à partir de la Renaissance du XIIe siècle. Elle est également imprégnée d’un certain esprit encyclopédique, puisque son auteur s’est efforcé de rassembler toutes les connaissances à sa disposition sur les animaux, y compris les minuta animalia. Loin d’ignorer insectes et vers, il propose des contenus variés à leur sujet, manifestant ainsi sa curiosité pour les noms qui les désignent, leurs caractéristiques et comportements, ainsi que les interprétations symboliques dont ils font l’objet. L’étude présentée ici entend donc interroger le regard que l’auteur de l’Opusculum porte sur ces minuta animalia, et reconstituer le portrait composite que cette compilation dresse des “sans-grade” de la faune médiévale.

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Texte intégral

  • 1 Au sujet de la réception du De animalibus d’Aristote, traduit en latin par Michel Scot dans les ann (...)
  • 2 A propos de la transmission de l’Historia Naturalis de Pline en Occident, notamment à partir de la (...)
  • 3 Il existe au sujet des encyclopédies médiévales une bibliographie considérable. Sur le site interne (...)
  • 4 Voir notamment Draelants I., « Encyclopédies et lapidaires médiévaux. La durable autorité d’Isidore (...)

1Lorsqu’on évoque l’histoire des minuta animalia au Moyen Age, et que l’on retrace l’évolution des savoirs et des représentations dont ils font l’objet, deux moments se distinguent particulièrement : la rédaction, dans le premier tiers du VIIe siècle, des Etymologiae d’Isidore de Séville (560-636), œuvre qui comporte notamment, dans le livre XII consacré aux animaux, trois chapitres portant sur les minuta animantia, les vermes et les minuta volatilia (c. 3, 5 et 8) ; la multiplication, au XIIIe siècle, au cours de l’« âge d’or » de l’encyclopédisme médiéval, de compilations sur la nature des choses qui, largement influencées par la redécouverte du De animalibus d’Aristote1 et la diffusion du livre XI de l’Historia naturalis de Pline2, accordent une nouvelle attention aux insectes et aux vers et font même, pour certaines, la part belle aux observations directes3. Entre ces deux moments, rares sont les textes qui se sont intéressés aux minuta animalia, malgré le contact quotidien des hommes du Moyen Age avec ces petits animaux souvent perçus comme nuisibles. Le succès durable des Etymologiae jusqu’au XIIIe siècle et même au-delà explique peut-être cet état de fait4 : l’œuvre de l’évêque sévillan semble avoir longtemps fait office de réservoir de connaissances sur la Création dans son ensemble, une somme de savoirs auréolée d’une autorité qu’il ne paraissait pas nécessaire de compléter. Cela étant, certains auteurs, animés par un nouvel intérêt pour l’univers, la nature et la faune en particulier, ont choisi d’évoquer la Création dans son ensemble, des créatures les plus nobles aux plus insignifiantes. A cet égard, l’Opusculum de naturis animalium, qui précède de quelques décennies les encyclopédies de Thomas de Cantimpré (1201-1272), Vincent de Beauvais (m. 1264) et Albert le Grand (c. 1200-1280) témoigne déjà d’une curiosité évidente pour les insectes et les vers.

I. Une compilation consacrée aux animaux

  • 5 Pour de premiers éléments de recherche, cf. Draelants I., Fichant O., « L’Opuscule sur les natures (...)

2L’Opusculum de naturis animalium est une compilation anonyme qui n’a, jusqu’à présent, fait l’objet d’aucune étude approfondie5. Ce texte est connu à travers deux manuscrits conservés à la Bibliothèque Royale de Bruxelles, le KBR II 1143 et le KBR II 1057, qui proviennent tous deux de l’abbaye cistercienne d’Aulne, située dans l’actuelle Province de Hainaut en Belgique : le premier contient une copie complète (200 feuillets), le second un fragment d’une seconde copie (9 feuillets) dans sa première entité codicologique. L’analyse paléographique de ces deux manuscrits suggère qu’ils ont été composés à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle ; l’analyse codicologique, quant à elle, laisse penser qu’ils sont le fruit d’un travail de collation minutieux, quoiqu’assez brouillon par endroits, et qu’ils constituent les premières copies d’une compilation inachevée, encore susceptible d’être révisée par son auteur. En ce sens, la comparaison des textes des KBR II 1143 et KBR II 1057 indique qu’il s’agit non pas de deux manuscrits copiés l’un sur l’autre ou descendant d’un archétype commun, mais de deux rédactions consécutives de l’Opusculum. La copie partielle correspond vraisemblablement à une première version du texte, et la copie complète à une refonte de l’œuvre orchestrée par le compilateur lui-même.

  • 6 Le fragment qui forme la première entité codicologique du ms. KBR II 1057 ne contient que sept de c (...)

3En ce qui concerne l’organisation de l’œuvre, les considérations de l’auteur sur les naturae animalium sont réparties, dans le ms. KBR II 1143, en 279 chapitres, précédés d’un prologus et d’un incipit6. L’agencement de ces chapitres révèle une structure tripartite qui, après quelques remarques introductives, articule la réflexion autour de thèmes majeurs :

  • les douze signes du Zodiaque (chapitres 3 à 144) ;

  • une série d’animaux divers, réels comme imaginaires, allant de la poule à la sauterelle (chapitres 145 à 268) ;

  • des considérations diverses sur la foi et la spiritualité, centrées autour de deux figures emblématiques de la Bible, Jean le Baptiste et la Vierge, et qui ne concernent plus les animaux (chapitres 268 à 279).

4Une analyse plus fine du texte met en évidence les efforts du compilateur pour agencer les citations retenues dans un ordre spécifique et les relier entre elles, donnant ainsi peu à peu forme à sa réflexion. Au sein de ce discours arborescent, qui s’étend parfois sur des sujets autres que la faune, sont évoquées plus de 130 créatures différentes ; si certaines d’entre elles font l’objet d’un chapitre entier, voire de plusieurs, d’autres de seulement quelques lignes, l’auteur semble s’être donné pour mission de proposer un large éventail de connaissances sur les animaux, en faisant appel à des sources variées.

  • 7 Voir note 1. Arnold de Saxe (fl. 1230-1250) semble être le premier encyclopédiste à citer abondamme (...)

5L’identification des auctoritates citées dans l’Opusculum révèle en effet la richesse de cette compilation et témoigne de l’ampleur du travail réalisé par l’auteur. L’œuvre rassemble plus de 1600 extraits de taille variable (de quatre à plus d’un millier de mots), dont 90 % ont pu être identifiés. Citant des passages de 220 œuvres différentes pour plus d’une centaine d’auteurs, le compilateur semble n’avoir voulu négliger aucune source à sa portée : œuvres patristiques, commentaires exégétiques, gloses bibliques, traités théologiques et moraux, sermons, lettres, lexiques et traités de grammaire, bestiaires et lapidaires, poèmes et commentaires de textes antiques, fables, chroniques, traités de philosophie ou encore récits hagiographiques. L’importance accordée aux œuvres du XIIe et du début du XIIIe siècle – pour certaines, contemporaines de la rédaction des deux témoins de l’Opusculum ou la précédant de peu – mérite d’être soulignée ; ces auctoritates représentent en effet plus de la moitié du texte, ce qui montre que le compilateur confronte aux autorités traditionnelles des enseignements contemporains et s’intéresse aux savoirs les plus récents. Cette nette préférence pour les écrits des moderni confère à l’Opusculum son originalité et permet d’apporter des précisions sur sa date de composition. L’absence de référence à la matière aristotélicienne sur la nature ou aux traductions arabo-latines de textes médicaux qui se répandent en Occident à partir de la fin du XIIe siècle suggère que le compilateur a achevé son œuvre avant 1220, date à laquelle se situent notamment les premières utilisations du De animalibus d’Aristote7 ; par ailleurs, les quelques citations empruntées à la Vita Sancti Eustachii et aux Colores verborum et sententiarum de Pierre Riga (m. c. 1209), aux Sermones d’Adam de Dryburg (m. c. 1212) et au Graecismus d’Evrard de Béthune (m. c. 1212) confirment que l’Opusculum a été composé dans le premier quart du XIIIe siècle, et que les deux manuscrits sont contemporains de l’œuvre et de son auteur. Parmi les auctoritates citées, on compte également un nombre considérable de textes très peu répandus, voire complètement inédits, et même, pour certains, marqués par une diffusion essentiellement locale qui témoigne d’une riche activité intellectuelle autour de l’abbaye d’Aulne et des monastères environnants au tournant des XIIe et XIIIe siècles. A ce titre, des recherches menées sur le fonds de l’abbaye d’Aulne conservé à la Bibliothèque Royale de Bruxelles laissent penser que le compilateur pourrait s’être servi d’au moins vingt-cinq manuscrits provenant de la bibliothèque de ce monastère. Associés à l’inclination monastique et plus particulièrement cistercienne que l’on devine à travers les choix du compilateur, ces résultats suggèrent que l’Opusculum a été composé à l’abbaye d’Aulne par un membre de la communauté, probablement pour un lectorat monastique.

II. Insectes et vers dans l’Opusculum : panorama général

  • 8 La connaissance des insectes et des vers à l’époque médiévale, et la perception qu’en avaient les h (...)

6Lorsqu’il s’est agi de célébrer, dans le sillage de la littérature chrétienne sur la nature, les œuvres diverses du Créateur, de présenter à ses lecteurs les naturae animalium et les multiples interprétations qui leur sont associées, l’auteur de l’Opusculum n’a pas oublié les minuta animalia. L’esprit encyclopédique qui imprègne sa compilation va de pair avec un intérêt pour le monde animal dans son ensemble, des figures emblématiques de la symbolique médiévale aux espèces les moins connues, les moins appréciées, voire les plus méprisables. Compte tenu de la nature compilatoire de son œuvre, l’auteur ne peut prétendre à une véritable démarche encyclopédique semblable à celle d’un Thomas de Cantimpré ou d’un Vincent de Beauvais ; néanmoins, sa curiosité évidente à l’égard des insectes et des vers le distingue de ses contemporains, conférant à l’Opusculum un caractère singulier. Le nombre d’espèces mentionnées, la diversité des contenus rassemblés, la structure même du texte témoignent, en effet, d’un intérêt certain pour cette faune rarement évoquée dans les œuvres antérieures8.

  • 9 Voir dans ce même numéro les remarques d’I. Draelants concernant la catégorie des vermes, ses parti (...)

7Compte tenu des particularités propres aux classements zoologiques médiévaux, et de l’image que se font les hommes du Moyen Age des insectes et vers, il faut s’arrêter sur les termes employés ici pour les désigner. On ne trouve pas dans l’Opusculum d’exposé spécifiquement consacré à définir ces petits animaux, et dès lors aucune dénomination englobant sciemment l’ensemble des espèces évoquées. Le compilateur emprunte à d’autres auteurs les formules minuta animantia, minuta animalia et parva animalia pour désigner abeilles, papillons et fourmis, et use du mot vermes pour parler tout autant de poux que de crapauds, qui ont en commun de naître et de vivre dans des matières corrompues ; si les trois premières expressions incluent d’autres petits animaux non compris dans cette étude, comme les souris ou les lézards, le terme vermes est fréquemment utilisé au Moyen Age comme nom collectif pour désigner les créatures qui rampent et grouillent9, y compris celles que l’on identifie aujourd’hui comme des insectes, des arachnides, des annélides… Pour refléter la tradition dont le compilateur se fait l’héritier, le présent article utilise donc le terme vermes pour évoquer l’ensemble des petites créatures de ce type mentionnées dans l’Opusculum.

8Cette étude examine successivement les sujets suivants : une présentation générale des différentes espèces d’insectes et de vers mentionnées dans l’Opusculum et des noms utilisés pour les désigner ; la place des développements consacrés aux vermes au sein du discours sur les naturae animalium ; les extraits de l’œuvre présentant ces petits animaux comme des symboles ou des clichés, porteurs de simples leçons morales ; les contenus étymologiques et lexicologiques concernant insectes et vers, qui déduisent des noms qui les désignent leurs principales natures ; les savoirs naturalistes et médicaux mobilisés à leur sujet, qui soulignent leurs particularités physiques et comportementales, et d’éventuels usages médicaux spécifiques ; quelques exemples d’interprétations spirituelles et morales qui leur sont associées ; enfin, deux exempla édifiants mettant en scène chenilles et vers.

  • 10 A propos de la classification des animaux au Moyen Age, voir notamment Pastoureau M., « Classer les (...)

9Présenter un panorama général des animaux évoqués dans le texte de l’Opusculum permet d’abord de mieux mesurer la part dévolue aux insectes et aux vers. Apparaissent ainsi dans les extraits sélectionnés par le compilateur, toutes catégories confondues, 132 créatures, désignées par plus de 180 termes différents – sans compter quelques dénominations plus floues qui recouvrent chacune une multitude d’espèces, comme les termes aves, pisces ou serpentes. Suivant les classifications proposées par les auteurs médiévaux, notamment dans les encyclopédies naturelles et une partie des bestiaires latins, ces 132 animaux peuvent être répartis en six catégories différentes10. Est indiqué en gras, pour chacune d’entre elles, le nombre total d’espèces concernées, et entre parenthèses, le nombre de créatures qui font l’objet d’au moins un chapitre dédié, que ce soit de manière individuelle ou collective :

  • Quadrupèdes (sauvages et domestiques) : 39 (25)

  • Oiseaux : 28 (17)

  • Insectes et vers : 27 (8)

  • Reptiles : 24 (11)

  • Poissons et créatures aquatiques : 10 (7)

    • 11 Pour des raisons pratiques, les animaux mentionnés par le compilateur ont été ici répartis selon le (...)

    Créatures hybrides et monstrueuses : 4 (3)11

  • 12 Pour le compilateur, le crapaud et la grenouille, présentés dans l’Opusculum comme un seul et même (...)
  • 13 A propos de l’importance des oiseaux dans la culture et la littérature médiévales, voir Voisenet J.(...)
  • 14 Ces seize chapitres sont les suivants : c. 81, De diversis significationibus scorpii ; c. 82, De lo (...)

10Les citations rassemblées évoquent ainsi vingt-sept types de vermes désignés par trente-huit termes latins différents ; parmi eux, vingt espèces d’insectes à proprement parler, selon le sens que ce mot a aujourd’hui, quatre espèces de vers, deux espèces d’arachnides et une espèce de batraciens12. Ces vermes représentent 20 % des animaux nommés dans l’Opusculum, et occupent même, après les quadrupèdes, une part presque égale à celle des oiseaux, ce qui peut paraître étonnant, compte tenu de l’intérêt que les auteurs médiévaux portent d’ordinaire aux aves13. Cela étant, ces premiers chiffres n’indiquent pas pour autant que les contenus portant sur les insectes et les vers équivalent à 20 % du texte. Ceux-ci se font déjà plus discrets dans les titres de chapitres, et par extension dans la structure principale de l’œuvre : seuls seize chapitres sont consacrés aux insectes et aux vers, et plus précisément à huit des vingt-sept espèces répertoriées14. Cependant, étant donné le caractère inachevé de la compilation, et les principes organisationnels adoptés par le compilateur, on trouve également, éparpillés dans le texte, quelques passages concernant les vermes. Le compilateur propose par exemple des citations sur les mouches et les fourmis, sans pour autant leur consacrer de notices individuelles ou les introduire par des titres de chapitres. A l’inverse, il n’est pas rare que certaines petites créatures faisant l’objet d’un ou plusieurs chapitres dédiés soient aussi évoquées ailleurs, comme les vers en tant que parasites humains (vers intestinaux, vers nécrophages…), auxquels sont non seulement consacrés trois chapitres distincts, mais aussi plusieurs extraits disséminés au sein du texte.

11Le tableau ci-dessous recense les différentes espèces d’insectes et de vers figurant dans l’Opusculum, et répertorie, pour chacune d’entre elles, les termes utilisés pour les désigner, le nombre d’extraits qui les mentionnent, ainsi que la présence ou non d’un ou plusieurs chapitres dédiés :

Espèces

Termes
utilisés

Nombre de
mentions

Chapitres

Insectes

Abeille

Apis

13

2

Charançon

Gurgulio

1

/

Chenille

Eruca

4

1

Coléoptère

Scabro

1

/

Fourmi

Formica

7

1

Frelon

Crabro/Crapro

Forlo

Fucus

2

/

Guêpe

Vespa

1

/

Mite

Tinea

1

/

Mouche

Musca

8

/

Moucheron

Bibio

1

/

Moustique

Culex

2

/

Papillon

Papilio

2

/

Pou

Lens

Pediculus

2

/

Puce

Pulex

3

1

Punaise

Cimex

1

/

Sauterelle

Athelebus

Brucus

Locusta

22

4

Scarabée

Scarabeus

1

/

Taon

Asilus

Oestrus

Tabanus

2

/

Termite

Teredo

1

/

Ver à soie

Bombex/Bumbex

3

1

Arachnides

Araignée

Aranea

3

/

Scorpion

Scorpio

11

2

Batraciens

Crapaud/Grenouille

Bufo

Rana

2

/

Vers

Sangsue

Hirudo

Sanguisuga

4

2

Ver (général)

Vermis

Vermiculus

14

3

Ver intestinal

Lumbricus

1

/

Ver nécrophage

Lethophagus

1

/

Ver (sans langue ? né de langue ?)

Elinguis

1

/

12Les informations fournies par cet inventaire permettent d’estimer plus précisément la place dévolue aux vermes dans la réflexion du compilateur. Les contenus consacrés aux insectes et aux vers représentent en volume environ 5 % du texte de l’Opusculum ; mais si l’on exclut les citations traitant d’autres sujets, notamment toutes celles qui forment la troisième partie de l’œuvre, ils représentent alors plus de 10 % des passages exclusivement consacrés aux animaux.

  • 15 Osbern de Gloucester, Derivationes : « Et his lotofagus, gi, id est vermis mortuorum corpora comede (...)
  • 16 L’adjectif elinguis, e est couramment utilisé dans la littérature médiévale pour désigner quelqu’un (...)

13Le lexique employé pour désigner ces diverses espèces d’insectes et de vers suscite également quelques réflexions. Dans la majorité des cas, les termes relevés dans le texte de l’Opusculum sont connus des auteurs médiévaux et figurent dans d’autres œuvres attentives à la Création, des Etymologiae d’Isidore de Séville aux encyclopédies naturelles du XIIIe siècle, en passant par de nombreux lexiques et dictionnaires. Cela étant, certains noms utilisés dans des extraits non identifiés s’avèrent très rares, voire quasiment inconnus des naturalistes, comme le terme lethophagus, qui n’apparaît que dans les Derivationes du grammairien Osbern de Gloucester15 ; même chose pour le terme elingues, que l’on ne trouve dans aucun autre texte littéraire, narratif ou naturaliste, et qui désigne, par une sorte de double invention étymologique, des vers « e lingua » (privés de langue, ou qui privent d’autres de la capacité de s’exprimer), tout autant que des vers « e linguis » (qui tirent leur origine de la langue des cadavres)16.

14Par ailleurs, si la plupart de ces vermes ne sont désignés que par un seul zoonyme, certains des contenus sélectionnés par le compilateur listent plusieurs termes différents pour parler d’une même créature, comme pour le frelon et le taon ; il s’agit même parfois de mots correspondant à des stades de développement distincts, comme dans le cas des poux, pour lesquels on trouve lens, lente, et pediculus, pou. La sangsue constitue un exemple encore plus intéressant, puisque l’auteur de l’Opusculum emploie à son sujet les termes hyrudo et sanguisuga, qui font chacun l’objet d’un chapitre (c. 239, De hyrudine ; c. 241, De sanguisuga). Ces observations attestent de la richesse du vocabulaire employé pour parler des vermes, mais aussi de l’intérêt lexicographique que le compilateur porte à ces mots, et en particulier, semble-t-il, à ceux désignant les vers.

  • 17 Concernant la place des sauterelles dans la culture et la littérature médiévales, et les diverses i (...)
  • 18 A propos de l’intérêt que les hommes du Moyen Age portent aux abeilles, et des différents rôles que (...)
  • 19 Parce qu’ils sont proches de la terre, parce qu’ils rampent et grouillent, parce qu’ils sont souven (...)

15Le tableau ci-dessus donne également une idée de la répartition des extraits selon les créatures évoquées. De ce point de vue, l’Opusculum présente une image plutôt traditionnelle du monde des vermes : les contenus rassemblés par l’auteur concernent surtout quelques espèces à part, celles qui, du fait de leurs caractéristiques intrinsèques et de la symbolique qui leur est associée, occupent dans la culture médiévale une place prédominante, comme les sauterelles et les abeilles. Apparaissant à de multiples reprises dans le texte biblique – en tant que l’une des dix plaies d’Égypte dans le livre de l’Exode, nourriture de Jean le Baptiste au désert dans l’Évangile de Marc ou encore symbole eschatologique dans l’Apocalypse – les sauterelles possèdent une riche histoire exégétique et théologique17 qui leur confère une place de choix dans le discours sur les insectes et les vers. Le texte de l’Opusculum en témoigne aussi. Les abeilles, quant à elles, font partie des rares insectes réellement appréciés au Moyen Age, en raison de leur organisation hiérarchique en colonie, qui apparaît comme un miroir de la société humaine, et de leur production de miel, réputé pour ses multiples bienfaits ; nombre d’œuvres antiques et médiévales, que ce soit celles des poètes latins, des Pères de l’Église ou d’auteurs du XIIe et du début du XIIIe siècle, rendent compte d’un intérêt enthousiaste pour ces petites créatures18, que partage de toute évidence le compilateur. Au-delà de ces préférences très classiques, on décèle dans la démarche de l’auteur une fascination personnelle pour les vers, d’autant plus marquante que ces petits animaux se font plutôt discrets dans la littérature médiévale avant le XIIIe siècle19. Proposant parfois davantage d’enseignements sur les vers que sur d’autres créatures pourtant bien connues des auteurs médiévaux, comme le renard ou la hyène, le compilateur montre un tropisme pour les vermes qui se manifeste dès les premières lignes du texte.

III. Un discours sur les animaux encadré par des exposés sur les vermes

16Dès le prologue en effet, et même dès le deuxième extrait, l’auteur de l’Opusculum porte son attention sur les petits animaux. Citant un passage des Commentarii in Isaiam de Jérôme (c. 347-420), il critique ainsi, à travers la voix d’un des plus célèbres Pères de l’Eglise, ceux qui dénigrent certaines œuvres de Dieu parce qu’ils les jugent inutiles, et considèrent que l’existence de créatures méprisables comme les vermes ne peut être qu’une erreur :

Dicit Epicurus non esse providentiam et voluptatem esse maximum bonum. Comparatione sceleratior est Marcion et omnes heretici qui vetus lacerant testamentum. Cum enim recipiant providentiam, accusant creatorem et asserunt eum in plerisque operibus errasse : ad quam enim humilitatem hominum serpentes, scorpios, cocodrillos et pulices, cimicesque et culices pertinere ?

  • 20 Hieronymus Stridonensis, S. Hieronymi presbyteri opera, Morin G. (ed.), (Corpus Christianorum, Seri (...)

Epicure dit qu’il n’y a pas de providence et que le plaisir est le plus grand des biens. Par comparaison, Marcion et tous les hérétiques qui lacèrent l’Ancien Testament sont bien plus impies. En effet, bien qu’ils reçoivent la providence, ils accusent le Créateur en affirmant qu’il s’est trompé dans plusieurs de ses œuvres : en quoi les serpents, les scorpions, les crocodiles, les puces, les punaises et les moustiques ont-ils un rapport avec l’humilité des hommes ?
(Jérôme, Commentarii in Isaiam, 7.18.1)20

17Pour Jérôme comme pour l’auteur de l’Opusculum, il est impensable de remettre en question le moindre aspect de la volonté divine. En dépit de leur apparente inutilité ou des désagréments divers qu’ils peuvent causer, scorpions, puces, punaises et moustiques font partie de la Création, et à ce titre, leur existence a un sens ; comme tout autre animal, plante ou pierre, comme tout autre élément de l’Univers, ces vermes transmettent des messages divins que les hommes se doivent de déchiffrer. En introduisant ainsi son discours sur les animaux, le compilateur indique d’emblée qu’insectes et vers ont leur place dans les desseins de Dieu et sont tout aussi dignes d’intérêt que d’autres créatures. Plus encore, il a cherché à préciser leur rôle dans le monde terrestre et leur relation avec l’homme : en effet, alors que Jérôme utilise dans la dernière phrase de cet extrait le terme utilitatem, le texte de l’Opusculum le remplace par humilitatem, qui établit un lien entre ces créatures et le rappel de l’humilité indispensable à l’homme. Le manuscrit des Commentarii in Isaiam sur lequel s’est appuyé le compilateur lors de la rédaction de son œuvre ne présente pas une telle substitution ; c’est donc l’auteur lui-même (ou l’un des scribes ayant travaillé sous sa férule) qui en est à l’origine. Compte tenu de la proximité phonétique et orthographique entre les deux termes, il pourrait s’agir d’une simple erreur de copie. Toutefois, l’hypothèse d’une modification volontaire destinée à définir le rôle joué par les insectes et les vers au sein de la Création mérite d’être mentionnée, car l’usage du terme humilitatem s’inscrit parfaitement dans la réflexion proposée par le compilateur à la suite de cet extrait. On trouve en effet, dans l’incipit qui succède au prologue, quelques citations empruntées au Commentarium in Pentateuchum du Ps.-Bède (XIIe siècle) et à l’Historia Scholastica de Pierre Comestor (c. 1100-1179) qui distinguent trois catégories d’animaux : les bêtes sauvages qui menacent les hommes, et qui rappellent, à travers leur caractère indomptable, le péché originel et ce que le genre humain a perdu ; les bêtes de somme qui leur prêtent main-forte et constituent une source d’aide et de réconfort ; enfin, les créatures qui n’appartiennent à aucune de ces deux catégories, ces petits animaux souvent nuisibles qui échappent à l’emprise de l’homme, et ont pour fonction de lui faire prendre conscience de son insignifiance et de l’inciter à se montrer humble en toutes choses. Soulignant le lien entre animaux nuisibles et humilité, ces extraits choisis pour amorcer le discours sur les animaux mettent en évidence le rôle qu’ils sont appelés à jouer auprès des hommes dans le dessein divin.

  • 21 Isidore de Séville, Etymologiae, 12.5 : Vermis est animal quod plerumque de carne, vel de ligno, ve (...)
  • 22 Il existe désormais une édition numérique de ce lexique, consultable à l’adresse suivante : https:/ (...)

18D’autres citations figurant dans l’incipit s’interrogent davantage sur la place des insectes et des vers dans la Création, en particulier sur le moment exact de leur apparition et la manière dont ils sont générés. Au sein d’une réflexion visant à établir si les minuta furent créés avant ou après le péché originel, l’auteur de l’Opusculum, s’appuyant de nouveau sur les écrits de Pierre Comestor, s’intéresse au phénomène de génération spontanée, un mode de reproduction singulier supposé être propre à la plupart de ces petits animaux. De fait, chez Isidore de Séville comme chez les encyclopédistes du XIIIe siècle, nombre d’insectes et de vers tirent leur origine non pas d’une forme de reproduction sexuée, mais d’un milieu spécifique, souvent affecté par la décomposition ou la pourriture, qu’il s’agisse d’eau stagnante ou de corps d’animaux putréfiés21. Les deux extraits de l’Historia Scholastica cités par le compilateur distinguent ainsi six modes de génération différents et proposent pour chacun d’entre eux un ou plusieurs exemples d’espèces concernées. Ce qui ne constitue qu’une seule citation dans le texte de Pierre Comestor prend ici la forme de deux passages distincts, entrecoupés de définitions concernant elles aussi les insectes, et plus spécifiquement le frelon ; ces considérations lexicologiques sont tirées du Vocabularium Bruxellense, un lexique latin organisé de manière alphabétique, composé dans la seconde moitié du XIIe siècle et dont on ne connaît qu’un seul manuscrit, le KBR II 1049 (Bibliothèque Royale de Bruxelles), provenant, comme l’Opusculum, de l’abbaye d’Aulne22. Voici les extraits tels qu’ils apparaissent dans le texte de l’Opusculum (ici, précédées d’un point, les deux citations de l’Historia Scholastica, signalées par une flèche, les définitions du Vocabularium Bruxellense) :

• Queritur de minutis si tunc orta fuerint. Quorum VI sunt genera : quedam enim exalationibus esse habent, ut bibiones ex vino, papiliones ex aqua ; quedam ex corruptione humorum, ut vermes in cisternis ; quedam ex cadaveribus, ut apes ex iuvencis, scarabei et scrabones ex equis.

  • 23 Petrus Comestor, Historia scholastica, Sylwan A. (ed.), (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaeva (...)

On se demande à propos de ces petits animaux s’ils ont été créés à ce moment-là (au sixième jour). Il en existe six sortes : ceux qui éclosent dans les émanations aériennes, comme les moucherons dans le vin, les papillons dans l’eau ; ceux qui naissent de la corruption des liquides, comme les vers dans les citernes ; ceux qui apparaissent sur les cadavres, comme les abeilles sur les jeunes taureaux, les scarabées et les frelons sur les chevaux.
(Pierre Comestor, Historia Scholastica, Liber Genesis, 8)23

Craprones sunt terrores.

Crabrones sunt quasi longe vespe, id est forlones, dicti a cabone, id est equo quod inde nascantur.

Cabones sunt equi castrati qui et canterii vocantur

Les frelons sont des animaux effrayants.

Les frelons sont comme de longues guêpes, c’est-à-dire des forlones, qui tirent leur nom de cabo, c’est-à-dire du cheval, parce qu’ils naissent de là.

Les chevaux hongres (cabones) sont des chevaux castrés que l’on appelle aussi canterii. (Vocabularium Bruxellense, f. 24rb-24va).

• Quedam ex corruptione lignorum, ut teredones ; quedam ex corruptione herbarum, ut tinee ex oleribus ; quedam ex corruptione fructuum, ut gurguliones ex fabis. De his dicitur que sine corruptione nascuntur, ut illa que exalationibus, quia tunc facta sunt, que vero ex corruptionibus, post peccatum ex rebus corruptis orta sunt.

  • 24 Petrus Comestor, Historia scholastica…, p. 19.

Ceux qui naissent de la décomposition du bois, comme les termites ; ceux qui naissent de la décomposition des plantes, comme les mites dans les légumes ; ceux qui naissent de la pourriture des fruits, comme les charançons dans les haricots. On dit de ces créatures qu’elles naissent sans corruption, comme celles qui proviennent des exhalaisons, parce qu’elles ont été créées à ce moment-là, et au contraire, que celles qui naissent des corruptions ont été créées après le péché, à partir de choses corrompues.
(Pierre Comestor, Historia Scholastica, Liber Genesis, 8)24

  • 25 Voir l’étude faite par I. Draelants de cet extrait de l’Historia Scholastica, cf. Draelants I., « P (...)
  • 26 Au sujet des différents modes de génération des vermes chez les encyclopédistes médiévaux, voir not (...)

19Les citations choisies par l’auteur de l’Opusculum établissent ainsi une distinction entre minuta générés à partir d’exhalaisons et ceux qui tirent leur origine de phénomènes de putréfaction ou de décomposition d’éléments naturels ; parce qu’ils naissent sans corruption, les premiers, à savoir surtout les papillons et les moucherons, ont été créés au sixième jour, avec les autres animaux, tandis que les seconds, des vers aux charançons, qui sont associés aux eaux croupies, aux cadavres putréfiés, aux plantes et aux fruits pourris, ont été créés après le péché, ex rebus corruptis25. Brièvement évoquée ici, cette question des différents modes de génération des vermes prend une toute nouvelle importance au cours du XIIIe siècle, lorsque des encyclopédistes tels que Thomas de Cantimpré, Barthélémy l’Anglais, Vincent de Beauvais et surtout Albert le Grand, inspirés par la lecture des œuvres d’Aristote, de Pline et d’Avicenne, s’intéressent davantage à la reproduction des insectes et des vers26. Bien que le compilateur ne s’étende pas autant sur ce sujet que ne le font ses successeurs, la structure même de son discours et la place privilégiée qu’occupent les citations de l’Historia Scholastica au sein du texte témoigne de l’intérêt qu’il porte aux savoirs concernant les vermes, quels qu’ils soient ; les extraits choisis lui permettent non seulement d’éduquer par des contenus zoologiques et théologiques sur des créatures qui le fascinent, mais aussi de mieux définir la place des insectes et des vers au sein de la Création. Par ailleurs, l’insertion de définitions complémentaires sur le frelon au sein du texte de Pierre Comestor, comme des gloses censées apporter des précisions sur un terme difficile, souligne également l’importance qu’il accorde aux considérations étymologiques et lexicales sur les noms des vermes.

20Le texte de l’Opusculum s’ouvre ainsi sur des passages portant sur les vermes, et troisième partie mise à part, se termine de manière similaire. Les cinq derniers chapitres de la deuxième partie sont respectivement consacrés à la sauterelle (c. 264, De serris locustarum beati iohannis), à la sauterelle, au brucus et à l’athelebus (c. 265, De locusta et bruco et athelebo), à la sauterelle et à la puce (c. 266, De locusta et pulice), à la chenille et d’autres petits vers (c. 267, De patientia etiam erga erucam et ceteros vermiculos exibenda), et enfin à diverses espèces présentées comme des fléaux (c. 268, De quatuor pestibus). Avant de rassembler, dans la troisième partie de son œuvre, des contenus sur les spécificités de la vie monacale, les vices et les vertus ou Jean le Baptiste et la Vierge, au sein desquels la faune ne trouve plus sa place, le compilateur termine son discours sur les animaux en évoquant une dernière fois, dans le c. 268, la chenille, la sauterelle et le bruche. Les trois citations choisies, empruntées aux Sententiae de Bernard de Clairvaux (1090-1153), proposent des interprétations symboliques de ces trois créatures illustrant à merveille les diverses significations, souvent négatives, qui peuvent leur être données :

Eruca ab erodendo dicta vermis est olerum, quæ vel leniter tacta contrahitur ; tarda est et mora ipsa consumit folia. Locusta salit et avolat, et nunc devorat quicquid attingit, nunc semesa dimittens pergit ad alia. Brucus non solum fruges et folia et arbores, sed et medullam ebibit. Rubigo, quæ et erugo dicitur, noxia est aura latenter nocens, ita ut stipulam et fœnum vertat in nigredinem, ut non solum esu, sed et fimo inutilia sint. Secundum hec IIIIor, accipimus IIIIor perturbationes, quibus animarum sanitas subvertitur : tristicia est animi contractio, leticia animi effusio, metus animi fuga, spes sive cupiditas animi progressio […].

Stultus bruco, id est pavore futurorum medullam sapientiæ devorante a mente sua deseritur […].

Possunt per predicta penarum diversitates in inferno accipi : per erucam contrahentem se, frigus ; per locustam salientem, ignis ; per brucum insidentem, mala conscientia.

La chenille, appelée ainsi d’après erodendo ( = en rongeant) est un ver des légumes qui, doucement touché, se recroqueville sur lui-même ; elle est lente et consomme les feuilles à sa propre allure.

La sauterelle saute et s’envole, dévore sur-le-champ tout ce qu’elle peut atteindre, et abandonnant aussitôt les feuilles à demi-mangées, se dirige vers d’autres choses.

Le bruche dévore non seulement les fruits, les feuilles et les arbres, mais il boit aussi la sève jusqu’à épuisement.

La rouille, qui est aussi appelée vert-de-gris, est nocive, nuisant aux plantes dorées en cachette, de telle sorte que les tiges des céréales et le foin deviennent noirs, au point d’être inutilisables, aussi bien comme nourriture que comme engrais.

A travers ces quatre créatures, nous comprenons quatre dérèglements, par lesquels la santé des âmes se trouve bouleversée : la tristesse est une contraction de l’esprit, la joie un désordre de l’esprit, la crainte une fuite de l’esprit, l’espoir ou la cupidité un développement de l’esprit.

L’imbécile est abandonné par son esprit à cause du bruche, c’est-à-dire la crainte des évènements à venir qui dévore la moelle de la sagesse.

  • 27 Bernardus Claraevallensis, S. Bernardi opera, vol. 6,2, Leclercq J. – Rochais H. (eds.), Rome, 1970 (...)

A travers les créatures mentionnées précédemment, peuvent être comprises les diverses sortes de châtiments en enfer : à travers la chenille qui se contracte, le froid ; à travers la sauterelle qui saute, le feu ; à travers le bruche, la mauvaise conscience.
(Bernard de Clairvaux, Sententiae, 86)27

21A l’image des extraits évoqués précédemment, ces trois passages transmettent des savoirs exégétiques sur les vermes, et même, dans le cas de la chenille, une brève remarque étymologique précisant le sens du terme qui la désigne. Contrairement à ce que l’on peut trouver dans les encyclopédies naturelles du XIIIe siècle, les descriptions comportementales proposées par Bernard de Clairvaux n’offrent que peu de détails, et servent surtout à appuyer les interprétations religieuses qui les accompagnent. Comme dans les bestiaires médiévaux, les principaux attributs de la chenille, de la sauterelle et du bruche, réduits à leur plus simple expression, sont mis au service d’un commentaire théologique et spirituel qui reprend sous un angle différent le discours traditionnel présentant les insectes et les vers comme sources de tourments pour l’homme. Objets d’une double interprétation, ces trois petites créatures sont les protagonistes de supplices physiques et psychologiques. A l’échelle de l’homme, elles figurent les excès émotifs qui bouleversent l’âme et la correction nécessaire pour les travers humains, à l’échelle de l’Univers, les peines infernales qui attendent les pécheurs : de fait, la démarche unique de la chenille qui se contracte pour avancer évoque la tristesse qui enserre l’esprit et le froid qui saisit les chairs ; l’inconstance de la sauterelle toujours en mouvement symbolise la joie désordonnée qui trouble l’esprit et les flammes mouvantes des feux infernaux ; quant au bruche, qui bénéficie d’une interprétation un peu plus fouillée, la voracité et l’acharnement dont il fait preuve lorsqu’il s’agit de dévorer tout ce qu’il trouve sur son chemin représente la crainte excessive qui ronge l’esprit et la mauvaise conscience qui s’infiltre et s’enracine dans le cœur des hommes.

22Au sein de l’Opusculum, les vermes, comme les autres animaux, jouent donc un rôle didactique. Bien que les indications zoologiques présentés ici, assez élémentaires, aient sans doute eu une certaine importance aux yeux du compilateur, les extraits sélectionnés ont surtout pour fonction de transmettre aux lecteurs des leçons indispensables sur la foi, la spiritualité et la vie chrétienne. Insectes et vers deviennent donc des symboles de comportements à proscrire et, dans le cas de la chenille, de la sauterelle et du bruche, apparaissent comme autant de mises en garde contre les dangers qui menacent les corps et les âmes des fidèles, et les corrections divines qui les attendent. Se fait ainsi jour une fascination pour les vermes comme instruments de Dieu, qui épouse au fil de l’œuvre de multiples formes, allant de quelques mentions discrètes à des commentaires plus développés, des réflexions traditionnelles aux interprétations originales.

IV. Des insectes et des vers aux multiples facettes

23Comme le montrent les extraits étudiés ci-dessus, il n’est pas rare qu’insectes et vers fassent l’objet, dans l’Opusculum, de considérations qui n’offrent que peu d’informations précises sur chacune des espèces évoquées, en dehors de leur nom. Les citations empruntées aux Commentarii in Isaiam de Jérôme et à l’Historia Scholastica de Pierre Comestor mentionnent ainsi plus d’une dizaine de créatures différentes qui, à quelques exceptions près, n’apparaissent plus par la suite dans le discours ; dans cette mesure, il est difficile d’interroger davantage le regard porté sur elles. Certains insectes ne jouent même qu’un rôle accessoire dans des passages portant sur d’autres animaux, comme la guêpe (vespa), dont le nom ne sert que d’élément de description dans la définition sur le frelon citée précédemment. Si ces portraits fragmentaires reflètent de l'Opusculum sans doute l’absence d’informations détaillées disponibles sur les vermes à l’époque de la rédaction, ils montrent également que l’auteur, en dépit de son intérêt pour ces petites créatures, n’a pas cherché à combler ce manque en proposant ses propres observations ou interprétations, comme le fait Albert le Grand quelques décennies plus tard dans le De animalibus.

  • 28 Une telle approche centrée autour de l’étymologie et du lexique évoque les méthodes de glose et de (...)
  • 29 Voir en particulier Nebbiai-Della Guarda D., « Les glossaires et les dictionnaires dans les bibliot (...)

24Réceptacle d’un savoir essentiellement livresque, l’Opusculum s’impose comme une compilation de discours faisant autorité sur les animaux, qui se charge de transmettre les paroles des sancti et des magistri, des Pères de l’Eglise jusqu’aux auteurs les plus récents, en laissant peu de place aux considérations personnelles. Visiblement habitué à la fréquentation des ouvrages de grammaire, le compilateur sélectionne surtout parmi les sources à sa disposition des extraits centrés sur les noms des vermes et leur sens, adoptant ainsi une approche étymologique et lexicographique comme fil rouge de son discours28. La manière dont il prend pour point de départ de sa réflexion sur les animaux les zoonymes qui les désignent, avant d’en déduire leurs propriétés principales et leur signification religieuse et morale, semble également refléter l’évolution du travail des lexicographes et grammairiens des XIIe et XIIIe siècles, dont les œuvres sont peu à peu mises au service de l’exégèse biblique29.

25Cela étant, comme le suggèrent les extraits des Sententiae cités plus haut, certains exposés portant sur plusieurs espèces différentes rassemblent des informations précises sur chacune d’entre elles, qu’il s’agisse de savoirs zoologiques, de considérations étymologiques et lexicologiques ou d’interprétations symboliques. Outre ces quelques passages présentant les vermes de manière collective, on trouve surtout dans l’Opusculum des citations centrées spécifiquement sur certains d’entre eux, qui donnent une idée du regard porté sur chaque animal en tant qu’entité individuelle, avec ses particularités, son sens exégétique, sa place dans l’imaginaire.

1. Du symbole au cliché

26Si l’on s’intéresse d’abord aux créatures les plus discrètes, on constate que certains vermes, bien que mentionnés plusieurs fois dans le texte de l’Opusculum, n’apparaissent en quelque sorte que sous la forme de « clichés », d’images figées qui n’offrent que très peu d’informations concrètes. C’est notamment le cas de l’araignée qui, dans les passages cités par l’auteur, n’a pour seul rôle que de tisser sa toile et de capturer des proies entre ses fils ; on ne trouve aucun commentaire sur son aspect physique, son mode de vie, ni interprétations symboliques à son sujet. En témoigne cet extrait des Confessions d’Augustin (354-430), cité dans l’un des chapitres introductifs de l’Opusculum, en guise de mise en garde contre les distractions, surtout celles causées par les petits animaux, car ils attisent la curiosité des hommes et détournent leurs esprits de la prière et de la méditation :

In quam multis minutissimis rebus curiositas nostra temptatur, et quam sepe labamur, quis enumerat ? […] Quid cum me domi stellio muscas captans vel aranea retibus suis irruentes inplicans sepe intentum facit ? Num quia parva sunt animalia, ideo non eadem res agitur ?

  • 30 Augustinus Hipponensis, Sancti Augustini Opera, Confessionum libri XIII, Verheijen L. (ed.), (Corpu (...)

Qui énumère les nombreuses petites choses qui assaillent notre curiosité, et à cause desquelles nous nous égarons souvent ? Lorsque je me trouve dans la maison, quel lézard attrapant des mouches ou quelle araignée entortillant dans ses fils les bêtes qui s’y précipitent n’attire pas souvent mon attention ? Est-ce parce que ce sont de petits animaux que cette curiosité n’est pas attisée de la même manière ?
(Augustin, Confessiones, 10.35)30.

  • 31 Voir par exemple le chapitre De aranea du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré (X, c. 4), l (...)

27Toutes les connaissances transmises par l’Opusculum à propos de l’araignée se résument à cette citation. Un portrait succinct, archétypal, auréolé d’un sentiment d’étonnement, voire d’admiration, qui évoque l’attention que portent à cet animal les encyclopédistes du XIIIe siècle, prompts à s’émerveiller devant l’habileté et le soin avec lesquels il confectionne ses toiles31. Deux autres extraits respectivement consacrés à l’aspic et à l’oursin mentionnent en passant l’araignée et sa toile, sans apporter d’information supplémentaire.

28La fourmi est, elle aussi, réduite à sa principale nature. Outre quelques brèves mentions dans le chapitre consacré au fourmilion, dont elle est la proie favorite, elle est présentée dans l’Opusculum comme un animal prévoyant faisant des réserves pour l’hiver, un symbole de sagesse et de prudence, dans la tradition du Physiologus. On peut prendre pour exemple ce passage du prologue de la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse (1062-c. 1140), qui ouvre le c. 149, De crista galli contra inobedientes erigenda, portant sur le coq :

Balaam qui et Lucaman lingua arabica filio suo : Ne sit formica sapientior te que congregat in estate unde in hieme

  • 32 Petrus Alphonsi, Pietro Alfonsi. Disciplina clericalis, D’Angelo, E. (ed.), Pisa, 2009, p. 50.

Balaam, appelé Lucaman dans la langue arabe, s’adressant à son fils : « Que la fourmi ne soit pas plus sage que toi, elle qui fait des réserves en été pour vivre en hiver ».
(Pierre Alphonse, Disciplina clericalis, Praefatio)32.

  • 33 Influencés par la tradition du Physiologus, philosophes, exégètes et théologiens médiévaux, à comme (...)
  • 34 Pour le texte des Dicta Chrysostomi, cf. Wilhelm F. (ed.), Denkmäler deutscher Prosa des 11. und 12 (...)

29Cette description sommaire du comportement de la fourmi n’a pour fonction que d’appuyer l’enseignement moral que le père cherche à transmettre à son fils ; le ton exhortatif du texte met l’accent sur la leçon à retenir et mettre en pratique, et non l’insecte qui l’incarne. Compte tenu de la place non négligeable de la fourmi dans l’imaginaire médiéval, il est surprenant que l’auteur de l’Opusculum ne propose pas de contenus plus étoffés à son sujet. Contrairement à l’araignée qui, comme les autres vermes, ne fait guère l’objet de descriptions ou d’interprétations détaillées avant les encyclopédies naturelles du XIIIe siècle, les fourmis sont, au même titre que les abeilles, appréciées des auteurs médiévaux, qui admirent volontiers leur vie communautaire, leur prévoyance et leur ardeur à la tâche33. Ce sont les seuls insectes à faire l’objet d’un chapitre dans les différentes versions latines du Physiologus, et par la suite, dans la plupart des bestiaires médiévaux issus de la version B. Certaines des sources utilisées par le compilateur, notamment les Dicta Chrysostomi, inscrits dans la tradition du Physiologus, ne tarissent donc pas d’informations sur ces petits animaux34. Pourquoi l’Opusculum laisse-t-il si peu de place aux fourmis ? L’auteur semble avoir souhaité privilégier d’autres vermes ; peut-être considérait-il que certaines des interprétations symboliques associées aux fourmis – l’harmonie de la vie en communauté, les différents sens de l’Écriture, la lutte contre l’hérésie – étaient déjà bien connues de ses contemporains. Le compilateur délaisse certaines figures emblématiques comme les fourmis pour se concentrer sur d’autres petits animaux que ses contemporains n’évoquent pas habituellement.

2. Connaître et interpréter les noms des vermes

30Aux côtés de ces araignées et fourmis réduites à des « natures » symboliques, figurent dans l’Opusculum des vermes dont les noms sont surtout matière à des dérivations étymologiques et lexicologiques. Au sujet du taon, le compilateur propose seulement deux courtes citations empruntées à des lexiques, qui se limitent à des synonymes, sans ajouter d’éléments zoologiques ou symboliques. La plus détaillée des deux, non identifiée, se trouve au c. 112, De Chirone qui dicitur esse signum sagitarii, consacré au Sagittaire :

A latinis dicitur asilus, a grecis oestrum, a sono ipsius muscae, que vulgo dicitur tabanus. Greci oestrum onomatopelio fecere, id est nomen factum a sono.

La mouche que l’on nomme communément taon est appelée asilus par les Latins et oestrum par les Grecs, en raison du son qu’elle produit. Les Grecs ont formé oestrum par onomatopée, c’est-à-dire un nom créé à partir d’un son.

  • 35 Isidore de Séville, Etymologiae, 12.8 : Oestrus autem Graecum est, qui Latine asilus, vulgo tabanus (...)
  • 36 Parmi les encyclopédistes du XIIIe siècle, seul Vincent de Beauvais semble utiliser à la fois asilu (...)

31Reflétant l’intérêt de l’auteur pour le lexique désignant les insectes et trahissant, par extension, son attachement à la grammatica, cet extrait se concentre sur les trois termes utilisés pour désigner le taon, et se contente de décrire cet animal comme une espèce de mouche. A la manière des glossaires, le texte donne le nom grec de l’insecte, oestrum, avant d’expliquer son origine par le concept grammatical de l’onomatopée. Ces trois zoonymes associés au taon apparaissent dans les Etymologiae35 et dans certaines encyclopédies du second tiers du XIIIe siècle qui s’en inspirent36, mais d’autres œuvres médiévales traitant des animaux n’y font pas référence. Ce type d’extrait confirme le tropisme lexicographique de l’auteur de l’Opusculum, habitué à répertorier synonymes et explications étymologiques.

32À travers l’usage des sources touchant à la grammatica, l’auteur montre une approche traditionnelle de l’étymologie et du lexique, censés révéler le vrai sens des choses et servir de support à d’autres connaissances, dans la lignée des Etymologiae. Il n’est donc pas rare de trouver dans le texte de l’Opusculum des définitions plus étoffées concernant certains vermes, au sein desquelles se conjuguent considérations étymologiques et lexicales et savoirs zoologiques. L’unique extrait consacré au lethophagus, un ver nécrophage inconnu des auteurs médiévaux à l’exception d’Osbern de Gloucester, en est un bel exemple ; cette citation non identifiée, qui figure au c. 233, Item de syrenis et syrtibus et lothofagis, à la suite de passages évoquant les différents sens du terme lothophagos, se fonde sur le nom du ver méconnu pour induire la propriété qui le caractérise :

Inde lothophagos dicitur a lothos et phagin, quod est comedere. Vel lethophagus est vermis comedens corpora mortuorum, et ut dicunt nascens ex illo pallore qui est sub lingua cuiuslibet maris et feminae. […] Igitur : « Unde superbit homo cuius conceptio culpa,/ Nasci pena, labor vita, necesse mori ». Necessarius a vermibus quos parit devorari. In hac autem acceptione lethophagus conponitur ex letum, leti, quod est mors et phagin, ut dictum est.

Pour cette raison, on dit lothophagos, lotophage, à partir de lothos et phagin, qui veut dire manger. Le lethophagus est un ver qui mange les corps des morts, et qui, comme on dit, tire son origine de cette moisissure que l’on trouve sous la langue de n’importe quel homme et femme. […] Donc : « Pour cette raison, l’homme est orgueilleux, lui dont la conception est un péché, la naissance une souffrance, la vie un labeur, la mort une nécessité ». Il est nécessaire qu’il soit dévoré par les vers auxquels il donne naissance. Selon cette acception, le mot lethophagus est composé de letus, leti, qui désigne la mort, et phagin, comme cela a été dit.

  • 37 Alanus Insulis, Alani de Insulis doctoris universalis opera omnia, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia l (...)
  • 38 Martinus Legionensis, Martini Legionensis Wilhelmi abbatis sancti Thomas de Paraclito opera omnia, (...)

33Le texte détaille la formation des termes lothophagos et lethophagus, en précisant le sens des morphèmes qui les composent, et qui révèlent de fait la nature de ce ver nécrophage. L’évocation du milieu d’émergence du lethophagus rappelle la question des modes de génération évoquée précédemment. Né d’une moisissure apparaissant sous la langue des humains, ce ver est, comme bien d’autres, généré d’un milieu corrompu, représenté par cette pallor où prolifèrent les larves d’insectes nécrophages dans la bouche d’un individu récemment décédé. Le passage comporte également un petit distique anonyme résumant en quelques mots les misères et souffrances de l’existence humaine, de la conception à la mort ; ces deux vers étaient assez répandus à l’époque de rédaction de l’Opusculum, puisqu’ils sont cités sans attribution dans la littérature homilétique contemporaine, dans l’Ars praedicandi d’Alain de Lille (c. 1125-c. 1203)37 ou les Sermones de sanctis de Martin de Léon (1130-1203)38 par exemple. S’ajoute à ce distique un troisième vers que l’on ne retrouve dans aucun autre texte, et qui souligne avec cynisme, et même une certaine forme d’humour, à quel point la mort terrestre de l’homme est nécessaire, et plus encore pour les vers qui se repaissent de son cadavre. Qu’il s’agisse ou non d’un complément original de l’auteur de l’Opusculum, ce passage moralisant montre l’importance accordée à l’aspect concret de la vie, et surtout l’existence tangible de ces vers nécrophages.

34Au-delà de l’interprétation symbolique, et bien que minoritaires dans une œuvre à visée spirituelle et morale, les contenus naturalistes ont eux aussi leur place dans le discours du compilateur.

3. Un regard naturaliste

35L’Opusculum renferme en effet un modeste ensemble d’informations zoologiques qui ne donnent pas lieu à interprétation exégétique ou morale, et les vermes n’y font pas exception. Les citations contiennent rarement des descriptions détaillées, voire des observations inédites à leur propos, mais elles transmettent pour certaines d’entre elles quelques caractéristiques principales, quelques considérations sur leurs modes de vie. Trois des cinq extraits formant le chapitre consacré aux bombyx se concentrent ainsi sur l’origine de ces insectes, et la manière dont ils produisent de la soie. La première citation, empruntée aux Derivationes d’Osbern de Gloucester, ouvre le c. 255, De bombicibus, avec la description suivante :

Bombices sunt vermes ex quorum egestione lana conficitur, unde purpura et ostrum texitur, et inde hoc bombicinum, ni, quo nomine vocatur ipsa lana, ante quam tinguatur.

  • 39 Osbernus Glocestriensis, Osberno. Derivazioni…, p. 88.

Les bombyx sont des vers dont les déjections servent à fabriquer la laine, d’où est tissée la pourpre et l’étoffe de pourpre, et de là provient le mot bombicinum, i, nom qui désigne cette laine avant qu’elle ne soit teinte.
(Osbern de Gloucester, Derivationes, B.19)39

  • 40 Voir par exemple le chapitre De bombace du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré (X, c. 10), (...)

36Comptées parmi les vermes, les larves ou chenilles des bombyx sont ici évoquées au prisme de leur attribut principal, à savoir leur rôle dans le processus de fabrication de la soie, et plus particulièrement du bombycin, une sorte d’étoffe très fine avec laquelle étaient confectionnés des vêtements translucides. Le texte explique que la matière servant à fabriquer cette soie désignée comme lana provient de leurs déjections, information davantage discutée par les successeurs du compilateur, qui se montrent curieux de savoir comment sont produits de tels fils40. Les deux autres citations, tirées du Vocabularium Bruxellense, complètent ce bref portrait du bombyx :

Item bumbex est vermis qui de cortice nascitur qui serie longa parit ex se serica fila ex quibus contexitur bombicinum.

De même, le bumbex est un ver qui naît d’un cocon, qui produit de longs fils, à partir desquels on obtient des fils de soie, à partir desquels est tissé le bombycin.
(Vocabularium Bruxellense, f. 22vb)

Seres sunt populi apud quos bombices sericum creant.

Les Sères sont des peuples chez lesquels les bombyx produisent de la soie.
(Vocabularium Bruxellense, f. 122rb)

37Outre de nouvelles considérations sur la fabrication des fils de soie et le bombycin, qui viennent compléter les connaissances transmises par Osbern de Gloucester, le premier extrait apporte des précisions sur l’origine des vers à soie ; l’expression de cortice fait sans doute référence, non pas au bois directement – et par extension, à un milieu de génération spécifique, comme pour d’autres vers –, mais au cocon dont les bombyx s’entourent comme s’il s’agissait d’une écorce. Le second extrait évoque également l’origine géographique de ces vermes, que l’on trouve notamment chez les Seres, divers peuples d’Asie Centrale et d’Asie de l’Est dont les territoires étaient traversés par la Route de la soie – peuples déjà mentionnés dans le même contexte dans les Etymologiae (XIX.22.14).

38A l’exception des citations déjà étudiées, la plupart des contenus naturalistes dépourvus d’interprétation symbolique concernent les deux insectes vedettes de l’Opusculum, la sauterelle et surtout l’abeille. Pour la première, le compilateur propose au début du c. 265, De locusta et bruco et athelebo, cet extrait du Policraticus de Jean de Salisbury (c. 1115-1180), qui reprend les différents termes utilisés pour désigner la sauterelle :

Ex locusta secundum physiologos nascitur brucus, qui sic vocatur quousque alas habeat. Exinde dicitur athelebus. Cum vero plene ceperit volare, locusta. Sed multo gravius nocet quamdiu est brucus.

  • 41 Iohannes Sarisberiensis, Ioannis Saresberiensis episcopi Carnotensis Policratici, vol. 2, Webb, C. (...)

De la sauterelle naît, selon les naturalistes, le bruche, qui est nommé ainsi jusqu’à ce qu’il ait des ailes. A partir de ce moment-là, il est appelé athelebus. Et lorsqu’il a commencé à voler pleinement, on l’appelle sauterelle. Mais aussi longtemps qu’il est un brucus, il nuit de manière beaucoup plus grave.
(Jean de Salisbury, Policraticus, 6.1)41

  • 42 Ioel, I, 4 : Eruca, id est vermis qui in oleribus maxime invenitur, bruchus vocatur fetus locuste a (...)

39Se distinguent ainsi, chez la sauterelle, trois phases de développement auxquelles sont associés des noms différents. Le texte évoque d’abord le terme brucus, qui correspond à un stade larvaire ou nymphal, lorsque la sauterelle tout juste sortie de l’œuf ne possède pas encore d’ailes et se montre particulièrement nuisible de par sa voracité ; puis le terme d’origine grecque athelebus, qui se rapporte vraisemblablement à l’une de ses nombreuses mues, lorsque ses ailes commencent à se développer mais ne lui permettent pas encore de voler ; et enfin, le terme locusta, qui désigne la sauterelle parvenue à l’âge adulte, au stade d’imago. Ces remarques sur le développement de la sauterelle témoignent, si ce n’est d’un vrai regard scientifique, tout au moins de l’intérêt porté aux savoirs zoologiques sur les vermes, au-delà des comparaisons avec l’existence humaine ; cela étant, elles laissent également entrevoir la dépendance du compilateur vis-à-vis de la littérature spirituelle, car les connaissances rapportées par Jean de Salisbury sont vraisemblablement inspirées d’une glose sur le Livre de Joël largement répandue à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, qui fait référence à la voracité du brucus, de l’athelebus et de la locusta42.

  • 43 Il n’existe de cette œuvre qu’une édition ancienne et non critique, publiée par Georges Galopin en (...)

40On trouve davantage de contenus naturalistes sur l’abeille, provenant principalement de l’Hexameron d’Ambroise de Milan (339-397), mais aussi d’œuvres contemporaines de la rédaction de l’Opusculum. Dans le c. 188, De partu virginis exemplo vulturum et apum, l’un des deux chapitres consacrés à l’abeille, le compilateur s’appuie sur plusieurs passages d’une œuvre théologique rarissime, le Liber iustificationum aecclesiae sub figura viduae sareptanae, qu’il cite abondamment tout au long de sa compilation43 ; probablement composé à la fin du XIIe ou au tout début du XIIIe siècle, ce texte anonyme n’est transmis que par deux manuscrits conservés à la Bibliothèque Royale de Bruxelles, le KBR II 1089, provenant de l’abbaye d’Aulne, et le KBR II 979, provenant de l’abbaye de Saint-Ghislain – elle-même située à une quarantaine de km d’Aulne, ce qui témoigne d’une diffusion essentiellement locale. Voici l’un des extraits en question, qui évoque un comportement surprenant de l’abeille :

Apis dum suspectas habet auras, lapillos minutos congregat. Pondere tali remigium alarum gubernat, ne in praeceps eam venti proruant. Tantae sapientiae apis exercitum Domini gubernat.

  • 44 Vidua Sareptana exposita sensu literali et mystico in tres libros distributa, Galopinus G. (ed.), 1 (...)

Lorsque l’abeille soupçonne l’arrivée d’une brise, elle rassemble de petites pierres. Avec un tel poids, elle dirige les mouvements de ses ailes, afin que les vents ne la poussent pas en avant. L’abeille d’une telle sagesse commande l’armée du Seigneur. (Liber iustificationum, 1.3.3)44

  • 45 Ambroise de Milan, De virginitate, 17.107 : Apis illa sapiens cum aeris motus suspectos habet lapil (...)
  • 46 Virgile, Georgica, 4.192 : Nec vero a stabulis pluvia impendente recedunt / longius aut credunt cae (...)

41Cette description ne paraît pas avoir été inventée pour correspondre à une interprétation religieuse ou morale détaillée, semblable à celles que l’on trouve dans les bestiaires médiévaux, puisqu’aucun commentaire de ce genre n’apparaît dans le texte de l’Opusculum, ni dans celui du Liber iustificationum. Au contraire, il semble que cette description fasse écho à la manière dont de nombreuses espèces d’abeilles récoltent du pollen. De fait, lorsque ces insectes butinent, ils amassent le pollen des fleurs sous forme de petites boules ou pelotes, qu’ils acheminent ensuite jusqu’à la ruche au moyen de leurs scopae, touffes de poils particulièrement denses, la plupart du temps situées sur leurs pattes arrières, qui servent uniquement au transport du pollen ; et parfois, lorsque ces pelotes sont trop lourdes, les abeilles peinent à se diriger et sont alors obligées d’effectuer divers mouvements avec leurs ailes pour se rééquilibrer. Cela correspond bien à la description proposée par le Liber iustificationum, qui pourrait être inspirée d’une citation du De virginitate d’Ambroise de Milan45, ou bien d’un passage de la Collectio ex dictis XII patrum de Florus de Lyon (m. c. 860) reprenant mot pour mot les propos de l’évêque milanais. Ambroise de Milan a lui-même emprunté ces considérations au quatrième livre des Géorgiques de Virgile46 entièrement consacré aux abeilles et à l’apiculture, sur lequel il s’est largement appuyé pour décrire ces insectes et leurs colonies dans l’Hexameron. Le sens donné à ce comportement n’est pas non plus une création du Liber iustificationum : le lien entre abeille et sagesse est déjà souligné dans le De virginitate. Si les contenus naturalistes présentés ici ont assurément attisé la curiosité du compilateur, cet extrait possède aussi une fonction morale et didactique, puisqu’il lui permet de transmettre, à travers la description d’un comportement étonnant, une leçon élémentaire sur la prudence et la sagesse, vertus nécessaires pour se rapprocher de Dieu.

4. Insectes et vers au prisme des savoirs médicaux

42Somme toute, l’Opusculum ne contient que très peu de citations faisant référence à la médecine médiévale, aux pratiques de soin et aux remèdes disponibles à l’époque de sa rédaction. Quelques extraits expliquent néanmoins comment se protéger des piqûres de certains insectes ou les soigner ; d’autres soulignent le rôle des vermes dans la préparation de recettes médicales. On trouve par exemple au c. 241, De sanguisuga, ce passage non identifié portant sur la sangsue :

Ad quemlibet dolorem corporis in summitate nasi sanguisugas appone et liberaberis.

Pour n’importe quelle douleur du corps, place des sangsues au sommet de ton nez, et tu en seras libéré.

43La sangsue est présentée ici comme une panacée, dans une acception classique qui souligne le rôle crucial de ce ver dans les pratiques de soin médiévales. Comme cet extrait n’apparaît dans aucun texte connu, on peut envisager l’idée que ces indications relèvent d’une médecine monastique connue du compilateur. Dans le même ordre d’idées, on trouve dans le c. 162, De cornibus quod dextrum fuerit efficatius est ad medelam, l’un des chapitres consacrés au cerf, quelques éléments relatifs à la sauterelle et au moustique empruntées à l’Hexameron d’Ambroise de Milan :

Locustas quoque folia olive liberant ab egritudine. […] Culex non tangit te si absinthii herbam oleo coquas, et eo te perunxeris.

  • 47 Ambrosius Mediolanensis, S. Ambrosii opera. Exameron, Schenkl, C. (ed.), (Corpus Scriptorum Ecclesi (...)

Les feuilles de l’olivier libèrent aussi les sauterelles de la maladie. […] Le moustique ne te touche pas si tu fais cuire une plante d’absinthe dans de l’huile, et que tu t’enduis de cette mixture. (Ambroise de Milan, Exameron, 3.8.37)47

  • 48 Au sujet des pratiques d’automédication des animaux, la zoopharmacognosie, dans les textes médiévau (...)

44Cet extrait offre un bel exemple de la relation entre vermes et médecine. Le texte décrit non seulement un remède préventif contre les piqûres de moustique, mais explique aussi de quelle manière la sauterelle peut se soigner elle-même. Ces stratégies d’automédication intéressent particulièrement les auteurs antiques et médiévaux, qui prêtent à divers animaux la capacité de reconnaître les plantes qui peuvent leur servir de remèdes naturels48. Par ailleurs, se distingue ici le motif de la cuisson dans l’huile, fréquemment employé dans les préparations permettant de se protéger ou de soigner les piqûres d’insectes. En témoigne cette citation empruntée aux Sermones d’Yves de Chartes (m. 1116), citée dans le c. 102, De medicina ictus scorpionis :

Solent medicinae periti egritudines aliquando curare per contraria, aliquando per similia. […] Simili ratione, cum secundum quantitatem vulnerum vel tumorum mensuratur longitudo vel latitudo epithematum, sic scorpionis carnes oleo coctae percussionibus medentur scorpionum. Ad hanc similitudinem noster medicus mortem carnis nostrae de serpente venientem, carnis suae morte sanavit.

  • 49 Ivo Carnotensis, Sancti Ivonis Carnotensis episcopi opera omnia, Migne, J. -P. (ed.), (Patrologia l (...)

Ceux qui connaissent la médecine ont l’habitude de guérir les maladies parfois par ce qui leur est opposé, parfois par ce qui leur ressemble. […] Suivant le même raisonnement, puisqu’on mesure la longueur ou la largeur de l’épithème selon la taille de la blessure ou de la tumeur, ainsi des chairs de scorpion cuites dans de l’huile soignent les piqûres des scorpions. De la même manière, notre médecin, par la mort de sa propre chair, a guéri la mort de notre chair, survenue à cause du serpent. (Yves de Chartes, Sermones, 6)49

45Suivant le principe de la guérison per similia, qui consiste à soigner une blessure ou une maladie par un élément similaire à ce qui l’a causée, la cuisson des chairs de scorpions dans de l’huile est présentée comme un antivenin efficace contre leurs piqûres. Ce remède médical se fait en outre le miroir d’un remède spirituel, à travers une interprétation symbolique qui associe la guérison de la piqûre de scorpion à la manière dont le Christ a sauvé l’humanité de la flétrissure du péché originel ; le sacrifice de son corps, de l’enveloppe humaine qu’il a empruntée pour vivre dans le monde terrestre, lui permet ainsi de libérer les hommes de la mort spirituelle causée par la morsure du serpent de la Genèse. Si ce passage souligne l’intérêt de l’auteur pour les savoirs évoquant simultanément vermes et médecine, il met aussi en lumière l’importance des symboles qui leur sont associés, et qui constituent, dans cette compilation à visée spirituelle et morale, le cœur de son discours sur les animaux.

5. Interprétations exégétiques, spirituelles et morales

46Nombre de connaissances étymologiques, zoologiques et médicales sur les animaux rassemblées dans l’Opusculum servent en effet de support à une abondance d’interprétations exégétiques et morales évoquant différents aspects de l’existence humaine et de la vie chrétienne. Insectes et vers sont, au même titre que toutes les autres créatures, porteurs de sens particuliers, de vérités dissimulées, autant de messages divins adressés aux hommes ; l’étude de leurs noms, la description de leurs propriétés permettent à l’auteur de l’Opusculum, par associations d’idées, de proposer à ses lecteurs des enseignements religieux et moraux, ou d’évoquer d’autres sujets mettant en évidence, par l’exégèse, la signification de ceux qui ne sont d’ordinaire considérés que comme des nuisibles.

  • 50 Opusculum, c. 265, Item de locusta et pulice (citant Jérôme, Commentarii in prophetas minores, In O (...)
  • 51 Opusculum, c. 264, De serris locustarum beati Iohannis (citant Grégoire le Grand, Moralia in Iob, 3 (...)
  • 52 Opusculum, c. 264, De serris locustarum beati Iohannis (citant la Glose Ordinaire, Ap., 9, 3) : Dis (...)

47Pour la sauterelle par exemple, les extraits rassemblés ne tarissent pas d’informations sur les multiples interprétations qui lui sont associées. Des écrits de Jérôme50 et de Grégoire le Grand51 à la Glose Ordinaire52, cet insecte apparaît tour à tour comme l’image des hérétiques, du peuple Juif, du Christ ressuscité, des prédicateurs… ; son saut particulier évoque tout autant les vains efforts des hérétiques qui tentent de s’élever vers le ciel mais retombent aussitôt dans le péché, que la vie des prédicateurs, qui s’élancent souvent vers la contemplation des choses célestes, mais reviennent toujours aux œuvres de la vie active. Au-delà de ces images plutôt classiques, on trouve également des interprétations plus originales, comme dans cet extrait du Commentarium in Ecclesiasten d’Alcuin (c. 735-804), qui figure dans le c. 264, De serris locustarum beati Iohannis, et fait de la sauterelle un symbole de vieillesse :

  • 53 Alcuinus, B. Flacci Albini seu Alcuini abbatis et Caroli Magni imperatoris magistri opera omnia, Mi (...)

Hec vero nomina, amigdalum, locusta, capparis, per figuram seni convenient : amigdalum pro caniciae, locusta pro crurium et pedum tumore, capparis pro frigescente libidine
(Alcuin, Commentarium in Ecclesiasten, 12.5)53

Ces mots – amandier, sauterelle, câpre – conviennent pour la figure du vieillard : l’amandier pour la blancheur des cheveux, la sauterelle pour le gonflement des jambes et des pieds, la câpre pour le refroidissement du désir.

48La forme particulière des pattes de la sauterelle – épaisses près de son corps, plus fines à leurs extrémités – évoque ainsi les jambes gonflées des personnes âgés, souvent affectées, l’âge venant, par des problèmes de circulation. Ici pas de leçon religieuse ou morale, mais simplement une volonté d’expliciter l’un des sens associés à cet insecte, voire d’offrir des clés de lecture pour faciliter la compréhension d’autres textes qui feraient appel aux mêmes métaphores.

  • 54 Opusculum, c. 180, De partu virginis exemplo vulturum et apum (citant Grégoire le Grand, Homiliae i (...)
  • 55 Opusculum, c. 180, De partu virginis exemplo vulturum et apum (citant Boèce, Consolatio Philosophia (...)

49Autre insecte vedette de l’Opusculum, l’abeille fait également l’objet de nombreuses interprétations théologiques et morales, qui jouent souvent sur l’opposition entre la douceur du miel et la piqûre de l’aiguillon. Les sources citées par le compilateur, des Homiliae in Hiezechielem prophetam de Grégoire le Grand54 au Liber iustificationum en passant par la Consolatio philosophiae de Boèce (c. 480-524)55 font d’elle l’image des hypocrites et des flatteurs, qui se répandent en belles paroles avant de porter des coups en traître, des plaisirs terrestres qui séduisent les sens mais n’apportent que le malheur, ou encore des chrétiens qui ont en leur esprit les douces paroles de Dieu aussi bien que la conscience du péché. Comme pour la sauterelle, on trouve parfois des interprétations plus surprenantes, comme dans ce passage non identifié, cité dans le c. 180, De partu virginis exemplo vulturum et apum, qui compare Marie-Madeleine à une abeille et à une mouche :

Maria magdalena est illa musca quae in extremo fluminum Egypti diutius morata, sed tandem leni sybilo Christi evocata, api de terra Assur est coniuncta. Flumina Egypti sunt VII principalia vitia, quorum ultimo, id est luxuria, sordidata est, sed aspiratione Christi, sociata est api melliflue matri, prius terre Assur habitatrici, que montes Babylonis lustrans, congregabat favos carnalis delectationis ; conversa circuit convalles et torrentes terrae promissionis eliciens mella supernae contemplationis.

Marie-Madeleine est cette mouche que l’on trouve très souvent à l’embouchure des fleuves de l’Egypte, mais attirée finalement par le doux sifflement du Christ, elle est associée à l’abeille venant de la terre d’Assur. Les fleuves de l’Egypte représentent les sept principaux vices, par le dernier desquels, c’est-à-dire la luxure, Marie-Madeleine a été souillée, mais grâce à l’élan vers le Christ elle fut associée à l’abeille mère pleine de miel, autrefois habitante de la terre d’Assur, abeille qui, parcourant les monts de Babylone, rassemblait les rayons de miel du plaisir charnel ; une fois convertie, elle parcourt les vallées et les torrents de la terre promise en recueillant les miels de la contemplation céleste.

50La mouche et l’abeille représentent ici deux pans différents de la vie de Marie-Madeleine. Avant sa rencontre avec le Christ, elle est associée à la mouche, car le péché de luxure dont elle s’est alors rendue coupable la rapproche de cet insecte souvent attiré par des choses dégoûtantes. En revanche, lorsque séduite par la prédication du fils de Dieu, elle se met à suivre son exemple et ses enseignements, elle est comparée à l’abeille qui, parcourant aux côtés du Seigneur les terres à évangéliser, récolte sur son chemin, comme du miel, les paroles divines qui mènent à la contemplation. Cette interprétation originale de la figure de Marie-Madeleine illustre ainsi les différentes manières dont sont perçues la mouche et l’abeille, puisque l’une se voit attribuer une symbolique négative, tandis que l’autre fait l’objet d’un regard plus positif.

51Le texte de l’Opusculum contient également une série de commentaires exégétiques et moraux sur les vers, qu’il s’agisse de vers en tant que masse grouillante indéfinissable, ou d’espèces spécifiques ayant particulièrement attiré l’attention du compilateur. On peut prendre pour exemple ce court extrait non identifié, cité dans le c. 207, De eo quod dicitur : ablue, pecte canem, canis est et permanet idem, qui évoque vraisemblablement les poux :

Pecten quo adequantur capilli et vermes extrahuntur est discretio cum qua vermes de cogitationibus nostris extrahamus. Tres sunt mali vermes mentes nostras rodentes : rancor, murmur, invidia.

Le peigne avec lequel on partage les cheveux et extrait les vers représente le discernement avec lequel nous ôtons les vers de nos pensées. Il existe trois mauvais vers qui rongent nos esprits : la rancœur, la protestation, la jalousie.

52Partant de la vie quotidienne et de la difficulté des hommes du Moyen Age à lutter contre la vermine, cet extrait assimile poux et lentes qui envahissent la tête aux mauvaises pensées qui s’insinuent dans les esprits, et ne peuvent en être ôtées qu’en faisant preuve de discernement. L’interprétation proposée ici fait ainsi figure de mise en garde, de leçon destinée à tous, appuyée par l’usage de la première personne du pluriel. Ce passage original n’apparaissant pas dans d’autres textes, il est probable que l’auteur de l’Opusculum l’ait rédigé lui-même afin d’inciter ses lecteurs à toujours faire preuve de vigilance face aux pensées insidieuses qui menaceraient leur intégrité spirituelle.

53Le c. 227, De vermibus humani corporis et cordis, offre un autre bel exemple des rôles symboliques attribués en particulier aux vers. L’extrait qui suit, également non identifié, donne ainsi une idée de la variété des considérations spirituelles et morales associées aux lentes, aux poux et aux vers intestinaux :

Lendes nascuntur de capite, pediculi de toto corpore, lumbrici de stomachi repletione. Isti quidem immobiles in capite latitant, isti cursitant, isti stomachum vexant. […] Lendes enim quodam modo nascuntur de capite, cum caput animae nostrae, id est ratio, motus illicitos parit in mente, qui se interius sic abscondunt, quod actus exterius non evadunt. De tota vero animae substantia scaturiunt pediculi, cum de concupiscibilitate nascuntur motus inordinati, de irascibilitate affectus illiciti, de rationabilitate appetitus incongrui, qui sic interius pullulant, quod exterius violenter exuberant. De stomacho vero ebulliunt lumbrici, cum de crapula potus et cibi oriuntur aculei. Si quis vero ab his lendibus et pediculis liberari desiderat, lixivium spirituale conficiat, quo caput rationis abluat, cinerem humilitatis et abstinentiae fluctui suae naturae commisceat, eamque mixturam igne caritatis decoquat ; consequenter hoc lixivium per examen discretionis colans, superfluos motus a capite rationis abstergat. Ut etiam a stomacho mentis hospitem inportunum excludatur, electuarium spirituale conponat, in quod sit myrra conpunctionis, cynamomus humilitatis, calamus castatis, cassia fidei puritatis.

Les lentes naissent de la tête, les poux de tout le corps, les vers intestinaux du remplissage de l’estomac. Les premières se cachent immobiles sur la tête, les seconds courent ça et là, les derniers tourmentent l’estomac. […] En effet, les lentes naissent d’une certaine manière de la tête, lorsque la tête de notre âme, c’est-à-dire la raison, engendre dans l’esprit des mouvements interdits, qui se cachent à l’intérieur, parce que les actes ne s’évadent pas à l’extérieur. Les poux jaillissent de toute la substance de l’âme, lorsque naissent de la convoitise des mouvements désordonnés, de la colère des sentiments interdits, de la faculté de raisonner des désirs incongrus, qui pullulent ainsi à l’intérieur, parce qu’ils débordent violemment à l’extérieur. Les vers intestinaux bouillonnent dans l’estomac, lorsque naissent de l’ivresse les aiguillons de la boisson et de la nourriture. Si quelqu’un désire se libérer de ces lentes et de ces poux, qu’il prépare une lessive spirituelle, grâce à laquelle il purifie la tête de son âme, qu’il mélange la cendre de l’humilité et de l’abstinence au flot de sa nature, et qu’il cuise ce mélange dans le feu de la charité ; ensuite, filtrant cette lessive par l’examen de son discernement, qu’il se débarrasse des mouvements excessifs envahissant la tête de sa raison. Afin qu’un hôte envahissant soit chassé de l’estomac de son esprit, qu’il prépare un électuaire spirituel, dans lequel on trouve la myrrhe de la contrition, la cannelle de l’humilité, le roseau aromatique de la chasteté, la cannelle sauvage de la pureté de la foi.

  • 56  Ct, 4, 13-14 : Emissiones tuae paradisus malorum punicorum, cum pomorum fructibus, cypri cum nardo (...)

54Ayant défini les principales caractéristiques des lentes, des poux et des vers intestinaux, le texte propose alors, pour chacun de ces trois groupes, une interprétation symbolique censée attirer l’attention des lecteurs sur divers désordres et excès qui nuisent aux corps et aux âmes. Comme dans l’extrait précédent, les lentes dissimulées dans les cheveux représentent les mauvaises pensées qui s’insinuent dans les esprits lorsque la raison s’égare, sèment le chaos dans les consciences mais n’ont aucun effet sur les corps ; les poux se déplaçant sur la tête incarnent les sentiments et désirs excessifs qui, contrairement aux mauvaises pensées, se révèlent si intenses et débordants qu’ils poussent les hommes à commettre des actes répréhensibles ; enfin, les vers intestinaux emplissant l’estomac symbolisent un manque de modération en matière de nourriture et de boisson, des tentations irrésistibles qui incitent tout un chacun à consommer plus que nécessaire. Au diagnostic succède alors le traitement. Après avoir identifié ces divers dérèglements et souligné les dangers qu’ils représentent, le texte suggère aux lecteurs deux remèdes qui devraient leur permettre de se débarrasser des vers rongeant leurs corps et leurs âmes. Ces quelques phrases se révèlent particulièrement intéressantes, car les recettes de lessive et d’électuaire spirituels proposées semblent allier savoirs médicaux et spirituels en s’inspirant de pratiques répandues au Moyen Age. De fait, la cendre, le fluctus suae naturae – sans doute de l’eau ou de l’urine – et le feu qui sert à les faire bouillir, sont fréquemment employés ensemble dans les médecines antique et médiévale ou pour le nettoyage du linge ; dans le cadre de la lutte contre les lentes et les poux et les désordres qu’ils représentent, ces trois éléments sont associés à différentes vertus qui garantissent la pureté de l’âme. Dans le même ordre d’idées, si les différentes plantes qui composent l’électuaire ont certes une connotation biblique56, et ce faisant, une riche histoire exégétique, elles sont également réputées pour leurs bienfaits et entrent dans la préparation de divers remèdes ; en ce qui concerne l’élimination des vers intestinaux et des excès qu’ils incarnent, elles sont ici associées à d’autres vertus qui préservent la santé de l’âme et la maintiennent dans le meilleur état possible.

  • 57 Paris, BnF, Latin 18172, f. 19r-23v : In quadragesima sermo. Inc. Ego sum vermis et non homo, ob. h (...)

55Témoignage percutant de l’intérêt du compilateur pour les vers et leur symbolique, cette citation apparaît comme un bel exemple de l’interpénétration des savoirs profanes et religieux, des enseignements zoologiques, médicaux et spirituels, au sein d’un discours ancré dans les réalités de la vie quotidienne. Bien qu’il ne soit pas attribué dans l’Opusculum par une référence à un auteur, et n’apparaisse dans aucune œuvre connue, ce passage ne semble pas pour autant être une invention du compilateur : le manuscrit Paris, BnF, Latin 18172, daté du premier quart du XIIIe siècle et de provenance anglaise, contient en effet au f. 19v-23r un sermon inédit intitulé In quadragesima sermo, dans lequel figure un extrait similaire à celui présenté ici57 ; ce texte est inséré au milieu d’une collection de sermones varii, qu’une note du XIIIe siècle décrivait comme des écrits du théologien Alain de Lille (c. 1125-c. 1203), mais qui sont aujourd’hui attribués à divers auteurs du XIIe siècle, contemporains du compilateur ou le précédant de peu. Comme ce sermon est l’un des seuls de cette série à ne pas avoir été identifié, et que l’on n'en connaît pour l’instant qu’une seule copie, difficile de savoir s’il s’agissait, à l’époque de rédaction de l’Opusculum, d’un texte répandu ou plutôt confidentiel, auquel seuls quelques auteurs auraient pu avoir accès ; on ne peut pas non plus exclure l’idée qu’il s’agisse d’un sermon composé par le compilateur lui-même. Cette question nécessiterait assurément une étude plus poussée.

6. Des exempla édifiants mettant en scène des vermes

56Pour conclure ce panorama des savoirs sur les vermes rassemblés dans l’Opusculum, il faut également évoquer quelques exempla mettant en scène des insectes et des vers. Ces récits édifiants, pour la plupart empruntés à des textes hagiographiques, relatent le moment où le futur saint se trouve confronté à ces petits animaux, qu’il s’agisse d’une forme de lutte contre des créatures nuisibles, d’une preuve de ses nombreuses vertus, ou même des prémices d’un miracle. Ces contenus relevant du merveilleux ou du miraculeux, particulièrement susceptibles de retenir l’attention des lecteurs, permettent ainsi à l’auteur de mettre en valeur la puissance de Dieu et de ses saints, de souligner certains enseignements, ou tout simplement d’illustrer son discours sur les vermes par des histoires étonnantes.

57Voici par exemple un extrait de la Vita Ermenlandi abbatis Antrensis de Donatus Mettensis (fl. 784-791), qui constitue l’entièreté du c. 267, De patientia etiam erga erucam et ceteros vermiculos exibenda :

Beatus Ermelandus sub quadam arbore iuxta oratorium Beati Leodegarii martyris legebat solito attentius. Erucae vero quae folia fructumque vastabant arboris, super librum frequenter decidebant, eique lectionis ingerebant impedimentum. Cernens hoc quidam frater cepit eas conculcare, sed ipse prohibebat dicens : « Ne queso, frater, que divino inferuntur iudicio auferre temptaveris ». Virtus vero divina eius patientiam remunerare dignata est, auferens eas nocte sequenti ut nulla ex eis superesset.

  • 58 Donatus Mettensis, De sancto Hermelando abbate Antrensi in Gallia, Bolland. et alii (eds), (Acta Sa (...)

Comme à son habitude, le bienheureux Ermeland lisait avec attention sous un arbre près de l’oratoire du bienheureux martyr Leodegar. Mais des chenilles qui dévoraient les feuilles et les fruits des arbres tombaient fréquemment sur son livre, et faisaient entrave à sa lecture. Voyant cela, un frère commença à les fouler aux pieds, mais Ermeland le lui défendait en disant : « Je t’en prie, frère, n’essaie pas d’éliminer ces créatures qui sont apparues par décision divine ». La vertu divine jugea digne de récompenser sa patience en les emportant la nuit suivante, de telle sorte qu’aucune d’entre elle ne subsistât.
(Donatus Mettensis, Vita Ermelandi abbatis Antrensis, 4)58.

58Reprenant une idée déjà exprimée à plusieurs reprises au sein de l’Opusculum, les paroles de saint Ermeland rappellent que les insectes, et notamment ici les chenilles, doivent leur existence à la volonté de Dieu, comme toutes les autres créatures, et à ce titre, ne peuvent être simplement éliminées sans autre forme de procès, en tant qu’éléments de la Création. Ce passage offre également un bel exemple du rôle que les vermes sont appelés à jouer dans le cadre des miracles accomplis par les saints ; un rôle accessoire, anecdotique certes, mais qui permet de mettre en valeur des destins exceptionnels : la disparition des chenilles souligne ici les vertus de saint Ermeland, sa foi en Dieu et surtout sa patience, thème central du chapitre exprimé dans le titre même.

59On trouve dans l’Opusculum plusieurs autres exempla impliquant saints et vermes. Le c. 229, De vermibus sancti Thome martiris, contient ainsi un extrait très intéressant emprunté à la Vita sancti Thomae Cantuariensis d’Eduardus Grim (fl. c. 1170), et rapportant la découverte surprenante que firent certains moines après la mort de Thomas de Canterbury :

Monachi, ut moris est, corpus mundissimum Thome martiris lavandum expoliantes, sub habitu canonici raris, eum in habitu et ordine monachorum tam privatim diu reperiunt extitisse, ut etiam hoc lateret familiares. Ad ultimum carni proximum inveniunt cilicium, ut levius isto pristine diei fuisse martirium quivis iudicaret, et hostes maiores minoribus minus nocuos ; et quod a nullo sanctorum factum esse cognovimus, femoralibus cilicinis a longo tempore ita stricte insutis usus fuerat, ut alveolus a poplite supra sub sutura cilicii vermiculos scaturiens extenderetur.

  • 59 Eduardus Grim, S. Thomae Cantuariensis archiepiscopi et martyris nec non Herberti de Boseham cleric (...)

Dépouillant, comme c’est la coutume, le corps immaculé du martyr Thomas pour qu’il soit lavé, des moines découvrent que, sous l’habit ample de chanoine, il était depuis longtemps vêtu en habit et ordre de moine, de manière si privée que c’était même dissimulé à ses amis. Ils trouvent au plus proche de sa chair un cilice, (placé là) afin que n’importe qui jugeât plus facilement qu’il avait été fait martyr le jour précédent, et que ses plus grands ennemis s’étaient montrés moins nuisibles que les plus petits ; et nous savons que nul saint n’a fait usage d’un tel cilice, fait de braies en poil de chèvre venues d’un temps ancien, cousues si étroitement que la petite cavité au-dessus du genou, sous la couture du cilice, se boursouflait en émettant de petits vers.
(Eduardus Grim, Vita sancti Thomae Cantuariensis, 1)59

60Le lien établi ici entre vers et pratiques ascétiques n’a rien de surprenant. Aux yeux des moines et des ermites qui méprisaient leur corps pour mieux prendre soin de leur âme et se consacrer tout entiers à Dieu, saleté et vermine étaient souvent perçues comme des signes d’humilité ; d’autres citations choisies par le compilateur reflètent d’ailleurs cette idée, comme les extraits de la Vita Symeonis Stylitae senioris cités dans le c. 228, De vermibus sancti Symeonis de columna specialibus, qui décrivent un saint Siméon infesté de vers. Cela étant, si les mentions de vermiculi comme de cilice en peau de vieille chèvre mettent certainement en valeur l’extraordinaire humilité de Thomas de Canterbury, les vers apparaissent également ici comme de simples créatures grouillantes, dont la présence sur les blessures et les cadavres n’avait au Moyen Age rien d’inhabituel. Ces récits exemplaire, souvent placé en fin de chapitre ou dans des chapitres à part, sont comme autant de points d’orgue dans le discours édifiant du compilateur sur les vermes.

Conclusion

  • 60 Au sujet des recueils de distinctions, voir notamment Kuhry E., « Dictionnaires, distinctions, recu (...)

61Que les vermes mentionnés dans l’Opusculum fassent figure de genres vedettes ou de créatures particulièrement méprisées, les informations rassemblées à leur propos témoignent de l’intérêt que leur porte le compilateur, et de sa volonté d’appuyer sur les animaux considérés comme les plus vils des significations utiles à son discours spirituel. Les extraits étudiés ici regorgent d’indications zoologiques, de considérations étymologiques et lexicologiques, de conseils médicaux, d’exempla édifiants, et surtout, de nombreuses interprétations spirituelles et morales. Si à bien des égards, le compilateur pose sur ce petit monde un regard empreint de tradition, et moins aiguisé que ses successeurs naturalistes, il manifeste tout de même une curiosité indéniable pour ces petits animaux qui, au titre de créations de Dieu, ont toute leur place dans un opusculum de naturis animalium. Plus encore, en choisissant des contenus en grande partie lexicologiques et grammaticaux, en adoptant une démarche de grammairien-lexicographe, il place les entomonymes au cœur de sa réflexion sur les vermes, conférant à son œuvre un caractère résolument original ; l’Opusculum offre ainsi un répertoire doublé d’un glossaire des petites créatures, accompagné d’interprétations spirituelles et morales. Un tel ouvrage présente des points communs avec les recueils de distinctions qui connaissent un important succès à partir de la fin du XIIe siècle, notamment en milieu cistercien60.

62Il serait intéressant, dans un travail futur, de comparer le traitement des vermes dans l’Opusculum à ce que l’on peut observer dans des œuvres postérieures utiles aux prédicateurs et riches en notices consacrées aux animaux, comme le Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré ou le De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais, afin de mieux identifier les traditions dont le compilateur se fait l’héritier, mais aussi de souligner davantage les particularités de sa rédaction et de ses interprétations. Compilant les paroles des Pères de l’Église comme celles des contemporains, ajoutant parfois des éléments inédits et surprenants, l’Opusculum apparaît comme un jalon notable dans l’histoire de l’exploitation spirituelle du monde animal, entre les textes exégétiques et théologiques sur la nature qui se multiplient au XIIe siècle, et les encyclopédies naturelles qui fondent l’âge d’or de l’encyclopédisme médiéval à partir du second tiers du XIIIe siècle.

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Notes

1 Au sujet de la réception du De animalibus d’Aristote, traduit en latin par Michel Scot dans les années 1210-1220, voir notamment Beullens P. – Guldentops G. – Steel C. (eds.), Aristotle’s animals in the Middle Ages and Renaissance, Leuven, 1999 ; Van den Abeele B., « Le De animalibus d’Aristote dans le monde latin : modalités de sa réception médiévale », Frühmittelalterliche Studien, 34, 2000, p. 287-318.

2 A propos de la transmission de l’Historia Naturalis de Pline en Occident, notamment à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, voir Reeve M. D., « The Editing of Pliny’s Natural History », Revue d’Histoire des Textes, 2 (n. s.), 2007, p. 107-179 ; Lonati E., « Plinio il Vecchio e Vincenzo di Beauvais : Quale modello di Naturalis historia per lo Speculum maius ? », Filologia mediolatina, 25, p. 323-353 ; Reeve M. D., The Transmission of Pliny’s Natural History, Roma, 2021 ; Lonati E., « Retour sur l’identification de la Naturalis historia de Pline l’Ancien corrigée par Robert de Torigni », Tabularia [En ligne], Autour de la Bibliothèque virtuelle du Mont Saint-Michel, mis en ligne le 27 mars 2023, consulté le 19 septembre 2023. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/tabularia/6326. DOI : 10.4000/tabularia.6326.

3 Il existe au sujet des encyclopédies médiévales une bibliographie considérable. Sur le site internet de l’Atelier Vincent de Beauvais (IRHT), consacré à l’encyclopédisme médiéval, I. Draelants a compilé une longue liste d’éditions critiques et de travaux portant sur les encyclopédies médiévales et leurs auteurs, que l’on peut consulter à l’adresse suivante : https://ateliervdb.hypotheses.org/bibliographie-sur-lencyclopedisme-medieval (mis en ligne en 2011, consulté le 31 mai 2023).

4 Voir notamment Draelants I., « Encyclopédies et lapidaires médiévaux. La durable autorité d’Isidore de Séville et de ses ‘Étymologies'« , Cahiers de Recherches Médiévales, 16, 2008, p. 39-93, mis en ligne le 01 décembre 2008, consulté le 22 septembre 2023. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crm/10682. DOI : 10.4000/crm.10682.

5 Pour de premiers éléments de recherche, cf. Draelants I., Fichant O., « L’Opuscule sur les natures des animaux, tiré des dires des saints et de nombreux maîtres : premiers éléments sur une œuvre inexplorée du début du XIIIe siècle », Scriptorium, 72, 2018, p. 293-311. Sur l’importance des contenus étymologiques, lexicologiques et grammaticaux au sein de l’Opusculum, et les liens entre cette compilation et le Vocabularium Bruxellense, voir Fichant O., « La place du Vocabularium Bruxellense dans une compilation cistercienne inédite, l'Opusculum de naturis animalium (début XIIIe siècle) », Archivum Latinitatis Medii Aevi (ALMA), 2023, à paraître. Il faut également signaler un mémoire de maîtrise portant sur cette œuvre, cf. Burnay C., Les oiseaux dans l’Opusculum de naturis animalium, manuscrit du XIIIe siècle (Bruxelles, Bibliothèque Royale, II 1143), s. dir. de B. Van den Abeele, Université catholique de Louvain-la-Neuve, 2000-2001.

6 Le fragment qui forme la première entité codicologique du ms. KBR II 1057 ne contient que sept de ces 279 chapitres (correspondant aux c. 194 à 200 du ms. KBR II 1143). Il est donc difficile donc d’en déduire avec certitude la structure générale de cette seconde copie ; néanmoins, les chapitres concernés sont présentés dans un ordre identique dans l’un et l’autre manuscrit, ce qui laisse penser que les deux témoins devaient partager une organisation similaire. Il faut préciser qu’une telle numérotation de chapitres n’apparaît dans aucun des deux manuscrits ; il paraissait alors utile d’en ajouter une, surtout pour faciliter le repérage au sein de l’œuvre.

7 Voir note 1. Arnold de Saxe (fl. 1230-1250) semble être le premier encyclopédiste à citer abondamment le De animalibus d’Aristote dans son De floribus rerum naturalium, dont on situe la composition autour des années 1225-1240, cf. Draelants I., « La transmission du De animalibus d’Aristote dans le De floribus rerum naturalium d’Arnoldus Saxo », in Beullens P., Guldentops G., Steel C. (éd.), Aristotle’s animals…, p. 126-158.

8 La connaissance des insectes et des vers à l’époque médiévale, et la perception qu’en avaient les hommes du Moyen Age, restent des sujets qui n’ont jusqu’à présent fait l’objet que d’éclairages ponctuels, sous la forme d’études centrées sur une espèce ou un auteur en particulier. La bibliographie rassemblée par I. Draelants dans le présent volume, bien que fort précieuse pour les chercheurs intéressés par ces questions, rend compte du manque de travaux généraux sur la transmission des savoirs entomologiques au Moyen Age, et des investigations qu’il reste à mener. Cela étant, les recherches récentes sur le sujet, notamment celles conduites au sein et en marge de l’Atelier de traduction de textes scientifééiques médiévaux animé par I. Draelants (2019 – présent), mettent en évidence l’émergence d’un nouvel intérêt pour les vermes, particulièrement au cours de l’âge d’or de l’encyclopédisme médiéval, en lien avec la redécouverte des œuvres d’Aristote et de Pline. Outre les contributions de ce volume, voir également Draelants I., « Poux, puces et punaises chez les naturalistes du XIIIe siècle : de simples vermes ou des parasites nuisibles ? », in Collard F. – Samama E. (eds.), Poux, puces et punaises : la vermine de l’homme. Découverte, description et thérapeutique. Antiquité, Moyen âge, Temps Modernes, Paris, 2015, p. 195-225 ; Draelants I., Klein P., « Aristote, Pline, Thomas de Cantimpré et Albert le Grand, entomologistes ? Identifier chenilles, papillons et vers à soie parmi les ‘vermes'« , in Franco C. – Vespa M. – Zucker A. (eds.), Zoomathia : Learning Animals in Ancient and Medieval Cultures, Siena, 2023, p. 37-95.

9 Voir dans ce même numéro les remarques d’I. Draelants concernant la catégorie des vermes, ses particularités et ce qu’elle recouvre dans les textes naturalistes médiévaux, cf. Draelants I., « ‘Vers’ et insectes dans les ‘propriétés des choses’ chez Barthélemy l’Anglais et son traducteur Jean Corbechon », RursuSpicae, 5, 2023.

10 A propos de la classification des animaux au Moyen Age, voir notamment Pastoureau M., « Classer les animaux. L’exemple du Moyen Age Occidental », in Jeudy-Ballini M. (dir.), Le Monde en mélanges. Textes offerts à Maurice Godelier, Paris, 2016, p. 403-424 ; Van den Abeele B., « Classifier et inventorier le monde animal : les choix des encyclopédies médiévales latines (VIIe-XIIIe siècles), in Ben Saad M. et alii (dir.), Appréhender les catégories zoologiques dans les sociétés du passé, Anthropozoologica, vol. 55, fasc. 2, 2019, p. 173-185, mis en ligne le 21 août 2021, consulté le 31 mai 2023. URL : https://sciencepress.mnhn.fr/en/periodiques/anthropozoologica/55/12. DOI : 10.5252/anthropozoologica2020v55a12.

11 Pour des raisons pratiques, les animaux mentionnés par le compilateur ont été ici répartis selon les classifications zoologiques médiévales qui apparaissent dans les bestiaires ou les encyclopédies. Il faut toutefois signaler que la deuxième partie de l’Opusculum ne présente pas de telle organisation : le compilateur évoque une créature puis une autre, sans suivre, semble-t-il, d’ordre spécifique ; il s’inspire occasionnellement de la structure d’autres textes (comme les Dicta Chrysostomi), ou de la proximité phonétique et/ou orthographique entre différents noms d’animaux (en proposant par exemple un chapitre consacré à l’hirondelle – c. 238, De hirundine –, puis un autre sur la sangsue – c. 239, De hyrudine), mais ces agencements n’ont rien de systématique.

12 Pour le compilateur, le crapaud et la grenouille, présentés dans l’Opusculum comme un seul et même animal, font partie des vermes ; le seul extrait qui leur est consacré se trouve dans le c. 227, De vermibus humani corporis et cordis. Cette manière de considérer les batraciens n’a rien de surprenant : nombreux sont les auteurs médiévaux, notamment les encyclopédistes, à classer crapauds et grenouilles parmi les vermes. Voir par exemple le chapitre De rana du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré (X, c. 37), les chapitres De rana et De diversis ranarum speciebus du Speculum naturale de Vincent de Beauvais (XXI, c. 59 et 60) ou encore le chapitre De natura vermium du De animalibus d’Albert le Grand (XXVI, c. 1) ; à l’exception de cette dernière œuvre, les passages sont consultables en ligne sur le site SourcEncyMe (http://sourcencyme.irht.cnrs.fr). Pour le texte du De animalibus, cf. Albertus Magnus, De animalibus libri XXVI, Stadler H. (ed.), 2 vols, Münster, 1920, vol. 2, p. 1583 et 1590.

13 A propos de l’importance des oiseaux dans la culture et la littérature médiévales, voir Voisenet J.Bestiaire chrétien. L’imagerie animale des auteurs du Haut Moyen Âge (Ve-XIe siècle), Toulouse, 1994 ; Voisenet J., Bêtes et hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du Ve au XIIe siècle, Turnhout, 2000, notamment les p. 119-138 ; Connochie-Bourgne C. (dir.), Déduits d’oiseaux au Moyen Age, Aix-en-Provence, 2009 ; Lecouteux C., « L’homme et les oiseaux au Moyen Age : perspectives pour une approche », in Thomasset C. (dir.), D’ailes et d’oiseaux au Moyen Age. Langue, littérature et histoire des sciences, Paris, 2016, p. 77-108.

14 Ces seize chapitres sont les suivants : c. 81, De diversis significationibus scorpii ; c. 82, De locustis et de scorpio in Apocalypsi ; c. 102, De medicina ictus scorpionis ; c. 188, De partu virginis exemplo vulturum et apum ; c. 227, De vermibus humani corporis et cordis ; c. 228, De vermibus sancti Symeonis de columna specialibus ; c. 229, De vermibus sancti Thome martiris ; c. 239, De hyrudine ; c. 241, De sanguisuga ; c. 248, Item de cancri octo pedibus et de apibus VII etatibus ; c. 257, De bombicibus ; c. 264, De serris locustarum beati Iohannis ; c. 265, De locusta et bruco et athelebo ; c. 266, Item de locusta et pulice ; c. 267, De patientia etiam erga erucam et ceteros vermiculos exhibenda ; c. 268, De quatuor pestibus.

15 Osbern de Gloucester, Derivationes : « Et his lotofagus, gi, id est vermis mortuorum corpora comedens », cf. Osbernus Glocestriensis, Osberno. Derivazioni, vol. 1, P. Busdraghi et alii, (S.I.S.M.E.L), Spoleto, 1996, p. 356.

16 L’adjectif elinguis, e est couramment utilisé dans la littérature médiévale pour désigner quelqu’un de peu éloquent ou muet, réduit au silence ; le Vocabularium Bruxellense, principal glossaire utilisé par l’auteur de l’Opusculum (voir note 22), lui associe même la définition ineloquens quasi sine lingua. En revanche, aucun des textes recensés dans les corpus latins de la Library of Latin Texts, du Corpus Corporum et de SourcEncyMe n’emploient le nom elinguis comme taxon. Voici le passage concerné de l’Opusculum (c. 227, De vermibus humani corporis et cordis) : Post mortem etiam, ut beatus testatur Augustinus, de cerebro hominis oriuntur bufones, de lingua nascuntur elingues, de spina procedunt scorpiones. Primi venenum infundunt, secundi corpus corrodunt, tercii aculeo pungunt. Primi sunt garruli, secondi muti, tercii taciturni […]. Per elingues vero qui linguam corrodunt, intelliguntur timores qui silentium prelatis imponunt : est enim timor conscientiae, est timor vanae gloriae, est timor possessionis humanae, vel mundanae. Hoc vermes si prelatus voluerit extirpare, mundet conscientiam a peccato, mundet appetitum a favore humano, purget desiderium ab honore mundane. Ce passage fait partie d’une citation bien plus longue, peut-être empruntée à un sermon anonyme de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle, dont on ne connaît qu’un seul témoin (Paris, BnF, Latin 18172). Par ailleurs, la référence au beatus Augustinus qui précède la mention des elingues donne un indice fort sur le « terroir » savant du compilateur, car elle est probablement inspirée des Sermones ad fratres in eremo commorantes du « Pseudo-Augustinus Belgicus », auteur énigmatique du XIIe siècle (sermon 48) : Verum et indubitanter verum mihi experto credite quod in capitibus invenietis bufones saltantes generatos ex cerebro, in renibus serpentes generatos in lumbis, ambulantes in ventre vermes scaturientes generatos ex visceribus. […] O homo memorare novissima tua quia post mortem vermis nascetur tibi de lingua pro peccato linguae de stomacho pro peccato gulae de spermate renum scorpiones pro peccato luxuriae de cerebro bufones pro peccato superbiae, cf. Pseudo-Augustinus Belgicus, Sancti Aurelii Augustini Hipponensis episcopi opera omnia, vol. 6, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia latina, 40), Paris, 1841, col. 1329-1331.

17 Concernant la place des sauterelles dans la culture et la littérature médiévales, et les diverses interprétations symboliques qui leur sont associées, voir notamment Voisenet J., Bêtes et hommes…, p. 139-144 ; Judic B., « Le corbeau et la sauterelle. L’application des instructions de Grégoire le Grand pour la transformation des temples païens en églises », in Mary L. – Sot M. (dir.), Impies et païens entre Antiquité́ et Moyen Age, Paris, 2002, p. 97-125 ; Delmulle J., « Le repas de Jean Baptiste au désert : sauterelles, crevettes ou écrevisses ? Un petit texte exégétique inédit du Xe siècle », Archivum Latinitatis Medii Aevi, 73, 2015, p. 149-177.

18 A propos de l’intérêt que les hommes du Moyen Age portent aux abeilles, et des différents rôles que jouent ces insectes dans l’imaginaire médiéval, voir notamment Hassig D., Medieval Bestiaries. Text, Image, Ideology, Cambridge, 1995, p. 52-61 ; Pollini N., « Les propriétés des abeilles dans le ‘Bonum universale de apibus’ de Thomas de Cantimpré (1200-1270), in Micrologus, VIII/1 : Il mondo animale, 2000, p. 261-296 ; Guldentops G., « The Sagacity of the Bees. An Aristotelian Topos in Thirteenth-Century Philosophy », in Beullens P., Guldentops G., Steel C. (eds.), Aristotle’s animals…, p. 275-296; Chan H. K., « Sicut Apis Operosa: Honey, Bees, and Chastity in the Early Medieval World », in Ex-Position, 45, p. 47-63, mis en ligne le 1er juin 2021, consulté le 23 septembre 2023. URL: http://ex-position.org/wp-content/uploads/2021/07/04-Hiu-Ki-Chan.pdf. DOI: 10.6153/EXP.202106_(45).0004; Burkhardt J., « Learning form Bees, Wasps, and Ants. Communal Norms, Socal Practices, and Contingencies of Nature in Medieval Insect Allegories », in Cipriani M. – Polloni N. (eds.), Fragmented Nature: Medieval Latinate Reasoning on the Natural World and its Order, London - New York, 2022, Abingdon – New York, 2022, p. 93-110.

19 Parce qu’ils sont proches de la terre, parce qu’ils rampent et grouillent, parce qu’ils sont souvent assimilés à des choses viles et dégoûtantes, parce qu’ils accablent l’homme de leur présence, les vers sont peu appréciés des auteurs médiévaux. Avant l’âge d’or de l’encyclopédisme médiéval, rares sont les textes qui s’intéressent réellement à ces petits animaux, autant d’un point de vue naturaliste que d’un point de vue moral et religieux ; les savoirs sur les vers se limitent alors souvent aux courtes notices des Etymologiae d’Isidore de Séville et à quelques commentaires exégétiques reprenant les rares mentions de vermes qui figurent dans le texte biblique. En conséquence, la bibliographie portant sur la connaissance des vers et de la vermine à l’époque médiévale, et le regard que les hommes du Moyen Age portent sur eux est plus réduite encore que pour d’autres espèces. On peut néanmoins citer ici quelques titres dignes d’intérêt, outre ceux déjà mentionnés dans la note 8 : Chêne C., Juger les vers. Exorcismes et procès d’animaux dans le diocèse de Lausanne (XVe-XVIe s.), Lausanne, 1995 ; Voisenet J., Bêtes et hommes…, p. 102-107 ; Ferrero Hernández C., « Minuta atque taediosa : la vermine de l’homme dans le travail encyclopédique de Jan Gil de Zamora », in Collard F. – Samama E. (eds.), Poux, puces et punaises…, p. 227-237.

20 Hieronymus Stridonensis, S. Hieronymi presbyteri opera, Morin G. (ed.), (Corpus Christianorum, Series Latina, 73), Turnhout, 1959, p. 73-74. Toutes les traductions proposées dans cet article sont des traductions personnelles. Nombre d’entre elles ont pu être améliorées grâce aux suggestions avisées d’I. Draelants et d’A. Zucker ; qu’ils en soient ici remerciés.

21 Isidore de Séville, Etymologiae, 12.5 : Vermis est animal quod plerumque de carne, vel de ligno, vel de quacumque re terrena sine ullo concubitu gignitur ; licet nonnumquam et de ovis nascuntur, sicut scorpio. […] Proprie autem vermis in carne putre nascitur ; tinea in vestimentis ; eruca in holere ; teredo in ligno ; tarmus in lardo, cf. Isidorus Hispalensis, Étymologies. Livre XII. Des animaux, André J. (ed.), Paris, 1986 (Auteurs latins du Moyen Âge, 12), p. 169-181.

22 Il existe désormais une édition numérique de ce lexique, consultable à l’adresse suivante : https://ngml.scriptores.pl/exist/apps/ngml/vocbrux/Vocabularium-Bruxellense.xml (mis en ligne en 2021, consulté le 31 mai 2023). Pour une introduction au Vocabularium Bruxellense, voir Weijers O., « Notice sur le ‘Vocabularium Bruxellense’ (MS. Bruxelles, B.R. II 1049) », Archivum Latinitatis Medii Aevi, 54, 1996, p. 233-238. Une thèse, dont il n’a été possible de consulter que quelques extraits, s’est également penchée sur les sources de ce lexique, cf. Junge Saenger S.-M., Vocabularium Bruxellense. A Study of its Sources with Particular Reference to Paulus’s Epitome of Festus, University of Illinois at Urbana-Champaign, 1977.

23 Petrus Comestor, Historia scholastica, Sylwan A. (ed.), (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis, 191), Turhout, 2005, p. 19.

24 Petrus Comestor, Historia scholastica…, p. 19.

25 Voir l’étude faite par I. Draelants de cet extrait de l’Historia Scholastica, cf. Draelants I., « Poux, puces et punaises… », p. 213-214. 

26 Au sujet des différents modes de génération des vermes chez les encyclopédistes médiévaux, voir notamment Draelants I., « La reproduction imparfaite : les ’gusanes’ et l’état larvaire des insectes chez Albert le Grand », in Cipriani M. – Polloni N. (dir.), Fragmented Nature… p. 151-272 ; Draelants I., « Ego sum vermis : De l’insecte né de la pourriture, à la conception du Christ sans accouplement. Un exemple de naturalisme exégétique médiéval », in Gauvin B. – Lucas-Avenel, M.-A. (dir.), Inter litteras et scientias. Recueil d’études en l’honneur de Catherine Jacquemard, Caen, 2019, p. 151-184 ; Van der Lugt M., Le ver, le démon et la Vierge : les théories médiévales de la génération extraordinaire, Paris, 2004.

27 Bernardus Claraevallensis, S. Bernardi opera, vol. 6,2, Leclercq J. – Rochais H. (eds.), Rome, 1970, p. 124-125.

28 Une telle approche centrée autour de l’étymologie et du lexique évoque les méthodes de glose et de commentaire employées pour l’apprentissage de la grammaire dans les écoles médiévales depuis l’époque carolingienne, et particulièrement répandues à partir du XIIe siècle. A ce sujet, voir notamment Reynolds S., Medieval Reading: Grammar, Rhetoric and The Classical Text, Cambridge, 1996; Weijers O., « Methods and Tools of Learning », in Giraud C. (ed.), A Companion to Twelfth-Century Schools, Leiden, Boston, 2020, p. 95-112.

29 Voir en particulier Nebbiai-Della Guarda D., « Les glossaires et les dictionnaires dans les bibliothèques médiévales », in Hamesse J. (ed.) Les manuscrits des lexiques et glossaires de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Age, Louvain-la-Neuve, 1996.

30 Augustinus Hipponensis, Sancti Augustini Opera, Confessionum libri XIII, Verheijen L. (ed.), (Corpus Christianorum, Series Latina, 27), Turnhout, 1981, p. 186.

31 Voir par exemple le chapitre De aranea du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré (X, c. 4), le chapitre De aranea du Liber de proprietatibus rerum de Barthélémy l’Anglais (XVIII, c. 10), les chapitres De aranea, De diversis aranee generibus et De tela aranee du Speculum naturale de Vincent de Beauvais (XXI, c. 112, 115 et 117) ou encore le chapitre De natura vermium du De animalibus d’Albert le Grand (XXVI, c. 1) ; à l’exception des œuvres de Barthélémy l’Anglais et d’Albert le Grand, tous les passages mentionnés ici sont consultables en ligne sur le site SourcEncyMe. Pour le texte du Liber de proprietatibus rerum, cf. Bartholomeus Anglicus, Bartholomaei Anglici de genuinis rerum coelestium, terrestrium et inferarum Proprietatibus, Richter W. (ed.), Frankfurt, 1601, p. 1009-1011 ; pour celui du De animalibus, cf. Albertus Magnus, De animalibus libri XXVI…, p. 1581-1583. Au sujet du traitement de l’araignée par Barthélémy l’Anglais, voir également dans ce même numéro l’article sur les insectes dans le De proprietatibus rerum, cf. Draelants I., « ‘Vers’ et insectes… ».

32 Petrus Alphonsi, Pietro Alfonsi. Disciplina clericalis, D’Angelo, E. (ed.), Pisa, 2009, p. 50.

33 Influencés par la tradition du Physiologus, philosophes, exégètes et théologiens médiévaux, à commencer par les Pères de l’Eglise, se penchent fréquemment sur les interprétations symboliques associées à la fourmi, et la présentent tour à tour comme le modèle du croyant fidèle, du paysan travailleur ou d’un membre utile de la société. A ce titre, voir en particulier Courtray R., « La fourmi chez les Pères latins. Des représentations antiques à la ‘fourmi de Dieu'« , Connaissance des Pères de l’Église, 143, 2016, p. 7-19 ; Toivanen J., « "Like Ants in a Colony We Do Our Share” : Political Animals in Medieval Philosophy », in Adamson P. – Rapp C. (eds.), State and Nature : Studies in Ancient and Medieval Philosophy, Berlin – Boston, 2021, p. 365-392.

34 Pour le texte des Dicta Chrysostomi, cf. Wilhelm F. (ed.), Denkmäler deutscher Prosa des 11. und 12. Jahrhunderts, 2 vols, München, 1916, vol. 2, p. 34-36.

35 Isidore de Séville, Etymologiae, 12.8 : Oestrus autem Graecum est, qui Latine asilus, vulgo tabanus vocatur, cf. Isidorus Hispalensis, Étymologies…, p. 297.

36 Parmi les encyclopédistes du XIIIe siècle, seul Vincent de Beauvais semble utiliser à la fois asilus, oestrum et tabanus. Ces observations découlent en partie d’échanges avec I. Draelants dans le cadre d’un colloque consacré au zoonymes organisé par le réseau Zoomathia, qui s’est tenu à Montpellier en octobre 2023 (« Noms d’une bête ! L’usage linguistique et culture des noms d’animaux dans l’Antiquité et le Moyen Age ») ; ses recherches sur les noms d’insectes et de vers transmis par les encyclopédistes médiévaux lui ont permis de constater la fortune ou la rareté de certains entomonymes. Au sujet des noms du taon, voir également Draelants I., Klein P., « Aristote, Pline, Thomas de Cantimpré… », p. 48.

37 Alanus Insulis, Alani de Insulis doctoris universalis opera omnia, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia latina, 210), Paris, 1855, col. 117.

38 Martinus Legionensis, Martini Legionensis Wilhelmi abbatis sancti Thomas de Paraclito opera omnia, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia latina, 209), Paris, 1855, col. 61.

39 Osbernus Glocestriensis, Osberno. Derivazioni…, p. 88.

40 Voir par exemple le chapitre De bombace du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré (X, c. 10), le chapitre De bombyce du Speculum naturale de Vincent de Beauvais (XXI, c. 119), ou encore le chapitre De natura vermium du De animalibus d’Albert le Grand (XXVI, c. 1) ; à l’exception de cette dernière œuvre, les passages sont consultables en ligne sur le site SourcEncyMe. Pour le texte du De animalibus, cf. Albertus Magnus, De animalibus libri XXVI…, p. 1584 sq. Au sujet des notices consacrées aux vers à soie dans les encyclopédies médiévales, voir notamment Draelants I., Klein P., « Aristote, Pline, Thomas de Cantimpré… », p. 51-68.

41 Iohannes Sarisberiensis, Ioannis Saresberiensis episcopi Carnotensis Policratici, vol. 2, Webb, C. (ed.), Oxford, 1909, p. 5.

42 Ioel, I, 4 : Eruca, id est vermis qui in oleribus maxime invenitur, bruchus vocatur fetus locuste antequam habeat alas, deinde cum incipit parum volare dicitur locusta vel athelabus, cum vero pleniter volat dicitur locusta, et est bruchus multo gravior quam locusta vel athelabus quia iacens in uno loco radicitus comedit fructus.

43 Il n’existe de cette œuvre qu’une édition ancienne et non critique, publiée par Georges Galopin en 1634, et vraisemblablement basée, au moins en partie, sur un manuscrit aujourd’hui perdu, qui ne peut être le KBR II 1089 (Aulne) ou le KBR II 979 (Saint-Ghislain). En effet, le texte de cette édition, établi, selon les dires de l’éditeur, ex manuscripta bibliothecae antiquissimi monasterii S. Gisleni, s’avère par endroits bien plus complet que celui des deux témoins connus ; ces éléments suggèrent qu’à l’époque où Georges Galopin a fréquenté la bibliothèque du monastère de Saint-Ghislain, il y subsistait au moins une autre copie du Liber iustificationum.

44 Vidua Sareptana exposita sensu literali et mystico in tres libros distributa, Galopinus G. (ed.), 1634, p. 122.

45 Ambroise de Milan, De virginitate, 17.107 : Apis illa sapiens cum aeris motus suspectos habet lapillis saepe sublatis per inania se librat nubila, ne leve alarum remigium praecipitent flabra ventorum, cf. Ambrosius Mediolanensis, Sancti Ambrosii episcopi Mediolandensis opera, 14, 2, Gori, F. (ed.), (Bibliotheca Ambrosiana), Milano, 1989.

46 Virgile, Georgica, 4.192 : Nec vero a stabulis pluvia impendente recedunt / longius aut credunt caelo adventantibus Euris, / sed circum tutae sub moenibus urbis aquantur,/ excursusque breves temptant et saepe lapillos, / ut cumbae instabiles fluctu iactante saburram, / tollunt, his sese per inania nubila librant.

47 Ambrosius Mediolanensis, S. Ambrosii opera. Exameron, Schenkl, C. (ed.), (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, 32, 1), Vienna, 1897, p. 84.

48 Au sujet des pratiques d’automédication des animaux, la zoopharmacognosie, dans les textes médiévaux, voir notamment Bouffartigue J., « L’automédication des animaux chez les auteurs antiques », in Boehm I. – Luccioni P., Le médecin initié par l'animal : Animaux et médecine dans l'antiquité grecque et romaine (Actes du colloque international tenu à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée-Jean Pouilloux, les 26 et 27 octobre 2006), Lyon, 2008, p. 79-96 ; Mezcua Martin A., Revuelta Rueda L., Sanchez de Lollano Pietro J., « The origins of zoopharmacognosy : how humans learned about self-medication from animals », in International Journal of Applied Research and Studies, 5, 2019, p. 73-79, mis en ligne en octobre 2021, consulté le 28 septembre 2023. URL: https://www.researchgate.net/publication/333221055_The_origins_of_zoopharmacognosy_how_humans_learned_about_self-medication_from_animals. DOI: 10.22271/allresearch.

49 Ivo Carnotensis, Sancti Ivonis Carnotensis episcopi opera omnia, Migne, J. -P. (ed.), (Patrologia latina, 162), Paris, 1854, col. 563.

50 Opusculum, c. 265, Item de locusta et pulice (citant Jérôme, Commentarii in prophetas minores, In Osee, 3.13.3) : Si quis locuste sensum quesierit, audiat Effraim, vapori sive aure et spiritui comperari, quia ita tenuis de ore locustae egreditur, ut non sentiatur. Quod si obiecerit quare non aliis que minora sunt periturum assimilaverit, verbi gratia pulici quia omnia membra habet, in tantum ut os pulicis ac dentes non videntes oculis, morsibus sentiamus, respondendum est ei, quod ideo vapori locustae sive aurae tenuissimae perituram gloriam compararit, quia locusta noxia est, et inimica mortalibus ut famem faciat, et segetum culmos populetur, in tantum ut arbores quoque vineasque decorticet, cf. Hieronymus Stridonensis, Commentarii in prophetas minores, Adriaen M. (ed.), (CC, SL, 76), Turnhout, 1959, p. 142.

51 Opusculum, c. 264, De serris locustarum beati Iohannis (citant Grégoire le Grand, Moralia in Iob, 31.25) : Locustae vocabulo lingua adulantis exprimitur. Scriptum namque est : Ventus urens levavit locustas, quæ ascenderunt super terram Egypti [Ex., 10, v. 14], et c. […] Locustae nomine redemptoris nostri resurrectio signatur. Unde et voce ipsius dicitur : Excussus sum sicut locusta [Ps., 108, 23]. Teneri enim a persecutoribus usque ad mortem pertulit, sed sicut locusta excussus est, quia ab eorum manibus saltu subitae resurrectionis evolavit. Quod referri quoque ad predicatorum numerum potest. In ipsis velud locusta excussus est, quia Iudea in sua persecutione seviente, dum per diversa fugiunt, quasi saltus dederunt. Quociens se in aerem tollere conantur, primum se cruribus impellentes sublevant postmodum alis volant. Ita sunt sancti, qui activae vitae bonis operibus primum innituntur et demum se ad sublimia per contemplationis saltum volando suspendunt. Diu manere in contemplatione non possunt, sed locustarum a saltu in pedibus suis se excipiunt, quia ad necessaria activae opera revertuntur. Nec tamen in activa remanere contenti sunt, sed quasi rursus aerem volando petunt, cf. Gregorius Magnus, Moralia in Iob libri XXIII-XXXV, Adriaen M. (ed.), (CC, SL, 143B), Turnhout, 1985, p. 1583-1584.

52 Opusculum, c. 264, De serris locustarum beati Iohannis (citant la Glose Ordinaire, Ap., 9, 3) : Discipuli hereticorum locustis comparantur, quia sicut locustae volare nituntur nec possunt, sed saliunt et statim recidunt, nec super terram incedere possunt, ita et isti nec per intellectum spiritualem volant, nec per bonam operationem firmiter incedunt, sed superbia saliunt, et in peius recidunt, et sunt corrosores bonorum Domini. Ces gloses sont consultables en ligne sur le site Gloss-e, alimenté par Martin Morard (IRHT). URL : https://gloss-e.irht.cnrs.fr.

53 Alcuinus, B. Flacci Albini seu Alcuini abbatis et Caroli Magni imperatoris magistri opera omnia, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia latina, 100), Paris, 1863, col. 717.

54 Opusculum, c. 180, De partu virginis exemplo vulturum et apum (citant Grégoire le Grand, Homiliae in Hiezechielem prophetam, 1.9) : Apes in ore mel habent, in aculeo caudae vulnus. Et omnes qui lingua blandiuntur, sed latenter ex malicia feriunt, apes sunt, quia loquendo dulcedinem mellis proponunt, sed occulte feriendo vulnus inferunt, cf. Gregorius Magnus, Homiliae in Hiezechihelem prophetam, Adriaen M. (ed.), (CC, SL, 142), Turnhout, 1971, p. 135.

55 Opusculum, c. 180, De partu virginis exemplo vulturum et apum (citant Boèce, Consolatio Philosophiae, 3.7) :
Hoc habet voluptas omnis
stimulis agit fruentes,
par apum volantum.
Ubi grata fuderit mella,
fugit et nimis tenaci
ferit icta corda morsu
,
cf. Boethius, Philosophiae consolatio, Bieler L. (ed.), (CC, SL, 94), Turnhout, 1967, p. 47.

56  Ct, 4, 13-14 : Emissiones tuae paradisus malorum punicorum, cum pomorum fructibus, cypri cum nardo. Nardus et crocus, fistula et cinnamomum, cum universis lignis Libani ; myrrha et aloe, cum omnibus primis unguentis.

57 Paris, BnF, Latin 18172, f. 19r-23v : In quadragesima sermo. Inc. Ego sum vermis et non homo, ob. ho. et ab. plebis. O miraculosa confessio peccatoris… Des. quod nobis prestare dignetur Ihesus Christus Dominus noster amen.

58 Donatus Mettensis, De sancto Hermelando abbate Antrensi in Gallia, Bolland. et alii (eds), (Acta Sanctorum, 21), Anvers, 1668, p. 581, col. 1. Cet extrait peut être rapproché d’un passage de la Vita Gregorii I papae de Paul Diacre, également cité dans l’Opusculum, dans lequel le futur pape Grégoire I, assis dans un pré en compagnie de ses proches, voit une sauterelle sauter sur son livre ouvert ; il se saisit de cette opportunité pour expliquer à ses compagnons l’étymologie du mot locusta : Dum vir Domini Gregorius circa sextam horam in quodam prato sociis quibusdam quiescentibus aliis illis assidentibus vel quibusque rebus necessariis occupatis sederet et legeret, venit ad eum locustam et dans saltum paginae quam perlegebat insedit. Cernensque loco cui insederat permanere, cepit sodalibus suis nomen quasi interpretari : Locusta inquam hec dici potest quasi loco sta, cf. Paulus Diaconus, Sancti Gregorii papae I cognomento Magni opera omnia, vol. 1, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia latina, 75), Paris, 1849, col. 51.

59 Eduardus Grim, S. Thomae Cantuariensis archiepiscopi et martyris nec non Herberti de Boseham clerici eius a secretis opera omnia, Migne J.-P. (ed.), (Patrologia latina, 190), Paris, 1893, col. 343.

60 Au sujet des recueils de distinctions, voir notamment Kuhry E., « Dictionnaires, distinctions, recueils de propriétés en milieu cistercien : outils pour la prédication, sources pour l’étude de la nature », in Falmagne T., Stutzmann D., Turcan-Verkerk A.-M. (ed), Les Cisterciens et la transmission des textes (XIIe-XVIIIe siècles), Turnhout, 2018, p. 286-337.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ombeline Fichant, « Insectes et vers dans une compilation cistercienne inédite, l’Opusculum de naturis animalium »RursuSpicae [En ligne], 5 | 2023, mis en ligne le 13 décembre 2023, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rursuspicae/2881 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rursuspicae.2881

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Ombeline Fichant

Doctorante à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris.

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