Mottaz Baran Arlette, Dir., Publics et musées en Suisse. Représentations emblématiques et rituel social
Texte intégral
1L’objectif de cette recherche, conduite sous la direction d’Arlette Mottaz Baran, est double : d’une part, identifier – à travers une démarche qualifiée de « multidimensionnelle » – les principales caractéristiques des différents publics fréquentant les musées suisses, qu’il s’agisse du profil sociodémographique, des comportements ou des aspirations ; de l’autre, confronter les attentes des visiteurs et les représentations des conservateurs ou des responsables patrimoniaux vis-à-vis, notamment, des missions dévolues à ce type d’institution.
2L’ouvrage s’ouvre sur un exposé synthétique de la problématique retenue et par un descriptif de la méthodologie adoptée, les questionnaires utilisés figurant fort opportunément en annexe. Les résultats de l’enquête sont ensuite détaillés en fonction de diverses variables comme l’âge, le sexe, le niveau de formation, le milieu d’origine ou la provenance géographique. Est ainsi, par exemple, mise en évidence la surreprésentation des cadres supérieurs, des professions intermédiaires ou des personnes ayant suivi un cursus universitaire. Un tel constat rejoint celui établi dans de très nombreux pays occidentaux et tend à infirmer l’hypothèse, dominante à la fin des années 1980, d’une « démocratisation des pratiques », le caractère élitaire ne s’étant guère estompé.
3Une fois ces données statistiques mises en relation et interprétées, place alors à l’examen des points de vue et des perceptions des acteurs. Côté visiteurs, l’engouement rencontré tient tout d’abord à l’intérêt suscité par le thème de l’exposition, la nature des collections ou le domaine de spécialisation (Arts, Sciences, Histoire, Artisanat…). Sont également évoqués le désir de se cultiver ou d’assouvir une curiosité, le plaisir et l’émotion esthétique, sans oublier la quête d’un référentiel susceptible, par la redécouverte des objets ou des œuvres du passé, d’offrir un meilleur ancrage identitaire et de renforcer les liens sociaux dans un contexte marqué par l’individualisation des modes de vie et par une très grande hétérogénéité des cadres et des supports symboliques.
4Le musée, dès lors, peut être appréhendé non seulement comme un « lieu de transmission de mémoires, de traditions ou de connaissances » mais aussi comme un « espace producteur de sociabilités et créateur de rituels » (pp. 12-13). Une majorité s’y rend ainsi avec des proches, que ce soit en couple, en famille ou avec des amis, à l’opposé de certains stéréotypes entretenant l’image d’un rapport « individuel, érudit et méditatif » à la création et au beau (p.91), les sources d’information étant de plus variées (articles de presse, affiches, publicité, bouche à oreille). Les après-midi des jours ouvrables, est-il souligné, restent plébiscités, la durée moyenne d’une visite étant environ d’une heure et demie et le parcours conseillé ou fléché étant celui qui est le plus souvent emprunté. Le recours à un guide ou la consultation du catalogue officiel demeurent, en revanche, peu prisés. La plupart, par ailleurs, s’estiment satisfaits des horaires, des tarifs ou des conditions d’accessibilité et apprécient, outre l’accueil d’un personnel jugé « serviable, discret et compétent » (p.112), l’éclairage et la signalisation, l’agencement des salles et l’ambiance qui y règne, le contenu des notices ou des dépliants.
5Quant aux professionnels, font observer les auteurs, ils valorisent tout autant les fonctions de conservation et de sauvegarde, de transmission et de diffusion. Faire connaître et comprendre le passé est, à leurs yeux, une priorité, les dimensions divertissement et animation étant davantage reléguées au second plan. L’identification à des « passeurs » ou à des « médiateurs » est essentielle, la référence – maintes fois déclinée par les intéressés eux-mêmes – au « pont » ou aux « passerelles » étant à cet égard très révélatrice.
6Une contribution, au total, bien argumentée, de bonne facture et qui complète utilement les enseignements de précédents travaux réalisés sur cette thématique par cette même équipe dans le canton de Vaud.
Pour citer cet article
Référence papier
Gilles Ferréol, « Mottaz Baran Arlette, Dir., Publics et musées en Suisse. Représentations emblématiques et rituel social », Recherches sociologiques et anthropologiques, 39-1 | 2008, 194-195.
Référence électronique
Gilles Ferréol, « Mottaz Baran Arlette, Dir., Publics et musées en Suisse. Représentations emblématiques et rituel social », Recherches sociologiques et anthropologiques [En ligne], 39-1 | 2008, mis en ligne le 03 mars 2011, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rsa/435 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rsa.435
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