Ferréol Gilles, Noreck Jean-Pierre, Dir., Introduction à la sociologie
Texte intégral
1Cette septième édition, enrichie et actualisée, de l’ouvrage de Gilles Ferréol et Jean-Pierre Noreck, aborde avec cohérence les objets, les méthodes, les problématiques et autres composantes de la sociologie contemporaine. La réflexion, précise et construite, fait appel, selon le cas, à des grilles d’analyse, des notions clés ou des considérations plus quantitatives. Ce manuel, qui constitue un véritable plébiscite du lectorat depuis la première parution en 1989, se dote d’encadrés plus nombreux illustrant ou renforçant l’argumentation, met l’accent sur les aspects didactiques sans privilégier tel ou tel courant de pensée et offre une vision particulièrement synthétique du sujet, le tout en un peu plus de deux cents pages et huit chapitres.
2En ouverture, la dialectique système/acteur ne manque pas d’intérêt pour qui veut se remémorer les précurseurs de la discipline, sa spécificité et les thèses classiques. S’inscrivant dans une démarche objectiviste et rejetant les points de vue consensualistes, la sociologie explicative du fait social, qui considère celui-ci comme une “chose”, demeure incontournable dans ses caractéristiques essentielles (extériorité, contrainte, raisonnement de type holiste, recherche de lois) et rassemble Durkheim, Marx et Comte dans un même paradigme déterministe, basé sur un projet de transformation de la société. Plus subjectiviste, la sociologie de l’action, portée par Weber, Tocqueville, Simmel, est également reprise dans ses fondamentaux (individualisme méthodologique, idéaltype, légitimité, rapport aux valeurs) et centre le débat sur la compréhension des choix des acteurs et des interactions de leurs comportements. La validité des sciences sociales est ensuite examinée selon deux axes principaux : les fondements épistémologiques, d’une part, permettant de situer la recherche scientifique et de conceptualiser la “réalité” des phénomènes sociaux ; le traitement statistique de l’information, d’autre part, par référence à la problématique heuristique du « chiffre noir » (sociologie de la déviance), à la construction de nomenclatures et notamment celle des pcs (thématique de la stratification), ou à la communication nécessaire, bien que parfois difficile, entre techniciens et utilisateurs.
3Le regard historico-philosophique terminé, les hiérarchies et les inégalités, éclairant la formulation durkheimienne de la différenciation, sont présentées de multiples façons : à travers leurs systèmes purs (castes, ordres), selon les lectures marxiste, tocquevillienne et wébérienne, ou encore en considérant le contexte socio-économique et les rapports de forces symboliques (Bourdieu). D’autres approches marquent une rupture théorique. Songeons ici, dans les années 1970, aux nouveaux mouvements sociaux d’Alain Touraine (féminisme, écologie, régionalisme…) en quête de contre-projet de société, ou aux travaux de Raymond Boudon sur le rôle de l’individualisme et l’imbrication des diverses stratifications.
4Le processus de socialisation, finement traité, fait converger plusieurs domaines de recherche. Si la famille demeure sensible aux mutations des temps modernes (évolution des mœurs, modifications de la législation, redéploiement de l’appareil productif), elle s’affirme, en dépit des phénomènes de déstructuration et grâce à sa capacité d’adaptation et de régulation, comme l’instance essentielle d’intériorisation des normes et des conduites. La sociologie de l’éducation apporte une pierre à l’édifice. La corrélation entre milieu d’origine et système scolaire, établie à partir d’études empiriques sur l’enseignement de masse, sécrète deux paradigmes tenant à la “reproduction” ou à l’existence d’ “effets pervers”. Enfin, par l’examen du quotidien et des profonds bouleversements des mentalités et des modes de vie, l’environnement socioculturel conforte son rôle de maillon fort dans la « construction sociale du monde ».
5Les relations professionnelles, quant à elles, sont appréhendées dans toute leur dynamique. De la critique du taylorisme à la culture d’entreprise, via la mise en place du management participatif, la flexibilité et la précarisation des emplois, ou bien encore la restructuration de la production ou la désyndicalisation, la sociologie du travail est décrite avec rigueur et minutie. Enfin, les divers modes d’organisations et les rapports de pouvoir sont à l’honneur dans le dernier chapitre. Dans le prolongement du modèle wébérien de rationalité et de l’insertion de la ressource humaine, d’autres travaux se développent et ont trait à l’interactionnisme stratégique culturel, créateur d’identités (Crozier), ou aux formes plus récentes de communication (Hirschman) et de direction (théorie des élites de Bourdieu, Touraine, Bauer…).
6Difficile de concevoir un ouvrage aussi court et aussi dense. Cette nouvelle Introduction, qui ne cesse de faire référence, ralliera incontestablement étudiants et simples citoyens dans leur désir de découvrir ou d’approfondir le social. Une contribution vivante, largement accessible et de qualité remarquable à plus d’un titre !
Pour citer cet article
Référence papier
Régis Malige, « Ferréol Gilles, Noreck Jean-Pierre, Dir., Introduction à la sociologie », Recherches sociologiques et anthropologiques, 39-1 | 2008, 190-191.
Référence électronique
Régis Malige, « Ferréol Gilles, Noreck Jean-Pierre, Dir., Introduction à la sociologie », Recherches sociologiques et anthropologiques [En ligne], 39-1 | 2008, mis en ligne le 03 mars 2011, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rsa/432 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rsa.432
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