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Santé mentale et usage idéologique de l’“état de stress post-traumatique” dans les discours sur la prostitution et la traite

Mental Health and the Ideological Use of “Post-Traumatic Stress Disorder” in Discussing Prostitution and Slavery
Marion David
p. 55-70

Résumés

Analysant les conditions d’émergence et de diffusion du “posttraumatic stress disorder” dans les documents produits par les militants luttant pour la dispa­rition de la prostitution, cet article propose de rendre compte de certains enjeux moraux et idéologiques associés à la mobilisation du registre sanitaire dans les discours sur la prostitution et la traite. Pour cela, seront dans un premier temps examinés les arguments visant à démontrer, antérieurement à l’apparition du ptsd, les conséquences psychiques de la pratique prostitutionnelle. Dans un deuxième temps, après avoir développé le contenu de cette catégorie psychia­trique et montré en quoi elle procède d’un mouvement plus général de médicali­sation de la société, nous présenterons les principales investigations à l’origine de sa reconnaissance chez les prostituées. Enfin, la dernière partie sera consa­crée à considérer l’efficience idéologique de cette “psychiatrisation” de la rhé­torique entourant la prostitution.

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Texte intégral

I. Introduction

  • 1 L’acronyme français (ESPT) restant peu utilisé, nous conserverons la terminologie anglaise dans la (...)

1 Cet article a pour but d’examiner la “psychiatrisation” récente de la rhétorique associée à la “lutte contre la prostitution” et à la “traite” en s’intéressant en particulier à l’émergence d’un posttraumatic stress disorder (ou ptsd1) affectant les personnes se prostituant. Cette forme de médicalisation des discours sur les prostituées s’inscrit dans un champ véritablement saturé de débats partisans au sein duquel le fait de mani­fester une préoccupation sanitaire à l’égard de cette population n’est pas neutre. En effet, depuis la fin des années 1980 et l’apparition de l’épi­démie de sida, les militants les plus prolixes sur ce sujet sont ceux qui défendent une approche pragmatique du phénomène prostitutionnel, en plaidant notamment pour une décriminalisation de la prostitution. Parallè­lement, ces derniers participent, auprès des personnes concernées, à des actions de promotion de la santé et de renforcement de l’autonomie indi­viduelle dans la protection du corps comme “instrument de travail”. A contrario, les tenants de l’approche abolitionniste rejettent dans l’ensem­ble cette perspective sanitaire. Considérant l’acte prostitutionnel comme étant destructeur pour la personne qui s’y livre, ils estiment en effet que la protection de cette dernière passe par l’arrêt de la prostitution et non par une réduction des risques entourant cette pratique. Pourtant, depuis quel­ques années, ces militants se saisissent à leur tour du registre sanitaire en dénonçant, de façon de plus en plus prononcée, une forte prévalence sup­posée du ptsd parmi les personnes prostituées ; cette préoccupation nouvelle mérite, selon nous, d’être questionnée.

2 Notre propos, dans le cadre de cette contribution, consistera donc, dans un premier temps, à explorer les conditions d’émergence et de diffusion de cette catégorie psychiatrique dans les discours militants. Après avoir constaté que, loin d’être porteuse d’une rupture dans les représentations en termes de “santé mentale” antérieurement attachées à la prostitution, cette inscription psychiatrique procède des mêmes recours sémantiques ; nous établirons qu’elle comporte indéniablement une efficience supplé­mentaire au plan idéologique et tenterons de dégager les enjeux associés à sa mobilisation.

II. « Regardez dans quel état vous êtes maintenant ! »2 : la prostitution comme expérience dévastatrice

  • 2 Une bénévole du Mouvement du Nid à une prostituée de rue.

3 Expliciter la “psychiatrisation” de la rhétorique de la prostitution et de la “traite à des fins d’exploitation sexuelle” suppose au préalable d’exa­miner la manière dont se structuraient, avant l’apparition du ptsd, les discours sur les conséquences psychologiques de la pratique de cette acti­vité. Cette synthèse repose sur un examen des principaux documents pro­duits au sein de la mouvance abolitionniste francophone au cours des trente dernières années. Nous constaterons que ces démonstrations repo­sent sur des énoncés se répondant mutuellement pour conférer à cette construction théorique un caractère incontestable et attester, in fine, la nature mortifère de la pratique prostitutionnelle.

A. Absence de désir, marchandisation et violence

4 Le premier argument utilisé, et certainement le plus récurrent, est l’évi­dence selon laquelle le fait de se livrer, de manière répétitive, à un acte sexuel non désiré détruirait psychiquement la personne concernée. De ce postulat de départ découlent souvent une série d’assertions visant à décrire les conséquences psychologiques de cette non-correspondance entre le corps et l’esprit. Le passage à l’acte prostitutionnel s’accompagnant d’une « perte de contact avec sa propre intériorité » (Legardinier, 1996 :41), la prostituée, intérieurement « éclatée » (Fondation Scelles, 2002 :45), « dissociée » (Legardinier, 2002 :44), ou encore « dédoublée » (Coquart/Huet, 2000 :173 ; Chaleil, 1981 :20), se verrait en quelque sorte « expropriée de son propre corps » (Legardinier, 2002 :44). Les propos suivants, auxquels se réfèrent régulièrement les militants abolitionnistes, sont typiques de cette conceptualisation et témoignent de cette conception :

Autant il est merveilleux de faire l’amour avec qui on désire, autant la pénétration par une chair étrangère […] est un scandale affolant, invivable, l’irruption de la mort en soi […]. Le corps réagit-il diffé­remment lorsqu’il y a de l’argent et lorsqu’il n’y en a pas ? En est-on moins malade pour autant ? Moins coupée ? Moins expulsée de soi-même ? Où peut-on aller se réfugier quand le lieu de son corps est occupé par autrui ? Quand on n’a même plus son espace du dedans ? (Mignard, 1976 :1545).

5 Il y aurait donc analogie entre le rapport prostitutionnel et le viol, l’ar­gent obtenu n’étant aucunement considéré comme une contrepartie au service sexuel réalisé mais comme un facteur aggravant. En effet, au-delà de la violence exercée sur « l’intégrité du corps et l’identité de l’être » (Audet, 2005 :77) par le truchement de ce « rapport sexuel mécanique, sans tendresse et sans intimité » (Coquart/Huet, 2000 :173), la relation prostitutionnelle consacrerait la « chosification et la marchandisation » (Poulin, 2005 :16) de la personne :

N’importe quel homme peut donc regarder comme une marchandise un autre être humain. Être humain ? Le fait de vendre son corps ne lui ferait-il pas perdre cette dignité ? […] La prostituée est niée comme personne. Elle est regardée comme de la viande à l’étal. Elle n’est qu’un instrument, un objet, une chose. Un numéro dans un registre. Un trou loué pour un instant (Montreynaud, 1993 :69).

  • 3 Considérons par exemple cette statistique impressionnante : « Une étude américaine menée à Minnea­p (...)

6 A cette violence décrite comme “intrinsèque” au rapport prostitutionnel se voit le plus souvent associée la liste des multiples agressions aux­quelles sont exposées les personnes prostituées. S’il ne s’agit certaine­ment pas ici de minimiser cette dimension, le fond comme la forme de cet argumentaire appellent quelques observations. Tout d’abord, il faut remarquer la dramatisation, tant qualitative que quantitative, dont sont l’objet de tels énoncés. En effet, les statistiques abondent, juxtaposées dans de longs paragraphes, et se voient reprises d’ouvrage en ouvrage sans que ne soient questionnées les conditions de leur production3. Par ailleurs, les situations de violence extrême sont considérées comme faisant partie intégrante de l’expérience de la prostitution, les facteurs sociétaux à l’origine de ces violences ou influençant la nature et le degré de ces dernières étant ainsi ignorés. Car au travers de cet exercice des­criptif procédant d’une confusion entre « la nature de l’activité et ses con­ditions d’exercice » (Toupin, 2005 :5), il s’agit moins de rendre compte de la manière dont le vécu prostitutionnel des personnes concernées est déterminé par le niveau de contrainte sociale s’exerçant sur elles, que de défendre une orientation idéologique assimilant, en dernier recours, la prostitution à une violence :

Comment peut-on continuer à faire comme si l’on ignorait que la majorité des personnes prostituées ont été agressées physiquement dans la prostitution, par des proxénètes ou par des clients (coups, viols, tentatives de meurtre, séquestration) ? Alors que la société a fini par se décider à pénaliser le viol, reconnaissant qu’aucun besoin sexuel ne peut justifier l’agression et la destruction d’une personne, qu’attend-on pour pénaliser le viol tarifé qu’est la prostitution ? (Audet, 2005 :77).

  • 4 Sur ce point voir Toupin L., 2002, p. 27.

7 En définissant ce que devrait être une relation sexuelle “correcte” (engageant des affects, “gratuite”, etc.), cette perspective reconduit donc une conception essentialiste de l’accès au corps4, c’est-à-dire qu’elle refuse de « reconnaître que des activités sexuelles puissent être investies de significations différentes selon le contexte social et individuel et qu’elles n’engagent pas nécessairement l’intimité d’un être » (Parent, 2001 :169).Au final, si ces hypothèses se heurtent régulièrement aux déclarations de certaines personnes affirmant ne pas se sentir dégradées par l’acte prostitutionnel, elles n’en constituent pas moins la pierre angu­laire de cette analyse de l’expérience prostitutionnelle et structurent l’en­semble de cette démonstration.

B. De l’enfance violée au suicide de la prostituée : déchéance et abandon de soi

  • 5 « Enquêtes, témoignages, statistiques… Tous les indices concordent et les clignotants sont au rouge (...)

8 Cette dénonciation de la prostitution comme expérience dévastatrice s’accompagne également de la mise en exergue des violences sexuelles infantiles comme facteur décisif de l’entrée en prostitution5. Lorsque l’abus sexuel n’est pas avéré, les carences affectives et la défaillance parentale sont également évoquées pour expliquer le devenir prostitué.

  • 6 « En France, on avance ici ou là des estimations allant de 40 % à 80 % » (Legardinier C., 1999, s.p (...)

9 Si confirmer ou infirmer une telle assertion n’entre pas dans le cadre de cet exposé, il convient cependant de noter le caractère anarchique et fluc­tuant des chiffres avancés en la matière6. Plus encore, il importe de mesu­rer l’usage idéologique qui est fait de ce constat, c’est-à-dire comment, dans cette construction (car en effet, toutes les prostituées n’ont pas été violées dans leur enfance et tous les enfants violés ne se prostituent pas à l’âge adulte), l’enfance violée est instrumentalisée pour démontrer en retour les conséquences de l’acte prostitutionnel. En effet, si la personne supporte la violence inouïe d’un tel acte, ce serait précisément parce qu’elle est déjà psychiquement abîmée et donc “anormale”. Or, si l’on considère l’argument selon lequel les individus abusés sexuellement peuvent vivre longtemps dans le déni de la violence subie, le silence de la prostituée sur les souffrances qui l’accablent parlerait donc de lui-même :

Il a bien dû se passer quelque chose pour en arriver à penser que le corps est bon à prendre par les autres. Il y a eu des défaillances ; pourquoi pas même des érotisations d’agressions précoces dans la période infantile, avec amnésie, et qui en fin de compte fonctionnent bien en traumatisme qui agit de l’intérieur, à l’insu de la personne. Certaines victimes savent qu’elles ont été victimes, d’autres non (Nor, 2001 :51).

  • 7 Sur ce point et sur « l’impudicité comme souillure », voir Pheterson G., 2001, p. 110-121.

10 Ainsi, bien qu’il ne soit pas établi que les sévices sexuels dans l’en­fance soient spécifiques aux personnes prostituées7, et surtout que rien ne permette de poser une correspondance formelle entre le vécu de ces vio­lences infantiles et celui de la prostitution, remarquons le caractère idéo­logiquement performatif de cet énoncé soutenant qu’entre « l’adolescente violée et la prostituée, il n’y a qu’une différence de degré, un destin aggravé » (Chaleil, 2002 :13). Le choix de se prostituer leur est dès lors dénié au motif de ce passé d’abus sexuel supposé. Ainsi dès les années 1980, la théoricienne de l’abolitionnisme contemporain, Kathleen Barry, déclarait :

On a affirmé que la différence entre le viol et la prostitution réside dans le fait que la prostituée exerce sa volonté libre et son choix dans son expérience alors que la victime de viol ne le fait pas. Mais, si l’on considère les formes de violences sexuelles précoces présentes dans l’histoire de nombreuses prostituées […], la vraie question pourrait bien être : la prostitution ne serait-elle pas un crime de vio­lence sexuelle plus grave que le viol en ce qu’elle réclame l’appa­rence du choix ? (Barry, 1986 :302).

11 Enfin, poursuivant le même raisonnement déterministe, cette pers­pective dépeint (au travers de descriptions misérabilistes) les prostituées comme étant marquées, à terme, par la dégradation physique et l’abandon de soi. En effet, il est en particulier établi qu’elles feraient pour la plupart usage de drogues (Nor, 2001 :103) ; plus encore, l’humiliation et le dégoût ressentis les conduiraient, d’une manière générale, à ne pas prendre soin d’elles-mêmes, de leur corps et de leur “santé” :

Leur comportement vis-à-vis de la santé est généralement celui de personnes en situation précaire : tant qu’une maladie ne les empêche pas de vivre, elles ne s’en préoccupent pas, et laissent les infections se développer (Nor, 2001 :84-85).

12 Suite aux « souffrances accumulées depuis la petite enfance » (Legar­dinier, 1996 :41) qui les ont menées « sur le chemin de ce suicide qu’est déjà, d’une certaine manière, la prostitution » (Coquart/Huet, 2000 :11), cette destruction du corps viendrait ainsi témoigner, inévitablement, de la « lente et profonde dégradation de la vie sexuelle et affective des prosti­tuées » (Legardinier, 2000 :164).

III. Prostitution et traumatisme : de l’intolérable moral au diagnostic psychiatrique

13 Comme nous l’avons constaté, les acteurs luttant pour la disparition de la prostitution mobilisent depuis longtemps une rhétorique psycholo­gisante pour signifier l’intolérable moral que constitue selon eux cette pratique. Plusieurs contributions se référèrent également, depuis les années 1990, au “traumatisme” qui affecterait les prostituées, la notion étant simplement intégrée à l’analyse pour incarner « la figure de la spolia­tion la plus inacceptable » (Fassin/Rechtman, 2007 :39). Cependant, la mise en évidence, récente, d’un ptsd affectant les personnes se prosti­tuant apparaît désormais relever d’un tout autre registre : celui de la psy­chiatrie et de la médecine. Avant d’examiner la manière dont les militants se sont saisis de cette catégorie médicale et les conséquences idéologiques de cet usage, il nous faut au préalable exposer sommairement ce qu’est le ptsd, mais également présenter les protagonistes qui ont initié sa recon­naissance chez les personnes pratiquant la prostitution.

A. Entre médicalisation de la société et mutations de la psychiatrie, qu’est ce que le “posttraumatic stress disorder” ?

  • 8 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.
  • 9 Ce modèle se vit par la suite consacré avec la publication, en 1994, du DSM-IV.

14 De nombreux auteurs s’accordent à considérer que la médecine tend à constituer une ressource de légitimité croissante au sein de la société. Conférant « une nature médicale à des représentations et des pratiques qui n’étaient jusqu’alors pas socialement appréhendées dans ces termes » (Fassin, 1998 :5-7), cette médicalisation se manifeste notamment à travers les mutations, depuis le début des années 1980, du champ de la psychia­trie. En effet, jusqu’alors, cette dernière restait fortement influencée par la psychopathologie freudienne, en reconnaissant « l’existence d’un fait psy­chique irréductible au médical » (Gori/Del Volgo, 2005 :216). C’est avec le développement des neurosciences et de l’industrie pharmaceutique des psychotropes que s’est progressivement opérée une transformation de la clinique psychiatrique. Participant de cette évolution et la symbolisant, la publication du dsm-iii8 en 1980 par l’American Psychiatric Association (apa) constitua une rupture évidente avec la psychiatrie d’influence psy­chanalytique9. L’enjeu associé à la parution de ce manuel était de ren­forcer le statut scientifique de la psychiatrie, alors dévalorisée au sein du monde médical et concurrencée par le succès grandissant de psycho­thérapies alternatives (Kirk/Kutchins, 1998 :32). L’ambition du dsm-iii était donc de conférer à la psychiatrie moderne une base diagnostique plus solide, en visant non pas l’identification des causes à l’origine des patho­logies mentales mais la description fine des syndromes (Ehrenberg/Lovell, 2001 :25).

15 Le ptsd est né d’une rencontre entre ce champ psychiatrique en refon­dation et certains mouvements de revendication (Rechtman, 2005 :168). En effet, bien que la notion de traumatisme ne fût pas absente de la théorie psychanalytique, celle-ci n’était alors pas envisagée indépen­damment de la personnalité du traumatisé. En conséquence, l’approche freudienne ne permettait pas « une discrimination précise entre les trauma­tismes externes et les “traumas” intrapsychiques » (Rechtman, 2005 :180). C’est précisément sur ce point que les mouvements féministes américains (engagés dans une dénonciation des violences sexuelles subies par les femmes dans leur enfance) contestèrent cette perspective. Se qualifiant de “survivantes de l’inceste” afin d’assimiler leur expérience traumatique à celle des survivants de l’Holocauste, leurs représentantes firent appel à la psychiatrie pour « attester la réalité de l’évènement étiologique » (Recht­man, 2005 :181) ; en retour la discipline allait se voir attribuer une in­fluence sans précédent dans l’opinion publique. L’activisme des vétérans du Vietnam joua également un rôle déterminant dans cette invention du ptsd. En effet, peinant à retrouver leur place au sein de la société, ceux-ci obtinrent « une forme de réconfort et surtout de statut social dans la reconnaissance médicale du préjudice dont ils estimaient avoir été victi­mes » (Rechtman, 2005 :185).

  • 10 A l’exception des troubles d’origine organique (Rechtman R., 2005, p. 184).
  • 11 Des souvenirs envahissants associés à différents signes cliniques tels que le fait d’être déprimé, (...)
  • 12 Moins d’un tiers des vétérans du Vietnam ayant participé aux combats, moins de la moitié des victi­ (...)

16 Le ptsd est aujourd’hui la seule catégorie nosographique du dsm-iv dont l’étiologie est explicitement définie puisqu’elle est directement rap­portée à la survenue d’un évènement traumatique10. Il a connu très vite un succès important parmi les cliniciens, en dépit de certaines controverses mettant en cause sa fiabilité. En effet, ce trouble présente pour caracté­ristique importante de reposer sur un très large éventail de symptômes11, ce qui rendrait précisément, selon certains, son diagnostic des plus discu­tables. De la même façon, comment expliquer que l’épidémiologie du ptsd révèle que « seule une minorité de gens exposés à des évènements “traumato-géniques” développe le syndrome »12 ? Enfin, et surtout, il apparaît que « la liste des évènements intolérables susceptibles de provo­quer un ptsd chez n’importe quel individu reproduit assez fidèlement le catalogue des comportements les plus répréhensibles moralement et socia­lement » de sorte que « l’évidence de l’intolérable psychiatrique repose désormais sur l’évidence de l’interdit social » (Rechtman, 2005 :191).

B. Des États-Unis à la France, acteurs et contexte d’un diagnostic

  • 13 “Standing Against Global Exploitation” est un dispositif créé par d’anciennes prostituées dont la s (...)
  • 14 Voir le site Internet de l’organisation qu’elle dirige : http://www.prostitutionresearch.com/
  • 15 Tout en suggérant « d’étendre cette hypothèse aux personnes qui vivent la prostitution sans être vi (...)

17 La mise en évidence d’un ptsd affectant les personnes prostituées s’inscrit dans la continuité des circonstances qui ont présidé à l’émer­gence de cette catégorie psychiatrique. Ainsi, la chercheuse ayant initié la première enquête sur la prévalence de cette pathologie parmi les prosti­tuées est Melissa Farley, une psychologue américaine et féministe radi­cale qui avait précédemment conduit des recherches sur la maltraitance infantile et les violences faites aux femmes. Actuellement, Melissa Farley est connue pour ses prises de positions contre la pornographie et pour le combat qu’elle mène (aux cotés notamment des « survivantes de la prosti­tution » du sage Project13) dans le but « d’abolir l’institution de la prosti­tution »14. En 1995, elle a réalisé une étude qui concluait que 67 % des prostituées étaient affectées par le ptsd ; ellea réitéré cette opération par la suite, en supervisant en 1998, puis en 2003, deux enquêtes interna­tionales qui avançaient des statistiques similaires (Farley/Barkan, 1998 ; Farley et al. 1998 ; Farley et al., 2003). La diffusion de ces résultats dans les pays francophones fut dans un premier temps principalement le fait du médecin Judith Trinquart, au travers de sa recherche de doctorat consa­crée à la « décorporalisation » consécutive à la pratique prostitutionnelle (Trinquart, 2002), puis dans le cadre de son mandat de secrétaire générale du Mouvement pour l’abolition de la prostitution et de la pornographie. Il convient également de citer le rôle, plus secondaire, joué par l’organisme de travail social Métanoya (dirigé par la vice-présidente de la Fédération abolitionniste internationale) qui mobilisa le ptsd pour analyser le vécu des prostituées d’origine africaine, alors présumées d’emblée “victimes” de la “traite”15.

18 S’il ne nous appartient pas de remettre en question les chiffres avancés par ces investigations, plusieurs remarques s’imposent néanmoins concer­nant les conditions dans lesquelles ces dernières furent réalisées dans la mesure où leur prétention à l’expertise scientifique participe précisément de leur efficience idéologique.

  • 16 Proportion qui atteint 95 % et 70 % respectivement au Canada et en Allemagne dans l’enquête de 2003
  • 17 Sur ces problèmes méthodologiques, voir notamment Pheterson G., 2001, pp. 46-56 et Weitzer R., 2005

19 Tout d’abord, le premier aspect à souligner concernant les enquêtes conduites par Melissa Farley est celui de l’échantillon retenu pour établir la prévalence du ptsd parmi les prostituées. Ainsi, à la lecture de ces rapports, on apprend que pour l’étude conduite en 1993, cet échantillon était constitué à 75 % de personnes toxicomanes16 et que dans le cas de l’enquête de 2003, 75 % des personnes avaient été ou étaient sdf. Loin d’être considérées comme des failles méthodologiques manifestes (bien que l’objectif de la chercheuse soit explicitement de mettre en évidence les conséquences psychiques de la pratique de la prostitution, et non de l’usage de drogues ou encore de la grande précarité), de telles statistiques sont au contraire mises en exergue afin de démontrer la déchéance provo­quée par cette activité ainsi que l’absence de choix conditionnée par la détresse économique présidant à son exercice. De la même manière, si peu de détails nous sont donnés sur les conditions de sélection des per­sonnes ayant participé aux enquêtes (en particulier les critères ayant per­mis d’identifier les “victimes de la traite” supposées lors de l’étude de 2003), on s’aperçoit néanmoins qu’un nombre important de prostituées ont été interviewées dans le cadre de structures proposant des formations professionnelles et une aide à l’arrêt de la prostitution (c’est notamment le cas de la plupart des femmes interrogées en Thaïlande et en Zambie lors de l’étude de 1998). Pourtant, la généralisation à laquelle la chercheuse prétend apparaît sérieusement affaiblie si l’on considère le fait qu’elle n’est manifestement entrée en contact qu’avec des personnes appartenant majoritairement aux segments les plus précarisés de l’espace prosti­tutionnel et/ou engagées dans un processus de sortie de prostitution17.

20 Par ailleurs, il est tout à fait intéressant de noter que si Melissa Farley entend attester le caractère per se traumatique de l’acte prostitutionnel (en l’établissant comme facteur étiologique de la survenue du ptsd), elle entretient dans le même temps constamment la confusion entre les diffé­rentes formes de violences (viols dans l’enfance, viol de l’acte prostitu­tionnel en lui-même, viols survenus lors de l’exercice de la prostitution, violences diverses, etc.) pouvant potentiellement être à l’origine du trau­matisme. Bien que ce procédé semble faire perdre de la clarté à sa démonstration, il permet cependant de discréditer toute velléité de consi­dérer une part d’agentivité dans l’entrée ou la poursuite de la prostitution. « Un trauma prolongé et répété précède, habituellement, l’entrée en prosti­tution » explique la chercheuse ; si celui-ci n’était pas avéré, il serait ainsi « cliniquement et statistiquement » prouvé que « les conditions nécessaires à un véritable consentement ne sont pas réunies » (Farley et al., 2003 :65).

  • 18 Métanoya, 2003, p. 139. Voir également l’intervention de M. Farley au congrès annuel de l’APA, le 1 (...)
  • 19 « We began this work from the perspective that prostitution itself is violence against women », (Fa (...)

21 Enfin, et surtout, il importe de signaler que les différentes recherches conduites par la psychologue ne correspondent pas aux critères établis dans le champ de la psychiatrie pour poser un diagnostic de ptsd. Ainsi, en particulier, la passation de questionnaires en « dix minutes environ » sur le lieu de prostitution ou lors du passage dans un « drop in » (Farley/Barkan, 1998) n’est pas considérée comme suffisante pour effec­tuer une telle évaluation. Il s’agit d’un aspect que l’on retrouve également dans les études francophones mentionnées plus haut puisque aucun des auteurs concernés n’a souhaité recourir à des interviews de personnes prostituées. En effet, soit le chercheur n’a pas jugé cela nécessaire compte tenu du matériel déjà existant, autobiographies et recherches diverses (Trinquart, 2002 :16), soit il a considéré que les victimes supposées n’étaient pas en mesure de fournir des « informations pertinentes » sur leur vécu prostitutionnel, « la barrière de leur situation leur [interdisant] psy­chologiquement de parler vraiment d’elles-mêmes » (Métanoya, 2003 :11). Or, la présence dans chacune de ces enquêtes de cette tension entre l’affir­mation de la scientificité du propos et la réalité d’une investigation singu­lièrement dépourvue de rigueur scientifique dans l’administration de la preuve apparaît pour le moins problématique. En effet, les quelques réserves exprimées invitant à la conduite de recherches complémentaires, eu égard à « la finesse de diagnostic utile »18, n’ont que peu de poids dans ces démonstrations entièrement consacrées à établir une correspondance entre ptsd et prostitution, et, partant, à donner une assise “clinique” à une certaine orientation idéologique19.

IV. Prostituées victimes ou victimes idéologiques, quels enjeux associés à la reconnaissance du ptsd chez les personnes se prostituant ?

  • 20 Il est en particulier intéressant de noter que les propos d’Annie Mignard, auteur, dans les années (...)

22 Depuis le début des années 2000, les contributions francophones men­tionnant la prévalence supposée du ptsd chez les prostituées se multi­plient. Cependant, on constate que l’introduction de cette catégorie psy­chiatrique n’entraîne pas fondamentalement de rupture dans la teneur des énoncés actuels au regard des écrits précédemment examinés. En effet, un usage identique de la dramatisation de la violence propre au milieu prosti­tutionnel, un recours similaire à l’argument des abus sexuels dans l’en­fance et enfin une propension identique à dénoncer la lente dégradation dont sont victimes les prostituées apparaissent dans ces textes20. Ainsi, non seulement cette utilisation militante du ptsd ne vient pas modifier le cadre d’analyse des conséquences psychiques de la prostitution, mais sur­tout elle contribue indéniablement à le renforcer.

A. S’approprier la légitimité de l’expertise médicale et contester la perspective sanitaire dominante

23 Comme nous l’avons signalé, énoncer des préoccupations médicales concernant les personnes prostituées constitue, depuis les années 1990, une prérogative des acteurs plaidant pour la décriminalisation de la prosti­tution. Bien qu’en réalité leurs interventions comportent une dimension sociale et militante débordant largement la seule question sanitaire, c’est souvent en mobilisant ce registre de la santé publique que ces acteurs ont acquis une légitimité suffisante pour inscrire leurs revendications au sein du champ politique. Or cette perspective est précisément la cible des écrits mentionnant le ptsd. Ainsi, présentées dans des encarts intitulés Les conséquences médicales de la prostitution (attac, 2007) ou encore Les risques pour la santé (Geadah, 2001 :157), nombre de contributions dénoncent le fait qu’« en dehors des ist, les effets sur la santé de l’activité prostitutionnelle sont ignorés » (Poulin, 2006 :67) :

L’aliénation du corps des femmes par les hommes est-elle inoffen­sive ? On évacue souvent les questions éthiques au nom d’un “prag­matisme” et d’une certaine urgence sanitaire. Mais à y regarder de plus près, cette urgence sanitaire évoquée à propos de la prostitution ne concerne en fait que la santé des clients et leur possible contami­nation par les mst. Quand on s’intéresse à la santé des femmes prostituées, on s’aperçoit en effet qu’une autre urgence sanitaire existe, mais que celle-ci semble rendre tout le monde indifférent. Comme beaucoup de vétérans de la guerre du Vietnam et comme la majorité des femmes violées, les femmes prostituées souffrent de l’état de stress post-traumatique (Cordellier, 2002, s.p.).

24 Plus généralement, le fait de se saisir de cette catégorie reconnue par la psychiatrie internationale confère la légitimité de l’expertise médicale et dote l’analyse d’une dimension impérative devenant alors difficilement contestable. Ainsi, le caractère moralisant de ces différents argumentaires peut désormais disparaître derrière l’apparente neutralité des chiffres et des statistiques. Si l’épistémologie nous apprend que « les protocoles de recherches épidémiologiques et médicales se prêtent non seulement aux enjeux idéologiques des résultats, mais aussi aux convictions de l’opé­rateur, à d’éventuels biais méthodologiques, au cadrage de la science à un moment donné » (Gori/Del Volgo, 2005 :259), la primauté des faits que revendique ce type d’énoncés n’en constitue pas moins un instrument idéologique de premier ordre dans un monde où la raison sanitaire s’im­pose de plus en plus comme argument suprême dans le gouvernement de la vie (Fassin/Memmi, 2004).

B. Construire un groupe homogène de victimes et parler au nom de celles qui s’ignorent

25 Outre qu’il vise à démontrer « les conséquences de la traite et de la prostitution » qui « toutes causent un tort considérable aux femmes et aux jeunes filles » (Javate De Dios, 2005 :48), cet usage militant du ptsd permet également de passer outre la singularité des expériences subjectives des personnes se prostituant en façonnant un groupe homo­gène de victimes. En effet, le traumatisme opérant « comme un écran entre l’évènement et son contexte d’une part, le sujet et le sens qu’il donne à la situation d’autre part » (Fassin/Rechtman, 2007 :412), toute tentative pour faire valoir la pluralité des situations et des vécus individuels est disqua­lifiée et la multiplicité des trajectoires se voit réduite à une seule défini­tion conceptuelle, renvoyant exclusivement à une même condition et une même catégorie d’expériences :

Plusieurs auteurs ont déjà mis en évidence une corrélation positive entre ce ptsd à l’âge adulte et des évènements d’abus sexuels surve­nus au cours de l’enfance. Or, comme la plupart des prostituées ont subi de tels évènements, cela peut expliquer en soi l’apparition du ptsd. […] Les traumatismes psychologiques sont à peu près identi­ques quelle que soit la forme de prostitution. Les auteures pensent donc que ces traumatismes sont intrinsèquement liés au fait de se prostituer, peu importent les circonstances (Peemans-Poullet, 1999 :45).

  • 21 Sur ce procédé d’« appropriation de la parole d’autrui », voir Gil F., 2003.

26 Si ce schéma interprétatif unique implique que d’importantes dimen­sions de la réalité que recouvre cette question échappent à notre regard, sa conséquence la plus importante est la confiscation de la parole des premières intéressées21. En effet, la survenue d’un évènement jugé into­lérable étant le critère fondant cliniquement l’existence d’un traumatisme et non plus les déclarations de la “victime”, celle-ci peut être traumatisée sans le savoir (Rechtman, 2005 :188-191). Ainsi, plus que jamais, le ptsd permet d’occulter ou de discréditer complètement le discours que la personne prostituée peut tenir sur sa situation :

  • 22 Et l’auteur d’affirmer ensuite que les prostituées rencontrées ont probablement fortement sous-décl (...)

Les individus traumatisés ont tendance à minimiser ou nier leurs expériences, en particulier quand ils sont au milieu d’un trauma en cours, tel que la guerre ou la prostitution (Farley et al., 2003 :57)22.

27 On le constate, ainsi placé au service d’une idéologie dans le cadre de cette lutte pour « faire reconnaître les prostituées comme victimes » (Marcovitch, 2006 :574), le ptsd autorise toutes les distorsions du réel tout comme il justifie d’aller chercher les prostituées qui s’ignorent (et ce même contre leur gré) afin de ne pas les laisser dans « le déni de leur aliénation » (attac, 2007 :21).

V. Conclusion

28 Que l’on considère la stigmatisation affectant les personnes qui exercent cette activité ou encore l’ampleur des antagonismes de valeur entourant la question du traitement que nos sociétés doivent lui accorder (faut-il l’appréhender sur le seul registre économique ou au contraire l’instituer comme problème éthique de premier ordre ?), on mesure à quel point la “prostitution” constitue un fait social dont le caractère moral est manifeste. Ainsi, proposer un énoncé sociologique qui ne soit pas tribu­taire des catégories en vigueur dans le monde social se révèle particuliè­rement problématique face à cet objet dont il semble que la caractéristique première est de ne pouvoir « être défini indépendamment des jugements qui sont portés sur lui » (Isambert, 1982 :359). Pour cette raison, plutôt que de chercher à élaborer une analyse qui mettrait à distance les polémi­ques et les clivages idéologiques attachés au phénomène prostitutionnel, il apparaît plus que jamais pertinent d’« accepter l’état de fait d’un objet éclaté [et] conflictuel » (Isambert, 1982 :361, 380) en adoptant une appro­che sociologique qui se consacre à rendre compte des controverses morales entourant cette question et à expliciter les cadres normatifs qui structurent les différents positionnements partisans.

29 C’est précisément ce que nous avons cherché à faire au cours de cette contribution, en mettant en exergue la manière dont l’identification du ptsd comme pathologie associée à l’activité prostitutionnelle s’inscrit pleinement dans le prolongement d’argumentaires antérieurs visant à dé­montrer le caractère dévastateur de cette pratique (pour les personnes con­cernées comme pour la société dans son ensemble). Érigeant la prostituée en victime hétéronome tout en discréditant l’approche sanitaire dominante centrée sur la prévention du vih et des ist, cette attention portée au ptsd s’est en outre révélée une ressource de légitimité et un instrument idéologique importants dans cette lutte pour la disparition de la prosti­tution. D’une manière plus générale, nous avons pu constater à quel point l’utilisation du registre sanitaire permet de faire disparaître, derrière la rationalité du discours médical, la dimension proprement morale mais également politique des mobilisations impliquées dans la gestion sociétale du phénomène prostitutionnel.

30 Pour conclure sur cet usage idéologique du ptsd, il apparaît fondé, en conséquence, de s’interroger sur les enjeux politiques liés à la reconnais­sance de cette pathologie. Ainsi, concernant l’encadrement juridique de la prostitution, il est significatif de constater que le gouvernement amé­ricain s’appuie sur les investigations conduites par Melissa Farley pour motiver ses orientations prohibitionnistes en la matière23. De son côté, l’Office international des migrations a récemment soutenu la réalisation d’une enquête mesurant la prévalence du ptsd chez les “victimes de la traite” (Zimmerman et al., 2006). Concluant à une proportion importante de femmes affectées par ce trouble, cette étude fournit donc à l’oim l’occa­sion de se prévaloir d’avoir mis en place un soutien psychologique adapté dans les « centres de réintégration » situés au sein des pays d’origine24. Devant l’adhésion massive des instances internationales à la rhétorique de la “lutte contre la traite”, il conviendrait d’examiner plus en détail la manière dont le ptsd se voit mobilisé pour légitimer une criminalisation de la migration à des fins de prostitution. Achevant d’infantiliser des prostituées étrangères que l’on « présume […] arrachées de chez elles contre leur gré » (Agustin, 2002), leur déniant toute agentivité dans la conduite de leur trajectoire personnelle, le souci porté à cette catégorie médicale constitue en effet un moyen privilégié de conférer aux mesures les plus coercitives (le rapatriement forcé des “victimes” supposées) l’ap­parence du geste humanitaire.

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Notes

1 L’acronyme français (ESPT) restant peu utilisé, nous conserverons la terminologie anglaise dans la suite de cet article.

2 Une bénévole du Mouvement du Nid à une prostituée de rue.

3 Considérons par exemple cette statistique impressionnante : « Une étude américaine menée à Minnea­polis montre que 78 % des personnes prostituées ont été victimes de viol par des proxénètes et des clients, en moyenne 49 fois par année (Raymond, 1999) » (Poulin R., 2005, p. 17). Il est fait mention de cette enquête dans nombre de documents. Nous avons pu constater que les auteurs ne se prononcent jamais sur les conditions de réalisation de cette enquête puisqu’ils ne disposent pas de l’étude en ques­tion, à l’exception de Janice Raymond (co-directrice de la CATW) qui, précisément, est à l’origine de la diffusion de ces chiffres.

4 Sur ce point voir Toupin L., 2002, p. 27.

5 « Enquêtes, témoignages, statistiques… Tous les indices concordent et les clignotants sont au rouge : une grande majorité de prostituées a subi des abus sexuels au cours de l’enfance. Le pourcentage est énorme : 80 % » (Coquart E., Huet P., 2000, p. 36.) Notons que les sources ne sont pas précisées.

6 « En France, on avance ici ou là des estimations allant de 40 % à 80 % » (Legardinier C., 1999, s.p.).

7 Sur ce point et sur « l’impudicité comme souillure », voir Pheterson G., 2001, p. 110-121.

8 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.

9 Ce modèle se vit par la suite consacré avec la publication, en 1994, du DSM-IV.

10 A l’exception des troubles d’origine organique (Rechtman R., 2005, p. 184).

11 Des souvenirs envahissants associés à différents signes cliniques tels que le fait d’être déprimé, d’avoir des problèmes de sommeil, d’être irritable, d’avoir des difficultés de concentration, etc.

12 Moins d’un tiers des vétérans du Vietnam ayant participé aux combats, moins de la moitié des victi­mes de viol, 4 % de ceux qui ont été confrontés à une catastrophe naturelle, etc., voir Young A., 2001, p. 110.

13 “Standing Against Global Exploitation” est un dispositif créé par d’anciennes prostituées dont la spé­cificité est d’avoir mis en place “l’école du client” pour dissuader la récidive dans l’achat de services sexuels. L’autre caractéristique notable dans le fonctionnement de SAGE est l’intérêt qu’il porte au PTSD (son diagnostic fait en effet partie des services proposés aux usagères de la structure), voir : http://www.sagesf.org/

14 Voir le site Internet de l’organisation qu’elle dirige : http://www.prostitutionresearch.com/

15 Tout en suggérant « d’étendre cette hypothèse aux personnes qui vivent la prostitution sans être victi­mes de la traite » (Métanoya, 2003, p. 142).

16 Proportion qui atteint 95 % et 70 % respectivement au Canada et en Allemagne dans l’enquête de 2003.

17 Sur ces problèmes méthodologiques, voir notamment Pheterson G., 2001, pp. 46-56 et Weitzer R., 2005.

18 Métanoya, 2003, p. 139. Voir également l’intervention de M. Farley au congrès annuel de l’APA, le 17 août 1998 : « The study is not typical scientific report, said Farley. It is research designed to document trauma to an extremely marginalized, violated group of women. She said she hopes the research results will stimulate discussion about how prostitution harms those involved », http://www.psych.org/pnews/98-10-02/ptsd.html.

19 « We began this work from the perspective that prostitution itself is violence against women », (Farley M. et al., 1998, s.p.).

20 Il est en particulier intéressant de noter que les propos d’Annie Mignard, auteur, dans les années 1970, d’un pamphlet contre la prostitution, continuent à être mobilisés au titre d’illustration des effets produits par le PTSD. A ce propos, on verra Legardinier G., 2004.

21 Sur ce procédé d’« appropriation de la parole d’autrui », voir Gil F., 2003.

22 Et l’auteur d’affirmer ensuite que les prostituées rencontrées ont probablement fortement sous-déclaré les abus sexuels subis dans l’enfance.

23 Voir : http://www.state.gov/r/pa/ei/rls/38790.htm

24 « Ouverture d’un nouveau centre de réadaptation médicale pour les victimes de la traite », voir : http://www.iom.int/jahia/Jahia/pbnEU/cache/offonce/lang/fr?entryId=9047

25 La différenciation établie ici entre les références bibliographiques “objets” et “ressources” ne relève pas d’un jugement de valeur relatif au contenu des documents cités. Elle vise simplement à distinguer ceux qui ont fait l’objet de notre analyse dans le cadre de cette contribution de ceux ayant constitué un support pour construire cette analyse.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marion David, « Santé mentale et usage idéologique de l’“état de stress post-traumatique” dans les discours sur la prostitution et la traite »Recherches sociologiques et anthropologiques, 39-1 | 2008, 55-70.

Référence électronique

Marion David, « Santé mentale et usage idéologique de l’“état de stress post-traumatique” dans les discours sur la prostitution et la traite »Recherches sociologiques et anthropologiques [En ligne], 39-1 | 2008, mis en ligne le 02 mars 2011, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rsa/410 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rsa.410

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Auteur

Marion David

Doctorante, cens - Université de Nantes / anso - Université catholique de Louvain.

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