Texte intégral
- 1 Larzac 2019b, L’Emparaulada, 51’16-18.
- 2 Larzac, Oralitat e Umanitat 31, 2’35-2’39 (et il répète : 2’40-2’42) Un peu avant : « eren de roges (...)
« Òm a totjorn lo dret de pensar1. »
« Pus roge que ieu, sabi pas çò que vòl dire2. »
Joan Larzac
- 3 À la fin de l’hommage qu’il écrit pour son frère dans le dossier consacré à celui-ci dans la Revue (...)
- 4 Nous renvoyons à l’article de Philippe Gardy dans ce dossier de la Revue des langues romanes.
- 5 On verra notamment Eygun 2017 et Raguin-Barthelmebs/Chambon 2017.
- 6 L’épisode est maintenant bien connu. Cf. Raguin-Barthelmebs/Chambon 2017 ; Larzac 2017 ; à ce sujet (...)
- 7 Et notamment des puissants qui accèdent à des postes à l’université cf. Oralitat e Umanitat 38, 6’3 (...)
- 8 Il militait au sein de Volem viure al pais qui « es un moviment que se lancèt justament sus aquèla (...)
- 9 Étudier l’occitan à l’université de Montpellier au cours de la première décennie du xxie siècle, si (...)
- 10 On verra l’article de Philippe Martel dans ce dossier.
1Si Jean/Joan Rouquette/Roqueta, alias Joan/Jean Larzac, est connu des études occitanes comme auteur, traducteur3, éditeur en langue d’oc et militant pour une Occitanie libérée de l’empire colonial français (libération administrative, politique et culturelle), si son œuvre est aujourd’hui reconsidérée par la critique4 après une longue période de silence liée à l’opprobre qui les a frappés, son frère Yves Rouquette et lui5, pour avoir été dissidents de la doxa socialo-régionaliste6 des puissants7 et avoir milité pour une décolonisation des terres d’oc8 (a priori pacifique), si l’histoire de l’occitanisme contemporain a cessé de taire l’importance de son œuvre et de sa pensée9 militante et révolutionnaire publiée entre 1960 et 1975 par les principaux éditeurs en langue d’oc10, si, même, il est aujourd’hui loué et primé comme auteur occitan, l’occitanisme n’est en fait qu’une partie de sa vie, de ses engagements d’homme.
- 11 Larzac est celui qui se bat et se battra pour les luchas de libération d’autres pays (comme de l’Oc (...)
- 12 On pensera à ses publications d’études bibliques (essentiellement à celles en français) dans des re (...)
- 13 Larzac 2019b, L’Emparaulada, 34’37-35’03. Larzac : « Alara que ma vocacion, parlavas de ma vocacion (...)
- 14 C’est ce qu’affirme la notice du Maitron le concernant. Sa participation sur ce sujet au premier nu (...)
- 15 Jean Rouquette, « Les méthodes d’analyse structurale. Les études parues en français », Études théol (...)
- 16 Cuvillier 2016, paragraphe 19.
2De surcroît, cet homme est un prêtre, et avant cela un séminariste ; un curé rouge et de lutte11. Jean Rouquette est bibliste et auteur de plusieurs études et articles scientifiques publiés dans des revues et ouvrage collectifs. Il est inséré dans le réseau catholique et œcuménique des biblistes français12. Il appartient à cette mouvance dogmatique catholique qui fit les prêtres-ouvriers puis Vatican II et la théologie politique avec, à sa fine pointe, la théologie de la libération dont il se réclame aujourd’hui et déclarant qu’elle a toujours été la sienne13. De son activité d’enseignement et d’œcuménisme, un fait semble remarquable car il caractérise sa pensée : le prêtre Rouquette/Larzac est un exégète structuraliste. Il est celui qui implantera l’exégèse structurale à la Faculté libre de théologie de Montpellier14 et c’est sur ce sujet qu’il publie en 1973, la même année que Per una lectura politica de la Bíblia, dans la revue de la Faculté protestante montpelliéraine Études théologiques et religieuses un article intitulé sur les études structurales en domaine biblique15. Le structuralisme a constitué à partir des années 1960 en France et dans l’espace francophone, catholique comme protestant, une alternative à la méthode d’exégèse historico-critique16.
3On doit donc considérer, pour redonner sa cohérence à son œuvre intellectuelle comme à ses actions, que Jean Larzac est un intellectuel ecclésiastique qui se saisit des affaires occitanes. Ce n’est pas un occitaniste qui est prêtre, c’est, au faîte de sa carrière, un professeur d’Écriture sainte au séminaire qui milite pour la cause occitane, comme il le fera ensuite à partir de 1987 pour le Liban, l’autre grand chantier de sa vie.
- 17 Il ne s’agit à l’évidence pas de dire que l’Occitanie se serait débarrassée de la France, on ignore (...)
4La distinction est essentielle. D’abord, elle seule explique l’engagement, la pensée, et le parcours de Jean Rouquette/Joan Larzac. Ensuite, c’est un renversement de paradigme pour considérer son œuvre d’auteur et sa pensée qui relève de ce procédé intellectuel que l’on nomme déconstruction. Déconstruction des prétendus savoirs, de cette manière de penser et de faire qui consiste à croire, sans réexamen critique, ce qui a été dit, écrit et transmis sur un sujet donné. Et dans le cas des frères Rouquette la démarche est essentielle pour comprendre un cas de (vilaines) affaires occitanistes du microcosme montpelliérain qui eut des conséquences de premier ordre sur l’histoire de la France à la fin du xxe siècle quand s’émancipent plus ou moins les colonies17.
- 18 Joan Larzac, Oralitat e Umanitat 35, « es lo biais de se sentir, quand mèmes, d’un endrech » (6’44- (...)
5Si, comme nous le pensons avec Joan Larzac, nous assistons à la fin de l’agonie de la langue d’oc (et de son mond ensebelit) et donc de sa littérature et de ses cultures locales (pour les Rouquette, nous sommes et nous parlons d’un endrech18), au-delà des bons sentiments qui soulagent la conscience des uns et des autres, il s’agit pour la science de dresser des bilans, non militants cette fois. Seule la déconstruction des mythes des bons militants, des bons régimes, et des bons leaders peut faire ce travail et permettre de mieux connaître cette époque charnière de l’occitanisme politique comme lutte sociale (1960-1980) dans ses idéologies, ses acteurs, ses actions, et in fine, ses résultats.
- 19 Lafont publie chez Gallimard, et Larzac, avec le sous-titre pamflet, à Ardouane, dans 4 Vertats.
6L’activité intellectuelle de Larzac pour les affaires occitanes, est un militantisme qui s’exerce à travers ce que l’homme, le séminariste, puis le prêtre sait faire : penser et disserter. Il faut d’ailleurs noter, si on veut bien redonner toute leur place à ses écrits littéraires comme intellectuels des années 1959-1980, et qu’il s’agisse du foisonnement de ses publications ou de leur hauteur intellectuelle, que Joan Larzac, en plus d’être un grand poète, est une figure majeure du développement de la pensée de l’occitanisme politique, mais aussi de l’histoire (militante) de la littérature d’oc. Le seul, en fait, qui ferraille alors sur ce terrain avec Robert Lafont (notamment Lafont 1968, et 1971). On pensera ici à Lafont 1968 Sur la France, et Larzac 1969 Sous la France, et appréciera l’ironie19.
- 20 L’œuvre de Marie Rouanet n’est pour ainsi dire que très peu étudiée. La critique littéraire s’occup (...)
- 21 Jean Larzac a reçu la nationalité libanaise en reconnaissance de son œuvre de paix dans le pays ave (...)
7On peut faire l’hypothèse que ce statut de prêtre catholique détonnait dans le militantisme rouge de l’occitanisme des deux décennies 1960-1980 qui feint d’ignorer le catholicisme d’extrême gauche, de la même manière que la profonde religiosité chrétienne d’Yves Rouquette et de Marie Rouanet est jusqu’à peu demeurée un hors-champ des études de leur œuvre20. Jean Rouquette/Larzac se définit lui-même comme prêtre et sa production littéraire, scientifique et militante, qu’elle s’écrive en français ou en occitan ressortit de cet engagement premier, parfois foncièrement occitaniste parce que militant pour la décolonisation et la voix des opprimés ; ou pour le Liban car il est Libanais d’adoption21.
- 22 On pensera ici aux poèmes qui composent le recueil Se rauqueja ma votz.
8Si l’on porte attention à cette donnée constituante en laquelle consiste sa prêtrise, il est possible de relire sa production littéraire, intellectuelle, et son action dans le monde de langue occitane, et de la corréler à la vie de l’homme qu’il est, de ses charges et de ses réalisations, pour prendre conscience du tout cohérent ainsi formé. Rouquette/Larzac militant pour l’occitan et ce qu’il conçoit comme l’Occitanie conquise par une croisade et opprimée par la France est un prêtre chrétien révolté, travaillant à la décolonisation des peuples opprimés et c’est dans sa prêtrise que se fonde son engagement pour les terres d’oc, et non l’inverse. C’est le message de justice et de libération du Christ qui l’autorise à se révolter, c’est sur le modèle de Jésus, presque zélote, qu’il se fait révolutionnaire. Rouquette/Larzac poète en langue d’oc mais n’est pas poète de l’Occitanie (sauf dans des cas précis), il est poète du monde en occitan, de sa Création et sa cosmogonie, de ses petites choses, de la famille, des gens communs, ou particuliers, des paysages de la Terre, et surtout du Liban, sa deuxième terre22.
- 23 Ci-après abrégé Lectura.
9Nous examinerons ici la manière dont sa prêtrise et la théologie qui anime sa foi chrétienne, et qui est le creuset de sa pensée, sont un moteur pour penser et agir en occitaniste, et pour la décolonisation des peuples opprimés particulièrement à partir de ce qu’il en exprime dans Per una lectura politica de la Bíblia23.
- 24 La première publication occitane de Jean Rouquette recensée ici par François Pic dans sa bibliograp (...)
- 25 Oralitat e Umanitat 29, 3’26-5’10.
10Lorsque le jeune Jean Rouquette, alors dit Joan Roqueta, commence à écrire et à publier en occitan au début des années 196024, Robert Lafont lui recommande de se trouver un nom d’auteur, car il y a déjà trop de Rouquette dans les Lettres d’oc contemporaines25. De fait, Jean Rouquette, pendant un cours de théologie à Paris où il est étudiant, pointe pour ce faire au hasard avec son doigt sur une carte géographique le plateau du Larzac. Le voilà renommé. Bien qu’un peu déçu de ne pouvoir préserver ses initiales (J. R. devenant J. L.), il se dit, a posteriori, heureux parce que le Larzac est le pays voisin du sien.
- 26 C’est sous ce nom qu’il publie en français, et qu’il est enseignant et prêtre.
- 27 Signifiante, évidemment, parce que le Larzac est le pays voisin du sien, et non pour les luttes du (...)
- 28 Oralitat e Umanitat 29, et 30 (0’30-0’56).
- 29 Raguin-Barthelmebs/Chambon 2017.
- 30 Jean Rouquette est fondateur de l’association Offrejoie France, branche d’Offrejoie un projet de vi (...)
11Alors que « Joan Larzac » devient le nom de l’écrivain et militant occitan que nous connaissons. « Jean Rouquette » demeure le nom du prêtre de l’Église catholique, apostolique et romaine ordonné en 196526. Selon notre analyse, cette concurrence de deux noms d’auteur pour le même homme — dont un est un nom de famille, et l’autre, un peu par hasard, un nom de pays à l’identité signifiante27 — n’est pas signe de scission ni dans la pensée ni dans l’action de celui qui dit s’appeler, en définitive, « Joan28 ». C’est une même inspiration qui fait écrire et œuvrer l’homme qui participe à la revue Viure29, qui dirige 4 Vertats, qui écrit (remarquablement jeune) le « Que sais-je ? » sur la littérature d’oc (1963), qui est prêtre catholique au Liban et fondateur de l’association30, qui enseigne au Grand séminaire, ou qui dit la messe à Saint-Georges d’Orques.
- 31 Interrogé sur sa vocation de prêtre Larzac commence par explique ce sentiment de bien-être et de fa (...)
- 32 Oralitat e Umanitat 30, 1’59-4’00.
- 33 Lorsque sa mère vient le chercher à la fin de la guerre et qu’il rentre à Sète, avant son frère, il (...)
- 34 Oralitat e Umanitat 30, 5’33-5’39.
- 35 Une situation bien différente de celle vécue par Yves Rouquette au Pont de Camarès. Oralitat e Uman (...)
- 36 Voir infra, citation de Larzac (2013) in Larzac 2021b.
- 37 Larzac 2017, et L’Emparaulada.
12Nous insistons sur cette absence de dichotomie : ces deux noms semblent bien n’être que deux manières commodes de désigner un même homme, Joan, sur un même chemin de vie, et dans lequel, lui-même, et nous, voyons une grande unité d’idées et d’action. Il n’y a pas le Larzac de l’occitanisme, et le Rouquette des études bibliques. Les intersections sont multiples : la pratique active de la langue occitane et le sentiment d’être chez soi dans une église31 naissent concomitamment dans la vie de Jean Rouquette. C’est à Couffouleux que l’église est comme sa deuxième maison (c’est en tout cas ainsi qu’il l’origine dans son récit de vie32), et qu’il se met à jouer en occitan avec ses camarades de la campagne, lorsqu’il est réfugié chez sa tante et son oncle pendant la guerre33. Si l’on s’en tient à la chronologie de ses engagements d’homme c’est bien la prêtrise qui est son engagement premier : à onze ans il demande à entrer au séminaire, pour en sortir curé et non pas pour quelques années de formation34. Sa vocation à la prêtrise est née alors qu’il est tout enfant. C’est cet enfant-là qui parle occitan avec tout le monde au village35, parce que c’est sa langue, la langue des siens36. Si les parents des frères Rouquette leur parlent en français, la langue véhiculaire des adultes de la famille entre eux est l’occitan37. En somme, Jean Rouquette est un prêtre occitan dont le nom de plume, en matière d’écriture occitane et comme personnage public de l’occitanisme et des études d’oc qui fondent sa réputation dans cette écriture, est Joan Larzac.
- 38 Larzac 2017.
- 39 Les concepts de révolution et de fête marchent ensemble dans la pensée de Joan Larzac, c’est d’aill (...)
13Larzac est donc la voix occitane d’un prêtre occitan, Jean Rouquette, fervent disciple de Vatican II38. Engagé dans ce siècle pour les grandes causes postconciliaires de la décolonisation, il est lecteur et praticien de la théologie politique et de la théologie de la libération, et d’âme profondément révolutionnaire39. Si toute son œuvre de commentaire biblique et d’expression d’une pensée théologique et d’un enseignement religieux est marquée par la théologie politique, voire par la théologie de la libération que nous pouvons y reconnaître du point de vue de ses écrits occitans, c’est son livre Per una lectura politica de la Bíblia (IEO, 1973) qui constitue à la fois l’acmé et la pierre de touche de sa pensée de prêtre occitan et occitaniste, à lire avec ses autres écrits.
- 40 L’Occitanie semble être un territoire constitué de l’ensemble des terres de langue occitane, dont l (...)
14Il semble qu’avec l’occitanisme, qu’il vit comme la lutte pour décolonisation de l’Occitanie40, il embrasse une cause qui entre en résonnance avec ses croyances chrétiennes en une justice qui passent foncièrement par la décolonisation des peuples et cultures opprimés, tels que l’affirme alors la théologie de la libération qui est dans l’air du temps. Il aurait pu s’engager pour n’importe quelle autre cause qui lui aurait semblé juste — comme la paix au Liban et au Proche-Orient et Moyen-Orient par exemple —, mais différemment aussi, parce qu’en Occitanie il est chez lui, dans sa langue et sa culture, dont il maîtrise les codes écrits, comportementaux et oraux. Larzac est donc un intellectuel catholique foncièrement révolutionnaire qui milite, en occitan — car c’est sa langue —, pour la libération de sa terre. Comme le fit avant lui Camillo Torres, ce prêtre argentin révolutionnaire mort au combat mais dont on retient qu’il était prêtre, alors même qu’il avait abandonné la prêtrise pour prendre les armes et combattre pour ses idées : c’est ce que rappelle Larzac lui-même, qui le cite en exemple à la toute fin de Per una lectura politica de la Bíblia (1973, p. 191).
15Si l’on considère la vie, l’histoire et le souvenir de Camillo Torres comme maître étalon, il semble qu’il y ait une distorsion propre aux études occitanes — et à leur occitanisme ? — à oublier que Larzac est un prêtre pour en faire un poète, un essayiste etc. occitaniste ; comme si la prêtrise devenait l’élément secondaire de l’énoncé. Il est vrai qu’ont participé au brouillage de son image les multiples casquettes de Larzac militant et penseur, ses deux noms d’auteur, la propension des prêtres ouvriers et affidés à faire oublier leur prêtrise tant ils sont perçus comme des hommes d’action (sociale, mais aussi intellectuelle), ainsi que sa carrière professorale qui fit qu’il ne devint que très tardivement curé de paroisse. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de penser que Camillo Torres fut autre chose qu’un curé révolutionnaire luttant pour la justice et l’équité dans son peuple ; et ce, alors même qu’il meurt les armes à la main et défroqué. La différence avec Larzac, au-delà de l’évidente absence de lutte armée des occitanistes, réside certainement aussi dans le fait que Torres n’est pas un auteur, ce qui ne défocalise pas l’image du prêtre guerillero, et concentre l’information sur sa lutte.
16Jean Rouquette/Larzac, lui, a vécu et œuvré toute sa vie pour la justice à l’égard des peuples opprimés. D’abord comme révolutionnaire décolonisateur en Occitanie (en fait, surtout en Languedoc), puis comme artisan de la paix sociale, avec Offrejoie notamment, au Liban puis au Proche-Orient, dans une forme de révolution tranquille qui se fit réforme de cohésion nationale interreligieuse. Dans ce dernier cas, ce fut un succès. La différence de réussite des deux entreprises semble s’expliquer par, du côté libanais, la synergie des bonnes volontés, et de l’autre, occitan, l’isolement puis la mise au ban des Rouquette, en plus de la nature de l’État et de la représentation populaire de ses élus.
- 41 On pensera à la table établie « Del meteis autor » dans Larzac (1973, p. [6]).
17De la même manière que pour Camillo Torres, seul exemple de révolutionnaire contemporain qu’il cite, et d’ailleurs seul révolutionnaire qu’il cite à part Jésus dans sa Lectura, en Joan Larzac c’est l’homme-prêtre qui s’engage en occitanisme, c’est le prêtre qui écrit en occitan et qui comme bibliste se fait traducteur de la Bible dans cette langue. Par ailleurs, la très grande majorité de ses écrits théoriques et littéraires sont d’inspiration chrétienne ; on s’en convaincra à la lecture de son œuvre. Si ses ouvrages de jeunesse créent une répartition entre écrits religieux (études et poésie) et écrits politiques (études et poésie41), ses deux derniers recueils de poèmes Se rauqueja ma votz et L’an que ven d’onte ven entremêlent des textes et des motifs religieux, politiques, contemplatifs et quotidiens, et on y trouve, au-delà des textes strictement bibliques, ou d’inspiration chrétienne, l’expression d’une mystique.
- 42 Jean Larzac explique, avec franchise et humilité, que le choix de la prêtrise fut pour lui, aussi, (...)
18Ce n’est pas non plus l’occitanisme mais encore la prêtrise et sa formation intellectuelle théologique qui le mène à la théologie politique et à la théologie de la libération. Il s’engage certainement de la sorte en occitanisme car il est déjà un « révolutionnaire de Dieu » sensibilisé par son frère aux luttes occitanes. Par conséquent, entre le sentiment de soutien mutuel avec son frère, la conscience d’embrasser une cause qui rencontre les critères de l’idéologie qui fonde son engagement dans la prêtrise et qui est, a fortiori, sa propre cause — au sens de cause des siens — et le fait de pouvoir s’y faire une place utile — et prestigieuse42 — de penseur, tous les critères semblent réunis pour faire de Rouquette/Larzac un prêtre occitaniste.
- 43 Voir supra Larzac 2019b, L’Emparaulada, 34’37-35’03.
- 44 Larzac (2019b, L’Emparaulada) : la seconde partie de son entretien avec David Grosclaude, à partir (...)
19L’occitanisme n’est qu’un des deux grands chantiers de sa vie en faveur de la décolonisation physique, administrative, culturelle et idéologique. L’autre étant le Liban — et ce, alors même qu’il se sentait appelé en Amérique du Sud43 — puis du Liban, tout le Proche-Orient, et la Palestine44.
- 45 « Nos siam pas pus parlat qu’en patés / dempuèi que me faguères encapar / qu’èra “la lenga d’oc” / (...)
- 46 Larzac 2019b, L’Emparaulada, 13’46-14’03. « Gràcias a mon fraire, que s’èra lançat dins l’occitanis (...)
20Larzac vient à l’occitanisme par son frère à travers un double mouvement d’apprentissage et de prise de conscience que leur « patés » est « “la lenga d’òc” ». C’est ainsi qu’il le dit en occitan dans les vers 1-3 et 10-11 du poème Larzac (2013) dans le recueil L’an que ven d’onte ven (Larzac 2021b, p. 301), déclarant que dès lors il ne s’est plus senti qu’Occitan en tant que locuteur de patés et lenga d’oc (sans occurrence donc d’occitan comme nom de langue, mais avec « Occitan » comme gentilé45). C’est ainsi aussi qu’il le complète dans son entretien télévisé de L’Emparaulada46.
- 47 Larzac (2013) in Larzac 2021b, p. 301.
- 48 « Auriái aimat Cesari » incipit du poème et titre de celui-ci (comme presque systématiquement chaqu (...)
- 49 Voir la notice du Maitron sur Jean Rouquette (Larzac). Ajari 2017, Larzac 2019a, p. 176.
- 50 On pensera ici à son Descolonisar l’istòria occitana, IEO, t. 1 : 1977, t. 2 : 1980, et avant cela (...)
21Si c’est à travers le discours de son frère qu’il prend conscience de la radicalité intrinsèque de leur position de locuteurs de la langue d’oc, il semble très probable que, étant donné leurs trajectoires et formations respectives (Yves Rouquette fut l’élève de Robert Lafont), c’est à partir de la pensée et des lectures chrétiennes révolutionnaires de Larzac que les deux frères empruntent cette voix de rupture avec ce qui est vécu comme « la lenga de l’autre » (« la langue de l’autre » dans sa traduction, ibid. v. 747) c’est-à-dire le français et donc la France ; figure de l’altérité s’il en est pour l’Occitanie, parlée, vécue, et in fine à libérer dans le discours qu’ils fondent de leurs deux voix littéraires et politiques. Les deux frères Rouquette furent lecteurs d’Aimé Césaire48 et de Frantz Fanon, et partisans de la lutte contre le « colonialisme intérieur » et « l’aliénation culturelle49 ». Les grands textes de décolonisation de Joan Larzac sont évidemment Descolonisar l’istòria occitana50, L’estrangièr del dedins (1968), ou Refús d’entarrar (1969).
- 51 C’est Yves Rouquette dont le professeur à Sète était Robert Lafont qui lui fit connaître les affair (...)
- 52 Voir Larzac 1977-1980. Oralitat e Umanitat 39, voir aussi 30 et 32.
- 53 Oralitat e Umanitat 38.
- 54 Chambon/Raguin-Barthelmebs/Thomas 2018, p. 437, 442-443.
- 55 Oralitat e Umanitat 30, 7’57-8’20.
22Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il soit, avec son frère, et ce dernier certainement sur son modèle51, pour la libération des terres d’oc de leur domination par la France, acquise par conquête militaire52, et non le tenant d’un régionalisme tiède et accommodant avec la France éternelle, au prix d’un certain clientélisme politico-universitaire53, et que ce point ait été celui de la rupture avec l’équipe lafontienne du COEA54. Jean Rouquette, alias Joan Larzac, n’a rien d’un militant régionaliste. À la manière de son ami Jean Cardonnel, il n’a rien non plus d’un homme qui transige avec ses convictions. C’est un prêtre, foncièrement rouge, militant de la décolonisation et soutien à la cause occitane. La décolonisation de l’Occitanie n’est pour lui qu’une parmi d’autres (Occitanie, Amérique Latin, Liban), et il fut encouragé dans ses luttes par l’expérience algérienne. C’est ce qu’il dit ainsi : « E ieu de sosténer los, las luchas per la liberacion dels autres paises començèt per mon engatjament (hésitation), per l’independéncia d’Argeria, (hésitation), aquò, (hésitation), me, me butèt a, a flatir pas dins mon engatjament per mon pais55 ».
- 56 Oralitat e Umanitat 30, 7’13-55.
- 57 La causo mistralienne, la cause du peuple [communiste], et la causa dei pòples, l’association d’idé (...)
- 58 Oralitat e Umanitat 30, 7’13-15.
23Pour Larzac, il y existe une forme de lutte internationale pour la justice, un mouvement, non coordonné, qui voit naître des revendications comparables de justice et de libération, qui s’il perd ici, gagne ailleurs56. C’est ce qu’il appelle « la causa dei pòples57 », dont il a l’espoir qu’elle gagne58.
- 59 Celle pour laquelle s’est engagée Camillo Torres.
24Plus encore, c’est la manière dont se structure la lutte interne révolutionnaire contre un pouvoir central inique en Colombie par exemple59, ou de Jésus contre les Romains ou contre les abus des responsables politiques et religieux de son propre peuple juif, qu’il prend pour modèles dans sa Lectura, en tant que pensées et actes de théologie politique.
- 60 Celui dont il tient « ma lenga », cf. le titre (qui est aussi l’incipit) d’Es pas vertat que pensi (...)
- 61 Ainsi, il écrit dans le poème Es pas vertat que pensi dins ma lenga, in : Larzac 2021b, p. 181, v. (...)
25Larzac, comme le Colombien Torres ou le Juif Jésus embrasse la cause de son peuple60, opprimé par l’envahisseur et/ou le pouvoir central corrompu et collaborateur ; il lutte pour l’avenir en puisant dans le souvenir d’un monde désormais enseveli61.
- 62 Il ne faut jamais perdre de vue que son christianisme semble être la clef de voûte du discours et d (...)
26La Lectura politica de la Bíblia frappe par sa manière de parler de révolution : les luttes qu’il constate dans le monde au moment de l’écriture de ce livre et au cours des années qui précèdent (y compris celles pour lesquelles périt Torres), il les lit déjà dans la prédication de Jésus comme dans l’élan des peuples autour de 1968. Ces évènements temporels appartiennent pour lui au domaine de la révolution, du changement de paradigme, de la libération et sont pris, en définitive, dans une chaîne de sens qui les articule entre eux à travers sa lecture chrétienne de l’histoire et du temps dont la justice, le jugement, la résurrection et la Parousie christique sont les éléments derniers et structurants62.
27Nous procéderons à une série de remarques portant tant sur le livre comme objet matériel et imprimé que sur le contenu intellectuel et doctrinal des écrits qui y sont imprimés. Nous montrerons combien l’objet, forme et fond, est porté par une même pensée dans sa conception.
- 63 La citation du livre de la Sagesse, seulement donnée sous « lo libre de la Saviesa », est par nous (...)
- 64 L’emploi de ce symbole porte le regard vers le Moyen-Orient, les pays arabes, et certainement le Li (...)
28Ce livre est paru dans la collection A tots de l’Institut d’Estudis Occitans (dit l’IEO) en 1973, avec pour couverture, sur fond bleu roi, des dessins christiques et des citations bibliques en occitan) — écrits à la main et dessinés au trait blanc, accompagnés de deux citations identiques de 1 Co, 3.21 sur la 1re et la 4e de couverture, ainsi que du livre de la Sagesse aussi sur la 1ère de couverture63. La citation de 1 Co figure sur la 1re et la 4e de couverture mais n’est attribuée que sur la 4e. Sur la 1re de couverture la seule attribution qui figure est celle de Livre de Sagesse. Les première et quatrième de couverture constituent un ensemble visuel, et le livre doit être déplié et mis à plat ouvert face contre terre pour que le lecteur puisse admirer deux Christs en croix, le second (celui de la 4e de couverture) placé en haut de l’index d’une main de Fatima64 qui représente le monde terrestre et maritime des hommes et des animaux surplombé par le ciel ; le Christ constitue visuellement la jonction entre ces deux espaces. Ces deux couvertures se répondent, comme se répondent les citations de 1 Co 3.21.
29Sur ces deux couvertures (1re et 4e) on fait correspondre au texte évangélique et doctrinal (1 Co 3.21) la littérature sapientiale. En effet, le Livre de la Sagesse appartient au corpus des livres deutérocanoniques, répertorié au sein des textes poétiques et sapientiaux catholiques (et de certaines obédiences orthodoxes).
30Les dessins et l’écriture des citations sont non attribués mais certainement de la main de l’auteur. Les deux citations de 1 Co sont écrites à l’intérieur des dessins : celle de la 1re de couverture à l’intérieur du Christ, et celle de la quatrième de couverture dans le bas de la main de Fatima.
- 65 Il y a bien ici des accents sur « vòstre », absents sur la 1re de couverture (cf. infra), mais pas (...)
- 66 Nous copions ici la citation sur la quatrième de couverture. Il faut noter que la coupure des ligne (...)
- 67 Nous rendons à nouveau la cursive par l’italique. À noter que 3/21 sort du cadre défini par le trai (...)
311 Co 3.21 est un texte sur la responsabilité et l’inscription de l’autorité de l’homme sur le monde et sa marche dans la filiation à Dieu à travers le Christ. En occitan de Joan Larzac « tot es vòstre/e lo mond/e la vida e la mort/lo temps present e lo temps a venir/tot es vòstre/vosautres siatz del crist/e lo crist es de Dieu65 » ainsi attribué à la fin de la citation dans le bas du poignet de la main de Fatima66 : « I Corintians 3/2167 ».
32Sg 1, 13-15 est au contraire un texte sur la liberté ainsi composé : « Dieu a pas facha la mòrt. quand se perdon / los vius El s’en regaudís pas. / çò que creèt El, o faguet per que perdure, tot. / Totas las creaturas del mond / son pel salut / Dins cap d’eles i a pas caps de poison de mòrt / l’infèrn regna pas sus la tèrra / car la Justícia es immortala » ainsi attribué à la fin de la citation centré à la ligne suivante : « lo libre de la saviesa ».
33La responsabilité, la liberté, la quête de justice ainsi que l’énoncé du fondement biblique et christique de l’autorité de l’homme pour agir sur le monde — et son devoir de le faire — sont ainsi les auspices du livre dont ces deux citations disent tout à la fois le sujet, la thèse et l’argumentation.
- 68 Soit : « J. Larzac — lectura/politica de la Biblia ».
34La 1re de couverture comporte l’indication rudimentaire du nom de l’auteur « J. Larzac » et de ce titre de combat, séparé par un tiret, qui se donne comme programme « lectura politica de la Biblia68 ». L’énoncé de ce titre, raccourci de sa déclaration d’intention ou de contribution à contenu dans Per una qui complète le titre sur la page de titre, fait de la couverture une affirmation forte que le livre est déjà pleinement une lecture politique de la Bible, et non qu’il participe de ce mouvement. Il y a là une étape dans l’affirmation ferme de l’auteur quant au contenu et la hauteur de vue son œuvre.
- 69 Per una lectura politica de la Bíblia.
35La page de titre (non paginée, [p. 5]) donne le titre complet (et son accent sur l’occitan Bíblia69), le nom complet de l’auteur Joan LARZAC, mais surtout deux autres citations : 1 Co 3.22, le verset successif de celui choisi pour les couvertures, placé cette fois en écho, non plus au livre de la Sagesse, mais à une « Cançon de Roërgue » que l’on interprétera comme un texte poétique profane de louange. Cela crée une alternance entre une louange biblique et une louange aveyronnaise, comme écho entre deux peuples, deux temporalités, deux histoires qui se disent par contre, à travers l’action — de traducteur — de Joan Larzac, dans une même langue, puisque c’est en occitan que se lit de livre de la Sagesse cité par lui. Le texte de cette cançon est celui, avec des variantes substantielles, de la deuxième strophe de la chanson aveyronnaise connue sous le titre Sèm montanhòls. On pourrait être tenté d’interpréter la louange comme, cette fois, populaire, mais ce serait méconnaître que le texte biblique est pour Larzac celui d’un peuple, et donc populaire au sens plein, et que c’est son statut littéraire qui donne sa dignité au texte, comme son statut de récit biblique et de louange (des conditions que rencontre — partiellement — la Cançon de Roërgue).
361 Co, 3.22 dit l’autorité de l’homme sur le monde (et donc sa liberté) tout en rappelant une fois encore que l’homme appartient au Christ, qui lui-même vient de Dieu. La chanson rouergate, elle, est une louange à Dieu dont tout provient en ce monde, et une prière pour que se perpétuent longtemps ses bénédictions.
37Le système d’alternance entre doctrine et sagesse pour encadrer la réflexion de Larzac se répète, et en cela aussi la page de titre fait écho à la couverture et à la manière dont elle est conçue. On pourra appliquer le raisonnement à tout le livre, Larzac n’ayant de cesse d’établir des parallèles entre les événements et situations vécus par les contemporains de la Bible et essentiellement connus à récits testamentaires et faisant l’objet d’études bibliques et exégétiques, et celle des Occitans et des peuples colonisés et opprimés de la seconde partie du xxe siècle.
- 70 On se souvient que Jean Larzac connaît la littérature médiévale en langue d’oc, et par conséquent u (...)
- 71 Il faut remarquer, car c’est intéressant pour bien saisir comment Larzac lui-même percevait sa prod (...)
38Larzac signale par ailleurs dans son introduction (p. 10) que le poète (contemporain ou médiéval70) succède au prophète, et qu’à côté d’eux « l’exegèta pòt tanben portar pèira » (p. 11). La fonction professorale et poétique — que Larzac incarne réellement pour le christianisme et l’occitanisme dans ses deux fonctions d’homme, à la fois prêtre et militant et penseur d’une Occitanie libre — remplaçant celle prophétique pour faire l’exégèse du texte. Le choix de la Cançon de Roërgue est aussi un ancrage profane et marqué culturellement, chronologiquement et géographiquement en Occitanie (et dans les lieux d’origine des Rouquette) face au texte sacré issu de la lointaine Terre sainte né à une époque reculée dans le temps. C’est une élégante manière de dire à la fois l’actualité et l’universalité du texte biblique selon Larzac, et le modèle d’exercice auquel il va se livrer dans les différents essais qui constituent le livre71. Le Rouergue est ici la terre d’un auteur qui tend à l’universalité à travers la Bible, et son exégèse politique.
- 72 Larzac 1973, p. 9-10.
- 73 On note ici l’absence de majuscule, alors qu’elle est bien présente pour les Occitans trois lignes (...)
- 74 Larzac 1973, p. 10. On remarquera que les Occitans ont droit ici à une majuscule niée aux Français (...)
- 75 Il faut bien le comprendre ainsi car Jésus est un juif, mais pas tout à fait comme les autres, voir (...)
39C’est exactement là sa démarche : dès le bas de la première page de son introduction72, il propose de relire Actes 1.22 de la manière suivante « Josieus (franceses73, etc.) e vosautres totes que demorata a Jerusalem (París…) sachètz aiçò e botatz-vos dins las aurelhas mas paraulas : Jèsus, aquel òme (los Occitans74 aquel pòble) qu’avètz vosautres crocifiat (alienat), Dieu (nosautres) l’avèm ressucitat e establit jutge dels vius e dels mòrts (de l’Istòria). » On le remarque : la technique, typique de la prédication exégétique, consiste à actualiser la lecture du texte biblique pour le public de la Lectura en faisant pour lui, dans les parenthèses, un travail de relecture cohérente avec les événements et le sujet qui occupe l’auteur. Si les premiers points de suspension signalent un universalisme de la pensée car ce sont les Français et les autres (les peuples oppresseurs auxquels appartiennent des entités en quête de liberté75), le sujet se resserre bien au problème des pays d’oc dès lors que sont mentionnés les « Occitans ». L’effet de cette leçon univoque doit conduire à une interprétation plus précise des « etc. » et « … » du début la traduction-relecture interprétante de Larzac pour Actes 1.22. Le procédé se fait donc à rebours et rejaillit sur la totalité de la citation. Il s’agit des points de définition du contexte : l’oppresseur et le lieu sont à choisir, et peuvent être changeants mais le texte biblique, et son message, et donc l’exégèse que l’on en fait, restent valables en tout lieu et en tout temps, constituant un invariable. Une fois cela déterminé, les victimes ont un statut défini et immuable. Cela constitue graphiquement déjà un signe de la nature du statut constant de la victime derrière les masques.
40À la suite de cette première substitution définitoire de sa pensée dans le cadre des essais de ce livre, il se propose d’occitaniser le Tigre et l’Euphrate du Ps 137 : « Al ras dels flumes de Babèl que son lo Ròse e la Garona76… ».
41Ces premiers moments de l’introduction disent bien le postulat du livre tout entier.
- 77 Cette mention de « sistematic » doit être interprétée au sens premier de l’adjectif (tel que le Pet (...)
- 78 Cet intérêt pour la cause occitane dans ses enseignements religieux et son travail exégétique en cl (...)
42Autre signe que Joan Larzac, lorsqu’il est auteur de ce livre, est un prêtre dans l’exercice de son ministère, la dédicace (non paginée, [p. 7]) indique : « Dediqui aqueles ensags — qu’an pas res de sistematic77 — a totes los que m’an butat a aquela recèrca e l’an viscuda amb ieu : Los amics de Realitat Occitana e Crestianisme, los sessionistas de la Santa Bauma, los Jecistas de Montpelhièr, e los seminaristas de Vivièrs78. » On note qu’il s’agit là d’une réflexion qui s’est développée auprès d’un public tout catholique et engagé dans un catholicisme laïque voire clérical. Realitat occitana e Crestianisme est la seule entité à mentionner quelque chose d’occitan dans son nom. Pour autant, l’ancrage géographique que constituent les mentions de la Santa Bauma, de Montpelhièr et de Vivièrs dans les autres noms de ces groupes suffit à ancrer les trois autres ensembles dédicataires en territoire de langue d’oc. Cela porte à croire que le public de Larzac, dans ces trois derniers cas, est porté à s’intéresser à la question occitane par tropisme géographique et certainement culturel, autant peut-être que par christianisme de gauche ; sans négliger le goût d’assister à l’exposé d’un professeur et aumônier fervent orateur.
- 79 Voir Garcia-Ruiz 1990, particulièrement p. 29-38, et Pelegri 1979. On parle de MIEC-JECI (Mouvement (...)
- 80 Schooyans 1975, p. 169. Voir aussi Chaouch 2007, p. 25.
- 81 C’est ce que rappelle notamment Chaouch 2007, p. 19. Voir Gutiérrez 1969.
- 82 Chaouch 2007, p. 19.
- 83 Chaouch 2007, p. 19. Compagnon 2003.
43Un point de cette dédicace doit particulièrement attirer l’attention de la critique : la mention des « Jecistas de Montpelhièr ». En effet, le surgissement ici des Jecistes, à la charnière des années 1960-1970, et particulièrement sous la plume d’un auteur qui se revendique d’une lecture politique de la Bible ne peut manquer d’évoquer le rôle central, à l’échelle mondiale, de ces groupes chrétiens de jeunesse étudiante (chrétienne ou catholique) dans le développement et la diffusion des idées de la théologie de la libération79. Preuve s’il en est de ce rôle central du mouvement étudiant catholique pour la diffusion de la théologie politique et sa distinction de la théologie de la libération, lorsqu’Hugo Assmann, qui a pris ses distances la même année (1970 b et 1971) d’avec les théories des pères de la théologie politique Johann Baptist Metz et Jürgen Moltmann, publie sa Teología de la liberación, il le fait auprès des presses militantes du MIEC-JECI (1970a)80. Ces groupes font partie du « réseau serré de pastorales populaires » qui va permettre à la théologie de la libération de se diffuser (Löwy 1995, 195). Gustavo Gutiérrez, considéré comme un des pères de la théologie de la libération, et qui est celui qui emploie pour la première fois publiquement cette expression dans un contexte catholique en 1968 lors d’une conférence donnée à Chimbote81, fut lui-même aumônier de l’UNEC (Unión Nacional de Estudiantes Catolicos, un mouvement appartenant lui aussi à la MIEC-JECI82). Ces groupes chrétiens qui articulent foncièrement christianisme et socialisme seront aussi ceux qui feront bon accueil à la pensée du philosophe français Jacques Maritain83.
- 84 Montpellier est alors un haut-lieu alors des luttes occitanes, où l’on verra notamment la création (...)
- 85 On pensera ici à Montpellier en plus de la présence de Jean Cardonnel, « ami » de Jean Larzac (conv (...)
44Jean Larzac, en prenant en charge la pastorale des Jecistes de Montpellier84, se fait la voix de cette recherche théologique de justice sociale et de libération, et va y développer, on le lit dans sa lectura politica de la Bíblia, sa propre théorie chrétienne révolutionnaire du mouvement occitan. Ce rôle ecclésial auprès des JEC de Montpellier, comme l’inscription de Jean Larzac/Rouquette en tant que prêtre dans la dynamique scientifique de son temps et de son milieu — dont atteste notamment sa bibliographie publiée de bibliste et d’exégète et son activité d’enseignement — souligne un trait essentiel de sa contribution à l’histoire et à la pensée occitane de cette fin du xxe siècle : Larzac, auteur occitan, est un homme bien inscrit dans son Église, impliqué dans les problématiques ecclésiales de son temps, soutenu par sa hiérarchie, et baignant dans une dynamique chrétienne montpelliéraine85 de tendance théologique libertaire et révolutionnaire.
- 86 Malgré la déclaration de la rédaction de la revue en encart d’ouverture de l’article de Cardonnel d (...)
- 87 Il s’agit de l’article de Moltmann (1971) cité par Larzac (1973, p. 11).
- 88 Dans le cadre du développement de la théologie de la libération, bien que le clergé catholique semb (...)
45À Montpellier on trouve aussi le dominicain révolutionnaire Jean Cardonnel, dont Jean Larzac fut l’ami86, une Faculté protestante de théologie avec laquelle il entretiendra des liens d’exégète et d’enseignant, et qui est aussi le siège de la revue Études théologiques et religieuses (ETR) qui publie à cette époque des théologiens politiques (et lui-même) que Larzac cite dans sa lectura politica de la Bíblia87. Larzac appartient à Montpellier à un dense tissu social chrétien caractérisé par son œcuménisme88 qui est là aussi dans la droite ligne de la théologie politique et de la libération. Les pères fondateurs de la théologie politique Metz et Moltmann, sont un catholique et un protestant, et les théologiens de la libération, malgré une certaine concurrence sur le terrain d’Amérique latine en raison de la multiplication des églises évangéliques (d’obédience protestante), sont très impliqués dans une œuvre d’œcuménisme au service des pauvres. Cette œuvre, conformément à l’idée de fondement d’une théologie dans la praxis historique, est aussi une œuvre de recherche en commun. C’est là une autre caractéristique de la réflexion de la théologie politique de Metz et de Moltmann, et après eux, de la théologie de la libération telle que la définit Gutiérrez (Gutiérrez 1971, p. 33). C’est sur cette pratique d’un christianisme de libération qui est antérieur à la théorisation de Gutierrez et débute dans les années 1960 que va s’élaborer ensuite la théologie qui prendra ce nom (Löwy 1998, 53).
46Il en va ainsi de la fondation de divers centres d’études œcuméniques comme le CEE (Centro de Estudios Ecuménicos) de Mexico fondé par un pasteur luthérien en 1968, ou la fondation du DEI (Departamento Ecuménico de Investigaciones) par Hugo Assmann (ex-prêtre catholique) et pionner de la théologie de la libération, ou encore du SBL (Seminario Bíblico Latinoamericano). L’option préférentielle pour les pauvres étant le fondement de cette théologie, avec le prêtre Jean Rouquette, on peut même penser que celle-ci s’étend bien au-delà de la Chrétienté dans l’action interreligieuse pour la paix sociale et le vivre ensemble fondé sur une parenté culturelle. C’est là l’œuvre de l’association Offrejoie dont il est le cofondateur.
- 89 Sur Viure, voir Oralitat e Umanitat 38, un extrait de son entretien avec Bernissan dans lequel Larz (...)
- 90 Comme, par exemple l’abbé Cubaynes, avec qui Larzac entretint des rapports, L’Emparaulada 29’44-30’ (...)
- 91 Larzac 2017.
47La lecture politique de la Bible par Joan Larzac s’écrit en occitan par militantisme dans cette langue (celle du pays qui se superpose à la Palestine antique) à la manière dont la revue Viure89 publiait des articles sur tous les sujets : critique littéraire, histoire, sociologie, comptes rendus des luttes sociales dans le monde etc. Alors que sa Lectura paraît l’année de la liquidation de Viure (en 1973), Joan Larzac poursuit sur cette ligne qui veut qu’en occitan on peut (et on doit) tout dire, et donc tout écrire. Cette lecture politique de la Bible, en occitan, présente aussi la particularité d’être singulière dans cette langue et cet environnement militant. Jean Larzac est en effet de ce point de vue une figure strictement radicale par son incarnation à lui seul, dans le champs des études et de l’écriture d’oc, d’une Église catholique moderne, post Vatican II, qui se dise en occitan. À part lui, les abbés et prêtres, essentiellement de la génération précédente (a minima), sont des figures traditionalistes90. Même son frère Yves Rouquette, autre voie contemporaine d’une grande religiosité catholique en occitan ne fait pas le saut de Vatican II comme le déclare Larzac lui-même91.
- 92 Les principaux exemples employés par Jean Larzac sont tirés des terroirs de langue d’oc et de leurs (...)
48Malgré cet ancrage occitan, qui est lié à la langue d’écriture et au choix de ses principaux exemples92, Per una lectura politica de la Bíblia ne semble pas pouvoir être dit texte occitaniste au sens où il serait centré sur la question occitane mais plutôt comme l’exemplification par le cas occitan d’une théologie universelle. Il s’agit de montrer comment la situation occitane rencontre les catégories bibliques et peut être le guide d’une exégèse politique de la Bible. Le cas occitan est bien celui qui inspire l’auteur dans son introduction, et constitue ensuite la principale source d’exemples au fil des cinq essais, mais le texte en tant que tel à une visée beaucoup plus large. Il s’agit foncièrement d’une réflexion didactique révolutionnaire et tiers-mondiste dans l’air du temps et telle qu’en mènent les groupes de JECI par exemple, qui se veut exégèse biblique pour la fondation de toutes les luttes de justice sociale dans le christianisme. Mais là où Gustavo Gutiérrez réfléchit à partir du cas péruvien, Larzac/Rouquette le fait à partir du cas occitan.
49Par conséquent, c’est son ancrage familial et culturel autant que sa présence sur ces terres qui font de l’Occitanie de l’auteur son premier terrain — car c’est la réalité avec laquelle il est en prise immédiate. De la même manière, Jérusalem et la Palestine de Jésus constituent sa principale projection dans le passé car elles sont les lieux du récit évangélique et biblique qui occupe sa pensée. Cela s’apparente à l’exercice de l’exégète pour qui le texte biblique est le récit cadre et fondateur de sa réflexion.
- 93 Chambon 2022. Voir aussi Cavaillé 2017. Sur les liens de l’Autograf autocritic, poème étudié par Je (...)
- 94 Raguin-Barthelmebs/Chambon/Thomas 2018. Sur l’hommage aux idées de Fontan, et une certaine manière (...)
50Enfin, l’aspect de révolution clamé par Larzac, est le signal d’une radicalité rare elle aussi au sein des lettres et de la pensée d’oc (exprimée en français ou en occitan). On y retrouve l’inspiration qui fait notamment sa poésie liée aux événements de Mai 1968, et son Autograf autocritic93. Ces idées les rapprochent, plus tard, son frère et lui, du PNO de François Fontan alors marginalisé94.
51Comptant cent quatre-vingt-onze pages, dépourvu de table des matières et de conclusion, l’ouvrage se compose d’une introduction et de cinq essais ainsi distribués :
-
Introduccion : p. [9]-28 ;
-
D’un anarquisme crestian : p. 29-55 ;
-
Lo bon sauvatge : p. 56-82 ;
-
Los paures, la justícia e lo poder : p. 83-119 ;
-
Jesus e los revolucionaris de nòstre temps : p. 121-162 ;
-
- 95 Les deux majuscules aux substantifs qui font le titre les érigent au rang de concept : ni coquille (...)
La Revolucion e la Fèsta95 : p. 163-191.
52Signe peut-être de l’édition associative, la composition de l’ouvrage ignore, lors de la transition entre les essais 1 et 2, la belle page pour le début du nouvel essai, alors qu’elle l’observe entre les essais 3 et 4. Lors du passage de l’introduction au premier essai, puis de l’essai 2 au 3, et du 4 au 5 la question ne peut être tranchée, l’essai précédent se terminant en fausse page.
53Les différentes parties de l’ouvrage sont consacrées à l’anarchisme chrétien, aux pauvres, à la justice dans une perspective eschatologique, et à l’actualité du christianisme des mouvements révolutionnaires contemporains. Nous ne donnerons pas ici d’étude détaillée de l’ouvrage et préférons nous attacher à sa structure, ses thématiques, et surtout à son option théologique.
54Si nous avons déjà évoqué certains aspects de cette introduction, et particulièrement la manière dont l’auteur fait des territoires occitans le contexte principal de sa réflexion, c’est-à-dire celui pour lequel il pense la révolution-libération à partir du texte biblique, ce qui nous intéressera ici est la façon dont il définit son entreprise de lecture politique de la Bible. Il s’agit là du cadre théorique dans lequel il place sa réflexion et se meut. Il y énonce les travaux de référence pour sa pensée, ainsi que la manière dont il définit sa propre théologie. C’est dans cette introduction qu’il choisit les exemples concrets qui illustreront son propos, et qu’il fixe la manière dont il procèdera formellement pour l’écriture de ses essais et leur structuration argumentative (alternance de citations bibliques, d’exégèse, de cas concrets, de cas occitans, et d’usage de l’italique). Enfin, il y détermine les thématiques sur lesquelles il choisit de réfléchir et pourquoi.
55Il ne faut pas perdre de vue que l’exposé est celui d’un professeur de Bible qui fait de l’entièreté de ses lecteurs en occitan son auditoire : on mettra au compte du caractère pédagogique de l’ouvrage la présence de tableaux (p. 38, 47, 50, 154-155, 180) et l’usage de l’italique pour signaler les idées phares au fil des textes. On remarquera aussi l’emploi de plus petits caractères (e.g. p. 172-174) pour les paragraphes d’approfondissement considérés comme plus secondaire pour l’instruction des masses, selon l’usage de certains éditeurs universitaires comme les « Que sais-je ? » des Presses universitaires de France dont Larzac fut un des auteurs.
- 96 Voir Oliveros Maqueo 1977.
- 97 Correspondance privée avec l’autrice de ces lignes, avril 2023.
- 98 Communication écrite privée de Joan Larzac à nous-même.
56La principale difficulté posée par ce texte de Jean Larzac est le fait qu’il le désigne lui-même comme une lecture politique de la Bible, et ce titre est en tant que tel définitoire et résomptif puisqu’il est celui sous lequel l’auteur rassemble cinq essais et leur introduction générale. Or la théologie politique est, on l’a vu, historiquement un concept bien défini et distinct doctrinalement et chronologiquement de la théologie de libération qui en découle96. Pourtant lorsqu’il en parle aujourd’hui Larzac déclare, dans ses entretiens enregistrés et sa correspondance privée, qu’à l’époque déjà il était attiré par la théologie de la libération et place toute son action de prêtre occitaniste, et donc d’auteur, sous ce signe. On pensera bien sûr ici à ses vieux poèmes Requiem per lo suicidi d’una idèia, et Leiçon de catequisme en plus de Per una lectura politica de la Bíblia qui complètent ce corpus d’écrits directement inspirés par cette théologie. Ces trois œuvres sont celles que Jean Larzac lui-même retient comme les plus marquées par l’influence de la théologie de la libération sur son œuvre et sa pensée97. Larzac est aujourd’hui toujours un lecteur attentif de ce courant de pensée et se découvrait encore récemment des points communs avec la réflexion du théologien américain William T. Cavanaugh, qu’il lit notamment avec Sylvain Brison (2020)98.
57Le cadre théorique qui est celui de Jean Larzac en 1973 lorsqu’il bâtit son argumentation, et les concepts qu’il emploie, constituent un point à éclairer par des éléments de critique internes et externes au texte : bibliographie, vocabulaire et concepts, datation.
- 99 Dans Larzac (1971), nous relevons en notes de bas de page les références suivantes à des travaux : (...)
58La bibliographie citée se répartit en trois champs : la théologie politique et les affaires sociales contemporaines lues par le christianisme (1), l’exégèse biblique de l’Ancien et du Nouveau Testament et les travaux d’histoire du christianisme axés sur la vie de Jésus, la Palestine et l’Israël biblique (2), et une exégèse politique de la vie de Jésus interprétée au prime du zélotisme (3)99. Cela reflète bien la bi-construction de l’ouvrage et son dialogue entre histoire sociale et texte biblique, soulignant du même coup son point aveugle : la situation occitane. C’est dans la situation occitane que Jean Larzac choisit ses exemples concrets et contemporains pour illustrer son discours d’affranchissement. Ce choix, auto-référé, le dispense de toute bibliographie et références externes. Les exemples fournis sont autosuffisants et semblent justifiés par le seul fait de constituer, pour Larzac, la praxis à l’œuvre chez le théologien politique — et de la libération à sa suite. En ce sens, l’Occitanie du prêtre et penseur Larzac, devient l’équivalent du Pérou de Gutiérrez.
59L’ouvrage traite de la question sociale contemporaine dans ses aspects de revendication révolutionnaire de justice fondés dans le christianisme. Pour ce faire, sa technique consiste à s’appuyer sur l’exemple occitan en se légitimant des développements de la théologie contemporaine et de sa lecture politique du monde et son implication pour le changer en vue de l’avènement du Royaume (et donc de la justice), et en s’appuyant sur des exemples de l’Israël biblique (exemples tirés de l’Ancien et du Nouveau testament chez les prophètes notamment, et de la prédication et la vie de Jésus).
60Le corpus critique et de sources primaires employé est celui d’un exégète qui réfléchit aux problèmes de ce monde avec les outils de la théologie politique et qui, en conséquence, se fait à son tour penseur d’une révolution ; laquelle est perçue comme consubstantielle du scandale de la Bonne nouvelle.
61On remarque que l’échelonnement chronologique des travaux cités au titre de références bibliographiques correspond à deux périodes différentes de la vie intellectuelle de l’auteur. La période 1940-1960, qui concerne une partie de la bibliographie citée, est celle des années de publication des œuvres d’exégèse qui ont contribué à la formation religieuse de Jean Rouquette. Au contraire, et pour des raisons évidentes, la théologie politique en tant que telle ayant été théorisée par Metz et Moltmann dans les années 1970, les travaux qu’il cite dans ce cas, qu’il s’agisse de théologie ou d’exégèse exécutée au prisme de ces théories sont d’une immédiate contemporanéité à son propos. Larzac est donc à la fois un penseur formé, et un homme qui continue à se tenir au fait de l’actualité de la recherche, en témoigne aussi son activité de publication dans ETR.
62Dans cette introduction, au moyen d’une note de bas de page étayant l’usage d’une locution « “teologia politica”, coma se ditz a l’ora d’ara » (p. 11-12), Larzac cite Johann Baptist Metz (catholique) et Jürgen Moltmann (protestant), fondateurs de la théologie politique, dont les travaux, alors récents, sont donnés comme le cadre théorique de sa réflexion aux côtés de ceux de Jean-Marie Paupert, pour contrecarrer la politique inspirée de la Bible telle que la concevait Bossuet (p. [9]). Il faut y ajouter un quatrième auteur de théologie politique ou de la révolution, Jean Larzac lui-même, qui cite son poème Leiçon de catequisme (p. [9]-10) et sa « glòsa poetica » qu’est l’Estrangièr del dedins (1968, p. 10). À noter que les citations de sa propre œuvre sont les premières de son exposé, et que leur font écho des citations bibliques (Amos, Jérémie, 1 Roi, p. 11), puis celle de la locution « teologia politica », celle-là même qui porte la note renvoyant aux travaux ultra-contemporains de Metz (1971) et Moltmann (1970, 1971, 1973). Ces trois ensembles de citations ont pour fonction dans l’introduction d’illustrer la complémentarité des poètes, prophètes et exégètes pour penser le monde à partir de l’enseignement de Jésus-Christ que Larzac confesse comme Sauveur.
63Pour Larzac il s’agit en effet d’essayer de comprendre ce que la Bible dit de politique à ses lecteurs, et d’y chercher une éthique politique chrétienne (p. [9]) pour faire progresser la marche du monde vers la justice, et celle-ci passe nécessairement pour lui par la révolution.
- 100 Larzac 1973, p. 190.
- 101 Il s’agit là d’une sous-partie dans le dernier essai intitulé La revolucion e la fèsta. Cette notio (...)
64Il faut aussi rappeler la mention, cette fois en fin d’ouvrage et dans le corps du texte, de l’opposition entre Garaudy (alors militant d’extrême gauche) et du Cardinal Daniélou sur le bonheur, possible ou non, en ce monde (p. 164) que Larzac résout par le thème — qui lui est cher — de l’eschatologie100 et qui lui permet de dire que « La fèsta se dèu conquistar101 » (p. 165). La fête, et la révolution du Christ dans la Palestine de son temps, mais surtout sur celle incarnée par la lutte à mort de Camilo Torres, figure christique et sacrificielle sont les modèles d’action qui inspirent le livre. Dans ces conditions, c’est bien la théologie politique, qui par les références employées par Joan Larzac, encadre la réflexion et ouvre et clôt l’ouvrage. C’est aussi elle qui ressurgit massivement à la page 139 lorsque Larzac revient sur l’idée de Jésus zélote, et modèle de figure révolutionnaire pour l’Occitanie et les autres régions des quatre coins du monde où s’exerce un colonialisme intérieur de peuples qu’il faut à la fois réveiller et libérer.
65La théologie politique fournit le cadre théorique et les textes bibliques, tandis que l’exégèse et les travaux d’histoire de la Bible et de la littérature sapientiale fournissent les exemples au même titre que le terrain occitan moderne.
66On pourrait s’étonner de l’absence de mention de Jean Cardonnel : ni référence précise à ses livres et essais, notamment sur l’évangile et la révolution, déjà publiés en 1973 lorsque Larzac publie son livre, ni à son prêche de la Mutualité intitulé « Évangile et révolution » — qui fit scandale. Cardonnel, dominicain d’extrême-gauche, figure extrêmement polarisante dans l’Église et au-dehors, est peut-être alors déjà trop marqué. Aujourd’hui, pourtant, Joan Larzac n’hésite pas à mentionner leur amitié ou la contribution du dominicain à Viure.
67C’est donc la « “teologia politica”, coma se ditz a l’ora d’ara » (p. 11-12) qui sert de cadre théorique à la réflexion de Jean Larzac qui, pressé par une urgence de l’eschatôn, écrit pour les hommes de son temps car « L’eveniment espèra pas, nimai la Paraula » (p. [9]). Alors que la Parole (ici la Paraula) est bien définie, elle est tout à la fois celle de Dieu, le Verbe fait chair — Jésus —, son témoignage biblique et leur annonce (l’Évangile), l’événement, lui, est plus difficile à saisir. Singulier, il est certainement la vie du chrétien, de l’homme en tant qu’événement privé mais aussi public, de la communauté, religieuse et sociale, et enfin moment de l’histoire, peut-être éclairé par la période d’effervescence révolutionnaire autour du mois de mai 1968 français, et de la montée en puissance des revendications occitanistes.
68Lorsque Larzac parle de constituer une théologie politique (p. 11-12), qui consiste à « emprigondir lo rapòrt entre çò que se ditz de Dieu dins la Bíblia e lo material que servís a o dire » (p. 12). Il semble faire le choix d’user d’une locution actuelle (« a l’ora d’ara ») pour parler d’un concept dans lequel il perçoit une permanence attestée par la diachronie des récits et des exemples qu’il cite tout au long de son livre. Pour lui, la Bible est politique et la parole de l’exégète ou du prêtre, autant que leur action, le sont de fait aussi : « Tota teologia es politica, e tota lectura de la Bíblia — e mai sa “produccion” — tanben. Tant val o assumir en tota consciéncia. » (p. 12). Même s’il est évident qu’il adhère aux vues de Metz et Moltmann, et à la conception rouge de la lecture politique de la Bible qui sera ensuite celle de la théologie de la libération, il semble que la lexie complexe « théologie politique » pour Larzac ne recouvre pas le seul concept récent.
69C’est Johann Baptist Metz, élève de Karl Rahner, qui fonde la nouvelle théologie politique dans les années 1960-1970 après le concile de Vatican II. Cette théologie, fondée sur la praxis du chrétien aura une grande influence sur la théologie de libération qui en émane et s’en détache selon le modèle suivant — schématique car les concepts comme leur temporalité se recouvrent partiellement :
- 102 La théologie de la révolution semble être un concept attribuable à Karl Barth (Dubois 1970), sans o (...)
Théologie politique
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Théologie de la révolution102
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Théologie de la libération
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70Ces théologies sont le fruit de l’effervescence au sein de l’Église catholique après l’expérience des prêtres ouvriers, le Pontificat de Jean XXIII et le Concile Vatican II, qui reconnaît des besoins et donne des moyens pour de profondes réformes de l’Église, tant dans son culte, que son rapport au monde et son implication pour la justice, notamment en faveur des plus pauvres et des opprimés.
- 103 Voir notamment Libanio 2005.
71La théologie de la libération, qui émerge formellement conceptualisée en ces termes sous la plume de Gustavo Gutiérrez en 1971, découle de la théologie politique, à travers sa fille la théologie de la révolution. La seconde conférence des évêques d’Amérique Latine (CELAM), qui se tient à Medellín en 1968 fonde cette théologie de critique sociale des injustices et inégalités dont les pauvres sont les premières victimes103. On se souviendra de l’émergence à Puebla (1979) de la consécration de l’expression de l’« option préférentielle pour les pauvres ».
- 104 Chaouch 2017, p. 11-14 ; 22-23.
72Ainsi le prêtre colombien Camilo Torres guerillero de l’ELN (Ejército de Liberación Nacional) et tué au combat en 1966104, sur le souvenir duquel Larzac achève sa lectura, est considéré comme une figure essentielle de cette théologie avant qu’elle n’ait un nom défini et distinct de la théologie de la révolution qui la voit naître. En réalité, à l’époque de la publication de Per una lectura politica de la Bíblia (1973), Larzac ne se réclame que de la théologie politique, et non de la libération, sinon par ellipse à travers la figure finale de Camillo Torrès (sic, p. 191) érigé en modèle de la lutte. Il semble que dans le système de pensée du prêtre Larzac, ce qui deviendra ensuite dans sa bouche-même la théologie de la libération, et qui n’a en 1973 pas de nom propre, ou de nom distinct, soit la branche révolutionnaire de la théologie politique comme cadre théorique de réflexion.
- 105 On peut faire la même remarque pour Boff 1972, traduit en français en 1974.
- 106 Par exemple William T. Cavanaugh à travers son étude par Brison 2020 (correspondance privée de Joan (...)
- 107 Cf. Schooyans 1975 et 1976, et le débat en cours dont il se fait l’écho.
- 108 Voir Legois et Suc, 2007, p. 106.
73Le problème de la terminologie employée par Jean Larzac est de savoir pourquoi parle-t-il de théologie politique en 1973 alors que Gutiérrez a déjà publié son livre de 1971 en espagnol105 et consacré l’expression de « teología de la liberación » déjà en 1969, et que Larzac, lui-même, déclare aujourd’hui (L’Emparaulada, et écrits privés) qu’il tenait déjà pour la théologie de la libération et s’y reconnaît encore — et ne parle plus jamais de « théologie politique » comme étiquette. Nous avons résolu l’énigme de la manière la plus simple, cet emploi est strictement lié aux contingences matérielles du temps : Gutiérrez n’est pas encore traduit en français, et ne le sera qu’en 1974, même s’il l’est déjà en anglais. Et nous savons que Larzac ne lit pas l’anglais, et ne lit les théologiens américains de langue anglaise, encore aujourd’hui106, que dans les traductions ou études de leurs œuvres en langue française. Par conséquent, Larac en 1973 n’a pas pu lire Gutiérrez et ne connaît pas la lexie complexe « théologie de la libération ». Bien que tenant compte dans sa réflexion, comme dans sa praxis, des pratiques et réflexions de ce qui devient sous la plume de Gutiérrez « la théologie de la libération », il n’emploie tout simplement pas l’expression, et ne conceptualise pas ainsi sa théologie car l’œuvre qui donne naissance à ce courant théologique et le formalise en l’émancipant de la théologie politique et de sa fille la théologie de la révolution, ne lui est pas encore accessible en français. Pas accessible à lui, ni d’ailleurs véritablement aux autres théologiens francophones, puisque la science et le débat francophone se déroulant alors principalement à Louvain et dans sa revue d’études théologiques, attendra aussi les années 1975 et suivantes107. Parce qu’elle ne lit pas l’anglais, ni vraiment l’espagnol — ou ne réfléchit pas sur cette base —, la francophonie, même à Louvain et ou à Bruxelles, alors qu’on y trouve le siège des JECI108, et que c’est souvent le lieu de la formation intellectuelle des prêtres d’Amérique latine et d’une certaine avant-garde théologique européenne de ce point de vue-là, la vieille Europe en somme à quelques années de retard et continue a minima de parler de théologie de la révolution quand l’Amérique latine est déjà passée à celle de la libération.
74En conséquence, la date de publication de la Lectura, les connaissances de Larzac sur l’état de l’art, et la contingence des traductions sur le changement de vocabulaire sont notre réponse à cette petite énigme, qui renseigne sur l’homme au travail et de l’élaboration de sa pensée.
75En définitive cette évolution du vocabulaire pour parler d’une même pensée met en exergue que l’œuvre intellectuelle d’un homme est celle de ses sources, et que nous sommes tous, toujours, tributaires de la documentation accessible. Toute œuvre est celle d’un lieu et d’un temps.
- 109 Larzac 2019b, L’Emparaulada, 5’20-5’49.
76Il n’y a aucun reniement ou grand changement dans la pensée de Jean Larzac, à laquelle nous voyons une grande constance. Les multiples fois où il s’est posé la question de son chemin et des évolutions de sa manière d’être curé n’ont fait que confirmer la constance de sa ligne109. Lorsqu’il écrit sa Lectura, il emploie la science la plus récemment parue et les concepts les plus avant-gardistes arrivés jusqu’à lui à travers les textes qu’il connaît et peut lire (Metz, Moltmann) et les figures de pointe dont le récit de vie lui sera parvenu (Torrès).
77Ce qui fait le prêcheur, c’est sa capacité à parler du monde, de Dieu et des hommes à partir de l’expérience quotidienne de ceux à qui il s’adresse. C’est exactement le rôle assumé par Jean Larzac qui par son écriture, d’ici en terres d’oc, ou de là-bas au Liban, redit les méandres de la Création, de l’universel et du particulier, se fait voix de l’homme vers Dieu, et, en lui, cri de justice. Joan/Jean Larzac/Rouquette est un prêtre et un penseur, aussi homme de terrain, qui écrit en occitan, dans sa langue, et embrasse, au nom d’un révolutionnarisme biblique, la cause de son peuple et d’autres, comme étant des peuples parmi d’autres, en quête d’une justice sociale et culturelle, et à la légitimité de laquelle il trouve, dans son système de croyance, des fondements bibliques. C’est aussi un poète qui écrit, dans la langue qui est pour lui la sienne, une poésie qui dit Dieu et la foi, et la foi en Dieu pour le Salut d’un monde englouti, l’Occitanie.
- 110 Oralitat e Umanitat 30, 6’31-6’59. Les embrassant toujours d’un même regard, il dit d’elles que ses (...)
- 111 Même s’il n’est pas le seul à véhiculer ce discours, il en est sans conteste par ses publications, (...)
- 112 Oralitat e Umanitat 30, 8’01-8’04.
- 113 Oralitat e Umanitat 30, 7’00-8’22.
- 114 Offrejoie exécute un pas de plus puisque l’association n’est plus œcuménique mais œuvre dans un con (...)
78Sa vocation occitaniste et sa vocation de curé ont, dans le regard qu’il porte aujourd’hui dessus, ce trait commun qui est la perte d’importance des deux causes dans la société contemporaine110. Enfin, cet homme a su dire aux masses occitanes qui se sont saisies de sa pensée parfois sans le savoir111, dans une véritable internationalisation des luttes, que les luttes occitanes sont toujours à lire sous le même prisme que « las luchas per la liberacion dels autres paises112 » (Catalogne, Algérie, Amérique du Sud, Liban113), devenant à la fois figure de proue de l’occitanisme laïque et restant fidèle à cette idéologie d’une internationale catholique rouge liée à la théologie de la libération, et qui est, tout au long de sa vie, celle des JECI ou d’Offrejoie114.
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Notes
Larzac 2019b, L’Emparaulada, 51’16-18.
Larzac, Oralitat e Umanitat 31, 2’35-2’39 (et il répète : 2’40-2’42) Un peu avant : « eren de roges » 2’31-2’32 (il parle de son frère, et d’autres, et de lui-même).
À la fin de l’hommage qu’il écrit pour son frère dans le dossier consacré à celui-ci dans la Revue des langues romanes (lequel doit être lu avec l’errata donné ici dans la contribution Pic/ Larzac du présent dossier), Larzac 2017, p. 549, signe « Joan Larzac/Poèta e traductor ».
Nous renvoyons à l’article de Philippe Gardy dans ce dossier de la Revue des langues romanes.
On verra notamment Eygun 2017 et Raguin-Barthelmebs/Chambon 2017.
L’épisode est maintenant bien connu. Cf. Raguin-Barthelmebs/Chambon 2017 ; Larzac 2017 ; à ce sujet on écoutera aussi avec profit les témoignages de Jean Larzac dans l’émission de télévision L’Emparaulada, et son entretien avec Fabrice Bernissan pour Oralitat e Umanitat.
Et notamment des puissants qui accèdent à des postes à l’université cf. Oralitat e Umanitat 38, 6’30-7-40.
Il militait au sein de Volem viure al pais qui « es un moviment que se lancèt justament sus aquèla idèia de la descolonizacion d’Occitania […] Aviam pas paur de dire qu’èrem per l’independéncia de l’Occitania » (Oralitat e Umanitat 32, 4’16-4’56).
Étudier l’occitan à l’université de Montpellier au cours de la première décennie du xxie siècle, signifiait ne jamais entendre parler des frères Rouquette (ni en matière de littérature, ni d’histoire récente du mouvement occitaniste ou de la France) : un peu seulement d’Yves Rouquette sur initiative individuelle d’étudiants et jamais de Joan Larzac. Cela, alors qu’à cette époque les deux auteurs étaient vivants, qu’ils étaient actifs comme auteurs et même comme militants tiers-mondistes et occitanistes dans l’environnement montpelliérain et héraultais ; et in fine que Robert Lafont était déjà en retraite, et résidait loin en Italie. À la suite des conflits des frères Rouquette avec Lafont et ses soutiens, essentiellement à l’université de Montpellier et au sein de la revue Viure et du Comité occitan d’études et d’action (COEA), Jean Larzac disparaît de la scène des luttes occitanes, et consacre alors son existence, tout en restant dans l’espace géographique languedocien, entre Montpellier et l’Ardèche, à la vie paroissiale montpelliéraine et à l’enseignement, ainsi qu’à l’association Offrejoie pour le Liban.
On verra l’article de Philippe Martel dans ce dossier.
Larzac est celui qui se bat et se battra pour les luchas de libération d’autres pays (comme de l’Occitanie) Oralitat e Umanitat 30 ; ce mot de « lutte » est le sien dans son entretien avec Fabrice Bernissan (en plus de dire qu’il se bat, pour l’occitan », 7’01-8’05). Il est « roge » comme doit l’être tout prêtre selon lui, et alors que « Nòstre sènher […] es ardent ! », cf. Oralitat e Umanitat (31, 2’35-4’20). La quête de la justice sociale est fondamentalement chrétienne pour Larzac partisan de la théologie de la libération aujourd’hui comme hier.
On pensera à ses publications d’études bibliques (essentiellement à celles en français) dans des revues et des ouvrages collectifs, ou à ses cours de théologie et d’écriture sainte publiés. Ceux-ci figurent dans sa bibliographie établie pour ce dossier par François Pic et lui-même. Il fut aussi un temps secrétaire régional de l’Association française d’études bibliques. Enfin, on pensera au texte d’hommage et aux souvenirs évoqués par Élian Cuvillier dans ce même dossier.
Larzac 2019b, L’Emparaulada, 34’37-35’03. Larzac : « Alara que ma vocacion, parlavas de ma vocacion, èra puslèu a’n aquel moment se deviái, (hésitation), s’aviái deput [depyt] anar endacòm, èra puslèu en America latina, ont i aviá justament una autra guèrra, (hésitations) de, per la justícia sociala, e la teologia de la liberacion. » Grosclaude : « Que n’èras un adèpte ? » Larzac : « Mè [mɛ] òc, forçadament. »
C’est ce qu’affirme la notice du Maitron le concernant. Sa participation sur ce sujet au premier numéro de la revue de la Faculté de théologie de protestante de Montpellier Études théologiques et religieuses (ETR), et les liens créés et entretenus avec Élian Cuvillier, pasteur protestant puis professeur de Nouveau Testament, Doyen de la Faculté et aujourd’hui professeur de théologie pratique en atteste. Rouquette (Larzac) est un structuraliste, son travail est d’ailleurs cité comme tel dans Johnson 1979, p. 215 et p. 223. Respectivement : Rouquette 1973, et 1975.
Jean Rouquette, « Les méthodes d’analyse structurale. Les études parues en français », Études théologiques et religieuses, 48, 1973, p. 81-96. Cet article ne porte pas le même titre sur la page « DEL METEIS AUTOR » : de Per una lectura politica de la Bíblia où il figure sous « Les Études structurales en domaine biblique », et sur le site internet des archives de la revue où il s’agit de « Panorama général » : il s’agit dans tous les cas du même texte, l’année et/ou la numérotation des pages l’assure.
Cuvillier 2016, paragraphe 19.
Il ne s’agit à l’évidence pas de dire que l’Occitanie se serait débarrassée de la France, on ignore même d’ailleurs ce que cela signifierait, mais il y a pour la décolonisation beaucoup de modalités, de l’Algérie d’Assia Djebar à la Martinique d’Aimé Césaire (lecteur, comme les frères Rouquette de Frantz Fanon).
Joan Larzac, Oralitat e Umanitat 35, « es lo biais de se sentir, quand mèmes, d’un endrech » (6’44-6’55). Quelques secondes après il déclare que l’emploi de l’occitan, « es un biais de sentir d’aicí » (7’10-7’12). Cet endrech pour Ives Roqueta c’est à la fois le ventre la mère (la sienne), la langue partagée par les parents, et la capacité pour un locuteur de continuer à parler sa langue sans avoir reçu quelque instruction que ce soit : la langue est alors « impecabla » (Roqueta 2010).
Lafont publie chez Gallimard, et Larzac, avec le sous-titre pamflet, à Ardouane, dans 4 Vertats.
L’œuvre de Marie Rouanet n’est pour ainsi dire que très peu étudiée. La critique littéraire s’occupant exclusivement de littérature française, ou comparée, ne semble pas se saisir de son œuvre, et la critique de la littérature occitane la considère comme autrice de langue française bien qu’occitaniste et ayant publié des textes littéraires, assez nombreux, en occitan, ce qui la place hors champ en quelque sorte. À notre connaissance on compte seulement Raguin 2022. Yves Rouquette, lui, est étudié. Pourtant, la dimension foncièrement chrétienne de son œuvre l’est bien peu. Pour rappel Yves Rouquette est le frère de Jean Larzac, et par conséquent Marie Rouanet sa belle-sœur.
Jean Larzac a reçu la nationalité libanaise en reconnaissance de son œuvre de paix dans le pays avec l’association Offrejoie. https://www.midilibre.fr/2015/06/03/murviel-les-montpellier-le-repas-libanais-d-offrejoie-aura-lieu-ce-samedi-6-juin,1169997.php.
On pensera ici aux poèmes qui composent le recueil Se rauqueja ma votz.
Ci-après abrégé Lectura.
La première publication occitane de Jean Rouquette recensée ici par François Pic dans sa bibliographie est « Joan Roqueta. Epifania [poèma], Òc, nos 208-209-210, abril-decembre 1959, p. 113-114. » 1962, avec Sola Deitas semble être la date de la première publication sous ce nouveau nom d’auteur. En 1962 Larzac est au Liban, et c’est de là-bas qu’il corrige les épreuves de ce livre, ainsi que de La Littérature d’oc parue aux Presses universitaires de France (Larzac 2019b, L’Emparaulada, 25’53-26’29). Par les hasards de la vie, alors qu’il avait décidé de se détourner car le pays lui avait trop plu, c’est le Liban qui revient sur sa route en 1987 quand il rencontre Melhem Khalaf et qu’ils fondent formellement l’ONG Offrejoie. Voir infra. Cf. Le long entretien avec Fabrice Bernissan diffusé sur Radio Pais dans l’émission Oralitat e Umanitat, et Larzac (2019b, L’Emparaulada) à partir de 25’12. De son témoignage dans L’Emparaulada (à partir de 32’44), on sera saisi par la déclaration de Larzac d’avoir par décision coupé avec le Liban car celui-ci lui avait trop plu, pour finalement le voir revenir dans sa vie à travers la nécessaire fondation (pour lui) d’Offrejoie qui sera son terrain de mission comme adhérent à la théologie de la libération.
Oralitat e Umanitat 29, 3’26-5’10.
C’est sous ce nom qu’il publie en français, et qu’il est enseignant et prêtre.
Signifiante, évidemment, parce que le Larzac est le pays voisin du sien, et non pour les luttes du Larzac, bien postérieures et qui n’ont rien à voir avec l’élection de ce nom (mais pour lesquelles il s’engagera néanmoins). Joan Larzac prend souvent la précaution de le rappeler (cf. Oralitat e Umanitat 29).
Oralitat e Umanitat 29, et 30 (0’30-0’56).
Raguin-Barthelmebs/Chambon 2017.
Jean Rouquette est fondateur de l’association Offrejoie France, branche d’Offrejoie un projet de vivre ensemble interreligieux de la société libanaise tourné vers la jeunesse (chantiers citoyens, colonies de vacances) qui, pensé pour le Liban dans les années 1980, étend aujourd’hui son action en Irak, et vise la Syrie. Le projet culturel fut pensé par Melhem Khalaf, et mis en œuvre par lui et Jean Rouquette lorsqu’il le rencontre à Montpellier en 1987. https://www.lorientlejour.com/article/664603/Offre_Joie.html, voir aussi https://offrejoie.org/fr. Lors de son entretien avec David Grosclaude il mentionne son retour d’Irak où il a passé l’été et la fondation d’Offrejoie (Larzac 2019b, L’Emparaulada, notamment à partir de 36’30).
Interrogé sur sa vocation de prêtre Larzac commence par explique ce sentiment de bien-être et de familiarité à la glèisa. Oralitat e Umanitat 30, et L’Emparaulada (début de l’entretien).
Oralitat e Umanitat 30, 1’59-4’00.
Lorsque sa mère vient le chercher à la fin de la guerre et qu’il rentre à Sète, avant son frère, il devient rapidement enfant de chœur, et « lo rei de la parròquia, coma enfant » (23’48-49) dit-il avec tendresse L’Emparaulada, 23’16-24’20.
Oralitat e Umanitat 30, 5’33-5’39.
Une situation bien différente de celle vécue par Yves Rouquette au Pont de Camarès. Oralitat e Umanitat 30, 5’42-6’30.
Voir infra, citation de Larzac (2013) in Larzac 2021b.
Larzac 2017, et L’Emparaulada.
Larzac 2017.
Les concepts de révolution et de fête marchent ensemble dans la pensée de Joan Larzac, c’est d’ailleurs le titre de son dernier chapitre dans Larzac 1973 (après avoir parlé d’anarchisme chrétien et de révolution et de justice face à la pauvreté). Dans Larzac (2019b, L’Emparaulada) 1’03’40-1’06’22 celui-ci revient sur la fèsta mentionnant que dans sa Lectura politica de la Bíblia il donne une place importante à la fête car il pense que nous sommes (nous, humains) fait pour la fête, symbole d’une communion en Christ sous le signe la Pentecôte (sur Pentecôte voir notamment ca. 1’02’00). Pour Larzac, la fête, qu’il définit comme la concorde, la réunion de tous ensemble, et la reconnaissance réciproque, c’est le Ciel déjà un peu sur Terre, et le Ciel c’est la fête perpétuelle.
L’Occitanie semble être un territoire constitué de l’ensemble des terres de langue occitane, dont la Catalogne est sœur jumelle, à laquelle elle fut arrachée par la Croisade albigeoise. Une conquête militaire qui fonde, selon son raisonnement la colonisation et autorise donc à parler de décolonisation. Joan Larzac conserve cette idée de Catalogne et Occitanie sœurs jumelles, en lutte pour la « causa dei pòples », Oralitat e Umanitat 30, 7’13-7’14, et Oralitat e Umanitat 32, 6’38-6’50. « Lo catalan, lo vèsi coma una branca de la lenga d’oc, de l’anciana lenga d’oc, mè [mɛ] es una branca ont nos cal, nautres, nos arrapar » (Oralitat e Umanitat 37, 2’59-3’12).
On pensera à la table établie « Del meteis autor » dans Larzac (1973, p. [6]).
Jean Larzac explique, avec franchise et humilité, que le choix de la prêtrise fut pour lui, aussi, celui d’un statut social, à l’époque de première importance dans la vie de la cité. Cf. Oralitat e Umanitat 30, 4’00-5’32. On peut penser que cette motivation, même secondaire, est aussi à l’œuvre chez le jeune Larzac qui se lance à corps et à cri dans la lutte occitane.
Voir supra Larzac 2019b, L’Emparaulada, 34’37-35’03.
Larzac (2019b, L’Emparaulada) : la seconde partie de son entretien avec David Grosclaude, à partir de ca. 25’est consacrée à son expérience libanaise et moyen-orientale.
« Nos siam pas pus parlat qu’en patés / dempuèi que me faguères encapar / qu’èra “la lenga d’oc” / la de mamet, de papà, de mamà, / la del prince d’Aurenja, la nòstra […] Me’n siái sentit del còp pas qu’Occitan » v. 1-5 ; 11, Larzac (2013) in Larzac 2021b, p. 301. On remarquera l’emploi des guillemets pour le nom de la langue (remployés dans la traduction française), et la double filiation familiale mamet, papà, mamà, et culturelle prince d’Aurenja, à la fois, proche dans le temps, intime et populaire, et historisante, publique et très prestigieuse en raison de l’art troubadouresque du Prince d’Orange, et sa très haute noblesse.
Larzac 2019b, L’Emparaulada, 13’46-14’03. « Gràcias a mon fraire, que s’èra lançat dins l’occitanisme amb dos ans d’avança sus ieu per çò que aviá totjorn dos ans d’avança, dempuèi lo començament. Es ara qu’a de retard. Ara qu’es mòrt e que siái pus vièlh que el quand moriguèt. »
Larzac (2013) in Larzac 2021b, p. 301.
« Auriái aimat Cesari » incipit du poème et titre de celui-ci (comme presque systématiquement chaque fois dans ce recueil) Larzac 2019a, p. 176. Larzac 2021a, p. 198.
Voir la notice du Maitron sur Jean Rouquette (Larzac). Ajari 2017, Larzac 2019a, p. 176.
On pensera ici à son Descolonisar l’istòria occitana, IEO, t. 1 : 1977, t. 2 : 1980, et avant cela « Décoloniser l’histoire occitane », Les Temps Modernes 304, novembre 1971, p. 676-696. On verra la contribution de Philippe Martel à ce dossier thématique de la Revue des langues romanes.
C’est Yves Rouquette dont le professeur à Sète était Robert Lafont qui lui fit connaître les affaires occitanes (et en prendre conscience ?). Il y a fort à croire qu’il en va de même ensuite pour l’occitanisme.
Voir Larzac 1977-1980. Oralitat e Umanitat 39, voir aussi 30 et 32.
Oralitat e Umanitat 38.
Chambon/Raguin-Barthelmebs/Thomas 2018, p. 437, 442-443.
Oralitat e Umanitat 30, 7’57-8’20.
Oralitat e Umanitat 30, 7’13-55.
La causo mistralienne, la cause du peuple [communiste], et la causa dei pòples, l’association d’idées est opératoire pour chacun.
Oralitat e Umanitat 30, 7’13-15.
Celle pour laquelle s’est engagée Camillo Torres.
Celui dont il tient « ma lenga », cf. le titre (qui est aussi l’incipit) d’Es pas vertat que pensi dins ma lenga, in : Larzac 2021b, p. 181.
Ainsi, il écrit dans le poème Es pas vertat que pensi dins ma lenga, in : Larzac 2021b, p. 181, v. 2-9 : « me cal davalar al cavòt / per retrobar al fons de ieu / aquel mond ensebelit / ont lo papà e la mamà e l’oncle Gabrièl / tatà Germana, Estòqui, / los de Confolèus los del Pont / los d’una Occitania / en trin de s’enfonsar ». Traduction de l’auteur (p. 121) : « il me faut descendre à la cave/pour retrouver au fond de moi / ce monde enseveli / où le papa et la maman et l’oncle Gabriel / tata Germaine, Staqui, / ceux de Couffouleux ceux de Camarès / ceux d’une Occitanie / en train de s’enfoncer ». On remarquera que cette Occitanie est rurale, celle des villages d’origine des parents Rouquette, et de là où sont mis à l’abri les deux frères, alors enfants pendant la guerre ; nullement celle de Sète qui, déjà, est France car parle français. C’est le raisonnement qui semble aussi être la trame de fond des témoignages de récits de souvenirs de Jean Larzac, que ce soit à la télévision (L’Emparaulada), ou lors de ses entretiens avec Fabrice Bernissan.
Il ne faut jamais perdre de vue que son christianisme semble être la clef de voûte du discours et de l’engagement de Joan Larzac en toute cause et en tous mots dans ce monde. C’est d’ailleurs bien le sens de cette fête dont il s’entretient avec David Grosclaude et dont il sait qu’elle est le concept clef de Larzac 1973 et de sa vision de l’homme et de sa vie sur Terre. Signalons que dans le récit biblique, être en présence de Dieu comme du Ressuscité, c’est être à la fête, même dans la perspective du Jugement : Ac 2.26, Hé 12.22.
La citation du livre de la Sagesse, seulement donnée sous « lo libre de la Saviesa », est par nous identifiée Sg 1, 13-15.
L’emploi de ce symbole porte le regard vers le Moyen-Orient, les pays arabes, et certainement le Liban, pays d’adoption de Jean Larzac, avant-même la Palestine. L’ongle de son pouce, seul visible de trois-quarts est orné d’astres : lune, étoiles et demi soleil (levant ou couchant à l’horizon).
Il y a bien ici des accents sur « vòstre », absents sur la 1re de couverture (cf. infra), mais pas d’accent sur « mort », présent dans la citation en cursive de Sg.
Nous copions ici la citation sur la quatrième de couverture. Il faut noter que la coupure des lignes n’est pas la même dans sa version sur la 1re et sur la quatrième de couverture. Par ailleurs, la 4e de couverture accentue les o de vòstre dans les deux occurrences de ce mot, ce que ne fait jamais la 1re de couverture. Sur la 4e de couverture le mot final Dieu est écrit en cursive (avec majuscule initiale) là où le reste de la citation est en capitales scriptes, ce qui est à l’évidence une manière de signaler le mot Dieu (ici rendu par l’italique). Le signalement graphique et visuel de la même séquence finale de la citation sur la 1re de couverture se fait au moyen d’un autre artifice : l’usage du point « vosautres / siatz/del crist / e lo / crist/es . / de dieu ». Visuellement il faudrait encore distinguer dans les tailles de majuscules et l’usage d’un trait plus épais pour mettre en relief certains mots. La couverture dans son ensemble (1re et 4e) est construite visuellement sur cette série de contradictions et oppositions complémentaires. Sur cette quatrième de couverture, la référence au « Corintians » est elle aussi en cursive. Sur la 1ère de couverture, aux capitales scriptes de la citation (non attribuée) de 1 Co répond visuellement la cursive de la citation du livre de la Sagesse (attribution existante mais floue au « libre de la saviesa », et composée hors dessin sur des lignes plus larges.
Nous rendons à nouveau la cursive par l’italique. À noter que 3/21 sort du cadre défini par le trait de tracé du côté droit du poignet.
Soit : « J. Larzac — lectura/politica de la Biblia ».
Per una lectura politica de la Bíblia.
On se souvient que Jean Larzac connaît la littérature médiévale en langue d’oc, et par conséquent une de ses plus belles chansons d’aube anonyme, En un vergier sotz fuella d’albespi (PC 461, 113), dont il emploie le vers refrain E adès serà l’alba pour traduire Is. 21.11 et créer — sans le dire — une filiation poétique entre le prophète-poète biblique et le poète occitan (Lectura, p. 10). Sur ce texte voir en première intention Gouiran 2005, puis Chambon 2019.
Il faut remarquer, car c’est intéressant pour bien saisir comment Larzac lui-même percevait sa production intellectuelle que la page 6 (non paginée) comporte une liste de travaux et textes littéraires déjà parus, et scindés en deux catégories et deux sous catégories. Il y a ce qui est d’intérêt religieux, et ce qui est d’intérêt politique. Ainsi : « del meteis autor : Estudis biblics e religioses… […] …e poesia […] Politica, Istòria… […] … e poesia […] ».
Larzac 1973, p. 9-10.
On note ici l’absence de majuscule, alors qu’elle est bien présente pour les Occitans trois lignes en dessous.
Larzac 1973, p. 10. On remarquera que les Occitans ont droit ici à une majuscule niée aux Français trois lignes au-dessus.
Il faut bien le comprendre ainsi car Jésus est un juif, mais pas tout à fait comme les autres, voire radicalement différent. Les Occitans, appartiennent donc bien à l’ensemble français au sein duquel ils se singularisent et dont ils tendent à se détacher.
Larzac 1973, p. 10.
Cette mention de « sistematic » doit être interprétée au sens premier de l’adjectif (tel que le Petit Robert pourrait le donner) mais aussi comme référence à la Systématique comme branche de la théologie. Cela, alors que Jürgen Moltmann, déjà cité, et père de la théologie politique et point d’appui avec J. B. Metz de Joan Larzac dans son raisonnement, fut professeur de théologie systématique à l’université de Tübingen. Dans le même ordre d’idée, Johann Baptist Metz fut, lui, élève de l’immense systématicien que fut Karl Rahner. La théologie transcendantale de Rahner, foncièrement kantienne, a d’ailleurs été perçue comme propédeutique à la théologie politique de Metz. Voir Guenther 1994 et Holzer 2010. Ici Larzac cherche certainement à dire que son essai est plus didactique que théorique. Il renseigne, en occitan, sur ce qu’est la théologie politique et exemplifie ce que la théologie peut apporter à la lecture du cas occitan et donc à sa praxis.
Cet intérêt pour la cause occitane dans ses enseignements religieux et son travail exégétique en classe est aussi déclaré par Joan Larzac dans ses entretiens.
Voir Garcia-Ruiz 1990, particulièrement p. 29-38, et Pelegri 1979. On parle de MIEC-JECI (Mouvement International d’Étudiants Catholiques et Jeunesse Étudiante Catholique Internationale). En France ce furent les nombreux groupes « chrétiens » qui émergèrent après la seconde guerre mondiale : JOC, JEC, JIC, JUC (ouvrière, étudiante, indépendante, universitaire), et bien d’autres encore. Ces groupes de jeunesse de l’Action catholique eurent un rôle moteur en Amérique latine et en Europe pour penser un catholicisme critique et révolutionnaire, bousculant l’idée d’une foi au service du conservatisme et des valeurs bourgeoises.
Schooyans 1975, p. 169. Voir aussi Chaouch 2007, p. 25.
C’est ce que rappelle notamment Chaouch 2007, p. 19. Voir Gutiérrez 1969.
Chaouch 2007, p. 19.
Chaouch 2007, p. 19. Compagnon 2003.
Montpellier est alors un haut-lieu alors des luttes occitanes, où l’on verra notamment la création d’un département d’Occitan à l’université, et où Robert Lafont sera un jour Professeur. Montpellier, préfecture de l’Hérault, est aussi la « grande ville » des frères Rouquette et de Marie Rouanet qui, venus de Sète, y font leurs études et s’y rencontrent.
On pensera ici à Montpellier en plus de la présence de Jean Cardonnel, « ami » de Jean Larzac (conversation privée), à la présence de Larzac lui-même, à la dynamique des jecistes montpelliérains dont il est un des animateurs intellectuels et à la dynamique de liens œcuméniques, peu communs, avec la Faculté libre de Théologie de Montpellier (protestante) aux activités de laquelle Jean Rouquette contribue. Enfin, les effets de Mai 68, indissociables de la prédication de Cardonnel à la Mutualité, de la revue Esprit, et de l’élan de la revue franciscaine Frères du monde éditée à Bordeaux sont à ne pas négliger (Schlegel 2008). Frères du monde fut publiée de 1959 à 1974 (cf. Domergue 1978, p. 70).
Malgré la déclaration de la rédaction de la revue en encart d’ouverture de l’article de Cardonnel dans Viure 5, 1966, p. 12, « Un filh de sant Domenge saluda la fin de l’Inquisicion », « Publicam aqueste crit el còr e e l’èime qu’espontanivament nos foguèt mandat », il semble que c’est à l’invitation de Jean Larzac que Jean Cardonnel avait publié ce texte dans la revue. Texte, d’ailleurs, envoyé en français et très certainement traduit par Jean-Paul Brenguier (informations reçues de Jean Rouquette/Larzac, communication privée). « Joan-Pau Brenguièr » (p. 6-11) est l’auteur de la contribution précédent immédiatement celle de Cardonnel dans Viure 5, 1966 et intitulée « Quauques pensaments sobre la Cultura Occitana de uòi » (Viure, 5, p. 6-11), en réponse lui-même à Larzac dont un texte précède et reproduit à partir des Cahiers du Sud 386. Cet enchaînement des textes souligne à la fois le très petit milieu de la publication de Viure et les rapports suivis. Il faut d’ailleurs noter que Larzac se souvient bien de l’article de Cardonnel dans Viure (avec une erreur dans le titre le filh de sant Domenge, devenant « un dominican ») qu’il cite de mémoire en exemple de l’originalité radicale de la revue dans Oralitat e Umanitat 38, 5’35-5’48.
Il s’agit de l’article de Moltmann (1971) cité par Larzac (1973, p. 11).
Dans le cadre du développement de la théologie de la libération, bien que le clergé catholique semble dominer le terrain, l’œcuménisme est à l’œuvre dans toute l’Amérique latine, comme à Montpellier (cf. Chaouch 2007, p. 14-17). À Montpellier, et pour Larzac/Rouquette c’est surtout sa propre implication auprès des théologiens et exégètes protestants et leurs organes d’enseignement et de science (Faculté libre et revue ETR) qui semble constituer l’essentiel de sa pratique œcuménique. Ses liens historiques avec notamment l’Institut Protestant de théologie (IPT) et sa Faculté de Montpellier sont notamment attestés par ses liens avec Élian Cuvillier, bibliste comme lui (auteur de l’introduction de Larzac 2016), mais aussi à la génération précédente, avec Jean Ansaldi, pasteur et professeur d’éthique à la Faculté de Montpellier de l’IPT à qui Larzac rend doublement hommage dans son recueil L’an que ven d’onte ven (Larzac 2021b) avec les poèmes L’autre costat de çò visible (« A Joan Ansaldi » daté de « Nadal 1998 », p. 71) et An tengut (« Per dòna Ansaldi, en sovenir de Joan », p. 53).
Sur Viure, voir Oralitat e Umanitat 38, un extrait de son entretien avec Bernissan dans lequel Larzac revient sur Viure, sa création, son contenu, et sa fin (et le fait qu’on y disait tout en occitan). « Nos fotem defòra Ives e ieu, del comitat de redaccion. » 3’59-4’04 (Larzac cherche ses mots après « Ives e ieu »).
Comme, par exemple l’abbé Cubaynes, avec qui Larzac entretint des rapports, L’Emparaulada 29’44-30’36.
Larzac 2017.
Les principaux exemples employés par Jean Larzac sont tirés des terroirs de langue d’oc et de leurs réalités sociologiques et historiques et de leurs expressions littéraires.
Chambon 2022. Voir aussi Cavaillé 2017. Sur les liens de l’Autograf autocritic, poème étudié par Jean-Pierre Chambon, avec le texte de la Lectura il faut remarquer cette occurrence d’autocritica (Lectura, p. 14) un usage assez rare pour qu’on le remarque « Atanben lo govèrn de Dieu a travèrs lo rei s’autocritica a travèrs lo profèta. ». Rappelons la fonction poétique du prophète, et celle prophétique du poète chez Larzac comme dans la Bible.
Raguin-Barthelmebs/Chambon/Thomas 2018. Sur l’hommage aux idées de Fontan, et une certaine manière de battre leur coulpe d’avoir hurlé contre le PNO avec les loups montpelliérains, on pourra lire aussi le poème de Larzac (2021b, 55) daté (dans le texte, strophe 6, 21 b-22 a) de septembre 2001, et dédicacé (dans la même strophe 6, la dernière, qui fait office d’envoi) à « Francés Fontan » afin « qu’òm se remembre/qu’aquel Francés èra Occitan ! » (v. 22 b ; 23 b-24). Avec un jeu de mot évident sur le prénom (traduit en occitan) de François Fontan dont il fait rimer le nom avec « Occitan ». Ce poème étant d’ailleurs un des rares poèmes de Larzac à être composé de vers rimés. C’est là une manière pour Larzac de dire que Fontan, à qui l’on a reproché de ne pas être occitan, d’inventer des mots pour faire bien occitan, ou tout simplement d’être homosexuel, était en fait le parangon de l’Occitan (et qu’il n’y a pas besoin d’être né ici pour l’être, à la manière de Larzac le Libanais) cf. Chambon/Raguin-Barthelmebs/Thomas 2017). Une étude de ce poème est à souhaiter.
Les deux majuscules aux substantifs qui font le titre les érigent au rang de concept : ni coquille de l’auteur ni négligence de l’éditeur. D’ailleurs si l’édition occitane, très artisanale, peut compter des erreurs typographiques dans ses textes, rappelons que nous sommes 1/ tenante de l’édition des textes tels qu’ils sont donnés dans leurs manuscrits et tapuscrits d’auteurs, tirages parus car cela atteste d’un état de langue, et de pratiques (quand bien même celles-ci seraient l’attestation du caractère aléatoire de la connaissance de la graphie alibertine de l’occitan à une date donnée — et qui se voudrait graphie officielle —, ou de l’archaïsme de ses procédés d’édition et d’impression), et que 2/ dans le cas d’auteurs qui, notamment, s’auto-traduisent comme les frères Rouquette, nous n’interprétons ni les différences de ponctuation ou de graphie de majuscules ou de minuscules pour des erreurs, mais comme des signes précis du travail de traduction, et de l’interprétation et de la recomposition du texte qu’il implique. Rappelons qu’un poète comme René Nelli réécrivait sa pièce dans le passage d’une langue à l’autre.
Voir Oliveros Maqueo 1977.
Correspondance privée avec l’autrice de ces lignes, avril 2023.
Communication écrite privée de Joan Larzac à nous-même.
Dans Larzac (1971), nous relevons en notes de bas de page les références suivantes à des travaux : Théologie politique et affaires sociales contemporaines : Paupert (p. [9]), Metz, et Moltmann (p. 11), Larzac (p. [9]-10, et 190). Exégèse et histoire du christianisme : Mendenhall (p. 31), Harvey (p. 40), Selwyn (p. 49), Feuillet (p. 54), Gelin (p. 87), Harvey (p. 97), Dupont (p. 105), Gonzelmann (p. 107), Medenhall (p. 128). De Vaux (p. 166), Jeremias (p. 171). Il faut y ajouter dans le corps du texte et en notes de très nombreuses citations de la Bible, ainsi que des renvois à la littérature sapientiale (e.g. : note de renvoi au Talmud, p. 172 ; mention des traités de Qumran p. 141). Exégèse politique de la vie de Jésus : Brandon, Crespy, Cullmann, Carmichael, Duteil, Eissler, George, Hengel, Reimarus, et Weber (p. 139). La seule référence poétique hors de l’œuvre de Larzac est constituée de trois vers de « Max Roqueta » (p. 58). Non référencés par Larzac dans sa citation, il s’agit de vers du poème Ço que cerque de Los Saumes de la nuòch (1942).
Larzac 1973, p. 190.
Il s’agit là d’une sous-partie dans le dernier essai intitulé La revolucion e la fèsta. Cette notion de fèsta se retrouve énoncée dans le cinquième titre de son dernier recueil paru L’an que ven d’onte ven, intitulé « La fèsta, la vida, 368 jorns », Larzac 2021b, p. 231.
La théologie de la révolution semble être un concept attribuable à Karl Barth (Dubois 1970), sans oublier Cardonnel (1968) pour son influence sur Larzac notamment. Voir aussi Feil et Moltmann 1972.
Voir notamment Libanio 2005.
Chaouch 2017, p. 11-14 ; 22-23.
On peut faire la même remarque pour Boff 1972, traduit en français en 1974.
Par exemple William T. Cavanaugh à travers son étude par Brison 2020 (correspondance privée de Joan Larzac à nous-même, printemps 2023).
Cf. Schooyans 1975 et 1976, et le débat en cours dont il se fait l’écho.
Voir Legois et Suc, 2007, p. 106.
Larzac 2019b, L’Emparaulada, 5’20-5’49.
Oralitat e Umanitat 30, 6’31-6’59. Les embrassant toujours d’un même regard, il dit d’elles que ses deux vocations furent « bolegadas » au fil de sa vie en raison de la crise de l’occitanisme comme de la crise l’Église.
Même s’il n’est pas le seul à véhiculer ce discours, il en est sans conteste par ses publications, le principal idéologue et théoricien populaire de l’occitanisme nationaliste, hors partis politiques.
Oralitat e Umanitat 30, 8’01-8’04.
Oralitat e Umanitat 30, 7’00-8’22.
Offrejoie exécute un pas de plus puisque l’association n’est plus œcuménique mais œuvre dans un contexte interreligieux, tout en demeurant catholique, ce qui foncièrement la fine pointe de la mission du chrétien.
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