1Dans la littérature occitane du xxe siècle, nombre d’auteurs (surtout ceux d’origine populaire) auront été marqués, au moins au cours d’une époque de leur production, par le conte. Rien d’étonnant à cela : le xxe siècle constitue le point de basculement de la tradition orale à l’écrit littéraire de masse, avec pour arrière-fond, d’une part, le processus de substitution linguistique de l’occitan par le français, d’autre part, l’accès d’une élite populaire à la culture écrite par le biais, selon ses principes et finalités, de l’École de la République… Compte tenu d’un tel contexte, on peut donc considérer la production/publication écrite de contes comme la marque d’une volonté — pourquoi pas suspecte, on y reviendra — à la fois d’ancrage à la tradition et à une occitanité/occitanophonie transmise, et de valorisation d’un patrimoine populaire au moyen du passage de celui-ci à la sphère savante.
2En domaine d’oc, telle fut naguère — du milieu du xixe siècle jusqu’au milieu du xxe — la tâche d’une longue et prestigieuse lignée des folkloristes/ethnographes, qu’il s’agisse entre autres, en Provence, de Mistral lui-même et de ses différentes Proso d’Armana, en Gascogne de Bladé ou Arnaudin, en Quercy de Perbosc, plus récemment en Auvergne de Pourrat. Une telle démarche s’inscrit dans la dynamique romantique de l’éveil des nationalités : les lettrés sont censés restituer au peuple, qui lui en fournit la matière, sa dignité à travers l’accès à un écrit qui peut prendre deux formes. Celle, populaire, mais qui exige la compétence lectrice de quelques-uns, des almanachs ; celle, proprement savante, des livres et des bibliothèques. On sait toute l’ambiguïté de la démarche, pour aussi sincère et bien-intentionnée qu’elle ait pu être, du sachant qui finit par n’être qu’un rouage de la diglossie.
- 1 Citons l’exposition « Félix Arnaudin (1844-1921) imagier de la Grande-Lande : habitat et architect (...)
- 2 « La sensibilité est nouvelle, les traditions n’apparaissent plus comme “curiosités” et l’on s’eff (...)
- 3 Dans le sillage de Jean Séguy, les atlas linguistiques font aussi la part aux traditions populaire (...)
3Les méthodes de collecte accompagnent à la fois les évolutions technologiques (photographie chez Arnaudin1, magnétophone dès les années 1950, puis magnétoscope, enregistrements numériques) et les exigences de rigueur scientifiques (la prise de notes écrites impliquant nécessairement des lacunes et une reconstruction plus ou moins aléatoire du fragment recueilli). En pays d’Oc, la création en 1938 à Carcassonne de la revue Folklore2, son développement sous la houlette de René Nelli et sa perpétuation jusqu’à présent à travers le GARAE, a marqué une étape déterminante à cet égard. C’est dans cette lignée que s’inscrivent les travaux de grande notoriété de Daniel Fabre, récemment disparu, et de son équipe. Par ailleurs, les dialectologues ont été amenés, au-delà du recueil de données strictement linguistiques, à consigner ces éléments parmi ceux caractéristiques des cultures populaires rencontrées. On mentionnera à titre d’exemple les travaux de Xavier Ravier et de Jacques Boisgontier3.
4Dans la grande Occitanie (celle linguistique et culturelle, pas seulement l’administrative), il y a donc à la fois (comme partout ailleurs) matière à collecter, et maintes compétences pour les étudier, les transmettre et les faire ainsi sortir de l’anonymat de leurs origines. La spécialisation et le traitement scientifique du matériau (sur lequel nous reviendrons) n’a pas pour autant interrompu la tradition littéraire de récriture des contes populaires, même si force est de constater que cette veine tend à se tarir aujourd’hui. Aux notables, qui tenaient souvent leur engouement pour les contes de la domesticité de leur entourage familial, a succédé la catégorie intermédiaire des curés de campagne et des instituteurs. Ils sont souvent d’origine populaire et ont accédé à la culture française à travers les séminaires et les Écoles normales ; ils exercent aussi en milieu rural, au contact d’une occitanophonie encore préservée.
5La trajectoire de Jean Boudou illustre cette configuration. Il est également, dans ses premiers textes, l’héritier des Countes de la tata Manou, de l’abbé rouergat Justin Bessou. Il est encouragé par le félibre Henri Mouly — qui préférera la poésie et surtout le théâtre — à publier les recueils des Contes del meu ostal et des Contes dels Balssàs, dont on voit clairement ou non (pour le second) l’origine familiale. Le cas de Boudou est intéressant en ce qu’il illustre une rupture générique — le conte n’est qu’un passage dans son œuvre — inscrite sur la toile de fond d’une confrontation idéologique.
- 4 Cette problématique peut être reliée au débat sur la traduction ou l’auto-traduction des œuvres oc (...)
6Les deux ouvrages cités relient notre auteur au modèle félibréen (Mistral et son « sous-produit » local, Bessou) ; La grava sul camin, son premier roman, signe son passage dans l’orbite de l’Institut d’études occitanes. Robert Lafont, figure dominante de ce mouvement, l’y encourage vivement : il voit dans La grava le pendant de sa Vida de Joan Larsinhac. Pour mieux se distinguer du « félibrisme » — Mistral, c’est « l’illusion » —, l’occitanisme mise désormais (sans aucun doute, par mimétisme inconscient) sur le genre emblématique, depuis le xixe siècle, de l’écrit savant de langue française. Passer au roman, c’est se démarquer définitivement des patois et des patoisants, accéder à la dignité d’une vraie littérature moderne… à la française. Désormais, Boudou ne publiera plus de contes4.
7En pareil contexte, on est amené à se demander si persister dans la voie du conte signifie pour autant aller à contre-courant de ce que l’on dénomme volontiers le « sens de l’histoire ». S’agit-il en soi d’une démarche rétrograde ? On peut y voir en tout cas une volonté assumée de ne pas s’inscrire dans la rupture — faire table rase des postulats et des pratiques du Félibrige —, mais au contraire dans le sens d’une continuité : tenter de sortir de l’imitation servile et nostalgique pour inscrire le conte, parmi d’autres vecteurs, au cœur d’une stratégie de reconquête d’une occitanophonie qui se délite, qui vise à la continuité, à une suture potentielle de la rupture de la transmission intergénérationnelle de la langue et de la culture. Telle a été l’option développée par André Lagarde, dont il va être question à présent.
8L’œuvre écrite d’André Lagarde, caractérisée par son éclectisme militant, abordant entre autres la lexicographie, l’anthroponymie, le récit, la traduction, la poésie et la didactique nous ramène à une trajectoire qui, depuis 1925, n’est plus très loin de couvrir un siècle. Presqu’autant, pour ce qui est du conte : depuis les veillées de l’enfance ariégeoise où son père contait et conviait au coin du feu quelques bons diseurs de ses voisins ou clients, jusqu’aux livrets-disques que publient aujourd’hui même, non sans succès, les éditions toulousaines Letras d’Òc. D’une position d’auditeur à celle de collecteur, puis d’enseignant, de responsable militant linguistique et culturel, d’auto-éditeur et d’auteur récurrent. De 1967 à 2020, on compte 12 recueils publiés, souvent réédités, et une anthologie : Contes occitans, rééditée sous le titre à l’écho mistralien : Les secrèts de las bèstias. Par ailleurs, les traductions font la part belle aux contes et nouvelles, et l’on voit bien l’importance du genre chez André Lagarde.
9La phase la plus ancienne, dans le processus long qui nous occupe, est selon mon point de vue, absolument déterminante : le goût pour le conte est né de l’expérience de l’auditeur, qui plus est d’une expérience intime de l’enfance, l’âge adulte n’étant, on le sait, qu’un retour de plus en plus prégnant vers celle-ci. L’atmosphère, l’art du diseur, allant du facétieux au tragique, la parole et son rythme habitant et métamorphosant le père ou le vieux voisin en acteur, l’espace clos domestique en un théâtre plongé dans la pénombre, le jeu du récit entre frères, voilà qui aura fasciné, dans les années 1930, l’enfant rural de Bélesta (Ariège). Et dont il gardera à jamais une attention particulière aux sonorités de la langue, à la rythmique du phrasé, aux effets des pauses et des silences, que partage un autre genre, lui aussi cultivé dans les années 1950-60 par André Lagarde : la poésie. Deux genres fondés sur l’oralité, qui ne font traditionnellement, aux frontières du populaire et du savant, que tangenter l’écrit.
10La claire conscience, depuis très tôt (14 ans, dit-il), du recul de la langue d’oc, dont il est lui-même l’acteur involontaire (on s’adresse en français à lui seul, l’intellectuel de la famille), l’amène à se rapprocher du mouvement félibréen local : l’Escolo deras Pirenèos, qui a pignon sur rue, incontournable en Comminges et en Ariège, puis l’Escòla occitana toulousaine, dont l’un des plus ardents promoteurs, Joseph Salvat, natif du même village audois que ses parents, Rivel, l’encouragera fermement dans cette voie. Dans les années 50, André Lagarde devient folkloriste, notant d’abord par écrit les contes récités à Rivel ou Bélesta par des personnes plus ou moins âgées de sa connaissance ; au début des années 60, il acquiert un magnétophone à bandes, transportant cet impressionnant mastodonte qui mobilise parfois l’unique prise de courant de l’habitant (celle destinée au poste de radio), dans les cuisines sombres et enfumées des fermes. Ses hôtes, qu’il connaît, finissent par oublier l’artefact et se prennent au jeu… C’est là qu’est recueilli le fonds qui donnera matière à publication, singulièrement de la majeure partie des 400 pages du volume de 2005, Les contes occitans. André Lagarde se révèle, comme le dira son éditeur Jean Eygun (2016), « lo qui sap cuélher ».
11Conteurs et ethnographe partagent l’environnement biotopique et social, la langue, et l’amour du conte. Bien sûr, l’un a aussi un pied dans la langue française et la culture savante, les autres non ; mais, à l’instant même du collectage, cette divergence — comme au temps des veillées familiales — s’abolit, favorisant l’éclosion et la conservation à venir d’une parole authentique. C’est au-delà, dans le traitement des données de ce corpus pas à pas constitué lors des vacances de l’enseignant, que se profile la redoutable problématique de la transcription et de la réécriture.
12À ce point précis interviennent deux facteurs déjà esquissés, qui trouvent à se conjuguer : l’influence de la culture savante française, d’une part ; les conceptions antagoniques de la langue, à la jointure, où se trouve André Lagarde, du sous-mistralisme de l’Escolo deras Pirenèos, de l’occitanisme félibréen de l’Escòla occitana et de l’occitanisme anti-félibréen de l’Institut d’estudis occitans d’autre part. Quand on est issu d’un milieu où le livre est rare (« il y avait peu de livres à la maison : le missel de ma mère et quelques almanachs », confiait-il à Josiane Bru, 2005, 13), l’écrit est une conquête socioculturelle dont on mesure le prestige et qu’on ne saurait dilapider en rédigeant mal. La formation d’instituteur prédispose sans nul doute — comme à l’égard des élèves — à améliorer, à corriger le texte, à le débarrasser des ratures que sont les blancs, les redites et autres ratages de la parole des informateurs. Passer à l’écrit suppose d’être lisible, a fortiori dans la perspective, exigeante et gratifiante, de la publication. C’est d’ailleurs ainsi qu’André Lagarde recevra, de manière critique, les travaux ethnographiques, à prétention clairement scientifique, de Fabre et Lacroix (1973-1975), réalisés sur des terrains voisins du sien, le plateau de Sault qui surplombe Bélesta et Rivel.
13La question qui se pose est clairement celle de la fidélité. Josiane Bru (2009) la formule ainsi :
Si l’on ne peut douter de la sincérité des folkloristes lorsqu’ils se déclarent fidèles à la parole des conteurs, il est impossible d’éluder la question de ce qu’ils entendent par là. À quoi sont-ils réellement fidèles ?
14Vaste débat, surtout lorsqu’il est formulé en cette métaphore extrême par Pourrat, auteur d’un Trésor des contes publié en 13 volumes : « Le folklore représente le peuple comme un fagotier représente un arbre. Le peuple en vie ne se trouve pas dans les recueils » (cité par Bricout). De manière plus nuancée, on ne peut que conclure avec Jean Derive (2005) que :
le passage de l’oral à l’écrit pour le conte est une opération plus délicate qu’il n’y paraît de prime abord. Il n’y a pas de toute façon de solution idéale et il est certain que ce type de transposition représente toujours une perte.
15À cela, il y a plusieurs raisons : tout d’abord, les éléments de contextualisation et d’interaction. Toujours selon Derive :
Le moment de la récitation est en lui-même une ambiance et l’attitude du conteur, sa diction, suffisent à créer ces atmosphères de fiction. D’ailleurs les effets dramatiques ou comiques sont souvent soulignés ou redoublés par les réactions de l’auditoire (qualité de silence, rires) même si le plus souvent cet auditoire connaît déjà, pour la majorité, ces histoires.
Ce que résume ainsi Nicole Belmont (2005) : « Tout ceci ne saurait se pallier et il faut savoir en faire le deuil », pour enchaîner un second constat : « Autre perte : celle qui provient de la mouvance du texte oral ».
16Deuxième élément de réflexion : en fait, comme le suggère Derive, quiconque passe une performance orale à l’état de texte devrait se situer entre deux approches : celle des « adaptateurs-écrivains » et celle des « collecteurs-transcripteurs ». La marge de manœuvre est en effet divergente : dans le premier cas, la récriture est assumée voire proclamée, dans le second, elle devrait être réduite aux seules exigences du changement de canal : de l’auditif (l’écoute, et en partie visuel, la coprésence conteur-auditeur), au visuel (la lecture, éventuellement mêlée d’audition en tant que lecture/interprétation à voix haute). Quoi qu’il en soit, s’opère, comme le souligne Josiane Bru (2009), « une rupture » entre deux codes bien distincts. Quant à Belmont (2005), elle indique : « La vue est un sens qui impose ses critères d’évidence. À l’ouïe on peut échapper, et l’écoute n’interrompt pas nécessairement le travail mental », celui-ci étant basé sur « les images mentales » (l’imaginaire), qui se déclinent « sous forme de figurations et de mises en scène ». Ainsi, ajoute-t-elle, parce que cohabitent « un contenu manifeste et un contenu latent », on peut en déduire que le conte oralisé « obéit aux mêmes mécanismes d’élaboration que le rêve, tels que Freud les a découverts ».
17Troisième constat : outre ce changement de canal, et les conséquences qu’il implique, le passage de la parole à l’écriture signifie un deuxième changement de code, celui-ci étant linguistique et rhétorique. Tant et si bien que, comme l’observe Derive, « Il serait […] naïf de penser que, pour passer d’un conte oral à un conte écrit, il suffit de transcrire fidèlement la lettre de ce qui a été dit, car on aboutirait alors à un texte parfaitement inconsommable à la lecture ». En effet, toujours d’après le même analyste,
La communication orale et la communication écrite n’obéissent pas […] aux mêmes lois rhétoriques : l’énoncé de la première est davantage régi par la parataxe (beaucoup de juxtaposition, peu de subordination) et s’élabore à coups de reprises tâtonnantes, le texte de la seconde est plus construit et supporte moins bien les incises et les répétitions. (Derive 2005)
18« Les silences, hésitations, redites, oublis, lapsus et lacunes de l’oral » constitueraient un « sous-texte », dit Belmont, qui ne peut être conservé à l’écrit. Vouloir le transcrire tel quel constituerait un bien mauvais choix, le texte écrit se trouvant saturé, et le lecteur dérouté. Mutatis mutandis, on se trouverait dans une configuration analogue à celle pratiquée par la génétique textuelle, option scientifique extrêmement riche mais destinée aux seuls spécialistes. Comme l’observe Josiane Bru,
Pris de vertige, le transcripteur ne sait plus où donner de la tête et tente de faire retenir dans l’écrit le plus d’éléments possibles du récit oral. Le sens se perd dans le codage des détails, le fil du récit casse sous les annotations. L’histoire racontée devient d’autant plus illisible que la transcription veut rendre compte d’un maximum de choses. Au lieu de mettre en lumière le récit oral, elle en souligne les défauts et imperfections face au texte construit par écrit. (Bru, 2009)
- 5 Selon Venuti, le choix de rendre visible l’intervention du traducteur est la marque tangible du pa (...)
19Au vu des deux types de changements de codes observés, la transcription doit se considérer (et être considérée) comme une traduction — sauf qu’ici la problématique de la visibilité/invisibilité du traducteur (Venuti 1995) est vite résolue5 —, et s’efforcer de prétendre ménager, comme nous l’avons remarqué, un au-delà des mots. C’est ainsi que Belmont (2005) décrypte, à juste titre, que : « Si le conte est un récit apparemment simple, presque naïf, on pressent que cette simplicité est trompeuse : il est à la fois transparent et opaque. On soupçonne qu’il recèle des significations importantes et surprenantes. Il dit autre chose que ce qu’il dit ».
20Reste enfin la question du style. Observons tout d’abord avec Derive (2005) que « la forme d’un contenu n’[est] pas une simple affaire d’ornement mais particip[e] aussi de sa signification », autrement dit que vouloir faire un « exercice de style » risque de dénaturer le produit. Et que, bien que « la trame de l’histoire, en ses principaux noyaux narratifs, respecte en général assez bien celle du conte-type », il serait bon d’éviter « l’addition de nombreuses catalyses qui étoffent le texte […] par des notations psychologiques ou affectives abondantes et relativement développées, des descriptions de décors destinés à créer des atmosphères, sans parler des enchâssements narratifs » (Derive). Car c’est bien « la mémoire collective, au terme d’une lente décantation, [qui] en fixe le schéma narratif » (Bricout). À trop vouloir bien faire pour dignifier le conte, on peut au contraire le desservir. Ainsi, pour Bru :
Interrogé sur sa façon de faire, le transcripteur insiste sur ses priorités : « J’ai essayé de rendre le rythme de la parole ; j’ai porté une grande attention aux respirations, que j’ai tenté de rendre par les points et les virgules ». Or l’exercice simultané d’écoute et lecture du conte fait apparaître des décalages entre version orale et version écrite. En dépit de la priorité énoncée, le transcripteur ne restitue pas à proprement parler le rythme du récit oral, il le souligne. (Bru 2009)
21Or, eu égard aux relations amicales de Josiane Bru et André Lagarde et aux discussions menées à l’occasion de l’édition par la première du recueil Contes occitans, il ne paraît pas impensable que le discours rapporté dans cette citation puisse être attribué au second.
22Revenons-en à l’intervention d’André Lagarde sur le corpus qu’il a lui-même recueilli. Et d’abord, comment le situer par rapport à la dichotomie « adaptateurs-écrivains » vs « collecteurs-transcripteurs » suggérée par Derive (2005) ? Si son collectage l’inscrit dans cette dernière, il n’est pas certain qu’il faille exclure Lagarde de la première. Si la fréquentation intime des conteurs, dès son plus jeune âge, a pu le sensibiliser aux effets stylistiques de l’oralité populaire, on se souviendra que la première publication de notre auteur est un recueil poétique (A Puèg-Verd, 1961) et qu’il a plusieurs fois, autour des années 1950-1960, été primé pour ses vers, tant par l’Escolo deras Pirenèos que — c’est autrement prestigieux — par l’Académie toulousaine des Jeux Floraux. Or, le conte, la poésie et le théâtre présentent la même dualité : ils peuvent autant reposer sur le support écrit qu’être oralisés. Il y a donc déjà du métier chez André Lagarde lorsqu’il publie, en 1967, son premier recueil de contes, Tres aucèls de l’ombra.
23L’intention d’« améliorer le texte » en éliminant les ratures du conte dit, constitue une autre évidence, à la fois liée au métier de poète, particulièrement sensible aux sonorités et aux courbes intonatives — que mettent sans conteste à mal les hésitations et redites —, au poids de la formation académique subie et reproduite (nous l’avons indiqué) et au souhait de réhabiliter qualitativement l’ethnotexte, de le rendre susceptible d’entrer dans la Littérature. C’est en ce sens que la démarche d’André Lagarde s’intègre dans la tradition des folkloristes/ ethnographes, et qu’il manifeste des préventions vis-à-vis de la méthode scientifique adoptée par Fabre et Lacroix.
24La production d’André Lagarde en matière de contes est de double nature. Il y a d’une part les textes collectés, tels que les a réunis et édités Josiane Bru en 125 versions dans le volume Contes occitans (2005) devenu Les secrèts de las bèstias (2014), fruit de la méthode dont elle retrace avec sobriété le cheminement : « ils ont été d’abord écoutés par lui, plusieurs fois pour certains et de plusieurs conteurs. Plus tard notés, puis mis au net, parfois enregistrés et transcrits » (Bru 2005, 1). Il y a d’autre part, les textes, présentés en divers fascicules (Très aucèls de l’ombra, 1967, Très castèls del diable, 1968, Très palometas blancas, 2003, et bien d’autres), « qui sont des versions “personnelles” de l’auteur, l’expression de ses choix propres » dictées par des finalités pédagogiques, résultant d’un processus ainsi décrit par Bru :
[ces versions], il les a construites et rodées progressivement en faisant, à la manière des anciens, son chemin parmi les possibles de ce genre qu’il possède à fond, il n’ajoute rien. Il sait « de l’intérieur » la cohérence de la trame narrative, il ne se trompe pas sur la place et la fonction des motifs, il raconte et l’écriture vient dans un second temps. (Bru 2005, 3)
25D’une certaine manière, voilà donc (en partie) résolue la dichotomie précédemment exposée : l’intervention de Josiane Bru en vue d’un retour à la condition de « collecteur-transcripteur », réfrène la tendance — certes autrement finalisée que par la démarche scientifique — d’André Lagarde de se faire « adaptateur-écrivain ». La première approche (chronologiquement aussi, quoique seconde d’un point de vue éditorial), présente les caractéristiques et les défauts de la démarche des folkloristes-ethnographes d’avant et après les enregistrements sonores. La seconde approche, en poussant plus avant l’écart à la production brute, dévoile avec la récriture le goût de « la belle langue » (Derive 2005), stylistiquement polie, qui s’exprime par ailleurs chez notre auteur dans le poème ou le récit. Si le texte réélaboré sonne juste, c’est bien, comme le note Bru, en raison de la longue intimité de l’écrivain avec le matériau scientifiquement légitime, et qu’il n’est pas perçu, à la lecture comme à l’oreille, comme un « bâtard générique », un artefact irrecevable. Sans doute, plus précisément, parce que le texte récrit, avec ses sonorités et son phrasé, conserve — par sa « décantation » (Bricout) —, sa concision, propice au déclenchement des « images mentales », parties intégrantes du rêve, ainsi que le suggérait Belmont.
26Mais tout n’est cependant pas aussi clair, à preuve ce qu’écrit André Lagarde dans l’« Avertiment » à Sinèra e la mòstra d’òr (1999) récit lui aussi basé sur le recueil, à Lavelanet, également dans les années 1950, de la narration orale de Jean Bouïchou :
Tot çò qu’ai amassat de testimoniatges sus sa vida, sus son temps, sus son país, o ai apariat e mes en fòrma en sarrant al pus prèp las nòtas presas alavetz [pendant les années 50], per ne far un raconte seguit que siá, siquenon la realitat autentica, tot al mens la relacion fidèla que se’n podiá obténer a travèrs sos sovenirs. […]
Sàpia pr’aquò lo que cèrca de literatura que dins aiceste raconte ne trobarà pas. Los mots i son pas adobats per « far polit » mas solament per « dire ». L’oralitat fòrabandís tot trabalh de la frasa, tota recèrca dins l’expression : se contenta de la paraula justa, dins la mesura ont la pòt aténher. Aquò abotís, al melhor, a qualques passatges uroses dont l’estetica s’aparenta un pauc a l’art naïf.
La temptacion èra granda de melhorar lo tèxte, pro sovent malbiaissut, e sustot de ne normalizar la lenga per ne rendre pus aisida la lectura. La volontat de l’editor es estada autra […]. (Lagarde 1999, 9-10)
27Se trouve aussi mis en cause — l’extrait précédent le mentionne — le modèle de langue. Replaçons la problématique dans la trajectoire d’André Lagarde. Si l’Escolo deras Pirenèos cultive le localisme des parlers, qu’elle transcrit « phonétiquement » (c’est-à-dire de manière involontairement ambiguë, avec le recours aux graphèmes du français, selon le modèle mistralien adapté), l’Escòla occitana et l’IEO, qu’il a fréquentés ultérieurement, partagent quasiment la même conception unitaire de la langue au moyen de la graphie « normalisée » ou « classique ». Entre émiettement « fidèle » de la langue et uniformisation graphique qui conduit de fait à escamoter les particularismes, il faut là aussi choisir. C’est l’éternel débat en terres d’oc ! Depuis le début des années 1950, André Lagarde pratiquera systématiquement la graphie normalisée, au grand dam du capiscol de l’Escolo, Jules Ponsolle, qui voit s’échapper un sujet prometteur.
28Reste les dialectalismes. Nous sommes à nouveau face à la bipartition des textes de contes, avec d’un côté Contes occitans (2005), réédités sous la dénomination Les secrèts de las bèstias (2014), et les nombreux fascicules inaugurés en 1967 par Très aucèls de l’ombra. Ces derniers s’emploient à diffuser une langue « normalisée » (pour reprendre le terme de l’extrait précédemment cité), dans une perspective pan-occitane, alors que les Contes (tout comme Sinèra) se veulent le reflet fidèle des particularismes dialectaux de la zone du Pays d’Olmes et du Quercorb, aux confins des départements de l’Ariège et de l’Aude — l’ancien diocèse de Mirepoix, supprimé en 1801.
- 6 André Lagarde les indique du reste à son lecteur (1999, 11-12).
29Voyons quelques exemples6, extraits, au hasard, du conte « La montanha dels sèt monts d’òr » (2005, 101-105), caractéristiques du dialecte restitué (en italiques les marques dialectales) :
- 7 L’italique est réservée aux « écarts à la norme », éléments caractéristiques du parler, transcrits (...)
E Jan lhèu fèit contèc cossí las causas s’èran passadas7. (102)
Al cap de nau jorns, a lhuna lhevada, truquèc a la pòrta d’un cabanòt […]. (102)
Le paure Jan èra plan descoratjat e plan las. Se tornèc metre en camin. Caminava, caminava, sens jamès véser anma que visca. Al cap d’autris nau jorns arribèc davant una autra cabanòta. Truca a la pòrta. Un òme vièlh, vièlh coma Matusalem […] i durbís. (103)
- 8 Le summum jubilatoire à manier ce particularisme étant sans doute : « Trobèc una lhòca que passejav (...)
- 9 Dont la flexion est inchoative (durbissi), la forme concurrente [dƐrb] duèrb, ne l’étant pas (duèr (...)
- 10 Il y en aurait bien d’autres : au hasard des pages, les palatalisations lhènc pour luènh, achí [at (...)
30On relève d’abord, au plan de la phonétique, la palatalisation du l- initial (3 occ.8 ) ; concernant la morphologie, l’article “toulousain” masc. sing. le, au lieu de lo ; le participe passé fèit (vs fait/fach), forme du verbe fèr et non pas far ; les formes du parfait (4 occ.) en -èc et non en -èt ; et la forme de présent durbís9, qui cumule la fermeture de l’o en u et la métathèse -br- > -rb-, face à dobrís. On y ajoutera les formes lexicales gallicisantes Jan pour Joan et jamès pour jamai. Il faudrait une étude plus exhaustive pour rendre compte de cette somme d’écarts à la norme10, entre autres du côté des interjections.
31Il n’est pas sans intérêt, du reste, de nous pencher sur cet « écart à la norme » du parler d’origine d’André Lagarde, et de le mettre en rapport avec sa trajectoire éditoriale. En premier lieu, il semble raisonnable de considérer l’écart de ce parler avec l’occitan standard — du moins, celui promu par l’Escòla occitana et l’IEO — relativement faible. L’ancrage linguistico-territorial des codificateurs, rivelois pour Salvat et audois pour Estieu (Castelnaudary), dans le premier cas ; audois, pour ce qui concerne Alibert (Montréal d’Aude), dans le second, n’a pas été sans effet sur leurs préconisations. Si bien qu’on peut estimer que, bien qu’il en ait eu une parfaite conscience, un tel écart n’a jamais, en soi (linguistiquement), constitué un véritable obstacle dans le cas de Lagarde. L’étendue du diasystème est bien plus problématique ailleurs.
- 11 André Lagarde se heurte à la fois à la perte de mémoire du conteur — en 1953, “Bonaparta” est à so (...)
32Par ailleurs, on distingue bien différentes périodes d’usage dans la bibliographie de notre auteur. Il y a ainsi un clair mouvement de « dépatoisisation » entre sa fréquentation de l’Escolo, son rapprochement de l’Escòla et de l’IEO assorti d’une prise de responsabilité à l’assise géographique de plus en plus large, qui ne laisse plus guère de temps au collectage (dont les fruits, parallèlement, se raréfient11). Et ce n’est que dans les années 1990-2000, une fois en retrait des responsabilités militantes, que s’effectue une sorte de retour aux origines, sans renier pour autant le mouvement antérieur. Alors sont en effet publiés Le Trésor des mots d’un village occitan : dictionnaire du parler de Rivel (Aude) (1991) et son supplément Encara n’i a (1994), Sinèra e la mòstra d’òr (1999), Contes occitans (2005) et Al temps que te parli : la vida dels Boishons : remembres de Felicia Cabanié-Lagarde, 1892-1983 (2008), souvenirs de l’enfance riveloise de sa mère. Il s’agit là, à n’en pas douter, non pas d’une fracture, mais plutôt de la reprise compensatoire du local, dans un mouvement aussi bien motivé par l’avancée dans l’âge (en 1990, il a 65 ans, en 2005, 80), que par le sentiment, malheureusement avéré, de la perte, sinon d’une civilisation, du moins d’une langue socialisée et d’une culture rurale millénaire. Face à ce constat, il importe de témoigner en publiant les matériaux collectés : le trésor des mots, celui des contes, ou « du temps [révolu] dont je te parle ».
- 12 Le Vocabulari occitan, dont la première édition remonte à 1973, se redéploie en Dictionnaire occit (...)
33Auparavant et plus (on l’a vu) en complémentarité qu’en opposition12, l’« Avertiment » du premier fascicule de contes, publié en 1967, Tres aucèls de l’ombra, et la note « Pour lire » mise en regard, sont significatifs de la démarche dans laquelle André Lagarde inscrit la publication de ces contes. Pédagogie de la langue, ou comment tenter de passer en douceur des pratiques patoisantes — « La Catinou », de Charles Mouly, diffusée à partir de Toulouse par La Dépêche du Midi, est à cette époque le plus grand vecteur régional de diffusion de la langue et la culture d’oc — à l’appropriation de la graphie normalisée : « Conformez-vous aux habitudes de prononciation qui sont celles de votre région. Vous noterez que… » (1967, 6). Pédagogie de la culture, à destination de ses propres enfants, « als mieus escolans del païs carbonés, a la joventut occitana », à qui André Lagarde entend transmettre (« prenètz-los que son vòstres ») ces « paures aucèls de l’ombra » que sont devenus les contes, « gaireben malmorits, al bòrd del trauc del debrembièr », dans l’espoir « qu’aletegen de boca en boca » (ibid., 7-8).
34La vertu du choix graphique est bien, à l’inverse du conteur traditionnel qui ancre son dire dans l’environnement immédiat partagé, de délocaliser, d’universaliser : le languedocien « central », on l’a dit, doit l’être aussi à l’échelle de l’ensemble des pays de langue d’oc, dans le respect de la norme d’Estieu-Perbosc-Salvat et de celle d’Alibert. Quant au matériau en lui-même, « il n’y a effectivement rien [ou presque !] d’original dans les contes populaires », comme Lagarde l’aurait confié à Josiane Bru (2005, 13). La stratégie de réappropriation de la langue et de la culture occitanes pour et par la jeunesse des pays d’oc, entend remédier à la substitution linguistique, et plus précisément à l’interruption de la transmission intergénérationnelle, symbolisée par l’irruption de la méchante fée Électricité — la modernité, le progrès et le français : en un mot, Électricité de France —, cette « dòna Electricitat [qui] ara escampa dins cada ostal sa lutz espantadissa e [qui fait que] cap d’aucèl de l’ombra [les contes] i gausa pas dintrar »(1967, 7). L’universalité des contes et l’universalité (relative) de la forme linguistique employée s’inscrivent dans une perspective diamétralement opposée à celle des félibres localistes qui ont isolé, empoussiéré et fossilisé cette matière vivante, qui devrait et doit, dans la mesure du possible, le rester.
35Depuis 1967, le propos d’André Lagarde n’a pas varié : après les auto-éditions, celles sous l’égide du CREO de Toulouse ou de l’IEO, aujourd’hui au catalogue de Letras d’Òc, continue de s’alimenter à des rééditions de textes ou, plus récemment, sous forme d’objets hybrides (texte imprimé plus enregistrement vocal sur CD) permettant, sur la base de l’écrit appris ou réappris — la condition actuelle la plus répandue étant celle des néo-locuteurs —, de s’approprier ou se réapproprier l’oralité du texte (phonétique, prosodie). À ce jeu, quoi de plus naturel que le conte, puisque, contrairement aux autres genres de la prose, c’est là sa condition première. On observera par ailleurs que le choix linguistique (standard et graphie classique) a été également maintenu, à l’exception du recueil Les secrèts de las bèstias (2014) repris des Contes occitans de 2005, adressé à des publics plus avertis (et plus argentés).
36Un cas également atypique est présenté par un autre volume de contes : Contes dels quatre vents (1993), où André Lagarde délaisse le conte estampillé « occitan » pour adapter et traduire 13 contes « classiques » de Perrault, Grimm, Andersen et Browning. Il s’adresse à un public (en premier lieu, « l’enfant ou l’adolescent » — 1993, 7) censé les connaître, en tant que « redécouverte » du texte destinée à « faciliter son initiation à l’occitan », car il s’agit-là « ni plus ni moins d’un procédé relevant de la “méthode de l’immersion” dont l’efficacité est incontestable ».
37Nous avons donc affaire, comme pour la série inaugurée par les Lettres de mon moulin, de Daudet (1970), à une entreprise de « traduction-capitalisation » — selon la nomenclature de Pascale Casanova (2002) —, c’est-à-dire à une appropriation par le livre d’oc d’un capital culturel élaboré dans une/d’autres langue(s) et ayant intégré un patrimoine culturel universel. Plus précisément, si ce faisant, on accrédite l’idée que l’occitan n’est pas un patois mais une langue à part entière à l’instar de celles de plus grande diffusion, il s’agit une fois de plus de faire œuvre pédagogique : ce n’est pas au bien culturel (supposé être déjà connu) qu’on s’intéresse, mais à faciliter l’apprentissage de la langue d’oc par une démarche à la fois déductive et inductive. On observera néanmoins que, dans toute langue « normalisée », au sens catalan du terme (c’est-à-dire, autonome, débarrassée de la diglossie, parce que remplissant toutes les fonctions sociales), cette démarche est censée éviter le détour par la langue autre/dominante (en l’occurrence, le français), alors qu’ici, cette connaissance (médiatisation) est donnée comme préalable, à l’image (mais en sens inverse) de celle employée par certains pédagogues qui prenaient appui sur les patois pour alphabétiser les masses dans la langue de la République. C’est donc en connaissance de cause, au nom d’un principe de réalité (les conditions de minoration de l’occitan, tout spécialement dans la sphère scolaire), que Lagarde agit ainsi.
38Comme cela a été suggéré au départ de cette réflexion, l’œuvre longue d’André Lagarde présente d’indéniables continuités, sachant qu’il est ou est devenu polygraphe, aussi bien par une curiosité naturelle et intellectuelle avérée que — comme d’autres militants linguistiques et culturels — pour s’atteler à combler les lacunes criantes en matière d’outils linguistiques et pédagogiques. Le conte relève chez lui, on l’a vu, d’un parcours vital : c’est dans le conte et le récit (des récits de vie/s) que sans doute il laissera avant tout sa trace dans la littérature d’oc. Voilà donc identifié un premier fil d’Ariane, qui se subordonne à un autre, lequel coiffe également un troisième, celui du lexicographe.
39La lexicographie (vocabulaire, dictionnaire normatif, trésor et, dans une mesure non négligeable, dictionnaire d’onomastique) vise à doter la communauté d’un capital linguistique et à rendre celui-ci le plus accessible possible. Le vocabulaire ou le dictionnaire sont des squelettes qui ne sauraient suffire, même dans ce cas jamais décharnés, grâce à l’adjonction récurrente de locutions et expressions, qui toujours renvoient à la culture — celle-là même qui s’incarne sur un territoire et dans le nom de ses habitants. Il y faut en outre un matériau textuel où se joue l’agencement de la langue, son phrasé, son authenticité et pourquoi pas son « génie » — c’est ici le conte, accessoirement le récit. Mais ces deux fils d’Ariane traduits en œuvres obéissent en réalité à un autre qui les transcende : la réparation de la solution de continuité de la transmission de la langue et de la culture d’oc. Le conte et le lexique (catégories à envisager au sens large) semblent n’en être que les agents stratégiques, alors qu’ils en sont en réalité les piliers : les deux piliers censés, la force du militantisme aidant, déboucher sur un nouvel équilibre, celui d’une langue retrouvée dans ses potentialités, qui sait dans ses usages. Une langue ancrée dans son histoire, sa tradition et son territoire, mais aussi, comme les contes, à vocation et à portée universelles. Opération — comme aurait dit Robert Lafont — au plus haut point « conjecturale » au jour d’aujourd’hui…