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Joi et joie

« Tuttor ch’eo dirò “gioi” ». La « joie » appellatif de la dame dans la lyrique romane médiévale

(avec quelques remarques sur les pseudonymes poétiques des troubadours)
“Tuttor ch’eo dirò ‘gioi’”. The “joy” Appellative of the Lady in Medieval Romanesque Lyric (with some remarks on the poetic pseudonyms of troubadours)
Federico Saviotti
p. 293-313

Résumés

La présence de l’appellatif « douce yoye » adressé à la bien-aimée du je-lyrique, dans un rondeau français consigné dans un fragment de ms. italien récemment découvert, amène à s’interroger sur l’emploi du mot « joie » et ses équivalents occitans (joi, joia) et italiens (gioi, gioia) en référence à la dame dans la lyrique romane médiévale. L’examen des occurrences chez les troubadours, les trouvères et les poètes italiens permets de formuler une hypothèse sur l’évolution de sa fonction poétique : de pseudonyme au sens propre à appellatif passe-partout dont le succès est témoigné de sa persistance jusque dans la langue courante d’aujourd’hui.

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Texte intégral

  • 1  Pour la notice de la découverte (due à Giuseppe Mascherpa et à moi-même), accompagnée d’une descri (...)
  • 2  Sauf, peut-être, pour le rondeau Aves moy passoyt un flour, dont les images (fleur, fontaine, rose (...)
  • 3  Une étude interdisciplinaire approfondie de ces compositions est actuellement sous presse (Calvia- (...)

1La récente découverte à la Biblioteca Universitaria de Pavie d’un fragment de manuscrit (siglé Pv) remployé comme couverture d’un volume imprimé1 m’a permis de connaître quatre poèmes de forme fixe inconnus jusqu’à présent : il s’agit de deux virelais et de deux rondeaux de sujet amoureux2, tous monostrophiques et accompagnés de notation musicale polyphonique3. La langue de ces poèmes, datant selon toute vraisemblance de la fin du xive siècle, est un français fortement teinté d’italianismes. Cela est dû avant tout à l’origine lombarde du copiste de Pv, démontrée par l’analyse détaillée de la scripta (Calvia-Saviotti 2022, § 3). Mais la présence dans l’un des quatre textes, le rondeau Aves moy passoyt un flour, d’au moins une rime incorrecte (our AURU, “or”, rimant avec flour : odour : amour) amène à postuler que l’auteur de ce texte devait être lui aussi italien. Si de tels indices manquent pour les auteurs des trois autres poèmes, qui pourraient être une seule et même personne, il faut prendre en compte la possibilité qu’ils soient aussi des Italiens ayant opté pour des genres poético-musicaux et une langue poétique conformes à la mode des cours lombardes du Trecento et du Quattrocento. À cet égard, tous les éléments (mots, tournures, stylèmes, images) qui ne sont pas habituels dans le corpus des formes fixes doivent être soumis à un examen scrupuleux afin de déterminer leur possible origine péninsulaire. C’est le cas pour la formule allocutive ma douce yoye, adressée à la bien-aimée du « je lyrique » dans le rondeau Se la plaisant chiera veoyr povoye :

Quant me sovient de vous, ma douce yoye,
y’en ay ansi tres grand douçour…
(Calvia-Saviotti 2022, n° II, v. 9-10)

  • 4  La seule occurrence que j’ai pu trouver dans la poésie française médiévale du syntagme « ma douce (...)
  • 5  Faute d’un corpus numérisé exhaustif, la base Je chante ung chant (http://www.jechante.ex.ac.uk/ar (...)
  • 6  Son activité d’écrivain se concentrera en particulier dans les reportages de ses voyages diplomati (...)

2Or, une rapide recherche dans les corpus numérisé des trouvères (TROUVEORS) montre que non seulement le syntagme avec possessif et qualificatif4, mais le substantif joie lui-même ne se trouvent jamais utilisés de la sorte dans la lyrique avant 1300 ; la situation semble être la même pour les poèmes de forme fixe du siècle suivant5. Les premières attestations d’un tel usage remonteraient aux premières décennies du xve siècle : le Dictionnaire du Moyen Français n’en signale que trois (DMF [2020], « Joie », A.1 a). La première, datée de 1404, se trouve dans une ballade du flamand Guillebert de Lannoy (« quant suis loingtain de vous, ma belle joye » ; Piaget 1910, n° XXXII, v. 14), la deuxième dans un rondeau d’Alain Chartier (« ma joie, mon soulas, mon bien » ; Piaget 1949, n° XXIII, v. 3), la troisième dans une ballade de Charles d’Orléans (« mon seul amy, mon bien, ma joye » ; Mühlethaler 1992, n° 36, v. 5). Ces trois occurrences semblent témoigner d’un usage significativement marginal. Guillebert de Lannoy, lorsqu’il compose ses poèmes, est un jeune homme de 18 ans qui, à ce que nous savons, abandonnera complètement la composition poétique par la suite6. Chez Alain Chartier et Charles d’Orléans, le syntagme est inséré dans des énumérations d’appellatifs, qui révéleraient la recherche de modalités alternatives pour s’adresser à la personne aimée plutôt que le caractère usuel de l’expression ; par surcroît, chez le deuxième auteur, celle-ci est prononcée par un sujet féminin à l’intention de son amoureux, qui en rapporte le discours.

  • 7  Selon V. Blanár, cité en trad. française dans Vachek 1966, 53) (lemme « Nom propre et appellatif » (...)
  • 8  Une telle précision est nécessaire car le terme « appellatif » n’est pas utilisé en un sens univoq (...)
  • 9  Voir par ex. l’acception n° 5 du lemme « Gioia1 », dans Battaglia 1970, 811.

3L’emploi de joie comme appellatif (j’utilise ce terme dans le sens de nom commun ou propre7 susceptible d’être employé pour appeler une personne8) allocutif (c’est-à-dire effectivement employé pour l’appellation) de l’objet d’amour n’est donc aucunement commun dans l’idiolecte poétique français médiéval. Il l’est en revanche, comme on le verra, dans la tradition lyrique italienne dès ses origines et demeure très commun jusque dans le langage courant d’aujourd’hui : contrairement à l’équivalent français, l’italien gioia accompagné ou non d’autres déterminants (notamment les adjectifs bella, mia, etc.) figure parmi les apostrophes les plus usitées pour s’adresser à celui que l’on aime (partenaires, mais pas exclusivement9). Ces constatations ne sont peut-être pas suffisantes pour établir avec quelque certitude que l’auteur du rondeau Se la plaisant chiera veoyr povoye consigné dans le fragment Pv est lui aussi italien, même si cela paraît vraisemblable. De toute façon, ce cas particulier m’a amené à m’occuper d’un sujet qui semble n’avoir pas suscité auparavant l’intérêt de la critique, à savoir l’étude comparée des occurrences de « joie » (et ses équivalents dans les autres langues) en référence à la bien-aimée du je lyrique dans les productions poétiques des deux côtés des Alpes : celle des troubadours (actifs dès 1100 environ), ensuite celle des trouvères (dès 1170), enfin celle des Siciliens (dès 1220) et des autres poètes de « langue de  » (après 1250). Les résultats de cette étude, qui m’a donné aussi l’occasion de revenir sur les pseudonymes poétiques des troubadours (traditionnellement appelés senhal), font l’objet de cette contribution.

Joi et bien-aimée chez les troubadours : de la métonymie au pseudonyme poétique

  • 10  Mais sur le concept d’allégorie et son emploi dans la poésie des troubadours, voir les considérati (...)

4À l’origine de la lyrique romane médiévale, les troubadours chantent le joi comme un « Leitmotiv constant » qui pourtant « échappe à nos tentatives de définition » (Cropp 1975, 349). Émotion privée (purement amoureuse) ou publique (courtoise au sens social du terme), cette « allégresse si violente que tout l’être s’en trouve renouvelé » (Frappier 1959, 141) est effectivement omniprésente dans les chansons d’amour et la diversité de ses occurrences empêche d’en donner une définition précise et univoque. Pour ce qui nous intéresse ici, c’est encore Glynnis Cropp qui remarque que « les troubadours ont volontiers personnifié la joie, surtout en employant le mot joi, pour désigner la dame » (Cropp 1975, 338). Cette affirmation, en soi correcte, comporte pourtant une confusion — empruntée peut-être à Jean Frappier, qui affirmait laconiquement : « Il arrive encore que joi personnifie la dame » (Frappier 1959, 141) — entre deux procédés rhétoriques différents utilisés par les troubadours. L’un est bien celui de la personnification, qui fait que le joi peut devenir un sujet actif à l’intérieur du poème, à l’instar d’autres entités abstraites (amor, joven, pretz, etc.), traditionnellement désignées comme « allégories10 ». L’autre procédé, à bien des égards inverse par rapport à la personnification, est celui de la métonymie, grâce auquel la dame aimée par le poète est identifiée au joi qu’elle suscite dans son cœur (dans d’autres cas elle peut être identifiée au deport, au dezir, à l’esper, etc.). Dans un certain nombre de poèmes, cette identification est déclarée. Citons par exemple la chanson BdT 70.33 de Bernart de Ventadorn, troubadour dont la production est à plusieurs égards paradigmatique de l’expression de la fin’amor :

  • 11  Voir aussi Cropp (1975, 342, n. 91), qui ajoute, en guise de commentaire : « Presque toujours le p (...)

Domna, vostre sui e serai,
del vostre servizi garnitz.
Vostr’om sui juratz e plevitz,
e vostre m’era des abans.
E vos etz lo meus jois primers,
e si seretz vos lo derrers,
tant com la vida m’er durans.
(Appel 1915, n° 33, v. 29-35)11

5Ici l’amant s’adresse directement à la dame, mais la même affirmation peut se trouver aussi exprimée à la troisième personne, comme chez Pons de la Guardia (BdT 377.3), troubadour catalan plus ou moins contemporain de Bernart :

Tot n’o am mais car ma dona i sai ;
qu’el’es mos jois et el’es tot cant ai…
(Riquer 1975, n° 98, v. 7-8)

  • 12  Dans les expressions « amar / un joi » de Guilhem IX, BdT 183.8 (Di Girolamo 2014, v. 1-2) et « pe (...)

6Dans d’autres poèmes, le substantif joi désigne la bien-aimée, tant à la deuxième qu’à la troisième personne, sans besoin d’explications : lorsque son identification au joi qu’elle déclenche est donnée pour acquise, la dame peut en prendre le nom. Dans le corpus des troubadours, on retrouve au moins 15 occurrences sûres de cet usage (Tableau 1), outre quelques autres cas excentriques ou douteux, surtout chez des poètes des premières générations12.

Tableau 1. Occurrence de joi comme appellatif de la dame chez les troubadours.

  • 13  L’éditeur paraît hésiter entre l’interprétation de « Mon Joi » comme un « friend or patron » (p. 1 (...)

Auteur et poème

Occurrence

Pers.

mon joi

Giraut de Borneil, BdT 242.4

Lai on pretz floris e grana,
volgra trobar qui·m portes
mo sonet e no·n mudes
a Mo-Joi… (Sharman 1989, n° XXXII, v. 50-53)

3e

Giraut de Borneil, BdT 242.65

…per Mo Linhaure qu’enoi n’ai,
pos Mos-Jois me falhi primers,
en cui comenset l’encombrers.
(Sharman 1989, n° LXI, v. 14-16)13

3e

Anonyme, BdT 70.11

Mon Joy coman al verai glorios… (v. 38)

3e

Aquest chantars pogra ben esser bos,
qu’en Monruelh comensa ma chansos
et en Mon Joi, de cui ieu sui, fenis.
(Barachini 2018, v. 43-45)

3e

Bernart de Ventadorn, BdT 70.19

Fis-Jois, ges no·us posc oblidar,
ans vos am e·us volh e·us tenh char,
car m’etz de bela companha.
(Appel 1915, n° 19, v. 52-54)

2e

Bernart de Ventadorn, BdT 70.28

Las ! e viure que.m val,
s’eu no vei a jornal
mo fi joi natural
en leih, sotz fenestral…
(Appel 1915, n° 28, v. 33-36)

3e

Peirol, BdT 366.7

A cui Fis-Jois es donatz,
francs e de bela fayso,
ab fin cor plazen e bo,
tanh qu’en cresca sos solatz. (v. 19-22)

3e

Fis-Jois plazens e prezatz,
s’ieu per lauzengier felo
pert ma bon’entensio,
mot vos sera grans peccatz.
(Aston 1953, n° XIV, v. 37-40)

2e

Perdigon, BdT 370.5

Fins Jois, dreitura·us defen
que, cui que vejatz faillir,
que vos no·i prendatz albir…
(Chaytor 1926, n° V, v. 41-43)

2e

joi novel

Daude de Pradas, BdT 124.6

De Joy Novelh me tenc be per paguat,
no l’enguana de re lo miradors.
Totz temps la vuelh onrar e obezir
e car tener, e qui·s vol s’en janguelh.
(Melani 2016, n° 6, v. 45-48)

3e

Daude de Pradas, BdT 124.8

Del bel dezir que Joys Novels m’adutz
un vers, qu’er luenh et pres auzitz…
(Melani 2016, n° 8, v. 1-2)

3e

Daude de Pradas, BdT 124.9a

De Joi Novel segiei l’esclau,
tro fui vengutz a son capduoill,
on mi mostret tant gran orguoill
cum si tengues del mon la clau.
(Melani 2016, n° 10, v. 19-22)

3e

Dezir ai qe·m ven de plazer,
e·l plazers mou de bon esper,
e·l bos espers de Joy Novelh
(Melani 2016, n° 11, v. 5-7)

3e

Daude de Pradas, BdT 124.11

A Fol Conselh t’en vai ades, chansos,
e diguas li q’ieu no truep sai merces
ab Joy Novelh, si Mals Aips no·m capte,
a cui m’en torn, pos tan gen mi guazanha.
(Melani 2016, n° 12, v. 46-49)

3e

Daude de Pradas, BdT 124.13

Bels Jois Novels, ja tant petit
non pensaretz q’ieu vos oblit ;
anz vos amarai finamen…
(Melani 2016, n° 14, v. 41-43)

2e

7Remarquons que :

  • le substantif joi apparaît toujours accompagné de déterminants, contrairement aux cas douteux (voir plus bas) ;

    • 14  Voir les considérations de Barachini 2018 dans l’annexe « Circostanze storiche » (http://www.rialt (...)

    toutes les occurrences listées se trouvent chez seulement six (ou même cinq, si nous considérons BdT 70.11 comme l’œuvre de Bernart de Ventadorn, mais ce poème n’est vraisemblablement pas de lui14) auteurs différents, qui en revanche ont tendance à se servir plusieurs fois de la même expression (jusqu’à six fois dans six poèmes différents chez Daude de Pradas) ;

  • les initiales majuscules et (parfois) les traits d’union, qui ne se trouvent bien évidemment pas dans les manuscrits, ont été souvent insérés par les éditeurs pour suggérer que ces locutions composées sont à considérer comme de véritables surnoms ;

  • sauf pour « fin joi », l’emploi à la troisième personne (« non-allocutif ») s’avère bien plus fréquent (11 vs. 4) que celui à la deuxième personne (« allocutif »), mais les deux possibilités peuvent se trouver chez le même auteur.

  • 15  Ce mot, complètement inconnu des troubadours eux-mêmes, nous est connu par les Leys d’Amors (Fedi (...)
  • 16  Voir plus haut, les deux premières citations de la n. 12.

8En général, ces locutions construites sur joi sont de toute évidence à considérer comme des pseudonymes poétiques (que je préfère de ne pas appeler senhal15 : Saviotti 2016). Le fait que les cas exceptionnels, où joi n’est pas accompagné de déterminants hormis l’article indéfini (« un joi16 »), apparaissent chez deux troubadours « anciens » tels que Guilhem IX et Cercamon (absents du tableau 1), semble suggérer que, comme pour d’autres éléments marquants dans l’histoire du trobar, la métamorphose du transfert métonymique en véritable appellatif est un processus progressif. On ne le trouve manifestement achevé qu’à partir de la « génération de 1170 ».

  • 17  Mais la datation traditionnelle donnée pour Daude de Pradas, « † post 1282 », a été significativem (...)

9Du point de vue formel, les traits distinctifs des pseudonymes qu’on repère dans les expressions ci-dessus sont la relative fixité et récurrence dans l’œuvre d’un même auteur (qui est censé adresser l’appellatif toujours à la même personne) ainsi que la structure caractéristique « adjectif + substantif » ou — moins fréquente et, semble-t-il, plus tardive — « substantif + adjectif » (Vallet 2003, 152)17. Mais l’adéquation se constate aussi au niveau du sens et de l’intention poétique. Si, comme le remarque Anatole P. Fuksas, le pseudonyme

  • 18  Ailleurs (ibid., 278), le philologue ajoute : « In termini più generali si potrà osservare che la (...)

rappresenta uno strumento di denominazione inclusiva, in grado di acquisire l’interlocutore del discorso poetico all’interno della semantica del discorso lirico […] (Fuksas 2005, 264), […] battezzandolo con un nuovo nome che corrisponde spesso ad una delle parole-chiave della canzone (ibid., 262)18,

  • 19  Le cas de BdT 366.7, seul exemple de répétition du pseudonyme lui-même dans notre corpus, est abor (...)
  • 20  « C’è anche da considerare che nella maggior parte dei casi la ridondanza lessicale recepibile att (...)
  • 21  L’idée que le pseudonyme serait un procédé rhétorique propre à la tornada relève vraisemblablement (...)
  • 22  Je reconnais, en revanche, qu’ils auront tendance à le devenir de plus en plus par la suite. Mais (...)

joi est manifestement l’un des plus emblématiques parmi ces « mots clés ». Lorsqu’il apparaît comme appellatif de la bien-aimée, il témoigne encore d’un autre aspect caractéristique de l’emploi des pseudonymes : la repetitio du mot dans son acception commune à l’intérieur du même poème (ibid., 263)19. En effet, parmi les 13 textes du tableau 1, tous sauf BdT 124.11 et 124.13 — qui appartiennent pourtant à un auteur dont l’œuvre entière se développe autour du « joi novel20 » — affichent d’autres occurrences de joi. Enfin, ces locutions contenant joi peuvent occuper n’importe quelle place dans le poème : on les retrouve 8 fois dans la tornada (ou dans une strophe finale faisant fonction de tornada), 7 fois au début ou ailleurs. Cet aspect est à prendre en compte conjointement avec la prédominance des occurrences à la 3e personne. En désaccord avec l’opinion traditionnelle de la critique (Jeanroy 1934, 317 ; Fuksas 2005, 263)21, je crois que les pseudonymes des troubadours — depuis les tout premiers : Mon Bon Vezi de Guillaume IX (BdT 183.1, v. 26) et Mon Bon Guiren de Jaufré Rudel (BdT 262.6, v. 33) sont tous les deux à la 3e personne — n’ont pas été conçus pour être essentiellement des appellatifs allocutifs, formant une adresse directe dont la tornada serait le lieu privilégié22. Autrement dit, leur rôle me semble être moins celui de matérialiser sur le plan référentiel l’objet d’amour phantasmatique chanté dans le poème que, à l’inverse, celui d’ancrer de la façon la plus solide par l’emploi de lexèmes connotés un objet d’amour déterminé (réel ou fictif, peu importe) par l’univers lyrique.

  • 23  Pour le réseau lexical de la joie dans la langue des troubadours, voir, entre autres, Cropp 1975, (...)

10En marge, il faut signaler qu’au moins deux fois le pseudonyme de la dame est construit sur gaug, sorte de synonyme imparfait de joi, alternant avec celui-ci dans les cansos pour exprimer la joie d’amour, sans qu’il soit possible d’affirmer que les deux mots sont sémantiquement interchangeables23. Cela arrive chez deux troubadours tardifs et de langue maternelle non occitane, tels que le vénitien Bertolomé Zorzi, BdT 74.2,

Don esper mon atendut
cobrar en aquest deman,
pero si n’a dregz jujatz,
n’a Gaug de Cor, que l’escut
vos rend e la lanssa e·l bran…
(Levy 1883, n° III, v. 113-117),

et le catalan Jofre de Foixà, BdT 304.3,

Mos Sobregaugz, vos am ab tal talan
qu’e mon voler non a mas benestansa ;
doncx, si·m datz joy, er vos cortez’onransa,
qu’hom honra si los sieus azaut honran.
(Li Gotti 1952, n° III, v. 49-52)

11La plupart des remarques faites plus haut pour les pseudonymes construits sur joi sont valables aussi pour ceux-ci.

12C’est donc par la voie de la métonymie que le joi d’amour devient chez les troubadours le noyau de plusieurs pseudonymes poétiques référés à la dame. Le succès de cette métonymie explique aussi qu’au moins à partir de 1200 le substantif joi se trouve parfois utilisé pour désigner au sens générique l’être aimé (PSW, IV, 260b)24, même celui d’autrui, comme c’est le cas chez Aimeric de Sarlat (BdT 11.1) :

Ben es aventuros
qui ab son joi estai ;
per mi mezeis ho sai,
que, s’ap ma dona fos,
ben petit prezaria
lo dan
c’ai sufert ni l’afan…
(Riquer 1975, n° 158, v. 11-17).

Joie et bien-aimée chez les trouvères : une absence

  • 25  Ernesto Monaci a été le premier à signaler l’abandon des pseudonymes et des tornadas — comme d’hab (...)
  • 26  Que l’on considère les exemples suivants : Gace Brulé (RS. 1465 ; Dyggve 1951, n° XII, v. 37), inv (...)

13Ce paragraphe sera nécessairement bien plus court que le précédent. Peut-être significativement, la seule occurrence de « joie » comme appellatif que j’ai pu repérer se trouve en marge du genre lyrique et ne se réfère pas à la dame mais à Jésus-Christ, désigné à la troisième personne comme « mes amis, me doçors, ma joie » par l’anonyme auteur d’une composition pieuse en sixains d’octosyllabes (RS. 165a, Linker 265.361 ; Meyer 1907, v. 118). Disciples pas toujours fidèles des troubadours, les trouvères n’empruntent pas à leurs modèles occitans l’emploi extensif et marquant des pseudonymes poétiques25 : en effet ces derniers, sans être complètement absents du « grand chant courtois » de langue d’oïl26, sont pourtant très rares et dépourvus de la majorité des traits qui caractérisent les pseudonymes troubadouresques comme des mots-clés du vocabulaire lyrique. La dame n’est donc jamais appelée « joie », que ce soit avec ou sans déterminant. Cependant, tout comme chez les troubadours, l’identification métonymique de la dame avec la « joie » qu’elle suscite — identification sur laquelle se fonde la possibilité d’attribuer à la dame le pseudonyme de « joie » — est parfois rendue explicite, d’un bout à l’autre de l’histoire de la poésie des trouvères. Citons, par exemple, une chanson de Gautier de Dargies, datable de la fin du xiie siècle : « C’est ma dame, ma joie » (RS. 539, Linker 73.16 ; Raugei 1981, n° xix, v. 19) ; ou un rondeau de Jean de Lescurel (probablement mort en 1304), auteur considéré comme le relais entre la lyrique courtoise héritée des troubadours et les formes fixes du xive siècle : « Biétris est mes delis / mes confors et ma joie » (VdB 95, Linker 162.12 ; Wilkins 1966, n° 9, v. 1-2).

Gioi(a) et bien-aimée chez les poètes italiens : du pseudonyme à l’appellatif passe-partout

  • 27  Ajoutons que la critique sur la lyrique italienne médiévale ne s’en est aucunement occupée, si ce (...)
  • 28  La n. au v. 1 du sonnet n° 31, p. 93, en retrace les antécédents occitans, essentiellement ceux qu (...)

14Venons enfin aux poètes italiens. Chez les Siciliens, premiers interprètes en langue de de la lyrique troubadouresque, on ne trouve qu’une seule occurrence de l’appellation de la dame par le mot gioia, dans une chanson de Guido delle Colonne : O colorita e blanca / gioia de lo meo bene (Calenda 2008, n° V, v. 47-48). Elle est insérée dans une formule allocutive tellement étendue qu’elle ne saurait être prise pour un pseudonyme assimilable à ceux des troubadours. Par ailleurs, les Siciliens semblent ignorer complètement ce procédé, qui, à vrai dire, n’aura pas beaucoup plus de succès chez les poètes italiens des générations suivantes27. Le seul auteur qui semble se distinguer à cet égard est Guittone d’Arezzo, chef de file, à la deuxième moitié du xiiie siècle, des poètes traditionnellement dénommés « Siculo-Toscani », car ils sont actifs en Toscane et récupèrent les formes et la poétique de leurs devanciers de Sicile. En effet, Guittone se sert à plusieurs reprises d’un seul pseudonyme référé à la dame : Gioi, emprunt à la forme occitane (mais en italien le mot devient féminin), ou plus fréquemment Gioia, sans différences évidentes dans l’emploi de l’un ou de l’autre. Dans ses chansons (Egidi 1940) et ses sonnets (Leonardi 1994), il le fait au moins 29 fois, un nombre bien supérieur à la pratique des autres poètes italiens avant Pétrarque. Deux traits au moins suggéreraient de rapprocher cette Gioi(a) des pseudonymes des troubadours (Leonardi 1994, 326)28 : le relief du mot — un véritable mot-clé — dans la sémantique du poème lyrique, ce qui ouvre la voie à des jeux lexicaux (et phoniques) insistants dans les textes, et la fixité du référent (une bien-aimée présentée comme étant toujours la même). D’ailleurs, Guittone se sert de l’appellatif avec une remarquable liberté. Par rapport à la relative fixité de la forme des pseudonymes occitans, il expérimente une vaste gamme de variations autour du noyau lexical. Ainsi, la dame est nommée, dans la plupart des cas (23 fois) dans des expressions allocutives, des manières suivantes :

  • tout simplement (et contrairement à l’usage des troubadours) gioi (3 fois), gioia (4 fois), la gioia mia ;

  • par figure étymologique gioi(a) gioiosa (8 fois, dont 4 avec d’autres déterminants, adverbes ou spécifications : la mia gioia gioiosa, gioia gioiosa piagente, gioi sempre gioiosa, gioia de tutto onor gioiosa), ou à l’inverse gioiosa gioi(a) (4 fois, dont une avec d’autres déterminants : la mia gioiosa gioia) ;

  • gioia amorosa (4 fois, dont 3 accompagnée de l’appellatif amor en figure étymologique) ;

  • bella gioia (3 fois) ;

  • dolce gioia ;

  • par ellipse du substantif dans une formule avec adjectif de la même racine gioiva cosa.

  • 29  Tout le poème, qui ouvre un cycle de 7 sonnets (n° 31-37) marqués à l’incipit par la présence obse (...)
  • 30  À ces occurrences, il faut ajouter celles des chansons (Egidi 1940) n° 5, 14, 16 et des sonnets (L (...)
  • 31  Plus loin, le philologue ajoute : « Quella stessa lingua poetica è messa in ridicolo » (ibid., XLV (...)
  • 32  Voir les incipit identiques « Gioi amorosa, amor » des sonnets (Leonardi 1994) n° 33, 70, 73.

15Mais il y a plus. Le jeu de variation arrive plus d’une fois jusqu’au dévoilement de la référence du pseudonyme : « Tuttor ch’eo dirò “gioi”, gioiva cosa / intenderete che di voi favello » (Leonardi 1994, n° 31)29, « Piagente donna, voi ch’eo Gioi apello » (ibid., n° 34), « Viso non m’è ch’eo mai potesse “Gioia” / più giustamente voi, donn’, appellare » (ibid., n° 51), explique Guittone dans l’incipit de trois de ses sonnets30. Option exclue par les troubadours, ce traitement du pseudonyme qui en trahit l’ambiguïté référentielle finit par affaiblir, voire vider de sens le procédé lui-même. Le poète italien l’aurait fait exprès : comme l’a montré Lino Leonardi, l’histoire d’amour développée par Guittone dans son « canzoniere » avec un esprit « ironico e demistificatore » se traduit par une parodie de l’univers de la fin’amor où le langage courtois lui-même « viene delegittimato » (Leonardi 1994, XLII)31, « a significare come tutto quell’universo cortese sia irreparabilmente distante dalla realtà » (ibid., LII). Quoi qu’il en soit de l’intention de Guittone et de son rapport avec la tradition lyrique précédente, sa Gioi(a) s’éloigne manifestement de l’exclusivité et de la densité de signification poétique du pseudonyme inventé par les troubadours. Celui-ci se trouve ici démasqué et banalisé, pour devenir un simple appellatif passe-partout — à l’instar du mot amor, qui accompagne souvent gioia dans des formules appellatives prolongées32 — fondé sur une métonymie désormais rabâchée.

  • 33  J’ai pu repérer les occurrences suivantes grâce à la base LirIO, à laquelle je renvoie pour les ré (...)

16Les poètes contemporains et ultérieurs, à commencer par Dante en premier, auront tendance à s’opposer à Guittone pour renouer les liens avec la tradition lyrique des troubadours, des trouvères et des Siciliens, fondée sur le respect de l’orthodoxie de la fin’amor. Cependant, l’influence de la personnalité poétique de l’Arétin se manifeste à plusieurs niveaux chez ses confrères. Pour ce qui nous occupe, on remarquera l’emploi de l’appellatif gioia — parfois même dans des formules clairement « guittoniennes » — pour désigner la bien-aimée entre les dernières décennies du xiiie et les premières du xive siècle par nombre d’auteurs33, parmi lesquels il faut mentionner Dante lui-même dans un des sonnets de la Vita nuova (« quand’i’ vegno a vedere voi, bella gioia » ; Grimaldi 2015, n° 15, v. 2) :

Guglielmo Beroardi, « gioia mia »,
Chiaro Davanzati, « (gentil) mia gioia »,
Monte Andrea, « gioia gioiosa »,
Dante da Maiano, « gioiosa gioia »,
l’« Ami de Dante », « mia gioia »,
Lapo Gianni, « novella gioia »,
Cino da Pistoia, « (la) bella gioia » et « mia gioia »,
Guido Orlandi, « gioia gioiosa »,
Panuccio del Bagno, « mia gioia gioiosa »,
Guido Novello da Polenta, « bella zoia ».

  • 34  Cela est confirmé par Paciucci 2012, qui reconnaît « come appellativo » seulement certaines des oc (...)

17Chez presque tous ces poètes l’appellatif gioia n’apparaît qu’une seule fois et ne se distingue point des autres appellatifs qui se réfèrent de façon générique à la même dame et qu’on ne saurait aucunement considérer comme des pseudonymes (tels qu’amor, amorosa, gioiosa cera, gentil creatura34). Chiaro et Cino, qui par quatre et trois fois respectivement se réfèrent à leurs dames par gioia, semblent essayer de récupérer des traits distinctifs du pseudonyme des troubadours, tels que la fixité formelle et référentielle ou le jeu discret et seulement épisodique sur le mot-clé (par ex., chez Chiaro, « S’a la mia gioia non torno, / non posso gioia avere » ; Menichetti 1965, n° LVII, v. 14-15). Mais il faut reconnaître que la richesse sémantique et surtout la parfaite intégration à l’univers lyrique du signe et du référent qui caractérisent le pseudonyme des troubadours ne sont jamais atteintes par ces auteurs.

  • 35  Ailleurs (Saviotti 2015, 116-118) je me suis rangé du côté de ceux qui ont rapproché des pseudonym (...)
  • 36  Guittonienne ou non, il n’est pas douteux que l’origine de cette appellation réside dans la métony (...)

18De toute façon, la démarche de Chiaro Davanzati et Cino da Pistoia, qu’elle soit ou non une tentative intentionnelle de rehausser ce stylème bien peu chéri par les poètes de 35, a certainement eu moins de conséquences que la généralisation d’un appellatif passe-partout engendrée par l’opération poétique de Guittone. De fait, il n’est pas à exclure que l’œuvre de celui-ci puisse être à l’origine de l’emploi non seulement poétique de l’appellation allocutive gioia, désormais désémantisée, en référence à la personne qu’on aime par les italophones d’aujourd’hui36, et — bien plus tôt — de la « douce yoye » du rondeau de Pavie.

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Notes

1  Pour la notice de la découverte (due à Giuseppe Mascherpa et à moi-même), accompagnée d’une description du fragment, d’un catalogue de ses contenus et de l’édition diplomatique des textes et des mélodies, voir Saviotti-Calvia 2021.

2  Sauf, peut-être, pour le rondeau Aves moy passoyt un flour, dont les images (fleur, fontaine, roses, rayon) pourraient nécessiter une interprétation métaphorique sinon héraldique dévoilant une intention encomiastique.

3  Une étude interdisciplinaire approfondie de ces compositions est actuellement sous presse (Calvia-Saviotti 2022).

4  La seule occurrence que j’ai pu trouver dans la poésie française médiévale du syntagme « ma douce joie » — mais dans une tout autre acception : l’auteur affirme que son « seul plaisir » et sa « douce joie » lui viennent de l’art de la guerre — se trouve dans la chanson anonyme (dont la musique est parfois attribuée à Guillaume Du Fay) de la première moitié du xve siècle (pour plus d’information voir la notice sur cette composition dans DIAMM : https://www.diamm.ac.uk/compositions/16513/).

5  Faute d’un corpus numérisé exhaustif, la base Je chante ung chant (http://www.jechante.ex.ac.uk/archive/index.html, consulté le 3 avril 2021) se révèle un outil partiel mais très utile.

6  Son activité d’écrivain se concentrera en particulier dans les reportages de ses voyages diplomatiques (au Moyen Orient, puis dans la région de la Baltique et en Russie) : voir par ex. Serrure 1840.

7  Selon V. Blanár, cité en trad. française dans Vachek 1966, 53) (lemme « Nom propre et appellatif »), « un appellatif existe comme entité lexique et comme dénomination […], tandis que le nom propre existe comme dénomination seulement, sans être en même temps une entité lexique ».

8  Une telle précision est nécessaire car le terme « appellatif » n’est pas utilisé en un sens univoque par les linguistes, tant français qu’italiens.

9  Voir par ex. l’acception n° 5 du lemme « Gioia1 », dans Battaglia 1970, 811.

10  Mais sur le concept d’allégorie et son emploi dans la poésie des troubadours, voir les considérations de Grimaldi 2012.

11  Voir aussi Cropp (1975, 342, n. 91), qui ajoute, en guise de commentaire : « Presque toujours le poète crée volontairement une équivoque en rapprochant […] la joie et la dame, source de la joie ».

12  Dans les expressions « amar / un joi » de Guilhem IX, BdT 183.8 (Di Girolamo 2014, v. 1-2) et « per una joia m’esbaudis » de Cercamon, BdT 112.4 (Rossi 2009, 148, n° 4, v. 13), où joi/joia se réfère sans aucun doute à la dame, la présence de l’art. indéfini suggère que le mot n’est pas à entendre comme un appellatif. Deux autres cas sont ambigus, le joi pouvant être interprété au sens propre : Jaufré Rudel, BdT 262.1, « a mon joi sui revertitz » (Chiarini 1985, n° V, v. 24), et Peire Rogier, BdT 356.5, « e laissarai per so mon joy-aver ? » (Nicholson 1976, n° IV, v. 21). L’éditeur de Jaufré n’avance pas l’hypothèse que « mon joi » puisse être un appellatif ; au contraire, celui de Peire donne cela pour acquis (Nicholson 1976, 158).

13  L’éditeur paraît hésiter entre l’interprétation de « Mon Joi » comme un « friend or patron » (p. 10) ou comme « one of his ladies » (p. 16). Pourtant, il n’y a pas de véritables arguments en faveur de la première possibilité.

14  Voir les considérations de Barachini 2018 dans l’annexe « Circostanze storiche » (http://www.rialto.unina.it/BnVent/premessaidt70.11(Barachini).htm).

15  Ce mot, complètement inconnu des troubadours eux-mêmes, nous est connu par les Leys d’Amors (Fedi 2019, II 146 9 et II 159 2, v. 27-30). Selon la critique moderne, qui l’a appliqué à la production des auteurs occitans des xiie-xiiie siècles (depuis Appel 1895, 303 ; voir aussi Jeanroy 1934, I, 317-320), senhal signifierait « nom caché » (Versteckname). Toutefois, la prétendue équivalence entre ce que les Leys appellent senhal et les pseudonymes poétiques des troubadours est loin d’être démontrée (Saviotti 2016 ; arguments repris dans le premier chapitre de Saviotti 2017, 11-22). Pour ce qui est de l’emploi poétique de senhals et pseudonymes voir aussi Saviotti 2015. Les premières années 2000 voient la parution de deux études d’envergure sur les pseudonymes poétiques des troubadours (toujours appelés « senhals ») : celles d’Edoardo Vallet (2003 et 2004-2005), et celle d’Anatole P. Fuksas (2005). Bien des questions demeurent pourtant sans réponse, parmi lesquelles : « Che cosa rappresentava il senhal per i suoi ideatori e per coloro ai quali era dedicato e quale era la sua reale funzione, quali le origini e quali i modelli letterari di riferimento ? I senhals esistevano anche al di fuori del ludus poetico, nella vita quotidiana di corte ? E in quali occasioni nascevano ? » (Vallet 2004-2005, 281).

16  Voir plus haut, les deux premières citations de la n. 12.

17  Mais la datation traditionnelle donnée pour Daude de Pradas, « † post 1282 », a été significativement anticipée par les études plus récentes (Larghi 2011 ; Melani 2016, 9-33). Le seul cas aberrant est représenté par « mo fin joi natural » de BdT 70.28 : tout en se référant sans aucun doute à la dame (Appel 1915, LXXIII-LXXIV ; Cropp 1975, 347), ce syntagme présente une structure et une prolixité qui amènent à exclure qu’il puisse s’agir d’un surnom. On remarquera, pourtant, que son noyau « fi joi » correspond bien au pseudonyme dont Bernart se sert dans BdT 70.19.

18  Ailleurs (ibid., 278), le philologue ajoute : « In termini più generali si potrà osservare che la duplice pertinenza del senhal, parola o sintagma-chiave della semantica amoroso-cortese e pseudonimo che individua un personaggio storicamente determinato, stabilisce un collegamento tra due livelli di referenza. Il primo, quello particolare, circostanziale, inerente all’esperienza di chi ascolta ; il secondo, generale, universale, relativo all’estetica della fin’amor, intesa come sistema di valori poetici e sociali di classe. L’intensità del collegamento dipende dal livello di pertinenza del sintagma che configura il senhal rispetto alla semantica della canzone nel suo complesso ».

19  Le cas de BdT 366.7, seul exemple de répétition du pseudonyme lui-même dans notre corpus, est abordé p. 276-277 (mais l’auteur semble croire qu’aux v. 19 Fis-Jois ne désigne pas la dame).

20  « C’è anche da considerare che nella maggior parte dei casi la ridondanza lessicale recepibile attorno ad un senhal non si trova limitata nei confini di un singolo componimento, bensì coinvolge circostanze testuali distribuite attraverso il canzoniere di uno o più trovatori » (ibid., 278).

21  L’idée que le pseudonyme serait un procédé rhétorique propre à la tornada relève vraisemblablement de la confusion entre pseudonyme poétique et senhal que les Leys d’Amors assignent strictement à la tornada (voir plus haut, n. 15). Nous ne disposons pas encore d’un relevé exhaustif des positions des pseudonymes dans le corpus troubadouresque : E. Vallet — auteur du répertoire le plus complet des pseudonymes — ne s’en charge pas, tandis que A. P. Fuksas se borne à affirmer que « la grande maggioranza dei senhal trobadorici ragionevolmente accertabili in quanto tali ricorre proprio nella tornada o nella cobla conclusiva dei vari componimenti » (ibid.), en renvoyant à son mémoire de maîtrise dont l’article est un réélaboration partielle. Quoi qu’il en soit des données purement quantitatives, il faut rappeler que les noms propres aussi tendent à apparaître plutôt dans les tornadas qu’ailleurs : cela est bien normal, car la présence d’un appellatif est requise dans les Adressentornadas.

22  Je reconnais, en revanche, qu’ils auront tendance à le devenir de plus en plus par la suite. Mais sur cet aspect aussi une étude détaillée des occurrences reste à faire.

23  Pour le réseau lexical de la joie dans la langue des troubadours, voir, entre autres, Cropp 1975, chap. X, 317-353. Ajoutons que le substantif féminin « joia », à son tour synonyme imparfait et presque homophone de joi mais d’emploi plus restreint chez les troubadours, ne se trouve jamais comme pseudonyme (mais cf. l’occurrence isolée dans BdT 112.4, signalée plus haut, n. 12).

24  Voir maintenant le DOM en ligne, jǫi, b. (http://www.dom-en-ligne.de/dom.php?lhid=2wH9z6eduMet12lOhqfMbU).

25  Ernesto Monaci a été le premier à signaler l’abandon des pseudonymes et des tornadas — comme d’habitude traités ensemble — comme un trait distinctif de la poésie des épigones des troubadours en d’autres langues, notamment en français et en italien (Monaci 1908, 240).

26  Que l’on considère les exemples suivants : Gace Brulé (RS. 1465 ; Dyggve 1951, n° XII, v. 37), invoque « Fins Pyramus », qui désignerait, selon l’éditeur, Gui de Ponceaux (mentionné explicitement à la strophe précédente) ; la chanson anonyme RS. 1196 (Dyggve 1938, n° XXXII, v. 51) est envoyée à un « Biels Confors » non identifiable ; dans RS. 1479, le roi de Navarre s’adresse une « Aygle » (Wallensköld 1925, n° XXI, v. 41 et 51) qui pourrait dissimuler la dame aimée du trouvère (Bec 1998, 170).

27  Ajoutons que la critique sur la lyrique italienne médiévale ne s’en est aucunement occupée, si ce n’est pour signaler la présence ponctuelle et sporadique de tel ou tel « senhal ».

28  La n. au v. 1 du sonnet n° 31, p. 93, en retrace les antécédents occitans, essentiellement ceux qui se trouvent dans le tableau 1 ci-dessus.

29  Tout le poème, qui ouvre un cycle de 7 sonnets (n° 31-37) marqués à l’incipit par la présence obsessionnelle de l’appellation par Gioi(a), est construit sur « un’insistita replicatio di gioi(a)/gioioso (due occorrenze in ogni verso, salvi 13-14) » (ibid., 92).

30  À ces occurrences, il faut ajouter celles des chansons (Egidi 1940) n° 5, 14, 16 et des sonnets (Leonardi 1994) n° 33, 70, 73, 76, où le poète n’est pas aussi explicite, mais d’autres appellatifs faisant référence à la dame accompagnent tout de même gioi(a).

31  Plus loin, le philologue ajoute : « Quella stessa lingua poetica è messa in ridicolo » (ibid., XLVI).

32  Voir les incipit identiques « Gioi amorosa, amor » des sonnets (Leonardi 1994) n° 33, 70, 73.

33  J’ai pu repérer les occurrences suivantes grâce à la base LirIO, à laquelle je renvoie pour les références bibliographiques relatives aux différents auteurs.

34  Cela est confirmé par Paciucci 2012, qui reconnaît « come appellativo » seulement certaines des occurrences de Guittone.

35  Ailleurs (Saviotti 2015, 116-118) je me suis rangé du côté de ceux qui ont rapproché des pseudonymes des troubadours, par leur densité sémantique et leur relief poétique, la Beatrice de Dante (Gorni 1990, 35-44) et surtout la Laura de Pétrarque (Bettarini 2005, XIX), bien que ce soient des noms propres de personnes présentées comme réelles. Il s’agit, bien évidemment, d’une réinterprétation originale de l’ancien procédé.

36  Guittonienne ou non, il n’est pas douteux que l’origine de cette appellation réside dans la métonymie décrite plus haut. Pourtant, dès la fin du xiiie siècle, il y a des poètes qui jouent de l’homophonie entre gioia1, ‘joie’, et gioia2, ‘joyau’ (dérivé peut-être du fr. « joiel », avec métaplasme de genre suivant « gemma, perla, pietra preziosa » ou par l’interférence de gioia1 : DELI, 662) : voir par ex. Guido Guinizzelli, « Madonna è de le donne gioia eletta. / Ben è eletta gioia da vedere » (Rossi 2002, n° 1, v. 30-31), et le poème anonyme Mare amoroso, « E bene apare, ché la vostra persona fie nomata / gioia sopra [ogne] gioia d’amirare » (Contini 1960, I, 487-500, v. 195-196), où il est évident qu’une joie ne peut pas être ‘vue’ ou ‘admirée’, contrairement à un joyau. Si le TLIO n’enregistre pas la possibilité que gioia2 se réfère à la dame de la lyrique, on remarquera qu’en revanche les lexicographes modernes tantôt rangent l’emploi comme appellatif exclusivement du côté de la gioia2 (Devoto-Oli 1995, 857), tantôt l’attribuent aux deux lemmes sans véritable distinction (par ex. Zingarelli 2000, 792, et surtout Battaglia 1970, 812, « Gioia2 », n° 3, qui signale la « stretta affinità semantica », voire l’interférence entre les deux).

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Pour citer cet article

Référence papier

Federico Saviotti, « « Tuttor ch’eo dirò “gioi” ». La « joie » appellatif de la dame dans la lyrique romane médiévale »Revue des langues romanes, Tome CXXVI n°2 | 2022, 293-313.

Référence électronique

Federico Saviotti, « « Tuttor ch’eo dirò “gioi” ». La « joie » appellatif de la dame dans la lyrique romane médiévale »Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXXVI n°2 | 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/5172 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.5172

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Federico Saviotti

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