- 1 L’aire de la langue romanche, langue romane parlée au canton des Grisons en Suisse, comporte cinq (...)
1Les rapports entre les Félibres et les représentants de la Renaissance romanche s’instaurent avec le mouvement pour l’Idée latine. En 1874, Alphonse de Roque-Ferrier publie dans la Revue des langues romanes (RLaR 1874, 197-218) un long article sur le romanche1 intitulé « Un recueil de poésies rumonsches » qui se lit comme une introduction à la langue romanche, ignorée jusqu’alors. Il s’ouvre par :
Il existe, sur les plus hauts sommets des Alpes rhœtiques, entre l’Allemagne et l’Italie, qui l’étouffent, pour ainsi dire, entre elles, un petit pays de langue romane, singulièrement dédaigné ou plutôt oublié jusqu’ici : c’est le canton des Grisons, qui à l’heure qu’il est, fait partie de la Confédération helvétique […].
2De 1874 à 1911, la RLaR publie régulièrement des textes littéraires romanches, souvent accompagnés d’articles sur la langue. En 1897, on peut lire dans le compte rendu de l’œuvre Vocabulaire Rhétoroman de Général Th. Parmentier le commentaire suivant concernant le romanche :
La Revue des Langues Romanes s’adonne depuis quelque temps avec assez de persévérance (avec trop de persévérance, doivent sans doute dire quelques abonnés !) à la publication de textes en langue de la Haute Engadine et autres lieux lointains et reculés […]. (RLaR 1897, 94)
3Le tableau « Le romanche dans les publications des Félibres » à la fin de cet article révèle l’ampleur de ces publications, non seulement dans la RLaR, mais encore dans l’Aiòli, l’Armana Prouvençau et Vivo Prouvènço ! La Revue des langues romanes peut pourtant être considérée comme « le seul domaine d’expression du Félibrige dans le monde scientifique » (Thomas, 370).
4Au xixe siècle, le romanche est d’un côté valorisé par la science internationale (Valär, 85) et par le développement d’une presse romanche. De l’autre côté, il y a des aspirations à expurger le romanche pour des raisons économiques. Le recensement de la population en 1860 démontre pour la première fois une décroissance de la population romanche dans les Alpes suisses aux dépens de l’allemand. Depuis, le nombre des Romanches décline avec chaque recensement du peuple (Furrer, 9 et Liver, 81). Ces faits créent une nouvelle conscience des locuteurs pour leur langue et leur culture ainsi que le désir de la préserver. Quelques-uns d’entre eux rêvent d’une nation romanche, d’autres de la reconnaissance de leur langue au niveau national (ce qui se concrétise en 1938). La Renaissance romanche est lancée.
5La Renaissance romanche se caractérise surtout par l’engagement indépendant de plusieurs écrivains et hommes érudits des deux idiomes principaux du romanche : au sud-est du canton des Grisons, nous avons l’Engadine et son idiome ladin qui se compose des deux variétés puter et vallader, à l’ouest des Grisons se trouve la région Surselva où la variété surselvain est parlée. Tous ces acteurs suivent le même but : défendre et renforcer l’identité romanche.
6En Surselva, le rôle de Caspar Decurtins, professeur d’histoire culturelle, linguistique et littérature romanche à l’Université catholique de Fribourg et homme politique, est essentiel pour le mouvement. Avec les 13 tomes de la Rätoromanische Chrestomathie, un recueil de textes de la littérature écrite et orale des cinq idiomes, il crée le monument national des Romanches. Decurtins fonde l’association des étudiants catholiques Romania qui publie les annuaires Igl Ischi et Il Tschespet. Il encourage plusieurs poètes à écrire. Parmi eux, nous trouvons Flurin Camathias et Giachen Caspar Muoth qui est un des plus importants écrivains surselvains. Decurtins entre en correspondance avec Frédéric Mistral et motive Camathias à traduire des poèmes d’autres langues, surtout de l’occitan et du catalan, et il pousse Muoth à terminer son épopée nationale Il cumin d’Ursèra de 1425 (Fry, 276). L’effet de ce poème (Muoth, 1997a, 125-162) dans le territoire romanche est, selon Leo Tuor, comparable au poème épique Mirèio de Mistral (Muoth, 1997b, 238).
- 2 Traduction littérale : les hirondelles.
7Bien que géographiquement isolée, l’Engadine entre en relation avec les langues et les littératures européennes grâce au tourisme et à l’émigration. La Renaissance romanche en Engadine se définit surtout par l’engagement des randulins2. C’est ainsi qu’on appelle les Engadinois qui travaillent à l’étranger et dont la poésie se caractérise par le mal du pays. Plusieurs randulins font fortune à l’étranger, ce qui leur permet de se consacrer aux études. C’est ainsi qu’on entend en Engadine des renaissances lyriques des autres pays (Lansel, VII) et que Gian Fadri Caderas de Zuoz participe aux Jeux floraux de Forcalquier. Peider Lansel, lui aussi un randulin, est considéré comme le grand représentant de la Renaissance romanche engadinoise, car il lutte à plusieurs niveaux pour la culture et langue engadinoises : il recueille des chansons, écrit des poèmes et des pamphlets pour la préservation de la langue, lutte contre l’irrédentisme italien qui voyait dans le romanche un dialecte italien et s’engage pour la reconnaissance du romanche comme langue nationale suisse (cf. Valär). En plus, il correspond, lui aussi, avec Mistral, fait peu étonnant vu que les Félibres suivent des intérêts semblables.
8Depuis 1859, le Félibrige en Occitanie et la Renaissance catalane entretiennent des rapports d’amitié. Selon Martel (1993, 582 sq.), cette amitié fut une révélation pour les Félibres : jusqu’alors, ils se considéraient comme de simples provinciaux. Avec les Catalans, qui parlent une langue si proche de la leur et qui luttent pour les mêmes idées, le problème régional des Occitans prend d’un coup une dimension internationale.
9Les rapports romanches-occitans, qui commencèrent plus tard, se situent dans ce même esprit. Ils peuvent être partagés, grosso modo, en deux phases : l’une se concentre sur l’Engadine, l’autre sur la Surselva et la Provence. Les rapports avec l’Engadine commencent par l’article de Roque-Ferrier (cf. supra), atteignent leur sommet avec la participation de l’écrivain Caderas aux Jeux floraux en 1882 et diminuent après le décès de celui-ci.
10Les rapports entre la Provence et la Surselva sont instaurés par le félibre Jules Ronjat (cf. Thomas 2006, 146-151) qui voyagea en 1896 aux Grisons (Thomas 2017, 128, 131) et son amitié avec Decurtins. Ils battent leur plein lors de la publication de plusieurs articles sur les deux langues et des traductions du romanche vers l’occitan et vice versa. Vers 1910, dans le cadre de la Renaissance romanche en Engadine, Lansel reprend les rapports avec les Félibres.
11Dans l’Aiòli du 17 octobre 1892, Léon de Berluc-Pérussis publie à l’occasion de la mort de Gian Fadri Caderas (1830-1891) un article intitulé « Un felibre souïsse » :
Avèn après bèn tard la mort d’un de nòsti sòci li mai devoua, Jan-Frederi Caderas, de Samaden, lou reno-ma pouèto grisoun, lou sauvadou de la lengo ladino.
Èro vengu au mounde lou meme an que Mistral, e devié coume éu restaura la parladuro de sou païs. Nasquè à Moudeno, de parènt souïsse, lou 13 de juliet 1830. Après d’estùdi brihant à Moudeno em’ à Zuri, s’acantounè dins soun Engadino, n’en publiquè li cant poupulàri, ié foundè un journalet dins l’idiomo loucau (lou Fogl d’Engiadina), e n’en restè touto sa vido lou redatour capoulié.
Soun proumié libre de vers, Rimas, pareiguè en 1865 e fuguè segui, en 1879, di Nuevas rimas. Aquélidous voulume remetèron en ounour lou dialèite naturau di Ladin, branco venerablo de la lengo roumano, qu’èro en trin de desseperi, esquichado entre li dos parladuro vesino, l’alemando e l’italiano. Caderas faguè escolo, e groupè à soun entour quàuqui meritous pouèto e prousatour.
Sa toco èro trop pariero à la nostro, pèr que de relacioun d’amistanço s’establiguèsson pas entre éu e lou Felibrige. La broucaduro d’A. Roque-Ferrier, Un recueil de poésies rumonsches (1874), n’en fuguè l’óucasioun. Lou grand Engadin siguè laureat di Jo flourau de Prouvènço e de Lengadò ; escriguè, dins sa caro lengo, uno di sèt iscripcioun roumano dóu Pont di Latin, inagura à Fourcauquié, en 1882 ; enseriguè dins si Fluors alpinas (1883) e dins si Sorrires e larmas (1887) divers moussèu pouëti revira dóu prouvençau e dóu francés, dóumaci èro un ami fidèu de nosto nacioun e de sa doublo literaturo.
A. de G. [= A. de Gagnaud, pseudonyme de Léon de Berluc-Pérussis]
12Cet article témoigne des relations entre l’engadinois Caderas et les Félibres. Selon Berluc-Pérussis, ces rapports commencèrent en 1874 avec l’article déjà mentionné de Roque-Ferrier sur le dialecte de la Haute Engadine (RLaR 1874, 197-218). Roque-Ferrier affirme être entré, grâce à un « heureux hasard » sur lequel il ne donne pas plus de détails, en possession de quelques poèmes en dialecte de la Haute Engadine écrits par Jean Frizzun (1640-1707). De plus, il explique pourquoi « les Ligues grises [les Grisons] n’ont presque jamais compté parmi les nations latines ». Une des raisons est que « leur histoire ne possède rien de ce qui fait l’intérêt de celle des peuples d’Espagne, de France et d’Italie », une autre est le manque d’« un moment passager de gloire et de prépondérance extérieure » comme au Portugal, en Catalogne et en Sicile.
- 3 Le ladin parlé au Tyrol ne correspond pas au ladin de l’Engadine.
13En 1882, les Jeux floraux de Provence ont lieu à Forcalquier. Caderas y gagne un prix pour son poème Nun hest tü mê amo ? et sa traduction de La marsigliesa dels Latins de l’auteur provençal François Vidal en romanche (puter) qui incarne les idées de l’union latine et se réfère dans la 3e strophe à l’Engadine. On pourrait croire que Caderas ait ajouté cette strophe, mais la lecture du poème original montre que cette strophe provient de Vidal qui énumère dans ce poème les sept sœurs latines : l’Italie, le Portugal, l’Espagne, le Tyrol et l’Engadine3, la Roumanie, la Provence et la France.
14L’introduction du livre intitulé Fêtes latines internationales de Forcalquier et de Gap, Mai 1882 (Fêtes latines, 1) fournit la raison pour laquelle un poète romanche peut participer à ces concours :
Jamais le mouvement latin, qui depuis quelques années agite le sud de l’Europe et ses glorieuses colonies de l’Amérique, ne s’était manifesté d’une façon aussi générale. Pour la première fois, on vit représentées à ces fêtes, les nations lointaines de la Roumanie et du Canada, qui revendiquent une origine commune avec la Provence et l’Aquitaine. Les descendants d’une race illustre, longtemps dispersés et indifférents les uns aux autres, obéissant tout à coup à un mystérieux sentiment de fraternité, avaient envoyé les hommes les plus renommés de leurs pays à ces grandes réunions de famille.
15Le concours est divisé en trois catégories : un concours historique, un concours poétique et un concours philologique. Chaque catégorie est subdivisée en différentes parties. Le livre Fêtes latines (1882, 104) présente tous les différents concours, entre autres le concours international :
Concours international
Le succès des Jeux floraux des Alpes et de l’Idée latine a réveillé la Suisse roumanche ; il a retenti à travers l’Italie et la Roumanie ; il a franchi l’Océan.
Suisse roumanche
Le rameau d’olivier en vermeil, offert par M. le comte de Sabran-Forcalquier, a été décerné à M. Caderas, notaire au canton des Grisons, pour le patriotique chant la Marsihéso dei Latin de Vidal.
16Le poète Vidal mentionne dans le poème traduit par Caderas les Grisons et le romanche. Déjà en 1878, Lou Tresor dóu Felibrige contient un quatrain de Vidal qui témoigne de son intérêt pour l’Engadine et les Grisons. Après la description du mot ladin, nous trouvons les vers suivants :
Dintre caso, fouert Grisoun,
En la vièio lengo ladino
Fai ta preguiero
E tei cansoun.
(Trésor du Félibrige (TDF), tome 2, 177)
17Il se peut que Vidal ait connu Caderas et que Vidal ait encouragé Caderas à participer aux concours littéraires de Forcalquier, mais nous n’avons aucun document qui prouve cette supposition.
18Quelques jours avant les Jeux floraux, Berluc-Pérussis informe Caderas par une lettre, aujourd’hui conservée au Rätisches Museum à Coire avec le rameau d’olivier en vermeil, qu’il figure parmi les lauréats et il l’invite à participer aux Jeux floraux :
J’ai l’honneur de vous annoncer, au nom du comité des Jeux floraux de Provence, que le jury de ce concours littéraire a décerné un rameau d’olivier en vermeil à votre remarquable traduction de la Marsihéso dei Latin de F. Vidal et à votre poésie originale en langue ladine.
Le comité ose espérer que vous viendrez, le 14 de ce mois, recevoir des mains du poète national de Roumanie, Vasile Alecsandri, la récompense qui vous a été si instamment attribuée. (4/5/1882)
19Caderas n’assiste pas aux fêtes, peut-être parce qu’il reçoit l’invitation seulement quelques jours auparavant. Cependant il envoie une dépêche avec les mots suivants : « Loin de vous, avec vous cœur et âme ». Lors des fêtes le poème suivant est récité en faveur de Caderas :
En Suisso, vesènt lou trelus
Qu’enflouro nouesto pouësio.
De Samaden, lèu, lèu s’esquiho
CADERAS, en cercant noueste us,
E La Marsihéso Latino
De Vidal, en lenguo ladin.
Au councours internaciounau,
Vèn embandi sa trounadisso.
Pèr la roumancho cantadisso
Vaquito un rampau vermeiau.
(Fêtes latines 1882, 94)
20Deux mois plus tard, Caderas publie les deux poèmes lauréats dans le Fögl d’Engiadina (8/7/1882). Il écrit dans l’introduction que « plusieurs amis en Suisse et à l’étranger » lui ont demandé de « publier ces deux poèmes couronnés au concours littéraire à Forcalquier (Provence) les 14 et 15 mai écoulés ». À part cette note, les Jeux floraux et son lauréat Caderas ne furent pas mentionnés en Engadine.
21Dans Igl Ischi (1902, 7), Dedual se souvient que Caderas avait toujours des livres provençaux dans son sac et qu’il les lisait aussi souvent que possible. Le livre Les fleurs félibresques ; poésies provençales et languedociennes modernes mises en vers français par Constant Hennion gagna également un rameau d’olivier en vermeil aux Jeux floraux de Forcalquier. Il est fort probable que Caderas reçut ce livre, car tous les poèmes qu’il traduisit par la suite du provençal sont unis dans ce recueil :
Auteur
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Titre original
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Traduction de Caderas
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François Vidal
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La Marsihéso dei Latin
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Marsigliesa dels Latins
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Léon de Berluc-Pérussis
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L’ivèr is Aup
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L’inviern nellas Alps
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Lou pan d’amour
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Il paun d’amur
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22Comme Berluc-Pérussis l’écrit dans la nécrologie de Caderas (cf. supra), la pose de la première pierre du viaduc du chemin de fer entre Forcalquier et Volx, appelé le Pont di Latin, eut lieu le dernier jour des Fêtes latines (Jouveau, 75). Selon le service culturel de la ville de Forcalquier4, l’idée de l’initiant Berluc-Pérussis fut de bâtir un pont qui réunisse symboliquement tous les peuples des langues latines. Les représentants de chaque langue représentée aux concours apportèrent une pierre avec une inscription dans leur langue en forme d’un message de fraternité. Ainsi figurent sur le viaduc des inscriptions en latin, en français, en italien, en romanche, en espagnol, en catalan, en roumain et en trois variétés occitanes (provençal, aquitain et languedocien). Les vers en romanche (puter) proviennent de Caderas :
23Dans la Revue des langues romanes (1886, 301), le forcalquierain Emili Savy publia un quatrain à ce propos et sa traduction en français, voué à Caderas :
- 5 Caderas reçoit en 1884 une montre en or et un diplôme de l’Academia internacional de ciencias indu (...)
- 6 La Fundaziun Planta vient de trouver des nouveaux fonds manuscrits de Caderas. Il se peut qu’on y (...)
24Depuis le concours jusqu’à sa mort, Caderas jouit d’une certaine renommée parmi les Félibres et dans d’autres pays latins comme en Espagne5. Il entretenait probablement des relations avec quelques Félibres, bien que les fonds manuscrits de Caderas, conservés à l’Archiv culturel Engiadin’ota à Samedan6 n’en fournissent pas la preuve. Les documents romanches de cette époque n’évoquent pas ces contacts non plus. Peut-être que ceci est dû au fait que Caderas était lui-même rédacteur des journaux engadinois et ne voulait pas crier son succès sur les toits. Par contre, son nom est régulièrement mentionné dans les revues des Félibres. Notons les mentions de Caderas dans des documents provençaux entre 1882 jusqu’à sa mort en 1891 :
25> Léon de Berluc-Pérussis fait référence à Caderas dans une lettre écrite en août 1883 à Paul Mariéton :
Si M. l’Abbé C. passe à Samaden (Grisons) il y verra le Ne Caderas, l’incarnation de la cause ladine. Vous trouverez dans la Revue des Langues Romanes un travail de Roqueferrier (son début) sur cette littérature rumonsche (je préfère romande).
(Durand 1957, 76)
26On ne sait pas si Monsieur l’Abbé C. visita effectivement Caderas. Ces phrases montrent toutefois que Berluc-Pérussis voit en lui « l’incarnation de la cause ladine ».
27Selon le Dictionnaire international des écrivains du jour (Gubernatis 1891, 465), Berluc-Pérussis traduisit des poèmes de Caderas en provençal.
28Depuis la fondation de la Revue Félibréenne en 1885 jusqu’à sa mort, Caderas figure comme collaborateur correspondant sur la couverture de celle-ci et il est nommé membre de la Société pour l’étude des langues romanes de Montpellier (Gubernatis, 465).
- 7 La gravure de la médaille dit : « Revue Française fondée par M. Evariste Carrance/G. F. Caderas, M (...)
29Une médaille7 et un certificat conservés au Rätisches Museum à Coire, attestent que Caderas est membre fondateur de la Revue Française et membre d’honneur des Concours Poétiques du Midi de la France fondés par Evariste Carrance. Voici le contenu du certificat (Maxfield, 90) :
Concours Poétiques du Midi de la France : Répandre l’instruction comme un immense bienfait sur toutes les têtes, tel est le devoir des hommes de cœur de tous les pays. La poésie, cette divine incarnation de l’esprit éclaire l’intelligence, épure les mœurs, ennoblit la créature. Les Concours Poétiques du Midi, dirigés par un comité spécial, publient deux volumes chaque année. Tous les Poètes ont le droit de collaborer à cette œuvre décentralisatrice. Le comité, dans sa séance du 20 Avril 1885, a nommé Monsieur G. F. Caderas à Samedan membre d’honneur des Concours Poétiques du Midi.
30Il semble pourtant que Caderas n’ait jamais publié d’articles ni dans la Revue Félibréenne ni dans la Revue Française.
31> En 1886, la Revue des langues romanes publie un poème provençal d’Emili Savy qui fait l’éloge des « frères les Engadins ». La fin de ce poème dévoile l’ampleur politique que l’Idée latine prit après la défaite de la France face aux Prussiens en 1871 : défendre les nations latines contre les influences de la Prusse.
32> En 1889, nous trouvons dans le « Bulletin Bibliographique » de la Revue des Langues Romanes la mention du recueil de poèmes Sorrirs e larmas que Caderas vient de publier. Camille Chabenau note : « Charmant recueil de poésies ». Une fois de plus la sympathie pour le romanche et Caderas est exprimée.
33Après la mort de Caderas en 1891, les contacts entre l’Engadine et la Provence s’arrêtent pour quelques années. La quantité des documents montre que, jusqu’à la fin du xixe siècle, les Félibres s’intéressèrent plus au romanche que vice versa. Ceci est dû au fait que pendant cette période, l’Idée latine joua un rôle fondamental au sein du Félibrige. Apparemment c’était important pour la bonne réputation des nombreuses revues de mentionner des rédacteurs internationaux, même si ceux-ci n’ont jamais rédigé un seul article. Au début du xxe siècle, l’euphorie latine des Félibres faiblit tandis qu’elle commence dans les Grisons, avant tout dans la Surselva et plus tard, les rapports entre l’Engadine et la Provence sont repris par Lansel et Puorger.
34Peider Lansel, écrivain et fervent défenseur de la langue romanche, rétablit le contact entre l’Engadine et la Provence quelques années plus tard. Comme il lutte pour des idées semblables à celles des Félibres, il se solidarise avec Mistral avec qui il entretient un échange d’œuvres poétiques qui sont conservés de nos jours dans le Museon Arlaten à Arles. Pour le 50e anniversaire de Mirèio, Lansel lui envoie notamment son recueil de poèmes Primulas de 1892 (Peer, 153, 438 sq.). Le 25 mai 1909, il note les vers suivants dans le livre :
35Dans les fonds manuscrits de Lansel, on trouve quelques cartes postales de la part de Mistral. En se référant explicitement aux Jeux floraux des Félibres, il lança avec l’Uniun dals Grischs un concours poétique en 1904 et selon l’exemple provençal, il instaura la Festa Ladina, une fête populaire fêtée en Engadine le premier dimanche du mois de décembre (Valär, 103-104). Parmi les nombreuses traductions de poèmes et chansons de l’allemand et des langues romanes en romanche (Maxfield, 257 sqq.), on ne trouve qu’un texte occitan. Dans le Fögl d’Engiadina de 1912, Lansel publie un récit provençal. Le fait qu’il n’ait pas traduit de poèmes occitans est surprenant, puisque ses lettres écrites à Mistral font preuve de son grand intérêt pour le Félibrige.
36Dans Las Annalas (1914, 1-33), Balser Puorger publia un article intitulé « Frederi Mistral ». D’un côté, ce texte écrit dans la variété romanche vallader présente Mistral, sa vie et son œuvre ; et de l’autre, il décrit l’histoire de la Provence et le déclin continu du provençal. Puorger illustre le texte de deux exemples d’ancien provençal, d’une quarantaine de proverbes du Bas Limousin ainsi que de citations des œuvres de Mistral, surtout de Mirèio.
Auteur
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Titre original
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Traduction de Puorger
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s. n.
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De la mort de Karle rey
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La mort del rai Carl
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s. n.
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De l’issimple de l’almorna del cavalher
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Del exaimpel intuorn l’almosna del cavalier mort
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Frédéric Mistral
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Lou cinquantenàri dóu Felibrige
(2 strophes)
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s. t.
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Lou cant di Felibre (Refrain)
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s. t.
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Mirèio
(dédicace à Lamartine et extraits
du 1e, 2e, 3e, 7e, 9e et 12e chant)
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Mireio
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s. n.
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(44 Proverbes du Bas-Limousin)
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Proverbis del Limousin bas
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Chant populaire provençal
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Li carretié de Prouvènço
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Ils vittürins
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37Puorger raconte le contenu du poème provençal Mirèio dans toute sa longueur et donne une idée du poème par des strophes extraites des 12 chapitres du livre. En plus, il traduit en entier la chanson populaire provençale La chanson de Magali que Mistral rend dans le 3e chapitre de Mirèio. Quelques années plus tard, Puorger republie cette traduction dans son récit intitulé La chanzun da Magali, une histoire d’amour, publiée dans l’annuaire Chalender ladin (1927, 46-52).
38Dans son article « Frederi Mistral » dans Las Annalas, l’auteur ne se contente pas de traduire des textes provençaux en vallader, mais il ajoute les vers originaux aux traductions. Veut-il montrer aux lecteurs romanches la parenté des deux langues romanes ou veut-il juste donner aux lecteurs une idée du provençal ? Quoi qu’il en soit, contrairement aux poètes surselvains, il ne parle pas des racines communes des deux langues. Ce qui distingue son article de ceux écrits par Decurtins, c’est que Puorger ne semble pas considérer Mistral comme un demi-dieu. Il ose dire que quelques passages de Mirèio, texte couronné par le prix Nobel de littérature, sont trop longs (Annalas 1914, 27) ! L’article se termine par le récit Ils vitturins, un extrait de Memòri e raconte de Mistral.
39Puorger voyagea beaucoup en Europe et vécut aussi en Italie. Ainsi, il est tout à fait possible qu’il ait connu des Félibres. Néanmoins, l’article est écrit d’une façon généralisante et se réfère uniquement à des sources écrites. Bien qu’il ne mentionne pas la mort de Mistral, celle-ci semble être le motif qui a poussé Puorger à écrire cet article et à traduire ces textes.
40Les rapports entre la Surselva catholique et la Provence sont indépendants de ceux entre l’Engadine et la Provence. La raison en est qu’en Engadine, les gens sont non seulement protestants, mais qu’ils parlent leur propre variété du romanche et qu’ils ont leur propre presse. À part la revue suprarégionale Las Annalas, il n’y avait presque pas de relations entre les différentes variétés romanches, ce qui est aussi dû à la distance géographique.
41Cette nouvelle période romanche-occitane commence en 1896 par la publication d’un poème surselvain traduit en provençal dans l’Aiòli et trouve son apogée dans la publication d’une trentaine de poèmes occitans en romanche dans la revue Igl Ischi. Les protagonistes des rapports provençaux-surselvains sont du côté occitan Jules Ronjat et Frédéric Mistral, du côté romanche Caspar Decurtins et Flurin Camathias.
42Dans l’Aiòli du 17 mai 1896, le linguiste occitan Ronjat publie sous son pseudonyme Guigue Talavernai une traduction du poème Il pur suveran du poète surselvain Gion Antoni Huonder. En voilà la première strophe avec la version originale à droite en surselvain :
43Dans sa lettre du 9 mai 1896 Ronjat propose le poème à Mistral qui le publiera : « Vaqui quaucarèn que belèu vous amusara : es uno revirado, assas literalo, e dins lou ritme de l’óuriginau, dóu “Pur suveran” qu’es en quauco sorto lou pouèmo naciounau di Roumanesc dóu cantoun di Grisoun » (Thomas, 128). L’été de la même année, Ronjat entreprend un voyage en Suisse. Il écrit à Mistral le 12 septembre 1896 qu’il visita pendant un mois l’est et le sud du pays à pied et à vélo. Ce voyage est le début d’un vif échange de lettres et d’œuvres entre les Félibres et les poètes surselvains. Lors de ce voyage, Ronjat rencontra Decurtins avec qui il devint ami. Dans ses lettres de septembre 1896 jusqu’à janvier 1897, il est souvent question de Decurtins qui aimerait entrer en contact avec Mistral. Ronjat cite dans sa lettre du 21 septembre Decurtins (Thomas, 128-136) :
Coume lou vesès pèr lou journau que vous mande, coumbatèn, lou bon coumbat pèr lou federalisme, pèr la terro e la lengo nostro, e me farié grand gau se poudié pèr vosto entre-meso veni mai initmamen liga l’afrairamen di Roumanche emé li Prouvençau.
- 8 Pour la transcription de ces lettres cf. Berther 2010, 72-79.
44C’est ainsi que la correspondance entre Decurtins et Mistral commença et dura de 1896-19138. Les lettres de Decurtins sont conservées au Museon Mistral à Maillane. Malheureusement, les réponses de Mistral demeurent introuvables vu que Decurtins fit brûler sa correspondance avant sa mort (Fry, 8).
45Decurtins écrit sa première lettre à Mistral le 6 octobre 1896. Il voit en Mistral le « bon Provençal qui est resté fidèle à la langue de son pays natal » et qui, par ses poésies, a rendu à la langue provençale « sa dignité royale » et l’a placée « à côté des grandes langues cultivées ». Dans la même lettre, Decurtins présente à Mistral l’engagement des Surselvains pour le romanche :
Nous combattons ici un difficile et un dur combat pour notre chère langue Rhéto-romane ; mais la configuration décentralisée de notre pays et la grande liberté dont jouissent encore nos communes ainsi que le sentiment de profonde piété du peuple pour son histoire et ses usages, nous facilitent ici le combat pour la langue maternelle.
46Il joint l’article « M. Decurtins et la centralisation » qui fut publié à la une du journal fribourgeois La Liberté le 30 août 1896 pour montrer à Mistral à qui il a affaire. Il s’agit d’un éloge de l’orateur charismatique Decurtins présenté comme opposant résolu à la centralisation. Le journaliste écrit que « le souffle qui anime ses pensées [celles de Decurtins], qui précipite ses phrases, qui excite son regard et son geste vient bien des pays où le soleil caresse les oliviers argentés ». Par ces mots, il compare Decurtins aux Félibres.
47À part cet article, Decurtins joint un tome de sa Rätoromanische Chrestomathie et il écrit :
J’y joins un exemplaire de ma Chréstomathie contenant les poésies fraîches et charmantes de nos poètes rhétoromans, qui sont aux magnifiques chants des Provençaux ce que sont les modestes fleurs des Alpes à la Flore du sud.
48Decurtins conclut la lettre en exprimant le souhait que cette lettre soit le commencement d’un échange entre Mistral et lui : « N’avons-nous pas bien des intérêts communs qui forment un nœud entre les Provençaux et les Rhétoromans également menacées dans leur bien le plus cher ». Mistral a dû répondre à Decurtins car dans la lettre du 11 août 1897, Decurtins se montre satisfait que Mistral se soit occupé de la langue romanche. Il demande à Mistral d’écrire une étude sur sa Rätoromanische Chrestomathie, mais Mistral ne répond pas à cette demande. Ronjat avait préparé après son voyage en Suisse un article sur la Chrestomathie intitulé « Sus li raro latino » qui pourtant ne fut pas publié (Thomas, 135).
- 9 Le mot surselvain mistral (lat. ministralis) existe aussi en provençal (mistrau, mistral, mistra).(...)
49De son côté, Mistral demande à Decurtins de lui envoyer la mélodie de la Mastralia, la chanson du cumin. Lors de cette assemblée annuelle, les citoyens élisent le mistral9 ou préfet du district. Il semble que Mistral s’intéressait donc au système politique suisse qui se caractérise par la décentralisation.
50Dans la même année, Decurtins publie le premier numéro d’Igl Ischi qui suit le modèle de l’Armana Prouvençau (Thomas, 136) en s’adressant à la fois à un public populaire et savant (Martel 1997, 107). Dans cet annuaire, l’Idée latine domine : dans l’introduction, Decurtins cite un vers issu des Isclos d’or de Mistral. Le premier article (Ischi 1897, 5-9) est consacré à une vieille chanson romanche, aussi connue chez les peuples slaves, germaniques et néolatins. Parmi les poèmes d’Alfons Tuor, on trouve la traduction romanche du poème roumain Cântecul gintei latin / Chant du latin couronné aux Fêtes latines de 1878 (ibid., 81).
51Dans Igl Ischi de 1900, Decurtins écrit un article intitulé « Salids ord la Provenza ». Ce texte introduit le mouvement du Félibrige aux lecteurs surselvains et restitue trois poèmes romanches très populaires traduits en provençal par Ronjat : Lou pacan soubeiran / Il pur suveran de Gion Antoni Huonder, publié auparavant dans l’Aiòli, Sus liu brè / Sin la pézza d’Alfons Tuor et le fameux poème Nosto lengo / Nossa viarva de Flurin Camathias :
52Quelle fut l’intention que poursuivit Decurtins en publiant des textes provençaux dans une revue romanche ? Il termine son article par la phrase suivante : « Las traducziuns de quei Feliber datten perdetga digl interess, ch’ils Romontschs sper la mar han per ils Romontsch sin las alps. (Les traductions de ce Félibre témoignent de l’intérêt des romanches au bord de la mer pour les romanches dans les Alpes) » (Ischi 1900, 135). Dans un premier temps, Decurtins veut donc montrer aux Romanches que leur langue suscite de l’intérêt à l’étranger. Ce fait est une sorte de légitimation de la fierté de leur langue maternelle et du nationalisme romanche. Dans un deuxième temps, Decurtins souligne la parenté des deux langues en appelant les Occitans « les Romanches au bord de la mer ». Cette phrase fait croire que la topographie constitue la seule différence entre les deux peuples. Et en effet, même des lecteurs romanches qui n’ont jamais lu un texte provençal auparavant comprennent facilement les poèmes, car il s’agit de textes connus de la majorité des Romanches. On peut douter du fait que la lecture de textes moins connus eût été aussi facile.
53L’année suivante, Decurtins publie dans Igl Ischi une lettre ouverte à Mistral intitulée « Salids ord las alps reticas al Poet Frederi Mistral » (Ischi 1901, 46-47). La revue Monat-Rosen publie le même texte un an plus tard (1902, XLVI : 26 sq.), non seulement dans sa version originale en romanche mais encore en provençal traduit par Ronjat (Thomas, 152). Dans cette lettre ouverte, Decurtins remercie Mistral d’avoir écrit…
54Decurtins accentue encore une fois la parenté entre les deux peuples en désignant les Provençaux les « frères des Romanches ».
55Dans la correspondance entre Ronjat et Mistral du 27 septembre 1901 il est question de l’article « Salids ord las alps reticas al Poet Frederi Mistral » de Decurtins (Thomas, 152). L’année suivante, Ronjat répond à ce salut dans l’Armana Prouvençau (1902, 93-97) par l’article « Salut i bèu cousin dis aup liuencho », suivi par ses trois poèmes traduits du romanche et publiés auparavant dans Igl Ischi (1900, 136-138). Dans cet article, Ronjat parle de son voyage aux Grisons et décrit une anecdote qui s’est passée pendant son séjour :
- 10 Ronjat fait remarquer que le mot provençal vedré (TDF : vedret : glacier dans les Alpes ; glacié/g (...)
Me capitave un cop de m’espaceja sus un […] grand vedré10 dóu païs grisoun, e vers la fin dóu jour toumbère sus un brave ome que me diguè en soun parla, pèr saupre l’ouro : Tgei uras eis ei ? e ié venguère en bon prouvençau : Cinq ouro tres quart, – e éu me n’en faguè autant bèu gramaci coume se i’aviéu respoundu dins sa “retico favello“.
56Bien que le territoire provençal n’avoisine pas le territoire romanche, Ronjat comprend facilement l’homme qui lui demande l’heure et celui-ci comprend la réponse donnée en provençal. Mais après son voyage aux Grisons, en lisant la Chrestomathie, Ronjat constata que le romanche et le provençal se ressemblent moins que pensé (Thomas, 152). Ainsi, il ajoute qu’on ne se comprend pas toujours aussi facilement : « Parlan rouman ambedous, li Grisoun e li Prouvençau, mai l’adouban cadun à la modo siéuno, éli à la retico, nautre à la ligouro o galeso » (Armana 1902, 93-97). Dans cet article, Ronjat appelle Decurtins le « felibre grisoun ». Contrairement à Decurtins, Ronjat ne souligne pas tant les parallélismes linguistiques entre les deux langues, mais bien plus les ressemblances des sujets principaux traités dans les deux littératures : la patrie, la nature et la langue.
57Le tableau suivant donne un aperçu des traductions de Ronjat en romanche. Les trois poèmes mentionnés ne restent pas les seules traductions. En 1913, Ronjat publie une ultérieure traduction d’un texte surselvain dans Vivo Prouvènço ! (1913, 231). Le conte Niessegner et ils affons ded Adam et Eva est publié dans le deuxième tome de la Rätoromanische Chrestomathie.
Auteur
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Titre original
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Traduction de Ronjat
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Gion Antoni Huonder
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Il pur suveran
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Lou pacan soubeiran
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Florin Camathias
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Nossa viarva
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Nosto lengo
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Alfons Tuor
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Sin la pézza
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Sus lou brè
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Caspar Decurtins (édit.)
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Niessegner et ils affons
ded Adam et Eva
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Uno fatargo reto-roumano
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58En 1903, Decurtins envoie à Mistral un exemplaire d’Igl Ischi qui contient des traductions romanches de poèmes catalans. Decurtins écrit dans la lettre d’accompagnement du 25/3/1903 :
Nous avons offert ces études et ces traductions au peuple rhéto-romand parce que nous croyons que la littérature des petits peuples en spécial la littérature néo-catalane a pour nous un intérêt particulier et qu’elles peuvent nous servir d’exemples.
59Et il annonce pour l’année suivante les traductions du provençal de Camathias. Quelques mois plus tard, Decurtins demande à Mistral d’envoyer des poèmes pour les traduire en romanche (15/10/1903). Le respect de Decurtins envers Mistral qui gagna le Prix Nobel en 1904 semble augmenter avec chaque lettre. Il écrit : « La bienveillance que vous avez toujours témoignée à nos efforts m’encourage à vous adresser cette demande. Ce que votre main de maître aura choisi caractérisera véritablement le poète ». Quelques mois plus tard (12/5/1904), Decurtins envoie à Mistral l’imprimé séparé de son étude sur le Félibrige et les traductions des poèmes provençaux de Camathias, intitulé La literatura neoprovenzala. Dans l’article introductif « La tradiziun », Decurtins écrit que les romanches ne doivent pas avoir honte de leur littérature qu’on peut comparer sans honte à celle d’autres peuples :
60Decurtins demande à Mistral de donner son avis sur La literatura neoprovenzala et il écrit dans la lettre du 21/5/1904 :
Vous pouvez juger jusqu’à quel point mon œuvre est réussie et vous me ferez plaisir en me faisant connaître votre opinion par quelques lignes. Une pensée me console, tous deux [nous] avons le même amour, la même compréhension pour l’âme du peuple, comme elle vit, comme elle croit, comme elle rêve et comme elle chante. Tous les deux nous croyons au plus bel avenir des nations romanes, ces filles de Rome éternellement jeunes.
61Mistral doit avoir répondu assez vite car Decurtins lui répond un mois plus tard (30/6/1904) :
Mes meilleurs remerciements pour votre si aimable et si appréciable lettre qui m’a procuré un si grand plaisir, une grande satisfaction. Vous êtes appelé comme personne d’autre à rendre un jugement sur mon faible essai de vouloir caractériser brièvement la poésie néoprovençale.
62Et il demande de lui envoyer un exemplaire signé de Mirèio.
Ce livre garnira ma table de travail : un monument de l’amitié des catholiques romands au bord de la mer et des catholiques romands dans les Alpes dans leurs luttes inévitables pour le saint droit de leur langue maternelle.
63On ne sait pas si Mistral exauça ce vœu. Quoi qu’il en soit, Decurtins lui dédia le VIIe tome de sa Rätoromanische Chrestomathie et l’envoya à Mistral. Decurtins écrit dans la lettre d’accompagnement (4/4/1905) qu’il voudrait suivre l’exemple de Mistral :
Si je vous ai dédié ce volume, c’était pour vous démontrer ma reconnaissance sincère à cause de votre combat héroïque pour la langue maternelle dont les chants étaient jadis emportés en Europe comme le pollen fructueux des fleurs est emporté par la brise de mai de la poésie éveillée et dont les nouveaux résultats trouvent aussi leur écho aux rochers de granit des Alpes rhétiennes. Que ce livre soit consacré au fidèle gardien de la tradition provinciale, par un homme qui voudrait imiter cette fidélité en son propre peuple. Je vous prie donc de tresser cette humble rose des Alpes rhétiennes dans la riche couronne des fleurs qui vous a déjà été dédiée.
64Après des années sans contacts attestés, en 1913, Ronjat publie dans Vivo Prouvènço ! (1913, 321) la traduction du conte romanche Niessegner et ils affons ded Adam et Eva qui avait été publié dans la Chrestomathie (Decurtins 1901, 106). Dans la même année, Decurtins envoie une lettre (12/11/1913) à Mistral, dans laquelle il le remercie pour la carte postale qu’il a reçue. Decurtins semble être fatigué d’un combat pour le romanche qui ne porte pas toujours ses fruits :
On en est venu à donner, dans certaines écoles du pays romanche l’enseignement en allemand dès les premières classes. Ce n’est ni plus ni moins qu’une odieuse violence faite à l’âme des petits enfants rhétoromands, ce système antipédagogique aura pour conséquence qu’ils n’apprendront bien ni leur langue maternelle ni l’allemand.
65En Mistral, il voit une solution à ce problème et il le prie d’adresser une lettre ouverte au peuple romanche :
Or, voici mon idée, je voudrais vous prier de faire entendre sous forme d’une lettre ouverte, que vous manderiez un vigoureux encouragement aux Rhéto-Romanches pour qu’ils soutiennent vaillamment la lutte pour la défense de leur langue maternelle. Ils ont d’autant plus sujet de tenir bon, que la Chrestomathie romanche, qui compte dix volumes dont plusieurs de mille pages, ne contient pas seulement des œuvres d’art littéraire, prose, poésie, mais tout un trésor de légendes, de chants populaires, de mots d’enfants, de proverbes, d’énigmes, de maximes et coutumes du peuple. Si la population et les étudiants, les catholiques et les protestants unissent leurs efforts le romontsch sera sauvé pour des siècles.
- 11 Cette phrase rappelle celle qu’on entend à l’église avant la communion : « Seigneur, je ne suis pa (...)
66Et il conclut la lettre en utilisant une phrase qui fait allusion à une prière : « Un mot de vous, qui êtes le patriarche du mouvement latin et le plus grand poète vivant des races latines, aura un effet souverain ». Ce n’est probablement pas par hasard que le fervent catholique Decurtins utilise ces mots11. Il voit en Mistral un demi-dieu qui peut sauver les langues minoritaires par ses mots. Mistral, qui meurt l’année suivante, ne répond plus à la demande de Decurtins.
67Avant que le curé Camathias s’adonne à la traduction de poèmes provençaux, il traduit beaucoup de poèmes de l’allemand et des langues slaves (Camathias 1971, 23). Depuis 1900, il réunit ces traductions dans Igl Ischi sous le titre Rosas ord orts jasters. La même année, il publie les premières traductions de poèmes allemands et russes. En 1902, Decurtins écrit un article sur la littérature néo-catalane (Ischi 1902, 144-152) et publie une série de poèmes catalans traduits en romanche (ibid. 153-178), entre autres le poème Canzun dils frars latins de Francesch Mattheu, poème qui représente l’Idée latine. Le 24/2/1903, Mistral lui envoie une carte postale :
À mousseu lou curat Flourin Camathias mi coumplimen amistoy
F. Mistral
68Sur le verso de la carte, Mistral écrit ceci :
À Diéu soulet onuour e glòri
e vivo la Prouvènco d’Engadino ! [sic !]
- 12 Bien que l’année 1903 soit notée sur Igl Ischi VII., la revue fut publiée en 1904, comme l’imprimé (...)
69L’année suivante, 76 pages d’Igl Ischi12 sont dédiées à la littérature néoprovençale : l’article de Decurtins « La literatura neoprovenzala » qui traite de la littérature des Félibres (Ischi 1903, 64-80) est suivi par 31 poèmes provençaux et extraits du poème Mirèio traduits en romanche par Camathias (ibid., 81-139).
70Decurtins expose dans son article l’histoire de la littérature provençale et insiste surtout sur le mouvement du Félibrige et ses buts. Il présente trois des fondateurs du mouvement et leurs œuvres : Roumanille, Mistral et Aubanel. Ensuite, il se réfère aux poèmes provençaux traduits en romanche : il résume leur contenu et présente les auteurs. Un paragraphe très long est consacré à Mirèio. L’article se termine par les idées du Félibrige qui concernent aussi les Romanches :
71Dans Igl Ischi de 1907, Camathias termine ses Rosas ord orts jasters avec la publication de poèmes portugais et brésiliens. À la fin, il remercie Decurtins de lui avoir procuré les textes originaux. Celui-ci semble donc être l’initiateur des traductions. Sa citation d’un vers des Isclos d’or dans l’introduction du premier numéro d’Igl Ischi, prouve qu’il connaissait depuis longtemps ce recueil de poèmes. Le fait qu’il ait encouragé Camathias à traduire des poèmes provençaux n’étonne pas particulièrement, car ses articles publiés au préalable montrent que Decurtins est un grand admirateur du Félibrige. L’énumération suivante met les poèmes traduits par Camathias en parallèle aux titres originaux qui ne sont pas indiqués dans Igl Ischi (1903, 81-139) :
Auteur/livre
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Titre original
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Traduction de Camathias
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J. Roumanille :
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Dous agnéu
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Dus tschuts
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Madaleno
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Maleina
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Dous boutoun de roso
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Dus brumbels de rosa
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La Pologno
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La Pologna
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Pauloun
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Paul
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Nostro-Damo de la Gardo
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Nossadunna de-la-Garde
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Li quatre rire dou vièi
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Il vegliurd, che ri quater gadas
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La santo crous
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La sontga crusch
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Frederic Mistral : Mirèio, pouèmo prouvençau
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Cant proumié.
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Ord Mirèio, pouèmo prouvençau de Frederi Mistral. Emprem cant.
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Cant III
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Ord il tierz cant :
Nora conta la canzun de Magalî
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Cant XII
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Ord il dudischavel cant :
La Mort de Mirèio
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Frederic Mistral : Lis Isclo d’or
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La fin dóu meissounié
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La mort dil medunz
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Lou cant dóu soulèu
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Il cant dil solegl
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Lis enfant d’Ourfiéu
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Ils affonts d’Orpheus
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La coupo
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La cuppa
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A la raço latino
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Alla schlatteina latina
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A-n-un prouscri d’Espagno
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Ad in spagnol bandischau
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Lou jujamen darrié
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Il davos truament
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Teodor Aubanel : La miougrano entre-duberto
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Lou libre de l’amour
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Sans titre
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Li segaire
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Ils sitgurs
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Lis esclau
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Ils sclavs
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La fam
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La fom
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Lou nou Termidor
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Ils 9 de Thermidor
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Nostro-Damo d’Africo
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Nossadunna d’Africa
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Felix Gras
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La Jacounimo
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La Giacumina
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Isidor Salles
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Pregari
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Oraziun
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La croutz
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La crusch
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Auguste Fourès
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La poulino
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La puleina
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Alban Vergne
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L’anèl
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Igl ani
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André Baudorre
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Pax vobis
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Pax Vobis !
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Pau Areno
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Raubatòri
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Sch’jeu vess
in liung e bi manti
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A. Vermenouze
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La cançon del Fel
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Il vin d’ol [sic !] Fel
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Jùli Rounjat
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Moun Brinde
pèr Santo Estello
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Toast per la fiasta annuala
dils feliber, 1895.
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Marius André
|
?
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A F. Mistral
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72L’article de Decurtins et le recueil des poèmes publiés dans Igl Ischi de 1903 sont imprimés séparément en 1904 sous le titre La literatura neoprovenzala. Decurtins envoie la brochure à Mistral. Aujourd’hui, la bibliothèque du Museon Arlaten à Arles la conserve avec la lettre du 21/05/1904 :
Avec cette lettre, vous recevez sous bande mon étude sur la littérature néoprovençale et les traductions du Rd. Curé Camathias. Mon étude a pour but de faire connaître à la jeunesse studieuse rétoromanche les trésors de la littérature néoprovençale. J’ai dû me borner à accentuer par quelques traits seulement le propos et les caractéristiques de cette œuvre et à marquer aussi vivement que possible sa particularité. Cette littérature a tant de beaux rayons, du soleil, tant de couleur et de parfum qu’il est difficile de la caractériser dans cette langue rétoromanche forte mais simple.
73Les traductions de Camathias semblent plaire à Mistral. Decurtins écrit dans la lettre du 30/6/1904 : « Monsieur Camathias aussi se réjouit beaucoup du jugement que le maître à rendu de ses traductions ». Dans l’Armana Prouvençau de 1905, la brochure figure parmi les nouvelles publications :
La literatura neoprovenzala, estùdi sus nosto Reneissènço, emé forço pèço de Mistral e di meiour felibre, traducho au reto-rouman di Grisoun, pèr C. Decurtins e F. Camathias (Couiro, vers Casanova).
(Armana Prouvençau 1905, 12)
- 13 Dans la correspondance reçue de Camathias conservée à l’Archiv chantunal à Coire, on trouve des le (...)
74Les propos de ce paragraphe peuvent donner l’impression que Camathias est seulement l’exécuteur des idées de Decurtins, mais ceci n’est pas le cas : Camathias est également un promoteur de l’Idée latine, il correspond avec des représentants d’autres langues latines13 et il écrit plusieurs traités théoriques sur la langue et la littérature. Dans le traité intitulé « Pertgei nus vulein restar Romontschs (Pourquoi nous voulons rester romanches) » (Ischi 1907, 13-20), un plaidoyer pour le romanche, il énonce plusieurs raisons de parler le romanche et ses arguments évoquent l’Idée latine. Il cite des extraits de sa traduction du poème A la raço latino et insiste que l’écho de l’appel de Mistral lancé dans ce poème retentira encore longtemps des rochers des Grisons (Igl Ischi 1907, 28 ). Camathias y répond en composant une strophe supplémentaire, composée dans le même style et mètre que le poème de Mistral (transcription cf. Berther 2010, 63-64).
75Les tableaux suivants donnent un aperçu de toutes les publications mentionnées : le premier résume les textes sur la langue romanche, les publications de textes romanches ou des traductions de textes romanches en occitan, publiés entre 1854 et 1914 dans les revues des Félibres (surtout dans la RLaR et l’Armana Prouvençau). Le deuxième tableau représente les publications qui concernent l’occitan dans des revues grisonaises parues dans la même période (la majorité est issue d’Igl Ischi). Quand il s’agit d’un article, son contenu est indiqué entre crochets après le titre.
76On peut classer les textes en trois catégories :
-
Les textes dus aux rapports entre la Provence et l’Engadine. Ces textes, publiés entre 1874 et 1892, se regroupent autour des Fêtes latines de 1882, où deux poèmes de Gian Fadri Caderas furent couronnés. Pendant cette phase, trois articles sur le romanche furent publiés en Provence (« Un recueil de poésies rumonsches », « A nouostei fraire les Engadin » et « Un felibre souïsse »), tandis qu’en Engadine, on ne trouve que des traductions de poèmes provençaux. Des commentaires ou explications sur l’Idée latine et le mouvement des Félibres manquent (cf. les publications de Caderas des années 1882, 1883 et 1887).
-
Les textes qui se caractérisent par les contacts entre la Provence et la Surselva publiés entre 1896 et 1909 par Ronjat, Camathias et Decurtins manifestent l’intérêt de la Surselva et en particulier de Decurtins pour le mouvement des Félibres. La correspondance entre Mistral et Decurtins en témoigne. Cette ère laissa aussi des traces dans les revues provençales : trois poèmes romanches furent traduits en occitan, l’article « Salut i bèu cousin dis aup liuencho » présente le romanche et une note sur le livre La literatura neoprovenzala de Decurtins et Camathias montre que les Félibres sont au courant de ce qui se passe aux Grisons. Ici, les articles « Salids ord la Provenza », « Salids ord las alps reticas al Poet Frederi Mistral », « La literatura neoprovenzala » (incl. « Poesias neoprovenzalas translatadas da Florin Camathias ») et « Ina nuviala ord la Provence » documentent ces rapports.
-
les publications de caractère scientifique, surtout de Jakob/Jacques Ulrich. Il s’agit des premiers textes rédigés en romanche dans le xvie et le xviie siècle, des traductions du Nouveau Testament du réformateur Bifrun et de quelques chartes. Dans ce troisième groupe, nous trouvons les textes publiés dans la Revue des langues romanes pendant les années suivantes : 1885 (Decurtins), 1896b, 1897, 1898, 1899, 1901, 1902, 1903, 1905, 1906 (Jacques Ulrich), 1911 (Bourgeois), 1913 (Decurtins).
Revue
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Titre / Contenu
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Auteur
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Année
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RLaR, tome 5 : 197-218.
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« Un recueil de poésies rumonsches ;
Dialecte de la Haute Engadine, canton des Grisons (Suisse). Notice et extraits (Testimoniaunza dall’amur stupenda da Gesu Cristo, par J. Frizzun da Cellerina) ».
[Article sur l’histoire des Grisons, le romanche et les poèmes de Frizzun du xviiie siècle. Selon la RLAR 14 de 1878, cet article fut réédité dans le Gai Saber Nr. 7.]
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Alphonse
Roque-Ferrier
(personne de contact aux Grisons :
M. le pasteur
Otto Floetta
de Cellerina)
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1874
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Fêtes latines internationales de Forcalquier et de Gap
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[Ce livre documente les Fêtes latines de 1882 et mentionne plusieurs fois le romanche et le lauréat Caderas.]
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s. n.
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1882
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RLaR, tome 27 : 121-149 et 162-183.
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« Un drame Haut-Engadinois : L’amur et moardt desperattiun dalg cunt Othavo ».
[Drame profane du xviie siècle, écrit selon le modèle italien par Fadrich Viezel de Zuoz. Decurtins publie le texte original avec une introduction en français.]
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Gaspard Decurtins
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1885
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RLaR, tome 29 : 300 sq.
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« A nouostei fraire les Engadin ».
[Deux poèmes : L’un est dédié à la patrie de Caderas, l’Engadine. L’auteur fait allusion au viaduc des latins à Forcalquier sur lequel un quatrain de Caderas est gravé.]
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E. Savy
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1886
|
RLaR, tome 33 : 146.
|
Bulletin Bibliographique :
G. F. Caderas : Sorrirs e larmas, rimas.
[Commentaire : « Charmant recueil de poésies ».]
|
C. C.
Camille Chabanau
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1889
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Aiòli, nº 65
|
« Un felibre souïsse ».
[Nécrologie de G. F. Caderas.]
|
A. de G.
[Pseud.
de Berl.-Perussis]
|
1892
|
Aiòli, nº 194
|
« Lou pacan soubeiran (revira dóu ladin de l’Engadino [sic !] d’Anton Huonder) ».
[Traduction du poème surselvain Il pur suveran.]
|
Guigo Talavernai
[Pseud. Jules Ronjat]
|
1896a
|
RLaR, tome 39 : 97-113, 217-233, 280-282.
|
« La mort e paschiun da noas segner Iesu Christi ». [Texte Haut-Engadinois du xvie siècle (incl. notes et glossaire).]
|
H. Caviezel, Coire, Texte et morphologie
de Jacques Ulrich
|
1896b
|
« La Tafla da Bifrun » (glossaire compris).
|
Ibid.
|
« Charte Haut-Engadinoise de 1580, una cunvigientscha tranter las vischnauncas Samaedan e Tschlarina davart il flaz 1580 ».
|
Ibid.
|
RLaR, tome 40 : 32-34, 65-83, 97-109 et 265-279. Ibid. : 94 sq.
|
« Charte Soussilvane de 1609 (Heinzenberg) ».
|
Jacques Ulrich
|
1897
|
« L’évangile selon saint Luc
en dialecte Haut-Engadinois ».
|
Ibid.
|
Bibliographie : Général Th. Parmentier.
Vocabulaire Rhétoroman. [Compte rendu].
|
s. n.
(P. Hamelin ?)
|
RLaR, tome 41 : 122-124, 239-271.
|
Bibliographie : Gaspard Pult : Le parler de Sent (Basse-Engadine), Lausanne, Payot, 1897. [Compte rendu].
|
Maurice Grammont
|
1898
|
« La traduction du Nouveau Testament en ancien haut engadinois. Par Bifrun. Evangelium Johannis ».
|
Jacques Ulrich
|
RLaR, tome 42 : 56-70 et 301-304, 509-535.
|
Ibid. suite et fin.
|
Jacques Ulrich
|
1899
|
« La traduction du nouveau testament en ancien haut engadinois. Par Bifrun. L’g cudesth dels fats dals apostels ».
|
Ibid.
|
RLaR, tome 44 : 521-530.
|
Ibid. suite.
|
Jacques Ulrich
|
1901
|
Armana Prouvençau, 1902 : 93-97.
|
« Salut i bèu cousin dis aup liuencho.
Lou pacan soubeiran de Antóni Huonder, Nosto Lengo de Flourin Camathias, Sus lou bre de Anfons Tuor (tradu dóu Rouman) ».
[Article sur le romanche et traduction de trois poèmes.]
|
Jùli Rounjat
|
1902a
|
RLaR, tome 45 : 357-369.
|
« La traduction du nouveau testament en ancien haut engadinois. Par Bifrun. L’g cudesth dels fats dals apostels », suite.
|
Jacques Ulrich
|
1902b
|
RLaR, tome 46 : 75-93.
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Ibid. suite et fin.
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Jacques Ulrich
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1903
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Armana Prouvençau 1905 : 12.
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« La literatura neoprovenzala ».
[Note bibliographique.]
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s. n.
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1905a
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RLaR, tome 48 : 75-87 et 306-323.
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« L’apocalypse en haut-engadinois ».
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Jacques Ulrich
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1905b
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RLaR, tome 49 : 352-361.
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« Mots intéressants ou rares fournis par les Epîtres du Nouveau-Testament de Bifrun ».
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Jacques Ulrich
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1906
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RLaR, tome 54 : 191-201.
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« La chanson de Montauban en romanche Haut-Engadinais (Davard Montalban et l’armeda dalg araig d’Frauntscha) ».
[Chanson politique à la note satyrique du xviie siècle. Texte original accompagné de sa traduction française.]
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Henri Bourgeois, Florin Melcher SRR
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1911
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Vivo Prouvènço !, nº 107 : 231.
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« Uno fatargo reto-roumano »
[Traduction d’un récit romanche.]
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C. Decurtins, Jùli Rounjat
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1913
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Revue ou livre
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Titre / Contenu
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Auteur
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Année
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Fögl d’Engiadina, XXV anneda, Nr. 27, 8 lügl 1882 : 3.
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Feuilleton : « Marsigliesa dels Latins » ; « Nun hest tü mê amo ? » [Publication des poèmes de Caderas
couronnés le 14 et 15/5/1882 à Forcalquier.]
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Gian Fadri Caderas
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1882
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Fluors alpinas : 141-143 et 160.
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« Marsigliesa dels Latins » (Marsiheso di Latin) (Traducziun del originel provençal da F. Vital.) « L’inviern nellas alps ». (Traducziun our dal provençal da L. de Berluc-Perussis).
[Publication de deux poèmes provençaux traduits en romanche dans le recueil de poèmes Rimas de Caderas.]
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Gian Fadri Caderas
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1883
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Sorrirs e larmas : 67s.
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« Il paun d’amour » (Lou pan d’amour)
dal provençal da Léon de Berluc-Pérussis.
[Publication d’un poème provençal traduit en romanche dans le recueil de poèmes Sorrirs e larmas de Caderas.]
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Gian Fadri
Caderas
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1887
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Igl Ischi IV : 135-138.
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« Salids ord la Provenza ».
[Une introduction à la renaissance provençale et la publication des poèmes romanches traduits en occitan par Jules Ronjat : Lou Pacan soubeiran, Nosto lengo et Sous lou brè.]
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Caspar Decurtins
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1900
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Igl Ischi V : 46 sq.
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« Salids ord las alps reticas al Poet Frederi Mistral ».
[Article sur Mistral et Mirèio.]
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C. Decurtins (Romania)
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1901
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Monat-Rosen, XLVI : 26 sq.
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[Ibid et sa traduction provençale :]
« Salut d’en lis Aup retico au puèto Frederi Mistral ».
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Caspar/Gaspard Decurtins
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1902
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Igl Ischi VII : 64-80, 81-139.
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« La literatura neoprovenzala ».
[Article sur le Félibrige et le provençal.]
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Caspar Decurtins
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1903
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« Poesias neoprovenzalas translatadas da Florin Camathias ».
[Traduction de 31 poèmes occitans
et d’un extrait de Mirèio en romanche.]
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Florin Camathias
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La literatura neoprovenzala da Dr. Caspar Decurtins e Florin Camathias
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[Imprimé séparé du texte publié dans Igl Ischi VII annada.]
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Caspar Decurtins, Florin Camathias
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1904
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Rätoromanische Chrestomathie, VII Band, Oberengadinisch, Unterengadinisch,
das XVIII. Jahrhundert.
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[Livre dédié à Mistral. Sur la première page figure :]
« Frederi Mistral gewidmet ».
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C. Decurtins
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1905
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Rätoromanische Chrestomathie, das XIX. Jahrhundert, Band VIII : 270s. et 274.
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G. F. Caderas : « Nun hest tü mê amo ? » Poesia coruneda al Concuors letterari internaziunel (Jeux floraux de Provence) a Forcalquier als 15 Meg 1882) ; L’inviern nellas alps, traducziun our dal provençal da L. de Berluc-Perussis. [Publication des traductions de Caderas.]
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C. Decurtins
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1907
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Igl Ischi XI : 176-182.
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« Ina nuviala ord la Provence ».
[Rapport du dévoilement de la statue de Mistral à Arles et de la fête du Félibrige, célébrée le 30 mai 1909.]
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« In sòci dou Felibrige ». probablement Flurin Camathias
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1909
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Fögl d’Engiadina, LV anneda, Nr. 16, 20 avrigl 1912 : 1 sq.
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« Oters temps. Or da’l chalender provenzal per il 1912) ».
[Récit traduit librement du provençal.]
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P. I. D.
Pseud.
Peider Lansel
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1912
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Annalas della Societa Reto-Romantscha, XXVIII annada : 1-33.
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« Frederi Mistral ».
[Article biographique sur Mistral.]
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B. Puorger
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1914
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77Dans la deuxième moitié du xixe siècle, des mouvements de renaissance linguistique et littéraire se formèrent en Catalogne, en Provence et dans les Grisons. L’Idée latine, qui avait pour but d’unir les peuples latins, naquit au même moment. C’est dans l’esprit de celle-ci que les Félibres et les représentants de la Renaissance romanche entretenaient ces rapports mutuels.
78Le premier contact documenté eut lieu en 1882 à l’occasion des Fêtes latines où l’engadinois Gian Fadri Caderas participa aux Jeux floraux des Félibres. À la suite, plusieurs articles sur le romanche furent publiés dans les revues provençales. À partir de 1896, Caspar Decurtins et Mistral correspondirent régulièrement. Decurtins voyait en Mistral un allié auquel il envoya plusieurs livres romanches, dont Jules Ronjat traduisit quelques poèmes en provençal. L’engadinois Peider Lansel envoya également ses publications à Mistral. Ce fut Decurtins qui inspira Flurin Camathias à traduire une trentaine de poèmes provençaux en surselvain. En Engadine, Balser Puorger traduisit des extraits des œuvres de Mistral suite à la mort de ce dernier.
79Comme tous les protagonistes mentionnés menaient la même lutte pour leur langue, le but de ces contacts fut de s’unir et ainsi être plus forts dans leur combat. Une des motivations principales des poètes romanches fut sûrement de montrer au peuple qu’il n’est pas seul dans la lutte pour sa langue minoritaire. En Suisse, le combat de la renaissance romanche fut fructueux : en 1938, la Suisse déclara le romanche comme quatrième langue nationale et de nos jours, les enfants sont toujours alphabétisés dans leur langue maternelle. Pourtant rien n’est gagné et, aujourd’hui, le romanche est menacé plus que jamais en raison du dépeuplement des régions périphériques, du tourisme, du fusionnement des communes allemandes et romanches, pour ne citer que quelques exemples. D’un autre côté, contrairement aux générations précédentes, les jeunes sont fiers de leur langue et la cultivent dans les arts et musique. Cela est soutenu par les médias romanches14.