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AccueilNumérosTome CXXI N°1Esta canso es faita d’aital guia....Note sur la convergence des tradi...

Esta canso es faita d’aital guia... Études sur la chanson de geste occitane

Note sur la convergence des traditions du Ronsasvals et de Roland à Saragosse

Marjolaine Raguin-Barthelmebs
p. 139-158

Texte intégral

1Au sujet des deux textes rolandiens occitans qui nous sont parvenus, à savoir le Ronsasvals et le Roland à Saragosse, on peut considérer que de nombreuses questions demeurent en suspens quant à leurs dates et lieux de composition respectifs comme de leur réunion en un même manuscrit ou de leur inscription dans la tradition rolandienne européenne. Il apparaît que l’étude des procédés rhétoriques de leur composition permet de compléter d’une série de remarques la généalogie de ces textes et leur convergence à un moment donné qui permit de les consigner ensemble dans le registre d’actes notariés d’un notaire d’Apt au cours du XIVe siècle.

2Toutefois, avant de souligner les éléments de convergence essentiels dans la composition formulaire de ces deux textes qui les isolent comme une entité unique, nous établirons une série de remarques relatives à cette tradition de Rolands occitans et à leurs études.

  • 1 Gouiran, Gérard / Lafont, Robert, Le Roland occitan : Roland à Saragosse, Ronsasvals, Paris : Chris (...)

3Découvert en 1912 par Fernand Sauve dans l’étude de Me Pondicq, et conservé par ses successeurs à Apt avant d’être réintégré en 2006 au minutier déposé aux archives départe-mentales du Vaucluse (cotes extrêmes 3 E 4 1-1138), le manuscrit transmettant dans ses premiers feuillets la copie des deux Rolands occitans eut comme premier possesseur (et très certainement copiste), le notaire d’Apt Rostan Bonet. C’est dans sa partie principale un registre d’actes notariés débutants en 1398, terminus ad quem de la copie de ces textes. Il fut examiné en 1933 par Mario Roques, puis à la toute fin des années 1980 par Gérard Gouiran. Les deux savants, en donnèrent chacun une édition1.

  • 2 M. Roques, « Ronsasvals », Romania 66, 1940-41, 434.

4Les deux textes sont copiés dans l’ordre Saragossa puis Ronsasvals dans un manuscrit de papier à filigrane. Le témoin, folioté en romain, est lacunaire des feuillets doubles extérieurs du premier cahier (soit ses feuillets initiaux et terminaux), qui portaient le début du premier texte et partie du second. Une perte évaluée à 400 vers dans les deux cas par les éditeurs, Roques et Gouiran. Il manque donc le début du Roland à Saragosse et environ 400 vers après le vers 821 du Ronsasvals. Les deux textes sont par contre donnés pour achevés par la copie, et après Ronsasvals figure un explicit. Mario Roques, signale que, si le témoin est « tout entier d’écriture facilement lisible et homogène »2, il distingue dans les signatures et formules finales additionnelles des actes notariés la main du notaire Me Rostan Bonet ; et c’est, selon lui, la même qui a copié en tête du témoin les deux textes occitans.

  • 3 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif … », 327-328, 336-337.

5Les deux textes, sont composés de laisses mono-assonan-cées, bien que la plupart des assonances confinent à la rime par emploi de mêmes finales3. Par ailleurs, tous deux sont très majoritairement composés de décasyllabes.

  • 4 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif … », 361.
  • 5 Ibid., 359-360.

6Mario Roques, se basant sur des faits de langue, tenait pour une composition des deux textes en Provence, au cours du XIVe siècle4 en Provence. Il soulignait, cela semble important et a souvent été négligé par la suite, la très grande communauté d’usages langagiers dans ces deux œuvres5.

  • 6 Nadine Henrard, Le théâtre religieux médiéval en langue d’oc, Genève, Droz, 1998, 328. Il s’agit du (...)

7La place de ces textes dans leur seul témoin, à savoir en tête d’un registre ensuite destiné à un tout autre usage, et sans aucune enluminure, nous semble plus tenir de la copie de conservation documentaire, que de la mise au propre d’une composition personnelle ou familiale, ou plus encore de la constitution d’un beau livre d’archives littéraires. Cela porterait à croire à un aspect opportuniste de la copie de ces textes rolandiens. Une même pratique pourrait être repérée dans une région voisine un siècle plus tard pour les textes de théâtre6.

  • 7 La bibliographie visée représente une telle somme que l’on pensera en premier lieu aux travaux de C (...)

8Les études de ces deux textes, qui furent d’ailleurs surtout des études du Ronsasvals, perçu comme plus épique et archaïque que le Saragossa, en discutèrent la datation, la langue et les intertextualités7.

  • 8 A. Roncaglia, « Roland à Saragosse », Cultura neolatina 10, 1950. Martín de Riquer, « Las poesías d (...)
  • 9 M. de Riquer, « La fecha… », 214, 250. Voir du même auteur : « La antigüedad del Ronsasvals provenz (...)
  • 10 BdT 210.9, Consiros cant e planc e plor, v. 45.

9Ainsi, après la première datation proposée par Mario Roques, Aurelio Roncaglia signalait en 1950 qu’un sirventés du troubadour catalan Guillem de Berguedà, ensuite édité par Martín de Riquer, faisait une allusion claire à un épisode de la vie de Roland qui se serait déroulé à Saragosse, et au cours duquel le héros de l’affaire s’était pris à gabar ni feigner : BdT 210,1 : Ja del tornei no·us cal gabar ni feigner / c’anc non valc tant Rotlans a Serragosa8. Il s’agit là de la seule attestation datée du XIIe siècle (1180-1185) d’un combat de Roland à Saragosse, et elle concorde avec la geste occitane9 ; de même que Guillem de Berguedà attribue ailleurs à Olivier10 une importance dans le combat que seule atteste le Ronsasvals dans la tradition rolandienne.

  • 11 R. Lejeune, « Une allusion méconnue à une chanson de Roland », Romania 75, 1954, 145-164, et « L'es (...)
  • 12 Paul Meyer (éd.), « Fragment d’une « Chanson d’Antioche » en provençal », Archives de l’Orient Lati (...)
  • 13 Voir infra.

10Rita Lejeune attira l’attention en 195411 sur deux attestations dans la Chanson d’Antioche occitane, aujourd’hui conservée à la Real Academia de la Historia à Madrid, publiée alors par Paul Meyer12 et qui semblent faire écho à une tradition bien implantée de récits rolandiens (roncesvaliens cette fois) en territoires de langue d’oc, v. 575-586 et 700-701. Sur cette deuxième attestation qui détaille les noms des combattants, Roland, Olivier, Turpin et d’autres pairs (avec une lacune à la finale du vers 579), Rita Lejeune conclut de manière convaincante qu’il s’agit d’un écho d’une tradition littéraire et non d’une légende orale, et non pas du Roland d’Oxford mais plutôt d’un Pseudo-Turpin, mais dont la mention extensive de Turpin dans le texte occitan écarte sa pseudo-chronique comme source. Les recherches sur les inter-textualités de Ronsasvals étaient promises à un grand avenir13. Par ailleurs, les noms des compagnons de Roland et d’Olivier ne recoupent pas totalement la tradition française, certains sont absents, d’autres inconnus du français. De même, elle note des procédés de composition comparables entre les deux chansons : Ronsasvals et la Canso d’Antioca.

  • 14 Carol Sweetenham / Linda M. Paterson, The Canso d’Antioca : An Occitan Epic Chronicle of the First (...)
  • 15 M. de Riquer, « La fecha… », 214.

11Ce texte que l’on distingue aujourd’hui de la composition de Gregori Bechada proprement dite, comme réécriture partielle et sous l’influence du français14, a servi explicitement de modèle à Guilhem de Tudela à l’heure de composer sa propre chanson de croisade épique. Si cette version d’une chanson d’Antioche occitane est, selon ses dernières éditrices, certainement plus récente que celle de Gregori Bechada, tout en datant au maximum de la fin du XIIe siècle car Guilhem de Tudèle compose à partir de 1209, il n’y a pas lieu de soupçonner que les allusions à Roland soient forcément des ajouts dus au remaniement. Et quand bien même, cela nous laisse au XIIe siècle, et les éléments relevés par Rita Lejeune ont à nos yeux, comme à ceux de Martín de Riquer15, force de preuve.

  • 16 M. de Riquer, « La antigüedad del Ronsasvals provenzal », Coloquios de Rencesvalles, Saragosse, 195 (...)
  • 17 Voir aussi après lui les travaux de François Pirot, « Olivier de Lausanne et Olivier de Verdu(n). S (...)
  • 18 BdT 210.9, Consiros cant e planc e plor, v. 45, éd. Riquer 1996, Rialto 30.vii.2003. Martín de Riqu (...)

12Martín de Riquer publiait en 195616 un article signalant que l’Ensenhamen de Guerau de Cabrera, composé entre 1150 et 1155, mentionne des éléments propres à la tradition du Ronsasvals rela-tifs à Olivier comme étant de Lausanne (v. 846) et d’autres person-nages de ce Roland17. La même mention se retrouve aussi dans un sirventés du même Guillem de Berguedà (N’Olivier de Lausana)18, alors que le troubadour Peire Vidal lui semble composer à la fin du XIIe siècle des vers directement inspirés du Ronsasvals.

  • 19 M. de Riquer, « La antigüedad … » et « Dos notas rolandianas. Un aspecto zaragozano del Rollan a Sa (...)
  • 20 M. de Riquer, « Dos notas rolandianas… », 269.

13Il publiait aussi en 1958-195919, un article corrigeant l’édition de Roques sur l’emploi du mot suza (v. 575), propre à la réalité topographique de la ville, la Zuda. Soulignant aussi la cohérence des emplois correspondant à une réalité topographique pour le palays (v. 335) qu’est la Aljafería, et le château de Gorreya (v. 1272, 1398, 1403). Il arguait alors qu’un tel réalisme était peu probable dans un texte composé à la fin du XIIIe ou au XIVe siècle, et que, soutenu par l’argument d’un écho de Roland combattant à Saragosse débusqué par Roncaglia, Saragossa et son jumeau Ronsasvals devaient être des refondations de poèmes anciens20.

14Jusque-là donc ces travaux constituaient un très grand faisceau de présomptions en faveur d’une composition au XIIe des deux Rolands occitans, dont Mario Roques, insistons un peu, avait signalé dans leur rédaction actuelle, la communauté de langue et de procédés stylistiques.

  • 21 M. de Riquer, « La fecha del Ronsasvals y del Rollan a Saragossa según el armamento », Boletín de l (...)

15L’étude de l’armement tel qu’il est décrit et employé dans ces deux textes (et, c’est important, où il est homogène) donnée en 196921 par Martín de Riquer lui permet d’affirmer que tous deux reflètent, avec une grande fidélité, la description des armements offensifs et défensifs du XIIe siècle, tout en ignorant ceux des XIIIe et XIVe siècles. Dès lors, tant la précision des descriptions et des mises en scène, régulières et cohérentes dans leur formulation et cela tout au long du texte, que l’ignorance des progrès de la tech-nique en faveur du cavalier portent à croire que ces textes sont bien, sous une forme fort peu remaniée des œuvres du XIIe siècle.

  • 22 Voir E. Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals I », Romania 110, 1989, 132-137.
  • 23 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif… », 361.

16Il faut en effet rappeler que les tournures anar + indicatif ou gérondif sont connues de l’ancien occitan à date haute22, consti-tuant des périphrases verbales formulaires dans le corpus épique occitan comme français, et ne nécessitent donc pas une datation basse selon l’argument qu’en faisait Mario Roques23.

17Lorsque, en 1989, Elisabeth Schulze-Busacker publie dans la Romania deux articles sur la datation du Ronsasvals, l’un fondé sur une comparaison avec les usages de la lyrique, et l’autre sur les représentations et croyances religieuses à l’œuvre dans ce poème, elle focalise son attention sur le Ronsasvals, partant du principe que les traits communs, souvent formulaires, entre les deux textes sont minoritaires. Nous verrons que la situation semble tout autre, et que certains traits conjonctifs identifient, sans doute possible, un même auteur pour les deux textes.

  • 24 E. Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals II », Romania 110, 1989, 425.

18Dissociant le Ronsasvals du Roland à Saragosse, ses recherches lui permettent de proposer une composition du premier entre 1150 et 1220-1230 (sans dépasser 1250) et, selon elle, probablement pendant la croisade albigeoise24.

  • 25 Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals I… », 157-159.

19Comme elle le voit bien25, les développements sur l’accession au salut par la reconquête sur les Sarrasins est la même que celle que développent les chansons de croisade lyriques, notamment à la charnière des XIIe et XIIIe siècles. Celles-ci sont en outre un écho de la prédication ecclésiastique et d’une idéologie de croisade et de reconquête que l’on trouve déjà dans le Roland d’Oxford, et que l’on a, rappelons-le, longtemps considérée comme une des sources de la littérature épique rolandienne, sinon de son essor et de ses premiers enregistrements contemporains de la prédication de la première croisade. Pour notre part, si les échos de l’idéologie de croisade nous semblent essentiels et prégnants dans ce texte, c’est bien de la croisade (ou de la reconquête) face aux Sarrasins, et nous ne trouvons pas d’écho dans ce(s) texte(s) de la croisade albigeoise, quel qu’aurait été le parti pris de l’auteur.

  • 26 Max Pfister, Lexikalische Untersuchungen zu Girart de Roussillon, Tübingen, Niemeyer, 1970. Chambon (...)
  • 27 M. de Riquer, « La fecha… », 219, 227, 235, 237.

20La technique fondée sur l’étude des mots rares et du voca-bulaire que Max Pfister en 1970, puis Jean-Pierre Chambon26, ont employée pour la localisation de textes ou l’identification d’auteurs, contre celle quasi exclusive de la morphologie et de la graphie, est appelée à être utilisée dans le cadre de la grande étude de ces deux textes, que l’on ne peut que souhaiter. Rappelons néanmoins que jusqu’ici c’est dans les travaux de Martín de Riquer que l’on trouve de telles ébauches, pour suza, trepas, cambays, brassonieras, montrant sinon une origine du mot dans la péninsule ibérique, du moins une intertextualité pas toujours française mais catalane et castillane27.

  • 28 C’est Mario Roques qui imprime cette marque au Roland à Saragosse, le qualifiant comme tel dans son (...)
  • 29 M. de Riquer, « La fecha… », 227-228, 239-241.

21On peut de la même manière s’interroger sur l’idée de modernité du Roland à Saragosse, due à une perception du texte comme héroï-comique28 à cause de la fanfaronnerie de Roland, et aux aspects grossiers, sinon comiques, aux yeux du lecteur moderne, du cheval couvert de clochettes et de la présence de pierreries. Cela pourrait bien être pourtant l’opinion d’un lecteur forgée sur un anachronisme : les clochettes et pierreries dans l’ornement du cheval – notamment les fameuses sonalhetas (Rons. 447) – ou du casque du combattant sont attestés au XIIe siècle29 ; et le texte de Guillem de Berguedà (fin XIIe siècle) associe un Roland qui combat à Saragosse aux verbes gabar et feigner qualifiant assez bien la fanfaronnerie dont nous taxons volontiers aujourd’hui Roland dans le Saragossa

22Le fait que le Ronsasvals partage des traits avec les Rolands rimés et le Pseudo-Turpin, entre autres, ou que Roland à Saragosse en partage avec la Rotta di Roncisvalle, la Spagna en vers, le Viaggio di Carlo Magno ou le Turpin saintongeais n’a pas de quoi surprendre, et l’étude de ces traits communs est bien sûr essentielle. Pourtant, pour bien saisir la tradition rolandienne en langue d’oc, il semble qu’en premier lieu il ne faut pas négliger que ces textes, qui partagent une même langue et une même description de l’armement, doivent être considérés comme un ensemble textuel homogène du XIIe siècle : un remanieur interventionniste aurait, à coup sûr, modernisé les armements pour les mettre au goût du jour, comme avant lui on a fait « épique » en faisant « français). La langue des deux textes est cet occitan épique teinté de français, dont l’on trouve trace, par exemple, dans des laisses assonancées et parfois rimées en –ier, et –iet, ou dans l’emploi de mots tels que sira. Cela n’a rien d’exceptionnel pour la langue de textes épiques occitans du XIIe ou du XIIIe siècle puisque Daurel et Beton, Girart de Roussillon ou la première partie de la Chanson de la croisade albigeoise, pour ne citer qu’eux, en témoignent aussi. De plus, en l’absence d’une étude de la langue des deux textes rolandiens et d’un glossaire, il semble qu’il faille être prudent sur ces aspects.

  • 30 La théorie de Robert Lafont sur une origine navarraise de l’épique occitane et, par elle, française (...)
  • 31 Alberto, Limentani, L'eccezione narrativa : la Provenza medievale e l'arte del racconto, Turin, Ein (...)

23Sur la langue de ces Rolands, il n’est peut-être pas besoin d’aller chercher d’emblée du côté français. Sans abonder dans le sens des considérations qui furent celles de Robert Lafont30, le lecteur ne sera jamais surpris de lire une fois encore que les textes épiques occitans trouvent tous ou presque leur source dans des modèles français. Que le vers épique occitan soit teinté de français, dans des proportions plus ou moins importantes selon les textes, que la langue de l’épique occitane soit même influencée par le français épique rayonnant dans toute l’Europe occidentale, de la Grande-Bretagne aux péninsules ibériques et italiques, c’est un fait. Mais composer à la manière de (et avec bien de l’ignorance), ce n’est toujours pas adapter en langue d’oc des versions perdues de textes français, surtout quand les textes occitans sont pourvus de détails propres aux pays méridionaux. On insiste toujours sur l’influence du français, mais il convient de prendre la mesure de l’empreinte de la lyrique d’oc sur l’épique et plus généralement sur la poésie narrative en cette langue. L’eccezione narrativa, pour reprendre la belle formule d’Alberto Limentani31, doit appeler à l’examen d’un corpus avant tout pris dans la littérature d’oc et, peut-être son aire d’influence catalano-navarraise.

  • 32 Gérard Gouiran, « Notule sur deux épopées en langue d’oc », Revue des langues romanes 94, 1990, 81- (...)
  • 33 Keller, Hans-Erich, « Roland à Saragosse : Rencontre de deux cultures », Mélanges offerts à Rita Le (...)
  • 34 Wartburg, Walter von, et al., Französisches Etymologisches Wörterbuch, [FEW], 25 vol., Bonn, Leipzi (...)
  • 35 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif… », 339-340, 358-361. Voir aussi D (...)

24Rappelons dans le cas qui nous occupe la série de remarques de Gérard Gouiran (1990, 82-86)32 réagissant à l’article de Keller33, qui concluait que les faits de langue qui semblaient du « pur français » étaient tous parfaitement localisables dans la scripta autochtone occitane, et que certaines apparences de français sont même imputables à une belle ignorance de cette langue (donc pas du notaire d’Apt ; peut-être un copiste, voire de l’auteur) : c’est le cas des fameux vers 738 Je suy yeu vielhs, ben ay .c. ans passet, et 887 du Ronsasvals Com lo penrem ? je es foras el camp. Évidemment employés pour ja, sans confusion avec la première personne du pronom personnel, mais en toute ignorance du traitement distinct de l’évolution française correspondant aux a toniques et atones occitans. Il en va de même des finales à la française de certains mots employés à l’assonance, ainsi de bier (FEW apr. bar, baron ; afr. ber, baron)34 présentant une diphtongaison spontanée qui semble appelée par la finale du vers. Il n’y a, à notre connaissance, pas vraiment d’influence du français (en tant que réalité parlée et non comme représentation de l’esprit de l’auteur) sur la langue de ces deux Rolands tels qu’ils nous parviennent à travers cette copie tardive aptésienne. Outre la critique déjà citée adressée à Keller par Gouiran, rappelons que les assonances de type français, ne sont la plupart du temps pas française, d’où l’idée de textes composés avec une idée du français35 tels que ceux de la littérature franco-vénète, et bien que la comparaison semble parfois abusive, les auteurs de langue d’oc maîtrisant de toute évidence incompara-blement moins le français.

25La modélisation d’assonances de type français, pour faire chic autant que pour prouver sa maitrise du genre et de la tradition et rencontrer les attentes du public, n’entraîne pas pour l’auteur se connaissance du français – la détrompe même, vu les erreurs – ni l’adaptation d’un fonds français – auquel il aurait pu, à l’économie, emprunter des formes vraiment françaises. Il y a par exemple de grandes différences entre la langue épique de Guilhem de Tudela, dont la morphologie verbale est parfois clairement française, et qui a fait dans son prologue la démonstration de son instruction, qui compose dans un milieu croisé occitano-français, et la langue d’oc presque sans accroches du Saragossa et du Ronsasvals.

  • 36 FEW 2 : C Q K, 8 b, <caballus>.
  • 37 On trouve 30 occurrences dans le RAS et 68 dans le RON de mots dérivant d’étymons apparentés à <caballus>. Ce</caballus> (...)

26Nous attendons encore que l’on nous démontre que l’occitan des Rolands n’est pas franchement de l’occitan épique, c’est-à-dire mêlé, le plus souvent à la finale du vers, de français par des gens qui ignorent cette langue. À parler des formes que l’on peut trouver hétérodoxe dans ce texte, avant de convoquer le français ou la scripta franco-vénète, jetons prudemment d’abord un œil du côté de l’occitan de la zone d’Apt, seule dont nous savons avec certitude que les textes rolandiens, dont l’auteur (s’il est bien le même), connaissait très bien Saragosse et utilise un vocabulaire attesté en catalan. Ainsi par exemple, pour expliquer les quelques chivallier(s), et chivalcher qui voisinent les très courants dérivés de caval dans Saragossa, un regard au FEW nous enseigne que l’ancien provençal fait coexister les types caval, cabal et chivau (notamment en Provence)36. Ainsi, peut-être faut-il voir dans les formes que l’on trouve au début de la copie de Saragossa, premier des deux dans le manuscrit, une contamination de la langue occitane d’un copiste tardif (Rostan Bonet), et avant que ce copiste ne prenne véritablement garde à maintenir le type caval non palatalisé37. Dire qu’il n’y a pas de koiné littéraire occitane, c’est aussi se défaire d’une idée que nous avons de cette langue, et accepter la variation des états de langue en diatopie dès le Moyen Age c’est se rapprocher des textes documentaires, aussi souvent que possible. Rappelons aussi que, redoublant les conclusions de Mario Roques sur l’étude de la langue des auteurs, les travaux de Martín de Riquer soulignent que l’emploi d’un vocabulaire commun entraine une origine commune des deux textes tels que nous les lisons. Au-delà donc de l’idée, parfaitement légitime et établie, d’une influence du français comme langue de la composition épique en occitan, il faudrait peut-être s’attacher à étudier cette langue d’auteur avant tout à partir de sources d’oc, et de Catalogne. Si l’on adopte cette idée d’une origine commune des deux textes (vocabulaire commun de l’armement, et formules), et que Saragossa implique une composition par un très bon connaisseur de l’Espagne du XIIe siècle.

  • 38 Voir Jean Rychner, La chanson de geste. Essai sur l’art épique des jongleurs, Genève, Droz, 1955. E (...)
  • 39 Voir par exemple D.J.A Ross, « Pleine sa hanste », Medium aevum XX, 1952, 1-10 ; Julian Harris, « ‘ (...)
  • 40 Voir par exemple RAS 112, et à ce sujet May Plouzeau, « Vert heaume : approches d'un syntagme », Le (...)

27Ces deux Rolands, plus que tout autre texte de l’épique occitane, accordent une place importante dans leurs procédés de composition à l’emploi d’hémistiches formulaires au sens de la formule épique38. Les hémistiches, et plus rarement les vers, formulaires communs à beaucoup de scènes de combat à cheval notamment de nos corpus épiques romans, du type mort l’abat, pleine sa hanste39, anar + ferir, ou vert elme40 ne signifient rien d’autres que leur perception comme éléments caractéristiques du genre par les contemporains, et signalent un auteur au fait de la tradition – et bien que l’on se demande comment il aurait pu l’ignorer. Il existe à côté de ces formules intertextuelles, qu’il importerait d’étudier in extenso, des formules communes à seulement un auteur et qui signalent des tours langagiers et stylistiques qui lui sont propres, et permettent sans aucun doute d’identifier sa main.

28C’est à ces formules-là que nous nous intéressons ici, comme à la reprise de vers entiers. Ces formules d’auteurs isolent les textes qui les contiennent de tout le reste du corpus occitan connu.

  • 41 Nous avons mené ces travaux dans le cadre du projet « Dualité linguistique et mélange de langues : (...)
  • 42 On entendra ici la langue d’écriture, non pas au sens du linguiste qui chercherait à identifier une (...)

29Le dépouillement du corpus des chansons de geste d’oc dans le cadre d’une étude des procédés stylistiques et rhétorique de composition41, notamment à la recherche de ce qu’il est convenu de nommer « style formulaire » ou de manière plus circonstanciée des « formules épiques » nous a permis de dresser une série de remarques portant sur la composition et la langue d’écriture42 de Ronsasvals et de Roland à Saragosse.

  • 43 Nous avons, cela va de soi aujourd’hui, employé la Concordance de l’occitan médiéval (COM 2) et le (...)

30Si ces remarques portent uniquement sur ces deux textes, les constatations établies le furent dans le cadre d’une étude intra et intertextuel portant sur le plus grand nombre de textes43 de la littérature médiévale en langue d’oc.

31Les textes primitifs du Ronsasvals et du Roland à Saragosse furent peut-être composés en des lieux, en des temps et par des auteurs distincts, mais ceux-là ne nous sont guère accessibles aujourd’hui à travers les motifs ou la langue des textes. Au contraire, l’unité de langage des deux textes est telle qu’il apparaît sûr qu’ils firent l’objet d’une (ré)écriture par une même main.

  • 44 Nous faisons ici une hypothèse sur la base d’une méthode bien connue de la philologie romane, pour (...)

32Cette main commune de la réécriture apparaît très nettement dès lors que l’on s’intéresse à la composition formulaire de ces deux textes épiques. En effet, ces textes font usage de construc-tions qui leur sont communes, discriminantes au regard de l’ensemble de la littérature d’oc. On pourra même dire que l’auteur commun à ces deux réécritures de textes rolandiens n’est certainement celui d’aucun autre texte littéraire d’oc à parvenu jusqu’à nous. Ses usages propres et récurrents tendant à l’iden-tifier comme tel44. On établira des usages formulaires intra et intertextuels limités au corpus des deux Rolands. Nous ne présentons ici qu’une très courte série de remarques extraites de notre étude in extenso.

1) L’asta dura

  • 45 Toutes les autres occurrences d’une combinaison asta + dura dans le corpus épique d’oc sont composé (...)

33Cette formule de premier hémistiche permet de distinguer l’inscription des Rolands dans la tradition épique occitane (et française). Elle a aussi le mérite d’attirer l’attention sur la nécessité d’une correction des hypermètres (des alexandrins au lieu de décasyllabes) que l’on attribuera sans peine au remanieur, et à isoler une formule d’auteur. La formule de premier hémistiche « can l’asta dura », très régulière (à une occurrence près) du RAS, est unique dans le corpus occitan45. On remarquera dans le tableau ci-dessous que les trois vers du RON qui emploient une formule composée avec « tant que am » (à l’évidence un tour explicatif), à l’attaque comparable aux autres textes d’oc présen-tant une formulation analogue, sont en réalité, comme le v. 804 du RAS, des hypermètres, et appelleraient une correction. Si l’on corrige la formule initiale de ces alexandrins en suivant l’emploi majoritaire de l’auteur de RAS, dont on pense savoir par d’autres voies qu’il est aussi celui du RON, alors chaque vers est rétabli comme décasyllabe à coupe épique et renforce par là-même l’idée d’un même auteur pour ces deux textes.

  • 46 Corr. can l’asta dura l’abat mor el sablon.
  • 47 Corr. can l’asta dura l’abatet de destrier.
  • 48 Corr. can l’asta dura l’abat mort en l’erbos.

RAS

386

c’an l’asta dura l’abatet mort el camp

RAS

478

can l’asta dura l’a mort trabuchet

RAS

500

can l’asta dura l’abatet mort el camp

RAS

538

can l’asta dura lo gitet mort el camp

RAS

642

can l’asta dura lo vay jos derrocant

RAS

804

que am l’asta dura lo vay jos derrocant

RAS

992

can l’asta dura si l’abat mort el camp

RAS

1073

cant l’asta dura l’abatet del destrier

RAS

1088

can l’asta dura l’abatet del del destrier

RON

410

tant que am l’asta dura l’abat mor el sablon46

RON

1015

tant que am l’asta dura l’abatet de destrier47

RON

1283

tant que am l’asta dura l’abat mort en l’erbos48

2) Am las paraulas

  • 49 Par exemple : FIE 489 Ab aquestas paraulas vec los vos abrivatz. CCA 29 005 Ab aquestas paraulas el (...)

34Pour l’introduction du discours, les textes épiques occitans Ronsasvals, Roland à Saragosse, Girart de Roussillon (GDR), Ferabras (FIE), et la Chanson de la croisade albigeoise (CCA) emploient un composé de paraula. Chaque auteur a sa formule, composée le plus souvent sur dire (verbe) + paraula ou aquesta (démonstratif) + paraula49. On le remarquera ci-dessous, la formule a(m) las paraulas (avec variation à nos yeux uniquement graphique) est propre aux deux Rolands, et constitue, là encore, un trait discriminant au regard du reste de la tradition épique occitane.

RAS

138

Am las paraullas hac ben son cors armet

RAS

148

Am las paraulas, hi es vengut Rollan

RAS

216

Am las paraulas, ve vos vengut Rollan

RAS

230

Am las paraulas, non s’en van plus tarzant

RAS

515

Am las paraulas, non s’en vay plus tarzant

RAS

534

Am las paraulas, hi es vengut Rollan

RAS

629

Am las paraulas, vengron tant de payans

RAS

757

Am las paraulas, ve vos lo vielh armet

RAS

1065

An las paraulas, es vengut Olivier

RAS

1085

Am las paraulas, s’en parti Olivier

RAS

1124

An las paraulas, non foron plus tarzans

RAS

1226

An las paraulas si viest un alberc blanc

RAS

1269

An las paraulas, van si d’aqui partant

RAS

1293

Am las paraulas, non s’en van plus tarzant

RON

030

Am las paraulas, part si d’aqui corrant

RON

323

A las paraulas respont lo cavallier

RON

506

A las paraulas, Rollan es derengatz

RON

828

Am las paraulas, mens que aysso van parlant

RON

1747

Am las paraulas ve vos Karle lo bier

3) Quatre molins <poder> molre del sanc

35Un vers, cette fois identique dans les deux textes et qui ne partage rien avec le reste du corpus épique occitan, est, avec variation de la phonie de la réalisation verbale : RAS 064 quatre molins poyrian molre del sanc ; RAS 1116 quatre molins poyrian molre del sanc ; RAS 933 quatre molins poyrian molre del sanc ; RON 100 quatre molins pogran molre del sanc.

4) l’escut li trauca/trenca

  • 50 FIE, 1290, 1482, 1576.
  • 51 GDR, 2469, 2521, 258.

36La formule l’escut li trauca/trenca en attaque de vers est propre à RAS et RON. Elle les isole une fois encore face au reste du corpus. Dans nombre de ses emplois, c’est le vers tout entier qui est formulaire. Sur la variation traucar/trencar, au-delà de la question de la lecture du copiste, il existe une double tradition attestée en occitan d’association de ces deux verbes avec l’action perpétrée contre l’écu du chevalier pendant l’attaque, Ferabras avec une tournure pronominale signale que les écus si detrencan50, ou bien qu’on a traucat (participe passé) le sien à tel chevalier : FIE 1576 Lors escutz si detrencan, que son ab aur obrat ; FIE 3156 L’escut li a traucat, que fo ab aur obratz (emploi proche de RAS/RON). Alors que Girart de Roussillon51 emploie traucar : GDR 2521 Viraz escuz traucar e jacerens.

RAS

1087

l’escut li trauca e l’alberc li ha falcet

RON

1040

l’escut li trenca, l’alberc li vay falcier

RAS

668

l’escut li trenca e l’alberc li escoychant

RAS

991

l’escut li trauca e l’alberc li escoychant

RON

724

l’escut li trenca e l’alberc li escoyssant

RAS

675

l’escut li trenca e l’alberc jaucerant

RON

452

l’escut li trenca e l’alberc li desclaus

RON

472

l’escut li trenca e l’alberc li desclaus

RON

549

l’escut li trenca e l’alberc li descos.

RON

779

l’escut li trenca e l’alberc li desclaus

RON

732

l’escut li trenca e·l pesseja e·l franh

RON

757

l’escut li trenca e·l bon alberc doblier

RON

806

l’escut li trenca e l’alberc li despon

5) Le combat à cheval, combinaison de formules

  • 52 CCA 96 13 vai brochan lo destrier dels trenchans esperos.
  • 53 Il est inutile ici de rappeler l’étendue des travaux sur ces scènes de combat à cheval en ce qui co (...)
  • 54 Il serait abusif d’en conclure quoi que ce soit à notre sens : il n’y a pas trente-six manières de (...)
  • 55 Il convient de relever deux occurrences supplémentaires de la formule de premier hémistiche Malmati (...)
  • 56 Sur le cheval dans les Rolands occitans, voir Gérard Gouiran, « Entre Sarrasins et Chrétiens, ou le (...)

37Il est aussi possible d’isoler une formule de second hémistiche, composée de esperons + trenchans, éventuellement l’inverse, et quasi exclusive à RAS et RON, avec une occurrence en CCA 96, 1352. On constate qu’elle se combine avec trois autres formules (de premier hémistiche), liées au combat à cheval et au fait d’éperonner le cheval53 : lo destrier broca (pendant de la très célèbre formule française, et courante par ailleurs en occitan54), Malmatin broca55 (seul le corpus occitan appelle ainsi le cheval de Roland contre le Veillantif de la tradition56).

RAS

323

lo destrier broca dels esperons trenchans

RAS

1368

Lo destrier broca dels esperons trenchans

RON

797

caussas ac de ferre e trenchans esperons

RON

375

caussas de fer e trenchans esperons

RAS

830

Malmatin brocca dels esperons trenchans

RON

407

Malmatin broca dels trenchans esperons

RON

736

Malmatin broca dels esperons trenchans

  • 57 Seul Daurel et Beton partage une occurrence dans tout le corpus épique occitan : DEB 1718 Broca·l d (...)

38De même, ces éperons peuvent être dorés et, dans les mêmes conditions, se retrouver formule de second hémistiche dans le RON, qui est le seul des deux Rolands à connaître cette l’expression57 et celle des caussas de ferre. On le voit clairement ici, la finale de daur-at/ietz, est tributaire de celle de la laisse. Sa variation fait pleinement partie des licences poétiques de l’auteur.

RON

137

Malmatin broca dels esperons daurietz

RON

760

Malmatin broca dels esperons daurietz

RON

783

Malmatin broca dels esperons dauratz

RON

925

Malmatin brocca dels esperons daurietz

RON

480

caussas de ferre es esperons dauratz

RON

601

caussas de ferre e esperons daurietz

Conclusion

  • 58 Ici nous ne sommes en présence que d’un seul témoin, c’est vrai. À ce sujet, on se souviendra néanm (...)
  • 59 Il n’est pas besoin de rappeler que l’on attend toujours une grande étude de ces deux textes.

39Recentior non deterior58, la formule est connue ; il convient de s’en souvenir. Un témoin récent peut s’avérer une copie d’un bien plus ancien, par ailleurs perdu. En d’autres termes, ce n’est pas parce que la copie de ces deux Rolands de langue d’oc est faite au XIVe siècle, et a fortiori dans les conditions que l’on sait, que les textes ne peuvent pas être (très) antérieurs. Et de fait, pour la datation de ceux-ci, des éléments lexicaux – bien plus tangibles que la morphologie ou la graphie – comme les détails de descriptions et une certaine intertextualité à l’intérieur même du corpus d’oc, et français, nous renseignent59.

40Face à un problème comme celui-ci, il ne semble pas dénué de sens de faire appel au principe de parcimonie, aussi appelé rasoir d’Ockham. Les deux Rolands occitans partagent assez d’éléments entre eux, et démontrent une intertextualité et des éléments lexicaux et syntaxiques très majoritairement de langue d’oc, datables du XIIe siècle. Il y a donc lieu de penser qu’ils sont, dans la version que nous en possédons aujourd’hui, des témoins relativement fidèles – à quelques alexandrins et provençalismes près – d’une écriture ou d’un très profond remaniement de textes anciens inaccessibles pour nous, composés au XIIe siècle par un auteur unique de langue occitane ayant connu l’Espagne du Nord (l’Aragon), et employant sans surprise une langue occitane épique, c’est-à-dire teintée de français.

41Plus encore, parler de remaniement dans un tel cas est peut-être abusif ; même s’il y a une tradition antérieure. Une telle unité des deux textes implique un travail approfondi qui confère à celui qui recompose un plein statut d’auteur. Le principe de parcimonie appelle un auteur unique, car s’il fallait faire l’hypothèse d’un remanieur qui laisserait encore apparaître une figure de l’auteur distincte de la sienne, on conçoit difficilement pourquoi celui-ci serait allé traquer jusque dans les détails les descriptions d’armement pour les homogénéiser, pourquoi il aurait autant recomposé le texte pour lui donner tant d’hémistiches formulaires communs, y compris en premier hémistiche ; pourquoi d’ailleurs un tel remanieur, s’il avait été tardif, n’aurait-il que partiellement touché à la versification ? Pourquoi n’aurait-il pas complètement rimé un texte en alexandrins, vers qui facilitent l’amplification et est au goût du jour dès le XIIIe siècle en territoire d’oc ? Pensons par exemple à la Chanson de la croisade albigeoise. À notre sens, dans la tradition du texte que copie Rostan Bonet au XIVe siècle, pourrait être intervenu un copiste, très faible remanieur, à qui l’on devrait les rares vrais alexandrins qui parsèment les textes.

42En définitive, une étude linguistique de ces deux œuvres, a priori du XIIe siècle et d’un même auteur, est indispensable de même que la prise en compte de l’unicité de ce corpus rolan-dien en langue d’oc pour qu’on puisse enfin étudier leurs rapports avec le reste de la tradition rolandienne. Il serait fondamental de comprendre quels liens unissent entre eux les textes français et franco-italiens avec lesquels les Rolands occitan partagent tous deux des traits communs.

43Que les deux textes aient une matière bien distincte, il n’y a pas lieu de s’en étonner : l’évidence même de la conservation de deux textes indique que l’auteur de cette version unifiée (si tant est qu’il y en ait eu d’autres auparavant), avait bien conscience d’exploiter deux matières puisqu’il en a fait deux textes différents, qui s’ouvrent et se closent, pour le second nous en sommes sûrs, comme des entités à part entière.

  • 60 Il existe sans aucun doute possible un cycle épique de la croisade en occitan : Canso d’Antioca, Ch (...)

44Il n’y a pas besoin d’être moderne pour composer par épisodes, c’est ce que font, rappelons-le, toutes les écritures cycliques depuis le XIIe siècle, en français, et pourquoi pas ? en occitan60.

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Notes

1 Gouiran, Gérard / Lafont, Robert, Le Roland occitan : Roland à Saragosse, Ronsasvals, Paris : Christian Bourgeois 1991 ; Robert Lafont y présentait les textes. Roques, Mario (éd.), « Ronsasvals », Romania 58, 1932, 1-38 et 161-189 ; « Roland à Saragosse », Romania 67, 1942, 289-330 ; 68, 1944, 18-42. Mario Roques compléta ces éditions d’études : « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif », Romania 69, 1946-1947, 317-361 et « Ronsasvals », Romania 66, 1940-1941, 433-480. Il existe aussi une édition de Gian Carlo Belletti (éd.), Rolando a Saragozza, Alessandria : Edizioni dell'Orso, 1998. Nous citons d’après l’édition Gouiran/Lafont. Les textes sont respectivement abrégés RAS et RON conformément à l’usage de la Concordance de l’occitan médiévale.

2 M. Roques, « Ronsasvals », Romania 66, 1940-41, 434.

3 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif … », 327-328, 336-337.

4 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif … », 361.

5 Ibid., 359-360.

6 Nadine Henrard, Le théâtre religieux médiéval en langue d’oc, Genève, Droz, 1998, 328. Il s’agit du Ludus sancti Jacobi, copié à Manosque par un notaire pour combler les folios de la fin d’un registre dont certains actes sont datés de 1495.

7 La bibliographie visée représente une telle somme que l’on pensera en premier lieu aux travaux de Carlos Alvar, Gérard Gouiran, Jules Horrent, Hans-Erich Keller, Robert Lafont, Rita Lejeune, Giovanni Palumbo, François Pirot, Martín de Riquer, Aurelio Roncaglia, Cesare Segre, Elisabeth Schulze-Busacker.

8 A. Roncaglia, « Roland à Saragosse », Cultura neolatina 10, 1950. Martín de Riquer, « Las poesías de Guilhem de Berguedán contra Pons de Mataplana », Zeitschrift für romanische Philologie LXXI, 1955. Un texte BdT 210 1, daté de 1180 environ par son éditeur et qui est disponible sur le Rialto. Roques, et lui seul, considéra la mention comme non significative. Voir ce qu’en rapporte Martín de Riquer, « La fecha del Ronsasvals y del Rollan a Saragossa según el armamento », Boletín de la real academia española 49, 1969.

9 M. de Riquer, « La fecha… », 214, 250. Voir du même auteur : « La antigüedad del Ronsasvals provenzal », Coloquios de Rencesvalles, Saragosse, 1956 et « Dos notas rolandianas. Un aspecto zaragozano del Rollan a Saragossa provenzal », Revista de Filologia Española XLII, 1958-1959 ; repris dans La Leyenda del Graal y temas épicos medievales, Madrid, 1968.

10 BdT 210.9, Consiros cant e planc e plor, v. 45.

11 R. Lejeune, « Une allusion méconnue à une chanson de Roland », Romania 75, 1954, 145-164, et « L'esprit de croisade dans l'épopée occitane », ‘Paix de Dieu et guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle’, Cahiers de Fanjeaux 4, 1969, 143-173. Repris dans Littérature et société occitane au Moyen Âge, Liège, Marche romane, 1979, 15-28, 29-46.

12 Paul Meyer (éd.), « Fragment d’une « Chanson d’Antioche » en provençal », Archives de l’Orient Latin 2, 1884, 467-509.

13 Voir infra.

14 Carol Sweetenham / Linda M. Paterson, The Canso d’Antioca : An Occitan Epic Chronicle of the First Crusade, Aldershot, Ashgate, 2003.

15 M. de Riquer, « La fecha… », 214.

16 M. de Riquer, « La antigüedad del Ronsasvals provenzal », Coloquios de Rencesvalles, Saragosse, 1956, 245-259 repris dans La Leyenda del Graal y temas épicos medievales, Madrid, 1968, 189-199.

17 Voir aussi après lui les travaux de François Pirot, « Olivier de Lausanne et Olivier de Verdu(n). Sur les traces d'une épopée occitane ? », dans Mélanges Rita Lejeune, Gembloux, 1969, vol. 1, 247-265, et sa thèse Recherches sur les connaissances littéraires des troubadours occitans et catalans des XIIe et XIIIe siècles, Barcelone, 1972, 345-367 Voir aussi Elisabeth Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals I », Romania 110, 1989, 129.

18 BdT 210.9, Consiros cant e planc e plor, v. 45, éd. Riquer 1996, Rialto 30.vii.2003. Martín de Riquer, Les poesies del trobador Guillem de Berguedà, text, traducció, introducció i notes per Martí de Riquer, Barcelona 1996, 215

19 M. de Riquer, « La antigüedad … » et « Dos notas rolandianas. Un aspecto zaragozano del Rollan a Saragossa provenzal », Revista de Filologia Española XLII, 1958-1959, 266-269 ; aussi repris dans La Leyenda del Graal…, 200-204.

20 M. de Riquer, « Dos notas rolandianas… », 269.

21 M. de Riquer, « La fecha del Ronsasvals y del Rollan a Saragossa según el armamento », Boletín de la Real Academia Española 49, 1969, 211-251.

22 Voir E. Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals I », Romania 110, 1989, 132-137.

23 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif… », 361.

24 E. Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals II », Romania 110, 1989, 425.

25 Schulze-Busacker, « La datation de Ronsasvals I… », 157-159.

26 Max Pfister, Lexikalische Untersuchungen zu Girart de Roussillon, Tübingen, Niemeyer, 1970. Chambon, Jean-Pierre, « Un auteur pour Flamenca ? », Cultura neolatina 75, 2015, 229-271.

27 M. de Riquer, « La fecha… », 219, 227, 235, 237.

28 C’est Mario Roques qui imprime cette marque au Roland à Saragosse, le qualifiant comme tel dans son deuxième article, paru dans la Romania 68 en1944, 18 : « L’histoire héroï-comique que nous conte », c’est l’attaque de la première phrase de son étude.

29 M. de Riquer, « La fecha… », 227-228, 239-241.

30 La théorie de Robert Lafont sur une origine navarraise de l’épique occitane et, par elle, française, dans les scriptoria de Tudèle précisément, telle que reprise dans son ouvrage sur la Geste de Roland doit être considérée avec beaucoup de prudence. Voir Robert Lafont, La Geste de Roland, Paris, L’Harmattan, 1991.

31 Alberto, Limentani, L'eccezione narrativa : la Provenza medievale e l'arte del racconto, Turin, Einaudi, 1977.

32 Gérard Gouiran, « Notule sur deux épopées en langue d’oc », Revue des langues romanes 94, 1990, 81-86.

33 Keller, Hans-Erich, « Roland à Saragosse : Rencontre de deux cultures », Mélanges offerts à Rita Lejeune, Professeur à l’Université de Liège, Gembloux : Duculot 1968, vol. I, 137-158.

34 Wartburg, Walter von, et al., Französisches Etymologisches Wörterbuch, [FEW], 25 vol., Bonn, Leipzig, et al., 1928-2002. Désormais FEW. FEW 15/1 Germanismes, A-Bryman, 68 b <*baro>. Voir les nombreuses occurrences de bier(s), mais surtout pier(s) dans RAS et RON.

35 M. Roques, « Roland à Saragosse et Ronsasvals. Examen comparatif… », 339-340, 358-361. Voir aussi Dorothea Kullmann, « Le pseudo-français des épopées occitanes », dans : Emili Casanova Herrero, Cesareo Calvo Rigual (dir.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas. 6–11 septiembre 2010, Valencia, Berlin, de Gruyter, 2013, vol. VII, 267-278. Simon Gaunt, « Desnaturat son li Frances : Language and Identity in the Twelfth-Century Occitan Epic », Tenso 17, 2002, 10-31.

36 FEW 2 : C Q K, 8 b, <caballus>.

37 On trouve 30 occurrences dans le RAS et 68 dans le RON de mots dérivant d’étymons apparentés à <caballus>. Ce nombre est sans surprise, l’un étant beaucoup plus axé sur les scènes de combat que l’autre. Dans le RON, deuxième dans l’ordre de copie, l’emploi de caval (1 cabal) est très régulier, de même pour ses dérivés cavallier, et la morphologie du verbe cavalcar, ou une forme comme cavallayros (v. 546). Le RAS, présente sur ses 30 occurrences la même régularité observée dans RON, sauf pour 6, soit un cinquième, v. 78, 86, 346, 653, 1133, 1153. Ces six formes ne désignent pas l’animal mais son cavalier, ou le verbe signifiant « monter à cheval (pour un homme) ». Ainsi par exemple : chivallier (v. 346), chivalcheron (v. 1133), chevalcheron (v. 1153). Là encore le FEW 2 : C Q K, 3 b, <caballarius> renseigne sur l’attestation à Die au XIIIe siècle de chavalier et Albi 1464 chivalier, à côté de l’apr. cavalier plus couramment attendu par la critique. Quatre de ces emplois sont groupés, v. 78, 86, puis 1133, 1153. Seul 1153 donne un -e pour la voyelle initiale, le provençalisant qui contamine le texte de son parler provençal peut très bien savoir, lui, écrire le français – a contrario de celui qui compose parfois pour faire français tout en l’ignorant.

38 Voir Jean Rychner, La chanson de geste. Essai sur l’art épique des jongleurs, Genève, Droz, 1955. Edward Heineman, L’art métrique de la chanson de geste, Essai sur la musicalité du récit, Genève : Droz, 1993. Joseph Duggan, The Song of Roland. Formulaic Style and Poetic Craft, Berkeley, University of California Press, 1973. James Miles Foley, Oral-Formulaic Theory and Research : An Introduction and Annotated Bibliography, New York, Garland, 1985, et The Theory of Oral Composition : History and Methodology, Bloomington, Indiana University Press, 1988. Jean-Pierre Martin, « Les motifs dans la chanson de geste. Définition et utilisation », Cahiers de civilisation médiévale, 30, 120, 1987, 315-319. Milman Parry, L’épithète traditionnelle dans Homère ; essai sur un problème de style homérique, Paris, Les Belles Lettres, 1928.

39 Voir par exemple D.J.A Ross, « Pleine sa hanste », Medium aevum XX, 1952, 1-10 ; Julian Harris, « ‘‘Pleine sa hanste’’ in the Chanson de Roland », Mélanges A.H Schultz, Ohio State University, 1964, 100-177 ; ou Diana Teresa Mériz, « Encore une fois Pleine sa hanste », Romania 94, 1973. 549-554, Noel Corbett, « Encore une fois pleine sa hanste », Revue de linguistique Romane 33, 1969, 353-355, W. D. Elcok, « Pleine sa hanste », French Studies 7, 1953, 35-47. On pensera à consulter Joseph Duggan, A guide to studies on the Chanson de Roland, Londres : Grant & Cutler, 1976 ; et Nadine Henrard (dir.), Cinquante ans d'études épiques : actes du Colloque anniversaire de la Société Rencesvals (Liége, 19-20 août 2005), Genève : Droz, 2008.

40 Voir par exemple RAS 112, et à ce sujet May Plouzeau, « Vert heaume : approches d'un syntagme », Les couleurs au Moyen Âge, Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 1988.

41 Nous avons mené ces travaux dans le cadre du projet « Dualité linguistique et mélange de langues : français et pseudo-français dans la littérature d’oc du Moyen Âge » sous la direction de Dorothea Kullmann à l’Université de Toronto en 2014.

42 On entendra ici la langue d’écriture, non pas au sens du linguiste qui chercherait à identifier une variété, mais plutôt au sens du philologue s’occupant ici de critique littéraire et intéressé aux tours, et aux procédés de composition poétique.

43 Nous avons, cela va de soi aujourd’hui, employé la Concordance de l’occitan médiéval (COM 2) et le Rialto. Voir P. T. Ricketts, dir., Concordance de l’occitan médiéval: C.O.M.2 (CD-ROM), Turnhout 2005 ; et Repertorio informatizzato dell’antica letteratura trobadorica e occitana, dir. C. Di Girolamo, Università degli studi di Napoli “Federico II’’. Consultable sur l’internet: http://www.rialto.unina.it L’étude a été étendue aux grands texets français et franco-italiens.

44 Nous faisons ici une hypothèse sur la base d’une méthode bien connue de la philologie romane, pour un usage récent dans le domaine de la littérature médiévale en langue d’oc ; rappelons l’article de Jean-Pierre Chambon, « Un auteur pour Flamenca ? … ».

45 Toutes les autres occurrences d’une combinaison asta + dura dans le corpus épique d’oc sont composées, avec tant (cum/can) ; les occurrences de asta + plena sont rarissimes : FIE 342 tant cum l’asta li dura feric Amaravis ; FIE 4637 Tan can l’asta li dura, l’abat mort en la prada ; FIE 4665 Tan can l’asta li dura, l’abat mort abauzat ; GDR 6618 tant cum l’aste li dure mort l’en descent ; DEB 1367 tant l’asta dura lo vai jos daroquier. Voir aussi AEM 28 ke plane s’aste l’abatet el sablon ; GDR 7002 que del chaval lo met loin s’aste plene ; RAS 669 que ha plena asta lo vay jos derrocant.

46 Corr. can l’asta dura l’abat mor el sablon.

47 Corr. can l’asta dura l’abatet de destrier.

48 Corr. can l’asta dura l’abat mort en l’erbos.

49 Par exemple : FIE 489 Ab aquestas paraulas vec los vos abrivatz. CCA 29 005 Ab aquestas paraulas el palafre monta. GDR 854 Ab aicheste paraule s’en torne e vai. GDR 1079 E dist une paraule qui molt fu gaie. Pour RAS, il convient d’ajouter ces deux vers, composés sur dire + paraula : RAS 622 or dis una paraula lo palazin Rollan ; RAS 1251 e dis paraula que li venc ha talant.

50 FIE, 1290, 1482, 1576.

51 GDR, 2469, 2521, 258.

52 CCA 96 13 vai brochan lo destrier dels trenchans esperos.

53 Il est inutile ici de rappeler l’étendue des travaux sur ces scènes de combat à cheval en ce qui concerne l’étude des formules épiques médiévales ; Jean Rychner eut bien des continuateurs.

54 Il serait abusif d’en conclure quoi que ce soit à notre sens : il n’y a pas trente-six manières de dire que l’on éperonne un cheval.

55 Il convient de relever deux occurrences supplémentaires de la formule de premier hémistiche Malmatin broca, non suivies d’une formule : RAS 666 Malmatin broca, si vay ferir enant ; RON 809 Malmatin broca d’andos los esperons.

56 Sur le cheval dans les Rolands occitans, voir Gérard Gouiran, « Entre Sarrasins et Chrétiens, ou le cheval décapité », Le cheval dans le monde médiéval, Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 1992.

57 Seul Daurel et Beton partage une occurrence dans tout le corpus épique occitan : DEB 1718 Broca·l destrier dels esperos daurat.

58 Ici nous ne sommes en présence que d’un seul témoin, c’est vrai. À ce sujet, on se souviendra néanmoins des rappels récents de la leçon d’Alberto Varvaro, Prima lezione di filologia, Rome, Laterza, 2012, 55.

59 Il n’est pas besoin de rappeler que l’on attend toujours une grande étude de ces deux textes.

60 Il existe sans aucun doute possible un cycle épique de la croisade en occitan : Canso d’Antioca, Chanson de la croisade albigeoise, Poème de la guerre de Navarre.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marjolaine Raguin-Barthelmebs, « Note sur la convergence des traditions du Ronsasvals et de Roland à Saragosse »Revue des langues romanes, Tome CXXI N°1 | 2017, 139-158.

Référence électronique

Marjolaine Raguin-Barthelmebs, « Note sur la convergence des traditions du Ronsasvals et de Roland à Saragosse »Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXXI N°1 | 2017, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 05 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/291 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.291

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