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AccueilNumérosTome CXXI N°1Esta canso es faita d’aital guia....Relire Daurel e Beton

Esta canso es faita d’aital guia... Études sur la chanson de geste occitane

Relire Daurel e Beton

Charmaine Lee
p. 69-88

Texte intégral

  • 1 Limentani se réfère à deux articles, De Caluwé (1974) et Kimmel (1974), qu’il trouve trop complaisa (...)

1La chanson de geste occitane de Daurel e Beton a souvent reçu des commentaires négatifs. Pour Joseph Bédier, qui cherchait les liens entre les routes des pèlerins et les légendes épiques, il s’agissait d’un simple récit d’aventure « dont la topographie importe aussi peu que celle du Grand Cyrus ou de Zadig » (Bédier, IV, 404), tandis que Paul Meyer, le premier éditeur du texte, observait : « dans quelque catégorie que l’on fasse entrer le poëme de Daurel e Beton, on ne lui assignera jamais un rang bien élevé parmi les œuvres du moyen âge ; et encore : « tant pour l’art de la composition que pour le style, on ne peut lui reconnaître une grande valeur » (Meyer, xx-xxi). Même Alberto Limentani, dont le livre sur les genres narratifs occitans a servi à attirer de nouveau l’attention sur ces textes, trouve que « la rigidezza e sommarietà di quest’opera vanno al di là delle motivazioni còlte [...] dai saggi dei due critici » (Limentani, 104)1. Cette attitude qui consiste à déprécier son propre objet d’étude est malheureusement assez fréquente parmi les premiers savants qui se sont occupés des textes narratifs occitans et s’étend même à des chefs-d’œuvre comme Flamenca et surtout Jaufre. Fort heureusement, depuis la publication du livre de Limentani en 1977, la situation a bien changé et les novas, les romans et les chansons de geste occitans sont sortis de l’ombre et ont donné lieu à de nombreuses études, ainsi qu’à des importantes éditions. Dans ce qui suit, j’espère démontrer que, de la même façon, Daurel e Beton n’est pas si négligeable et offre divers traits en commun avec autres exemples de la tradition narrative occitane, en premier lieu avec le roman de Jaufre, dont il exprime les mêmes préoccupations, qui sont celles de la culture occitane tout entière face à la destruction provoquée par la Croisade contre les Albigeois. Cela permettra ensuite de faire quelques considérations sur le contexte historique et les milieux qui ont peut-être vu naître la chanson.

  • 2 Sur l’idée d’espai occitanocatalà, voir Cabré et Navàs (101-122).

2Un premier problème, qui a probablement influencé l’opinion des spécialistes, est l’état dans lequel le texte nous est parvenu. Le poème, apparemment incomplet, nous a été transmis par un seul manuscrit du XIVe siècle, Bibliothèque nationale de France, Nouvelles acquisitions françaises 4232, dit « manuscrit Didot » d’après le libraire Ambroise Firmin Didot qui l’acheta à la fin du XIXe siècle. Une note en marge du manuscrit, datée de 1442, suggère qu’il se trouvait alors à Arifat, près de Castres, dans le Tarn actuel, et il est probable que le poème a été copié non loin de là, comme semblerait l’indiquer la langue du copiste (Meyer, lxiii-lxv ; Chabaneau, 245-260 ; Kimmel 1971, 28-33 ; Di Luca 2013, 88). Si la plupart des scribes du manuscrit Didot sont des Gascons, celui de Daurel devait être originaire du toulousain, bien que probablement influencé par le gascon à en juger par des formes comme b pour : junbentut (v. 5), bestz ‘vêtements’ (v. 95; mais bertz dans le manuscrit), à côté de vestes dans le même vers, los pour le datif lor (vv.1392,1576), et pour el (v. 2104). Catherine Léglu (2016, 145 ; 2010) a remarqué que de nombreuses épopées occitanes ont survécu dans des manuscrits du XIVe siècle, ce qui fait partie d’une tendance générale de cette époque de la région située à cheval sur les Pyrénées à conserver toute la tradition littéraire occitane, comme le montre, par exemple, le grand chansonnier d’Urfé, qui contient aussi beaucoup de textes narratifs. Daurel e Beton doit probablement sa survie à ce moment à la fois conservateur et innovateur de l’importante tradition des XIIe et XIIIe siècles qui caractérise « l’espace occitano-catalan » du XIVe siècle2.

  • 3 Je cite le texte d’après l’édition de Lee (1991).

3Bien que le texte ne soit pas toujours très clair et contient des erreurs de lecture qui ne sont pas faciles à corriger, Daurel e Beton se révèle néanmoins une œuvre offrant diverses particularités intéressantes typiques de la tradition narrative occitane, qui relèvent en premier lieu de son hybridité, comme l’avait déjà bien vu Limentani qui insistait dans son livre sur l’idée de « genres en contact ». Cette hybridité se manifeste dès la rubrique dans le manuscrit qui annonce So es lo romans de Daurel e de Beto3, le roman et non pas la chanson. Chanson apparaîtra au premier vers : Plat vos auzir huna rica canso ?, mais est-ce une chanson de geste, puisqu’on nous demande ensuite d’en écouter la razo, tout comme pour une canso lyrique ? Il est vrai que les auteurs et les copistes médiévaux sont souvent peu précis dans leurs définitions des genres narratifs, tandis que les lecteurs modernes semblent avoir besoin d’imposer des catégories fixes sur un corpus littéraire qui suit évidemment d’autres critères (Busby 2008). Cependant cette hésitation au début du texte rappelle celle d’un autre texte occitan qui se caractérise par son hybridité, le roman de Jaufre, que l’auteur appelle roman seulement au vers 10967. Ici l’auteur commence en parlant de conte (v. 1), ensuite de novas (vv. 16, 21) et, un peu plus loin dans le prologue, il appelle son texte une chanson, dont il avait entendu la razo à la cour du roi d’Aragon :

  • 4 Je cite Jaufre d’après l’édition Lee (2006).

E cel qui rimet la canchon
Auzi devant el la razon
[…]
D’un’aventura que avenc
Al re Artus
(vv. 85-90)4.

4En outre, l’auteur de Jaufre insiste sur l’importance de bien comprendre le texte :

Que quant no son ben entendudas
A cel que las diz sun perdudas,
E a acels non valun gaire,
Que las auson, a mon viaire ; (vv. 17-20).

5Cela rappelle les paroles de Guillaume IX dans Pos vezem de novel florir (P. C. 183, 11) :

Del vers vos dic que mais ne vau
qui be l’enten, e n’a plus lau (éd. Pasero, vv. 37-38),

où le public est invité à se concentrer sur le message didactique et sur le comportement correct en amour et en société. Le même thème se retrouve dans le premier vers du roman de Jaufre, que l’auteur définit d’ailleurs comme un conte de bona maniera, où maniera se réfère justement au comportement courtois. Cela démontre bien la vérité de l’affirmation que les textes narratifs occitans présentent une « mise en fiction de la lyrique » (Huchet 1992 ; Di Luca 2014, 14-16). Huchet pensait que seul Flamenca répondait aux critères nécessaires, mais depuis, on a constaté que cette conception s’applique à tout le corpus narratif occitan, sûrement à Jaufre, comme aux chansons de geste. Je pense donc que le deuxième vers de Daurel : Entendet le, si vos plas, escotas la razo est de même nature et que entendet ne signifie pas ‘écoutez’, comme j’avais moi-même traduit (uditela), mais plutôt ‘comprenez’, comme entendudas dans Jaufre et enten pour Guillaume IX : comprenez bien et agissez en conséquence.

6Huchet (277) encore affirme que l’emploi de chanson dans le prologue de Jaufre désigne « la manière, le style de jongleur » et, en effet, on a l’impression que l’auteur du roman se range dans le camp des jongleurs et les accorde souvent une place d’honneur dans l’histoire (Lee 2006, 35-37). Dès le début du roman, il souligne l’importance d’être généreux avec les jongleurs, en commençant par l’éloge du roi d’Aragon qui dona grantz dons volontiers / A joglars e a chavaliers (v. 81-82). Ensuite les premiers membres de la cour de Brunissen à Monbrun qu’il mentionne sont les créateurs de poésie :

Ez el castel a grant ricor
De menistraus e de borjes
E de joves omes cortes,
Que tot l’an son alegoratz
E mantenon gautz e solatz,
E joglars de moutas manieiras,
Que tot jorn van per las carieiras
Cantan, trepan e baorden,
E van bonas novas dizen
E las proessas e las guerras,
Que son faichas en autras terras.
(v. 3082-92)

7De même, à la fin du roman, quand Jaufre et Brunissen fondent leur propre cour à Monbrun, c’est encore aux jongleurs que l’auteur réserve un traitement spécial :

Ni anc cavallier ni serven
Ni soudadiera ne joglar,
No·i manjeron negun manjar
Mais en escudella d’argen ;
Mout los fes servir ricamen.
E cant trastuitz agron manjat
Li joglar son en pes levat,
E cascuns pres son enstrumentz
E comenset tan dosamentz
Per mietz lo palais az anar.
Adoncs viratz en pes levar
Domnas, car neguna tener
Non s’en poc per negun saber
Del doutz son que fan l’estrumen,
Que cascuna mout se enten.
(v. 10 800-10 814).

8L’auteur insiste sur le fait qu’à cette cour, comme au début à celle du roi d’Aragon, on cultive les mœurs courtoises, qui compren-nent la générosité, la largueza, tout comme aux beaux temps passés. Jaufre et Brunissen restaurent les bonas manieras, la moralité du monde courtois. Bien que présent depuis les premiers troubadours, comme Marcabru, le thème de la laudatio temporis acti se fait plus urgent parmi les poètes qui opèrent pendant la crise qui investit la société occitane à la suite de la Croisade contre les Albigeois, quand les seigneurs du Midi semblent se désintéresser de la poésie et de son mécénat. Ainsi des poètes tels que Raimon Vidal, Guiraut Riquier, Guilhem de Montanhagol rappellent aux seigneurs la façon dont ils devraient se comporter, en se présentant comme éducateurs d’une noblesse qui a oublié ses obligations, en particulier l’importance de la générosité (Lee 2005).

9Évidemment, tout cela est encore plus pertinent dans le cas de Daurel e Beton dont le protagoniste est un jongleur, un jongleur de geste, mais aussi un jongleur qui sait ricamen trobier (v. 85), capable de composer .i. lais d’amor (v. 1180). Par conséquent, il représente bien le jongleur-troubadour typique de la société du Midi, ce que de nombreuses études n’ont pas manqué de souligner (Kimmel 1974 ; Limentani, 102-110 ; Lee 1984). D’une part, tous les personnages positifs du texte se distinguent par leur générosité, à commencer par Beuve qui décide de prendre pour companhon un homme sans biens : Cel que no n’a vila ne valor / Mas sol hun ca[ste]l c’om apela Aspremont (v. 9-10). Quand celui-ci le trahit, car il désire sa femme, et profite d’une chasse au sanglier pour le tuer, Beuve, mourant, lui suggère ce qu’il doit faire pour ne pas être accusé du meurtre. Bien sûr, il est aussi généreux avec Daurel et lui offre un château après avoir assisté à une de ses performances. Ce trait de personnalité se continue à travers son fils, Beton, même quand il n’est qu’un enfant et donne ses biens à ceux qui sont moins chanceux que lui. D’autre part, les personnages négatifs ne sont pas du tout généreux, comme Gui d’Aspremont, peu reconnaissant envers Beuve, et qui ne pense qu’à accumuler aur e argen, ou bien Charlemagne, prêt à vendre sa sœur Ermengarde au traître pour de l’argent, comme elle ne manque pas de le lui reprocher :

Ai! Senher reis, leu vos es acosselhatz,
Que pel ric duc .i. tracher mi donatz !
Bens grans aver cre que vo·nh sia donatz.
Aital ric rey si fo en bon ponh natz
Que per aver de sa sor fai mercatz !
(vv. 619-23)

  • 5 Éd. Segre (1985, 212).

10On a voulu considérer comme excessive la générosité de Beuve au moment de sa mort, mais ce comportement illustre aussi le monde masculin de l’épopée, où l’accord entre les hommes est essentiel, quoique cela entraîne le cycle de violence et de vengeance qui s’instaurera par la suite (Gaunt, 52 ; Paterson, 292). L’épopée d’ailleurs offre toujours des oppositions nettes : on n’a qu’à penser au paien unt tort et chrestïens unt dreit de la Chanson de Roland (v. 1015)5, mais ce qui est intéressant ici c’est que l’opposition entre les comportements des personnages positifs et négatifs concerne une des valeurs fondamentales de l’idéologie des troubadours, la largueza.

  • 6 Éd. Soler i Llopart (1988, 146).

11Dans Daurel, donc, il est clair que les nobles ont oublié leurs responsabilités envers la société et ce sera le jongleur Daurel qui prendra en charge leur éducation, tout comme le suggère Raimon Vidal dans ses novas Abril issia (Lee 1984, 357-360). En particulier, Daurel s’occupera de l’éducation de l’orphelin Beton, en assumant un rôle qu’aurait dû assumer, sinon Gui, comme le voulait Beuve, au moins Charlemagne, qui était son oncle maternel, celui qui s’occupait normalement de l’éducation de l’enfant dans la société féodale. De cette façon, Daurel est deux fois pédagogue : il se soucie de l’éducation de Beton mais, en même temps, son comportement sert d’exemple aux nobles qui négligent leurs obligations féodales et chevaleresques. Le code des chevaliers, d’après Ramon Llull, exigeait qu’ils protègent les plus faibles : Ofici de cavaller es mantenir vídues, òrfens, hòmens despoderats6, c’est-à-dire, ceux qui se trouvent dans la condition de Beton et de sa mère Ermengarde après la mort de Beuve. Cependant, dans Daurel, personne parmi les membres de la classe chevaleresque ne semble prêt à suivre ce code et ils se comportent envers les plus faibles avec cruauté, orgueil et desmezura, ce qui est contraire à l’éthique chevaleresque ainsi qu’à l’idéologie courtoise.

12Le manque de mezura figure encore dans Jaufre dont le protagoniste est un novel cavalier qui arrive à la cour d’Arthur pour se faire adouber par le roi. Il demandera ensuite la permission de partir à la recherche de Taulat de Rogimon, qui venait de tuer un chevalier devant la reine, menaçant de répéter ce geste tous les ans. L’auteur souligne le fait qu’à la cour d’Arthur on respecte les valeurs chevaleresques :

Vevas domnas, orfans enfantz,
Pulcellas, doncels, paucs e grantz,
Cant a tort eran guerreiat,
Ni per forsa deseretat,
Aqui trobavan mantenesa
Aitori, secors e valesa ;
(v. 47-52).

  • 7 Par exemple, pendant la bataille pour Toulouse à la fin de La Chanson de la Croisade albigeoise (éd (...)

13Toutefois, tout au long du roman, Arthur et ses chevaliers se montrent de moins en moins capables de respecter ces idéaux et ce sera Jaufre qui les remplacera en protégeant les femmes, les enfants et les jeunes filles. De plus, au cours de ses aventures, comme l’a remarqué Sarah Kay (1979, 47) la plupart des ennemis qu’il vainc se distinguent par leur orguelh et leur follor. C’est le cas d’Estout de Vertfuel qui blesse et tue les chevaliers per son gran erguell (v. 868) ; ou bien du chevalier à la blanche lance, qui pend des chevaliers per sa follor (v. 1572). Le personnage le plus orgueilleux de tous est Taulat, qui veut se battre avec Jaufre sans protection, tandis que Jaufre lui reproche l’assassinat du chevalier à la cour d’Arthur comme un acte de desmesura, condamnée par Dieu (v. 6101-6104). La rapidité surprenante avec laquelle le jeune chevalier bat cet ennemi formidable illustre bien cet aspect du texte (Jung, 444), tout en changeant l’horizon d’attente du public, comme cela arrive souvent dans ce roman qui tend à parodier les données du roman arthurien. En tant que réécriture de ce genre, Jaufre renvoie à la tradition en langue d’oïl, mais c’est justement celle-ci que l’auteur cherche à dépasser à travers le personnage de Jaufre qui bat les chevaliers orgueilleux là où le roi Arthur s’est révélé incapable. Arthur, roi inefficace, représente le roi de France, tandis que Jaufre, qui offre un modèle de comportement meilleur, symbolise le roi d’Aragon qui inspira le roman, et qui est le seul à suivre encore les mœurs courtoises (v. 2623-2643). Dans ce roman, il y a un refus de la culture française en faveur de celle du Midi qui ressemble au rejet de cette même culture et de la violence de la chevalerie française qu’on aperçoit aussi dans la Canso de la Crozada7.

14Je pense que Daurel e Beton exprime la même préoccupation. Par là, je ne veux pas dire que la date des œuvres est la même car Jaufre semble plutôt appartenir aux années 1230-1240 quand les rois d’Aragon, surtout Jacques Ier, qui est sûrement le roi auquel le roman est dédié, perdaient leur intérêt pour le Midi et tournaient leur attention vers le bassin de la Méditerranée (Lee 2005). Daurel remonte probablement à quelques décennies plus tôt, mais cela n’empêche pas que le poème mette en scène un contraste entre les Français, cette fois-ci incarnés par Charlemagne et son laquais Gui d’Aspremont, et le Midi, représenté évidemment par Daurel. Comme Jaufre, Daurel puise dans la tradition française et on a même suggéré qu’il s’agissait d’une réécriture d’un texte français perdu, mais cette hypothèse est dépourvue de tout fondement.

15Tout au début de l’histoire Charlemagne investit Beuve d’un fief qui correspond aux territoires des comtes de Poitou et ducs d’Aquitaine :

E donar l’ay Peutieus, lo solier e la tor ; De Bordels atresi lo vulh faire senhor. (v. 135-136)

et, bien que Beuve soit d’abord décrit comme un riche duc de Fransa (v. 3), la France, ensuite, devient un « ailleurs ». Par exemple, quand Ermengarde est triste parce qu’elle sait que Gui est jaloux de son époux et menace de le tuer, Beuve pense que c’est à cause de sa nostalgie pour la France :

« Dona, » dis el, « co·us vei desconortier !
Qui vos a fah ira ni desturbier ?
Fais o per so car vos cove laisier
Voste pais, Fransa descunpaner ?
Dona gentiels, voles lai retornier ? »
(v. 254-258).

16Plus tard, Ermengarde ment à Gui en lui disant qu’elle a envoyé Beton Lains en Fransa (v. 766) pour qu’on l’élève, et il est évident que la cour de Charlemagne se trouve à Paris et non pas à Aix ou à Laon (v. 109, 2149), où, à la fin du poème, les hommes de Beton s’annoncent en disant : Davas Peiteus em nos .iii. messagier (v. 2152). L’action part de la France pour se déplacer au sud et Charle-magne, comme dans l’épopée en langue d’oïl, incarne les rois capétiens, mais de façon négative. Au cours du texte il se révèle peu généreux, intéressé par les richesses, peu soucieux de sa famille, à tel point que Beton l’appelera fel emperador (v. 2092) et pense à se venger pour les torts qu’il lui a causés. C’est ici que le texte s’interrompt et on pourrait même se demander s’il n’y aurait pas une forme de censure, comme si le copiste avait voulu finir à ce point là, ne pouvant plus, au XIVe siècle, s’exprimer contre les Français. Le texte rentre entièrement dans la typologie des œuvres narratives occitanes, comme Jaufre ou la Canso de la Crozada, qui prennent leur distance vis-à-vis des actions des français.

  • 8 Cela arrive aussi dans Ronsasvals (Solla 2016).

17Cette même attitude se manifeste encore par une espèce de déconstruction du genre de l’épopée et sa reconstruction sous forme de roman et même d’ensenhamen, genre typiquement occitan. À l’évidence, Daurel e Beton est un poème épique : la versification, les laisses de décasyllabes rimés, sont typiques du genre, ainsi que l’intrigue où la violence et la vengeance, nées du meurtre du héros, engendrent de la violence dans un cercle vicieux. Cette violence fait partie des aspects les plus primitifs du texte et se rattache à d’autres motifs comme le désir de Beuve mourant de recevoir la communion avec des feuilles (v. 427-8), ou bien d’offrir son cœur à Gui pour qu’il le mange (v. 434) (Kay 1994). Cependant, comme j’en ai déjà fait la remarque, les héros dans ce poème ne sont pas les nobles chevaliers, mais des personnages plus humbles, à commencer par Daurel et ses fils qui défendent Monclar pendant douze ans et seront adoubés à la fin de la guerre contre Gui, le bourgeois de Poitiers auquel Ermen-garde confie Beton dans un premier moment, sa fille Aicelina qui lui sert de nourrice et sera torturée par Gui et, enfin, l’émir de Babylone, un païen. Contrairement à la Chanson de Roland, dans l’épopée occitane, les païens n’ont pas toujours tort et peuvent même jouer un rôle positif: l’émir remplace Charlemagne, accueille Beton à sa cour et pense à son éducation8. À ce propos Sarah Kay parle d’un « contre-récit » où le vieil ordre, représenté par le pacte de compagnonnage entre Beuve et Gui, est opposé à un nouvel ordre formé de mères, de nourrices, d’enfants et de sarrasins. Toutes les couches sociales participent à la protection de Beton, comme dans la Canso de la Crozada où tous les habitants de Toulouse s’unissent pour défendre leur ville. Cela reflète peut-être la composition différente de la société du Midi où, dans les agglomérations urbaines, il y avait des chevaliers urbains et la bourgeoisie avait une place importante, un fait que l’on constate aussi dans Jaufre quand le roi Arthur, à la fin du roman, convoque les bourgeois à la cour. Comme le remarque encore Kay, « Daurel e Beton abandonne en définitive l’univoque qui caractérise son propre âge d’or et réalise, dans le genre épique, un dialogisme plus proche de la littérature courtoise » (Kay 1990, 367).

18La littérature courtoise fait de nouveau irruption dans la section assez longue où le poème se rapproche de l’ensenhamen et où le jongleur devient le maître. Cette partie du texte constitue une exception dans le genre épique et marque une rupture dans le rythme de la narration, un ralentissement qui est annoncé par la composition d’un lais d’amor (v. 1180) par Daurel pour calmer Beton. On passe du monde de la chevalerie et de la violence au monde de la poésie courtoise où le jongleur s’occupera de l’éducation du jeune en le confiant à l’émir pour s’assurer qu’il aura un ensenhamen al cavalier. Toutefois Beton apprendra aussi les mœurs courtoises et la largueza, qui devraient caractériser les nobles, ainsi que l’art du trobar :

Qua[n]t ac .vij. ans Beto sap gen violar,
E tocar citola e ricamen arpar,
E cansos dire, de se mezis trobar.
(v. 1419-1421).

19Connaître cet art le rendra plus jauzens (v. 1415). À treize ans, Beton montre ce qu’il vaut comme chevalier : il bat Gormon, l’ennemi de l’émir ; il est reconnu comme héritier de Beuve et neveu de Charlemagne, et il est fiancé avec Erimena, la fille de l’émir. Il deviendra donc molheratz et pourra gouverner son fief, un fait constaté par les hommes du Poitou à son retour :

[S]ilh de Peitieus an lor senhor cobrat,
Trastut essemp en an gran gauh menat ;
(v. 2022-2023).

20Désormais, Beton est prêt à venger le meurtre de son père et le poème retourne à l’histoire de violence typique de l’épopée. Ce passage est de nouveau marqué par la composition d’un poème, cette fois-ci une chanson de geste, dont le sujet est résumé par Daurel :

« Qui vol auzir canso, ieu lh’en dirai, so·m par,
De tracio que no fai a celar,
Del fel trachor Guio, cui Jhesus desampar
 !
Qu’aucis lo duc quan fon ab lui cassar. »
(v. 1944-1947)

21Gui, furieux tenc .i. coltel, va·l a Daurel lansar (v. 1948) et le dénouement du texte, sa phase finale, peut alors s’ouvrir. Daurel e Beton, donc, offre toute une série de traits qui caractérisent les genres narratifs occitans et en même temps rejette ses modèles français. Cela se produit non seulement par l’intermédiaire du personnage du jongleur mais aussi par un certain mélange de formes, d’une hybridation qu’on retrouve aussi dans un roman comme Jaufre.

  • 9 Voir la nouvelle édition du texte de Martin (2014). Adler (149-165) a aussi montré comment une séri (...)

22La méthode employée par Daurel et Beton pour entrer dans le campement de Gui, c’est-à-dire l’interprétation d’une chanson de geste, porte à une autre considération, qui pourrait aider à placer ce poème dans son contexte historique, jusqu’ici assez méconnu. La performance, qui indique Gui comme l’assassin de Beuve, ressemble de près à la célèbre reconstitution d’un crime grâce à un spectacle qui se trouve dans Hamlet. En effet, cette œuvre fait partie d’une série d’autres poèmes d’origine germanique, mais surtout anglo-saxonne, qui ont pour thème la vengeance d’un fils pour le meurtre de son père : Haveloc le Danois, par exemple, Horn et Beuve de Hamptone (Waiss 1981). Or les premiers érudits qui s’occupèrent de Daurel donnèrent pour acquis qu’il s’agissait d’une continuation de Beuve de Hamptone car le même personnage, Lo duc Bobis d’Antona, figure dans les deux œuvres. De plus, celles-ci se ressemblent en ce qui concerne l’intrigue : l’enfant Beuve de Hamptone fuit en Orient car son père, Gui, a été assassiné par sa mère et l’amant de celle-ci. Après de nombreuses aventures, souvent assez fantastiques, Beuve épouse Josiane, la fille de Hermin, roi d’Egypte9. Cependant d’autres auteurs et, en premier lieu, Kimmel dans son édition de Daurel, ont nié qu’il y ait un rapport quelconque entre ces œuvres. L’argument se base sur les dates, car la première version de Beuve de Hamptone remonterait à 1200, tandis que, pour Kimmel, Daurel date de 1150, puisque le poème est cité dans le Cabra Juglar de Guerau de Cabrera. À présent, c’est un fait établi que cet ensenhamen, qui a servi à anticiper la date de beaucoup d’œuvres occitanes, n’a pas été écrit par Guerau III, sinon par son petit-fils, Guerau IV (attesté entre 1194-1227) (Cingolani 1992-92 ; Limentani, 110). D’ailleurs, la mention de el son Boves d’Antona dans la poésie Ges sitot m’ai ma volontat fellona (P. C. 245 1, v. 2) de Giraut del Luc (Riquer 1950, 236), un troubadour hostile à Alphonse II d’Aragon (1164-1196), impliquerait que Beuve était connu dans le Midi avant 1200. Cette constatation me conduit à formuler quelques hypothèses sur la circulation de ces textes.

  • 10 Pour la date et la circulation voir Fellows et Djordjević (1-8).
  • 11 Voir Schmolke-Hasselmann (249-250) et Gîrbea (13), qui expliquent la présence de thèmes arthuriens (...)

23En effet, je dirais qu’il n’y a aucun doute que Daurel soit une continuation ou en partie aussi une réécriture de Beuve de Hamptone, selon la tendance de l’époque à écrire des suites pour les œuvres à succès, et Beuve a connu un succès notable avec des réécritures même en russe et en yiddish10. Je voudrais suggérer que l’histoire s’est diffusée assez tôt dans le midi de la France, plus précisément à travers le Poitou, grâce aux rapports de cette région avec l’Angleterre, dont les rois, d’Henri II à Jean sans Terre, étaient comtes du Poitou ainsi que ducs d’Aquitaine, tout comme Beuve dans notre poème. Hamptone, Antona en occitan et en espagnol encore dans la chronique du XVe siècle, El Victorial, est Southampton (Díaz de Games, 385). Beuve était considéré comme le fondateur mythique de cette ville qui s’en souvient encore dans sa toponymie : les quartiers Bevois Valley, Bevois Town existent toujours. Au Moyen Âge, Southampton était un des ports les plus importants de l’Angleterre pour le commerce avec la France, vers La Rochelle et Bordeaux, d’où l’on importait le vin et on exportait la laine. Aujourd’hui les quelques restes de la ville médiévale consistent surtout en des caves où l’on conservait le vin. Par conséquent, les relations entre la ville et le Poitou-Aquitaine étaient étroites grâce à ce commerce maritime, et n’oublions pas qu’un des plus anciens textes anglais de loi maritime, les Rolls of Oleron, voulu peut-être par Richard Cœur de Lion et dont l’origine serait occitane, est associé à l’Île d’Oléron. Une version de ce texte est copiée dans l’Oak Book of Southampton (Studer 1910, II), autre compilation de loi maritime en latin et en anglo-français. Je pense qu’en même temps que la laine et le vin, le long des routes du commerce à travers la Manche ont voyagé les contes, les thèmes et les motifs de la tradition anglo-saxonne et normande, qui se sont développés ensuite dans une terre gouvernée par les Plantagenêts11.

  • 12 La carrière de Savary est esquissée aussi par Zinelli (245-255) et Guida et Larghi (491-493).

24Cependant, il y a plus : si nous suivions Limentani en datant Daurel vers 1200 ou après, alors le roi d’Angleterre était Jean sans Terre qui luttait contre Philippe Auguste pour conserver ses possessions françaises, souvent avec l’aide de son sénéchal pour le Poitou et Bordeaux, Savary de Mauléon, « baron et troubadour », pour citer Henry Chaytor12. Savary, qui avait commencé sa carrière dans le camp de Philippe, passa, après son emprison-nement à Corfe Castle dans le Dorset, du côté de Jean. Il lui resta plus ou moins fidèle et, après la mort du roi en 1216, à son fils Henri III jusqu’en 1224 quand il perdit La Rochelle, ayant été abandonné par Henri ; mais il repassa dans son camp en 1231, peu avant sa mort. Au cours de sa vie, Savary, dont la résidence principale devait être à Talmont (Charente-Maritime), assuma plusieurs fonctions : sénéchal du Poitou, seigneur de La Rochelle, de l’Île de Ré et de la côte de Châtaillon jusqu’à Olonne, mais aussi en Angleterre, où il joua un rôle important dans la campagne contre l’invasion, en 1216, du futur Louis VIII. Jean lui confia tour à tour les châteaux de Winchester, Petersfield, Mapledurham, Bristol et Kings Lynn. De plus, et cela nous intéresse de plus près, un document du 7 juin 1216 le nomme comme Savaricus de Malo Leone vicecomes Suthantonensis (Chaytor, 28-29, 34). Savary connaissait bien l’Angleterre du sud et Southampton, où il aurait pu apprécier la légende de Beuve de Hamptone, et sa cour pourrait bien être le lieu de passage de la légende vers le Midi ainsi que l’endroit où quelqu’un aurait décidé d’en écrire une « suite ».

  • 13 Sur la question de la langue, voir encore Chabaneau (1881) et Avalle (1962, 56 ; 1961, 77).

25Il me semble donc très probable que l’auteur de Daurel e Beton était originaire du Poitou, non pas sur la base de la langue du texte, comme le voulait Meyer (xlvii), puis encore Kimmel (21-25, 47), car l’œuvre est un exemple de la langue hybride « franco-occitane », typique des chansons de geste occitanes13, mais plutôt sur celle du contenu. S’il y a un endroit qui semble familier à l’auteur, c’est Poitiers et l’église de Saint-Hilaire-le-Grand, où sont ensevelis Beuve et Daurelet, et où sont célébrées les noces de Beton et Erimena, la fille de l’émir de Babylone. Saint-Hilaire est associée aux comtes de Poitou, ayant été consacrée en 1049 par la comtesse Agnès et son fils Guillaume VII, au premier évêque de Poitiers. En dépit de l’opinion de Bédier par laquelle j’ai commencé : à savoir que la topographie de notre poème importait peu, cette l’église était une importante étape sur la route française du pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle et elle joue un rôle de symbole de la région dans notre texte. Comme je l’ai dit, il s’agit de cette même région dont Beuve devint le seigneur et le château de Monclar, que Beuve avait donné à Daurel pour le remercier de sa musique et ses chants, se trouve en riba de mar (v. 210) et Daurel, pour tenter de sauver Beton, l’emmène dans une maison en mar on las grans ondas son (v. 720) ; enfin, ce sera le pescaire Abram qui le trahira. Tout cela indique un paysage maritime qui pourrait s’identifier avec la côte atlantique, où sont situées l’Île de Ré, l’Île d’Oléron et La Rochelle, dont Savary était seigneur, et qui se trouvent sur les principales routes maritimes entre l’Angleterre et le duché d’Aquitaine. Chaytor, dans son étude sur Savary, définit le Poitou comme une « nationalité féodale » dont le dernier seigneur fut Aliénor d’Aquitaine et qui fut ensuite divisée pour une série de circonstances historiques ; néanmoins « if unity was destroyed, antipathy to the North was not diminished » (Chaytor, 8), c’est cette même aversion pour la France qu’on perçoit dans le texte. Ici, le sort du duché est en danger après le meurtre de Beuve par l’allié de Charlemagne, et Beton, avec Daurel et ses fils, luttera pour le sauver, tout comme Savary qui, au fond, passa sa vie au service du Poitou. Ses nombreux changements de camp n’en font pas un traître, mais un homme qui pense à son profit, bien sûr, mais aussi à ce qui convient le mieux à son pays. Chaytor (77-79) remarque qu’aucun écrivain contemporain de Savary n’émet sur lui de jugement, mais qu’un tel jugement n’aurait pu être que positif.

  • 14 À part cette tenso, Savary participe à un échange avec Gaucelm Faidit et Uc de la Bacalaria, Gausel (...)

26Cependant Chaytor tend à sous-estimer l’opinion des troubadours qui en parlent. Savary était connu comme un protecteur des troubadours et tenait une cour littéraire, où sont passés Gaucelm Faidit et Uc de la Bacalaria avec lesquels il composa une tenso, ou encore Gausbert de Poicibot, probablement Bertran de Born lo fills, et enfin Uc de Saint Circ, qui écrivit sa vida ainsi que la razo, qu’il signe, pour la tenso avec le Prebost de Limoges Savaric, ie·us deman (P. C. 384, 1)14. Pour ces troubadours, le trait principal du caractère de Savary était la largueza : Gausbert de Poicibot envoie sa chanson Per amor del belh temps suau (P. C. 173, 9) à Senhe·N Savaric, larc e bo (Shepard, 28), tandis qu’il était pour Uc de Saint-Circ larcs sobre totz los larcs, et encore razitz de tota la cortezia dal mon ; en totz bons fatz c’om puesca pessar de bon home, el fon cap maystre de totz (Boutière et Schutz, 220, 223). Il ne serait pas surprenenant que Daurel e Beton soit le produit de cette cour ; les conditions sont toutes réunies, comme j’espère l’avoir démontré. L’insistance sur la générosité dans le poème semble refléter ce qui était un trait positif de la personnalité de Savary, mais qui ne pouvait plus être considéré comme acquis de la part des seigneurs dans une époque turbulente comme celle où il vécut, bouleversée par les guerres de conquête des rois de France contre les Plantagenêts dans le Poitou et contre les Albigeois et le comte de Toulouse plus au sud. Cependant, pour citer encore Chaytor (58), « Savaric must have been one of the last nobles in France to keep a court to which troubadours were attracted by the generosity of the patron ». Ainsi, la largesse de Savary est comparable à celle de son presque contemporain Dalfi d’Alvernha, qui figure comme exemple de générosité dans Abril issia de Raimon Vidal, un texte qui a plusieurs points en commun avec Daurel, comme j’ai essayé de le démontrer ailleurs, et pour commencer un jongleur pédagogue (Limentani, 102-110; Lee 1984, 346-347, 357-360).

27En conclusion, Daurel e Beton n’est pas un simple récit d’aventure auquel on « n’assignera jamais un rang bien élevé », comme le soutenait son premier éditeur, mais un texte bien enraciné dans une époque et un milieu précis dont il exprime les inquiétudes, en se servant, comme il arrive pour beaucoup de textes narratifs occitans, d’un genre français pour le transformer et lui donner un nouveau sens. Pour en faire, dans ce cas, une chanson de geste occitane.

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Notes

1 Limentani se réfère à deux articles, De Caluwé (1974) et Kimmel (1974), qu’il trouve trop complaisants envers Daurel.

2 Sur l’idée d’espai occitanocatalà, voir Cabré et Navàs (101-122).

3 Je cite le texte d’après l’édition de Lee (1991).

4 Je cite Jaufre d’après l’édition Lee (2006).

5 Éd. Segre (1985, 212).

6 Éd. Soler i Llopart (1988, 146).

7 Par exemple, pendant la bataille pour Toulouse à la fin de La Chanson de la Croisade albigeoise (éd. Martin-Chabot 1989, 466-550) où l’on insiste sur l’orgolh de Fransa, 213, 120. Voir aussi Lee (2008).

8 Cela arrive aussi dans Ronsasvals (Solla 2016).

9 Voir la nouvelle édition du texte de Martin (2014). Adler (149-165) a aussi montré comment une série de chansons de geste, Doon de Mayence, Orson de Beauvais, met en scène des histoires qui se ressemblent, même en ce qui concerne le nom des protagonistes, et qui semblent autant de pièces qui se meuvent sur un échiquier.

10 Pour la date et la circulation voir Fellows et Djordjević (1-8).

11 Voir Schmolke-Hasselmann (249-250) et Gîrbea (13), qui expliquent la présence de thèmes arthuriens antérieurs à la codification de Geoffroi de Monmouth dans Jaufre par les contacts entre l’Angleterre et le Midi. On pourrait peut-être encore expliquer de cette façon ces autres cas de textes, l’Aspremont par exemple, où les versions italiennes sont proches des versions anglo-normandes. Une route qui va de l’Angleterre à l’Italie à travers le Midi ne serait pas impossible, et il n’y a qu’à penser aux chansons des troubadours, à Girart de Roussillon et encore à Jaufre. Comme le disait Bédier (III, 367) : « Au commencement était la route ».

12 La carrière de Savary est esquissée aussi par Zinelli (245-255) et Guida et Larghi (491-493).

13 Sur la question de la langue, voir encore Chabaneau (1881) et Avalle (1962, 56 ; 1961, 77).

14 À part cette tenso, Savary participe à un échange avec Gaucelm Faidit et Uc de la Bacalaria, Gauselms, tres jocs enamoratz (P. C. 432, 2) et il est l’auteur d’une cobla, peut-être un fragment d’un poème plus long, Dompna, be sai q’oimais fora razos (P. C. 432, 1), écrite lors de sa participation à la croisade albigeoise et dédiée probablement à Aliénor d’Aragon (Zinelli, 246 ; Harvey et Paterson, III, 1036-1045, 1154-1163 ; Riquer 1975, III, 950).

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Pour citer cet article

Référence papier

Charmaine Lee, « Relire Daurel e Beton »Revue des langues romanes, Tome CXXI N°1 | 2017, 69-88.

Référence électronique

Charmaine Lee, « Relire Daurel e Beton »Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXXI N°1 | 2017, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/285 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.285

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Auteur

Charmaine Lee

Università di Salerno

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Droits d’auteur

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