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AcuèlhNumérosTome CXXI N°1Esta canso es faita d’aital guia....La réception de la lettre épique ...

Esta canso es faita d’aital guia... Études sur la chanson de geste occitane

La réception de la lettre épique de Raimbaut de Vaqueiras dans sa tradition manuscrite

Paolo Di Luca
p. 43-68

Tèxte complet

  • 1 La composition a été classée comme « épître » pour la première fois par F. J.-M. Raynouard, Choix d (...)

1La lettre épique composée en 1205 par Raimbaut de Vaqueiras pour rappeler à son mécène Boniface Ier de Montferrat les nombreux exploits qu’ils ont accomplis ensemble représente un cas unique dans la littérature occitane, parce qu’elle réélabore d’une façon originale et harmonieuse des modules formels, thématiques et stylistiques provenant de genres très différents les uns des autres1.

  • 2 O. Schultz-Gora, Die Briefe des Trobados Raimbaut de Vaqueiras an Bonifaz I, Markgrafen von Monferr (...)
  • 3 V. Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., 39-44.
  • 4 V. la reconstruction de la mélopée de la lettre proposée par A. Rossell, « Reconstrucción musical d (...)

2Le texte est composé de décasyllabes monorimes répartis en trois laisses2 ‒ le nombre des vers et les rimes sont, dans l’ordre, I: 43, -at, II: 62, -o, III: 119, -ar ‒, dont chacune s’achève par un petit vers quadrisyllabique qui abrite la formule fixe senher marques et se trouve repris, avec un lien capfinit, dans le premier hémistiche de la laisse suivante. Les décasyllabes sont a minore, c’est-à-dire avec la césure après la quatrième syllabe ; les vers à césure épique sont quelque quarante, les vers à césure lyrique une vingtaine3. L’emploi d’une forme d’un tel type a, c’est évident, des consé-quences sur le plan de l’exécution : même si aucun des témoins n’a conservé la notation musicale de la lettre, il est vraisemblable que celle-ci ait été psalmodiée comme les chansons de geste4. À première vue, il semble donc que Raimbaut a adopté la structure métrique typique de l’épique romane pour bâtir sa composition. Il ne manque pas, cependant, d’éléments qui ne sont pas exclusifs de cette tradition, comme le petit vers final, qui se retrouve égale-ment dans le salut d’amor sous une forme différente, mais avec la même fonction d’apostrophe au destinataire.

  • 5 À l’inverse, dans l’épique, la fonction du petit vers est très diverse : pour son contenu, le vers (...)
  • 6 Sur les caractéristiques formelles et de contenu du genre du salut, voir en dernier S. Cerullo, « I (...)
  • 7 En réalité, dans le domaine de l’exigu corpus épistolaire occitan, seuls certains salutz présentent (...)
  • 8 Voir l’édition de G. Gouiran, L’amour et la guerre. L’œuvre de Bertran de Born, Aix-en-Provence 198 (...)
  • 9 « [...] qui rappelle immédiatement, tant par le nombre de syllabes que par la position des accents, (...)
  • 10 Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., 46-54.

3Le trait stylistique le plus marquant qu’a conféré à la compo-sition la définition de lettre est justement l’apostrophe au marquis, figurant, on l’a dit, au début et à la fin de chaque laisse. Depuis longtemps, la critique rattache l’emploi fait par Raimbaut du petit vers d’origine épique à l’influence du genre du salut5 : là un bioc final ‒ d’habitude donna ‒ peut parfois conclure l’épître et, dans certains cas, l’apostrophe même peut contribuer à scander le texte dans ses partitions internes6. Outre l’apostrophe en fonction de salutatio, la seule autre marque épistolaire qu’on puisse relever dans le texte de Raimbaut est la captatio benevolentiae sous la forme de louange au seigneur7. Malgré les rapports évidents, rien ne dit que Raimbaut ne se soit inspiré que du genre du salut pour la structure rhétorique de sa composition. Selon Valeria Bertolucci, il existe une source d’inspiration assurée, le sirventés Ara sai eu de pretz quals l’a plus gran (BdT 80.4), que Bertran de Born a composé en 1189-1190 pour faire l’éloge de Conrad de Montferrat, le frère aîné de Boniface, parti outre-mer combattre Saladin, et en même temps exhorter d’autres souverains et nobles feudataires à participer à la troisième croisade8 : toutes les strophes du texte, sauf la première, commencent par l’apostrophe seigner Conrat, « la quale richiama subito, e per il numero delle sillabe e per la posizione degli accenti, la formula che inizia e chiude le tre lasse della lettera a Bonifacio »9. Il est tout à fait vraisemblable, en effet, que Raimbaut ait tenu compte de ce poème encomiastique adressé à un autre membre important du lignage des Alérames pour créer sa célébration personnelle de Boniface. À côté de ces traits épistolaires et lyriques, la lettre abonde, comme Oskar Schultz-Gora en a donné des exemples convaincants, en éléments stylistiques qu’on peut ramener à l’épique romane, come des expressions formulaires et des figures rhétoriques, ou la syntaxe paratactique de la narration10.

  • 11 Ici et ailleurs les citations proviennent de l’édition de J. Linskill, The Poems of The Troubadour (...)

4En revanche, c’est au contenu de l’épître qu’on doit le qualificatif d’épique avec lequel elle est communément désignée, dès lors que le troubadour évoque los ondratz faitz (III, v. 81)11 qu’il a accomplis aux côtés de Boniface. Dans les deux premières laisses, on rencontre la célébration de la guerre que le marquis a livrée à la commune rebelle d’Asti, sa participation à l’expédition organisée par l’empereur Henri VI pour conquérir la Sicile, sa nomination comme commandant de la quatrième croisade et les opérations militaires qu’elle entraîna ‒ parmi les plus impor-tantes, la destitution d’Alexis III, la prise de Constantinople et la fondation du royaume de Thessalonique. Dans la dernière laisse, une grande place est faite aux aventures dont les deux hommes furent les protagonistes dans leur jeunesse : défense de dames destinées à être mariées contre leur gré ou privées de leur héritage légitime, ou la mise en déroute de bande de pillards.

  • 12 « cadre panégyrique », Bertolucci, « Posizione e significato », art. cit., 41.
  • 13 « [...] l’habitude du discours à la première personne, caractéristique du sirventés, s’était insinu (...)
  • 14 « [...] les actions personnelles d’un chevalier-jongleur récent, sans titre à l’origine, viennent à (...)
  • 15 « [...] se vante de son service d’amour, dans le cas où il est peu apprécié et mal récompensé, [pou (...)
  • 16 Comme le fait noter C. Lee, La soggettività nel Medioevo, Manziana 2006, 41.
  • 17 Bien qu’il ne soit pas possible d’assurer la veracité d’expériences personnelles évoquées par Raimb (...)

5Les événements racontés par Raimbaut sont parfaitement conformes aux thèmes qui ont cours dans la tradition épique, même dans leurs développements les plus romanesques. Toute-fois, cette fresque glorieuse des gestes d’un seigneur et de son serviteur dévoué est incluse dans une « cornice panegiristica »12 qui est complètement étrangère à l’épopée, mais qui se retrouve en revanche dans quantité de lyriques de circonstances, comme par exemple le sirventés politique ou le planh. La lettre commence et s’achève par deux longues énumérations dépourvues de dimension narrative réelle à travers lesquelles Raimbaut fait son propre éloge en soulignant son inlassable loyauté en toutes circonstances, et celui de Boniface, en célébrant ses hautes vertus chevaleresques. La différence la plus nette par rapport aux chansons de geste consiste précisément dans la présence insolite sur la scène de l’auteur, qui est en même temps narrateur et deutéragoniste du récit ‒ ou mieux encore, comme il se définit lui-même, testimoni, cavalier e jocglar (III, v. 118) ‒, comme si « la consuetudine al discorso in prima persona, caratteristico del sirventese, si sia insinuata nel rigido resoconto in terza persona della gesta epica »13. Cette convergence des rôles et des voix dans une expression poétique subjective inédite va de pair avec la mise sur un plan d’égalité de l’entreprise de Raimbaut et celle du seigneur lui-même : « i fatti personali di un recente cavaliere-giullare, originariamente senza rango, vengono a porsi sullo stesso piano delle gesta del nobile Bonifacio e, come questi, sono degni di canto ; e l’immortalità che il poeta assicura con tanta consapevolezza a questi ultimi, si riflette anche sui primi »14. Dans la lettre, Raimbaut rappelle sa contribution décisive à la réussite et à la célébration des actes glorieux de Boniface pour solliciter la générosité de celui-ci. En cela, sa position peut être assimilée à celle de l’amant courtois qui, dans le genre du salut, « si vanta del suo servizio d’amore, semmai poco apprezzato e mal ricom-pensato, [per chiedere] di più alla sua dama ».15 Il n’y aurait même pas d’imprudence à rapprocher notre troubadour des poètes goliards, non seulement à cause de la sollicitation, par l’intermédiaire de la pratique poétique, d’une rétribution concrète16, mais surtout pour le caractère autobiographique des événements racontés17.

  • 18 Certains troubadours ont employé la forme épique avec une fonction dialogique ou épistolaire : je p (...)
  • 19 V. G. Larghi, « Citations épiques et politique en Monferrato », in Aspects de l’épopée romane : men (...)
  • 20 Pour ne rester que dans le domaine du mélange entre poésies lyrique et épique, on ne peut pas oubli (...)

6Ce bref examen montre clairement que la lettre épique de Raimbaut échappe à toute classification précise et définitive, parce qu’elle prend la forme d’un texte hybride, comme une expérimen-tation originale qu’on ne saurait répéter18 et qui se construit à partir d’apports provenant de différentes traditions littéraires. Le mariage entre poésie épique ‒ un genre particulièrement apprécié des Alérames, comme l’a souligné Gerardo Larghi, parce qu’utile à la célébration sur le mode héroïque du lignage19‒, poésie lyrique et poésie lyrico-narrative à vocation épistolaire est l’un des résultats les plus brillants du goût pour l’innovation du troubadour qui s’attache depuis toujours à renouveler l’exercice du trobar grâce à la combinaison de langues, de formes et de thèmes hétérogènes20.

  • 21 Dans les traités de poétique occitane, qui représentent un canal de réception contemporain de la tr (...)

7Comme, nous, lecteurs d’aujourd’hui, ne parvenons pas à définir avec exactitude ce qu’est la lettre épique à cause de la stratification très particulière des composants littéraires hétéro-gènes dont j’ai rendu compte jusqu’ici, on peut bien se demander si les compilateurs des manuscrits qui ont transmis la lettre ont perçu cette difficulté ; voyons donc si la tradition du texte peut nous apprendre quelque chose sur sa réception primitive21.

  • 22 Sur la tradition du texte, je renvoie à la notice bibliographique de la BEdT, s.n. 392, III. On n’a (...)

8La lettre nous a été transmise par six témoins, les chansonniers C E J R Sg et un manuscrit d’origine catalane rassemblant des ouvrages d’auteurs et de genres différents qui a reçu le sigle Cv ; les mss E J n’ont conservé que les deux premières laisses. Les mss R Sg Cv ont transmis la lettre comme si c’était un texte formant un tout, à la différence des mss C E J où les trois laisses dont celle-ci se compose sont transcrites comme autant d’unités textuelles autonomes. Le poème fait également l’objet d’une tradition indirecte, car les dix premiers vers de la première laisse sont cités dans l’Arte del rimare de Giovanni Maria Barbieri, œuvre publiée en 1790 sous le titre Dell’origine della poesia rimata : la citation est transmise par b1 et k22.

  • 23 « C’est au choix de ce milieu seigneurial en faveur d’une poésie courtisane aux canons générico-for (...)

9Une donnée préliminaire qu’il me semble opportun de mettre en lumière est l’absence de la composition dans la tradition dénommée « vénète » de la lyrique des troubadours, qui a pourtant transmis une importante sélection du corpus lyrique de Raimbaut. Il faut dire que cette sélection se caractérise par la présence presque exclusive de chansons courtoises traditionnelles et reflète donc ce qu’aimaient et attendaient ses destinataires : ainsi que le commente Federico Saviotti, qui a récemment analysé la question, « all’opzione di tale ambiente signorile per una poesia cortigiana dai precisi canoni generico-formali dominati da uno spirito di armonia, uniformità e riproducibilità, andrà dunque addebitata la responsabilità delle esclusioni più eclatanti : il Carros, il descort plurilingue, le lasse epiche »23. Dans la tradition « languedociano-provençale » et dans la « catalane », ces textes sont en revanche bien représentés : c’est à cette zone, et surtout au ms. Sg, que nous devons la transmission du versant le plus original et le plus apprécié aujourd’hui de l’œuvre du troubadour.

  • 24 « semble avoir anticipé d’une unité la section de Raimbaut de Vaqueiras, destinée à s’ouvrir avec l (...)
  • 25 « […] semble être due à la volonté de connoter dans un sens ‘guerrier’, ou en tout cas ‘non courtoi (...)
  • 26 Pour la description matérielle du ms. C, je renvoie à A. Radaelli, « Intavulare ». Tavole di canzon (...)

10Examinons rapidement les éléments les plus significatifs de l’ordonnance et de la mise en texte qui caractérisent la tradition de la lettre épique. Dans les mss C J, le texte figure à la fin de la section d’auteur consacrée à Raimbaut de Vaqueiras. Dans le ms. E, il se trouve au début de celle-ci, tout de suite après une chanson partiellement mutilée : l’ablation de la capitale enluminée l’a privée d’une partie de la rubrique, qui l’attribue à notre troubadour, et de la première strophe. L’attribution de la chanson en question, …[nu]ils hom tan…[n]on amet (BdT 392.26a), est toutefois des plus suspectes aussi à cause des indices codico-logiques qui suivent : la section de Raimbaut de Vaqueiras est précédée dans E par celle de Raimbaut d’Aurenga ; si elle était l’œuvre de Raimbaut de Vaqueiras, la chanson se trouverait curieusement séparée des autres compositions lyriques du troubadour compilées dans le ms. après la lettre épique. Ces arguments, joints à d’autres d’ordre thématique et formel, suggèrent de restituer le texte à la paternité de Raimbaut d’Aurenga. L’erreur d’attribution est due au compilateur de E, qui « sembra avere anticipato di un’unità la sezione di Raimbaut de Vaqueiras, destinata ad aprirsi con il salut», dans l’espace où « doveva chiudersi la sezione dell’altro Raimbaut »24. Ainsi, dans les trois mss, la lettre épique est placée dans une position distinctive par rapport au reste de la production lyrique de Raimbaut : s’il figure dans C J à la conclusion de la section, dans E, il occupe l’espace prestigieux de l’ouverture. Selon Caterina Menichetti, cette importance particulière donnée au texte dans le ms. « sembra essere dipesa dalla volontà di connotare in senso “guerresco”, o comunque “non cortese”, la produzione del trovatore ; non a caso, l’epistola epica è seguita a brevissima distanza da due componimenti […] che si aprono su immagini belliche »25. Les techniques de mise en texte suivantes sont également communes aux trois manuscrits. Les éléments para-textuels qui signalent la séparation entre les strophes dans les textes lyriques ne sont pas employés pour la lettre : le ms. C est le seul à séparer les décasyllabes au moyen du point métrique et d’un trait d’encre rouge marquant le début des vers. Les laisses sont considérées comme des unités textuelles distinctes car chacune d’elles est accompagnée d’une rubrique attributive et d’une initiale ornée26.

  • 27 V. S. Ventura, « Intavulare ». Tavole di canzonieri romanzi / Tables des chansonniers romans (serie (...)
  • 28 Là-dessus, v. Ventura, « Intavulare », op. cit., 38-40 ; Cabré- Martí, « Le Chansonnier Sg », art. (...)

11Dans le chansonnier Sg également, la lettre épique figure dans la section d’auteur de Raimbaut de Vaqueiras, qui se compose d’un nombre élevé de compositions hétérogènes ‒ dont certaines sont attribuées par erreur au troubadour ‒ et se trouve précédée de la vida. Selon l’analyse de Simone Ventura, le corpus raimbal-dien semble pouvoir se diviser en deux unités, toutes deux constituées d’une série de chansons courtoises suivies de textes relevant d’autres genres lyriques, parmi lesquelles est placée l’épître27. Celle-ci semble donc séparer en deux parties la section consacrée au troubadour dans Sg, ce qu’a accentué par la suite le changement de disposition de la page qui consiste en deux colonnes avec un vers par ligne, alors que les textes lyriques sont copiés à pleine page et présentent un apparat paratextuel pour la division métrique et strophique28. Par rapport aux autres manuscrits analysés jusqu’ici, la lettre semble transcrite comme un texte formant un tout, quoique pourvu d’une articulation interne qui lui est propre ; cela est suggéré par l’absence de lignes blanches entre deux laisses et la différence de dimension des espaces vides pour les lettres capitales qui n’ont jamais été exécutées : l’équivalent de quatre lignes pour celle qui concerne la première laisse et deux pour les suivantes.

  • 29 On trouvera la description matérielle la plus complète du codex dans la BEdT. Sur la section non ly (...)
  • 30 Cerullo, « Nota ai testi », art. cit., 813.

12Dans R, la lettre épique est copiée dans la section dénommée « non lyrique » du chansonnier, qui regroupe des textes de diverse nature ‒ épîtres, salutz d’amor, ensenhamens, novas, petits poèmes didactiques, textes religieux en vers et en prose ‒ qui n’ont en commun que l’utilisation d’une forme non strophique. Outre son contenu, la section se différencie également des autres parties du chansonnier par la mise en texte : les compositions sont transcrites un vers par ligne sur plus de deux colonnes et sont organisées en unités de dimensions variées au moyen de marques de paragraphe de couleur rouge et bleu29. L’ordre des textes à l’intérieur de la section semble répondre, selon Speranza Cerullo, à deux critères : le recueil d’auteur et la ressemblance formelle. En particulier, la lettre épique est incluse à la fin d’une sous-section épistolaire qui compile, dans l’ordre, des salutz d’amor d’Arnaut de Maruelh et de Raimon de Miraval et une lettre de Guillem de Berguedà à un ami anonyme sur une question de casuistique amoureuse, suivie de la réponse de celui-ci. À première vue, la cohérence de ce regroupement est compromise par la présence des deux ensenhamens, Razos es e mezura (BdT 30.VI) d’Arnaut de Maruelh et Fadet joglar (BdT 243.7a) de Guiraut de Calanso, copiés l’un à la suite de l’autre. L’insertion de ces deux textes ne semble pourtant pas accidentelle : le premier complète la section d’auteur d’Arnaut ; la forme métrique du second ‒ une alternance de quadrisyllabes et d’octosyllabes ‒ est très semblable à celle du salut attribué à Raimon de Miraval, Dona, la genser c’om demanda (BdT 406.I), qui est transcrit immédiatement après30. De même que Sg, R conserve la lettre épique comme s’il s’agissait un texte formant un tout. En fait, celle-ci est introduite par une seule rubrique attributive et se trouve divisée par trois initiales selon une hiérarchie précise : une capitale enluminée de grande dimension ‒ quatre unités de réglure ‒ correspond à la première laisse, tandis que deux capitales plus petites ‒ deux unités ‒, colorées alternativement de rouge et de bleu, ouvrent les laisses suivantes.

  • 31 Pour la description du ms., on renvoie à la notice du répertoire online BITECA, ms. id. 1136, qui r (...)
  • 32 A. M. Compagna, « Collegamenti fra testi catalani e siciliani fra Tre e Quattrocento », in Jornades (...)

13Le témoin dont le sigle est Cv est un manuscrit de parchemin, peut-être copié à Valence dans la première moitié du XVe siècle et qui a probablement appartenu à la famille de Ramon Muntaner. Il consiste de 206 feuillets et contient dans l’ordre : la Crònica de Muntaner, dont la fin est mutilée à cause de la perte de quatre fascicules (ff. 1-199) ; la conclusion d’un document en prose daté du 31 août 1307, relatif à l’abandon de la Compagnie catalane par Muntaner (f. 200r) ; les Profecies de 1407 d’Anselm Turmeda (Rialc 182.3) en quadrisyllabes en rimes embrassées (ff. 200r-202v) ; la Dispensaçió de la senyora de Moxén (Rialc 0.123), un dialogue en hexasyllabes en rimes embrassées où un chevalier anonyme demande et obtient ‒ comme c’est déclaré dans le texte, en date du 5 mai 1371 ‒ du pape Grégoire XI la dispense nécessaire pour épouser sa cousine (ff. 202v-203v) ; la lettre de Raimbaut de Vaqueiras (ff. 203v-205r) ; le Debat entre Honor et Delit de Jaume March (Rialc 95.1), en octosyllabes en rimes embrassées et composé en 1365 (ff. 205r-206)31. À côté de la Crònica et du document relatif à son auteur, on dirait qu’il se profile dans le codex une micro-section de poésie narrative en noves rimades, dans laquelle la composition de Raimbaut aurait pu être insérée dans un second temps dans un espace qu’on aurait laissé vide32. La bipartition du ms. en deux sections est confirmée également par des éléments codicologiques. La partie renfermant la Crònica présente une foliotation ancienne qui est absente dans le reste du ms. où les folios sont numérotés par une main moderne. La Crònica est copiée à pleine page, elle s’ouvre sur une grande capitale enluminée et se trouve découpée à l’intérieur par des initiales colorées alternativement en bleu et en rouge. Les autres textes, copiés par une main différente, sont disposés sur deux colonnes ou plus et ne présentent pas d’élément décoratif. En particulier, les laisses qui composent l’épître sont précédées d’une rubrique et transcrites une après l’autre, sans ligne d’interruption ; les initiales de laisse sont mises en relief par un pied de mouche ; la dernière laisse est copiée avec une encre plus claire que les deux autres, ce qui incite à croire que la lettre ait été transcrite en plus de temps.

  • 33 V. l’important travail de S. Asperti, « Flamenca e dintorni. Considerazioni sui rapporti fra Occita (...)
  • 34 Sur la présence des compositions de Raimbaut de Vaqueiras dans les manuscrits catalans, le bilan de (...)
  • 35 P. Savj-Lopez, « La lettera epica di Raimbaut de Vaqueiras in un nuovo manoscritto », in Bausteine (...)
  • 36 Comme l’a mis en évidence S. Asperti, « La letteratura catalana medievale », in V. Bertolucci, C. A (...)
  • 37 Sur le Sermó, v. M. Perugi, Il « Sermó » di Ramon Muntaner, Firenze 1975 ; V. Orazi, « Il Sermó nel (...)
  • 38 « [...] dans le sens d’‘aide’ concrète, militaire ou avantageuse », V. Bertolucci, « Conseil : un m (...)

14La présence de la lettre épique dans un manuscrit de ce genre peut s’expliquer par deux facteurs importants interconnectés entre eux : l’intensité de la circulation des œuvres littéraires entre le sud de la France et la Catalogne aux XIVe et XVe siècles33 et la grande faveur que connaissait Raimbaut de Vaqueiras dans la zone catalane dont témoigne surtout la considérable importance que le chansonnier Sg accorde au troubadour34. Paolo Savj-Lopez suggère que la conservation de l’épître pourrait aussi être due à sa ressemblance de forme et de contenu avec une œuvre copiée dans le ms. Cv, le Sermó qui constitue le chapitre 272 de la Crònica de Ramon Muntaner35. Le Sermó est divisé en douze laisses mono-rimes de vingt alexandrins et, de l’aveu même de l’auteur, il était psalmodié sur la mélopée de la chanson de geste Gui de Nanteuil. Ainsi, du point de vue formel, le texte peut être rapproché du genre épique. En ce qui concerne le contenu, le thème prédomi-nant est celui du conseil36: à l’occasion de l’expédition aragonaise en Sardaigne conduite en 1323 par l’Infant Alfonso, Ramon Muntaner adresse au futur souverain une longue série de conseils techniques et stratégiques utiles à la réussite de l’entreprise, en y intercalant, avec des descriptions détaillées, au goût des chroni-queurs, des invocations à la divinité et des séquences de louanges37. On retrouve également ce thème dans la tradition de troubadours, où il peut concerner des questions amoureuses, littéraires ou encore politico-morales. Il est particulièrement cher à Raimbaut de Vaqueiras, qui l’utilise autant dans la production courtoise que dans des compositions d’inspiration politique, comme dans le célèbre sirventés consacré à Baudoin de Flandre Conseil don a l’emperador (BdT 392.9a), ou dans la lettre épique, où le mot est présent « nel senso di ‘aiuto’ concreto, militare o benefico »38. Come l’épître de Raimbaut, le Sermó se sert donc de la forme épique comme véhicule d’une composition poétique polymorphe qui mêle constamment narration de faits d’armes et effusion lyrique. Ces affinités ne suffisent évidemment pas pour supposer une influence éventuelle du premier texte sur le second, mais elles peuvent peut-être contribuer à justifier leur proximité dans Cv.

  • 39 Voici les critères que j’ai adoptés pour la transcription : j’ai résolu les abréviations sans le si (...)

15Dans le ms., la lettre est précédée de la rubrique introductive suivante, que je reproduis dans une transcription interprétative39 :

Lo retraig que feu en Rienbau de Vaqueras al marques de Monferrat per que·l volia matar, ço es per que·s jahia ab madona Betriu germana del dit marques e per aço dejus scrit scapa.

  • 40 P. Savj-Lopez, « La lettera epica », art. cit., 180.
  • 41 Le corpus exégético-biographique élaboré à partir de la production de Raimbaut de Vaqueiras consist (...)
  • 42 Voir à ce sujet les remarques de L. Badia-J. Torró, « El Curial e Güelfa i el « comun llenguatge ca (...)

16Les événements racontés auraient été inspirés, selon Savj-Lopez40, par une razo transmise par le seul ms. R qui sert de commentaire à la chanson Tant an ben dig del marques (BdT 364.47), attribuée par erreur à Raimbaut de Vaqueiras, mais qui en réalité a été composée par Peire Vidal en 1195 à la cour de Montferrat. La razo raconte que Boniface surprit Raimbaut dans l’intimité de sa sœur Beatrice ; une fois qu’il eut reçu son pardon, le poète partit avec le marquis pour l’Orient, où il composa sur l’incident une chanson qu’il envoya à Peire Vidal. Non seulement le récit est un unicum ‒ soit à cause de sa transmission, soit pour son contenu ‒ dans le corpus de la production « biographique » qui accompagne les compositions de Raimbaut de Vaqueiras41, mais il pose aussi un intéressant problème d’attribution : la tradition manuscrite, dans laquelle figure R lui-même, assigne à l’unanimité Tant an ben dig del marques à Peire Vidal qui est curieusement mentionné comme destinataire du texte dans la razo. L’erreur pourrait être causée par le fait qu’on célèbre dans la chanson Boniface Ier de Montferrat, à la cour duquel Peire Vidal a séjourné quelques années, mais qui est surtout lié historiquement à Raimbaut de Vaqueiras. À mon avis, il n’est pas possible d’assurer que la source de la rubrique de Cv soit exactement la razo de R, à cause de divergences entre les deux récits et de la possible polygénèse du thème traité. Il faut toutefois souligner l’importance de ce texte, car il témoigne de la circulation dans la zone catalane de matériaux « biographiques » alternatifs à ceux qui étaient diffusés sur Raimbaut de Vaqueiras42.

17Quelles conclusions peut-on tirer de cette analyse externe de la tradition manuscrite de la lettre épique ? Tous les chansonniers ont correctement compris le caractère non lyrique de la composi-tion, puisqu’ils la placent dans une position liminaire par rapport au reste de la production de Raimbaut. Les mss C E J se carac-térisent par une transmission « fragmentée » de l’épître, car ils transmettent les trois laisses comme des entités distinctes et, dans le cas de E J, ils omettent la dernière. Cette circonstance pourrait provenir du fait que, à l’origine, les trois laisses aient circulé séparément, et que la trace de cette diffusion particulière ne se soit conservée que dans une partie de la tradition. On pourrait en revanche émettre l’hypothèse que les témoins en question ‒ ou leurs antigraphes ‒ aient interprété les laisses comme des textes indépendants l’un de l’autre, en sous-évaluant le projet narratif global du texte, peut-être parce qu’ils conservent exclusivement des poèmes lyriques. Dans R Sg Cv, on a au contraire préservé l’unité et l’organisation interne de l’épître, signe qu’elle a été perçue comme un organisme narratif en même temps uni et complexe. R, en particulier, confère au poème un indubitable statut épistolaire, car il le transmet dans une micro-section spécifique. D’autre part, si la survie de la lettre dans Cv est pour une part à attribuer à ses affinités avec le Sermó de Ramon Muntaner, pour ce témoin on pourra parler d’une réception épico-narrative du texte.

  • 43 V. les notes au texte et les apparats des éditions critiques les plus récents de l’épître : Linskil (...)
  • 44 Pour nous en tenir au domaine de l’épique occitane, Daurel et Beton, Ronsasvals et Roland a Saragos (...)
  • 45 Avalle, I manoscritti, op. cit., 57-59.
  • 46 Linskill, The Poems, op. cit., 336.
  • 47 Les deux adjonctions, sur l’originalité desquelles on a longuement discuté, sont considérées comme (...)

18Ce n’est pas ici le lieu d’une analyse exhaustive de la varia lectio de la lettre, mais je prendrai toutefois en considération des éléments de critique interne utiles pour compléter le tableau esquissé jusqu’ici. La tradition de la lettre est assimilable à celle des chansons de geste à cause de deux phénomènes importants : le mélange des décasyllabes et des alexandrins et les interpo-lations narratives. Le premier phénomène se rencontre surtout dans les rédactions C et J de la seconde laisse : là, les deux mss présentent une séquence compacte d’alexandrins, auxquels s’en ajoutent d’autres seulement transmis par C43. L’alternance des deux mètres dans l’épique est due, on le sait, à l’évolution formelle du genre qui, à un certain moment, commence à employer l’alexandrin à la place du décasyllabe, désormais considéré comme dépassé. Il faut mettre au nombre de ces changements dans le goût du public les nombreux cas de modernisation métrique d’œuvres composées à l’origine en décasyllabes : pour favoriser la nouvelle tendance, les copistes augmentent la mesure des vers de façon fréquemment inconsciente et surtout non systématique, raison pour laquelle il n’est pas rare de rencontrer des œuvres où alternent séquences d’alexandrins et séquences de décasyllabes44. Dans ce cas précis, d’Arco Silvio Avalle impute au prédécesseur de C J le début du remaniement métrique qui aurait été ensuite continué de manière indépendante par le copiste de C45. En revanche, le second phénomène est typique, mais non exclusif, du ms. E, où l’on relève deux amplifications considérables : la première laisse présente à son intérieur cinq vers supplémentaires, la seconde un prolongement d’une dizaine de vers, qui peuvent fournir, selon Joseph Linskill, une conclusion appropriée à la composition à laquelle il manque la laisse de conclusion46. Comme cela arrive souvent dans les cas de macro-variance typiques de la transmission des œuvres narratives, et en particulier celle des chansons de geste, il est difficile de déterminer si ce remaniement doit être imputé à la phase de transmission orale de l’épître ou, plus probablement, au travail du copiste de E ou de son antigraphe47. À côté de ces remaniements particulièrement flagrants, on pourrait en ajouter d’autres ‒ la différence de l’ordre dans lequel sont transmis certains vers, leur suppression ou leur réécriture ‒ qui se retrouvent dans tous les mss et qui sont dus, comme les premiers, à l’emploi par l’auteur d’une forme épique. Comme elle n’est pas sujette aux contraintes du strophisme, l’épître a été soumise à un traitement moins strict par les copistes par rapport à tout ce qu’il arrive d’habitude dans la transmission des textes lyriques.

  • 48 Pour aider le lecteur, je transcris à la suite le premier hémistiche et le petit vers final de chaq (...)
  • 49 Parmi tous les éditeurs de la lettre, seul Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., opte pour un type d (...)
  • 50 Je rappelle que le lien capfinit prévoit qu’un ou plusieurs mots du dernier vers de chaque strophe (...)
  • 51 R : I : valen marques, senher ; II : senher marques, senher ; III : honrat marques, senher.
  • 52 Sg: I: <v>alen marques; II: <v>alen marques; III: <v>alen marques.
  • 53 Cv : I : valent marques, vallen marques ; II : seyen marques, vallen marques ; III : honrat marques(...)

19Il est difficile, en revanche, de rationaliser les variantes relatives au petit vers conclusif. Les mss C E J conservent, certes avec des variations sensibles, le jeu itératif entre le premier hémistiche du vers initial et le petit vers final de chaque laisse48 qui, selon l’interprétation de la majeure partie des éditeurs49, devrait suivre un schéma du type I : x, y ; II : y, y ; III : y, y ‒ où x représente valen marques et y senher marques ‒, c’est-à-dire avec un lien capfinit entre toutes les trois laisses et capdenal uniquement entre les deux dernières50. Le reste de la tradition présente des solutions différentes. Dans le ms. R, par exemple, le petit vers consiste du seul mot senher ; il n’établit pas de lien capfinit avec les laisses suivantes mais sert de simple refrain conclusif51. Cette option formelle semble provenir de la proximité de la lettre dans le ms. avec d’autres textes épistolaires qui s’achèvent par un bioc composé d’un mot unique : dona dans le cas du salut attribué à Raimon de Miraval, Dona la genser c’om demanda (BdT 406.I), senher/senhors dans le cas des épîtres de Guillem de Berguedà et de son ami anonyme, Amicx senher, no·us cal dir ~ De far un jutjamen (BdT 210.I, II). Dans le ms. Sg, le petit vers est absent et les trois laisses présentent exclusivement un lien capdenal, car les différents vers initiaux commencent tous par la même formule, valen marques52. Enfin, dans Cv, le petit vers ne figure qu’en bas des deux premières laisses sous la forme vallen marques, et n’assure pas un lien capfinit mais, comme dans R déjà, assume la fonction de refrain53.

20Il s’agit évidemment d’un point très sensible du texte qui a donné lieu à une prolifération de variantes. La nette bipartition entre la leçon de C E J et celle de R Sg Cv ne semble pas refléter une opposition du type genre lyrique-épistolaire vs. genre épique, car le vers court final peut appartenir à tous deux. Il faut toutefois souligner dans R la forme particulière qu’assume le petit vers ‒ c’est-à-dire une forme qu’on peut assimiler au bioc dissyllabique qui achève de nombreux salutz ‒ semble par la suite vouloir rapprocher davantage la composition de Raimbaut du genre épistolaire, tandis que, dans Sg, sa totale absence, unie à la simila-rité du début des laisses, est peut-être l’indice d’une interprétation narrative du texte.

21Les données relatées jusqu’ici fournissent un tableau assez contrasté de la réception première de la lettre épique. Les mss qui l’ont transmise paraissent mettre en valeur, chacun à sa façon, toutes les composantes littéraires qui concourent à sa structura-tion. Les différents choix d’ordonnance et de mise en texte opérés par les copistes, outre certaines caractéristiques de la varia lectio, accentuent parfois l’aspect épique de la composition, d’autres l’épistolaire, d’autres encore le lyrico-courtois, un peu comme l’ont fait les divers critiques qui s’en sont occupés. Tout cela atteste de l’impossibilité de réduire l’épître à un genre précis, aujourd’hui comme dans la phase de sa transmission.

  • 54 Sur les problèmes relatifs au système des genres de la lyrique des troubadours, v. la contribution (...)
  • 55 Sur la question, v. en dernier P. Di Luca, « Il Roman du Comte de Toulouse : un frammento di chanso (...)
  • 56 V. surtout C. Di Girolamo, « Madonna mia. Una riflessione sui salutz e una nota per Giacomo da Lent (...)
  • 57 « [...] ‘zone de transition’ », Asperti, « Per un ripensamento », art. cit., 88.

22Cette constatation vaut pour de nombreuses compositions des troubadours, qui échappent souvent à une classification définitive dans un système de genres établi à posteriori par les auteurs de traités ou les compilateurs des manuscrits en premier et de la critique ensuite54. Dans ce cas, la situation se complique du fait que les deux pôles d’influence entre lesquels gravite le poème de Raimbaut de Vaqueiras, l’épique et l’épistolaire, sont à leur tour imprégnés d’un évident hybridisme. Une part importante de l’exigu corpus épique occitan, de même que le reste de la production narrative en cette langue, emprunte ses thèmes et des modalités expressives propres à la lyrique55. En ce qui concerne le salut d’amor, l’emploi majoritaire d’une forme narrative au service de contenus purement lyriques en fait un genre mixte ; en outre, sa manifestation textuelle est multiple : le salut peut avoir une existence autonome ou figurer, à la façon d’une insertion, dans d’autres genres, soit lyriques, soit narratifs56. En conciliant des inspirations en elles-mêmes hétérogènes, Raimbaut a inventé une modalité poétique nouvelle qui franchit les frontières de l’épique et de la lyrique pour se situer dans une des nombreuses «‘zone di transizione’»57 de genre de la littérature occitane.

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Bibliografia

Manuscrits

C = Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 856

Cv = Catania, Biblioteca Regionale Universitaria, ms. Vent. 6

E = Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 1749

J = Firenze, Biblioteca Nazionale Centrale, Conventi Soppressi F IV 776

R = Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 22543

Sg = Barcelona, Biblioteca de Catalunya, 146

b1 = Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. Lat. 4087

k = Bologna, Biblioteca Comunale dell’Archiginnasio, B 3467.

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Nòtas

1 La composition a été classée comme « épître » pour la première fois par F. J.-M. Raynouard, Choix de poésies originales des troubadours, 6 vol, Paris 1816-1821, vol. II (1817), 260 : cette définition générique a joui par la suite d’une fortune incontestée auprès de la critique. Pour la datation, cf. V. Crescini, « Ancora delle lettere di Raimbaut de Vaqueiras al Marchese Bonifacio I di Monferrato », Atti e memorie della R. Accademia di Scienze Lettere ed arti in Padova 15 (1898-99), 79-103, 98 : tous les savants suivants ont confirmé qu’on doit considérer le printemps 1205 comme terminus ante quem pour la composition de la lettre.

2 O. Schultz-Gora, Die Briefe des Trobados Raimbaut de Vaqueiras an Bonifaz I, Markgrafen von Monferrat, Halle 1893 (trad. it., d’où viennent les citations, G. Del Noce, Le epistole del trovatore Rambaldo di Vaqueiras al marchese Bonifazio I di Monferrato, Firenze 1898), considère que les trois laisses correspondent à trois lettres différentes, composées à divers moments, tandis que Crescini, « Ancora delle lettere », art. cit., 79 sq., affirme que le poème forme un tout. Les convaincantes conclusions de Crescini ont été généralement admises par la critique, même si, depuis peu, la question a été reprise par G. Caïti-Russo, Les troubadours à la cour des Malaspina, Montpellier 2005, 44, et par G. Tavani, dans un article qui sera bientôt publié ; ils reprennent la thèse de Schultz-Gora en apportant des arguments qui, à mon avis, ne sont pas décisifs.

3 V. Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., 39-44.

4 V. la reconstruction de la mélopée de la lettre proposée par A. Rossell, « Reconstrucción musical de la epístola de Raimbaut de Vaqueiras », Dalla Provenza al Monferrato : percorsi medievali di testi e musiche. Atti del convegno (Roccagrimalda-Ovada, 26-27 giugno 2004), Alessandria 2007, 29-43.

5 À l’inverse, dans l’épique, la fonction du petit vers est très diverse : pour son contenu, le vers court peut se relier soit à la laisse qui le précède, soit à celle qui le suit, tandis que, du point de la forme, il peut anticiper la rime ou l’assonance de la laisse qui le suit, ou bien être répété dans le premier hémistiche du vers qui suit, comme c’est le cas dans la lettre épique. Cette dernière typologie, qui instaure un lien capfinit entre une laisse et l’autre, paraît typique de l’épique occitane, car on la retrouve avec une grande fréquence dans la Canso de la crozada et dans la Guerra de Navarra. Pour une liste mise à jour des travaux sur le petit vers épique, je renvoie à mon article, P. Di Luca, « Salutz d’amour et de geste : analyse du groupe métrique Frank 13 », Revue des langues romanes 114 (2010), 47-63, 59 note 9.

6 Sur les caractéristiques formelles et de contenu du genre du salut, voir en dernier S. Cerullo, « Introduzione », in « Salutz d’amor ». Edizione critica del corpus occitano, a cura di F. Gambino, Roma 2009, 17-159.

7 En réalité, dans le domaine de l’exigu corpus épistolaire occitan, seuls certains salutz présentent des marques précises de genre dérivant de l’ars dictaminis médiéval ; les autres exemplaires montrent « scelte compositive più libere, che potrebbero pertanto rientrare nell’ambito di una più generica poesia d’invio» « des choix de composition plus libres, qui pourraient donc entrer dans le domaine d’une poésie de correspondance », Cerullo, « Introduzione », art. cit., 38-39 note 50.

8 Voir l’édition de G. Gouiran, L’amour et la guerre. L’œuvre de Bertran de Born, Aix-en-Provence 1985, 671, qui maintenant peut aussi se lire dans Rialto avec le commentaire historique de L. Paterson. Les incipit des compositions des troubadours sont cités d’après les éditions utilisées de la COM 2).

9 « [...] qui rappelle immédiatement, tant par le nombre de syllabes que par la position des accents, la formule qui commence et achève les trois laisses de la lettre à Boniface », V. Bertolucci, « Posizione e significato del canzoniere di Raimbaut de Vaqueiras nella storia della poesia provenzale », Studi mediolatini e volgari 11 (1963), 9-68, puis in Ead., Studi trobadorici, Pisa 2009, 7-52, d’où vient la citation, 18.

10 Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., 46-54.

11 Ici et ailleurs les citations proviennent de l’édition de J. Linskill, The Poems of The Troubadour Raimbaut de Vaqueiras, The Hague 1964, 301-344.

12 « cadre panégyrique », Bertolucci, « Posizione e significato », art. cit., 41.

13 « [...] l’habitude du discours à la première personne, caractéristique du sirventés, s’était insinué dans le rigide compte rendu à la troisième personne de la geste épique », Bertolucci, « Posizione e significato », art. cit., 39.

14 « [...] les actions personnelles d’un chevalier-jongleur récent, sans titre à l’origine, viennent à se placer au même niveau que la geste du noble Boniface et, comme celle-ci, sont dignes d’être chantés ; et l’immortalité que le poète assure avec une telle conscience à cette dernière se reflète également sur les premiers », Bertolucci, « Posizione e significato », art. cit., 39.

15 « [...] se vante de son service d’amour, dans le cas où il est peu apprécié et mal récompensé, [pour demander] davantage à sa dame », C. Di Girolamo, « L’angelo dell’alba. Una rilettura di Reis Glorios », Cultura neolatina 69 (2009), 59-90, 73.

16 Comme le fait noter C. Lee, La soggettività nel Medioevo, Manziana 2006, 41.

17 Bien qu’il ne soit pas possible d’assurer la veracité d’expériences personnelles évoquées par Raimbaut, la critique a toujours accordé la valeur d’un document à la lettre : pour l’exégèse des très nombreuses références historiques, on renvoie aux excellents commentaires de Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., 1-17 et 75-142 ; V. Crescini, « Rambaut de Vaqueiras et le marquis Boniface Ier de Montferrat (nouvelles observations) », Annales du Midi 11 (1899), 417-438, 12 (1900), 433-474, 13 (1901), 41-59; Id., « Ancora delle lettere », art. cit. ; V. De Bartholomaeis, Poesie provenzali storiche relative all’Italia, 2 vol., Roma 1931, vol. I, 125-147 ; R. Lo Cascio, « L’itinerario di guerra di Rambaldo di Vaqueiras in Sicilia », Bollettino del Centro di studi filologici e linguistici siciliani 5 (1957), 117-151 ; Linskill, The Poems, op. cit., 301-344.

18 Certains troubadours ont employé la forme épique avec une fonction dialogique ou épistolaire : je pense aux échanges de laisses monorimes entre Peire Bremon Ricas Novas et Gui de Cavaillon ‒ Un vers voill comenzar el son de meser Gui ~ Avetz auzit q’en Ricas Novas ditz de mi (BdT 330.20 = 192.1) ‒, et entre celui-ci et Bertran Folco d’Avignon ‒ Doas coblas farai en aqest son ~ Ja no creirai d’en Gui de Cavaillon (BdT 192.2 = 83.2) ‒ dans lesquels les interlocuteurs s’insultent mutuellement pour des motifs personnels ou politiques. D’autres encore ont combiné, dans des compositions de tons différents, la mesure fixe de la cobla avec le mètre et la sorte de rimes typiques de la laisse épique, déclarant dans quelques cas qu’ils avaient réemployé les mélopées de chansons de geste fameuses. Sur ces textes, dans lesquels il n’est pas toujours possible ou opportun de retrouver la trace de l’enseignement de Raimbaut de Vaqueiras, je renvoie à mes travaux : P. Di Luca, « Épopée et poésie lyrique : de quelques contrafacta occitans sur le son de chansons de geste », Revue des langues romanes 112 (2008), 33-60, « Falquet de Romans, Ma bella dompna, per vos dei esser gais (BdT 156.8) », Lecturae tropatorum 3 (2010), « Salutz d’amour et de geste », art. cit. D’autre part, l’influence de la lettre épique semble indéniable sur le sonnet de Paolo Lanfranchi da Pistoia Valenz senher, reis dels Aragones (BdT 317.1) à cause de la reprise de l’incipit et de certains mots rimes : v. C. Mascitelli, « Il sonetto provenzale di Paolo Lanfranchi tra Raimbaut de Vaqueiras e la corte d’Aragona », Carte romanze 3 (2015), 127-156, 144. En revanche, il faudrait approfondir le lien éventuel existant entre la lettre et le Roi de Sicile d’Adam de la Halle, composé lui aussi en laisses à mesure fixe d’alexandrins monorimes et ayant une intention identique de captatio benevolentiae : v. C. Mascitelli, « Il Roi de Sicile di Adam de la Halle : una nuova proposta di datazione e localizzazione », Carte romanze 2 (2014), 103-131, 108.

19 V. G. Larghi, « Citations épiques et politique en Monferrato », in Aspects de l’épopée romane : mentalités, idéologies, intertextualités, éd. par H. van Dijk et W. Noomen, Groningen 1995, 383-389.

20 Pour ne rester que dans le domaine du mélange entre poésies lyrique et épique, on ne peut pas oublier, outre la lettre, le Garlambey (BdT 392.14) et le Carros (BdT 392.32), dans lesquels la description du développement d’un tournoi allégorique vise soit à la satire, soit à la louange de personnages nobles. La première composition est psalmodiée, en outre, sur la mélopée du Girart de Roussillon : v., en dernier, Di Luca, « Épopée et poésie lyrique », art. cit., 35.

21 Dans les traités de poétique occitane, qui représentent un canal de réception contemporain de la transmission manuscrite, la lettre, de même que nombre d’autres genres non lyriques, n’a pas été analysée, vu qu’elle était d’une forme exentrique par rapport à la production lyrique sur laquelle ces traités se focalisaient.

22 Sur la tradition du texte, je renvoie à la notice bibliographique de la BEdT, s.n. 392, III. On n’a pas encore élaboré de classification définitive des mss de l’épître. Le stemma proposé par d’A. S. Avalle, I manoscritti della letteratura in lingua d’oc, nouvelle édition, L. Leonardi, Turin 1993, 57-58, qui présente une bipartition en deux familles (d’un côté C J et E R, de l’autre Sg Cv, avec contamination entre les deux groupes), a été mis en doute par des travaux récents : v. Caïti-Russo, Les troubadours, 44-46, et C. Menichetti, Il canzoniere provenzale E (Paris, BNF, fr. 1749), Strasbourg 2015, 429-434, qui identifie une tradition bipartite dans deux sous-archétypes, C J et R Sg Cv, avec E en position intemédiaire.

23 « C’est au choix de ce milieu seigneurial en faveur d’une poésie courtisane aux canons générico-formels précis dominés par un esprit d’harmonie, d’uniformité et de reproductibilité, qu’il faudra donc attribuer la responsabilité des exclusions les plus spectaculaires : le Carros, le descort plurilingue, les laisses épiques », F. Saviotti, « Il viaggio del poeta e il viaggio del testo : per un approccio geografico a Raimbaut de Vaqueiras e alla sua tradizione manoscritta », Moderna 10 (2008), 43-59, 54.

24 « semble avoir anticipé d’une unité la section de Raimbaut de Vaqueiras, destinée à s’ouvrir avec le salut », dans l’espace où « devait s’achever la section de l’autre Raimbaut », C. Di Girolamo, «Raimbaut d’Aurenga (?), ... [nu]ils hom tan ... [n]on amet (BdT 392.26a) », Lecturae tropatorum 2 (2009), 7. Le premier à formuler cette hypothèse a été Linskill, The Poems, op. cit., 43 sq. Sur la question, v. également L. Milone, «Si co·l leos vol la forest: Raimbaut d’Aurenga ... [nu]ils hom tan ... [n]on amet (BdT 392, 26a) », in Metafora medievale. Il « libro degli amici » di Mario Mancini, a cura di C. Donà, M. Infurna, F. Zambon, Roma 2011, 236-274, et Menichetti, Il canzoniere provenzale, op. cit., 426-427.

25 « […] semble être due à la volonté de connoter dans un sens ‘guerrier’, ou en tout cas ‘non courtois’, la production du troubadour ; ce n’est pas un hasard si l’épître épique est suivie de très près par deux poèmes […] qui s’ouvrent sur des images guerrières », Menichetti, Il canzoniere provenzale, op. cit., 427. Les poèmes auxquels se réfèrent la savante sont « Ges, si tot ma don’et amors » (BdT 392.17) et « Eissamen ai gerreiat ab amor » (BdT 392.13) qui dans le ms. se trouvent donc séparés de la lettre épique par la chanson « Ar vei bru, escur, trebol cel » (BdT 392.5). Cette dernière est attribuée par C E à Raimbaut de Vaqueiras, par N N2 R, ainsi que par l’index de C, à Raimbaut d’Aurenga, auquel la critique s’accorde pour l’assigner. Dans la section d’auteur de Raimbaut de Vaqueiras, la lettre est donc copiée entre deux poèmes dont les attributions sont fausses.

26 Pour la description matérielle du ms. C, je renvoie à A. Radaelli, « Intavulare ». Tavole di canzonieri romanzi / Tables des chansonniers romans (serie coordinata da A. Ferrari). I. Canzonieri provenzali. 7. Paris, Bibliothèque nationale de France, C (fr. 856), Modena 2005, et M. León-Gómez, El cançoner C (Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 856), Firenze 2012 ; pour celle de J à E. Zimei, « Intavulare ». Tavole di canzonieri romanzi / Tables de chansonniers romans (serie coordinata da A. Ferrari). I. Canzonieri provenzali. 8. Firenze, Biblioteca nazionale centrale, J (Conventi soppressi F 4 776), Modena 2006 ; pour celle de E à Menichetti, Il canzoniere provenzale, op. cit.

27 V. S. Ventura, « Intavulare ». Tavole di canzonieri romanzi / Tables des chansonniers romans (serie coordinata da A. Ferrari). I. Canzonieri provenzali. 10. Barcelona, Biblioteca de Catalunya, Sg (146), Modena 2006, 59, mais v. également les 58-69. Pour la description du chansonnier, outre le volume de Ventura, v. M. Cabré-S. Martí, « Le Chansonnier Sg au carrefour Occitano-Catalan », Romania 128 (2010), 92-134. Pour la section d’auteur consacrée à Raimbaut de Vaqueiras, voir aussi G. Tavani, « Raimbaut de Vaqueiras secondo Sg », Rivista di studi testuali 10-12 (2008-2010), 267-292, et id., « Inserti abusivi e attribuzioni indifendibili. Spigolando tra gli unica del canzoniere provenzale Sg », Lecturae tropatorum 8 (2015).

28 Là-dessus, v. Ventura, « Intavulare », op. cit., 38-40 ; Cabré- Martí, « Le Chansonnier Sg », art. cit., 101-105.

29 On trouvera la description matérielle la plus complète du codex dans la BEdT. Sur la section non lyrique, v. G. Brunel-Lobrichon, « L’iconographie du chansonnier provençal R. Essai d’interprétation », in Lyrique romane médiévale : la tradition des chansonniers. Actes du Colloque de Liège, 1989, éd. par M. Tyssens, Liège 1991, 245-272, 250-254 ; F. Zufferey, « La partie non-lyrique du chansonnier d’Urfé », Revue des langues romanes 98 (1994), 1-29 ; S. Cerullo, « Nota ai testi », in « Salutz d’amor », op. cit., 795-822, 810-814 ; avec une attention particulière aux Novas del heretje, M. Raguin, « Las Novas del heretje : remarques sur la tradition manuscrite et éditoriale », Cultura neolatina 74 (2014), 65-93.

30 Cerullo, « Nota ai testi », art. cit., 813.

31 Pour la description du ms., on renvoie à la notice du répertoire online BITECA, ms. id. 1136, qui répertorie aussi une grande partie de la bibliographie antérieure sur le codex et sur les œuvres qui y sont contenues. Sur les textes catalans en vers copiés dans Cv, v. au moins A. Raimondi, « Relazioni fra Sicilia e Catalogna. Un’antologia di rime catalane in un ms. ventimiliano (Le Profecies di Turmeda ; la Dispensaçio e il Debat de J. March) », Archivio storico per la Sicilia Orientale 11 (1914), 231-258 ; M. de Riquer, Història de la literatura catalana. Part Antiga, 4 vol., Barcelona 1964, vol. II, 230-233.

32 A. M. Compagna, « Collegamenti fra testi catalani e siciliani fra Tre e Quattrocento », in Jornades de catalanística a Praga, Andorra 2007, 87-97, 97.

33 V. l’important travail de S. Asperti, « Flamenca e dintorni. Considerazioni sui rapporti fra Occitania e Catalogna nel XIV secolo », Cultura neolatina 45 (1985), 59-103.

34 Sur la présence des compositions de Raimbaut de Vaqueiras dans les manuscrits catalans, le bilan de J. Massó i Torrents, « Riambau de Vaqueres en els cançoners catalans », Anuari de l’Institut d’Estudis Catalans 1 (1907), 414-462, reste fondamental. Sur la circulation de ses œuvres en Catalogne, on renvoie aux récents commentaires de Saviotti, « Il viaggio del poeta », art. cit., 54-59, et Mascitelli, « Il sonetto provenzale », art. cit., 145-149, outre les références déjà citées infra à la note 27.

35 P. Savj-Lopez, « La lettera epica di Raimbaut de Vaqueiras in un nuovo manoscritto », in Bausteine zur romanischen Philologie. Festgabe für Adolfo Mussafia, Halle 1905, 177-192, 177.

36 Comme l’a mis en évidence S. Asperti, « La letteratura catalana medievale », in V. Bertolucci, C. Alvar, S. Asperti, L’area iberica, Roma-Bari 1999, 325-408, 388.

37 Sur le Sermó, v. M. Perugi, Il « Sermó » di Ramon Muntaner, Firenze 1975 ; V. Orazi, « Il Sermó nella Crònica di Ramon Muntaner : la confluenza della voce dell’individuo nell’espressione corale di un popolo », in La Sardegna e la presenza catalana nel Mediterraneo. Atti del VI Congresso dell’Associazione Italiana di Studi Catalani (Cagliari 11-15 ottobre 1995), a cura di P. Maninchedda, 2 vol., Cagliari 1998, vol. I. 406-418.

38 « [...] dans le sens d’‘aide’ concrète, militaire ou avantageuse », V. Bertolucci, « Conseil : un motivo / tema nella poesia dei trovatori », in 800 anys desprès de Muret. Els trobadors i les relaciones catalano-occitanes, eds. V. Beltran, T. Martínez, I. Capdevila, Barcelona 2014, 75-99, 84. Sur la presence du thème dans les poésies lyriques courtoises de Raimbaut de Vaqueiras, v. également F. Lecoy, « Note sur le troubadour Raimbaut de Vaqueiras », in Études romanes dédiées à Mario Roques, Paris 1946, 23-38, qui parle d’un cycle du conseil, et F. Saviotti, « Raimbaut de Vaqueiras, Era·m requier sa costum’e son us (BdT 392.2) », Lecturae tropatorum 6 (2013).

39 Voici les critères que j’ai adoptés pour la transcription : j’ai résolu les abréviations sans le signaler, j’ai séparé les mots, j’ai distingué u/v et i/j et j’ai introduit les majuscules selon les conventions modernes. On pourrait comprendre ainsi la rubrique : « Le récit que fit sire Raimbaut de Vaqueiras au marquis, car celui-ci voulait le tuer, parce qu’il couchait avec madame Béatrice, la sœur dudit marquis, et il s’échappa pour les raisons écrites ci-dessous ».

40 P. Savj-Lopez, « La lettera epica », art. cit., 180.

41 Le corpus exégético-biographique élaboré à partir de la production de Raimbaut de Vaqueiras consiste d’une vida transmise dans deux rédactions, dont la seconde englobe aussi le commentaire de « Ja non cujei vezer » (BdT 392.20) et « No m’agrad’iverns ni pascors » (BdT 392.24), et deux razos, en plus de celle qui est ici en question, relatives à « Kalenda maia » (BdT 392.9) et « Era·m requier sa costum’e son us » (BdT 392.2) : v. l’édition de J. Boutière et A. H. Schutz, Biographies des troubadours. Textes provençaux des XIIIe et XIVe siècles, Paris 19642. En ce qui concerne le thème traité dans la razo de R, selon M. L. Meneghetti, Il pubblico dei trovatori, Torino 1992, 200 note 82, il « denuncia anche troppo apertamente il suo debito letterario nei confronti dell’analoga avventura del Tristan di Béroul », « révèle aussi trop ouvertement sa dette littéraire envers l’aventure analogue du Tristan de Béroul ».

42 Voir à ce sujet les remarques de L. Badia-J. Torró, « El Curial e Güelfa i el « comun llenguatge català » », Cultura neolatina 74 (2014), 203-245, 209-210.

43 V. les notes au texte et les apparats des éditions critiques les plus récents de l’épître : Linskill, The Poems, op. cit., 301-344 ; Caïti-Russo, Les troubadours, op. cit., 43-70.

44 Pour nous en tenir au domaine de l’épique occitane, Daurel et Beton, Ronsasvals et Roland a Saragossa présentent aussi la même alternance métrique : v. C. Lee, « Daurel e Beton : tra modelli francesi e ideologia occitana », in Codici, testi, interpretazioni : studi sull’epica romanza medievale, a cura di P. Di Luca et D. Piacentino, Napoli 2015, 127-140, 128.

45 Avalle, I manoscritti, op. cit., 57-59.

46 Linskill, The Poems, op. cit., 336.

47 Les deux adjonctions, sur l’originalité desquelles on a longuement discuté, sont considérées comme apocryphes par la majorité des éditeurs : v. Menichetti, Il canzoniere provenzale, op. cit., 433-434. Sur le concept de macrovariance et sur ses possibles causes, v. A. Varvaro, « Élaboration des textes et modalités du récit dans la littérature française médiévale », Romania 119 (2001), 1-75, ensuite in id.Identità linguistiche e letterarie nell’Europa romanza, Roma 2004, 283-355.

48 Pour aider le lecteur, je transcris à la suite le premier hémistiche et le petit vers final de chaque laisse dans la graphie des différents manuscrits. C: I: valen marques, senher marques; II: valen marques, senher marques; III: senher marques, senher marques. E: I: valen marques, senher marques; II: senher marques, valen marques. J: I: valen marques, senher marques; II: valen marques, senher marques.

49 Parmi tous les éditeurs de la lettre, seul Schultz-Gora, Le epistole, op. cit., opte pour un type différent de connexion entre les laisses : I : senher marques, senher marques ; II : valen marques, senher marques ; III : valen marques, senher marques.

50 Je rappelle que le lien capfinit prévoit qu’un ou plusieurs mots du dernier vers de chaque strophe (ou laisse) sera répété, à l’identique ou avec variation, dans le premier vers de la strophe suivante ; le lien capdenal prévoit une analogie formelle entre les premiers vers de chaque strophe (ou laisse) : v. A. Radaelli, « Glossario di terminologia metrica e retorica », L. Lazzerini, Letteratura medievale in lingua d’oc, Modena 2001, 273-278, s.v. cobla.

51 R : I : valen marques, senher ; II : senher marques, senher ; III : honrat marques, senher.

52 Sg: I: <v>alen marques; II: <v>alen marques; III: <v>alen marques.

53 Cv : I : valent marques, vallen marques ; II : seyen marques, vallen marques ; III : honrat marques.

54 Sur les problèmes relatifs au système des genres de la lyrique des troubadours, v. la contribution récente de S. Asperti, « Per un ripensamento della ‘teoria dei generi lirici’ in antico provenzale», Studi mediolatini e volgari, 59 (2013), 67-107.

55 Sur la question, v. en dernier P. Di Luca, « Il Roman du Comte de Toulouse : un frammento di chanson de geste occitana ? », Quaderni di filologia e lingue romanze, 29 (2014), 7-36.

56 V. surtout C. Di Girolamo, « Madonna mia. Una riflessione sui salutz e una nota per Giacomo da Lentini », Cultura neolatina, 66 (2006), 411-422.

57 « [...] ‘zone de transition’ », Asperti, « Per un ripensamento », art. cit., 88.

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Paolo Di Luca, «La réception de la lettre épique de Raimbaut de Vaqueiras dans sa tradition manuscrite»Revue des langues romanes, Tome CXXI N°1 | 2017, 43-68.

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Paolo Di Luca, «La réception de la lettre épique de Raimbaut de Vaqueiras dans sa tradition manuscrite»Revue des langues romanes [En linha], Tome CXXI N°1 | 2017, mes en linha lo 01 avril 2018, consultat lo 03 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/283; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.283

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Paolo Di Luca

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