1On sait que les débats portant sur l’orthographe de la langue d’oc, s’ils ne préoccupent guère les locuteurs, ont tenu et tiennent encore une place considérable dans l’histoire des mouvements renaissantistes (voir Kremnitz 1974 pour une synthèse). Une lettre et une étude (Ensaj d’unificacion grafica) de Jean Boudou, lettre et étude toutes deux inédites, rédigées en langue d’oc et adressées à son maître Henri Mouly, permettent d’appréhender la position qui était celle de l’auteur de la Santa Estèla dans le débat orthographique, vers 1950. Il nous a donc semblé utile de publier ces documents qui marquent une étape dans l’itinéraire orthographique de Boudou, mais qui éclairent aussi, pensons-nous, certains aspects de sa personnalité et de sa posture littéraires. L’édition de la lettre (§ 1) et celle de l’Ensaj (§ 2) sont précédées d’une introduction (§ 0) qui esquisse le contexte, décrit le manuscrit et explicite les conventions d’édition ; elles sont suivies d’un glossaire (§ 3) et d’un relevé alphabétique des noms propres (§ 4).
- 1 Dans l’édition de 1986, la « graphie » semble rigoureusement alibertine. Il en va de même dans tou (...)
2À feuilleter la correspondance adressée à Mouly, on peut constater que les préoccupations de Boudou quant à l’orthographe de la langue d’oc sont présentes dès le début des relations entre les deux écrivains. Le 10 avril 1941 (« joùs sant »), Boudou écrit dans sa seconde lettre à Mouly : « Ai reçachuda vòstra letra e vos respondi, mas garantissi pas la grafia coma dison »1 (Bodon 1986, 28). Le 8 janvier 1946, la question de l’orthographe est évoquée à propos du recueil manuscrit Frescor de Viaur. On apprend que Boudou a appliqué le système de Salvat : « Me disètz pas se la grafia de Frescor de Viaur es un pauc coma cal. Me soi fisat a la gramatica de J. Salvat. Mas me pòdi èsser trompat mai d’un còp » (Bodon 1986, 89). Quelques jours plus tard (26 janvier 1946), à propos du même recueil qu’il a recopié en y apportant, semble-t-il, des améliorations orthographiques, Boudou écrit : « Benlèu encara la grafia es pas de las melhoras… / […] / Tot aquò per dire que me sentissi pas dels pus ferrats dins tot aquel trabalh » (Bodon 1986, 90). Dans une lettre du 28 octobre 1948, la question est posée de la coexistence des systèmes de Salvat et d’Alibert, et un certain désarroi se fait jour sous l’effet des vues agnostiques de l’archiviste de l’Aveyron Jacques Bosquet, « un òme que se coneis e qu’estúdia totas la vièlhas “chartes” en lenga d’òc » : « Sus la grafia i me coneissi de mens en mens. […] [Bosquet] nos diguèt qu’èra impossible de conéisser la vertadièira grafia d’aquela lenga. La vertat es pas ni amb Alibert, ni amb Salvat. Totes dos an de bonas causas mas encara degun a pas trobat lo biais vertadièr » (Bodon 1986, 110-111).
- 2 Bien que, le 9 juillet, Mouly ne l’ait pas encore prévenu de la tenue de ce stage (Bodon 1986, 119 (...)
- 3 Une photocopie de cette lettre nous a été aimablement communiquée par M. Philippe Carbone, qui vou (...)
- 4 Document aimablement communiqué en photocopie par M. Philippe Carbone, et conservé, ainsi que 17 a (...)
3Du 17 au 20 juillet 1951, Boudou participa au premier stage pédagogique de l’Institut d’estudis occitans (IEO), organisé au lycée Foch de Rodez2. « La motivation pratique » de cette rencontre était précisément « le dépassement, en réponse au vote récent de la loi Deixonne, de la disparité graphique qui opposait la leçon de Louis Alibert à la tradition d’Antonin Perbosc », et l’on y discuta « de z et de ç » (Lafont 1988, 6). À la suite de ce stage, Boudou entra en correspondance avec Robert Lafont, alors secrétaire général de l’IEO (« que èra a Rodés, cresi », écrit Boudou). Le 30 novembre 1951, il écrit à Mouly : « Disi pas que l’I.E.O. aja pas rason mas lor gramatica es pro rebeluda. De qué ne pensatz, vos ? » (Bodon 1986, 124). Dans une lettre du 26 novembre 1951 (Bodon 1986, 124-127), Lafont avait en effet répondu aux « demandes d’explications » de Boudou, notamment sur les points d’orthographe qui préoccupaient ce dernier (b - v et l’emploi de s, c, ç ; voir ci-dessous § 2.2.). Lafont plaidait la cause alibertine en compensant l’ignorance boudounienne du grec et du latin par « quauqui “points de repère” » pratiques. En 1952, le désarroi de Boudou ne paraît pourtant pas dissipé si l’on en juge par une lettre du 8 avril adressée à l’autre “parti orthographique”, ses « Cars amics del colètge d’Occitania » : « Ara vos dirai que per la grafia sabi pas ont me virar. Ai la primièra gramatica del majoral abat (o canonge cresi d’uèi). / Mas sul gai saber se parla d’una seconda edicion. Vos mandi aquì l’argent per que la me faguetz tener per pòsta3 ». Cet embarras sera soldé par un retour à l’orthographe mistralienne, suivi lui-même d’un retour à l’orthographe de Salvat, si l’on en croit une lettre de Boudou à Salvat, lettre datée du 29 avril 1952 : « Dins lo roman [certainement La grava sul camin ; voir Bodon 1986, 137, n. 1] que vos mandi benlèu i aurià de tròces que podrian convenir. Mas quand los escriuguèri èri perdut. Eri empoisonat per las istòrias de grafia. N’aviai un cofle e èri tornat a la grafia del Felibrige. Ara reconeissi qu’aguèri tòrt. S’aviàs a Tolosa qualques escolans vòstres que volguesson ne revirar en grafia regulara qualquas pajadas pel Gai Saber lo podriatz fisar mos cahièrs (o quaserns coma dison a l’I.E.O…)4 ».
4La conclusion pratique que Boudou tire en tant qu’écrivain est invariable. Il abandonne de bon cœur à d’autres le soin de gérer le signifiant graphique de ses œuvres littéraires. Concrètement, durant la période considérée : Frescor de Viaur à Mouly (« En tot cas arrengatz-o pel melhor » ; lettre du 26 janvier 1946, Bodon 1986, 90) et les pages de La grava aux escolans de Salvat. Sur ce point, Boudou paraît bien n’avoir jamais varié d’attitude tout au long de sa vie d’auteur.
5La lettre et l’Ensaj éclairent, nous semble-t-il, sur les positions de Boudou vis-à-vis de la codification graphique de l’occitan. L’auteur ne choisit à aucun moment de présenter la graphie comme le marqueur d’une idéologie ou d’une esthétique littéraire particulières. Les deux systèmes évoqués, les systèmes salvatien et alibertin, sont considérés d’un point de vue théorique. Conformément aux débats grammaticaux de l’époque, l’auteur les juge en fonction de deux critères [I, 16-20] : l’écart qu’ils instaurent par rapport à la tradition médiévale et le respect de l’étymologie latine.
6Si les propositions orthographiques de Boudou relèvent, dans l’ensemble, de la normalisation salvatienne, l’auteur n’est cependant pas prêt à attribuer à cette tendance une quelconque supériorité sur le standard alibertin. Selon Boudou, le travail des deux grammairiens est d’égale valeur [II, 16-17]. Peut-être parce que, comme il le suggère ironiquement dans sa lettre par le qualificatif « savants » [I, 22], il n’est question que d’érudition.
7Le point de vue que Boudou porte sur la normalisation de l’occitan est avant tout critique. L’auteur reproche au rapport de Mouly de mai 1950 son dogmatisme et use de sarcasme en disant qu’il est un « sermon » [I, 3]. Une normalisation complète de la langue occitane lui semble, par ailleurs, impossible [I, 8-9, II, 6,7, 74, 88, 133], et l’Ensaj n’aborde que cinq questions orthographiques, qui constituent des points de dissension entre les codifications de Salvat et d’Alibert.
8Boudou ne cherche pas à formuler une pensée grammaticale et orthographique conçue comme un système fixe, préexistant au discours (notamment littéraire) et auquel le locuteur/scripteur, quel que soit son parler, devrait se conformer [II, 153-157]. Ce qu’il recherche ce sont des conventions graphiques permettant la transmission et la compréhension du texte écrit occitan [II, 33]. Boudou ne considère donc l’orthographe que comme un support à la lecture [II, 11, 103-105, 110-111, 151-152].
9Les documents que nous éditons sont deux autographes de Boudou ayant fait l’objet d’un même envoi postal à Mouly : une lettre accompagnée d’une étude, Ensaj d’unificacion grafica. Les deux manuscrits sont conservés aux Archives départementales de l’Aveyron, dans le fonds Henri Mouly. Bien que la majeure partie des lettres de Boudou adressées à Mouly soient classées aux Archives sous la cote 100 J 4, ces manuscrits sont inclus au dossier 100 J 82, dossier relevant d’un second versement et intitulé par le conservateur « Correspondants ».
10La lettre est écrite sur un papier à l’origine blanc, à carreaux Seyes d’environ 8 mm x 8 mm, et dont les lignes et les interlignes sont de couleur bleue. Le papier présente, sur le côté gauche de chacune des pages, une marge rose. La lettre est écrite sur un folio unique, d’un format de 170 mm x 220 mm, arraché avec peu de soin à un cahier de mêmes dimensions : la coupe, correspondant au côté gauche du recto, est très irrégulière. L’Ensaj est rédigé sur un papier en tout point identique, provenant sans nul doute du même cahier. Il se compose de deux feuillets doubles (un feuillet double, plié en deux dans le sens de la largeur, présente quatre pages). Ces feuillets ont été extraits au centre du cahier : nous observons en effet, le long de leur pli médian, des marques de perforation, causées par des agrafes. La lettre et l’Ensaj sont écrits de la même encre ; celle-ci est aujourd’hui violette. Nous ignorons si cette couleur est originelle ou s’il convient de l’attribuer à une détérioration des pigments au cours des années.
11La lettre et l’Ensaj ont été pliés en quatre, une première fois dans le sens de la largeur, une seconde fois dans le sens de la hauteur, afin de faciliter leur envoi postal. Ils sont accompagnés de leur enveloppe, d’un format de 88 mm x 125 mm. Le cachet de la poste est difficilement discernable dans le détail, seule la lecture du jour, « 5 », est assurée. Nous pensons ensuite reconnaître un « 6 » ou un « 8 », qui indiqueraient que la lettre a été envoyée, soit au mois de juin, soit au mois d’août ; l’année est vraisemblablement à lire « 1950 ».
12À en juger par certaines corrections (voir ci-dessous § 1.3. dans l’apparat), la lettre semble avoir été écrite d’un premier jet. L’Ensaj, au contraire, nous paraît être une copie : à la ligne [103], en début d’alinéa, les mots biffés, « Duscas que », sont une anticipation de l’alinéa suivant [106].
13Le document a connu deux interventions de la part du destinataire : Mouly a porté, sur la lettre, le millésime, « 1950 » ; il a également écrit, au dos de l’enveloppe, « Raporp [sic] de Toloza ». Cette indication semble faire référence au rapport sur l’enseignement de la langue d’oc à l’école primaire, présenté par Mouly le 29 mai 1950 à Toulouse, au cours des festivités de la Sainte-Estelle (voir ci-dessous § 1.1.).
14Convaincus que nous sommes qu’il est temps que les bonnes pratiques philologiques se fassent, dans les études boudouniennes, une petite place au grand soleil de la farlabica, nous avons bien entendu respecté l’orthographe et la langue de Boudou, sans suivre l’exemple donné par les éditeurs anonymes de la correspondance Boudou-Mouly (Bodon 1986, 16 : « La grafia l’avèm normalizada »). Nous avons restauré, entre chevrons, quelques signes de ponctuation, mais seulement quand ces interventions nous ont semblé rigoureusement indispensables. Nous avons indiqué, entre crochets, la numérotation des lignes et, entre barres obliques, la pagination. La mise en page tente de rendre compte de celle des documents originaux. Dans l’édition de l’Ensaj d’unificacion grafica (§ 2) nous avons pensé que l’emploi du gras dans les intertitres soulignés par l’auteur permettait une meilleure structuration visuelle du texte. Les passages soulignés d’un trait par Boudou sont édités en italique ; ceux soulignés de deux traits, en petites capitales. Les apparats relèvent les leçons du manuscrit.
15Cette courte lettre (un peu plus de 200 mots) n’a pas été recueillie dans la précieuse, mais peu philologique correspondance procurée anonymement (Bodon 1986).
16Les lettres de Boudou à Mouly ne sont pas toujours exactement datées : « a divèrsas epòcas, Bodon aviá omesa l’annada dins sa datacion » (Bodon 1986, 15). De fait, la date de temps de la lettre que nous éditons ci-dessous comporte une difficulté. Le millésime « 1950 » a été ajouté, légèrement au-dessus de la ligne, par une autre main, certainement celle de Mouly.
- 5 Mouly n’en était pas à son coup d’essai. Déjà du temps de Vichy (11-12 avril 1942) il avait présen (...)
- 6 M. Philippe Carbone nous a aimablement procuré une photocopie de cette lettre. — Boudou put en tou (...)
17La lettre de Boudou commence par évoquer « vòstre prezic de la facultat » [3]. Or, Mouly n’a eu que rarement l’occasion de prendre la parole dans une université. Le syntagme ne peut donc guère référer qu’au rapport sur l’enseignement de la langue d’oc à l’école primaire que le majoral présenta le lundi 29 mai 1950 dans le cadre des festivités de la Sainte-Estelle (27-30 mai 1950, durant le week-end de Pentecôte), devant le « Congrès de culture occitane » réuni à la Faculté des Lettres de Toulouse, à l’Amphithéâtre Marsan, sous la présidence du recteur Dottin5 (Mècle 1950, 188). Mouly indiquait en effet dans ce rapport qu’il convenait de « préparer des manuels […] en unifiant la graphie. Et son rapport se termine par un appel à tous les félibres pour cette unification » (Mècle 1950, 188). La question de l’unification orthographique ainsi soulevée par Mouly suscita des interventions de l’abbé Georges (« demand[ant] des précisions sur l’orthographe unique demandée par M. Mouly »), de Gineste, de Castres (« v[oulant] qu’on s’entende sur la graphie »), et de Jean Séguy qui « fait remarquer que, si on entreprend le chapitre de la graphie, la discussion ne finira pas » (Mècle 1950, 189). Il est probable que Boudou assista à la Sainte-Estelle de 1950 et, en particulier, au « Congrès de culture occitane », puisqu’il écrivait à Salvat, le 21 mai 1950 : « vendrai a Toloza lo dimenche e lo dilun de la Santa Estela6 (28 e 29 de mai 1950) ».
- 7 Que Boudou ait assisté à la Sainte-Estelle de Toulouse, comme il est probable ou qu’il ait seuleme (...)
18Si Boudou désigne le rapport de Mouly par le substantif prezic, qui ne paraît posséder ailleurs d’autre sens que “sermon, prêche” (voir ci-dessous § 3, s. v.), c’est afin de pointer l’esprit peu laïque, mais au contraire fortement clérical, qui imprègne la manifestation au cours de laquelle Mouly avait pris la parole7.
19C’est donc, selon nous, à cette intervention marquante de Mouly que la lettre de Boudou fait allusion et c’est sur cette intervention qu’elle rebondit. Dans cette hypothèse, la lettre ne peut dater de mai 1950 (les quantièmes à deux chiffres, en l’occurrence 30 et 31, sont exclus). C’est pourquoi nous nous fierons à notre lecture du cachet postal apparaissant sur l’enveloppe, et supposerons que la lettre, envoyée le 5 juin 1950 (plutôt que le 5 août de la même année), a été rédigée le 4 juin. La date du 4 mai, écrite au début de la lettre par la main de Boudou, nous semble pouvoir être considérée comme un lapsus de la part de l’auteur, celui-ci n’ayant pas encore perdu l’habitude, au début de juin, de dater ses documents du mois de mai.
20Le corps de la lettre est formé, selon une technique stylistique boudounienne caractéristique, de onze brefs paragraphes, constitués d’une seule phrase, à l’exception du premier.
21(0.) Boudou indique d’abord [3-7] les circonstances (rapport de Mouly à la Sainte-Estelle toulousaine de 1950, selon nous ; voir ci-dessus § 1.1.) ayant donné naissance au travail qui est joint (Ensaj d’unificacion grafica ; ci-dessous § 2.6.) et l’intention de celui-ci : apporter une aide à Mouly [7]. Rien ne laisse entendre que cette aide ait été sollicitée ; Boudou répond de son propre chef à l’« appel à tous les félibres » en vue de l’unification orthographique.
22(I.) L’auteur résume ensuite [8-26] l’idée centrale développées dans l’Ensaj. La question de l’« unité graphique » étant implicitement réduite à l’unification Salvat/Alibert et l’orthographe mistralienne étant laissée de côté, une unification complète entre les deux systèmes est jugée impossible. Hors d’état de corriger « ces deux savants » [21-22], Boudou proposera dans son étude un rapprochement partiel, laissant plusieurs points « non fixés ». Il souligne la nécessité de parvenir rapidement à un accord, car le temps presse [23-26].
23(II.) Après l’évocation de la mort prochaine de la langue d’oc (« dans vingt ans la langue aura vécu » [25-26]), la lettre délaisse les questions d’orthographe pour prendre un tour eschatologique [27-33]. Elle aborde alors deux thèmes proches de ceux qui seront développés dans le libre dels Grands jorns : le dernier trobadour, conscient d’être le dernier (Guiraut Riquier trouvant protection à la cour de Rodez), et les derniers félibres (cf. Martel 2007 et Parayre 2007), qui seront peut-être rouergats.
24(III.) L’épistolier donne alors un coup d’arrêt, du moins en apparence, à ses réflexions : « J’arrête ici mes radotages, le temps passe, et je n’ai pu encore écrire rien de valable ». La lettre se termine donc sur un bilan plutôt négatif, mais ouvert (« Nous verrons bien »), de l’œuvre littéraire de son auteur [34-37].
- 8 « coma dis l’abat Salvat cal daissar se complir l’òbra del tems » [14-15] ; « coma dis Carles, lo (...)
25Le passage du temps, l’une des dominantes des lettres à Mouly (Ginestet 1997, 9-11, 13), tisse un lien thématique entre les trois parties principales de la lettre8.
26[1] le : sic ms. (lapsus dû à l’influence de frm. le, plutôt qu’à celle des parlers toulousains). — 4 n’est pas facilement lisible, mais est assuré. — Le millésime 1950, suit 4 de mai, n’est pas écrit de la main de Boudou, mais de celle, bien reconnaissable, de Mouly. C’est d’une main tremblante, à la fin de sa vie, peut-on supposer, que Mouly a ajouté les années manquantes, pour l’ensemble des lettres reçues de Boudou.
27[8] Dans unificacion, cion est repris sur tion (premier jet sous l’influence du français).
28[9] posibla : sic ms. La notation de /s/ intervocalique est celle que recommande Salvat ; dans les lignes suivantes, Boudou représente /s/ intervocalique par <ss> ([11], [14], [24], [35], [38]. À part ce lapsus initial, Boudou, qui note par ailleurs /z/ intervocalique par <z> (graphie Salvat) ([3], [8], [12]), s’efforce donc de mettre en pratique le compromis qu’il préconise dans l’Ensaj (ci-dessous § 2.6., [43-73]).
29[11] Après luènh, la virgule est notablement décalée vers la droite.
30[12] Le s de costat est repris sur un t (Boudou avait commencé à écrire cotat, sous l’influence du français).
31[15] Après tems, qu biffé. — Larges espaces entre tems et qu biffé, et entre qu biffé et le point final.
32[17] trop : sic ms. (lapsus, cf. tròp [20] et l’emploi constant par ailleurs de <ò> dans le reste de la lettre, à l’exception de vostra [23]).
33[20] Le début d’un mot (deux lettres : vo ou va ?) a été biffé avant sabenta.
34[21] Avant Vos, trois lettres dont la première est A et formant presque à coup sûr le mot Ara (adverbe), ont été écrites sans renfoncement de début d’alinéa, puis ont été biffées.
35[22] Le début d’un mot (commençant par t ; trois lettres ? tr. ?) a été biffé devant corregir.
36[23] vostra : sic ms. (sans accent grave par lapsus, cf. [17]) ; forme féminine inappropriée, également par un lapsus (que nous ne tenterons pas d’analyser).
37[29] Cal sa, d’abord écrit sans renfoncement de début d’alinéa, a été biffé avant d’être repris en Qual sab (rectification orthographique du premier jet). — Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
38[32] On lit escribia, le e initial portant au-dessus, une sorte de demi-cercle (pouvant ressembler à un accent grave, mais qui n’en est pas un) dont la valeur nous échappe.
39[33] Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
40[34] La virgule est décalée à droite de Aqui, de moindre module au regard des autres virgules du ms., et tracée avec moins de force. Boudou semble avoir hésité entre deux constructions : Aqui incidait d’abord directement sur acabi dans le sens de “là” ; la virgule ajoutée, peut-être à la lecture, donne à l’adverbe le sens résomptif de “voilà”.
41[36] Un mot (se ?), précédé, semble-t-il, d’une virgule, paraît avoir été biffé après valable.
42[39] La signature, qui s’élève de gauche à droite, est soulignée.
43[1] Lo Mauron. — Le Mauron, localité de la commune de Maleville (canton de Montbazens, arrondissement de Villefranche-de-Rouergue, Aveyron) où Jean Boudou fut instituteur de 1949 à 1955. Cette localité est située à proximité de Compolibat où résidait Henri Mouly (cf. la lettre de Boudou à ce dernier, du 11 septembre 1949 : « Ara soi en plen dins lo vòstre païs, dins lo païs ont nòstra paura lenga s’es servada lo mai pura talament pura que ne reveni pas » ; Bodon 1986, 130). On rappelle que, comme il se doit chez Boudou, « lo Mauron […] existís pas. I a d’ostals escampilhats deçà delà e l’escòla es tota sola » (lettre de 1952 à Marius Valière ; Bodon 1986, 118 n. 1). — Nous pensons que la lettre date probablement de 1951 (voir ci-dessus § 1.1.).
44[2] Formule d’adresse habituelle dans les lettres de Boudou à Mouly. Elle apparaît, parmi d’autres variantes, dès 1942 (Bodon 1986, 44) et se pérennise à partir de 1943 jusqu’aux dernières lettres (1975). — Sur Henri Mouly (1896-1981), instituteur et homme de Lettres, majoral du Félibrige (1949), animateur et figure de proue du Félibrige rouergat, voir Mouly 1965 (où l’auteur décrit à la troisième personne du singulier son œuvre de maintenance), Kirsch (1965, 29-34), Lafont/Anatole (1970, 747-748), Nègre (1981), Coll. 1982 (volume d’hommages convenus), Fourié (2009, 230). Sur le rapport littéraire filial de Boudou à Mouly, voir Ginestet (1997, 61-64).
45[3] Allusion, selon nous, au rapport présenté par Mouly le 29 mai 1950, lors de la Sainte-Estelle de Toulouse, rapport dans lequel il se prononçait en faveur de l’unification de la graphie. L’emploi de prezic est ironique. Voir ci-dessus § 1.1.
46[8-9] Sur l’antagonisme entre Salvat et Alibert et la polémique entre l’Escòla occitana et la Societat d’estudis occitans, voir notamment Taupiac 1991 (optique engagée, favorable à Alibert) et Abrate (2001, 237-243). Au témoignage de Félix Castan, la question de l’« unité graphique » entre les deux systèmes était concrètement posée depuis 1946 ou 1947 (Abrate 2001, 241).
47[13] Le chanoine Joseph Salvat (1889-1972), disciple de Prosper Estieu, majoral du Félibrige (1927), membre de l’Escòla occitana, directeur de la revue de cette école (Lo Gai Saber), fondateur et directeur du Collège d’Occitanie (1927), auteur d’une Gramatica occitana (Toulouse, 19431), proche de l’Action Française, adepte de la « Révolution nationale », titulaire d’un jeton vermeil (Coll. 1991, 175), chevalier de la Légion d’honneur (Coll. 1991, 180), professeur à l’Institut catholique de Toulouse. Sur ce personnage, l’Escòla occitana et le Collège d’Occitanie, voir Lafont/Anatole (1970, 2, 753), Coll. 1991 (en particulier les communications d’Allières, Taupiac, Teulat), Coll. 1997, Abrate (2001, 189-191, 237-243, 301, 329, 332, 334-335, 345-346, 356-358, 607), Fourié (2009, 287-288) et la bibliographie de Nègre/Allières (1991). Mouly, le Félibrige rouergat et, par conséquent Boudou, gravitaient, vers 1950, dans la mouvance de l’Escòla occitana ; voir Mouly (1965, 245-251) et, sur les rapports entre Mouly et Salvat, C. Mouly (1991).
48[13-15] Cf. Salvat (1943, xix) : « Laissons au temps le soin de montrer ce qui doit rester, ce qui doit disparaître, ce qui doit s’améliorer. »
49[16] Sur l’activité de codification de l’occitan développée par Salvat et sur le système graphique promu par lui, dans la lignée de Perbosc et Estieu, voir Kremnitz (1974, 211-213) et Thomas (2006, 200-205). Sur les changements opérés dans le système d’orthographe de Salvat entre les éditions de 1943 et de 1951 de sa Gramatica, voir Allières (1991, 35-36).
50[19] Louis Alibert (1884-1959), « nòstre filològue nacional » (Taupiac 1977, 53), pharmacien, fondateur et secrétaire général de la Societat d’estudis occitans (1930-1944), auteur d’une Gramatica occitana segón los parlars lengadocians (Toulouse, 1935-19371) et d’un Dictionnaire occitan-français selon les parlers languedociens (Toulouse, 19651). Sur ce personnage et la Societat d’estudis occitans, voir Fourié (1995) et Abrate (2001, 233-243, 330-332, 342). Sur l’activité de codification de l’occitan développée par Alibert et sur le système graphique promu par lui et adopté par l’Institut d’études occitanes, voir Kremnitz (1974, 214-239 ; 1986) et Thomas (2006, 205-215).
51[23] Charles Mouly (né en 1919), auteur de théâtre populaire en langue d’oc. Voir Alranq (1995, 59-62 ; 1997, 187-189) et Fourié (2009, 230). On trouve plusieurs allusions à Charles Mouly dans la correspondance de Boudou avec Henri Mouly (Bodon 1986, 95, 104, 118).
52[25-26] Cf., dans une lettre à Mouly du 29 février 1948 : « Mas lo pòble la [la langue d’oc] renega. Dins vint ans, dins cap de vilatge cap de jovent la parlarà pas » (Bodon 1986, 105).
53[27], [30] Roèrgue. — Boudou emploie le nom de la province médiévale et d’Ancien Régime, et non celui du département français issu de la Révolution (l’Aveyron), selon une convention de langage largement diffusée dans le mouvement renaissantiste d’oc (de tradition largement monarchiste).
54[27], [31] trobaba, escribia — Locuteur d’un parler bétaciste, Boudou se montre ici fidèle à la notation de Salvat.
55[27-28] Il s’agit de Guiraut Riquier (…1254-1292), « communemente indicato dalla critica come “l’ultimo dei trovatori” » (Guida s. d., 33). Celui-ci fut le protégé d’Henri II, comte de Rodez, à la cour duquel il séjourna en 1269-1270 et à partir de 1281 (voir Anglade 1905, 169-182 ; Jeanroy 1934, 1, 288, 294-296 ; Berry 1930, 419).
56[29-30] La première personne du pluriel inclut Mouly (qui a alors 55 ans environ) et Boudou (qui a alors 29 ans).
57[31] Citation altérée (faite de mémoire ?) ou volontairement modernisée de Guiraut Riquier, PC 248, 17 (Be. m degra de chantar tener), v. 16 : « Mas trop suy vengutz als derriers » ; Berry 1930, 432, qui suit le texte d’Anglade. Boudou reprendra cette citation, de manière plus exacte, dans Lo libre dels Grands jorns : « Mas tròp suy vengutz als derriers » (Bodon 1963, I, 7, 54).
58[36] En juin 1949, Boudou fit le bilan de ses travaux littéraires dans une lettre à Mouly (Bodon 1986, 115, 116) : la rédaction de La grava sul camin est interrompue (cf. aussi Bodon 1986, 103) ; l’éditeur Carrère le laisse sans nouvelles de son recueil poétique La Canson del paìs (qui, en définitive, ne sera pas publié) ; il s’est essayé au théâtre : « tres o quatre peçòtas que mandèri a Calelhon » (ces pièces demeureront inédites). Boudou mentionne également le projet d’« un autre recuèlh de poesias que voldriái apelar L’èrba d’agram ». En outre, le recueil Frescor de Viaur, qui ne verra jamais le jour, est en panne chez l’éditeur Salingardes (Bodon 1986, 96, lettre du 15 janvier 1947). Les Contes del meu ostal (Villefranche-de-Rouergue, 1951) ne sont pas encore parus (le 9 juillet 1951, la fabrication vient d’être achevée et le volume n’est pas encore en vente ; Bodon 1986, 119). Quant aux chroniques de la Voix du peuple (1947-1949), Boudou les qualifie de « bogradas » (Bodon 1986, 105).
59[38] Formule de congé fréquente dans les lettres de Boudou à Mouly (généralement sous la forme développée Adessiàs, l’òme) de 1942 à 1949 (voir Bodon 1986, 41-116, passim).
60[39] Dans la signature, Boudou emploie l’orthographe française de son patronyme.
61On remarque que l’Ensaj ne prend pas position sur la valeur intrinsèque des systèmes de Salvat et d’Alibert. C’est la lettre qui s’en est chargée : « La grafia de Salvat es simpla mas s’aluènda trop de l’anciana grafia. / La grafia d’Alibert es tròp sabenta per nautres » (ci-dessus § 1.3., [16-20]). L’axiome, implicite dans la lettre, selon lequel l’orthographe contemporaine doit se rapprocher de l’« ancienne graphie » écarte du débat, comme relevant d’une étape dépassée, le système de Vayssier (1879) et surtout le système mistralien ou ses adaptations (Bessou).
- 9 Calelhon, Seguret et Mouly, les animateurs du Grelh Roergàs, adoptèrent « ambe estrambòrd » l’orth (...)
62Il s’agit donc pour Boudou de faire auprès de Mouly des propositions concrètes visant à l’unification (relative) des systèmes orthographiques de Salvat et d’Alibert. « Lo majoral dels majorals, lo Mistral de l’Avairon », comme on l’appelle (Couderc 1982, 153), est en effet, vers 1950, le líder máximo incontesté du félibrige rouergat. Adepte de l’orthographe de Perbosc-Estieu-Salvat9, élevé au majoralat en 1949, maître de Boudou, instituteur comme lui, il représente sans doute pour ce dernier un objectif tactique : dans l’Aveyron, toute évolution des pratiques graphiques ne peut que passer par lui.
- 10 Cf., beaucoup plus tard (lettre à Mouly du 20 septembre 1967) : « Grafia d’Alibèrt o pas d’Alibèrt (...)
63Boudou adopte dans l’Ensaj un point de vue d’instituteur. Ce point de vue professionnel, qui ne peut que susciter la bienveillance de Mouly, s’exprime par des références insistantes aux écoliers (« los nòstres escolans ») : [11, 22-23, 47, 85, 110, 148, 152, 165]. Il s’agit d’« apprendre à […] lire et si possible à […] écrire » aux élèves des écoles primaires [11-12] et de faciliter leur apprentissage — ils connaissent déjà la cédille [110-111] — sans les « troubler10 » [164].
64Cet argument pédagogique, traité du reste superficiellement, masque mal l’intention véritable de l’auteur. Boudou cherche surtout à se ranger du côté de ceux qui, comme lui, n’ont pas accompli leurs humanités (du fait de la division de l’appareil scolaire, à la suite du primaire, entre lycées et cours complémentaires), et qui peuplent, semble-t-il, le félibrige rouergat. Boudou oppose ses idées sur l’orthographe aux opinions des « savants » et des « Monsurs de l’administracion » académique ou ministérielle [27-28]. Les « savants » et les hauts-fonctionnaires, contrairement à lui, sont latinistes. Ces seconds ignorent, par ailleurs, tout des débats linguistiques occitans et de la pratique réelle de l’enseignement.
65La tactique de persuasion employée par Boudou passe donc par l’englobement du destinataire à travers les formes de première personne du pluriel (pronoms personnels, adjectifs possessifs, verbes), lesquelles sont d’une grande plasticité sémantique. Celles-ci s’appliquent en effet aussi bien à l’auteur (nous de modestie) [6, 124, 128, 133, 134, 166, 167, 168] qu’à des ensembles d’extension variable : les instituteurs enseignant la langue d’oc et partisans de l’orthographe de Salvat [20, 22] ; les instituteurs enseignant la langue d’oc et partisans de l’orthographe de Salvat ou de l’orthographe d’Alibert [29, 47, 84, 138, 140, 151, 164] ; la totalité des partisans de l’orthographe de Salvat [38, 40, 42, 43, 44, 46, 55, 59, 60, 68, 90, 107, 150, 154, 156, 158] ; la totalité des félibres appartenant aux deux partis orthographiques [16, 31, 35, 36, 71, 100-101, 106].
- 11 Cf. cet extrait d’une « dicha » prononcée le 8 décembre 1936 : « Lo culte de l’ostal, lo culte del (...)
- 12 Mouly 1965, 192.
66La constante captatio benevolentiae joue encore sur la corde sensible de « l’amor del terrador » que les instituteurs se doivent de développer auprès de leurs élèves [138-139]. On reconnaît ici une reprise à but stratégique par Boudou du grand idéal politico-pédagogique moulynien11 qui trouva son éphémère épanouissement sous le régime de Vichy (de 1943 à juin 1944) avec le bulletin intitulé Escòla è Terrador12. Le passage pourrait se lire comme une grossière flatterie envers le maître d’un disciple ayant admirablement assimilé la leçon. Mais le thème est relancé en direction de Mouly dans une conjoncture qui s’est notoirement transformée (la Libération de la France est survenue en 1944). On sait que l’ironie boudounienne est loin d’être absente des lettres à Mouly (dès 1942) : aux spécialistes d’apprécier le degré de moquerie provocatrice, voire de crétinisation, qui est atteint ici.
67C’est donc sur un terrain socio-culturel, pédagogique et idéologique qu’il partage ou feint de partager avec Mouly que Boudou prend position. Il se donne ainsi les meilleures chances de convaincre son maître. Ses arguments sont d’ailleurs de nature essentiellement pédagogique et/ou tactique. Les références aux troubadours (il n’y a aucune autre référence médiévale) ne jouent qu’un rôle secondaire ; elles sont énoncées une fois les décisions prises [50-53, 64-67, 90-96, 116-123, 124-127] et introduites par saquelà, pracòs ou encore par Reconeissem que […].
68L’Ensaj d’unificacion grafica [1] est assez solidement charpenté. Il comporte
69— (0.) une introduction [2-14] ;
70— (I.) une première partie : « Il faut choisir : Salvat ou Alibert » [15-73], laquelle se subdivise en trois sous-parties :
71— (I.1.) volet général [16-42] : grandeur et désaccords des grammairiens [16-18] ; conséquences néfastes qui découlent de ces désaccords pour l’enseignement de la langue d’oc dans les écoles primaires [19-29] ; nécessité d’une entente [30-37] ; l’orthographe de Salvat est préférable, mais elle peut être modifiée [38-42] ;
72— (I.2.) discussion sur la notation des sifflantes : (I.2.1.) question des « deux ss entre deux voyelles » [43-53] et (I.2.2.) manière de représenter « le son z entre deux voyelles » [54-70] ;
73— (I.3.) brève conclusion à mi-chemin du développement [71-73] : un accord sur les points évoqués plus haut permettrait de réaliser « la moitié et plus de l’unification » ;
74— (II.) une seconde partie : « Ce qui pourrait rester non fixé » [74-165], laquelle comprend également trois sous-parties traitant des points suivants :
75— (II.1.) la question de b et de v [75-108] ;
76— (II.2.) la question de ç [109-132] (II.2.1.) et les détails laissés de côtés (pueg, puèch) [133-137] (II.2.2.), avec une conclusion intermédiaire [138-142] (II.2.3.) ;
77— (II.3.) « La question de l’accent » [143-165] ;
78— (III.) une conclusion générale [166-170].
79Au total, le très vigoureux « Il faut choisir : Salvat ou Alibert » du début [15] débouche donc sur la proposition de concessions réciproques (partie I) et du maintien d’une large zone de statu quo (partie II).
80Les points orthographiques discutés par Boudou sont pour l’essentiel ceux que la Gramatica de Salvat (1943, xix) laissait ouverts :
81Il demeure des points de détail où il semble difficile d’imposer un choix rigoureux : faut-il écrire v ou b dans les formes verbales ? le z intervocalique doit-il céder la place à l’s ? le son sourd de s ne peut-il pas s’écrire ss ? le ç ne peut-il pas être admis dans certains cas ? faut-il supprimer comme inutiles les accents graves marquant l’ouverture des voyelles e et o ? le système d’accentuation ne peut-il être modifié ?
- 13 « Si l’on écoutait les préférences de chacun, ce serait l’anarchie. Laissons au temps le soin de m (...)
82L’idée peu dogmatique selon laquelle certains points pouvaient demeurer « non fixés » et le pragmatisme pédagogique sont d’ailleurs présents chez Salvat13. Le travail de Boudou est par conséquent écrit d’un point de vue fondamentalement « salvatien », et l’auteur semble tenir à le faire savoir à Mouly (« Tenem per la grafia de Salvat » [38-39]).
83L’Ensaj aura d’ailleurs été vite privé d’une bonne partie de sa portée pratique, puisque dès le 30 septembre 1951 Boudou pourra constater que « Sul darrièr Gai Saber […] dins “Revistas e jornals”, l’abat Salvat emplega tant val dire la grafia Alibert (restabliment de ç, de s etc.) » (Bodon 1986, 124). Comme le relève Allières (1991, 35-36), des changements étaient intervenus dans l’édition de 1951 de la Gramatica par rapport à l’édition de 1943, sur la question de <v> et <b> (en faveur de <v>), sur la notation de /z/ à l’intervocalique (en faveur de <s>), sur celle de /s/ à l’intervocalique (en faveur de <ss>) ; Boudou n’acquerra cependant pas la seconde édition avant mai 1952 (voir ci-dessus § 0.1. la citation tirée de la lettre du 8 mai 1952 à ses « Cars amics del colètge d’Occitania »). Taupiac (1991, 14) indique qu’en matière d’accents, « en 1950, per de rasons pedagogicas, la grafia de l’Institut d’estudis occitan serà alinhada oficialament sus la del Collègi d’Occitania ». La fusion des deux graphies semble donc s’être opérée en douceur précisément dans la période où Boudou rédigeait son Essai.
84En dehors de ces détails bien propres à piquer la curiosité des futurs spécialistes de la microhistoire de l’orthographe occitane, l’Ensaj parle aussi de littérature.
85D’abord à mots couverts. Tout le développement repose sur les deux prémisses suivantes : « La langue d’Oc n’est pas encore fixée ni dans son vocabulaire, ni dans son orthographe. Elle le sera seulement par de grands écrivains dans des œuvres littéraires de valeur » [2-5]. Ces prises de position initiales — de littérateur, non pas d’instituteur ou de grammairien — possèdent une implication évidente et d’assez vaste portée au plan du bilan de la littérature d’oc de la période contemporaine. En langue d’oc — non pas en Rouergue, non pas en Languedoc, mais en « lenga d’Oc » — et jusqu’à la date de la lettre, les « grands écrivains », les « œuvres littéraires de valeur » n’existent pas encore. Ni Bessou, ni Mouly, ni les contemporains extra-rouergats de Boudou, ni aucun de leurs prédécesseurs, ne sont de « grands écrivains ».
86Pour qu’on ne s’y trompe pas, ce thème est repris de manière positive vers la fin de l’Ensaj [138-142]. Il y est même radicalisé par le passage du pluriel (« de grands escribans » [4]) au singulier : « lo grand escriban d’òc que fixarà la lenga » [141-142]. Certes, Boudou paraît se plaire à développer ici une morale à destination des pédagogues, morale dont l’optimisme convenu, genre discours de fin de réunion amicaliste (si nous nous faisons bien notre travail, l’une de nos chères têtes blondes sera peut-être notre Dante), est apte à entraîner la conviction de Mouly. Mais il marque du même coup, et de la manière la plus nette, que le grand écrivain d’oc — celui « qui fixera la langue » — est encore à venir. Comme, toutes proportions gardées, à la fin de la Santa Estèla ou des Grands jorns, le propos s’oriente vers l’anticipation, de manière quasi-messianique en l’occurrence.
87D’abord discrètement porté, puis redoublé et renforcé, le coup paraît assez rude, moins sans doute pour le modeste destinataire de la lettre ou pour les contemporains de Boudou que pour « lo grand escriban d’òc » incontestable et à l’époque incontesté : Mistral. Or, ce dernier, n’ayant pu « fixer la langue » (il n’est même pas question de l’orthographe qu’il a mise au point), ne peut être, ipso facto, élevé au rang des/de grand(s) écrivain(s).
- 14 Voir, par exemple, Kremnitz 1974, 198-200. Panégyrique de la création par Mistral d’un vulgaire il (...)
88De fait, la problématique de l’orthographe et de la fixation de la langue est proprement subvertie par Boudou. Celui-ci se sert de ces questions comme d’un réactif afin de porter, de manière particulièrement économique et élégante, un jugement sur toute la littérature d’oc contemporaine et — plus original encore — comme d’un levier lui permettant de réduire à néant cette littérature en tant que littérature de valeur. Car, pour faire le bilan de celle-ci, point n’est besoin à Boudou de lire les œuvres (fâcheux pensum) et de les évaluer. Il lui suffit de reprendre strictement à son compte le postulat mistralien ou hyper-mistralien — le ou les grand(s) écrivain(s) qui fixe(nt) la langue, c’est-à-dire le « droit de chef-d’œuvre14 » — et, près d’un siècle après Font-Ségugne, de constater l’échec de cette vue théorique : la langue n’est pas fixée ; puis d’en tirer la conséquence qui s’impose : il n’a pas existé ni grand(s) écrivain(s) d’oc, ni d’œuvres littéraires de valeur dans cette langue.
89Étant donnés les propos tenus dans la lettre — mort de la langue « dans vingt ans », référence au dernier troubadour poétisant à Rodez et pronostic sur les derniers félibres, peut-être rouergats comme Mouly et son cadet Boudou (ci-dessus § 1.3., [25-30]) —, il ne paraît pas audacieux de penser que, dans la logique boudounienne, 1° la fixation de la langue, si elle advient, aura quelque chance d’être le fait du ou des dernier(s) félibre(s) et — « Qual sab »… (§ 1.3. [29]) — d’un Rouergat ; 2° que cet heureux événement risque fort de coïncider avec la mort annoncée de la langue d’oc. Fixation de la langue et mort de la langue seront les deux aspects d’un même procès. Ainsi pourra advenir par « le grand écrivain d’oc » la seule fixation qui ne soit pas illusoire : celle des langues mortes.
90La position assumée par Boudou, si nous n’errons pas dans l’interprétation, ne possède quelque originalité que dans le cadre spécifiquement occitan, cadre dans lequel la fixation de la langue constitue, pour ainsi dire, une fixation. Car, Boudou se contente ici de jouer contre Mistral une valeur plus sûre encore (surtout pour un instituteur laïque) : Hugo. Celui de la préface à Cromwell (1827), en un passage célèbre :
Car, bien qu’en aient dit certains hommes qui n’avaient pas songé à ce qu’ils disaient, et parmi lesquels il faut ranger notamment celui qui écrit ces lignes, la langue française n’est point fixée et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas. L’esprit humain est toujours en marche, ou, si l’on veut, en mouvement, et les langues avec lui. […] C’est donc en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent.
- 15 En 1948 il a reçu de Mouly un de ces encouragements qui comptent dans la vie d’un auteur : « Cresi (...)
91Quant à Boudou en tant qu’auteur, il indique que lui non plus « n’[a] pu encore écrire rien de valable » (ci-dessus § 1.3., [35-36]), autant dire aucune « œuvre de valeur » : il est en cela assimilable aux autres écrivains d’oc. Il possède toutefois sur ses prédécesseurs et confrères un précieux avantage : il n’a encore rien publié, du moins en volume, ce qui le place pour l’instant hors concours et autorise quelque espoir (« Veirem ben », ci-dessus § 1.3., [37]). Écrire plus tard, à la mort de la langue (qui aura réglé de manière définitive les questions de prééminence entre dialectes), un « livre unique15 » qui serait le dernier : Boudou est en train de chercher sa voie et en passe de trouver sa place dans la littérature d’oc, celle qu’il délèguera au narrateur du libre dels Grands Jorns. Si nous n’errons pas et si tant est que « Victor Hugo était un fou qui se prenait pour Victor Hugo » (dixit Cocteau), nous assistons à l’émergence du grand écrivain dans le rôle qu’il se donne.
92Remarquons enfin que si, aux yeux de Boudou, la langue d’oc n’a pas encore produit, vers 1950, de grand écrivain, elle dispose heureusement, en revanche, de deux grands grammairiens [15-17]. On verra dans cette remarque de Boudou une légère moquerie, que le trait suivant, relevant du non-sens, ne fait qu’accentuer : « Ils ont raison tous les deux. Mais ils ne sont pas d’accord entre eux » [17-18]. Quel embarras de richesse ! Les efforts des gramaticaires semblent d’ailleurs sérieusement mis en doute du fait même que la fonction mortuaire de fixation de la langue est dévolue par Boudou au(x) grand(s) écrivain(s) de l’avenir.
- 16 Ce n’est pas le cas des anthologies les plus courantes de la première moitié du xxe siècle, celles (...)
- 17 L’intersection entre les citations médiévales de la lettre et de l’Ensaj, d’une part, et celles du (...)
93L’Ensaj cite à cinq reprises des extraits de pièces lyriques médiévales : (1) Guiraut de Borneil, Reis glorios, verais lums e clartatz [51-53] ; (2) Guillaume de Poitiers, Pos de chantar m’es pres talens [66-67] ; (3) Guiraut Riquier, L’autre jorn m’anava [93-96] ; (4) Marcabrun, Dirai vos senes doptansa [118-123] ; (5) la « dansa peitavina », A l’entrada dels tens clar [126-127]. Or, la seule anthologie qui réunisse ces cinq textes est le Florilège des Troubadours d’André Berry16 (1930), respectivement p. 206, 48, 426, 76 et 18. Berry est en outre le seul des anthologistes à intituler « Danse poitevine » la ballade anonyme A l’entrada dels tens clar (5). Enfin, son Florilège contient également (p. 432) le poème de Guiraut Riquier (Be.m degra de chantar tener, v. 16) d’où est tirée une citation faite dans la lettre (voir ci-dessus § 1.3., [31]). L’anthologie de Berry est donc, à coup sûr, la source unique de Boudou. L’un d’entre nous était parvenu à la même conclusion à propos des citations troubadouresques contenues dans Lo Libre dels Grands jorns17 (Chambon 2012).
94[5] Ms. que biffé de deux traits en début de ligne.
95[11] Dans la, la seconde lettre n’est qu’un pâté.
96[13] Espacement bien marqué entre qu’ et una.
97[14] Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
98[15] Le début de l’intertitre déborde dans la marge de gauche. — L’emploi du gras est de notre fait. — qual : sic ms. (cf. cal [10]).
99[16] Le n de son est repris sur une autre lettre (s ?). — nostres : sic ms. (par lapsus ; le même mot est généralement écrit nòstres [11, 22, 29, 47, 110, 140, 151, 164] ; mais voir ci-dessous, note à [85]).
100[17] le t de gramaticaires est repris sur une autre lettre (r ?).
101[19] Pas de ponctuation visible en fin de ligne. Nous suppléons par un point final, dans la mesure où, malgré le tour interrogatif, Boudou n’emploie jamais de point d’interrogation dans l’Ensaj (cf. ci-dessus et ci-dessous notes à [14], [26], [29], [37]).
102[21] Le fi de grafia reprend et corrige un b (écrit par anticpation de Alibert ?). — Ms. : ponctuation finale omise en fin de page. Nous suppléons un point final car le point d’interrogation n’est jamais employé dans l’Ensaj (cf. en particulier [26] et [29]), ni dans la lettre qui l’accompagne.
103[26] Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
104[27-28] los Monsurs de l’administracion. — Allusion probable aux efforts d’organisation de l’enseignement de la langue occitane dans les écoles primaires, dans le contexte des discussions ayant précédé l’adoption de la loi Deixonne (cf. Abrate 2001, 407-409).
105[29] Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
106[31] ensaja (sans r final : graphie notant la prononciation) : sic ms.
107[33] Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
108[36] nostre : sic ms. (cf. ci-dessous, note à [168]).
109[35] Biffé d’un trait en fin de ligne, après que podriam pas : de part de d’autr.
110[37] Point final (et non point d’interrogation) : sic ms.
111[38] Biffé, en début de ligne et débordant dans la marge de gauche : Personalam. Personal est biffé de deux traits ; la suite est passée à l’encre, presque illisible. Seule intrusion personnelle, vite corrigée, dans un texte entièrement écrit à la première personne du pluriel (voir ci-dessus § 2.1.).
112[39] Ms. las.
113[42] Biffé de trois traits, avant fa : faire.
114[42-43] C’est nous qui introduisons la ligne blanche entre les deux alinéas et les deux pages.
115[43] Le début de cette ligne déborde légèrement dans la marge de gauche.
116[43-44] L’emploi du gras dans l’intertitre est de notre fait.
117[44] Un mot biffé, illisible, après Escriurem.
118[51-53] Une accolade verticale réunit les trois vers cités. Les mots issetz, Conoisseretz et messatge sont soulignés.
119[53] Espacement considérable autour du point dans si.us (qu’on pourrait presque éditer si . us). — Point sur la ligne : sic ms.
120[55-56] L’emploi du gras dans l’intertitre est de notre fait.
121[61] Ms. un aze, biffé d’un trait, avant un ase (preuve manifeste de la difficulté que Boudou éprouve à écrire ce mot à la manière d’Alibert).
122[63] grecqua : sic ms. (graphie infuencée par frm. grecque).
123[64] escriban : sic ms. (dans le parler de Boudou les verbes de la première et de la deuxième classes ont une même marque -ou à la troisième personne du pluriel de l’indicatif présent ; cf Ronjat 3, 261, 321 : rouerg. tìr-ou et escrìb-ou).
124[66-67] Une accolade verticale réunit les deux vers cités. — Guillaume de Poitiers (forme française) : sic ms. — Le nom du troubadour déborde dans la marge de gauche.
125[68] Le a de acòrdi semble surcharger une autre lettre.
126[70] acordi : sic ms.
127[72] Ms. mai mai.
128[74] Le début de cet intertitre déborde dans la marge de gauche. L’emploi du gras est de notre fait. — So : sic ms. (par lapsus, cf. sò [13, 41]).
129[77] Ms. : Salv est souligné dans Salvat. — Dans traduzìs, l’accent grave sur le i surmonte le point. Ce détail suggère que tous les accents graves de l’Ensaj ont peut-être été ajoutés dans un second temps, ce qui pourrait expliquer qu’ils soient tracés de manière particulièrement vigoureuse.
130[79] Ms. escriu.
131[80] Ms. cor, biffé d’un trait, avant còrps.
132[81] Ms. b quand, biffé, avant v quand.
133[82] Ms. ven, biffé avant es intervocalic.
134[85] nostres : sic ms. (par lapsus ; le même mot est généralement écrit nòstres ; voir ci-dessus, note à [16]).
135[86] sans : sic ms. (cf. sens [45, 88, 110] ; probable francisme) ; cf. ci-dessous [153]. — Espacement bien marqué entre qu’ et una.
136[93-96] Une accolade verticale réunit les quatre vers cités.
137[94] Guiraut est écrit dans la marge de gauche.
138[95] Ri de Riquier est écrit dans la marge de gauche.
139[98] patissen : sic ms. (première personne du pluriel dont la graphie est influencée par la prononciation [-n]).
140[99] coneise : sic ms. (cf. reconeisser [97] et coneisson [110]).
141[101] Ms. alara biffé d’un trait, avant totes.
142[103] Ms. Duscas que biffé de deux traits au début de la ligne (anticipation du début de l’alinéa suivant [106]).
143[106] Ms., avant nos, vo, probablement biffé d’un trait léger (début de vos, par erreur pour nos). — Ms. serems, avec s final biffé d’un trait de gauche à droite (anticipation de la fin du mot suivant : entenduts).
144[109] L’emploi du gras est de notre fait.
145[112] ou : sic ms. (orthographe influencée par celle du français équivalent).
146[114] Le même mot est aussi écrit còrps ([80]).
147[131] posible : sic ms. (le même mot est écrit plus souvent possible ([12, 31, 58]).
148[132] brès : sic ms. (cf. breç [130]).
149[134] podriam : sic ms. (contrépel, [-n] pouvant être écrit <-n> ou <-m>).
150[133] Le t de detalh surcharge une autre lettre.
151[135] nos : accord en nombre, par proximité, de la particule non avec fixats.
152[136] ou : sic ms. (orthographe influencée par celle du français équivalent).
153[143] La est écrit dans la marge de gauche.
154[145] L’accent grave sur O est nettement placé avant cette lettre.
155[146] è surcharge une autre lettre. — è frances : sic ms.
156[149] Ms. : un potón un petás (nous éditons en italique dans la mesure où tous les autres exemples sont soulignés).
157[151] Le p de patirian surcharge une autre lettre.
158[152] Le e de sens semble surcharger un a (cf. ci-dessus [86]). — Seules les quatre premières lettres de dijùs sont soulignées.
159[153] lo son (singulier) : sic ms.
160[166-170] Toutes les lignes de ce paragraphe débordent largement dans la marge de gauche.
161[168] nostre : sic ms. (cf. ci-dessous, note à [36]).
162[2] La lenga d’Oc. — Boudou se montre fidèle à la désignation félibréenne classique (avec O- majuscule initial) de la langue occitane.
163[6-7] C’est là, en somme, une réponse de principe très clairement négative qui donnée à l’appel en faveur de l’« unité graphique » lancé par Mouly à la Sainte-Estelle de 1950 (voir ci-dessus § 1.1.). Cette réponse négative se fonde sur le constat de l’absence de « grands écrivains » et d’« œuvres littéraires de valeur » [4-5], qui seuls auraient pu « fixer la langue » et la « graphie » (voir ci-dessus § 2.4.).
164[8-12] Après une réponse de principe négative [6-7], c’est l’urgence pédagogique (cf. [19-29] et passim) qui pousse Boudon à avancer néanmoins des propositions pratiques en vue d’une unification (relative).
165[9-10] cada jorn la lenga s’abastardìs un bocin mai. — Cf. déjà la lettre du 31 janvier 1947 à Mouly : « De mai en mai lo parlar s’abastardís dins la bòrias » (Bodon 1986, 97). Selon l’idéologie puriste, particulièrement virulente dans les milieux renaissantistes d’oc, qui cherche à « fixer la langue », le changement linguistique est considéré comme un abâtardissement (le mot abastardiment se trouve, par exemple, chez Perbosc, voir Kremnitz 1974, 208 n. 103) et comme une décadence.
166[13-14] a qu’ una gramatica se fizar. — Concrètement, à la Gramatica occitana de Salvat (1943) ou à la Gramatica occitana d’Alibert (1935-1937) ?
167[15] La nécessité de faire un choix entre les deux grammairiens est posée de manière particulièrement énergique. La suite sera beaucoup plus conciliatrice.
168[15-18] Salvat o Alibert / Son los nostres plus grands dels gramaticaires. Totes dos an razon. Mas son pas d’acòrdi entre eles. — Comparer cette formulation, non dépourvue d’ironie, avec celle de 1948 : « La vertat es pas ni amb Alibert, ni am Salvat. Totes dos an de bonas causas mas encara degun a pas trobat lo biais vertadièr » (lettre à Mouly du 28 octobre 1948 ; Bodon 1986, 111). Salvat (1943, xviii) reprochait à Alibert une « réforme trop radicale », « écho » de la réforme, jugée elle-même trop radicale, de Pompeu Fabra (cf. xiv). Sur l’opposition entre la SEO et l’Escòla Occitana, voir ci-dessus § 1.3., note à [8-9].
169[19-29] Ces trois paragraphes, liés par une anaphore lâche (avec écho paronymique sur passar [19], passarà [22], pensaran [27]), posent trois questions relatives à la situation à l’école primaire (pédagogie, administration). L’embarras qui prévaut découle du désaccord entre les deux grammairiens.
170[20-21] aicì refère à l’Aveyron ; aval (“au sud”), au Languedoc.
171[30] Ton de la conversation familière.
172[30-37] Plaidoyer en faveur d’un rapprochement entre les systèmes orthographiques de Salvat et d’Alibert. L’acteur du rapprochement souhaité est un nous [31, 35] qui renvoie aux félibres des deux partis orthographiques. Il est suggéré par là que le rapprochement ne sera pas le fait des « deux plus grands grammairiens », mais le fruit d’une démarche collective.
173[33] Le manque d’intercompréhension entre locuteurs de différentes variétés occitanes apparaît dans le roman boudounien comme un motif comique, notamment dans Lo libre de Catòia (Bodon [19661] 1978, 166) : « Coneissiái coma nòstra pr’aquò la musica de la siá paraula. Mas perqué aqueles sons estranhs ? Los eth, los ei, los he, los arro, qu’anava cercar del prigond. […] E li volguèri parlar tanben. Amb los mots del meu païs. Semblèt comprene melhor, ela. Faguèt la pòta redonda :
174— Que soi gascona ! diguèt.
175Puèi ajustèt :
176— Il vaut mieux que nous parlions français… ».
177[38-40] Rappel de la position de principe, favorable à l’orthographe de Salvat et reconnaissance du fait que celle-ci n’est pas intangible ; annonce des propositions qui suivent [43-165].
178[40-41] Mas reconeissem que se pòd modificar. — C’est le point de vue de Salvat lui-même (voir Salvat 1943, xix, cité ci-dessus § 2.3.).
179[43-71] Sur la question de la notation des sifflantes à l’intervocalique, Boudou propose un donnant, donnant entre les systèmes de Salvat et Alibert. La question de Pas per Tolosa vs Passar per Tolosa est une vieille pomme de discorde entre les deux grammairiens, dès leur période vichyste (cf. Alibert en 1943 cité par Taupiac 1991, 13). En 1952, dans le Gai Saber 243 (janvièr-febrièr), « Le grammairien » indique que cette question fait partie « des points délicats, difficiles à préciser, où les hésitations sont permises, et même recommandables ».
180[43-49] La proposition de Boudou consiste à modifier la notation <s> de /s/ intervocalique préconisée par Salvat en faveur de <ss>, ce qui est la notation d’Alibert.
181[44-46], [57-58], [61] etc. Escriurem la cassa. — Selon un procédé qui nous semble être celui des grammaires destinées aux écoles primaires, Boudou fait presque toujours précéder les substantifs exemples de l’article défini ou, beaucoup plus rarement, indéfini (exceptions : [130], [131], [136]).
182[47-49] Boudou se range, dans ce cas, du côté de l’orthographe alibertine, pour des raisons opposées à celles qui ont motivé le travail du grammairien : l’auteur défend le digramme <ss> entre deux voyelles du fait de son existence en français. Cette prise de position est chargée de sarcasme, Boudou ne pouvant ignorer que pour Alibert la standardisation de l’occitan est en partie sentie comme une émancipation vis-à-vis de l’influence linguistique française (Abrate 2001, 236-237).
183[50-51] es aital qu’escribian los trobadors. — Du point de vue de l’érudition, la formulation est évidemment un peu rapide (ne serait-ce que parce qu’on ne dispose pas d’autographes des troubadours).
184[51-53] Guiraut de Borneil, PC 242, 64 (Reis glorios, verais lums e clartatz), v. 16-18 ; Berry 1930, 206, qui suit le texte de Appel.
185[51] Après « Bel companho », Boudou a supprimé la virgule de Berry (1930, 206).
186[52] Berry (1930, 206) imprimait « Et » (intervention de Boudou). — En fin de vers, Boudou a supprimé le point-virgule de Berry (1930, 206).
187[54-63] Préférence est donnée à la position de Salvat : notation de /z/ intervocalique par <z>.
188[64-65] Voir ci-dessus, note à [50-51].
189[66-67] Guillaume de Poitiers, PC 183, 10 (Pos de chantar m’es pres talens), v. 7-8 ; Berry 1930, 48, qui suit le texte de Jeanroy.
190[66] En fin de vers, Boudou a supprimé la virgule de Berry (1930, 48).
191[67] Berry (1930, 48) et toute la tradition éditoriale avait « vezi » (« vezin » est une modernisation/normalisation intentionnelle de Boudou).
192[68-70] Suggestion d’une concession réciproque de la part des alibertistes.
193[69], [161] Les Alibertistas sont essentiellement les membres de l’IEO.
194[80-83] La formulation de Boudou est des plus étranges. Il s’embrouille ou feint de s’embrouiller.
195[93-96] Guiraut Riquier, PC 248 (L’autre jorn m’anava), v. 1-4 ; Berry 1930, 426, qui suit le texte de Raynouard.
196[94] Berry (1930, 426) imprimait « Per » en début de vers. — En fin de vers, Boudou a supprimé la virgule de Berry (1930, 426).
197[95] En fin de vers, Boudou a supprimé la virgule de Berry (1930, 426).
198[96] Les points de suspension finaux (indiquant probablement que la citation est coupée) sont de Boudou.
199[118-123] Marcabrun, PC 293, 18 (Dirai vos senes doptansa), v. 1-6 ; Berry 1930, 76, qui suit le texte de Dejeanne.
200[119] En fin de vers, Boudou a supprimé le point-virgule de Berry (1930, 76).
201[120] En fin de vers, Boudou a supprimé le point-virgule de Berry (1930, 76).
202[121] Berry (1930, 76) imprimait « Escoutatz » (« Escotatz » est une faute d’inattention ou une modernisation/normalisation intentionnelle de Boudou). — Boudou a supprimé le point d’exclamation qui suit « Escoutatz » et les tirets qui encadrent « Escoutatz ! », chez Berry (1930, 76).
203[122] Berry (1930, 76) imprimait « Proeza ».
204[126-127] Pièce anonyme, PC 461, 12 (A l’entrade dels tens clar), v. 1-2 ; Berry 1930, 18, qui suit le texte de Bartsch et Koschwitz, et donne à la pièce le titre de « Danse poitevine ».
205[126] Berry (1930, 18) imprimait « tens » et « eya » ; « tems » est sans doute une normalisation, consciente ou non, due à Boudou (cf. ci-dessus [8] et § 1.3., [15, 24, 35]). — En fin de vers, Boudou a supprimé la virgule de Berry.
206[127] Berry (1930, 18) imprimait « joia » (« jòia » est une modernisation/normalisation intentionnelle de Boudou). — Les points de suspension finaux (indiquant probablement que la citation est coupée) sont de Boudou.
207[128-129] La phase paraît contenir un léger pléonasme (trobam… pares).
208[144-149] Selon Taupiac (1991, 14), en matière d’accents, « en 1950, per de rasons pedagogicas, la grafia de l’Institut d’estudis occitan serà alinhada oficialament sus la del Collègi d’Occitania ».
209[168-170] La conclusion adopte un style scolaire convenu. L’expression « la primièra ròza del solelh colc » désigne le premier épanouissement de la civilisation des pays de l’Europe occidentale. Cette formule rappelle « la primièira civilizacion dels païs del solelh-colc », expression que Boudou placera dans la bouche d’Enric Molin, dans La Santa Estèla del centenari (Bodon 1973 [19601], 26). Cf. encore « Tèrra d’Oc primièira prada, lenga d’Oc primièira Font… Aital la prima començava dels païs del solelh-colc » et « lo nòstre sègle d’aur coma la primièira Renaissença » (d’après Engels, dans Lo libre dels Grands jorns ; Bodon 1963, I, 9, 40). Ce motif apparaît pour la première fois dans le recueil de 1945 Lo frescun del nóstre Viau (devenu en 1946 Frescor de Viaur), dont le poème initial s’intitule « La roza del solelh colc ». Boudou glose solelh colc par « soleil couchant = occident » dans un envoi de « La roza del solelh colc » à Pierre Loubière, que nous datons de janvier 1947 (document conservé à la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron).
210Le glossaire ci-dessous s’efforce de consigner les faits lexicaux remarquables, sans négliger les francismes, et de répondre aux exigences minimales de la lexicographie actuelle, notamment en privilégiant l’emploi de définitions compositionnelles. Nous renvoyons systématiquement aux dictionnaires de Vayssier, Mistral et Alibert, au modeste lexique joint à l’édition de 1976 de La grava sul camin (cité ‘BodonG’) et au FEW. Le signe ‘+’ signale les mots, emplois ou sens non décrits ou mal décrits dans les ouvrages consultés. Les chiffres ‘I’ et ‘II’ placés devant le numéro de la ligne désignent respectivement la lettre (ci-dessus § 1.3.) et l’Ensaj (ci-dessus § 2.6.).
*
211abastardir (s’) v. tr. en empl. pron. au fig. et péj. +“perdre ses qualités originelles, sa pureté (le sujet désigne ici une langue)” II, 9.
212Vayssier obostordí : seulement “s’abâtardir, dégénérer, dépérir (se dit surtout des semences, des races d’animaux)” ; M s’abastardi seulement “s’abâtardir, dégénérer” ; Alibert abastardir : comme M ; Ø FEW 15/1, 72b, bastardus. — Sens emprunté à fr. s’abâtardir “s’avilir, perdre ses qualités (personne, courage, etc.)” (dp. 1561, Calvin [d’une personne], TLF et FEW, loc. cit.).
*
213accent s. m. t. de gramm. “signe graphique placé au-dessus d’une voyelle (accent aigu ou accent grave) soit pour indiquer qu’elle appartient à la syllabe du mot qui porte l’accent d’intensité, soit pour en préciser l’aperture” II, 143, 144, 147, 152, 155, 162.
214Vayssier occén : glosé seulement “accent” ; M acènt, lang. Accent : glosé seulement “accent” (sans précision, mais cf. acènt agut, acènt grèu, en ex.) ; Alibert accent : glosé seulement “accent” ; Ø FEW 24, 70b, accentus. — Emprunt à fr. accent “id.” (dp. Est 1549, FEW, loc. cit. et TLF).
*
215acòrdi s. m. rég. ds d’acòrdi en loc. verb. : — èstre d’acòrdi “être du même avis” II, 18, 68 ; — se metre d’acòrdi “parvenir au même avis” II, 37.
216Vayssier ocouórdi : sèn d’ocouórdi “nous sommes d’accord” ; M acord : lang. èstre d’acòrdi “être d’accord” ; Ø Alibert acòrdi ; Ø FEW 24, 87a, *accordium (le mot en emploi autonome : alp. Barc. Nice, mars. castr. rouerg. PrC).
*
217adessiatz interj. “(formule dont on se sert pour prendre congé (ici par écrit) d’une personne qu’on vouvoie)” I, 38.
218Vayssier odessiás, adissiás, adieūssiás “adieu (ces mots s’emploient pour saluer une personne que l’on quitte et que l’on ne tutoie pas)” ; M à-diéu-sias, lang. adessias “adieu (en s’adressant à plusieurs personnes ou à qn qu’on ne tutoie pas) ; Alibert adieu-siatz “adieu, bonjour (forme respectueuse qui répond à vos)” ; FEW 3, 58a, deus (formes en -e- : seulement TB. Romans, Murat).
*
219aimar v. tr. ds aimar mai (+ inf.) loc. verb. “préférer” II, 55, 150.
220Ø Vayssier ; M ama mai “aimer mieux, préférer” ; Alibert mai : aima mai “il préfère” ; FEW 24, 386b, amare (seulement aocc. amar mais + inf.).
*
221+Alibertista s. m. néol. [employé au pl.] “membre du mouvement renaissantiste occitan favorable au système orthographique de Louis Alibert” II, 69, 161.
222Ø Vayssier, M, Alibert ; un article Alibert est à aj. FEW 25, 316a. — Déonomastique néologique.
*
223+aluendar (s’) v. tr. en empl. pron. par métaph. rég. “présenter des divergences (par rapport à un modèle)” I, 17 (ind. pr. 3 s’aluènda).
224Ø Vayssier ; Ø M (seulement lang. alienta, s.v. aluncha) ; Ø Alibert ; Ø FEW 5, 404b, longe.
*
225ancian adj. qual. “qui a existé à une époque antérieure (ici au Moyen Âge) et qui n’existe plus” I, 17.
226Ø Vayssier (seulement oncièn, ancièn “ancien, vieux, passé” < fr.) ; M ancian : glosé seulement par “ancien” ; Alibert : comme M ; FEW 24, 638a, ante (lang. pr. ancian). — La forme en -an semble pour le moins un archaïsme.
*
227aprene v. tr. [le COD désigne celui à qui on enseigne qch] +“enseigner à (qn) (à faire qch)” II, 11.
228Ø Vayssier opréne, apréne (“apprendre”) ; M aprendre, aprene “apprendre ; enseigner” ; Alibert aprendre ~ aprene “apprendre, enseigner, s’instruire” ; FEW 25, 49b, apprehendere (sens relevé seulement en fr. rég. de Marseille). — Construction attestée en frm. chez Vaugelas et La Fontaine (FEW 25, 49a).
*
229aval adv. ds +en aval loc. adv. “plus au sud” II, 21.
230Ø Vayssier (seulement en obál “en bas”) ; Ø M avau ; Ø Alibert aval ; FEW 14, 138b, vallis ; cf. en aval “au sud (= en Espagne)” (Boudou, Lo libre dels Grands jorns III, 8).
*
231b s. m. (1) didact. “deuxième lettre de l’alphabet, servant à noter une consonne bilabiale sonore (occlusive ou spirante)” II, 88, 97. (2) Par méton. t. de gramm. (ds lo son b) +“segment consonantique bilabial, sonore (occlusif ou spirant), représenté par la lettre b” II, 76, 81, 85.
232Ø Vayssier (malgré un article b, de nature encyclopédique) ; M b ; Alibert b ; un article b est à aj. au FEW (1, 192a).
*
233bocin s. m. ds un bocin loc. adv. rég. [incidant sur un adv.] “dans une mesure faible, mais non négligeable” II, 9-10.
234Vayssier boucí : un boucí de “un peu de” ; M boucin, lang. bouci : un boucin “un peu” ; Ø loc. adv. Alibert bocin ; Ø loc. adv. FEW 1, 586b, *buccinum (le subst. : lang. aveyr. Lot, hauv. Creuse, HVienne, Dord. et gasc. ; cf. encore Ronjat 2, 148) et ALMC 1293 et 1488* p. 54 et 55).
*
235+ç s. m. t. de gramm. “lettre diacritiquée servant à noter la fricative sifflante sourde” II, 109, 114. => cedilha.
236Ø Vayssier ; Ø Mistral ; Ø Alibert ; Ø FEW 2, 1a, c.
*
237+caporal adj. qual. rég. “qui est le plus important” II, 37.
238Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; Ø FEW 2, 344a, caput.
*
239cedilha s. f. t. de gramm. “signe diacritique en forme de c retourné, qui, placé sous la lettre c, indique que celle-ci note une fricative sifflante sourde” II, 111, 128. => c.
240Ø Vayssier ; M cediho, lang. cedilho “cédille” ; Alibert cedilha “id.” (de l’espagnol !) ; FEW 2, 1a, c (sic). — Emprunt à frm. cédille “id.” (dp. 1654-1655, TLF).
*
241colc => solelh.
*
242+complir (se) v. tr. en empl. pron. “se réaliser, avoir lieu” I, 14.
243Ø Vayssier (seulement ocoumplí, acoumplí) ; Ø M (seulement coumpli v. tr.) ; Alibert : comme M ; Ø FEW 2, 980b (seulement v. tr.).
*
244conjugazon s. f. t. de gramm. “ensemble des formes fléchies des verbes” II, 100.
245Ø Vayssier ; M conjuguesoun, lang. conjugasou : glosé seulement “conjugaison”, avec un ex. du sens décrit ci-dessus ; Ø Alibert ; Ø FEW 2, 1052a, conjugare. — Emprunt à frm. conjugaison “id.” (dp. 1549, Tory, TLF).
*
246còrps II, 80 ou corps II, 114 s. m. ds +dins lo còrps/corps dels mots loc. adv. t. de gramm. +“en position interne (par opp. aux positions initiale et finale)”.
247Ø Vayssier couos, cors ; Ø M cors ; Ø Alibert còrs ~ còs ; Ø FEW 2, 1215a, corpus. — Emprunt probable à frm. corps d’un mot (s. d., mais cf. corps d’un livre/d’un discours “partie principale” dp. 1671, TLF et FEW, loc. cit.).
*
248+corregir v. tr. [le COD désigne un animé humain] “rectifier les imperfections, les défauts de” I, 22.
249Ø Vayssier (seulement correjá) ; M courregi : glosé seulement par “corriger” ; Ø Alibert ; Ø FEW 2, 1220a, corrigere (seulement aocc. corregir et formes en -á dans les parlers modernes ou contemporains : Aix P, lang. blim. béarn.). — Peut-être réfection renaissantiste.
*
250daissar v. tr. rég. ds +daissar de costat loc. verb. “ne pas accorder à (qch) l’attention qu’on lui devrait, ne pas s’occuper de (qch)” I, 11-12 ; II, 133, 166-167.
251Ø Vayssier coustát et loyssá (où est enregistrée la forme doyssá) ; Ø M coustat et leissa (où est enregistré lang. deissa, daissa) ; Ø Alibert costat et daissar ~ laissar ; Ø FEW 2, 1251b, costa et 5, 221ab, laxare — Probable emprunt phraséologique à frm. laisser de côté (dp. 1787 “abandonner, mettre au rebut”, TLF). — Pour la forme en d- du verbe (attestée aussi en 14), voir FEW 5, 226ab, laxare (nombreux parlers languedociens et gascons).
*
252de que => que.
*
253detalh s. m. “élément non essentiel d’une question, qui peut être considéré comme secondaire” II, 133.
254Vayssier detál “détail” (mais avec l’ex. bendre en detál) ; M detai, lang. detal “détail” et un ex. de Désanat illustrant le sens traité ci-dessus) ; Alibert detalh “détail” ; Ø FEW 13/1, 46b, taliare.
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255dialèite s. m. t. de gramm. “groupe de parlers qu’on distingue à l’intérieur d’un domaine linguistique (ici celui de la langue d’oc)” II, 154.
256Ø Vayssier ; M dialèite, lang. dialècte (avec une citation de Crousillat) ; Ø Alibert ; un article dialectus est à aj. à FEW 3, 66b. — Emprunt à frm. dialecte (dp. 1550, Ronsard, TLF).
*
257diferir v. tr. “marquer la différence entre (qch) et (qch d’autre)” II, 145.
258Ø Vayssier (seulement diferá, et dans d’autres sens) ; Ø M diferi, difera (seulement “différer, être différent ; remettre retarder”) ; Ø Alibert diferir (seulement “différer ; être différent”) ; Ø FEW 3, 73b, differre.
*
259dificultos adj. qual. “qui présente de la difficulté, qui n’est pas facile” II, 60.
260Vayssier dificultóus : “difficile, qui offre des difficultés” ; M dificultous : seulement “difficultueux” ; Alibert dificultós : comme M ; Ø ce sens FEW 3, 74a, difficultas.
*
261dòl v. intr. (ind. pr. 3) impers. [construit avec un pron. pers. COD] par ext. “faire éprouver une souffrance morale à (qn)” II, 13.
262Ø Vayssier douólre, dólre (seulement “faire mal”) ; M dòure, rouerg. dolre, douolre “faire de la peine” ; Alibert dòler ~ dòlre : glosé seulement “faire souffrir” ; Ø FEW 3, 117b, dolere.
*
263duscas prép. rég. ds +duscas que loc. conj. de sub. (+ ind. fut.) “jusqu’au moment où” II, 106.
264Ø Vayssier (forme dúsquo(s) de la prép. : seulement VillefrR.) ; Ø M (seulement jusquo que) ; Ø Alibert (seulement rouerg. dusca prép.) ; Ronjat 3, 505 (ség. dusquo prép. devant consonne, dusquos devant voyelle ds dusquos aqui) ; Ø FEW 14, 74a, usque (seulement afr. ; forme duscos de la prép. : seulement St-André [ = Bessou]).
*
265e s. m. didact. “lettre de l’alphabet, servant à noter (ici dans le système orthographique de Joseph Salvat) la voyelle d’avant, étirée, mi-fermée” II, 146.
266Ø Vayssier (malgré un article e, de nature encyclopédique) ; M e ; Ø Alibert ; un article e est à aj. au FEW 3, 199a.
*
267+é s. m. t. de gramm. (ds é francés) “segment vocalique, d’avant, étiré, mi-fermé, représenté (en français) par la lettre diacritiquée é” II, 146.
268Ø Vayssier ; Ø Mistral ; Ø Alibert ; un article e est à aj. au FEW 3, 199a.
*
269+è s. m. (1) didact. “lettre diacritiquée, servant à noter (ici dans le système orthographique de Joseph Salvat) la voyelle d’avant, étirée, mi-ouverte” II, 146. (2) Par méton. t. de gramm. “segment vocalique, d’arrière, étiré, mi-ouvert, représenté par la lettre diacritiquée è” II, 146 (è frances), 153 (lo son […] è).
270Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; un article e est à aj. au FEW 3, 199a.
*
271endevenir (s’) v. intr. en empl. pron. rég. “parvenir au même avis, se mettre d’accord” I, 24-25 ; II, 31, 71.
272Ø Vayssier s’endebení (seulement “s’accorder, aller bien ensemble”) ; M endeveni (lang. endebeni) : s’endeveni “s’accorder, tomber en cadence, s’harmoniser, sympathiser” ; Alibert endevenir v. r. “s’accorder” ; FEW 3, 60a, devenire (Cahors endebení v. r. “être du même avis”).
*
273ensaj s. m. rég. néol. de sens [dans le titre d’un écrit] “texte par lequel un auteur s’efforce de résoudre une question, en confrontant différentes approches dans le but de prendre position d’un point de vue théorique” II, 1.
274Ø Vayssier ; M assai, lang. rouerg. ensach seulement “essai” ; Alibert assag : ensag seulement “essai” ; cette forme Ronjat 1, 316 (ensai ~ ach : « nim. l. ag. querc. et parlers aq. voisins du toul. et de l’ag. ») ; FEW 3, 256b, exagium (notamment Lézignan ensach au sens d’“essai”, rouerg. id. Pr, Cahors ensatsi). — Emprunt de sens à frm. essai “ouvrage dont le sujet, sans viser à l’exhaustivité, est traité par approches successives, et généralement selon des méthodes ou des points de vue mis à l’épreuve à cette occasion” (dp. 1580, Montaigne, TLF).
*
275ensaja [sic ms.] v. tr. rég. [construit avec de + inf.] “faire des efforts dans le but (de)” II, 31.
276Vayssier essojá : ensochá “essayer, tenter” (Marcillac) ; M assaja : lang. ensaja “essayer, tenter” ; Alibert assajar : ensajar “essayer” ; FEW 3, 256b, exagium (lang. ensaja “essayer”, Péz. Lézignan ensacha, Cahors ensotsa, Toulouse ensaja).
*
277escambi s. m. (au pl. escambies) +“ensemble des relations établies entre des institutions, des groupes différents (ici des écoles primaires)” II, 23.
278Ø Vayssier ; Ø M escàmbi : seulement “échange, troc” ; Alibert escambi : comme M ; Ø FEW 2, 121a, cambiare.
*
279escriban s. m. “personne qui compose des ouvrages littéraires” II, 4, 141.
280Ø Vayssier ; M escrivan “écrivain” ; Alibert : comme M ; Ø FEW 11, 330b.
*
281es que => èstre.
*
282èstre v. intr. (1) formes remarquables : (a) siaguèt (ind. prét. 3) II, 169 ; (b) siague (subj. pr. 3) II, 87. (2) Ds es que “(formule qui introduit une phrase interrogative)” II, 31, 34-35, 69.
283(1, a) : Ø Constans (1880, 106) et Ronjat 3, 287 (seulement seguèt) et ALMC 1890 ; (2, b) : rouerg. siague P1 (Ronjat 3, 287), siágue P3 (« moins souvent » que siágo, Constans 1880, 107) ; cf. ALMC 1883 ([‘sjae] p 53) ; (2) Ø Vayssier èstre, èsse ; Ø M èstre et que ; Ø Alibert èsser ~ èstre et que ; Ronjat 3, 625 (« plutôt rare ») ; Ø FEW.
*
284facultat s. f. par méton. néol. +“locaux abritant une faculté (établissement d’enseignement supérieur)” I, 3.
285Vayssier focultát, facultát : glosé seulement par “faculté” ; M faculta, facultat (lang.) : seulement “corps de professeurs” ; Alibert facultar : glosé seulement par “faculté” ; FEW 3, 364a, facultas : occ. faculta (< M), mars. id. A — Emprunt à frm. faculté “id.” (dp. 1889, TLF).
*
286far II, 42 ou faire II, 42 (var.) v. tr. “accomplir, exécuter (une action)”.
287Vayssier fa, fáyre ; M faire, lang. fa ; Alibert far ~ faire ; FEW 3, 346b, facere ; Ronjat 3, 298 : rouerg. fa et faire. ALMC1183 : [fa] p. 54, 55 et points voisins).
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288faire => far.
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289favor s. f. ds +a la favor de loc. prép. “grâce à, à l’occasion de” II, 23.
290Ø Vayssier fobóu, -r ; Ø M favour (lang. fabou) ; Ø Alibert favor ; Ø loc. FEW 3, 439b, favor. — Emprunt à frm. à la faveur de “id.” (dp. 1580, TLF).
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291fixar v. tr. +“rendre stable, régulariser (une langue, son orthographe, son lexique)” II, 2, 88, 141 ; fixat part. passé-adj. [précédé d’un adv. nég.] II, 74, 135.
292Vayssier fixá “fixer, rendre fixe” ; M fissa : lang. fixa, fitsa “fixer, rendre fixe, déterminer” ; Ø Alibert ; Ø cette acception FEW 3, 597a, fixus. — Emprunt à frm. fixer (dp. 1672 “déterminer (qch)”, TLF, qui ne date pas l’acception traitée ci-dessus, mais en donne des exemples dp. 1824).
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293fizar (se) v. pron. [suivi de la prép. a] “accorder sa confiance (à qch)” II, 14.
294Ø Vayssier fisá, fiá (« v. a. » “fier, confier”) ; M se fisa “se fier, se confier” ; Alibert fisar v. r. “se fier” ; FEW 3, 498a, *fidare (pr. lang. aveyr. Tarn s e f i z a “se fier”, rouerg. se fisa Pr).
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295fizèl adj. qual. par ext. [suivi de la préposition a + compl. désignant un inanimé abstrait] +“qui demeure attaché (à qch), constant dans son choix (de qch)” II, 107.
296Ø Vayssier (seulement fidèle “fidèle” < fr.) ; M fidèu, lang. fisèl : glosé seulement “fidèle, qui reste attaché, soumis, docile” ; Ø Alibert (seulement fidèl “fidèle”) ; FEW 3, 502b, fidelis (Puiss. fizel “fidèle” [source douteuse], rouerg. fisel (vieilli, RLR 21, 68)).
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297francament adv. de modalité +[employé comme compl. de phrase] “pour parler sans détour, sans aucune dissimulation” II, 30.
298Ø Vayssier ; M francamen, lang. francomen : glosé seulement “franchement” ; Alibert francament : comme M ; FEW 15/2, 167a, frank (seulement occ. [< M], Puiss. [source douteuse] francomen “en disant librement ce que l’on pense”). — Emprunt à frm. franchement “sans détour, sans dissimulation” (dp. 1536, Collerye, TLF).
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299+grafia s. f. t. de gramm. néol. “système codifié de représentation orthographique (ici de la langue d’oc, médiévale ou contemporaine)” I, 5, 16, 18, 19 ; II, 3, 20, 21, 26, 32, 38, 47, 48 etc.
300Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; Ø FEW 4, 242a, graphein. — Emprunt (déjà 1904, Perbosc ; 1913 [grafio], tous les deux ds Kremnitz 1974, 209 n. 104) à frm. graphie “système d’écriture” (dp. 1878, TLF). Mot connoté Perbosc-Estieu-Salvat (par opposition à ourtougràfi dans la stricte tradition mistralienne), adopté par Boudou dès avril 1941 (« la grafia coma dison » ; voir citation ci-dessus § 0.1.).
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301+grafic adj. qual. t. de gramm. néol. (1) “relatif à l’orthographe (ici de la langue d’oc)” II, 1, 7. (2) [Qualifiant le nom d’une lettre] “qui relève de l’orthographe, du code graphique (par opp. au segment phonétique correspondant)” II 56, 78.
302Ø Vayssier ; Ø M grafi, lang. grafic (seulement t. sc. “graphique” [ = “qui a rapport à l’art de représenter les objets par des lignes”]) ; Ø Alibert ; Ø FEW 4, 242b, graphein. — Emprunt à frm. graphique “qui a rapport à la représentation des sons par l’écriture” (FEW, loc. cit.).
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303gramatica s. f. par méton. didact. néol. +“ouvrage contenant les règles à suivre pour écrire et parler correctement une langue” II, 14.
304Ø Vayssier (seulement grommèro, grammèro < fr.) ; M gramairo, gramatico : seulement glosé “grammaire”, avec deux exemples nissards de gramatico/grammatica (< it.), au sens d’“ensemble des règles à suivre pour écrire et parler correctement une langue” ; Alibert gramatica : glosé seulement “grammaire” ; Ø FEW 4, 216b, grammatica (seulement aocc. gramatica “grammaire latine ; littérature latine”). — Néologisme renaissantiste (cf. le titre de la grammaire de L. Alibert, 1935), chargé d’éviter le francisme grammèro, sans doute repris, avec changement de sens, à l’ancien occitan (le mot est dans LvP).
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305+gramaticaire s. m. didact. néol. “lettré qui étudie une langue et fixe les règles à suivre pour l’écrire et la parler correctement (ici spéc. auteur d’une grammaire)” II, 17.
306Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert (seulement gramatician) ; Ø FEW 4, 216b, grammatica. — Néologisme renaissantiste, dérivé sur => gramatica, peut-être de provenance salvatienne.
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307guirguilh s. m. rég. [employé au pl.] “différend passionné, assez vif pour amener des échanges violents” II, 29.
308Vayssier guirguíl “querelle ; débat” ; M garguil, lang. guirguil “barguignage, hésitation, embarras ; grabuge, noise, en Languedoc” ; Alibert guirguilh “chicane, querelle” ; FEW 2, 1490a, quisquiliae (seulement St-André guirguil, guerguil [ = Bessou]) et 4, 210b et n. 7, graecus (type en -i- initial : St-Pons, castr. aveyr. ; type en -e- initial : Béz. aveyr.).
*
309idèa s. f. “vue, plus ou moins originale, que l’intelligence élabore dans le domaine de la connaissance et/ou de l’action” I, 4.
310Vayssier idèo, idèyo “opinion, avis, manière de voir” ; M idèio, lang. idèo “idée, pensée” ; Alibert idèa “idée” ; Ø FEW 4, 532b, idea. — Emprunt à frm. idée “id.” (dp. 1583, TLF).
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311+intercomprehension t. de gramm. néol. “faculté de compréhension réciproque (ici entre les locuteurs de diverses variétés d’une même langue)” II, 33.
312Ø Vayssier ; Ø Mistral ; Ø Alibert ; Ø FEW 2, 986a, comprehendere. — Emprunt à frm. intercompréhension “id.” (dp. 1913, Ronjat, TLF).
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313+interscolari adj. néol. “qui a rapport à plusieurs écoles primaires prises ensemble” II, 24.
314Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; FEW 11, 303b, scholaris. (sans donnée pour l’occitan) — Emprunt à frm. interscolaire “id.” (dp. Lar 1907, FEW, loc. cit.).
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315+intervocalic t. de gramm. adj. qual. néol. “placé entre deux voyelles (d’une consonne)” II, 82, 98.
316Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; Ø FEW 14, 586a, vocalis. — Emprunt à frm. intervocalique “id.” (dp. 1895, Grammont, TLF).
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317latinista s. m. didact. “personne ayant étudié le latin, qui connaît cette langue” II, 60.
318Ø Vayssier ; M latinisto “latiniste” ; Ø Alibert ; Ø FEW 5, 199b, latinus. — Emprunt à frm. latiniste ”id.” (dp. mil. xve s., Chastellain, TLF et FEW, loc. cit.).
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319maja => part.
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320marcar v. tr. spéc. +“distinguer (une lettre, une syllabe, une terminaison) des autres au moyen d’un accent graphique” II, 148, 155, 162.
321Ø Vayssier marquá ; Ø M marca (glosé seulement “marquer, tracer”) ; Ø Alibert marcar (glosé seulement “marquer”) ; Ø FEW 16, 551-552 merki.
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322moment s. m. ds +pel moment loc. adv. “au moment où l’on est, avant qu’une autre chose n’intervienne” II, 6, 88, 134.
323Ø Vayssier moumén ; Ø M moumen ; Ø Alibert moment ; Ø FEW 6/3, 61b, momentum. — Emprunt à frm. pour le moment “id.” (dp. 1755, FEW, loc. cit.). — Pour l’amalgame pel ( = per + lo ; cf. aussi II, 70), voir Vayssier pel et Ronjat 3, 117 (ség. pel devant consonne).
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324Monsur s. m. par iron. et avec une connotation péj. + “personnage important, ayant une certaine autorité, un certain rang” II, 27.
325Ø cette acception Vayssier moussú ; Ø cette acception M ; Ø Alibert ; Ø cette acception FEW 11, 456b, 457a, senior. — Emprunt à fr. monsieur.
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326nautres pron. pers. P4 (forme absolue) m. rég. [régime de prépositions] I, 20, II, 59.
327Vayssier naūtres “nous, nous autres” ; M nous-autre, lang. nautres “nous autres, nous” ; Ø Alibert nos ; Constans 1880, 81 (« nautres […] s’emploie avec les pépositions ») ; Ronjat 3, 53 (cette forme : mtp. bit. rrgt.) ; FEW 7, 192b, nos (cette forme : mars. A, Alès, Hér. Péz. Cahors, rouerg. Pr, aveyr.).
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328+o s. m. didact. (1) “lettre de l’alphabet, servant à noter (ici dans le système orthographique de Joseph Salvat) la voyelle d’arrière, arrondie, fermée” II, 145. (2) Par méton. t. de gramm. (ds o francés) “segment phonétique d’arrière, arrondi, d’aperture moyenne, représenté (en français) par la lettre o” II, 145.
329Vayssier o (article encyclopédique ; autre sens) ; Ø M o (autre sens) ; Ø Alibert ; Ø FEW 7, o.
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330+ò s. m. t. de gramm. néol. (1) “lettre diacritiquée servant (ici dans le système orthographique de Joseph Salvat) à noter la voyelle d’arrière, arrondie, mi-ouverte” II, 145. (2) Par méton. (ds lo son ò) “segment vocalique d’arrière, arrondi, mi-ouvert, représenté par la lettre diacritiquée o” II, 153.
331Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; Ø FEW 7, o.
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332+ou s. m. didact. (ds ou francés) “segment vocalique d’arrière, arrondi, fermé, représenté (en français) par le digramme ou” II, 145.
333Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; Ø FEW 7, o.
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334òu interj. ds +òu l’òme loc. interj. rég.“(formule qu’on emploie pour s’adresser (ici par écrit) à un aîné de sexe masculin)” I, 2.
335Vayssier : seulement oū ! “hola ! hem !” ; M : seulement hòu “(interj. dont on se sert pour appeler)” ; Ø Alibert ; Ø FEW 4, hau et 4, 503a, hu-. — En 1942, Boudou (1986, 37) s’explique ainsi à propos de la variante E l’óme (op. cit., 36) : « Dins lo meu païs, quand un jovent vòl apelar un vièlh, lo sona en cridant plan fòrt : E ! l’òme. Es aital que vos farai ».
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336+parent adj. qual. (f. -a) au fig. “qui présente des affinités, des similitudes” II, 32.
337Ø Vayssier porént, parént (s. m. et f.) ; Ø M parènt (lang. parent) (s. et adj.) ; Ø Alibert parent (s. m. et adj.) ; Ø FEW 7, 642-643, parens. — Emprunt à frm. parent adj. “id.” (dp. 1821, TLF).
*
338pares v. intr. (ind. pr. 3) [en empl. impers. ; construit avec un adj. attribut du sujet] “être apparemment (pour qn), sembler (à qn)” II, 6, 129.
339Vayssier porétre, parétre : seulement me porés que + v. ; M parèisse (lang. parès) “sembler” ; Alibert paréisser “avoir l’air” ; Ø FEW 7, 645b, parere. Emploi emprunté à frm. paraître “sembler, avoir l’apparence de (+ adj. ou subst.)” (dp. D’Aubigné, FEW, loc. cit.). — Pour la forme pares, cf. Constans (1880, 131) : porés (on attendrait *pareis, cf. Ronjat 3, 322). Cette forme est probablement influencée par frm. paraît (dans ce sens, depuis 1666, Molière, TLF).
*
340parfèit adj. qual. “aussi bien fait que possible” I, 6.
341Vayssier porfèt, parfèt “parfait, exécuté à la perfection” ; M perfèt, parfèt (mars.), perfèit (gasc.) “parfait” ; Alibert perfèit “parfait” ; Ø FEW 8, 237a, perfectus. — Emprunt à fr. parfait “id.” (dp. Wace, FEW, loc. cit.) avec réfection graphique en -èit.
*
342part s. f. ds la maja part loc. nom. indéf. [suivie de de et d’un compl.] “le plus grand nombre” II, 59.
343Vayssier máje (f. májo) : la májo part del tems (de) “la plupart du temps.” ; M maje et part : seulement la maje part ; Alibert part : seulement la màger part ; FEW 6/1, 55b, major (la majo/maja part : Puiss. lim. ; aocc. la mage part Avignon 1404).
*
344patir v. intr. [construit avec la prép. a + inf.] “éprouver de la difficulté, avoir de la peine (à)” II, 98 (patissen ind. pr. 4 ; voir ci-dessus note sur le texte), II, 151.
345Vayssier potí, patí “prendre ou se donner beaucoup de peine, peiner, se fatiguer” ; M pati “peine trouver de la difficulté” ; BodonG patir “avoir de la peine à” ; Alibert patir “peiner” ; FEW 8, pati (seulement Charpey patir de “avoir de la peine à faire qch”).
*
346pel => moment.
*
347plus adv. ds los plus (+ adj. qual.) “(pour marquer le superlatif relatif)” rég. +[en empl. pléonastique devant un adj. dont le sens ne comporte pas de degrés, ici => caporal] II, 47.
348Ø cet emploi Vayssier pus, plus ; Ø cet emploi M plus ; Ø cet emploi Alibert plus ~ pus. — Sur l’« emplec pleonastic de pus [plus] davant d’adjectius que semblaria que se’n poguèssen passar, coma : principal, primier, darrièr », voir Chatbèrt (1978, 70-71 = 1983, 89-91), qui donne plusieurs exemples tirés d’œuvres de Blouin, Gelu, Bessou et Boudou (lo pus primièr) ; cf. aussi Gougenheim 1974, 62.
*
349+pracòs adv. rég. “(pour marquer l’opposition entre deux choses liées), pourtant” II, 10 ; [avec une nuance concessive] “en dépit de ce qui vient d’être dit, néanmoins” 116, 124.
350Vayssier procouó : [procouó]s “cependant, néanmoins, pourtant” ; Ø M acò (seulement lang. pracò “pour cela, pourtant”) ; Ø Alibert (seulement pr’aquò) ; Ø FEW 4, 443a, hoc (seulement formes sans -s).
*
351prezentar v. tr. +“avoir tel caractère (par rapport à un utilisateur)” II, 103.
352Vayssier presentá : glosé seulement “présenter” ; M presenta : glosé seulement “présenter, offrir” ; Alibert presentar : glosé seulement “présenter” ; Ø FEW 9, 308-309, praesentare. — Emprunt à frm. présenter “avoir telle apparence, tel caractère” (dp. 1580, Montaigne, TLF).
*
353prezic s. m. par ext. et iron. +“exposé oral, fait devant une assemblée, à la demande des organisateurs, et traitant, de manière dogmatique, d’une question particulière” I, 3.
354Vayssier presic : seulement “sermon, prêche” ; M s.v. prèche, presic (gasc.) “prêche, sermon” ; Mouly 1965, 225, 295 : presic “prône” ; Alibert presic : seulement “sermon, prêche” ; FEW 9, 289a, praedicare (seulement “prêche”). — Une connotation péjorative n’est pas exclue, cf. frm. prêche “discours moralisateur, pontifiant, exalté” (TLF, avec des citations de Dumas père et de Drieu La Rochelle).
*
355protecion s. f. +“ce qui facilite la carrière, la réussite de qn, par un appui matériel et/ou moral” I, 27.
356Vayssier proutectieū, protexieū : glosé seulement “protection” ; M prouteicioun, lang. proutecciéu : glosé seulement “protection” ; Ø Alibert ; Ø FEW 9, 470a, protegere. — Emprunt à frm. protection “id.” (dp. 1633, TLF et FEW, loc. cit.).
*
357punt s. m. “sujet qui implique des difficultés à résoudre” II, 37, 107.
358Ø Vayssier poun, pun (St-Affrique) ; M poun, lang. pun “question” ; Alibert ponch, punt “question” ; Ø FEW 9, 586a, punctum.
*
359que pron. interr. [II, 22] ds de que loc. pron. interr. rÉg.“quelle chose ?” II, 19.
360Vayssier de : de que dans plusieurs ex. (de que fosés ?) ; M dequé (« En Languedoc et sur les bords du Rhône ») : ex. dequé fas ? ; Ø Alibert que ; Ronjat 3, 97 (« surtout en prov. ») ; Ø FEW 2, 1465a, qui.
*
361qu’ un (f. qu’ una) rég. (1) adj. interr. [épithète] II, 13. (2) Pron. rel. ds qu’una… que (+ èstre au subj.) II, 86.
362Vayssier quun, -o, « adj. » : glosé seulement “quel”, avec un ex. quóne que siágo “quel que ce soit” ; Ø M qun ; Ø Alibert ; Ronjat 3, 97 (ség. qun) ; FEW 2, 1477b, quinam. — Pour la répartition géographique de cette forme, voir Ronjat 3, 94 (« narb. carc. laur. alb. ség. rrgt. dial. Qun ») et FEW, loc. cit. (Ariège Am, Tarn, TarnG. rouerg. Pr).
*
363+realizar v. tr. [au passif] “faire exister à titre de réalité concrète (ce qui n’existait que dans l’esprit)” II, 73.
364Ø Vayssier ; M realisa : glosé seulement “réaliser” ; Ø Alibert ; FEW 10, 133b, realis (seulement Chav.). — Emprunt à frm. réaliser “id.” (dp. Cotgr 1611, TLF et FEW, loc. cit.). — Rem. : realizar apparaît en mention, comme exemple (II, 58, 62).
*
365remenar v. tr. rég. par métaph. +“examiner et débattre sans cesse (des idées) dans son for intérieur” I, 4.
366Vayssier remená : seulement au sens propre “remuer (spécialement un liquide, une bouillie, etc.) en rond” ; M remena : seulement “remuer un liquide en rond” ; Alibert remenar : seulement “remuer” ; BodonG remenar “remâcher” ; FEW 6/2, 106ab, minare, seulement “remuer ; brasser” (nombreux parlers languedociens).
*
367+repapiada s. f. rég. “propos d’une personne qui radote” I, 24.
368Ø Vayssier ; Ø M ; Ø Alibert ; Ø FEW 7, 585b, pappare (le verbe de base est attesté avec les localisations suivantes : Alès déjà S2, Clerm. Béz. Puiss. Toulouse D, Cahors, Tarn, PradesL. blim. Agen, Armagnac).
*
369+reprezentar v. tr. “noter (un son du langage) au moyen d’une lettre de l’alphabet” II, 55. Synon. => traduzir.
370Vayssier representá : seulement glosé “représenter” ; M representa : “représenter” et “figurer” ; Alibert representar : seulement “représenter” ; Ø ce sens FEW 10, 270b, repraesentare. TLF
*
371saber v. intr. en empl. abs. ds +qual sab loc. phrast. “ce n’est pas impossible” I, 33.
372Ø Vayssier saupre, sobé, sabé ; Ø M sabé ; Ø Alibert saber ; Ø FEW 11, 194-195, sapere.
*
373saiques adv. rég.“selon la vraisemblance, les probabilités” I, 6.
374Vayssier sáyque : sáyques “sans doute, probablement, apparemment” ; M sai-que, rouerg. chai-que : “peut-être que, apparemment, probablement, en Languedoc” ; Alibert sai : sai-que “peut-être, sans doute probablement” ; FEW 11, 197a, sapere (seule forme avec -s adverbial est aveyr. sayques < Vayssier ; type saique : Alès “peut-être ; sans doute”, Péz. Puiss. [source douteuse] “peut-être”, rouerg. “apparemment, sans doute” Pr, aveyr. “probablement”, St-André, Gévaudan “certes”) ; Ronjat 3, 495, 627 (lang.).
*
375s s. m. didact. “lettre de l’alphabet notant un segment consonantique fricatif, sifflant (sourd ou sonore)” II, 43 (écrit S), 68 (écrit S).
376Ø Vayssier (malgré un article s, de nature encyclopédique) ; M s ; Ø Alibert ; Ø FEW 11, 1a, s.
*
377silaba s. f. t. de gramm. “unité phonétique qui se prononce en une seule émission de voix” II, 148.
378Vayssier sillábo “syllabe” ; M silabo “syllabe” ; Ø Alibert ; Ø FEW 12, 484a, syllaba (seulement aocc. sillaba, env. 1170-1420).
*
379sistème s. m. +“idées formant un tout ordonné” II, 150.
380Vayssier sistème : glosé seulement “système” ; Ø M (seulement sistèmo) ; Ø Alibert ; Ø FEW 12, 503b, systema.
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381solelh s. m. ds solelh colc loc. nom. rég. +“ensemble des pays d’Europe situés à l’ouest du continent et par méton. la civilisation de ces pays” II, 170.
382Ø Vayssier soulél ; Ø M couc (Toulouse coulc) et soulèu (seulement lang. à soulel coulc “au coucher du soleil”) ; Ø Alibert colc et solelh (seulement solelh colc “soleil couchant”) ; Ø FEW 12, 29b, sol (seulement arouerg. a solelh colc “ouest”, Affre 331), corrigeant FEW 2, 906b (aj. arouerg. id. 2e m. xive s., RedRéqu 27.1, et 1527, CartNonenque 454) ; DAO 68, 4-1.
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383[sufir ou sufire ( ?)] v. tr. ind. en empl. impers. ds sufis que (+ ind.) “c’est assez que” II, 61-62, 62-63.
384Ø Vayssier sufíre, sufí “suffire” ; M sufire : sufis que “par la seule raison que” ; Ø Alibert sufire “sufire” ; Ø FEW 12, 405a, sufficere. — Emprunt à frm. suffit que “c’est assez que” (Mon 1636—1688, FEW, loc. cit.), il suffit que “id.” (dp. 1619, H. d’Urfé, TLF).
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385terminazon s. f. t. de gramm. “fin d’un mot (ici considérée sous son aspect graphique)” II, 163.
386Ø Vayssier ; M terminesoun, lang. terminasou : glosé seulement “terminaison, délimitation”, avec une citation de Roumanille (terminesoun) dans le sens traité ci-dessus ; Ø FEW 13/1, 238b, terminatio. — Emprunt à frm. terminaison “id.” (xive s., TLF ; dp. 1550, Meigret, loc. cit.).
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387+[tonic] adj. t. de gramm. néol. “qui porte l’accent d’intensité dans le mot (d’une syllabe)” II, 148.
388Ø Vayssier ; Ø ce sens M touni (lang. tounic) ; Ø Alibert ; Ø FEW 13/2, 34b, tonus. — Emprunt à frm. tonique “id.” (dp. Lar 1907, FEW, loc. cit.).
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389traduzir v. tr. par anal. t. de gramm. “noter (un son du langage) au moyen d’une lettre de l’alphabet” II, 77. Synon. => reprezentar.
390Ø Vayssier ; Ø M tradurre ; Ø Alibert traduire (var. tradusir) ; Ø FEW 13/2, 153b, traducere.
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391unificacion s. f. +“fait de rendre unique et uniforme” I, 8 ; II, 1, 72. => unificar.
392Ø Vayssier ; M unificacioun : glosé seulement par “unification” ; Ø Alibert ; Ø FEW 14, 43a, unificare. — Emprunt à frm. unification “id.” (dp. 1864, TLF).
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393unificar v. tr. [au passif] “rendre (qch) unique et uniforme” II, 34. => unificacion
394Ø Vayssier ; M unifica “unifier” ; Ø Alibert ; FEW 14, 43a, unificare (aucune donnée occitane).
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395v s. m. didact. “lettre de l’alphabet, servant à noter une fricative labiodentale sonore ou une bilabiale sonore (occlusive ou spirante)” II, 78, 79, 81, 85, 88, 97, 99, 100 (écrit V).
396Ø Vayssier (malgré un article v, à caractère encyclopédique) ; M v ; Ø Alibert ; un article v est à aj. FEW 14, 92a.
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397valable adj. qual. néol. +“qui a des qualités qu’on peut apprécier à bon droit” I, 36.
398Ø Vayssier ; M valable, lang. balaple : glosé seulement “valable” ; Ø Alibert ; Ø FEW 14, 133a, valere. — Emprunt à frm. valable “id.” (dp. 1922, TLF).
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399venir v. intr. au fig. [suivi de la préposition de] +“avoir pour origine (le sujet désigne un mot [ici, est un mot autonyme])” II, 62.
400Ø Vayssier ; Ø cette acception M veni, lang. veni ; Alibert venir : comme Mistral ; FEW 14, 240b, venire (seulement en fr.). — Emprunt à frm. venir “provenir de (en parlant d’un mot, d’un produit, d’une maladie etc.)” (dp. Nic 1606, TLF et FEW, loc. cit.).
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401vistament adv. “en peu de temps, rapidement” II, 10.
402Ø Vayssier (seulement bitomén “vite”) ; M vitamen, lang. bitomen “vitement, rapidement, promptement” ; Ø Alibert ; FEW 14, 533b, vist- (notamment Cahors vistomen “vite”, aveyr. bitomen). — Emprunt à mfr. frm. vistement/vitement (dp. Wace, FEW, loc. cit.).
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403viste adv. “au bout d’une courte durée” II, 49.
404Vayssier bíste (et bíte) “vite” ; M vite, lang. bite “vite, rapide ; tôt, promptement, sans différer” ; Ø Alibert ; FEW 14, 533b, vist- (notamment aveyr. St-André bite “vite”, biste). — Emprunt à frm. viste/vite “rapidement” (dp. Est 1538, FEW 14, 533a).
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405viure v. intr. ds +aver viscut loc. verb. par euph. et par anal. “avoir cessé d’exister (par une évolution progressive) (le sujet désigne une chose, ici une langue)” I, 26.
406Ø Vayssier bieūre, béoūre ; Ø M vièure ; Ø Alibert s.v. viure ; Ø FEW 14, 578a, vivere (seulement frm. avoir vécu “être mort”). — Emprunt à frm. avoir vécu “être mort” (dp. 1640, Corneille, TLF).
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407z s. m. didact. (1) “dernière lettre de l’alphabet, servant à noter la fricative sifflante sonore” II, 56, 70. (2) Par méton t. de gramm. (ds lo son z) +“segment consonantique fricatif, sifflant, sonore” II, 54.
408Ø Vayssier ; M z ; Ø Alibert ; Ø FEW 14, 655a, Z.
409La plupart des noms propres ont fait l’objet de notes ci-dessus, notes auxquelles pourra se reporter.
410Alibert I, 19 ; II, 15, 21, 47, 80, 92, 147.
411Boudou I, 39.
412Carles [Mouly] I, 23.
413Guillaume de Poitiers (sic ms.) II, 66-67
414Guiraut de Borneil II, 52-53.
415Guiraut Riquier I, 32 ; II, 94-95.
416Marcabrun II, 120.
417Mauron (Lo) I, 1.
418Roèrgue I, 27, 30.
419Salvat I, 13 (l’abat —), 16 ; II, 15, 20, 39, 77, 108, 144, 151.