Adam de la Halle et Nevelot Amion, Les Vers d’Amours d’Arras, éd. crit. par Federico Saviotti
Adam de la Halle et Nevelot Amion, Les Vers d’Amours d’Arras, éd. crit. par Federico Saviotti. Paris, Champion, 2018, « Classiques Français du Moyen Âge 181 », 279 p.
Full text
1Avec cette édition critique des Vers d’Amours d’Arras d’Adam de la Halle et Nevelot Amion, Federico Saviotti, chercheur en philologie romane à l’Université de Pavie, signe un travail de premier ordre. L’ouvrage explique avec rigueur et méthode les vues de son auteur sur la tradition manuscrite des témoins, les auteurs des deux textes édités et leur datation, la langue, la scripta des copistes, la métrique et le style, ainsi que la place des Vers d’amours d’Arras dans la tradition littéraire française avec le modèle hélinandien, les Dits d’Amours, la poésie lyrique, Guillaume d’Amiens et l’épuisement du genre. L’édition est accompagnée d’une note philologique au texte, d’une riche bibliographie et d’un glossaire. L’ensemble est ordonné avec soin et rigoureusement pensé.
2Les Vers d’Amours d’Adam de la Halle et de Nevelot Amion sont transmis par trois manuscrits, dont un descriptus (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3101 ; transcription du chansonnier lyrique a par Lacurne de Sainte-Palaye au xviiie siècle) que Federico Saviotti a choisi d’écarter pour l’établissement du texte. L’édition se fonde donc sur : Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Reg. Lat. 1490 (chansonnier lyrique a), fol. 128r-132r ; Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 25566 (chansonnier lyrique W), fol. 65r-66v (AH) et fol. 277v-280r (NV).
3Federico Saviotti sait mettre en perspective, autour de cette dynamique arrageoise, deux textes qui, appartenant à un même élan littéraire, n’en ont pas moins des conditions d’éclosion bien distinctes : de Nevelot Amion, notamment grâce aux travaux de Federico Saviotti, nous savons que nous ignorons presque tout et que ces Vers (au sens de strophes) sont la seule pièce connue (p. 99), là où Adam de la Halle est un auteur immense (p. 93). Il semble d’ailleurs qu’Adam de la Halle ait inventé la typologie du Vers d’Amours et que Nevelot Amion puis Guillaume d’Amiens l’aient imité.
4La reprise du modèle de la strophe d’Hélinand et de ses Vers de la Mort par Adam de la Halle dans la seconde moitié du xiiie siècle, permet au grand poète artésien d’enrichir le genre alors en vogue des « dits » moraux du thème du blâme d’Amour. S’insérant dans la catégorie de ce que Pierre Bec qualifiait dans sa Typologie de 1974, bien que méconnaissant ce vers là, de littera sine musica (p. 101), ce genre (au sens de Paul Zumthor) illustre des recompositions poétiques et stylistiques sous le signe des interférences (cf. entre autres Cerquiglini 1980 et 1988, Bourgain 1984, Varvaro 2001).
5L’introduction riche, qui vaut souvent discussion dans un français soigné, et le texte établi se recommandent d’eux-mêmes, et le lecteur, souvent assez ignorant de cette littérature, en sort plus instruit. Quelques broutilles néanmoins. Une recontextualisation plus synthétique du milieu poétique arrageois, dont l’importance n’est pas masquée mais difficilement saisissable pour le lecteur, aurait donné une plus grande hauteur au propos, et permis peut-être de mieux saisir encore la place, et les spécificités de ces Vers dans l’histoire de cette littérature et de son milieu. De même, un état de l’art portant sur les éditions antérieures et la critique de ces deux textes aurait pu être apprécié.
6Plus regrettable, le glossaire est lui nettement en carence du point de vue de la forme comme de celui du sens. On regrettera que malgré tous les efforts pour le progrès de la glossairistique, de K. Baldinger, Cl. Buridant, V. Mecking, Fr. Möhren, G. Roques, T. Matsumura, M. Pfister, R. Martin, M. Plouzeau, à J.-P. Chambon, ou A. Thibault, ou les contributions réunies dans le Manuel dirigé par David Trotter (2015), soient encore exécutés des glossaires d’édition de texte, notamment en français médiéval, qui ne répondent pas à ce que Jean-Pierre Chambon en 2006 qualifiait de « niveau seuil d’exigence lexicographique ». Dans ce cas-ci, qui concerne, rappelons-le, deux textes de deux auteurs distincts, il conviendrait de repenser l’outil dans sa conception même, tendant à structurer plans de l’expression et du contenu (y compris visuellement et graphiquement dans l’espace de la page), à adopter un ordonnancement clair des acceptions et emplois dégagés, et surtout à produire des définitions. Cela permettrait, par exemple, de résoudre les multiples problèmes posés au lecteur par deux entrées telles que <ainc>(ains)/<ains>.
7Malgré quelques coquilles orthographiques, points et conclusions parfois discutables, le lecteur trouvera avec cette édition un travail de premier plan établissant, avec la maîtrise des meilleurs outils que la philologie de l’école italienne peut administrer aux corpus français, deux textes d’intérêt littéraire certain, à la fois pour leurs qualités intrinsèques et pour ce qu’ils enseignent sur leur milieu d’éclosion.
References
Bibliographical reference
Marjolaine Raguin-Barthelmebs, “Adam de la Halle et Nevelot Amion, Les Vers d’Amours d’Arras, éd. crit. par Federico Saviotti”, Revue des langues romanes, Tome CXXII N°2 | 2018, 465-467.
Electronic reference
Marjolaine Raguin-Barthelmebs, “Adam de la Halle et Nevelot Amion, Les Vers d’Amours d’Arras, éd. crit. par Federico Saviotti”, Revue des langues romanes [Online], Tome CXXII N°2 | 2018, Online since 01 December 2018, connection on 11 September 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/1217; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.1217
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