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Varia

Der Professorenroman : Michel Zink entre philologie et invention

“Der Professorenroman”: Michel Zink between philology and invention
Monica Longobardi
p. 387-422

Résumés

Cette recherche a pour but de mettre en évidence les liens qui existent entre l’activité institutionnelle du célèbre médiéviste, Michel Zink, et trois romans peu connus du même auteur, du moins en Italie : le roman graalien Déodat ou la transparence (2002); le volume de la série investigatrice Arsène Lupin et l’affaire d’Arsonval (2004) et le roman satirique Un portefeuille toulousain (2007). Au-delà des différences de genre, de nombreux cas de correspondance entre les textes plus ou moins sous-jacents révèlent d’étonnants contacts entre la littérature romane du Moyen Age, les savants qui l’enseignent par profession, et les romans qui, fruit de la même plume, en empruntent de nombreuses thématiques érudites.

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Texte intégral

L’œuvre et son ombre

  • 1  Cas célèbre pour la philologie germanique, Tolkien, académicien et écrivain dans le genre de la fa (...)
  • 2  Toujours pour nous limiter à notre équipe de philologues, voir l’importante contribution de (Manci (...)
  • 3  On nous pardonnera d’abuser un peu de ce terme de Professorenroman en étendant son acception du xi (...)
  • 4  (Cangemi, Corbellari, Bähler 2014). Ouverture : (Zink 2014), (White-Le Goff 2014).
  • 5  Avant tout, voir encore, avant et plus que les autres (Mancini 2000, 27-43) : « Notre philologie d (...)
  • 6  Au lendemain de la mort de celui-ci, Michel Zink en trace un portrait reconnaissant et passionné d (...)
  • 7  « Cette joie semble également s’exprimer par l’acte d’écriture. Zumthor, Eco et Zink placent leur (...)
  • 8  (Zink 2002a ; en part. 11-18).
  • 9  « Il est vain d’établir une distinction tranchée entre œuvre de création et œuvre de commentaire, (...)
  • 10  (Zink 2002b).
  • 11  On peut lire le cursus honorum de Zink sur le site : http://www.college-de-france.fr/site/michel-z (...)
  • 12  En ce qui concerne Zink écrivain, http://republique-des-savoirs.fr/?membre=michel-zink : « À côté (...)
  • 13  (Zink 2004), titre de couverture : Arsène Lupin et le mystère d’Arsonval ; depuis la quatrième cou (...)
  • 14  (Zink 2007). « Toulouse, automne 1956. Émilien Rébeyrol, professeur au Lycée Fermat, revenant de v (...)
  • 15  Le « vice secret » est l’invention d’un langage imaginaire… un useless hobby… un « vice » qu’il as (...)
  • 16  « Toutes les personnes de son milieu – j’en fait, hélas l’expérience fréquente – ne mesurent pas e (...)
  • 17  « Michel Zink, professeur de littérature du Moyen Âge au Collège de France et membre de l’Académie (...)
  • 18  (Zink 2014, 24). À propos de ce roman d’atmosphère toulousaine, il continue en faisant un exercice (...)
  • 19  Je suis en train d’écrire une étude consacrée à Le Tiers d’Amour. Un roman des troubadours (de Fal (...)
  • 20  (Zink 2014, 23-24).
  • 21  (Koroleva 2008) : « Mais si la faute de Cahus entre en résonance avec celle d’Arthur, elle peut au (...)
  • 22  Zink indique même la posture du Roi déprimé : « Dans son château de Camaalot, le roi Arthur passai (...)
  • 23  (Ferlampin-Acher 2017) et en général (Martin-Cardini 2016).
  • 24  « Le lecteur quelque peu familier avec la littérature médiévale aura relevé de lui-même dans le ré (...)
  • 25  (Strubel 2007, 132-134) où la décision de se rendre en pèlerinage à la chapelle de Saint Augustin, (...)

Il n’est pas insolite que les œuvres des auteurs médiévaux prolongent leur ombre sur les époques suivantes1. À ce propos, le roman postmoderne du xxe siècle consacre et incarne cette énième palingénésie des œuvres du passé en facilitant la confluence avec les formes de la culture de masse2. D’autre part, il n’est pas rare que deux âmes cohabitent sans conflit dans la même personne, l’une, élitiste, du philologue et l’autre, divulgatrice, de l’écrivain3. Deux facettes d’une dualité qui, en dehors de l’Italie, s’avèrent souvent plus perméables4. En effet, les interférences vertueuses entre activité scientifique primaire et « littérature secondaire » ont déjà été dédouanées, au moins de l’autre côté des Alpes5. Michel Zink, lui-même, dont nous traiterons ici, tout en restant dans la rigueur de son cursus honorum, se déclare l’héritier de figures d’intellectuels éclectiques comme Paul Zumthor6 et partage son gai saber7. À présent, en tant que doyen, il se présente en effet en défenseur de ce dédoublement en militant à la fois dans un rôle et dans l’autre8. Et il démasque l’absence de fondement d’une telle opposition : « Toute œuvre est secondaire »9. Pourtant, ceux qui, parmi nous, philologues romans, particulièrement en Italie, tombent sur un livre curieux comme Déodat ou la transparence de Michel Zink10 (2002), pourraient avoir, dans un premier temps, des doutes sur l’identité de l’auteur : s’agit-il bien du célèbre professeur au Collège de France, auteur de nombreux volumes consacrés à la littérature médiévale et directeur de collections à succès de classiques de la littérature française (comme « Le livre de poche, Lettres gothiques11 ») ? Ou est-on en présence d’un cas d’homonymie ? Du reste, l’incrédulité et la stupeur devraient augmenter devant deux autres romans de la phase créative du célèbre médiéviste12, apparemment encore moins cohérents avec son travail de philologue par rapport à ce Déodat graalien, c’est-à-dire, dans l’ordre chronologique : Arsène Lupin et l’affaire d’Arsonval13(2004) et Un portefeuille toulousain14 (2007). Émilien Rébeyrol, justement, protagoniste de ce dernier roman, exprime bien ce « vice secret »15 (c’est ainsi que Tolkien définissait son activité d’écrivain) avec sa double nature : d’une part le brillant professeur du glorieux lycée Pierre de Fermat, aspirant académicien16 à Toulouse (où Zink a vécu la première partie de sa carrière universitaire17), et de l’autre l’écrivain qui caresse aussi pudiquement une certaine ambition littéraire. « C’est que je suis un esprit rigoureux, un savant, un philologue, un historien. Si j’écris des poèmes, je les cache. Je ne prétends pas être un écrivain » (18). Pourtant, ce n’est que rarement et de façon très marginale que Zink insère les deux autres romans « policiers » dans une filière commune : il les définit cependant comme « mes trois livres non universitaires »18. Et pourtant, si l’on ne s’arrête pas aux apparences et à la retenue de l’auteur lui-même, un fil subtil unit ces trois romans disparates au milieu académique auquel appartient Michel Zink. Des regards différents sur le même sujet : la littérature romane19. Il ne sera donc pas inutile de se faire chercheurs d’une queste destinée à découvrir « les sentiers qui bifurquent » et les destins croisés où s’entrecoupent les trois romans et la discipline académique enseignée par l’auteur. Suivant le droit d’aînesse, nous commencerons par Déodat ou la transparence, l’aîné des romans, qui a un pedigree (un lignage) mieux défini que les deux autres20 ; en outre, c’est celui qui englobe les sources médiévales préférées, abîmées dans ses mailles narratives. Les deux autres lui serviront de corollaire et de contrechant ironique et moqueur. Partons donc de la question de nature philologique : quels sont les legs de la littérature graalienne, dont Zink a été professeur, à cet énième clone du xxie siècle ? « Tout est effort » : mélancolie d’Arthur. « Tout est effort. Se lever dans le gris de l’aube. Entendre la messe dans le froid du matin. S’armer […]. Chaque jour nous faisons une journée vers la mort » (Déodat, 7). Le roman de Zink s’ouvre sur la grisaille des pensées intimes et de l’indolence du roi Arthur qui a perdu le sens de la vie et de sa royauté. Une chaîne de fautes qui affectent le roi et son royaume à partir du silence coupable de Perceval-Perlesvaus21. L’aegritudo : « Une maladie, répétait Monseigneur Keu, le sénéchal. — Un péché, répondait le prêtre Blaise » (Déodat, 8-9). L’acedia, le démon de midi qui amollit le moine dans sa cellule ou le chef d’un royaume en décadence, effondré sur son trône curule22. Quel est le remède sacré contre ce nouveau mal d’un roi mehaigné ? Se rendre en pèlerinage à la chapelle de Saint Augustin. Quelle est l’origine de ces épisodes exordiaux du roman ? Sûrement pas d’une fantaisie première de Zink écrivain, mais d’une arborescence posthume du roman arthurien. Procédé classique que ces continuations des branches narratives du Moyen Âge23. En somme, ce n’est pas une entreprise ardue — Zink ‘confesse’ses sources dans le colophon24 — que de découvrir que, sous cette forme inédite de son roman se cache le conte du Graal, notamment Le Haut livre du Graal, première branche, mélancolie d’Arthur25.

Le cauchemar de Cahus ou « Un rêve avéré »

  • 26  (Alvar 1998, 39). Voir ensuite (Bruce 1999, 95). http://revel.unice.fr/loxias/?id=2493. (Kibler, B (...)
  • 27  (Dubost 1991, 787-791) chap. 22, III part., « Le rêve de Cahus, ou la blessure fantastique ». (Wil (...)
  • 28  (Koroleva 2008) : « Le rêve de Cahus que nous proposons d’examiner est un des épisodes-clés de la (...)
  • 29  (Zink 1984, 31-38).
  • 30  Le même titre mais dans (Zink 1992, 137-144).
  • 31  « Ainsi, ce roman, celui de l’homme qui ne conserve pas l’héritage de son père, de ce Perceval app (...)
  • 32  (Koroleva 2008) : « Ce n’est donc pas un hasard si le thème de la faute et de son expiation est ab (...)
  • 33  Joseph d’Arimathie de Robert de Boron, a.a. 2000-2001, cf. http://www.college-de-france.fr/media/m (...)
  • 34  (Dubost 1994, 179-199).
  • 35  Peut-être par hasard, l’autre roman de Zink commence aussi par un jeu de mots analogue consacré à (...)
  • 36  « La quête du Graal, la gloire des chevaliers, les aventures et les amours, c’était pour les autre (...)
  • 37  « Le rêve de Cahus et la tentation du fantastique » Le Haut Livre du Graal ne s’en tient pas à ces (...)
  • 38  « Peut-on mourir d’une blessure en rêve ? Ou peut-on mourir d’être transparent au regard des autre (...)
  • 39  Haut Livre, Strubel 2007, 136-140.

Qui soutiendra le roi pendant son voyage de l’espérance ? De rares notes esquissent le pedigree de notre Cahus, écuyer et escorte d’Arthur pour une seule nuit26. C’est un rêve néfaste que le jeune homme fait la veille de l’événement, dans son empressement à devancer le réveil de son roi et à lui apporter en don un chandelier de la chapelle de Saint Augustin, soustrait à la décoration d’un catafalque. Mais en prenant le chemin du retour, il tombe sur le chevalier noir qui le tue d’un coup de couteau. Un coup de lame porté en rêve qui tue un vivant ? Une mort destinée à un autre ? Le fait est que cette nuit, ce cauchemar, cette milice initiatique a suscité de nombreuses réflexions critiques sur les visions en rêve27 et sur tout ce que le rêve du sacrifice préfigure dans le roman : un enchevêtrement de fautes liées au rapport parents-enfants sinon même à la Passion du Christ dont le mythe du Graal tire son origine, coulant directement de son sang versé28. Enfin, cette mort de Cahus n’est pas un médaillon isolé, mais la mise en abîme d’un esprit de sacrifice messianique du Graal. Comme du reste Zink en avait déjà eu l’intuition d’où découle — il faut le dire — toute la chaîne des essais plus récents. Les réflexions critiques successives, en effet, renvoient à une première ancienne contribution de 198429 (rassemblée avec d’autres dans un volume en 199230). Dans l’essai du jeune et brillant spécialiste, une thèse intéressante associe l’histoire de Perceval qui perd les vaux, un descendant qui a perdu les domaines de son lignage, et un fils sans lignée comme Cahus, qui meurt pour complaire au roi Arthur. Une chaîne de fautes et de pertes que Zink recoud et suture dans une « cohérence tenace31 ». Une véritable obsession, donc. Et l’obscur Cahus au centre des réflexions philologiques de Zink32. Compte tenu de ses études sur ce sujet particulier, de ses cours au Collège de France33 et du roman de 2002, on est donc induit à affirmer que le jeune Zink, après une série de contributions critiques, continue pendant sa maturité sa réflexion sur cet épisode énigmatique, mystérieux et violent34, en élaborant un casse-tête policier, en forme de roman. En effet, c’est sous le signe de ce jeu de mots double (« rêve avéré » palindrome syllabique35) que le roman de Zink se déroule en devenant « l’enquête sur la mort de Cahus », point de départ à son tour de la queste du « détective » Déodat36. « Peut-on mourir d’une blessure en rêve ?37 ». Voilà le thème porteur de cette queste-enquête posthume : faire toute la lumière sur la mort mystérieuse du frère Cahus, en conduisant la recherche pour ainsi dire incognito, protégé et garanti par sa propre transparence et insignifiance sociale38. Une enquête personnelle passionnée, presque policière (espionnage, filature, meurtre, indices et reconnaissance) menée par le frère cadet. Sans aucun doute un roman de formation pour Déodat, l’ingénu, le naïf, qui traverse une réalité complexe et symbolique, telle la forêt du Graal, mais, dans les limites de laquelle, bien que désorienté, il ne perd pas le fil de sa question sceptique : « Peut-on mourir d’une blessure en rêve ? »… Et c’est justement à partir de cette question obstinée à propos d’une mort suspecte que bifurquent les sentiers narratifs du Haut livre du Graal39, sa source principale et son clone du xxie siècle : d’un côté, une mort rêvée mais ledement averez, que le roi Arthur érige en merveille sanctifiée par une relique à consacrer à « Saint-Pol à Londres, car l’église estoit fondee novelement ». Une manière de conclure sa senefiance dans la tradition du martyre et du culte des reliques. De l’autre, l’incrédulité tenace de Déodat qui ne se résigne pas à la version officielle des mystères saints et entreprend sa première enquête “para-chevaleresque”, lui, le fils de personne, ou mieux (ou pis ?) d’un Ivain qui conserve dans l’épithète les stigmates d’un fils de personne : Yvain L’Avoutre, Yvain le bâtard.

Le double : Déodat-Cahus, les deux Yvain, …les deux Arsène

  • 40  De la page 40, les véritables questions investigatrices commencent à prendre forme dans les conjec (...)

Cahus et Déodat. Déodat et Cahus […] Ils étaient plus que frères. Ils étaient semblables […] Le récit qu’avait fait Cahus avant de mourir, n’était-il pas celui de son dédoublement ?40 Ne s’était-il pas dédoublé entre le rêve et la veille […] ? C’était pour Déodat comme un dédoublement de son double (Déodat, 36-37).

  • 41  Yvain l’Avoutre (Alvar 1998, 177-178 ; à la suite d’Yvain fils d’Urien, 176-77).
  • 42  « ce nom d’Yvain qui était aussi celui de son père. Il ne soupçonnait entre eux aucun autre lien. (...)
  • 43  Bienvenue, chap. 19, 85-88, passe aux pp. 87-88.
  • 44  Yvain tue Yvain l’Avoutre, mais, comme il révèle à Déodat, il a tué en fait son demi-frère et il s (...)
  • 45  « De grandes ailes… La fenêtre étroite… C’était l’ombre d’un grand oiseau » (Déodat, 28). Une gran (...)

Ainsi, comme le rêve est le double de la veille et que Cahus y a joué le rôle de l’alter ego sacrificiel d’un Arthur coupable, l’histoire de Déodat peut être comparée à un accouchement de jumeaux de personnages spéculaires. Déodat est le pendant en bémol de Cahus : à cause de son âge, il n’a même pas atteint le statut d’écuyer et en plus, de même que son frère aîné, il est fils de personne. Pour rester sur le discours de la symétrie, le long du roman, Déodat, en analogie avec son frère, fera lui aussi un “rêve double” : une chapelle et un chevalier en prière, le glacial Galaad, le prédestiné au Graal. Mais ce qui est le plus douloureux, au fond, c’est que le père de tous deux, l’Avoutre, porte le même nom qu’un Yvain célèbre, le fils du roi Urien : « Cet orgueil du nom et du lignage » (Déodat, 23). Et les deux Yvain, aujourd’hui encore dans les répertoires, comme le Dizionario d’Alvar, par exemple, sont condamnés à partager nécessairement une sorte de condominium graphique, épaule contre épaule, dans une confrontation impitoyable41. En effet, au cours du roman, la rencontre entre Déodat et l’autre Yvain, le chevalier au lion, a le goût d’une prédestination42. Le chevalier, homonyme de son père, lui montre — ce qui est une exception pour les enragés quêteurs du Graal — un intérêt affable et l’aspirant écuyer, jusqu’alors ignoré par le monde de la chevalerie, s’enflamme et lui demande de le prendre à son service. Yvain refuse courtoisement en répliquant avec les mots de Calogrenant qu’« Un chevalier errant n’avait pas d’écuyer et ne pouvait en avoir : il parcourait le monde seul comme un paysan43 » (Déodat, 51). Il l’enrôlera plutôt comme espion, dans la question complexe de la colère de Laudine. Les deux Yvain, disait-on. Les deux destins trouvent leur cause dans le nom et dans le péché d’un adultère du roi Urien ; cela conduira, dans le roman de Zink, à un éclaircissement final, majestueux, sanguinaire et surprenant44. Un tel final à surprise renoue les lignages : les deux Yvain sont en réalité des demi-frères, fils du roi Urien et de deux mères différentes : la dame du manoir (déjà amante de l’épervier dans la tour et de son double métamorphosé en roi Urien, dans ses domaines de chasse) pour l’un et de l’épouse légitime pour l’autre. Voilà ainsi un exercice de style à l’enseigne du “changement de final” à un conte connu, dans ce cas, le lai d’Yonec45 : Muldumarec, l’amant surnaturel, est apparu sous la forme d’un épervier et ne va donc pas mourir — comme le veut Marie de France — dans l’au-delà des héros, blessé par les pièges du mari jaloux, mais renaît, dans ce clone graalien, comme roi Urien. Par conséquent, le fils de la dame de la tour ne s’appelle plus Yonec, comme dans le lai, mais Yvain (un changement de prénom en gardant les mêmes initiales), l’aîné, donc, bien que bâtard. Le roman médiéval joue avec ce type de agnitions. Et les deux Arsène ? La catégorie du double reçoit aussi de Zink un rôle fondamental dans la genèse de cet hommage particulier à Arsène d’Arsonval, à la manière d’Arsène Lupin :

Ce récit imagine la rencontre d’un personnage réel et d’un personnage fictif. Le premier est Arsène d’Arsonval (1851-1940), professeur de médecine expérimentale au Collège de France, le second est Arsène Lupin, le célèbre cambrioleur, héros des romans de Maurice Leblanc (Arsène, 7).

1Mais la page web du Bicentenaire de la naissance de Claude Bernard, maître de d’Arsonval46, prolonge l’effet domino joué sur d’autres mystérieuses consonances avec un autre crime, plus ancien :

Sur le portrait, le regard malicieux et la fine moustache font penser à Arsène Lupin. Telle est du moins l’impression qu’a dû ressentir Michel Zink, titulaire de la chaire de « Littératures de la France médiévale » au Collège de France et auteur du roman intitulé Arsène Lupin et le mystère d’Arsonval. Ce livre représente un clin d’œil adressé — à travers l’Histoire — à un collègue disparu, puisque Arsonval a été professeur de « Médecine » au Collège de France. Par ailleurs, on ne peut qu’être frappé par l’analogie de consonance entre « d’Arsonval » et « d’Orcival ». Le crime d’Orcival (1867), dû à la plume d’Émile Gaboriau, est souvent considéré comme étant le premier vrai roman policier.

  • 47  Avertissement initial « Toute l’intrigue que la fantaisie m’a inspirée à partir de la coïncidence (...)
  • 48  « Que ceux qui sont attachés à la mémoire d’Arsène d’Arsonval – ses collègues du Collège de France (...)

2Zink ajoute une note de pietas — c’est-à-dire une forme de dévotion — envers son ancien collègue : le roman a été écrit à La Borie, maison natale (et fatale) de d’Arsonval, donnée ensuite en legs au Collège. Plutôt, c’est du bureau de d’Arsonval, encore plein de ses souvenirs et reliques, que le professeur romancier tresse sa trame à double fil. Enfin, comment résister à la tentation d’associer à ces échanges d’homonymie (un chercheur et un cambrioleur, bien que gentleman)47 leur destin et, en même temps, glorifier de façon brillante et amusante le Collège de France, dont tous les deux, d’Arsonval et Zink, ont été locataires ? C’est une manière désinvolte mais en même temps émue de rendre hommage à sa mémoire48.

3Dans l’enchevêtrement des aventures des deux Arsène, on arrive à un face à face embarrassant :

Au bout d’un instant, la porte du laboratoire […] s’ouvrit et un homme entra. Cet homme était son double exact, son reflet identique, tel qu’il aurait pu surgir d’un miroir. C’était un autre Arsène d’Arsonval, exactement semblable à celui qui venait d’arriver par le train de Paris (Arsène, 105).

  • 49  À propos de vol d’identité, ce nom est “presque” celui de Raoul Dautry (1880-1951), entrepreneur e (...)
  • 50  « Psychologie de pacotille ! … La médecine, cher Maître, ne se pratique pas qu’au Collège de Franc (...)
  • 51  Michel Zink, collègue de d’Arsonval et installé dans son bureau à La Borie, a tiré profit de sourc (...)
  • 52  (Bähler 2004).

4Un tel jeu de miroir cède la place à un rocambolesque vol d’identité : tout le chap. VI lui est consacré. Une imposture à moitié confirmée par le vrai d’Arsonval, prostré et fané par le premier veuvage, qui accepte l’intervention d’un jeune clone (au début sous les apparences de l’élève Raoul Dautray49, mais ensuite démasqué comme Arsène Lupin) dans les occasions publiques et …privées. En effet, Raoul Dautray devient alors son alter ego, apprécié de la jeune Émilie, filleule du brillant médecin, et candidate aux noces avec son beau-père. Refoulement d’une relation presque incestueuse (Freud, est sous le texte)50 et certainement scandaleuse dans les salons prudes de la haute société limousine51. Et la philologie ? Quel rôle joue, dans ce curieux policier, notre voisine de palier de la littérature ? Si le jeu des dédoublements, des reconnaissances et des révélations de saveur romanesque ne suffisait pas, voici la philologie, voici celui qui lui a donné dès les premières pages en France un statut scientifique, Gaston Paris52 :

Le médiéviste Gaston Paris, administrateur du Collège de France, devait le lendemain même partir pour le midi de la France, dans l’espoir qu’un climat plus doux influerait favorablement sur le mal qui devait, hélas, l’emporter quelques mois plus tard (Arsène, 22).

  • 53  Un ultérieur fil ténu relie le personnage duel du roman et le père de la philologie romane en Fran (...)
  • 54  C’est justement pour le centenaire qu’André-François Ruaud a écrit (Ruaud 2005).

5Une manière ampoulée, un calcul consulaire pour dater le contexte du roman policier, en l’inscrivant dans les annales d’un Lare de la Philologie romane qui mourut en fait à Cannes (le « climat plus doux » ne lui fût d’aucun aide) le 5 mars 190353. Mais voici que Michel Zink perpètre au détriment de son double, Maurice Blanc, un croche-pied et une moquerie : selon la datation interne gastonparisienne, son roman des deux Arsène serait la première pierre de la série du voleur gentilhomme, qui débuta en juillet 1905 (en recueil, 1907). Un jeu et une imposture sympathique de la philologie qui joue avec les nombreuses vies d’Arsène Lupin54.

Du jeune espion à Arsène Lupin : gendarmes et voleurs

  • 55  « La gloire du roi Arthur, les fastes de sa cour, les mystères de la Table Ronde, les aventures, l (...)
  • 56  « Il se résignait à être invisible, transparent et à ne vivre que par procuration » (Zink 2002b, 5 (...)

L’insignifiance sociale (et donc symbolique) de Déodat en fait le candidat à un seul rôle possible dans la société aristocratique chevaleresque : l’espion55. Qui lui attribue cet épithète méprisant ? Le premier chevalier à qui Déodat s’offre comme écuyer et qui, malgré son refus, n’arrive pas à le semer parce que le jeune montre ses qualités de limier, en en flairant les traces : « C’est toi, jeune espion ! Je vais te faire passer l’envie de me suivre ! », Déodat, 34. Également rejeté comme écuyer par Yvain, Déodat se fait officiellement enrôler comme que messager pour ses qualités d’espion : l’invisible qui voit et écoute sans être remarqué. Le bon à tout faire transparent (Déodat, 52-53) : le parfait détective qui vit la vie des autres par procuration56. Après avoir assumé ce rôle malgré lui, Déodat commence à s’interroger sur des aspects qui entrent en contradiction avec une autre façon de vivre sa foi : pourquoi les chevaliers se livrent-ils à une queste du Graal eucharistique alors que le sacrement de l’eucharistie existe déjà ? (Déodat, 56). Mais surtout, de façon plus profane, pourquoi une blessure donnée en rêve peut-elle avoir tué un être humain comme Cahus ? (Déodat, 75). Pour Arsène, d’autre part, son très célèbre curriculum vitae de gentleman cambrioleur parle pour lui ; il a été construit par son auteur légitime au long de l’abondante série qui lui est consacrée avec laquelle Zink construit cette perle conçue à La Borie, maison natale de d’Arsonval, dépendance du Collège de France.

Cambrioleur, cambriolage : reliques, portefeuilles, les bijoux de la marquise

Bijoux

  • 57  (Leblanc 2009) ; (le titre reprend celui de A. Dumas ; le récit se fond dans Arsène Lupin gentlema (...)
  • 58  « Arsène d’Arsonval… Un autre Arsène… Le grand Marcelin Berthelot, le professeur Marcelin Berthelo (...)
  • 59  « Arsène Lupin ou Dupin ? A quoi rimait ce calembour absurde ? […] Une lettre. Arsène Lupin lui av (...)

Quand on parle de bijoux, on pense à la source littéraire des aventures d’Arsène Lupin, comme Le collier de la reine57. Voilà l’exercice de style de Zink : « On n’a pas oublié l’audacieux cambriolage perpétré chez la marquise d’Arnac au cours d’une soirée où l’illustre professeur Arsène d’Arsonval faisait la démonstration de ses dernières découvertes » (Arsène, 13). Pour accentuer la filiation avec le genre policier, au jeu d’homonymie58, Zink associe une paronomase allusive entre Lupin et le policier Dupin, renvoyant à la lettre volée du récit homonyme de Poe59.

Portefeuilles

  • 60  Cette citation se trouve dans la présentation éditoriale en quatrième de couverture.

Automne 1956. Émilien Rébeyrol, professeur au lycée de Toulouse, surprend à son retour de vacances un cambrioleur qui fouille dans ses papiers. Ses travaux auraient-ils une telle importance ? Il n’en doute pas un instant. Sa voisine et propriétaire, Mlle de Cantelou, soupçonne, quant à elle, l’intrus d’être à la recherche d’un portefeuille compromettant, retrouvé dans un lieu qui ne l’est pas moins. Mais compromettant pourquoi ? Compromettant pour qui ?60

  • 61  Idem.

De la même façon que le Graal est le moteur immobile du récit médiéval, de même l’est ce portefeuille brûlant, réapparu dans la Ville rose, dans une maison de plaisir du temps de la guerre (Zink 2007, 55). Cependant, au-delà des ombres sinistres qu’il projette sur certains hommes politiques très en vue de l’après-guerre, celui-ci intercepte et trouble les mœurs des protagonistes provinciaux du roman, en premier lieu l’aspirant professeur agrégé Rébeyrol qui interprète le cambriolage comme un complot cathare au détriment de ses audacieuses thèses graaliennes : « Des papiers avaient été repoussés, dispersés, jetés au hasard jusqu’au milieu de la pièce, certains étaient froissés. On avait violé ma thèse ! » (Zink 2007, 22). Les mots faussement ingénus de Mlle Cantelou, la vieille voisine, avaient deviné juste en commentant ce qui s’était passé : « Je n’imaginais pas, pauvre ignorante, que la littérature du Moyen Âge pouvait exposer à de tels dangers » (Zink 2007, 39). Si bien que Rébeyrol, se sentant incompris comme savant et poursuivi par de sinistres accidents, utilise pour définir sa condition de martyr, les paroles prononcées par Roland sur le chemin de Roncevaux : « Je peux sonner l’olifant, nul ne viendra à mon secours. Le cor de Roland a fait de moi un homme traqué » (Zink 2007, 47). Nous disions que notre optique est de saisir les intersections entre narrative et recherche et ce roman est véritablement la somme d’un tel croisement avec les études romanes, à partir des thèmes chers à l’Occitanie irrédentiste : « Un roman satirique, qui évoque avec brio les mœurs provinciales61 ». En effet, Zink, à travers Rébeyrol, trace un profil inestimable de la mentalité de la société toulousaine, dont la gloire est l’Académie des Jeux Floraux. En particulier, la thèse audacieuse que le jeune s’efforce de défendre est naturellement occitaniste dans le but de revendiquer pour sa ville une relique séculaire :

À deux cents mètres à peine de chez moi, le petit musée Dupuy, rue de la Pleau, s’enorgueillit de posséder un olifant médiéval qui est réputé être celui de Roland. Il y a donc eu une tradition rolandienne attachée à Toulouse […] La mention par la Chanson de Roland du dépôt de l’olifant à Saint-Seurin de Bordeaux et du franchissement de la Gironde par l’armée de Charlemagne à Blaye, où Roland aurait été enterré, seraient des erreurs volontaires, tenant à la rivalité entre les sanctuaires du chemin de Saint-Jacques, et destinées à favoriser Saint-Seurin de Bordeaux au détriment de Saint-Sernin de Toulouse […] Le véritable cor de Roland serait ainsi celui de la Ville rose (Un portefeuille, 24-25).

  • 62  « C’est la preuve, en tout cas, que les cathares sont partout. Je suis sûr qu’ils ont investi l’Ac (...)
  • 63  Voici une synthèse pour donner une idée du climat culturel que l’on y entrevoit : « À l’aube du xi (...)

6Donc, plus qu’une translation, une espèce de soustraction virtuelle de reliques saintes de Bordeaux à Toulouse, d’un sanctuaire à l’autre, par le biais d’un échange alphabétique : de Seurin à Sernin. Et de plus, l’obsession complotiste des cathares (« les cathares sont toujours parmi nous » (Un portefeuille, 29) qui plane aussi sur l’audacieuse thèse du jeune, ambitieux Rébeyrol, qui ose fusionner Montségur, le Graal et le cor de Roland, obsession sur laquelle se termine le roman de façon apocalyptique62. Ensuite, par-dessus le marché, dans ses rêves de gloire, le savant provincial souhaite que ses concitoyens accordent à sa thèse, une fois reconnue par « ces savants à l’esprit ouvert » du gotha parisien, le même succès que le patriotique Sang de Toulouse « qui n’est pourtant qu’un roman63 ». Encore la littérature secondaire qui dispute la palme des faveurs et de la célébrité à la science grise dans le milieu partisan du catharisme de province. Aussi déclame-t-il un extrait du roman de Maurice Magre (1931) : « Nous suivons le parcours initiatique du jeune écuyer du comte de Toulouse ». Le précédent mystère d’un jeune écuyer et de son sang versé, pourrait s’identifier alors avec l’histoire du Sang de Toulouse ?

Reliques

Pouvons-nous accuser le pauvre, l’obscur Cahus d’un véritable vol, d’un sacrilège même ? Dans son rêve confus (est-ce déjà une circonstance atténuante ?) l’écuyer pour son malheur pense (peut-on raisonner en rêve ?) :

Au moins, pensait-il, il faut que j’emporte un objet de cette chapelle, pour prouver au roi que je m’y suis rendu et que l’excès de mon zèle, non ma négligence, est la cause de mon retard. Il regardait autour de lu […] Rien d’autre que le catafalque et les chandeliers (Déodat, 19).

7Mais l’homme noir, rencontré sur le chemin du retour, est déjà prêt à prononcer la parole damnée : « lui reprochait le vol du chandelier ». Donc, un Cahus-cambrioleur ? La justice se fraiera un chemin à travers l’écran de fumée des apparences, en rendant son honneur à l’écuyer : il avait raison le « détective » Déodat de se demander dans tout le roman : « Qui a tué Cahus ? »

« Qui a tué Cahus ? ». La Spannung

  • 64  « les incubes, qui se couchaient sur les femmes (le grand Merlin n’avait-il pas été conçu ainsi ?) (...)
  • 65  « Tous sont occupés d’un mystère autrement prestigieux, celui du Graal. L’errance à travers la for (...)

Plus d’une fois, Déodat avait nourri des doutes sur la version d’une mort surnaturelle de son frère, et cette incrédulité se transforme en certitude justement en recomposant en parfait détective le puzzle des récits embrouillés des paysans. Le chapitre VI, en effet, voit Déodat traverser un lieu insolite pour les chevaliers, le village. Là, l’espion suspicieux écoute les contes brouillés que les paysans affabulent confusément et assez gauchement pendant leur veillée : des contes de chevaliers et des histoires surnaturelles64. Là, Déodat apprend pour sa plus grande surprise que Cahus aussi est déjà fini dans ce répertoire de récits de chevalerie (70). Bien que filtrés et déformés par une cloison d’ordres séparés (laboratores et bellatores pour être clair) et par des imaginaires contradictoires et distants (« Un Camaalot de l’au-delà, une capitale de l’ailleurs » (Déodat, 69), on y parle effectivement de Cahus, par fragments, par lambeaux décomposés, mais révélateurs. Tout se déroule dans la forêt battue par les quêteurs du Graal, exaltés et éblouis seulement par cette ultime mission messianique65. Voilà le contexte graalien du rêve de sang qui a impliqué aussi un jeune homme, un écuyer insignifiant :

Chacun, il veut le gagner tout seul, son Graal. Ils vous passeraient bien tous sur les corps. Il vaut mieux rester au large, les pauvres comme nous, ou quand on est un petit jeune. Est-ce qu’ils nous parlent, à nous ? Ils se parlent […] Ils ont du sang partout. Toujours à saigner de quelque part ou à saigner quelqu’un. Moi, le graal, ajoutait le frisé en clignant de l’œil […] j’y saigne les cochons (Déodat, 73).

  • 66  Au sujet de l’initiateur de cette interprétation (cf. Zink 2003), en part. Cap. IX : Robert de Bor (...)
  • 67  Déjà Déodat, sous une forme moins lourde, s’était montré sceptique sur l’importance accordée à ce (...)

8On y parle donc de la cruauté inhumaine des chevaliers du Graal et on y parle d’un bain de sang, un abattoir que le vilain-narrateur rabaisse à leurs pratiques rurales de l’égorgement du porc. Le Saint Graal dégradé en cuvette où se mélange le sang de cochon. Le sang du Christ recueilli sur la croix par Joseph d’Arimathie dans le Graal66, confondu et assimilé avec le sang soutiré de la gorge d’un cochon67 ! Mais sur quel sang versé est-on en train de raisonner ? Ne seraient-ils pas en train de parler du frère ? Voilà les doutes de Déodat (74). Pendant ce temps, la glose au récit de Cahus se poursuit avec une sagacité incrédule : 

C’est jeune, ça a le sommeil lourd. Ils arrivent, ils vous enfoncent un couteau entre les côtes. Des terribles… Un meurtre ! Ils récitaient l’histoire de Cahus comme un conte, mais ils savaient que c’était un meurtre (Déodat, 75).

9Donc les paysans ont compris la vraie nature de ce conte et ils subodorent un crime. D’où la première découverte de l’enquête et la confirmation de ses soupçons :

Déodat sursauta. Cahus n’avait-il pu recevoir sa blessure alors qu’il dormait dans la grande salle de Camaalot et, sur le point de s’éveiller et de hurler, poursuivre son rêve un instant encore, y englober le coup qu’il venait de recevoir, rêver seulement alors de l’homme noir et de son couteau ? (Déodat, 75).

  • 68  Déodat osa aussi poser sa question aux trois moines blancs qui, dans la chapelle de Saint Augustin (...)
  • 69  (Alvar 1998, 35-36), Bruno lo Spietato : « Il ne se fait aucun scrupule à attaquer les personnes s (...)
  • 70  « Est-ce vous, l’homme noir ? L’homme noir qui a tué Cahus ? : — Bréhus rit. De son rire forcé, so (...)

10Donc, si Déodat ne croit plus que l’on puisse mourir d’une blessure infligée en rêve, il continue à plus forte raison à se demander : « Qui a tué Cahus ? ». Les aventures passent ainsi que les questions dérangeantes de Déodat auxquelles se dérobent presque avec dédain les oratores, l’ordre des clercs, consacrés au Graal aussi bien que les chevaliers68, jusqu’à ce que ce soit le chevalier noir, ou Bréhus sans pitié, prototype de l’individu anti-courtois69, qui tombe sous l’accusation du meurtre de Cahus. Mais Bréhus, dans sa lucidité glaciale, se disculpe avec cynisme70.

Je suis trop noir pour être ton homme noir. C’est mon âme qui est noire […] J’ai l’âme trop noire pour me soucier de protéger les objets sacrés de la chapelle de saint Augustin. C’est une mission sainte, digne d’un être angélique. Un élu du Graal, par exemple. Ne crois-tu pas ? (Déodat, 107).

11Classiquement, alors, pour Déodat s’ouvre une fausse piste qui accumule les soupçons sur Yvain le fils du roi Urien. Elle s’avèrera une erreur d’homonymie supplémentaire. En effet le chevalier noir avait vainement insinué également cet autre doute au frère-détective, en mettant dans le mille :

— Ton frère était-il l’écuyer habituel du roi Arthur ? — Non, bien sûr, balbutia Déodat […] Vous savez bien qu’il n’était rien, que nous n’étions rien […] — Ne devrais-tu pas en être surpris toi-même ? Ne devrais-tu pas chercher la raison de ce choix, te demander qui ton frère a supplanté en cette occasion ? (Déodat, 107-108).

  • 71  « Ivre de dépit, l’Avoutre est allé seul à la chapelle et a volé le chandelier… Revenu au Château (...)

12Cette question maïeutique du chevalier noir trouvera sa conclusion à la fin. En effet, dans la partie où se déroule le dénouement de l’histoire après la révélation de la parenté entre les deux Yvain et par conséquent la fraternité qui unit Cahus et Déodat, une réponse claire sera donnée à la question : « Qui a tué Cahus ? » : la jalousie d’Yvain l’Avoutre envers le jeune, l’ignorant frère Cahus, son ressentiment à cause d’une promotion imméritée. Ainsi, c’est lui qui a volé le chandelier et blessé à mort le pauvre Cahus qui dormait encore dans la grande salle, lui qui a glissé le larcin dans sa jambière71 (Déodat, 144-146).

La Transparence

« On pouvait mourir d’insignifiance » (Déodat, 93)

  • 72  (Zink 2014, 23-24). À ce propos, voir le cours au Collège de France, a.a. 2008-2009 avec le titre (...)

Il est transparent : les regards le traversent sans le voir, il n’existe pas aux yeux des autres. Mais il découvre au cours de sa propre quête que la révélation ne se trouve pas au terme d’aventures extraordinaires réservées à un lignage élu, mais qu’elle est là toute proche, à portée de main, qu’on ne la voit pas parce que […] elle est transparente […] Que cherchaient les quêteurs du Graal72 ?

13Donc, avec Déodat, les aventures des ignobles, au sens de non-nobles, volent la scène aux chevaliers, les roturiers qui n’ont pas de domicile dans la gloire ni dans la mémoire des récits aristocratiques. Sans noblesse, sans mémoire transmise, sans passé ancestral (38), la tombe de Cahus n’est qu’un cumulus de terre remuée et une croix de bois qui pourrira très vite (39) ; aucune « urne dei forti » de mémoire foscolienne. Si Yvain, le beau jeune homme aux traits délicats, mérite également dans le clone graalien une descriptio classique (49), Déodat reste misérablement le modèle de l’adolescent disgracieux : « son cou trop grêle, ses bras trop longs, ses pieds trop grands et cette voix trop grave qui soudain bondissait dans un fausset discordant » (49). Dans la non-caste des transparents, citons aussi Lunete, une entremetteuse probablement amoureuse d’Yvain (Déodat la démasquera, 64), qui, grâce au don de l’anneau magique, sauve celui qui, autrefois, a daigné lui accorder un regard. « On peut mourir d’être transparent, d’être traversé par le regard des autres sans jamais le retenir… On peut mourir d’amour » (63). Mais Yvain est un chevalier et il ne peut épouser que Madame Laudine de Landuc. Ainsi il n’y aurait pas de rachat pour les sans-noms ?

Où Déodat retrouve le sens de son nom

  • 73  Chrétien de Troyes 1994, 958. (Longobardi 2006, 2006b, 2006c).

Dans la littérature médiévale, le nom est tout pour un personnage ; il y trouve inscrit son propre destin : « Par lo sornon conoist en l’ome73 » (Le Conte du Graal, v. 526).On ne trouve pas Déodat — inutile de chercher dans les répertoires — dans la littérature arturienne ou graalienne et il n’a donc pas dans son destin un domicile chevaleresque. Tout au plus, c’est un nom de dévotion, « don de Dieu », nom d’évêques et de saints. Avec cette croix d’insignifiance, Déodat traverse toutes les forêts narratives de son livre éponyme, jusqu’à ce qu’il rencontre (comme dans un tarot à prédire de Calvino) l’ermite :

Transparent, Dieu ne l’est-il pas plus que personne ? Qui est plus transparent que Dieu ? Mais qui est plus présent que lui ? Et il ajouta : -- Il est là quand nous nous croyons seuls, il nous écoute quand rien ne nous répond, il nous aime quand tout nous abandonne » (Déodat, 131).

14Donc Déodat découvre la spiritualité de sa condition de transparence qui l’apparente à Dieu, grâce à la sentence de saint Augustin. Mais il ne montre pas qu’il comprend, qu’il nous fait comprendre la relation avec le saint. C’est Zink qui y pensera dans une belle interview de Canal Académie74 : Déodat est “presque” le nom du fils de saint Augustin, Adeodatus. À présent, tout est clair. Ce sera son laissez-passer pour le sens de sa vie future, sa nouvelle armure de miles Christi, et la découverte-affiliation à un lignage spirituel. Ainsi, le livre finit sur ses paroles inspirées : « L’ermite a dit que personne n’est plus transparent que Dieu et que personne n’est plus présent que lui. Et il récita plus bas, pour lui-même : - Il est là quand nous nous croyons seuls » (Déodat, 148). Déodat l’ignorait mais il était, depuis la couverture du livre (transparente et insignifiante à son tour) le héros éponyme de sa belle histoire de formation dans la forêt des sentiers qui bifurquent et des destins qui se croisent.

Une source inavouée ?

  • 75  « Repenser le Perlesvaus », Revue des Langues Romanes, 118, 1 (2014) e 119, 1 (2015).
  • 76  (Zink 2014, 20) : « la pression des éditeurs, impressionnés par le succès mondial du Nom de la Ros (...)

La queste de Déodat s’est accomplie ainsi que la recherche de lui-même et de son nomen-omen. Tout est pour le mieux. Mais est-ce tout clair aussi pour la queste du lecteur expert (« Le lecteur quelque peu familier de la littérature médiévale »), à qui Zink s’adresse ? Nous avons vu comment Zink, dans une note plutôt laconique du colophon, déclare les sources médiévales de Déodat. Rappelons-les : « Les allusions aux roman de Chrétien de Troyes, aux lais bretons, aux romans arthuriens en prose, et particulièrement au Haut Livre du Graal ou Perlesvaus75 ». Mais nous avons aussi recueilli, dans ses nombreuses contributions, que, derrière la rédaction de Déodat, les auspices éditoriales faisaient pression, inspirés du succès planétaire des romans d’Umberto Eco, de Il nome della rosa à Baudolino76. Est-ce la source inavouée ? Il ne s’agira pas du phénomène — Umberto Eco, connu et étudié en France aussi, mais de son « ancêtre » : l’auteur de la trilogie héraldique Nos ancêtres, c’est-à-dire Italo Calvino. Une sorte de recherche d’un lignage littéraire, une queste des aïeux, des ancessor. Considérant la probabilité que l’on puisse encourir par polygénie dans des formes analogues de la narrative médiévale, étant donné ses stéréotypes, nous nous amuserons à alléguer notre doute raisonnable ou, si vous voulez, notre queste de lecteur expert. Quels indices ? Un des chevaliers qui défient Yvain et qui les tuent (Déodat épie la scène, évidemment), s’écroule dans une mare de sang. L’espion s’approche pour lui retirer le heaume et :

Le chevalier tressaille et s’abandonne. Il semble peser soudain plus lourdement sur la terre. Ses sens l’ont quitté. Déodat s’agenouille à ses côtés. Il entreprend de délacer le heaume, d’ouvrir la ventaille. Rien de rugueux, rien de froid, rien de dur. Sous ses doigts, le fer paraît chaud et mou comme la chair. Il défaille de dégoût […] Le corps répand une odeur aigre et violente de sueur, de vomissure, d’entrailles éventrées. Le heaume cède. Il ne glisse pas au-dessus de la tête, il bascule de côté, comme si la tête était tranchée. Il est vide. L’armure est vide. Elle ne recouvre pas de corps. (Déodat, 122).

  • 77  Pour Calvino qui connaissait Tirant lo Blanch de Joanot Martorell, cf. (Capelli 2015).

15« L’armure est vide. Elle ne recouvre pas de corps ». Comment ne pas penser à Agilulfo, le Chevalier inexistant d’Italo Calvino ? Doutes sans fondement77 ?

  • 78  (Calvino 1962).
  • 79  (Barral 2001) : « À partir de 1967, Calvino s’installe dans le 14e arrondissement de Paris, Square (...)
  • 80  http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/psn/2135?lang=it. (Palazzo 2013), (Marsal 2010).
  • 81  (Abiker 2010) : « Tel est le défi que se donnent trois auteurs, membres de l’Ouvroir de Littératur (...)
  • 82  Voir aussi (Plet 2005) ; dans ces actes il y a aussi l’article d’un auteur qui travaillera souvent (...)

16Cette œuvre classique italienne fut très tôt traduite en français78 et Italo Calvino, en plus d’être un auteur célèbre, fut aussi un écrivain de renommée internationale, et en particulier française, parisienne. En bref, il a vécu à Paris79 de 1967 à 1980 et en 1972, déjà traducteur de Queneau, il fut coopté dans le cénacle de l’Oulipo, qui contera également la présence de Jacques Roubaud80, auteur de pastiches et de réécritures parmi les plus paradigmatiques pour les études narratologiques de Zink sur la littérature « seconde »81. Par conséquent, un Calvino certainement pas inconnu pour un intellectuel comme Zink82.

17Mais faisons parler les textes. Lisons comment Agilulfo décline à Charlemagne son identité, d’une façon très méticuleuse, inversement proportionnelle à son inexistence (transparence ?) :

— E voi ? — Il re era giunto di fronte a un cavaliere dall’armatura tutta bianca […]

  • 83  (Calvino 1960, 266-267).

— Io sono. — la voce giungeva metallica da dentro l’elmo chiuso, come fosse non una gola ma la stessa lamiera dell’armatura a vibrare, e con un lieve rimbombo d’eco, — Agilulfo Emo Bertrandino dei Guildiverni e degli Altri di Corbentraz e Sura, cavaliere di Selimpia Citeriore e Fez ! — […] — E perché non alzate la celata e non mostrate il vostro viso ? Il cavaliere non fece nessun gesto ; la sua destra inguantata d’una ferrea e ben connessa manopola si serrò piú forte all’arcione, mentre l’altro braccio, che reggeva lo scudo, parve scosso come da un brivido. — Dico a voi, ehi, paladino ! – insisté Carlomagno. – Com’è che non mostrate la faccia al vostro re ? La voce uscì netta dal barbazzale. – Perché io non esisto, sire. — O questa poi ! — esclamò l’imperatore. — Adesso ci abbiamo in forza anche un cavaliere che non esiste ! Fate un po’ vedere. Agilulfo parve ancora esitare un momento, poi con mano ferma ma lenta sollevò la celata. L’elmo era vuoto. Nell’armatura bianca dall’iridescente cimiero non c’era dentro nessuno. — Mah, mah ! Quante se ne vedono ! — fece Carlomagno. — E com’è che fate a prestar servizio, se non ci siete ? — Con la forza di volontà, — disse Agilulfo, — e la fede nella nostra santa causa ! — E già, e già, ben detto, è così che si fa il proprio dovere. Be’, per essere uno che non esiste, siete in gamba83 !

Le village et les cruels chevaliers du Graal :
dans la terre de Curvaldia ?

Mais voici d’autres lieux du texte qui confirment nos suppositions.

  • 84  Ibidem, 338-339.

Venne il giorno della riscossione dei tributi. Tutti i villaggi intorno al bosco dovevano in ricorrenze stabilite versare ai Cavalieri del Graal un dato numero di forme di ricotta, di cesti di carote, di sacchi d’orzo e agnellini di latte […] I Cavalieri, gli sguardi rivolti al cielo, al suono dei corni e dei timbri, marciarono sui villaggi curvaldi nella notte. Dai filari di luppolo e dalle siepi saltavano fuori villici armati di forche fienaie e di roncole, cercando di contrastar loro il passo. Ma poco poterono contro le inesorabili lance dei cavalieri. Rotte le sparute linee dei difensori, essi si buttavano coi pesanti cavalli da guerra contro le capanne di pietre e paglia e fango diroccandole sotto gli zoccoli, sordi alle grida delle donne, dei vitelli e degli infanti…Altri cavalieri reggevano torce accese, ed appiccavano fuoco ai tetti, ai fienili, alle stalle, ai miseri granai, finché i villaggi non erano ridotti a roghi belanti e urlanti84 […].

  • 85  Chap. VI « Il s’approcha donc des villages. Il avait peu de chance d’y trouver la trace d’Yvain. C (...)
  • 86  Même si elle n’équivaut pas exactement à paysan ou serf, la distance sociale et anthropologique es (...)
  • 87  « Torrismondo … s’avventò su un cavaliere strappandogli il maltolto. … Ora ricacciava i Cavalieri (...)
  • 88  https://diacritiques.blogspot.it/2015/06/laimable-moyen-age-de-michel-zink.html. Jugement exprimé (...)
  • 89  « Le loufiat avait repéré dans ma voix une pointe d’accent méridional. Marseille ou Toulouse, Prov (...)

18Comme nous l’avons vu, Déodat apprend le meurtre de son frère à partir des habitants du village ; ce lieu méprisé par les chevaliers du Graal, qui se déplacent entre forêts et châteaux85, chercheurs possédés et sanguinaires d’une queste qui n’exclut pas les coups ; terribles et redoutés par les lâches laboratores. En effet, les paysans traitent avec une déférence méfiante jusqu’à l’insignifiant Déodat : « ils semblaient avoir peur » (Déodat, 68). Naturellement, dans ce cas également, Zink aura pu déduire de tout un ensemble de sources la distance inhumaine qui sépare la caste aristocratique des chevaliers (il suffit de penser au vilain d’Yvain86) en particulier ceux qui se vouent au Graal, et la caste des « intouchables ». Mais cette crainte de la cruauté des chevaliers, qui briment les habitants du village (c’est pour ça que les chevaliers perdent, aux yeux des paysans, leur dignité d’âmes élues), rappelle beaucoup la désillusion de Torrismondo dans l’œuvre de Calvino. Comme on le sait, le fils sans père va à la recherche des chevaliers du Graal, qui représentent son père collectif, mais il se retrouve devant une sorte de commune de hippies, et de plus il sont « ombrageux, jaloux, susceptibles », 338, habités et agités par un Graal despotique et immoral. À la première razzia du village de Curvaldia, Torrismondo prendra la tête de la révolte des humbles, des gueux, devenant leur héros et l’initiateur de leur conscience, qui est un nouveau sentiment pour ce simple instrumentum domesticum d’êtres humains87. Dans cette recherche nous nous sommes laissé tromper et séduire par « L’aimable Moyen Âge de Michel Zink88 », dont le talent chasse bien loin la pédanterie. Dans cette recherche, suivre l’idylle entre l’académie et son ombre narrative a été très amusant et séduisant, du moins jusqu’aux pieuses illusions d’Émilien Rébeyrol qui, dans Un portefeuille toulousain, « s’amuse » avec l’olifant et les cathares, dans une Ville rose accueillante et sournoise. Mais le milieu de l’Académie peut être très peu confortable pour un inconnu. En effet, est d’une grande cruauté l’épisode dans lequel le provincial, le méridional Rébeyrol monte à Paris (un garçon de café parisien va même à remarquer son accent “qui fait rire”89) pour obtenir des philologues les plus en vue de l’époque l’aval espéré pour sa thèse d’agrégation (chap. V), et finalement repart bredouille. Pierre Le Gentil, président de la société Internationale Rencesvals, est le premier qu’il va consulter.

Un peu gris, peut-être, comme ses cheveux, sa courte moustache, son veston de tweed, le gilet de laine qu’il portait frileusement par-dessous […] Les traits réguliers de son visage étaient impassibles, […] et ses yeux d’un bleu pâle ne se détachaient pas de moi […] il prit la parole d’une voix douce, un peu voilée, qui ne s’abaissait pas à la fin des phrases (Un portefeuille, 139).

  • 90  (Zink 1996).
  • 91  Il trace un portrait de son activité scientifique dans (Zink 1996, 28-29).

19Son portrait dans le roman est l’empreinte digitale qui confirme qu’on peut le superposer sur celui qui a été esquissé au début de la synthèse-mémoire la plus officielle, mais néanmoins également pleine de colores rhetorici, que Zink avait esquissé en 1996 dans Trente ans avec la littérature médiévale. Note brève sur de longues années90 (cf. infra). Le professeur ébranle courtoisement la foi bédérienne du jeune érudit et l’invite — lui, qui est si vulnérable — à ne pas défier la colère du « redoutable » (voir Trente ans…) Maurice Delbouille et de Don Ramon Menéndez Pidal, nonagénaire, mais encore combatif, et le détourne en fait vers une thèse tranquille de compilation sur « le héros épique dans les chansons de geste françaises », Un portefeuille, 140. Déçu, le jeune Rébeyrol se rend à la Sorbonne, auprès de Jean Frappier91, spécialiste du Graal et du cycle de Guillaume d’Orange. Il en attend beaucoup pour sa thèse qui avait justement pour but d’associer l’olifant et le saint Graal. Voici sa réaction tonitruante : « Mon hypothèse était absurde, mon impudence inconcevable. Comment osais-je déranger un professeur de la Sorbonne pour lui débiter ces fariboles ? […] Il me mit à la porte », Un portefeuille, 142. Même les esquisses les plus sommaires des autres professeurs que le pauvre Rébeyrol rencontre dans ce siège d’élection ne font rien d’autre, du reste, que confirmer la relation entre ces deux textes, différents par le genre, mais tout à fait semblables par la substance et par leur écriture. Au Collège de France, par exemple, c’est Félix Lecoy qui reçoit Rébeyrol (Zink lui succèdera justement dans ce « fauteuil de cuir écorché », décrit en 144). Lecoy se montra cordial, « si son scepticisme caustique n’avait pas fini par me mettre mal à l’aise », Un portefeuille, 145. Et « caustique » est l’épithète qui apparait également dans le portrait de Lecoy dans la galerie de Trente ans avec la littérature médiévale. Mais Félix Lecoy, dans son style plus amical (« en m’appelant “ mon vieux ” », Un portefeuille, 145), le dissuadera cependant fermement lui aussi : « Il me conseilla d’acquérir une formation philologique plus solide avant de me lancer dans des élucubrations », Un portefeuille, 145. Mis à la porte du Collège de France, le jeune homme aux belles espérances tombe sur le vieil Edmond Faral, mais en observant le pli amer de ses lèvres, il s’abstient de l’affronter : « La journée avait été suffisamment éprouvante » (Un portefeuille, 146). En définitive, il passe de la bonhomie des cercles du Midi, aux critiques glaciales des châteaux du Graal parisien, où échoua aussi la queste du nice Perceval. Lisons à présent le commencement de Trente ans avec la littérature médiévale. Il vous sera facile d’y entrevoir la silhouette de ce qui sera sa version romancée dix ans plus tard :

  • 92  Dans Un portefeuille toulousain, il prêtera ces vêtements à Frappier : « C’était un petit homme vi (...)

Pierre Le Gentil était vêtu d’un costume trois pièces bleu marine92 que le ruban rouge venait seul égayer. Ma mère m’avait appris qu’un homme bien élevé ne boutonne pas le bouton inférieur de son gilet. Je vérifiai que celui qui allait être mon maître, en se pliant à cet oukase, confirmait sa légitimité. Ma frivolité n’était pourtant pas si grande ni ma taille si courte que mon regard s’arrêtât au bouton du gilet sans s’intéresser au beau visage calme, aux cheveux blancs soigneusement ramenés sur le côté, à la petite moustache poivre et sel, aux yeux d’un bleu pâle. La voix un peu sourde, lente et monocorde, paraissait toujours contrôlée […] Il se peignait ainsi, lors du congrès fondateur de la Société Rencesvals à Poitiers en 1958, dans son rôle de président, siégeant entre le vénérable Ramón Menéndez Pidal et le redoutable Maurice Delbouille, qui ne tombaient d’accord que pour l’accabler lorsqu’il se risquait à suggérer que leurs positions n’étaient pas inconciliables. Mais cela me paraissait de l’histoire bien ancienne. Nous étions en 1964. J’avais dix-neuf ans, je venais, depuis ma province, d’entrer à l’École Normale Supérieure, où Pierre Le Gentil donnait chaque année un cours. La littérature du moyen âge était l’un des domaines auxquels j’envisageais de me consacrer. Pourquoi la littérature du moyen âge ? Pour de sottes raisons ; celles de l’immaturité qui m’attachait encore un peu aux rêves chevaleresques et féeriques de l’enfance, et beaucoup à ceux d’une adolescence dont je n’étais pas encore sorti. Comme chacun à cet âge, je me croyais poète. […] Mais la figure de Pierre Le Gentil, c’était autre chose. Elle incarnait une image de l’Université que, dans l’atmosphère énervante, relâchée et brutale qui était en ces années-là celle de l’École Normale, nous sentions confusément menacée. Une image qui rebutait les plus audacieux mais qui exerçait sur les plus timides et les moins vigoureux, dont j’étais, une séduction austère et ambiguë. […] Le tableau anecdotique et mouvant qui s’offrait alors à nos yeux était à peu près le suivant. La grande tradition philologique était représentée au Collège de France et à l’École Pratique des Hautes Études par Félix Lecoy. Il faisait peur. Cela aussi faisait partie de la tradition. Les ombres effrayantes de Mario Roques et d’Edmond Faral planaient encore sur ces institutions. Quant à lui, il pouvait certes être caustique », 27-28.

20Quel est le roman et quel est l’essai ?

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Notes

1  Cas célèbre pour la philologie germanique, Tolkien, académicien et écrivain dans le genre de la fantasy ; on peut le suivre dans (Tolkien 2003).

2  Toujours pour nous limiter à notre équipe de philologues, voir l’importante contribution de (Mancini 2006, 15-34) ainsi que le copieux volume de (Zambon 2012), qui traite aussi de la postérité du Graal (troisième partie : « Il ritorno del Graal ») et ne comprend pas cependant notre Déodat. En ce qui concerne la réécriture de Manuel Vázquez Montalbán, voir (Longobardi 2013, 345-365). Sur la réception du Moyen Âge, en particulier dans le Nord de l’Europe et aux États-Unis, voir l’œuvre récente de (Gally, Ferré 2014).

3  On nous pardonnera d’abuser un peu de ce terme de Professorenroman en étendant son acception du xixe siècle, de matrice érudite-positiviste, pour l’élargir aux romans postmodernes, opération du reste déjà rodée avec les pastiches d’Eco, cf. (De Jong 1994, 259ss.) Je prépare un panorama des réécritures des œuvres médiévales du xxe siècle et du début du xxie, tant des philologues-écrivains que des écrivains qui rencontrent la philologie.

4  (Cangemi, Corbellari, Bähler 2014). Ouverture : (Zink 2014), (White-Le Goff 2014).

5  Avant tout, voir encore, avant et plus que les autres (Mancini 2000, 27-43) : « Notre philologie doit savoir retrouver sans doute, au-delà de la spécialisation et de l’aspect scientifique, la dimension de la lecture. Une lecture au sens fort : celle mise à exécution par les connaisseurs et par les poètes cités auparavant ou, comme l’entendent des critiques comme Paul de Man, Spitzer, Jauss ou Iser, qui voient dans l’acte de la lecture, justement parce que primaire, immédiat, non réfléchi, un premier moment herméneutique essentiel. Sans doute pour les mêmes raisons, Virginia Woolf adressait ses essais extraordinaires au common reader : c’est seulement de cette façon que — le débat sur la New Philology nous y introduit — nous, médiévistes, pouvons avoir quelques chances que nos territoires apparaissent, à cette époque kaléidoscopique, davantage qu’une terre gaste, une sorte de forêt enchantée » (43). On peut trouver Mancini encore dans (Zink 2010).

6  Au lendemain de la mort de celui-ci, Michel Zink en trace un portrait reconnaissant et passionné dans (Zink 1996, 27-40) : « Mais Zumthor, formé à la solide école de Wartburg, joignant la force de la maturité à l’élan juvénile qu’il a gardé jusqu’à son dernier jour, allait bientôt jouer un rôle unique dans les études de littérature médiévale en formulant à leur usage la leçon des sciences sociales. […] Esthétique littéraire, histoire, ethnologie entendue dans un sens très large : tels sont bien les fondements nécessaires d’une réflexion sur la littérature médiévale […] Négliger l’un des trois éléments a toujours des conséquences malheureuses. Cette conviction a été inculquée aux médiévistes de ma génération par ceux qui, comme Zumthor et avec lui, ont donné un souffle nouveau à nos études dans les années 70 et 80 », 29.30. Sur cette figure voir (Cerquiglini-Toulet, Lucken 1998) Zink et les autres auteurs du volume de 2014 (Cangemi, Corbellari, Bähler 2014) continuent à rendre hommage à ce maître.

7  « Cette joie semble également s’exprimer par l’acte d’écriture. Zumthor, Eco et Zink placent leur plaisir d’écrire avant tout autre motivation. Paul Zumthor affirme : « Ce qui seul justifie notre effort de lecture, c’est le plaisir qu’elle nous donne, j’aime savoir […] mais ce savoir emmagasiné, il faut qu’il explose, qu’il s’écoule en discours » (White-Le Goff 2014, 31). Certains exemples emblématiques d’osmose entre l’activité narrative du philologue et la critique littéraire suisse (peu ou pas du tout filtrés dans l’équipe de philologie italienne) sont : (Zumthor 1969), basé sur les aventures calamiteuses d’Abélard et Héloïse, et (Zumthor 1987). Sur ces reprises romanesques du Moyen Âge, cf. les essais critiques dans (Corbellari 2015, 379-392 et 393-412).

8  (Zink 2002a ; en part. 11-18).

9  « Il est vain d’établir une distinction tranchée entre œuvre de création et œuvre de commentaire, d’érudition, de critique. Pire : c’est méconnaître l’activité littéraire dans sa nature comme dans son histoire. Toute œuvre est secondaire, en ce sens qu’elle naît de la lecture, de la fréquentation, de la méditation, du remploi même d’œuvres antérieures. Aucune œuvre n’est secondaire, puisqu’elle a sa vie propre, quand bien même cette vie est au service d’une œuvre préexistante. La littérature a toujours consisté… dans la réécriture de la littérature antérieure », (Zink 2002a, 12).

10  (Zink 2002b).

11  On peut lire le cursus honorum de Zink sur le site : http://www.college-de-france.fr/site/michel-zink/index.htm, la bibliographie sur http://www.college-de-france.fr/site/michel-zink/bibliographie.htm.

12  En ce qui concerne Zink écrivain, http://republique-des-savoirs.fr/?membre=michel-zink : « À côté de ses ouvrages universitaires, il est l’auteur de romans et de contes : Le Tiers d’Amour. Un roman des troubadours (de Fallois, 1998, trad. espagnole), Le Jongleur de Notre Dame. Contes chrétiens du Moyen Âge (Le Seuil, 1999, trad. espagnole, italienne, portugaise, tchèque, slovène), Déodat ou la transparence. Un roman du Graal (Le Seuil, 2002), Arsène Lupin et le mystère d’Arsonval (de Fallois, 2004, Livre de Poche 2006), Un portefeuille toulousain (Éditions de Fallois, 2007, Livre de Poche 2009), Seuls les enfants savent lire (Tallandier, 2009). Le Moyen Âge à la lettre. Un abécédaire médiéval (Tallandier, 2004) est à mi-chemin entre ouvrage universitaire et littéraire ».

13  (Zink 2004), titre de couverture : Arsène Lupin et le mystère d’Arsonval ; depuis la quatrième couverture : « Pourquoi les cours d’Arsène d’Arsonval, professeur de médecine au Collège de France, sont-ils suivis par un public de plus en plus nombreux et enthousiaste ? Pourquoi les bijoux de la marquise d’Arnac lui ont-ils été restitués par l’illustre gentleman-cambrioleur, alors qu’ils n’avaient jamais été dérobés ? Et pourquoi le capitaine Alfred Dreyfus fut-il enfin réhabilité, le gouvernement ayant entre les mains la preuve formelle de son innocence ? Tout cela, et d’autres choses encore, vous l’apprendrez en lisant cette nouvelle aventure d’Arsène Lupin, imaginée par Michel Zink. Quand vous saurez en outre que le professeur d’Arsonval a réellement existé, que Michel Zink est lui aussi professeur au Collège de France, et qu’il séjourne volontiers à La Borie, la propriété léguée au Collège par son prédécesseur, vous comprendrez que la littérature réserve à ceux qui la cultivent des rencontres inattendues et des pouvoirs mystérieux ».

14  (Zink 2007). « Toulouse, automne 1956. Émilien Rébeyrol, professeur au Lycée Fermat, revenant de vacances avec sa famille, surprend un cambrioleur qui fouille dans ses papiers. Ses travaux auraient-ils une telle importance ? Il n’en doute pas un instant. N’a-t-il pas élaboré une audacieuse théorie mêlant le Graal, les cathares et le cor de Roland, conservé, pense-t-il, au musée Dupuy, rue de la Pleau, à deux pas de chez lui, malgré les prétentions de Bordeaux à l’avoir reçu en dépôt ? Sa voisine et propriétaire, Mlle Emérencienne de Cantelou, soupçonne, quant à elle, l’intrus d’être à la recherche d’un portefeuille compromettant, que son amie, la vertueuse Madeleine Piron-Blanchard, conservatrice du même musée Dupuy, a retrouvé, à l’occasion de travaux d’agrandissement de son musée, dans l’ancienne maison close de la rue de la Pleau, fréquentée pendant l’occupation par les Allemands et les collaborateurs. Mais qui compromet-il ce portefeuille ? Le passé, inavouable ou glorieux, des années sombres revient ainsi à la surface, mêlé aux préoccupations du mouvement que sont les guerres d’Algérie, l’expédition de Suez ou le soulèvement de la Hongrie, au moment où meurt le cardinal Saliège, dont la lettre pastorale du 23 août 1942, lue dans toutes les églises malgré l’interdiction du préfet, résonne encore dans les mémoires : « Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. » https://www.ombres-blanches.fr/litterature-française/romans-francais/livre/un-portefeuille-toulousain/zink-m/9782877066334.html/.

15  Le « vice secret » est l’invention d’un langage imaginaire… un useless hobby… un « vice » qu’il associe même à ce du fumeur d’opium, et que les « vicieux » pratiquent secrètement « bien qu’ils … volent des heures de travail au lieu d’étudier, de gagner leur vie et à leur employeur » (Tolkien 2003, 10).

16  « Toutes les personnes de son milieu – j’en fait, hélas l’expérience fréquente – ne mesurent pas exactement ce que cela représente, que d’être professeur agrégé de grammaire, d’occuper la chaire de Troisième lycée Pierre de Fermat et de consacrer une thèse aux premiers monuments des lettres médiévales » (Zink 2007, 17).

17  « Michel Zink, professeur de littérature du Moyen Âge au Collège de France et membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, a longtemps habité Toulouse, quand il était professeur à l’université du Mirail. L’amour de Toulouse et la nostalgie qu’il en garde sont à la source de son roman ». La période universitaire de Zink à l’Université Toulouse II-Le Mirail alla de 1976 à 1987, et par la suite à l’Université de Paris IV-Sorbonne (1987-1994). Autour des années de la reconstitution du roman (1956), une vie parallèle à celle de Rébeyrol (et de Zink) se déroulait à Toulouse pour un autre “professeur” d’études littéraires du Moyen Âge roman : Philippe Ménard, de 1959 à 1961 professeur dans ce lycée et de 1970 à 1975 professeur titulaire dans cette université, avant de passer à la Sorbonne : http://lettres.sorbonne-universite.fr/IMG/pdf/cv_bibliographie_de_philippe_me_nard_19_07_18.pdf.

18  (Zink 2014, 24). À propos de ce roman d’atmosphère toulousaine, il continue en faisant un exercice de modestie : « Le personnage principal est un médiéviste ridicule et borné où j’ai mis beaucoup de moi-même et qui rencontre Pierre Le Gentil, Jean Frappier, Félix Lecoy, Edmond Faral ». Pour l’ensemble du milieu académique lié à la philologie romane, cf. extraits à la fin de cet article.

19  Je suis en train d’écrire une étude consacrée à Le Tiers d’Amour. Un roman des troubadours (de Fallois, 1998), relatif au troubadour dont j’ai préparé l’édition critique : Guiraut Riquier. Pour le cours consacré au Collège de France, 1996-97, intitulé La mémoire des troubadours voir http://www.college-de-france.fr/media/michel-zink/UPL646239555967244650_AN_96_zink.pdf.

20  (Zink 2014, 23-24).

21  (Koroleva 2008) : « Mais si la faute de Cahus entre en résonance avec celle d’Arthur, elle peut aussi être mise en rapport avec la faute de Perlesvaus - son silence désastreux au château du Roi-Pêcheur - mentionnée dans le prologue. Rappelons que l’auteur présente son roman comme une continuation du Conte du Graal de Chrétien de Troyes et saisit le fil du récit là où le poète champenois l’avait laissé, du moins en ce qui concerne le héros principal. Il est à noter que la faute de Perlesvaus est de même nature que le péché d’Arthur. Le méfait du héros principal consiste en un manquement à la parole. Or, pour l’auteur de Perlesvaus, prononcer une parole veut dire agir et la parole manquée égale le défaut d’action. C’est ainsi qu’un chevalier explique à Gauvain l’attitude méprisante des habitants du château de la Joie où le héros arrive après son échec — toujours le silence ! — devant le Graal : « […] vos l’avez déservi, si vos quident asi pereceus de fet com vos estes de parole » (P, II. 2524-25) ».

22  Zink indique même la posture du Roi déprimé : « Dans son château de Camaalot, le roi Arthur passait tout le jour assis sur un grand fauteuil curule […] le buste penché, les coudes sur les genoux, la mâchoire au creux des mains », 12. La cause principale d’une telle malédiction concernant une « volentez delaianz » est attribuée au silence coupable de Perceval devant le cortège du Graal, cf. (Zink 2002b, 11-12). (Caillois 1999). « Dans le deuxième livre du Secretum, Pétrarque s’entretient avec Saint Augustin, auquel il s’était adressé plusieurs fois pour être réconforté. Ils examinent les sept péchés capitaux et, en particulier la langueur [accidia], qui est une des expressions de la mélancolie. Le poète voudrait se consacrer corps et âme aux études et à l’activité littéraire, mais il est en proie à la langueur. C’est une maladie de l’âme, un état dont il tire une volupté désespérée, mais dont il a honte. Parce que sa mélancolie n’est pas celle qui commande l’oisiveté créative, mais une maladie qui anéantit les germes de la vertu et suffoque le fruit de l’esprit », http://www.ninoaragnoeditore.it/?mod=COLLANE&id_collana=23&op=visualizza_libro&id_opera=623 ( Petrarca 2013).

23  (Ferlampin-Acher 2017) et en général (Martin-Cardini 2016).

24  « Le lecteur quelque peu familier avec la littérature médiévale aura relevé de lui-même dans le récit qui précède les allusions aux romans de Chrétien de Troyes, aux lais bretons, aux romans arthuriens en prose, et particulièrement au Haut Livre du Graal ou Perlesvaus, auquel sont empruntées la langueur du roi Arthur et la mort de Cahus, qui en constituent le prologue, ainsi que la vengeance sanglante de Perceval et la mort de Guenièvre, veillée par Lancelot. Est-il besoin d’ajouter que j’ai inventé le personnage de Déodat, son lien avec Cahus et toutes ses aventures ? Faut-il souligner aussi combien le ton et l’esprit de mon récit sont éloignés de ceux des romans médiévaux ? J’espère qu’on me pardonnera les emprunts particuliers comme l’infidélité d’ensemble ». Mais cette note prudente est démasquée par (White-Le Goff 2014, 29) : « Michel Zink évoque en postface son “infidélité d’ensemble” à la littérature médiévale mais son œuvre en est néanmoins une célébration ». On pourrait dire un faux « consacrant » et non pas « désacralisant », selon le classique (Almansi, Fink 1976).

25  (Strubel 2007, 132-134) où la décision de se rendre en pèlerinage à la chapelle de Saint Augustin, accompagné par l’écuyer Cahus, est suggérée à Arthur par la reine Guenièvre.

26  (Alvar 1998, 39). Voir ensuite (Bruce 1999, 95). http://revel.unice.fr/loxias/?id=2493. (Kibler, Barton Palmer 2014, 197).

27  (Dubost 1991, 787-791) chap. 22, III part., « Le rêve de Cahus, ou la blessure fantastique ». (Williams 2004, en particulier 79).

28  (Koroleva 2008) : « Le rêve de Cahus que nous proposons d’examiner est un des épisodes-clés de la branche I de Perlesvaus, une adaptation relativement peu connue des récits du Graal et des chevaliers de la Table ronde. L’écuyer du roi Arthur nommé Cahus, une victime apparemment innocente, meurt d’une façon troublante au seuil du roman. Dans le présent article, nous nous penchons sur les possibilités de l’interprétation de cet épisode déconcertant pour montrer de quelle manière il s’inscrit dans la trame du roman, étant un élément indispensable à la « molt bele conjointure » à laquelle aspire l’auteur de Perlesvaus. Le cauchemar de Cahus préfigure plusieurs thèmes phares développés ensuite dans le roman, notamment ceux de la faute et de son expiation, de la relation problématique père-fils et du manque d’héritier masculin. Enfin, le rêve de Cahus évoque la Passion du Christ et se rattache par là à l’histoire du Graal au cœur de laquelle on retrouve, dans la branche VI, les souffrances du Sauveur sur la croix ».

29  (Zink 1984, 31-38).

30  Le même titre mais dans (Zink 1992, 137-144).

31  « Ainsi, ce roman, celui de l’homme qui ne conserve pas l’héritage de son père, de ce Perceval appelé ici Perlesvaus parce que, dit le texte, il perd les Vaux de Camaalot […] de ce self made man que l’on surnomme Par-lui-fet […] ce roman s’ouvre sur la mort du fils du bâtard, angoissé à l’idée de ne pas satisfaire aux ordres de son roi […] Sous le décousu des épisodes s’impose une cohérence tenace », (Zink 1984, 35).

32  (Koroleva 2008) : « Ce n’est donc pas un hasard si le thème de la faute et de son expiation est abordé dans l’épisode de Cahus. Un parallélisme s’établit entre Arthur et son écuyer. Selon Michel Zink, cet épisode « concerne plus le roi Arthur que la personne de Cahus ». L’écuyer, croyant être en retard, part en réalité avant son souverain et prend ainsi sa place dans l’aventure de la chapelle, en devenant dans une certaine mesure son double. Cahus reçoit la mort au lieu du roi ; il est significatif que le meurtrier de Cahus est le frère du Noir Chevalier, celui-là même qui défie et blesse Arthur lorsque celui-ci rentre de la chapelle (P, ll. 362 et ss.). L’aventure de l’écuyer peut être lue comme une réalisation de la culpabilité d’Arthur. C’est le sentiment de culpabilité qui pousse Cahus à entrer dans la chapelle où il espère trouver le roi (P, ll.131-133) et ensuite à voler un des chandeliers précieux qu’il veut offrir au roi en cadeau pour réparer son erreur, faire oublier son retard (P, ll. 153-154). Cahus est à bien des égards un coupable innocent et toutes ses actions sont dictées par l’envie de contenter le roi ».

33  Joseph d’Arimathie de Robert de Boron, a.a. 2000-2001, cf. http://www.college-de-france.fr/media/michel-zink/UPL31716_zink.pdf « Mais au confluent de la matière romanesque et de la matière religieuse, le Moyen Âge a placé l’un des mythes littéraires les plus importants de notre civilisation, celui du Graal. Impossible d’étudier la rencontre de l’inspiration poétique et de l’inspiration religieuse sans se confronter à lui. C’est ce qu’a tenté, en conclusion de cette thématique, le cours de cette année ».

34  (Dubost 1994, 179-199).

35  Peut-être par hasard, l’autre roman de Zink commence aussi par un jeu de mots analogue consacré à un mauvais rêve, celui des lois antisémites : « L’effort pour retenir au moins un lambeau de son rêve achève de l’éveiller. Maladroit ! » (Zink 2007, 7), comme Déodat, « il s’abandonnait à des rêves éveillés », 27.

36  « La quête du Graal, la gloire des chevaliers, les aventures et les amours, c’était pour les autres. Lui, il devait maintenant mener sa propre quête. Il devrait découvrir comment Cahus était mort et qui l’avait tué », 35.

37  « Le rêve de Cahus et la tentation du fantastique » Le Haut Livre du Graal ne s’en tient pas à ces formes banalisées de la merveille. S’il a retenu l’attention de la critique, c’est parce qu’il est un des rares textes de ce type à poser la question d’un “fantastique” médiéval. Ce n’est pas le lieu de reprendre ici un dossier magistralement traité par l’ouvrage de F. Dubost, auquel nous renvoyons le lecteur. Dès le début du récit, décidément bien riche en surprises, le “rêve avéré” de Cahus plonge dans une inquiétante étrangeté. La présence du couteau et du candélabre au réveil, alors que le jeune écuyer est blessé en songe, ressortit au type de fantastique longuement analysé par T. Todorov, présent dans le Manuscrit trouvé à Saragosse ou dans le récit sur le loup-garou dans le Satyricon de Pétrone : celui de l’indécidable. M. Zink a souligné l’originalité de cette séquence purement onirique, par l’absence de toute senefiance. », (Haut Livre, Introduction, Strubel 2007, 53).

38  « Peut-on mourir d’une blessure en rêve ? Ou peut-on mourir d’être transparent au regard des autres, de ne pas exister à leurs yeux ? Le jeune Déodat veut percer le mystère qui entoure la mort de son frère Cahus. Mais à la cour du roi Arthur, nul ne prend garde à lui. Cahus et lui ne sont rien pour personne » (De la présentation éditoriale sur la quatrième de couverture).

39  Haut Livre, Strubel 2007, 136-140.

40  De la page 40, les véritables questions investigatrices commencent à prendre forme dans les conjectures de Déodat, à partir de son scepticisme rationaliste, si bien que, page 43, alors qu’il interroge le Christ, le mot crime apparaît : « qu’as-tu vu cette nuit-là ? As-tu vu un rêve ou as-tu vu un crime ? ».

41  Yvain l’Avoutre (Alvar 1998, 177-178 ; à la suite d’Yvain fils d’Urien, 176-77).

42  « ce nom d’Yvain qui était aussi celui de son père. Il ne soupçonnait entre eux aucun autre lien. Yvain le fils du roi Urien. Quel beau nom ! » (Zink 2002b, 81).

43  Bienvenue, chap. 19, 85-88, passe aux pp. 87-88.

44  Yvain tue Yvain l’Avoutre, mais, comme il révèle à Déodat, il a tué en fait son demi-frère et il s’est vengé du frère aîné (pas du père) de Déodat et Cahus (Zink 2002, 142-143).

45  « De grandes ailes… La fenêtre étroite… C’était l’ombre d’un grand oiseau » (Déodat, 28). Une grande sécheresse, la fièvre et la dame de la maison forte, grand-mère supposée de Cahus et Déodat, en prononçant des phrases décousues par le délire, passe d’un “Elle” (« Elle était enfermée dans cette tour ») à un “je” (« Ils m’ont enfermée toujours »). Avec cet expédient, Zink met en abîme le lai de Yonec et en fait la clé de tout son roman. Pour la révélation, 142-143.

46  http://claudebernard2013.univ-lyon1.fr/2013/09/04/jacques-arsene-darsonval/. Jacques Arsène D’Arsonval : un pionnier de la biophysique.

47  Avertissement initial « Toute l’intrigue que la fantaisie m’a inspirée à partir de la coïncidence du prénom… est certifiée fausse par la seule présence d’Arsène Lupin », 8. (« D’Arsonval décède le 31 décembre 1940 dans sa maison de la Borie – léguée au Collège de France »), 9. En sorte d’hommage à sa mémoire.

48  « Que ceux qui sont attachés à la mémoire d’Arsène d’Arsonval – ses collègues du Collège de France, au nombre desquels j’ai l’honneur de compter, ses compatriotes de La Porcherie (Haute-Vienne), où se trouve le domaine de La Borie – voient dans ce petit livre, si désinvolte qu’il paraisse, un geste à sa mémoire » (Zink 2004, 8). Cet hommage au milieu et aux académies aimés par Zink ne restera pas isolé, du moment que dans Un portefeuille toulousain, au chap. V, son personnage, Émilien Rébeyrol, fera un voyage à Paris, La Mecque de la Philologie officielle, et en reviendra penaud (voir le paragraphe final).

49  À propos de vol d’identité, ce nom est “presque” celui de Raoul Dautry (1880-1951), entrepreneur et homme politique français.

50  « Psychologie de pacotille ! … La médecine, cher Maître, ne se pratique pas qu’au Collège de France et elle n’a pas partout recours à des appareils électriques. Ainsi à Vienne, un de vos confrères… mais passons ! » (Zink 2004, 119).

51  Michel Zink, collègue de d’Arsonval et installé dans son bureau à La Borie, a tiré profit de sources de première main et des biographies citées 8, note 1. Pour une biographie scientifique, cf. http://www.adarsonval.fr/biographie3.html. Pour une bibliographie détaillée sur d’Arsonval, http://www.adarsonval.fr/bibliographie.html. Y apparaît, après l’hommage de Zink, (Monjaux-Defaye, 2007). Fiche bio-bibliographique ainsi que dans http://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/biographies/index.php?cle=4907. On peut lire ici un résumé des aventures conjugales (plutôt scandaleuses pour l’époque) de d’Arsonval : http://bibulyon.hypotheses.org/3958 « En 1871, d’Arsonval tombe amoureux d’une jeune veuve de six ans son aînée, rencontrée à l’hôpital de Limoges. Il s’agit de Marie Boysse, mère d’une petite fille nommée Émilie. Mais, Pierre Catherine d’Arsonval est hostile à l’union des deux jeunes gens. Le couple vit donc à Paris durant l’externat d’Arsène et le mariage est célébré seulement en 1885, après le décès du pater familias. Marie meurt en 1899 et Arsène épouse en secondes noces … sa belle-fille Émilie dont il est le tuteur. Non autorisé par la loi française, le mariage a lieu en 1902 en Espagne. La famille d’Arsonval met le couple à l’index, tout contact est rompu. Atteinte d’un cancer du sein, Émilie survivra seulement quatre ans à son époux ». Zink y fait aussi allusion dans la première partie du roman, située dans le salon de Mme d’Arnac, qui n’invite pas la deuxième femme à la soirée organisée en l’honneur de son célèbre mari : « Nul n’ignorait que le professeur d’Arsonval, veuf depuis trois ans, avait tout récemment épousé la propre fille de sa défunte épouse, née d’un premier mariage. L’affaire avait fait quelque bruit », (Zink 2004, 33).

52  (Bähler 2004).

53  Un ultérieur fil ténu relie le personnage duel du roman et le père de la philologie romane en France (« Et pourquoi le capitaine Alfred Dreyfus fut-il enfin réhabilité, le gouvernement ayant entre les mains la preuve formelle de son innocence ? » – rappelez-vous la présentation éditoriale du livre ?) : « – Parce qu’Arsène Lupin, comme tout un chacun, a ses opinions. Dès le premier instant, j’ai été dreyfusard », 126. En ce qui concerne le dieu tutélaire de la philologie française, par rapport à ce thème, « le salon de la marquise d’Arnac avait été et était encore le plus anti -dreyfusard de Paris, tandis que lui-même, convaincu dès le début de l’innocence du capitaine, n’avait jamais craint de le faire savoir », Arsène, 22. Voir (Bähler-Zink 1999). De l’affaire Dreyfus, on peut sans doute entrevoir une recrudescence onirique dans le cauchemar du début de Le portefeuille toulousain, lié aux lois anti-juives de la seconde guerre mondiale, soutenues également du haut de diocèse de Toulouse, 7-9.

54  C’est justement pour le centenaire qu’André-François Ruaud a écrit (Ruaud 2005).

55  « La gloire du roi Arthur, les fastes de sa cour, les mystères de la Table Ronde, les aventures, les combats, les merveilles, les amours, il ne connaissait tout cela par ouï-dire ou par ce qu’il pouvait en surprendre ou en épier » (Zink 2002b, 25).

56  « Il se résignait à être invisible, transparent et à ne vivre que par procuration » (Zink 2002b, 52).

57  (Leblanc 2009) ; (le titre reprend celui de A. Dumas ; le récit se fond dans Arsène Lupin gentleman cambrioleur, 1907) qui cite exactement dans une bibliographie la réécriture de Zink : « Un soir, ainsi qu’elle en a l’habitude à l’occasion de grandes solennités, la comtesse de Dreux- Soubise décide de porter le magnifique collier autrefois destiné à Marie-Antoinette et qui avait donné lieu à l’” affaire du collier “. Avant de se coucher, elle le confie à son mari qui le dépose à sa place habituelle, dans un petit cabinet attenant à la chambre et dont le verrou est fermé de l’intérieur. Au réveil, le collier demeure introuvable… Dans les cinq nouvelles de ce volume, on retrouve Arsène Lupin sous diverses identités, à la fois enquêteur et voleur, gentleman et cambrioleur. Ce volume comprend : Le Collier de la reine, La Perle noire, Au sommet de la tour, La Carafe d’eau et La Lettre d’amour du roi Georges ». https://www.decitre.fr/livres/le-collier-de-la-reine-9782253082682.html.

58  « Arsène d’Arsonval… Un autre Arsène… Le grand Marcelin Berthelot, le professeur Marcelin Berthelot, le sénateur à vie Marcelin Berthelot soupçonnait son collègue Arsène d’Arsonval d’avoir partie liée avec Arsène Lupin ! » (Zink 2004, 57).

59  « Arsène Lupin ou Dupin ? A quoi rimait ce calembour absurde ? […] Une lettre. Arsène Lupin lui avait volé une lettre, comme son presque homonyme, son double inversé, le policier Dupin vole une lettre, ou plutôt récupère une lettre volée, dans l’histoire extraordinaire d’Edgar Poe » (Zink 2004, 39).

60  Cette citation se trouve dans la présentation éditoriale en quatrième de couverture.

61  Idem.

62  « C’est la preuve, en tout cas, que les cathares sont partout. Je suis sûr qu’ils ont investi l’Académie des Jeux Floraux » (Zink 2007, 246).

63  Voici une synthèse pour donner une idée du climat culturel que l’on y entrevoit : « À l’aube du xiiie siècle, le fils d’un bâtisseur de cathédrale, Dalmas Rochemaure, se sait investi d’une mission : sauver l’Occitanie, la terre de ses ancêtres, face à la horde d’envahisseurs français. De la tuerie de Béziers, où Dieu n’a pas reconnu les siens, jusqu’à la chute de Minerve et l’attentat d’Avignonnet où deux inquisiteurs et leur suite furent massacrés par des hommes venus de Montségur, nous suivons le parcours initiatique du jeune écuyer du comte de Toulouse qui est de toutes les épreuves, chevauchées, combats et carnages. Déposant un rai de lumière sur ce secret que l’on croyait à jamais envolé dans les braises échappées des cendres du tragique bûcher de Montségur, cet ouvrage – à la fois mystique et sensuel – a été le premier à dévoiler les arcanes de la doctrine cathare et fut à l’origine du mythe d’Esclarmonde, symbole pour tous les Occitans de l’hérésie libératrice ». https://www.decitre.fr/livres/le-sang-de-toulouse-9782268045245.html. À propos de Professorenroman, en ce qui concerne la sanglante extermination de Béziers, par exemple, on ne peut pas ne pas citer (Lafont 2001), (Còrdas 1983). Pour le sujet historique, une récente étude imposante : (Raguin 2015). Pour une proposition “inclusive” des réécritures et projetée à la postérité des études romanes, cf. (Longobardi 2018).

64  « les incubes, qui se couchaient sur les femmes (le grand Merlin n’avait-il pas été conçu ainsi ?), les succubes, qui se couchaient sous les hommes… On en venait aux femmes serpentes, aux mélusines, aux loups-garous », (Zink 2002b, 72).

65  « Tous sont occupés d’un mystère autrement prestigieux, celui du Graal. L’errance à travers la forêt, les rencontres, les terreurs font franchir à Déodat d’invisibles frontières : entre le rêve et la veille, entre l’âge adulte et la mémoire de l’enfance, entre l’univers des contes et celui d’une réalité elle-même incertaine, entre le monde des chevaliers et celui des paysans, entre la cruauté et la miséricorde », de la couverture.

66  Au sujet de l’initiateur de cette interprétation (cf. Zink 2003), en part. Cap. IX : Robert de Boron, la nature du Graal et la poétique du salut.

67  Déjà Déodat, sous une forme moins lourde, s’était montré sceptique sur l’importance accordée à ce sacré calice : « Un graal, pour tout ce qu’il en savait, n’était jamais qu’un plat à poisson. Les paysans de sa grand-mère appelaient graal un abreuvoir, une auge » (Zink 2002b, 56). Un semblable abaissement, mais cette fois-ci, à sa façon, source de noblesse, a lieu dans le roman d’Eco, au moment où on a la révélation que l’insaisissable Gradale (perçu par Baudolino « Toute en or, incrustée de lapislazzuli ») était en fait l’assiette en bois où le père Gagliaudo avait bu la dernière gorgée de vin avant de mourir, 280-81 (mort de Gagliaudo) ; 507-08 (érection de la statue de Gagliaudo et de son saint vase dans la cathédrale d’Alexandrie). Voir (Zambon 2012), en particulier le chap. 18 (« Parodie romanzesche : Italo Calvino e Umberto Eco ») et en part. 366-370. On retrouve une banalisation semblable du mystérieux et lacuneux manuscrit de Provins dans Il pendolo di Foucault, se révélant une simple liste des courses (cela fait penser à un des premiers documents du vulgaire ibérique – X siècle — la Nodicia de kesos, simple liste de fromages du monastère de San Justo y Pastor, León), cf. (Zambon 2012, 358-362).

68  Déodat osa aussi poser sa question aux trois moines blancs qui, dans la chapelle de Saint Augustin, attendaient justement le roi Arthur, pour le guérir de sa mélancolie (41). Leur réponse, tout aussi impitoyable, suivra la loi du silence : « Les trois moines s’arrêtèrent et le dévisagèrent sans indulgence […] Il prit le temps d’examiner Déodat, bougeant à peine les yeux sous ses paupières à demi baissées, le visage impassible. Puis parla d’une voix douce et glacée : … Oubliez votre frère ! S’il est venu à la chapelle c’était un voleur. S’il a voyagé en rêve, c’était un possédé… Qui se soucie de votre frère ? Avez-vous eu un frère ? Le roi Arthur va guérir. Ses chevaliers vont partir en quête du saint Graal. Certains en découvriront le mystère. Que rien d’autre ne nous occupe ! » (Zink 2002b, 44-45).

69  (Alvar 1998, 35-36), Bruno lo Spietato : « Il ne se fait aucun scrupule à attaquer les personnes sans défense, maltraiter les demoiselles et agresser des chevaliers par surprise, en particulier quand ils dorment ».

70  « Est-ce vous, l’homme noir ? L’homme noir qui a tué Cahus ? : — Bréhus rit. De son rire forcé, sonore et sans joie » (Zink 2002b, 107).

71  « Ivre de dépit, l’Avoutre est allé seul à la chapelle et a volé le chandelier… Revenu au Château dans la nuit, il a trouvé Cahus endormi … L’Avoutre l’a tué et a placé le chandelier dans sa botte » (Zink 2002b).

72  (Zink 2014, 23-24). À ce propos, voir le cours au Collège de France, a.a. 2008-2009 avec le titre Non pedum passibus, sed desideriis quaeritur Deus (saint Bernard). Que cherchaient les quêteurs du Graal ? http://www.college-de-france.fr/media/michel-zink/UPL11241_zink_res0809.pdf. « La perspective du cours sera cependant différente et moins ambitieuse. La question qu’il pose est de savoir pourquoi la recherche du Graal prend la forme de l’errance et de l’aventure chevaleresques. Pourquoi l’aventure chevaleresque plutôt que le pèlerinage ou que le recueillement de l’ermitage ou du cloître ? Pourquoi l’action comme voie d’accès à la contemplation ? Parce que la forme romanesque l’impose, parce que le Graal n’existe que dans des romans de chevalerie, dont il faut séduire les lecteurs ? Parce que la littérature médiévale tend à confondre la narration avec le déplacement et à considérer que le récit n’avance que si les personnages le font aussi ? Réponses trop simples, presque tautologiques. Au reste, ces romans n’ignorent et ne dédaignent ni le pèlerinage ni la vie religieuse. Ils y trouvent volontiers leur enracinement ou leur aboutissement. Et pourtant tout se joue autour de la Table Ronde qui réunit les chevaliers du roi Arthur : un lien de filiation l’unit audacieusement aux deux autres tables salvatrices que sont celle de la Cène et celle du Graal ».

73  Chrétien de Troyes 1994, 958. (Longobardi 2006, 2006b, 2006c).

74  http://www.canalacademie.com/ida258-Michel-Zink-Roman-et-poesie-au-Moyen-Age-la-foi-et-le-Graal.html où Zink déclare qu’un tel nom a été choisi aussi en honneur du musicien Déodat de Séverac (1872-1921), qui s’était formé à Toulouse.

75  « Repenser le Perlesvaus », Revue des Langues Romanes, 118, 1 (2014) e 119, 1 (2015).

76  (Zink 2014, 20) : « la pression des éditeurs, impressionnés par le succès mondial du Nom de la Rose et désireux de renouveler l’opération en dénichant un nouvel Eco ». Pour une analyse des sources de Baudolino, le plus philologique des romans postmodernes de Eco (du nom Borone qui rappelle Robert de Boron, à la Lettera del Prete Gianni), voir (Zambon 2012, 365-371).

77  Pour Calvino qui connaissait Tirant lo Blanch de Joanot Martorell, cf. (Capelli 2015).

78  (Calvino 1962).

79  (Barral 2001) : « À partir de 1967, Calvino s’installe dans le 14e arrondissement de Paris, Square de Châtillon, et y restera jusqu’en 1980… Admis à l’Oulipo lors de la réunion du 30 octobre 1972, il entame de nouvelles collaborations, notamment avec Raymond Queneau – dont il était déjà le traducteur – et Georges Perec… D’abord, il a déjà utilisé l’image de Paris avant 1974 (c’est-à-dire bien avant qu’il ne prétende n’avoir jamais écrit “sur” cette ville), dans deux de ses romans. Il s’agit du Barone rampante (de 1957) et du Cavaliere inesistente (de 1959) dans lesquels l’auteur exploite l’image de Paris, pour son passé historique et ses références culturelles. Il cavaliere inesistente présente, sur le modèle de L’Orlando furioso de L’Arioste (et plus précisément de l’épisode de “ Rodomont à la bataille de Paris ”) une description historique de la ville de Paris au Moyen Âge, et s’ouvre sur la description de l’armée des Francs que Charlemagne passe en revue “ sous les murs rouges de Paris » avant de partir guerroyer contre les Infidèles ”».

80  http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/psn/2135?lang=it. (Palazzo 2013), (Marsal 2010).

81  (Abiker 2010) : « Tel est le défi que se donnent trois auteurs, membres de l’Ouvroir de Littérature Potentielle, lorsqu’ils se tournent vers le Moyen Âge. En 1959, I. Calvino publie le volet conclusif de la trilogie Nos Ancêtres, Le Chevalier inexistant, dont l’action se déroule sous le règne de Charlemagne. En 1965, dans Les Fleurs bleues, Raymond Queneau imagine les voyages dans le temps du Duc d’Auge, vassal de Louis IX – Calvino traduira ce roman en italien à peine deux ans plus tard. En 1997, avec Le Chevalier Silence, Jacques Roubaud s’amuse à réécrire très librement le Roman de Silence, rédigé au xiiie siècle par Heldris de Cornouailles » (http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pup/2118?lang=it). (Ding 2012), (Koble, Séguy 2018).

82  Voir aussi (Plet 2005) ; dans ces actes il y a aussi l’article d’un auteur qui travaillera souvent en tandem avec Zink (Corbellari 2005).

83  (Calvino 1960, 266-267).

84  Ibidem, 338-339.

85  Chap. VI « Il s’approcha donc des villages. Il avait peu de chance d’y trouver la trace d’Yvain. Comme s’ils cheminaient dans leur rêve, les chevaliers errants passaient au large, restaient dans la forêt, et allaient solitaires de château solitaire en château solitaire » (Zink 2002b, 67).

86  Même si elle n’équivaut pas exactement à paysan ou serf, la distance sociale et anthropologique est la même que celle décrite dans l’Yvain comme un véritable monstre, différent de l’être humain, vv. 286-328.

87  « Torrismondo … s’avventò su un cavaliere strappandogli il maltolto. … Ora ricacciava i Cavalieri fuor delle case….Sei cavaliere ma generoso ! Finalmente ce n’è uno ! … Neanche noi sapevamo nulla, neppure d’essere persone umane, prima di questa battaglia » (Calvino 1960, 339-340) ; cf. la comparaison avec Kurosawa (I sette samurai 1954) qui est établie par (Mancini 2006, 26-28).

88  https://diacritiques.blogspot.it/2015/06/laimable-moyen-age-de-michel-zink.html. Jugement exprimé à propos d’une œuvre efficace, élégante et d’une très bonne divulgation (opération à laquelle nous ne sommes pas très portés en Italie), (Zink 2015) : « En nous y souhaitant la Bienvenue, Michel Zink nous invite à une relecture de cette littérature qui a laissé tant de mauvais souvenirs à des générations d’écoliers !… On pourrait ne pas être convaincu du titre un peu touristique “ Bienvenue à … “ de ce petit livre à la couverture chromo (église en ruine sous ciel étoilé). Et l’on aurait bien tort, car on sort aussi ravi qu’instruit de cette lecture pleine des charmes de son époque ».

89  « Le loufiat avait repéré dans ma voix une pointe d’accent méridional. Marseille ou Toulouse, Provence, Languedoc ou Gascogne, pour lui c’était tout un : dans le Midi, on a un accent qui fait rire » (Zink 2007, 138).

90  (Zink 1996).

91  Il trace un portrait de son activité scientifique dans (Zink 1996, 28-29).

92  Dans Un portefeuille toulousain, il prêtera ces vêtements à Frappier : « C’était un petit homme vif, entièrement chauve, soigneusement vêtu d’un costume trois pièces bleu marine », (Zink 2007, 142).

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Pour citer cet article

Référence papier

Monica Longobardi, « Der Professorenroman : Michel Zink entre philologie et invention »Revue des langues romanes, Tome CXXII N°2 | 2018, 387-422.

Référence électronique

Monica Longobardi, « Der Professorenroman : Michel Zink entre philologie et invention »Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXXII N°2 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 16 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rlr/1170 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rlr.1170

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Auteur

Monica Longobardi

Università di Ferrara

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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